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Intervention de Marylise Lebranchu

Réunion du 24 juin 2008 à 15h00
Responsabilité environnementale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarylise Lebranchu :

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, je m'exprimerai brièvement sur le point que vient de soulever Jean Launay, non sans avoir rappelé que, souvent, c'est en transposant des directives que nous faisons des progrès en matière de protection de l'environnement.

Je pense que nos gouvernements, toutes tendances confondues, n'ont pas suffisamment écouté les écologistes. Nous avons toujours été stimulés par les directives européennes ; je pense à Natura 2000, même si ce fut très difficile. C'est encore le cas aujourd'hui avec cette transposition. Elle est intervenue trop vite, tout a été dit sur ce point. Cela étant je veux vous faire part de mes inquiétudes et de mes interrogations sur le texte qui nous est présenté.

A l'article 4 bis, sur lequel le rapporteur a fait un travail intéressant, vous avez, semble-t-il, tiré les conséquences de l'arrêt du TGI de Paris du 16 janvier 2008 sur l'Erika, en donnant aux collectivités locales la possibilité d'ester en justice non seulement pour les biens dont elles sont propriétaires, mais également pour leur territoire.

Je pense que cet article manque de précision car il ignore tout ce qui porte atteinte à l'image d'une région ou d'un territoire. Nous savons bien, pour l'avoir malheureusement vécu à plusieurs reprises, qu'après une grave pollution, il faut des années pour qu'un territoire retrouve une image positive, en termes touristiques, et pour convaincre ceux qui n'y vivent pas qu'ils peuvent revenir, malgré les images catastrophiques qu'ils ont vues à la télévision. C'est donc un élément important.

Nous reprenons également, dans cette transposition, les dispositions de la convention Marpol qui fixent un cadre juridique commun aux sanctions administratives et pénales en cas de déversement de substances polluantes. La transposition est acceptable, mais nous aurions pu en profiter, à la veille de la présidence française de l'Union, pour reprendre la discussion sur cette convention. Ce n'est pas parce que nous avons tous signé ce texte utile, bien qu'insuffisant, qu'on ne peut demander à l'Europe, après cette directive tout aussi intéressante, d'améliorer une convention qui a montré toutes ses insuffisances.

Le Sénat a fait le choix de la directive plutôt que de la convention, en dépit de certains problèmes juridiques liés à l'application des conventions internationales. Au motif d'aligner le régime répressif des navires étrangers dans les eaux territoriales et le régime français, le dispositif que nous nous apprêtons à voter supprimera les peines de prison pour les responsables de navires, mais augmentera le montant des amendes. Je ne sais pas si cela améliorera les choses, et je souhaite, monsieur le ministre d'État, que vous nous donniez des explications à ce sujet.

Je pense qu'il est préférable, en cas de catastrophe écologique, d'instaurer des amendes. Nous allons donc instaurer de nouveaux plafonds : faut-il lier l'amende à la valeur du navire ? Sur ce point, je comprends la motivation de ceux qui ont investi dans un bateau neuf. Soyons prudents, car, à chaque fois que l'on introduit un plafonnement, il a des conséquences juridiques inattendues.

Enfin, je souhaite que nous nous interrogions sur la responsabilité des maisons mères telle qu'elle est prévue dans d'autres articles de ce texte.

Lors du procès de l'Erika, nous avons vu à quel point il était difficile de retracer la chaîne des responsabilités. Ne craignez-vous pas que le nouveau droit ouvert par cette transposition ne pousse certains affréteurs, pour assurer le transport d'hydrocarbures, de liquides ou de produits chimiques très dangereux, à multiplier les filiales afin que l'on ne puisse pas retrouver les responsables ? Au cours du procès de l'Erika, nous nous sommes réjouis de ce que la responsabilité personnelle de celui qui commandait le navire – à savoir s'il avait, oui ou non, fait les gestes de nature à éviter la catastrophe – n'était pas la seule engagée.

Nous avons réussi à définir les responsabilités des affréteurs, notamment quant au choix de la compagnie à qui les produits ont été confiés, mais, lorsque nous nous trouverons devant des filiales en chaîne, comment ferons-nous ? Qui sera responsable, de quoi et dans quel pays ? J'attends que vous me répondiez sur ce point, monsieur le ministre d'État, car je crains que, par souci de clarification, la jurisprudence n'aille dans ce sens.

Même si nous sommes très prudents – je vous rappelle qu'il y a eu appel – je crains que cette transposition n'offre des possibilités d'échapper à la sanction. Or, si les pollutions aux hydrocarbures sont très graves, monsieur le ministre d'État, vous savez comme moi que nous ne sommes pas à l'abri de pollutions encore plus graves, quand on sait ce que transportent les bateaux.

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