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Intervention de André Chassaigne

Réunion du 24 juin 2008 à 15h00
Responsabilité environnementale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Tout le monde, hormis notre collègue Patrick Roy, connaît ce monument à la fois littéraire et juridique que constitue l'article 1382 de notre code civil. (Rires.) C'est en effet une bonne partie de notre régime de responsabilité qui repose sur cette simple maxime.

Or, la directive européenne du 21 avril 2004, que l'on nous demande de transposer aujourd'hui vise à étendre cette responsabilité civile, qui concerne le dommage à autrui, aux préjudices qui affectent le milieu naturel.

Il faut véritablement se féliciter de cette grande avancée. Par cette directive, l'environnement n'est en effet plus appréhendé en fonction des conséquences immédiates sur l'homme, en particulier sur sa santé, ou sur la nature conçue à la manière d'une série de paysages ; l'environnement est envisagé en lui-même, la directive lui conférant une valeur de patrimoine dont l'homme a la charge, et dont il est, par conséquent, responsable.

Cette vision patrimoniale est fondamentale car elle prend en considération un bien à préserver pour les générations à venir, et pas seulement pour les intérêts de court terme des générations présentes. C'est d'ailleurs toute la richesse de cette belle notion de biodiversité, qui souligne la pluralité du vivant à protéger.

Cette responsabilité vis-à-vis d'un bien collectif va à rencontre de la logique de l'intérêt égoïste dont parlait mon collègue Yves Cochet, logique qui prédomine aujourd'hui et qui veut que chacun soit seulement responsable des biens dont il a la propriété ainsi que des dommages qu'il a causés aux biens appartenant à autrui. Aussi tous les biens qui n'appartiennent à personne et à tout le monde – et ils sont légion dans le milieu naturel – échappent-ils à toute responsabilité, l'État se contentant d'en protéger les éléments les plus remarquables. La directive se situe, au contraire, dans la logique d'une responsabilité à la fois individuelle et collective qui dépasse les limites du droit de propriété. Toutefois, mes chers collègues, je n'irai tout de même pas jusqu'à affirmer que nous sommes aux portes du communisme ! (Sourires.)

La prise en compte exclusive de la nocivité pour l'homme, propre à la vision traditionnelle du droit de l'environnement, implique que les dommages sont appréhendés en fonction de leur origine. Il en est ainsi des déchets, des substances dangereuses, des OGM ou encore des objets bruyants. En effet, seules les causes ayant des conséquences notoirement dangereuses pour l'homme sont alors prises en compte. Une telle approche est certes utile et concrète, et il faut bien entendu continuer à la défendre, mais, pour mieux protéger le milieu naturel, il convient d'aller plus loin en faisant des éléments de la nature des sujets de droit au même titre que les personnes humaines.

C'est pour cette raison que la directive vise explicitement les habitats naturels et les espèces protégées : ce sont des ressources non encore domestiquées au seul profit de l'homme. Leur préservation répond à un impératif d'intérêt général qui ne peut se résumer en une somme d'intérêts particuliers. C'est d'ailleurs sur le fondement de cet intérêt général que je proposerai, lors de l'examen des amendements, l'établissement d'un véritable délit d'atteinte à l'environnement. Selon moi, devrait être considéré comme coupable toute personne qui a, par inattention, imprudence ou négligence, porté atteinte de façon grave et irréversible, directement ou indirectement, à l'équilibre du milieu naturel. Cette responsabilité pénale viendrait compléter la responsabilité civile mise en oeuvre par le projet de loi.

J'ai parlé du respect du milieu naturel pris comme un tout. Les critères de gravité du dommage figurant dans l'annexe I de la directive attestent de cette approche conçue en termes d'équilibre écologique globale dont l'homme n'est qu'un élément, un simple élément, à travers une vision que l'on pourrait qualifier de « cosmique ». Ainsi, c'est l'état de conservation favorable des espèces et habitats naturels qui est pris en considération en tenant compte des aspects quantitatifs et qualitatifs des espèces concernées. De même, la gravité de la dégradation des eaux n'est appréciée que par référence à leur état écologique, chimique ou quantitatif, ou à leur potentiel écologique, sans en évaluer la conséquence immédiate sur l'activité de l'homme. La notion de service écologique d'une ressource au profit d'une autre témoigne aussi de cette vision globale de l'environnement.

Seuls les sols sont considérés uniquement en fonction de l'incidence de leur état sur la santé humaine, et on peut le déplorer. On tarde en effet à intégrer le fait que les sols constituent en eux-mêmes des organismes vivants qui interagissent avec le reste de l'écosystème.

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