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Intervention de Jean-Claude Fruteau

Réunion du 24 juin 2008 à 15h00
Responsabilité environnementale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Fruteau :

L'Assemblée nationale est aujourd'hui appelée à examiner le projet de loi adopté par le Sénat, après déclaration d'urgence, relatif à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement. À titre personnel, je ne peux que regretter la technicité de ce texte qui phagocyte le débat et le cantonne dans un champ tout à fait restreint, alors que l'importance du sujet et l'ensemble des dispositions auraient mérité une véritable discussion.

Monsieur le ministre d'État, si les socialistes peuvent s'accorder avec vous sur la nécessité de responsabiliser les producteurs et les utilisateurs, ils ne peuvent être tout à fait d'accord sur la méthode, non plus que sur la portée et l'ampleur des sanctions. Ainsi, la mise en oeuvre du principe « pollueur-payeur » contenue dans le texte est largement en deçà des ambitions que vous aviez pu ici ou là développer. En effet, s'il est très important que les pollueurs soient les payeurs – personne ne peut dire le contraire –, il est tout aussi primordial que ceux qui n'ont pas pollué ne soient pas, finalement, invités à payer la note.

À cet égard, vous l'aurez compris, je déplore vivement la faiblesse du montant des amendes contenues dans l'ensemble du texte au regard de la taille et du chiffre d'affaires de la très grande majorité des entités susceptibles d'être concernées. J'espère que notre assemblée en prendra conscience, et qu'en adoptant nos amendements, elle transformera ce projet en un texte plus ambitieux et aussi plus courageux : j'espère par exemple qu'elle ne limitera pas les responsabilités pécuniaires et pénales aux seules filiales responsables, et qu'elle les élargira à l'ensemble du groupe concerné ainsi qu'aux actionnaires.

Cette problématique est à mon avis essentielle. Quel serait en effet le scénario en cas de faillite de la filiale ? La réponse est simple : les collectivités territoriales, éventuellement un peu aidées par l'État, devront assumer les conséquences d'actes irresponsables. Les contribuables locaux seraient ainsi les uniques victimes d'une véritable double peine : déjà affectés par la pollution de leur espace, ils devraient en plus mettre la main à la poche pour suppléer les carences des entrepreneurs privés. Sur ce point comme sur bien d'autres, la justice sociale voudrait que les responsabilités soient pleinement assumées par les auteurs des dommages.

Permettez-moi d'élargir le propos. Si je ne peux que partager globalement la démarche entreprise ainsi que la volonté affichée par le Gouvernement en faveur de la protection de l'environnement, je déplore les atermoiements entre les annonces et les actes concrets. À cet égard, j'ai pris acte des changements d'agenda pour le projet de loi de programmation du Grenelle de l'environnement ; ces changements attestent peut-être les difficultés que vous rencontrez dans la mobilisation des moyens financiers et techniques nécessaires pour traduire en acte les ambitions affichées. Une fois n'est pas coutume, à la célérité des annonces médiatiques et à l'espoir suscité par la promesse de mesures volontaristes dans le domaine de la protection de l'environnement succède le pragmatisme de la réalité budgétaire. Cette réalité vous a rattrapé, et j'ai bien peur qu'elle ne vous bride durablement.

Transposer des directives européennes à tour de bras, au besoin par la voie des ordonnances, afin d'éviter le débat parlementaire, c'est une chose ; les rendre effectivement applicables et en assurer parfaitement le suivi en est une autre. En veut-on un exemple ?

Dans le département de La Réunion, huit communes sur vingt-quatre et quelques opérateurs privés se sont vu signifier récemment leur mise en examen pour non-respect de la directive européenne imposant la mise aux normes des stations d'épuration. Le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, interrogé ici même par une députée, a généreusement annoncé une aide exceptionnelle de l'État de 60 millions d'euros, alors que le chiffrage de l'ensemble des investissements nécessaires est évalué à plus de 365 millions d'euros : 60 millions sur 365, cela représente seulement 17 %. Est-ce cela, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, que l'on appelle assumer ses responsabilités ?

Quand on connaît les retards de développement à La Réunion et la situation budgétaire de la plupart de nos communes, il est illusoire de croire – ou hypocrite d'affirmer – que la loi sera effectivement respectée et appliquée. Je ne prône pas ici l'irresponsabilité en matière d'environnement. Bien au contraire, je souhaite plus de responsabilité, mais encore faut-il en avoir la volonté et, surtout, s'en donner les moyens.

Prendre ses responsabilités, dans tous les domaines mais surtout en matière d'environnement, ce n'est pas seulement légiférer à l'emporte-pièce pour ne pas apparaître comme le mauvais élève de l'Union européenne à quelques jours de la présidence française ; ce n'est pas seulement distribuer des bons points aux uns et stigmatiser les autres. Il faut, comme pour toute autre politique, une implication financière forte, faute de quoi les ambitions affichées resteront à jamais de beaux discours sans effet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

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