Loin du « pollueur-payeur » institué par la directive, vous mettez en place, monsieur le ministre, le principe du « pollueur-non-payeur » et du « contribuable-payeur ». Ce nouveau dispositif illustre les limites que mes collègues du groupe socialiste avaient mises en évidence lors de l'adoption de la Charte de l'environnement.
L'article L. 161-1 dispose ensuite que le dommage causé au sol n'est pris en compte que dans la mesure où la pollution aurait un risque d'incidence « négative grave » sur la santé humaine. Il est anormal d'écarter du dispositif toutes les autres pollutions des sols sous prétexte qu'elles ne nuiraient pas à la santé des êtres humains.
Ce projet aurait encore dû préciser le régime de responsabilité : le fait générateur, le lien de causalité ou la charge de la preuve. Les exonérations de responsabilité sont ici trop extensives. À l'article L. 161-2 par exemple, nous ne pouvons que regretter l'étendue des exclusions, notamment celles qui visent la pollution aux hydrocarbures, alors que les indemnisations par le FIPOL des dommages du Prestige ont été notoirement insuffisantes et ont montré les limites des dispositions internationales. Certes, la jurisprudence de l'Erika a ouvert des perspectives intéressantes pour la reconnaissance du dommage à l'environnement, mais le législateur que nous sommes doit consacrer celle-ci par la loi. Nous sommes également défavorables à un repli sur les conventions internationales pour ce qui concerne les dommages causés par les centrales nucléaires, en particulier quand ces conventions sont moins précises et moins contraignantes que le dispositif que nous pourrions mettre en place.
L'alinéa 103 instaure un « risque de développement » permettant d'exonérer l'exploitant, qui ne supporte pas les coûts de réparation lorsqu'il apporte la preuve qu'il n'a pas commis de faute et que le dommage résulte d'une activité qui n'était pas considérée comme susceptible de causer des dommages à l'environnement compte tenu de l'état des connaissances scientifiques lors de l'accident. Si cette théorie du risque de développement est déjà inscrite dans le droit français, elle ne s'applique qu'aux produits défectueux, selon le principe de responsabilité pour faute présumée. Les dispositions de cet alinéa constituent une grave régression du droit de l'environnement et doivent donc être supprimées.
Enfin, le projet de loi ne comporte, d'une part, aucun système d'alerte ou lanceur d'alerte et, d'autre part, aucune disposition visant à créer et à encourager le développement des garanties financières et des assurances, contrairement aux recommandations de la directive. À l'occasion de la transposition de cette même directive, nos voisins espagnols et allemands ont mis en place un tel système de garanties financières, qui a le mérite de contraindre les entreprises à attribuer un prix aux dommages environnementaux qu'elles sont susceptibles de provoquer. Cette disposition permettrait aussi aux entreprises de prendre en compte le coût d'un dommage, les encourageant ainsi à le réduire.
Vous proposez, à l'article 9 du projet de loi, de transposer la directive relative aux biocides. Nous déposerons un amendement de suppression de cet article en application du principe de précaution. En effet, vous n'apportez pas d'assurances suffisantes sur son efficacité pour l'ensemble des biocides et vous ne prévoyez aucune étude d'impact. Par ailleurs le dispositif repose sur l'Agence de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, dont l'avenir n'est pas assuré.
Quant à l'article 12 du projet, qui prévoit la transposition par ordonnance du règlement REACH, je vous rappelle que ce règlement rend obligatoire l'enregistrement et l'évaluation, d'ici à 2018, de plus de 30 000 substances chimiques. Son champ d'application est vaste, puisqu'il couvre presque toutes les substances chimiques fabriquées ou importées dans l'Union européenne dans des volumes dépassant une tonne par an. Il aura un immense impact sur la santé des citoyens et des travailleurs exposés à ces produits. Étant donné les conditions d'élaboration du règlement REACH et le poids des lobbies industriels lors des négociations européennes, cette question mériterait un travail parlementaire sérieux en amont, que vous nous refusez par crainte que le débat sur le règlement REACH ne s'apparente à celui que nous avons eu dans cet hémicycle sur les OGM.
Enfin, à l'article 13, nous ne pouvons que regretter que la participation des associations de protection de l'environnement à l'élaboration des listes de plans et des projets soumis à l'étude d'incidence ne soit pas autorisée.
Monsieur le ministre, le projet de loi que vous nous présentez suit une constante : limiter le principe « pollueur-payeur » à sa plus simple expression pour répondre favorablement aux demandes des industriels. Vous arbitrez toujours pour l'économie contre l'écologie.
En conclusion, le groupe socialiste réserve son vote définitif sur ce texte en fonction de la bonne volonté du Gouvernement et du rapporteur, et du sort qui sera réservé à nos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)