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Intervention de Jean-Louis Borloo

Réunion du 24 juin 2008 à 15h00
Responsabilité environnementale — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat après déclaration d'urgence

Jean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je suis très heureux de vous présenter ce projet de loi, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, qui nous rejoindra plus tard.

Ce texte s'inscrit dans le prolongement des débats du Grenelle de l'environnement, puisqu'il traite de questions qui ont déjà été abordées par les groupes de travail et, parfois, par les comités opérationnels, notamment en ce qui concerne la responsabilité, la lutte contre les pollutions, la préservation de la biodiversité et l'indemnisation. En outre, il permet de transposer enfin une grande partie d'une directive communautaire innovante, mais complexe.

Grâce à ce projet de loi, et grâce au travail effectué par les députés et les sénateurs, notre pays complète la transposition du droit communautaire au moment où, à la veille de la présidence française de l'Union européenne, nous nous trouvons soumis à une véritable obligation d'exemplarité. En effet, plus nous serons exemplaires dans notre droit et nos politiques publiques, plus nous serons crédibles dans les discussions à venir sur le climat, la consommation durable et l'écoconception.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais préciser certains points. Le titre Ier est consacré à la transposition de la directive 200435CE du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en matière de prévention et de réparation des dommages environnementaux. Je rappelle que cette directive devait être transposée avant le 30 avril 2007, mais, à ce jour, elle ne l'a été que par une douzaine d'États membres. Les autres, dont la France, ont reçu de la Commission les mises en demeure, puis les avis motivés qui sont automatiquement adressés lorsque les échéances de transposition sont dépassées.

De ce fait, nous étions confrontés à deux exigences contradictoires : il fallait, d'un côté, mettre notre droit en conformité avec le droit européen dans de brefs délais, de l'autre, organiser un débat approfondi et de qualité sur des questions souvent complexes. Sans vouloir préjuger du résultat de vos travaux, il me semble que ce double pari a été tenu, puisque ce texte a fait l'objet d'une large consultation en 2006 et 2007, auprès des administrations, des organisations professionnelles, des associations et des élus.

La transposition de la directive européenne sur la responsabilité environnementale est importante. Elle engage une véritable révolution philosophique, économique et écologique, en mettant en oeuvre l'un des principes essentiels de la Charte de l'environnement, le principe du « pollueur-payeur ». Pour la première fois, la loi – et non la jurisprudence – affirme l'existence d'un préjudice écologique, indépendamment du seul préjudice économique. Pour la première fois, le droit français reconnaît que la biodiversité a bel et bien un prix, qu'elle rend des services à la collectivité et que ces services doivent être, dans la mesure du possible, valorisés.

Le projet de loi sur la responsabilité environnementale permet ainsi d'inscrire dans notre droit la prévention et la réparation de tous les dommages écologiques purs, comme la pollution des sols, les atteintes à la qualité des eaux de surface et des eaux souterraines, ou les atteintes à la préservation des espèces et des habitats naturels protégés. En évoquant les notions de juste prix écologique, de valorisation des services rendus par la biodiversité, d'équilibre entre droits et devoirs de chacun, de responsabilité et de changement de paradigme, nous nous plaçons bien au coeur des préoccupations du Grenelle de l'environnement.

Ce texte va plus loin qu'une simple indemnisation, puisqu'il impose une obligation de prévention et de réparation à l'exploitant dont l'activité présente une menace potentielle pour l'environnement. L'exploitant devra en effet prendre les mesures nécessaires afin d'éviter tout risque de dommage environnemental, et, en cas d'accident, son obligation inclura la réparation des dommages et la remise en état des habitats naturels, des milieux protégés, la préservation des espèces. En cas de carence, le représentant de l'État pourra l'obliger à agir, voire, dans les cas extrêmes, se substituer à lui.

En conséquence, cette transposition crée un nouveau régime de responsabilité pour les dommages environnementaux les plus graves, qui ne se substituera pas pour autant au droit existant, lequel assure déjà un certain niveau de protection et de prévention pour les dommages inévitables. Le nouveau dispositif concernera uniquement les dommages qui ne relèvent pas d'un régime de responsabilité déjà en vigueur, comme les dommages aux biens et aux personnes, les dommages couverts par certaines conventions internationales relatives au transport maritime d'hydrocarbures ou de substances chimiques dangereuses, les dommages relatifs aux activités nucléaires, ou les dommages étendus ou diffus, dont les auteurs sont trop nombreux pour qu'une définition et une répartition de leur responsabilité soient possibles.

Je précise que le Gouvernement a décidé que les exploitants bénéficiant d'une autorisation d'exploitation ne seront pas exonérés de toute responsabilité, la transposition de la directive européenne visant à mettre en place un cadre incitatif pour toutes les activités. Toutefois, afin d'échapper à la charge financière de la réparation, les exploitants pourront invoquer le risque de développement, sous réserve qu'ils prouvent qu'ils n'ont commis aucune faute ou négligence.

Le texte soumis à votre examen atteint un équilibre reconnu aussi bien par les représentants des professionnels que par les organisations non gouvernementales. Il pose les bases d'un dialogue constructif entre l'exploitant et l'autorité compétente – en l'occurrence le préfet du département –, les mesures contraignantes n'intervenant que s'il n'existe aucune autre solution pour garantir la sécurité de chacun.

Je me félicite que les amendements proposés par votre commission, sur la base de l'excellent travail de son rapporteur Alain Gest, non seulement préservent, mais renforcent encore cet équilibre. Le nouveau dispositif de police administrative mis en place par le titre Ier ne dépasse pas les exigences de la directive tout en préservant l'acquis législatif et réglementaire français, notamment en matière de prévention et de réparation des dommages.

J'en viens au titre II, qui regroupe les dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement. Les objectifs sont globalement identiques à ceux du titre Ier : améliorer la conformité de notre législation environnementale avec les règles communautaires et réduire les risques de contentieux pour retard ou défaut de transposition. Cette partie du projet est le fruit de plusieurs amendements déposés par la commission des affaires économiques du Sénat, par plusieurs membres de la Haute assemblée et par le Gouvernement.

Au terme de débats très riches, malgré l'urgence, malgré la complexité et la technicité des textes, nous sommes parvenus, là encore, à d'importantes avancées en matière de transposition et, plus largement, de protection de l'environnement. Je n'en prendrai que quelques exemples.

L'article 6 du projet de loi permet de transposer dans sa totalité – aucune disposition réglementaire complémentaire n'étant nécessaire – la directive 200535CE « relative à la pollution par les navires et à l'introduction de sanctions en cas d'infractions ». Il s'agit d'un grand progrès et d'une réponse très concrète à une préoccupation récurrente et légitime de nos concitoyens, alors que l'affaire Erika est encore dans tous les esprits.

L'article 7 comporte, quant à lui, des dispositions qui complètent la transposition de deux directives traitant du sujet, tout aussi sensible, de la qualité de l'air. Le volet réglementaire qui doit les mettre en oeuvre devrait être publié dans des délais raisonnables.

L'article 8 apporte des compléments et des précisions cruciales pour la transposition de trois directives concernant la lutte contre le changement climatique.

L'article 9 contribue à parfaire la transposition de la directive de 1998 sur les produits biocides et la mise en conformité de notre droit avec plusieurs règlements communautaires dans le même domaine. Là encore, l'attente du public est très forte en matière de transparence, de sécurité, d'information et de prévention.

L'article 10 complète la transposition de la directive de 2002 sur le traitement des déchets d'équipements électriques et électroniques, et introduit, conformément à un règlement communautaire sur les polluants organiques persistants, des sanctions pénales.

L'article 11 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour adapter notre législation à un règlement communautaire de 2006 consacré aux transferts de déchets.

L'article 12 habilite également le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour adapter notre législation à cinq autres règlements, dont le très important « REACH », relatifs aux substances et produits chimiques, tels certains gaz à effet de serre fluorés, les polluants organiques persistants ou autres substances qui appauvrissent la couche d'ozone.

Ces adaptations extrêmement techniques seront vite finalisées et le Parlement sera dûment associé à leur mise en oeuvre, depuis l'élaboration des ordonnances jusqu'à leur ratification.

L'article 13, enfin, aborde le sujet très délicat de la protection des espèces et des habitats naturels envisagée par la directive Habitats Faune Flore de 1992 . Nous devons rapidement nous mettre en conformité avec certaines dispositions de celle-ci, qui ont d'ailleurs été précisées par la jurisprudence de la Cour de justice ; il faut éviter que la Cour, qui a été saisie le 2 juin de cette question, ne nous impose des contraintes trop fortes.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je sais que nous travaillons un peu dans l'urgence et dans des conditions parfois difficiles, mais nous devons impérativement rattraper notre retard avant que ne débute, dans quelques jours, la présidence française de l'Union européenne.

À nouveau, je tiens à remercier vivement votre rapporteur, M. Alain Gest, et les membres de la commission des affaires économiques qui, au terme d'un travail de consultation considérable, se sont complètement approprié ce texte et l'ont complété et amélioré sur de nombreux points.

Nous resterons extrêmement vigilants dans l'élaboration des textes réglementaires nécessaires à l'achèvement des transpositions ou des adaptations, afin de concilier l'exigence de rapidité avec celle de transparence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

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