Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 26 janvier 2010 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • enquête
  • inceste
  • instance

Sommaire

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement s'apprête, encore dans la discrétion, élections régionales obligent, à réformer les retraites en pénalisant, une fois de plus, les salariés – et les propos lénifiants du Président Sarkozy n'ont pas rassuré.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Augmenter les cotisations, allonger leur durée, repousser l'âge de la retraite, voilà le prix du « sauvetage » à la sauce libérale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Voilà votre modernité revendiquée.

En 1993, la modernité, c'était la réforme Balladur. Résultat : une baisse de 20 % des pensions. Aujourd'hui, vous vous réclamez toujours de la modernité mais c'est l'injustice que vous servez.

Vous voulez faire travailler plus longtemps mais les seniors ne sont-ils pas chassés des entreprises ? La BNP n'a-t-elle pas un plan de départ de 1 200 salariés seniors ? Aujourd'hui, seulement 45 % des salariés liquident leur retraite avec une carrière complète. Demain, ils ne seront plus que 40 % car, et c'est là le piège qui est tendu, en retardant le moment où les salariés peuvent prétendre à une retraite à taux plein, vous augmentez mécaniquement le nombre de salariés partant avec une carrière incomplète et une retraite amoindrie.

Aujourd'hui encore, vous ponctionnez sans vergogne les mutuelles et les revenus des retraités sont inférieurs d'un tiers à ceux des actifs. Demain, les retraités pauvres seront encore plus nombreux.

Vous dites « modernité » ? Le peuple vous répond « injustice ! ».

La justice, ce serait de financer le régime en faisant cotiser les revenus du capital autant que ceux du travail, ce serait de réformer l'assiette des cotisations, ce serait de faire cotiser la valeur ajoutée plutôt que les salaires – au passage, l'emploi y gagnerait.

Cette réforme est la clef, la seule, de la réussite pour sauver le régime de retraite par répartition ; mais choisirez-vous cette solution au moment où Mme Parisot réclame plus de capitalisation ? N'espérez pas, monsieur le Premier ministre, trouver dans nos rangs des supplétifs pour collaborer à votre entreprise. Parlez plutôt dès maintenant de votre projet, les Français sont impatients. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville

Monsieur le député, la question des retraites n'est pas une question théorique.

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville

Ce n'est pas une question de principe, ni même d'idées générales.

Il s'agit tout simplement de savoir si nous pourrons garantir à nous-mêmes et surtout à nos enfants et aux enfants de nos enfants, des principes de solidarité qui ont prévalu depuis de très nombreuses années.

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville

Voilà pourquoi je trouve un peu surprenant que vous posiez cette question. L'absence de réponse qui a marqué, me semble-t-il, les années passées…

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville

…a surtout été le meilleur moyen de se prémunir contre toute réforme et de créer en conséquence une situation qui sera supportée par les générations futures.

Je constate d'ailleurs que, Dieu merci, la majorité plurielle des années 2000 a aujourd'hui un avis pluriel…

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville

…puisque la première secrétaire du parti socialiste a exprimé une volonté de bouger – qui n'a pas d'ailleurs été confirmée par tous les porte-parole. En tous les cas, il me semble, comme l'a dit le Président de la République hier soir, que des convergences se dessinent.

Pour ce qui nous concerne, nous prendrons nos responsabilités. Elles sont simples, nous n'avons qu'une ambition : sauvegarder le principe de répartition. Cela supposera évidemment, de jouer sur tous les leviers : la durée de cotisation,…

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville

…l'âge de départ à la retraite,…

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville

…et évidemment la pénibilité, qui est aussi une question de justice sociale.

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville

La majorité, derrière le Premier ministre, prendra dans cette affaire, je vous l'assure, toute sa responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Olivier Jardé, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

Ma question, à laquelle je voudrais associer mes collègues Préel, Vigier et Demilly, s'adresse à Mme la ministre de la santé et des sports.

Madame la ministre, le bisphénol est un produit chimique qui entre dans la composition de nombreux plastiques eu égard à ses qualités thermiques et mécaniques. On le trouve un peu partout : non seulement dans les canalisations, les bouteilles, la vaisselle, mais également et surtout dans les biberons.

À doses importantes, le bisphénol est cancérigène. On s'interroge beaucoup sur ses effets aux États-Unis, en Italie, au Japon, et même au Canada, où il est interdit dans la composition des biberons. En France, une équipe de l'INSERM de Nice a montré que, même à doses relativement faibles, le bisphénol présentait des risques cancérigènes et avait des effets sur les intestins. On retrouve ce produit chez 90 % des Français au niveau des urines et dans l'alimentation. Parallèlement, l'AFSSA – l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments – évoque l'innocuité de cette substance.

Madame la ministre, face à ces avis divergents, quelle est votre position sur ce problème majeur de santé publique ? Ne faut-il pas envisager d'appliquer le principe de précaution pour la fabrication des biberons et des jouets destinés à nos enfants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Monsieur Jardé, le bisphénol A fait l'objet d'une surveillance tout à fait particulière et attentive de la part des autorités sanitaires. En avril 2008, j'avais demandé une étude à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments – l'AFSSA – et, au mois d'octobre 2008, celle-ci a conclu à l'innocuité des biberons fabriqués à base de bisphénol A, même quand ils étaient chauffés.

Il y a quelques jours, nous avons été alertés par une étude de la Food and drug administration – la FDA – qui conclut à des effets potentiels sur le cerveau et la prostate des bébés et des foetus. Bien sûr, ces études ont été réalisées sur des animaux et l'agence américaine nous demande d'être très prudents quant à l'extrapolation que l'on pourrait en faire pour les êtres humains. Néanmoins, je considère que c'est un signal d'alerte dont il faut tenir compte.

J'ai donc demandé à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments de poursuivre ses études. Par ailleurs, j'ai commandé, il y a déjà plusieurs mois, une expertise collective à l'INSERM, qui est menée avec les différentes agences, pour parfaire notre connaissance sur ce sujet. Dans quelques semaines, nous aurons les résultats des études qui ont été menées par l'AFSSA, au vu de la littérature internationale, ainsi que par l'INSERM, et nous prendrons les mesures de gestion qui s'imposent avec Chantal Jouanno, Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, et Valérie Pécresse, ministre de la recherche. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Monsieur le Premier ministre, hier soir à vingt heures quatorze, en direct sur TF1, le Président de la République s'exprimait ainsi : « Lorsque le Gouvernement a désigné Henri Proglio j'ai veillé, alors que je n'y étais pas obligé, à soumettre ce choix aux commissions économiques et financières de l'Assemblée et du Sénat, auxquelles appartient l'opposition. Toutes tendances politiques confondues, le Parlement a dit : " C'est vraiment le bon choix ! " ».

Monsieur le président de l'Assemblée nationale, vous auriez dû réagir à cette double inexactitude énoncée devant des millions de téléspectateurs par Nicolas Sarkozy. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Même les députés de l'UMP ne pourront pas me démentir.

Premièrement, à l'Assemblée nationale aucun avis n'a été exprimé. Il n'y a même pas eu de compte rendu de l'audition de M. Proglio puisque celle-ci s'est déroulée à huis clos.

Deuxièmement, il n'y a pas eu de vote non plus sur la nomination du nouveau président d'EDF. Cela a été explicitement refusé par les présidents des commissions des affaires économiques de l'Assemblée nationale et du Sénat. Et pourtant, par lettre du 15 octobre 2009, j'avais moi-même demandé au président de cette commission, au nom du groupe socialiste, d'appliquer l'article 13 de la Constitution nous donnant la possibilité d'émettre un avis public sur cette nomination à la présidence de la plus grande entreprise publique de France.

Le 20 octobre dernier, le président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, m'indiquait : « Je suis au regret de ne pouvoir accéder à votre demande à la fois pour des raisons de principe et parce que la procédure mise en place n'est pas encore stabilisée. »

Monsieur le Premier ministre, comment expliquer que le Président dise aux Français que le Parlement a donné son avis alors qu'il n'y a pas eu d'avis, alors que ce vote nous a été refusé ? (« C'est scandaleux ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Le rôle du Parlement serait-il devenu tellement inutile que le Président de la République suppose toujours son avis acquis même lorsque celui-ci n'est pas sollicité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Fillon, Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, ce qui est formidable avec le parti socialiste, c'est qu'il ne voulait pas de la réforme de la Constitution, qui n'était pas suffisante à ses yeux, mais qu'il en réclame en permanence l'application anticipée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

La vérité, c'est que si cette majorité n'avait pas voté, avec quelques personnalités éclairées, la révision de la Constitution, jamais la question de la nomination des responsables des grandes entreprises publiques n'aurait été posée au Parlement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Alors, commencez par remercier cette majorité d'avoir eu le courage de réformer la Constitution ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Ensuite, reconnaissez que le Président de la République n'était pas obligé de demander que les commissions parlementaires entendent M. Proglio, puisque les textes n'étaient pas encore votés ! Il l'a fait parce qu'il a voulu que, de façon anticipée, le Parlement puisse auditionner le futur président d'EDF.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Enfin, il y a quelques instants, j'entendais, sur une télévision, le responsable du plus grand syndicat d'EDF s'exprimer quant à la nomination de M. Proglio…

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

…et à sa double casquette. Je suis frappé par la différence de ton et de responsabilité entre les organisations syndicales d'EDF et de Veolia et les propos qui sont tenus sur ces bancs ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

La réforme des retraites de 2003, dite « réforme Fillon », a été comprise et acceptée par l'opinion publique car elle était juste et qu'elle prenait en compte le problème spécifique des ouvriers de l'industrie, du bâtiment et des travaux publics.

Cette réforme a corrigé pour la première fois l'injustice la plus grave : le différentiel d'espérance de vie. Il est de six à sept ans selon les catégories, et ceux qui avaient l'espérance de vie la plus faible avaient également la durée d'activité la plus longue. Aujourd'hui, il nous faut tout à la fois garantir le pouvoir d'achat des retraités et permettre à nos enfants et petits-enfants de continuer à bénéficier demain du système le plus équitable, celui de la retraite par répartition.

Face à ces enjeux, chacun reconnaît l'urgence d'une réforme, que nous espérons la plus consensuelle possible. Le Gouvernement est-il décidé, comme en 2003, à maintenir comme fil directeur de la réforme la prise en compte de la pénibilité et de la durée d'activité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

En tout état de cause, la commission des affaires sociales est prête à travailler avec les partenaires sociaux et le Gouvernement à une réforme juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville

Le Président de la République a rappelé hier soir avec beaucoup de fermeté que le Gouvernement et la majorité sont décidés à sauvegarder le régime des retraites par répartition, en se fondant sur trois principes. Premièrement, un principe de clarté, pour lequel le conseil d'orientation des retraites nous aidera dans le rapport qu'il proposera au mois d'avril. Deuxièmement, un principe de responsabilité : en dehors de la diminution des pensions, qui est une solution totalement exclue, l'ensemble des leviers possibles seront examinés. Troisièmement, un principe d'équité, et vous avez rappelé à juste titre la réforme de 2003 décidée par François Fillon, qui a permis de compenser un début de carrière extrêmement précoce pour ceux qui avaient cotisé le plus longtemps. L'équité impose aussi la prise en compte de la pénibilité, et vous avez raison d'aborder cette question. Pour prendre en compte la pénibilité, trois principes nous guideront.

Premièrement, il ne s'agit pas uniquement de compenser, mais aussi de prévenir. Ce sera l'objet du plan de santé au travail n° 2 qui portera sur la période 2010-2014 et que j'ai présenté récemment au conseil d'orientation sur les conditions de travail.

Deuxièmement, la pénibilité ne doit pas être une notion attrape-tout englobant toute sorte de facteurs non définis. Les partenaires sociaux ont déjà beaucoup travaillé à la définition précise de la pénibilité et nous examinerons attentivement la liste qu'ils proposent afin de déterminer les facteurs qui doivent être pris en compte.

Troisièmement, la cessation d'activité précoce n'est pas la seule réponse possible à la pénibilité. Le temps de travail peut faire l'objet d'aménagements, le tutorat peut être développé, et il faudra utiliser au mieux les compétences acquises, car un certain nombre de salariés ne veulent pas quitter leur emploi, mais simplement travailler différemment. Toutes ces pistes seront envisagées et, bien évidemment, la pénibilité sera au rendez-vous de la réforme des retraites.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Aurélie Filipetti, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Monsieur le Premier ministre, merci d'avoir reconnu que le choix de M. Proglio n'a aucunement été validé par le Parlement, ni soumis aux commissions parlementaires.

Dans cette affaire, vous faites vôtre la devise larvatus prodeo : j'avance masqué. Cela semble être la ligne de conduite de votre gouvernement sur l'avenir industriel d'EDF.

Les revirements, les mensonges et les volte-face de la communication gouvernementale sur la double fonction d'Henri Proglio à la tête d'EDF et de Veolia sont inquiétants pour l'avenir de la première entreprise publique française.

C'est bien le Président de la République qui a choisi lui-même, et seul, le nouveau patron d'EDF. Il l'a fait en connaissance de cause puisque celui-ci avait fait savoir qu'il souhaitait rester actif au sein de Veolia.

M. Proglio est pourtant dans une situation patente de conflit d'intérêts, alors que la fonction de président non exécutif est précisément celle qui doit traiter de la gouvernance et des risques de conflits d'intérêts.

Ce mélange des genres est sans précédent et c'est sans doute la raison pour laquelle vous prétendez depuis deux jours que tout ceci ne sera que transitoire. Mais il n'en a jamais été question devant la commission de l'Assemblée nationale ou du Sénat.

Que cache ce transitoire ? Est-ce simplement l'intérêt financier d'un homme pour sa retraite chapeau ? Ou bien, et ce serait la seule explication plausible, existe-t-il un projet industriel caché de rapprochement entre EDF et Veolia ?

Ce qui se passe autour de la filiale commune Dalkia ne laisse pas de nous inquiéter. Le choix de la même personne ne peut servir qu'à un rapprochement entre les deux entités, qui serait peut-être avantageux pour Veolia mais qui n'est ni souhaitable ni acceptable pour EDF.

Nous attendons du Gouvernement une réponse claire sur l'avenir d'EDF. Il y va de l'intérêt national. Y a-t-il un projet de fusion entre EDF et Veolia ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Je vous remercie d'avoir posé le problème en termes de défi industriel, car c'est l'angle sous lequel nous devons l'aborder. Très clairement, pour EDF, les défis vont être nombreux, et M. Proglio devra s'y attaquer le plus rapidement possible.

Je voudrais vous énoncer quelques-uns de ces problèmes afin que vous compreniez l'ampleur de la tâche. La première chose qu'il va devoir faire sera de mobiliser les 160 000 salariés d'EDF au service d'un projet portant à la fois sur le plan social, industriel et les services publics. Il faudra être ambitieux, audacieux et efficace. Deuxième défi inéluctable, le renouvellement de l'outil industriel. Aujourd'hui, EDF est opérateur de multiples centrales nucléaires. Un certain nombre d'entre elles doivent être réhabilitées, des investissements massifs doivent être opérés pour préserver le parc nucléaire, qui est la propriété de tous les Français. Troisième défi : conforter la compétence d'EDF dans le domaine de l'ingénierie et construction. C'est impératif si nous souhaitons une filière nucléaire française d'excellence. Quatrièmement, il faudra relever le défi de la mise en oeuvre du nouveau marché de l'électricité. Enfin, il faudra mener à bien les chantiers EPR à Flamanville et en Chine.

Voilà la nature des défis qui se posent à EDF et au service desquels M. Proglio se consacrera intégralement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Claude Goasguen, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Ma question s'adresse à Mme Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Dans quelques jours, nous allons examiner le projet de loi de finances rectificative dont l'article 4 met en place les investissements dans le cadre du grand emprunt. Les propositions du rapport remis par deux anciens premiers ministres, MM. Juppé et Rocard, ont fait l'objet de longs débats de la part d'experts, de contre-experts, de sous-experts et d'anti-experts, et même de certains parlementaires,..

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

… notamment au groupe UMP. J'en fus, comme Henri Giscard d'Estaing et Laure de La Raudière, et je pose aussi cette question en leur nom.

La volonté du Gouvernement de développer l'investissement nous apparaît clairement comme une possibilité de sortir de la crise. Il y a néanmoins un certain nombre de points que vous devez éclaircir. Les investissements vont se porter sur quatre grands domaines. Deux sujets nous préoccupent. D'abord, nous garantissez-vous que ces crédits d'investissement ne deviendront pas, par une magie sémantique dont Bercy a le secret, des crédits de fonctionnement ? Ensuite, comment être certains que, après le vote des crédits, la transparence sera assurée et que nous serons informés régulièrement, comme nous l'avons souhaité dans les diverses commissions ?

Madame la ministre, nous sommes très favorables à cet article 4 qui, je l'espère, sera voté à une large majorité, mais nous souhaitons avoir des explications à ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Monsieur Goasguen, en vous répondant je m'adresse aussi à tous ceux qui ont travaillé aux investissements à faire pour notre pays.

Effectivement, les grandes stratégies d'avenir qui seront évoquées à propos de l'article 4 du projet de loi de finances rectificative prendront le relais du plan de relance qui a permis à notre pays, en 2009, de mieux traverser la crise que ses voisins. Nous attendons pour 2010 de la croissance et nous prévoyons un taux de 1,4 %. Mais nous souhaitons que cette croissance traduise une reprise durable. Pour ce faire, les propositions figurant dans l'article 4 répondront à trois principes : l'innovation, l'effet de levier pour que l'investissement privé suive l'investissement public et le retour sur investissement au bénéfice de l'économie française.

Nous avons identifié quatre grands secteurs d'intervention : l'université, l'enseignement supérieur et la recherche pour 19 milliards, l'industrie et les PME pour 6,5 milliards, le développement durable pour 5 milliards, et l'économie numérique, dont nous ne voulons surtout pas manquer le tournant, avec 4,5 milliards. Ce sont là des priorités d'avenir.

Les crédits vont-ils bien être consacrés à l'investissement, me demandez-vous. Je vous réponds oui, catégoriquement. Il n'est pas question de détourner des investissements vers les dépenses de fonctionnement. Il s'agit bien de constituer des actifs pour l'État et pour la France. Comment sera-t-on sûr que c'est le cas, demandez-vous ensuite. Un commissaire général a été nommé par le Premier ministre : René Ricol, auquel nous pouvons faire toute confiance. Il a été un grand médiateur du crédit et sera un grand commissaire. Vous y serez associé dans la commission de surveillance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Ma question s'adresse au ministre de l'industrie.

Depuis le début de l'année, le Président de la République a répété à plusieurs reprises dans ses voeux qu'il défendrait l'industrie. Ceux qui ont vu, hier soir à la télévision, son échange avec un ouvrier de l'automobile ont pu constater à quel point le fossé se creusait entre la réalité vécue par les Français et ses grands discours d'autosatisfaction.

Nous écologistes, nous croyons en l'avenir de l'industrie, une industrie qui n'aura plus à faire face à la concurrence déloyale des pays à bas coût de main d'oeuvre, une industrie qui aura su se diversifier, une industrie qui aura réussi sa transformation écologique. Cela devrait être tout le sens d'une véritable politique industrielle aujourd'hui. L'Etat peut et doit jouer un rôle dans ce domaine.

Je voudrais prendre l'exemple des Chantiers navals de Saint-Nazaire. Malgré des erreurs commises par les actionnaires successifs, le savoir-faire des Chantiers est varié. Mais il risque de se perdre à tout jamais si rien n'est fait pour aider l'entreprise à passer la difficile période actuelle.

Un plan de départs volontaires portant sur près de 15 % des effectifs a déjà été lancé.

A ce stade, les grandes déclarations ne suffisent plus. Le Gouvernement est-il prêt à engager l'État ? Est-il prêt à activer la dernière commande en suspens du ministère de la défense ?

Êtes-vous prêts à enclencher le développement de l'énergie éolienne off-shore, comme a su le faire l'Allemagne, pour diversifier les débouchés des Chantiers ?

Êtes-vous prêts à ce que le fonds stratégique d'investissement complète la participation de l'Etat au capital des Chantiers pour sécuriser leur avenir ?

Pour l'avenir de l'industrie, allez-vous enfin passer de la parole aux actes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Roy, je vous adresse un rappel à l'ordre. Le prochain sera avec inscription au procès-verbal. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Monsieur le député, nous partageons votre inquiétude. C'est bien pour cela que le Président de la République et le Premier ministre ont voulu que nous nous engagions dans une véritable réforme industrielle et que celle-ci soit définie par tous les partenaires, partenaires sociaux et industriels, économistes, chercheurs, scientifiques, universitaires et élus locaux, dans le cadre des états généraux de l'industrie.

Nous avons mis en place un certain nombre d'outils comme le fonds stratégique d'investissement, que vous-même avez mentionné. Un milliard d'euros ont déjà été engagés pour aider de grandes sociétés industrielles et de grandes PME en difficulté à se recapitaliser et à moderniser leur outil de travail, pour défendre l'emploi et lutter contre les délocalisations.

L'Allemagne, effectivement, a su opérer il y a dix ans sa révolution en s'organisant par filières, du grand industriel au plus petit sous-traitant qui fournit des composants aux équipementiers, et a ainsi gagné 25 % de productivité sur la France en dix ans. C'est dans cette voie que nous nous engageons avec tous ceux qui participent aux états généraux afin de relever le défi.

Vous mentionnez aussi la croissance verte. Nous nous sommes engagés, dans le grand emprunt, sur ce secteur en particulier. La croissance verte, ce sont dix milliards d'euros d'investissement et 280 000 emplois potentiels. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) C'est dans cette voie que nous avançons.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pierre Lasbordes, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lasbordes

Madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, la suppression de la taxe professionnelle, impôt anti-économique et unique en Europe, est une réforme attendue de longue date. Elle va modifier en profondeur l'environnement fiscal de nos entreprises et l'attractivité de la France qui souffrait jusqu'à maintenant de l'existence de ce découragement à l'investissement.

Dans sa décision du 29 décembre 2009, le Conseil constitutionnel, en rejetant le recours des parlementaires socialistes, a constaté que l'autonomie financière et la libre administration des collectivités territoriales étaient respectées.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lasbordes

Le temps des polémiques est donc terminé, et nous sommes fiers de la contribution décisive du Parlement, et notamment de la majorité, à ce texte.

Cependant, de nombreux élus et de nombreuses entreprises restent inquiets, car ils n'ont pas une vision claire des conséquences de la réforme et des changements concrets qu'elle va induire. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lasbordes

Madame la ministre, comment allez-vous faire, concrètement, pour les rassurer et pour obtenir que la mise en oeuvre de la réforme donne une bouffée d'oxygène à nos entreprises sans déstabiliser nos collectivités territoriales ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Monsieur le député, la suppression de la taxe professionnelle a constitué l'une des plus importantes réformes fiscales des dernières années. Depuis le 1er janvier 2010, la taxe professionnelle est morte. Les entreprises françaises ont ainsi pu bénéficier d'un allègement des charges qui pesaient sur leur investissement productif.

Je veux remercier les parlementaires qui ont participé à cette réforme de fond et au travail que nous avons mené ensemble sur les textes. Mais je sais bien que réussir une réforme, ne consiste pas seulement à la présenter, à en débattre et à la faire adopter. Il s'agit aussi de la faire appliquer sur le terrain et nous suivons pour cela une double démarche.

Il faut tout d'abord informer nos concitoyens.

À partir du site internet de mon ministère, un premier site s'est ouvert sur lequel chacun des élus peut calculer, grâce à un simulateur, la contribution économique territoriale, qui se substitue à la taxe professionnelle, et toutes les ressources dont il disposera. Ce site a été visité plus de 60 000 fois et il a donné lieu a de nombreux téléchargements, ce qui prouve l'intérêt qu'il suscite auprès des collectivités territoriales. En outre, avec mes collègues Brice Hortefeux et Éric Woerth, nous avons informé chacun des 36 000 maires de France, chacun des présidents de conseil régional et général pour qu'ils sachent exactement ce que sera la fiscalité dans les années qui viennent.

Il faut également informer les entreprises. À la demande du Premier ministre, un million de chefs d'entreprises recevront, la semaine prochaine, le mode d'emploi précis de la nouvelle taxation et du nouveau lien territorial.

Ensuite,c'est la seconde démarche, il faut assurer le suivi de la réforme. Dans ce but, le Premier ministre a nommé auprès de moi plusieurs parlementaires en mission – parmi lesquels Marc Laffineur et Olivier Carré, que je remercie . Au fil des mois et jusqu'en juin, date de la revoyure, ils proposeront, si nécessaire, des améliorations à ce texte fondamental. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Guy Delcourt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Delcourt

Madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, l'allocation équivalent retraite – qui n'a rien à voir avec les 13,5 millions d'euros de retraite chapeau prévus pour M. Proglio par Veolia (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) –, abolie puis rétablie par le Gouvernement en 2009, est de nouveau supprimée pour les nouveaux entrants au 1er janvier 2010.

Pourquoi supprimer cette mesure prolongée pour cause de crise, alors que cette même crise continue de paralyser le marché de l'emploi comme le démontre le million de chômeurs en fin de droits qui seront prochainement sans indemnisation ?

Pourquoi refuser ce revenu transitoire aux seniors en prétendant ainsi les encourager à reprendre une activité, alors même que la France se situe parmi les plus mauvais élèves en matière d'embauche des personnes de plus de cinquante-cinq ans ?

L'attitude du Gouvernement, qui tente ainsi de rendre les Français les plus démunis responsables de leurs difficultés, est inacceptable. En imputant les déficits colossaux de la sécurité sociale au comportement des assurés, en délaissant les retraités et les chômeurs et, dans le cas présent, en laissant supposer que les seniors tentent volontairement de s'écarter du marché de l'emploi pour bénéficier de cette allocation, le Gouvernement n'assume décidément pas ses responsabilités, et il ne remplit pas son devoir de solidarité.

Parce que les seniors sont parmi les catégories de Français qui rencontrent le plus d'obstacles à sortir du chômage, je vous demande, au nom de mon groupe, de rétablir l'allocation équivalent retraite de ces demandeurs d'emploi pour l'année 2010 et les années suivantes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Monsieur le député, l'allocation équivalent retraite est destinée aux seniors qui ont accumulé tous leurs droits à retraite mais qui ont perdu leur emploi, afin qu'ils puissent attendre l'ouverture de ces droits.

La représentation nationale avait supprimé ce dispositif en 2008 mais, pendant la crise, à l'initiative du groupe UMP, grâce à une proposition de loi présentée par Jean-Frédéric Poisson, elle a prolongé son application pour l'année 2009. Cette allocation a permis d'accompagner les 13 000 personnes qui ont ainsi pu en bénéficier.

Pour l'année 2010, avec les partenaires sociaux, nous serons évidemment attentifs à la situation de l'emploi des seniors. Ainsi, depuis un an, tout au long de la crise, nous sommes parvenus, en mettant la pression sur les entreprises, à améliorer d'un point le taux d'emploi des seniors.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

En la matière, il faut se souvenir que ce qui a le plus détruit l'emploi des seniors, ce sont les dispositifs qui ont consisté sans cesse à les faire sortir des entreprises grâce aux systèmes de préretraite. Dans quelle période ces dispositifs ont-ils été le plus utilisés ? Entre 1997 et 1999. Qui était alors ministre des affaires sociales ? Martine Aubry. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Lorsque vous aurez fait reculer le chômage autant qu'elle, on verra !

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

À l'inverse, quelle est la mesure qui a le plus permis de faire progresser la situation des seniors ? Le dispositif des carrières longues. Qui était ministre des affaires sociales lorsqu'il a été mis en place ? François Fillon. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Isabelle Vasseur, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Monsieur le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, la sécurité et l'indépendance alimentaires constituent un défi majeur pour l'avenir de l'humanité et un enjeu aussi vital que la question énergétique. Actuellement, plus d'un milliard de personnes souffrent de la faim dans le monde. Et il faudra augmenter de 70 % la production agricole pour nourrir 9 milliards d'hommes en 2050.

À la veille des négociations qui définiront la PAC après 2013, l'objectif d'assurer la sécurité des approvisionnements de l'Europe conserve toute son acuité. La nouvelle PAC devra également participer au maintien d'une agriculture diversifiée et de qualité en France. Je rappelle que le secteur agricole connaît sa plus grave crise depuis trente ans, qui touche l'ensemble des filières. Les agriculteurs ont ainsi vu leur revenu diminuer de 50 % en deux ans.

Les marchés agricoles n'étant pas des marchés comme les autres, de nouvelles formes de régulation doivent être imaginées. C'est dans ce contexte que notre président de groupe, Jean-François Copé (« Excellent ! » sur les bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC), a proposé à Christian Jacob, Pierre Lequiller et Patrick Ollier d'animer un groupe de travail sur la sécurité et l'indépendance alimentaires, chargé de réfléchir à la régulation internationale de l'agriculture, à l'avenir de la PAC et aux enjeux de la stabilisation des prix et des volumes des denrées alimentaires en France.

Ce travail parlementaire, auquel j'ai participé activement, à l'instar de beaucoup de mes collègues UMP, s'est conclu le 21 janvier dernier par la tenue d'assises. À cette occasion, de nombreuses propositions ont été formulées : la mise en oeuvre d'une nouvelle gouvernance alimentaire mondiale ; la volonté de maintenir une PAC forte et ambitieuse organisant une nouvelle régulation des marchés agricoles ; enfin, au niveau national, la stabilisation du revenu des agriculteurs, une meilleure organisation des producteurs, le renforcement des interprofessions ou encore l'amélioration des instruments de couverture des risques climatiques et économiques en cas de crise.

Monsieur le ministre, vous avez participé à ces assises. Aussi souhaiterais-je connaître votre sentiment sur les solutions novatrices proposées par le groupe UMP. Il est en effet indispensable que la poursuite de notre action ambitieuse au niveau national puisse répondre avec force aux attentes des agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Madame la députée, notre agriculture est à un moment de son histoire où les agriculteurs français ont besoin de notre soutien à tous. C'est pourquoi je me réjouis que le groupe UMP se soit saisi du problème de la sécurité alimentaire.

Au-delà de la question agricole, la France et l'Union européenne sont confrontées à trois enjeux majeurs.

Premier enjeu : la sécurité alimentaire. Comment continuer à garantir l'alimentation des 500 millions de citoyens européens dans un monde qui n'est pas capable de nourrir un milliard de personnes ?

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Deuxième enjeu : la sécurité environnementale. Comment continuer à produire dans le respect de l'environnement et à promouvoir une agriculture durable ? À ce propos, je rappelle que l'agriculture est probablement le secteur économique qui, depuis de nombreuses années, a consenti le plus d'efforts pour se conformer aux objectifs du développement durable. Ces efforts concrets méritent d'être salués. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Troisième enjeu : la sécurité sanitaire, sur laquelle nous travaillons étroitement avec Roselyne Bachelot. Comment continuer à garantir à tous les consommateurs français que les produits agricoles de consommation courante présentent une sécurité sanitaire totale ? C'est un des problèmes soulevés par votre question.

Ces trois défis, nous ne parviendrons à les relever que si nous mettons en oeuvre une politique agricole commune forte. Telle est la ligne que défend le gouvernement de François Fillon avec le Président de la République. Et cette politique commence à porter ses fruits depuis plusieurs mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bernard Roman, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre ; j'y associe mes collègues Michel Delebarre et Christian Hutin, tous deux députés de Dunkerque.

Total devrait annoncer, dans les prochains jours, la fermeture de sa raffinerie des Flandres, située à Mardyck, près de Dunkerque.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Si cette fermeture était confirmée, elle entraînerait la suppression de 350 emplois chez Total et de 400 postes chez ses sous-traitants, puisque la conversion du site en dépôt de carburant – projet qui semble aujourd'hui le plus probable – ne permettrait d'employer, à terme, que 30 à 50 personnes.

Cette décision serait à la fois insupportable et scandaleuse.

Insupportable, d'abord, pour les salariés concernés, mais aussi pour une région qui a déjà tant souffert de la désindustrialisation, alors qu'au plan national, le chômage franchira, en 2010, le cap des 10 %.

Scandaleuse, car, dans les jours qui viennent, Total annoncera, en même temps que cette fermeture, des profits de près de 9 milliards d'euros pour 2009. En 2008, déjà, le groupe avait annoncé, à quelques jours d'intervalle, 14 milliards d'euros de profits et 560 suppressions d'emplois en France.

Monsieur le Premier ministre, Total a bel et bien engagé une stratégie de délocalisation progressive. Il semble que vous ayez reçu, il y a quelques jours, M. Christophe de Margerie, le PDG du groupe. Vous pouvez encore empêcher la fermeture du site de Dunkerque.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Cinq, quatre, trois,…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Avec les salariés de Total, vous pouvez exiger un moratoire.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. …deux, un, zéro !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Mais, comme le Président de la République l'a dit hier, il ne suffit pas de parler : il faut agir.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Alors, agissez, monsieur le Premier ministre. Nous vous le demandons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Monsieur le député, nous partageons la préoccupation qui est la vôtre (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) suite à une rumeur, qui n'est pas confirmée, selon laquelle Total pourrait envisager la fermeture de sa raffinerie des Flandres, sur le port de Dunkerque.

Le Premier ministre et le Président de la République ont veillé à prendre contact avec le groupe pour savoir ce qu'il en est exactement. Nous sommes en effet attentifs au fait que 370 emplois directs chez Total ainsi que 400 emplois chez ses sous-traitants sont concernés et qu'il s'agit d'une activité locale importante pour le soutien de l'activité industrielle du port de Dunkerque et de l'ensemble du bassin d'emploi.

Total nous a fait parvenir les informations suivantes. Une étude serait en cours pour installer un terminal méthanier et diversifier l'ensemble de ses activités. Mais, je le dis comme nous l'avons annoncé, nous serons vigilants et fermes (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) : tant que ne seront pas pris des engagements précis pour qu'il n'y ait aucun licenciement, tant qu'un véritable dossier innovant et incontestable ne sera pas présenté, aucune décision définitive ne sera prise.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Évidemment, ce projet doit avoir un impact fort pour l'emploi : c'est toute une activité industrielle qui en dépend.

Vous le voyez, monsieur le député, l'État volontariste existe (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), ainsi que nous l'avons démontré ces dernières semaines avec Renault. Une fois de plus, l'État stratège sera fidèle au rendez-vous pour préserver l'emploi à Dunkerque ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Gérard Voisin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Voisin

Madame la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, la réforme des concours de recrutement des enseignants et de la mastérisation que vous avez engagée va permettre de revaloriser la condition du métier d'enseignant. Toutefois, des inquiétudes s'expriment sur l'avenir des sites départementaux des IUFM.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Voisin

Ces structures, qui s'appelaient autrefois les écoles normales, constituent l'un des éléments les plus forts et les mieux ancrés de la présence de l'enseignement supérieur dans les villes moyennes. Leur pérennisation est donc essentielle pour que l'on puisse, dans les communes et les communautés d'agglomération, inscrire une politique cohérente et concertée en matière d'enseignement supérieur, dont on sait qu'elle est absolument nécessaire au développement économique et culturel des villes et des départements.

Or, une formation des enseignants qui serait trop centrée sur un master disciplinaire, essentiellement organisé sur les campus centraux, fait craindre que les universités, désormais autonomes, ne prennent la décision de fermer les sites départementaux et ne concentrent les moyens de formation dans les seules villes universitaires. (« Et voilà ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Il semble pourtant indispensable que des masters pluridisciplinaires, à destination des professeurs des écoles, puissent être mis en oeuvre au sein des IUFM, avec des effectifs d'étudiants significatifs. Cette pluridisciplinarité est en effet essentielle pour que les futurs professeurs des écoles puissent enseigner l'ensemble des matières à leurs élèves.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Voisin

Les contenus des concours devront tenir compte de cette exigence pour garantir un bon exercice professionnel.

Les textes d'application de la réforme répondront-ils à ces préoccupations, madame la ministre ? Permettront-ils d'assurer une organisation de la formation des enseignants réellement adaptée à leurs missions, à la fois sur le plan des contenus et sur celui de la pédagogie, afin de délivrer aux élèves un enseignement de qualité ? Dans ce cadre, pouvez-vous nous garantir que les IUFM continueront à accueillir les futurs professeurs des écoles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le député, la réforme de la formation des maîtres, que je mène avec mon collègue Luc Chatel…

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

…est une chance pour nos étudiants. En effet, ils vont désormais être formés durant cinq ans au lieu de trois, avec un diplôme de master. Ils auront donc plus de connaissances et de compétences,…

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

…des compétences pluridisciplinaires : sciences et humanités seront au programme pour nos futurs professeurs des écoles.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

C'est aussi une chance pour nos élèves, qui disposeront désormais de professeurs mieux formés…

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

…qui auront suivi, avant le concours, des stages de professionnalisation – ce qui n'existe pas pour l'instant – et, après le concours, une formation continue.

Vous vous interrogez plus particulièrement sur l'avenir des antennes de proximité des IUFM qui, depuis la loi Fillon, sont désormais intégrées à l'université, à la satisfaction générale. (« C'est faux ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je tiens à vous rassurer, ainsi que la représentation nationale : l'avenir de ces pôles universitaires de proximité est assuré. Ce sont eux qui organiseront les stages des étudiants et la formation continue des maîtres, au plus près des classes, sur tout le territoire. J'ai demandé aux recteurs d'élaborer des schémas directeurs académiques de la formation des maîtres, et je souhaite que les élus soient étroitement associés à la réalisation de ces schémas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pierre Bourguignon, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bourguignon

Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

Un million de demandeurs d'emploi, dois-je le rappeler, vont perdre leurs droits à l'assurance chômage en 2010. Dès novembre dernier, Pôle emploi alertait les partenaires sociaux, et les parlementaires socialistes ne cessent de le redire lors de chaque débat.

Or les droits éligibles à l'allocation spécifique de solidarité ou au revenu de solidarité active sont soumis aux conditions de ressources du foyer et non de la personne. Ce sont donc plus de 600 000 chômeurs qui se retrouveront à la charge de leur famille – 600 000 ménages seront ainsi encore plus pauvres.

Les syndicats ont alerté le Gouvernement qui, comme eux, comme nous tous, sait bien que le nombre de demandeurs d'emploi de longue durée est en forte augmentation : 947 000 au troisième trimestre 2009, contre 760 000 sur la même période en 2008.

Naguère, monsieur le ministre, vous avez annoncé la création d'un groupe de travail et l'attente du résultat de négociations. On sait qu'il y a une grande volonté des syndicats de trouver des solutions raisonnables pour tous ces exclus de l'assurance chômage et de la solidarité nationale, et même le patronat considère que les choses ne peuvent rester ainsi. Le Gouvernement dit qu'il a pris toutes ses responsabilités, mais lesquelles ?

Que proposez-vous pour prendre en charge les chômeurs de longue durée et les précaires arrivant en fin de droits ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bourguignon

Vous n'allez pas nous réaffirmer sans rire que, chacun devant être reçu individuellement, une solution sera trouvée pour tous !

Tous les élus reçoivent dans leur permanence leurs concitoyens, qui désespèrent de plus en plus. Nous voyons bien, nous sentons bien que les promesses, cela ne marche pas. Ce qui a été dit hier soir, cela ne rassure pas. Alors, monsieur le ministre, comment allez-vous organiser, avec les partenaires sociaux, la véritable prise en charge de ceux qui ont le plus besoin de la solidarité nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Monsieur le député, vous m'interrogez sur la situation des demandeurs d'emploi arrivant à la fin de leurs droits à l'assurance chômage. Cette situation concerne chaque année, notamment en période de croissance, 750 000 à 800 000 demandeurs d'emploi.

Comme vous l'avez rappelé, la situation de crise que nous connaissons risque de se traduire par une augmentation du nombre de demandeurs d'emploi arrivant à la fin de leurs droits. Selon les estimations, basées sur des projections réalisées par Pôle emploi, cela peut concerner 100 000 à 200 000 personnes supplémentaires.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Ces chiffres recouvrent des réalités humaines très diverses, comme vous y avez fait allusion. Il peut s'agir de demandeurs d'emploi de longue durée, ce qui correspond aux situations les plus dramatiques. Il peut également s'agir de demandeurs d'emploi ayant eu des droits très courts – par exemple quatre mois – et qui vont être pris en compte dans le cadre de l'amélioration du système de l'assurance chômage, alors qu'ils ne l'étaient pas jusqu'à présent.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Il peut aussi s'agir de seniors. Chacun sait que perdre son emploi est plus difficile pour une personne âgée de 54 ans.

Le souhait des partenaires sociaux est donc que nous commencions par expertiser toutes ces situations, afin d'obtenir une vision claire de la situation des demandeurs d'emploi en fin de droits à l'assurance chômage.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Cela vous arrange bien, de prendre votre temps !

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Nous serons amenés à traiter de cette question lors de la réunion du 15 février, autour du Président de la République, en présence du Premier ministre et de Christine Lagarde.

Je veux ajouter deux choses.

Premièrement, dans ce pays, personne n'est en fin de droits. Certaines personnes se trouvent en fin de droits à l'assurance chômage, mais il n'y a aucune situation où la solidarité nationale ne s'exerce pas ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Dans notre pays, tout le monde a toujours le droit, et c'est une chance, de bénéficier soit du RSA, soit de l'ASS, à condition de ne pas bénéficier de revenus excédant un certain seuil – c'est une question de justice.

Deuxièmement, la seule chose qu'attendent les demandeurs d'emplois…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bernard Gérard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

Ma question s'adresse à M. le ministre de la culture et de la communication.

Comme beaucoup, j'ai été choqué de voir récemment le service public de l'audiovisuel attaqué par un membre éminent du parti socialiste. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Après avoir décidé au dernier moment, et alors que l'émission avait débuté, d'annuler sa participation à un débat sur France 2, il s'en est pris à la responsable de l'information de cette chaîne, allant même jusqu'à réclamer sa démission. (Huées sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Aujourd'hui, ce même élu n'hésite pas à accuser les dirigeants de France Télévisions de « servilité à l'égard du pouvoir ». (Mêmes mouvements.)

Alors que la réforme de l'audiovisuel, votée il y a maintenant un an par le Parlement, a donné à notre service public les moyens de remplir ses missions, avec un financement garanti…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

…et un statut d'entreprise unique ; alors que les Français plébiscitent la suppression partielle de la publicité et les nouvelles grilles de programmes, je souhaite manifester le soutien des parlementaires du groupe UMP…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

…à l'indépendance et au professionnalisme des responsables de l'audiovisuel public.

Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre réaction face aux attaques qu'ont subies les responsables de notre audiovisuel public. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés (« Bonsoir ! » sur les bancs du groupe SRC), monsieur Gérard, le service public est un acteur majeur du paysage audiovisuel français.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Il participe pleinement à la vie démocratique de notre pays par sa contribution au débat politique. Insinuer que toutes les expressions de pensée représentatives en France ne trouveraient pas à s'exprimer sur les différentes antennes de France Télévisions est une désinformation, voire une malveillance. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Dans ces conditions, la mise en cause de l'impartialité de la direction de France Télévisions et de sa rédaction, voire pire, l'accusation de « servilité » portée contre eux,…

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

…sont des actes graves et particulièrement inappropriés, surtout quand ils sont le fait d'un élu et responsable d'un parti politique important.

Je suis particulièrement choqué (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

…des attaques auxquelles le service public est soumis de la part d'un eurodéputé qui, non content d'avoir imaginé et préparé – comme il l'a lui-même reconnu – un traquenard pour les équipes de la rédaction de France 2 la semaine dernière, en rajoute encore aujourd'hui et appelle à la démission de tel ou tel responsable de la direction.

Lorsque l'on fait peser sur le service public, sur les journalistes, un soupçon de manquement à l'impartialité et à l'objectivité, et que l'on met en cause de manière inacceptable…

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

…la qualité de l'information diffusée par les responsables d'une institution qui incarne la qualité de la communication républicaine aux yeux de nos concitoyens, on sort du jeu politique et on entre dans le marketing médiatique que l'on prétend précisément condamner. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Dominique Baert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Baert

Ma question s'adresse à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Jeudi dernier, l'audience solennelle de rentrée du tribunal de Nanterre s'est déroulée de manière particulièrement inhabituelle. Lorsque le procureur de la République, représentant le parquet, a pris la parole, nombre de magistrats du siège se sont levés, et lentement, silencieusement, mais ostensiblement, ont quitté les uns après les autres la salle d'audience. C'est du jamais vu en France dans la magistrature ! D'évidence, il y a un malaise. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

Le malaise avec le procureur en question est évident. En effet, mes chers collègues, que disent ces magistrats dans la motion qu'ils ont adoptée en assemblée générale ? « Par son action personnelle, […] M. Courroye a en réalité cherché à faire pression sur un magistrat […] et à travers lui sur l'ensemble des magistrats du siège qui seraient tentés de prendre des décisions non conformes aux attentes supposées du pouvoir politique. »

Madame la ministre, ces propos sont graves, car ces magistrats mettent en cause des interventions du procureur Philippe Courroye auprès de la présidente du tribunal. Pour se plaindre de qui et de quoi ? De la juge Isabelle Prévost-Desprez, dont la faute serait d'avoir déplu au parquet en osant prendre des décisions dans des affaires qui concernent des proches de Nicolas Sarkozy ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Voilà pourquoi je crois utile de vous poser trois questions.

Oui ou non, le procureur Courroye avait-il votre accord, celui du ministère de la justice, pour mettre en cause le travail réalisé par la présidente de la 15e chambre correctionnelle, la juge Prévost-Desprez ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Oui ou non, au vu des amitiés qu'il affiche avec ostentation, et qui le promettaient, il y a quelques semaines à peine, au poste prestigieux de procureur de Paris, le chef du parquet de Nanterre est-il encore objectif ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Baert

Oui ou non, la justice peut-elle être encore rendue de manière indépendante dans la France de Sarkozy ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le député, en tant que garde des sceaux, je suis garante et gardienne d'un certain nombre de valeurs essentielles pour notre justice, dont je vous rappelle qu'elle représente un des piliers de la République (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR)…

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

…et qu'elle mérite à ce titre que, notamment dans cette assemblée, les problèmes qui la concernent soient abordés avec de la dignité et de la sérénité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mesdames et messieurs les députés, oui, je suis garante à la fois de l'impartialité de la justice,…

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

…du respect de l'éthique par l'ensemble des magistrats et de l'indépendance juridictionnelle.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Et qui dit indépendance juridictionnelle dit également image de la justice auprès de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Les Français, pour vivre ensemble, pour être rassemblés au sein de la nation, ont besoin de croire en les règles communes que représentent les lois que vous votez. Ils doivent également pouvoir croire en la justice, et d'abord en les magistrats qui rendent la justice au nom du peuple français, en appliquant les lois que vous votez !

Plusieurs députés du groupe SRC. Ils ne peuvent pas y croire !

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Alors, monsieur le député, il est vrai qu'il y a eu à Nanterre des incidents mineurs. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je suis bien évidemment informée de tout ce qui se passe dans chacune des juridictions. Parfois, en raison de problèmes de personnes, des incidents ont lieu. Cela dit, et à en croire le rapport de la présidente du tribunal elle-même, l'audience en question s'est tenue dignement et sans émotion particulière.

J'aimerais que, lorsque l'on parle de la justice, il en aille de même, et en particulier quand ce sont des représentants du peuple qui s'expriment. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Incidents entre magistrats du siège et du parquet à Nanterre

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La conférence des présidents propose de modifier comme suit l'ordre du jour du mercredi 27 janvier, après-midi et soir : débat sur la sécurité des réseaux d'approvisionnement en électricité ; suite de la proposition sur les moyens de contrôle et d'évaluation du Parlement ; suite de la deuxième lecture de la proposition de loi sur la lutte contre les violences de groupe.

La conférence des présidents propose également que l'ordre du jour de la prochaine semaine de l'Assemblée nationale soit ainsi fixé :

Mardi 16 février, le matin : deuxième lecture de la proposition de loi sur la fin de vie ; proposition de loi relative au débat public sur les problèmes éthiques.

Le même jour, l'après-midi, après les questions au Gouvernement, et le soir : proposition de loi sur la cour d'assises des mineurs ; proposition de loi sur l'indemnisation des victimes de dommages corporels.

Mercredi 17 février, l'après-midi, après les questions au Gouvernement, et le soir : projet de loi sur l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

Jeudi 18 février, jour de séance réservé à un ordre du jour proposé par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, le matin, l'après-midi et le soir, débat sur l'application du droit au logement opposable ; débat sur les collectivités territoriales ; proposition de résolution européenne sur les droits des femmes.

Il n'y a pas d'opposition ?

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

La majorité UMP a décidé, mercredi dernier, en commission des finances, de dénaturer la résolution, déposée par le groupe socialiste, tendant à la création d'une commission d'enquête sur les dépenses d'études d'opinion dépendant des crédits budgétaires votés par le Parlement depuis 2007.

Cette décision est absolument contraire à tous les engagements pris par la majorité et le Gouvernement lors des débats sur la réforme de la Constitution, puis de notre règlement.

Comment continuer à parler de « droit de tirage » de l'opposition, dès lors que c'est la majorité qui fixe les cadres et les contenus ? À quoi servirait-il de prévoir une majorité des trois cinquièmes pour s'opposer à une commission d'enquête si une majorité simple suffit à réécrire en totalité une résolution ?

Dans la pratique, rien ne change : c'est le fait majoritaire qui s'applique : pire, les arguments avancés par l'UMP sur la séparation des pouvoirs annoncent une régression des droits du Parlement.

Nous rappelons pourtant que, dès lors que le Parlement vote les crédits de l'Élysée, il est incontestable qu'il peut légitimement en contrôler l'usage.

Parce que l'UMP a décidé de sortir les crédits de l'Élysée du périmètre d'investigation de la commission d'enquête, je vous ai demandé par lettre, monsieur le président, que soit retirée la demande d'inscription à l'ordre du jour de la proposition de résolution n° 2123.

Puisque vous venez d'annoncer, monsieur le président, un ordre du jour où cette proposition ne figure plus, je tenais à m'en expliquer devant la représentation nationale et à protester à nouveau contre le fonctionnement de notre assemblée. Beaucoup de problèmes se posent. Vous venez de prouver cette semaine que vous étiez incapable de faire respecter l'article 49, alinéa 13, de notre règlement. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Outrage au président !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

À présent, la démonstration est faite chaque jour que, pour l'UMP, l'opposition n'a qu'à se taire, car elle n'a pas la parole. Je ne considère pas cela comme une réforme du Parlement. En quoi les droits du Parlement ont-ils été étendus ? Où est l'hyper-Parlement ? Il n'existe pas. Le Parlement est de plus en plus soumis à l'exécutif et au Président de la République, et c'est vous, mesdames et messieurs de la majorité, qui avez accepté qu'il en soit ainsi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Ayrault, l'ordre du jour que je viens d'annoncer prend effectivement en compte le choix qu'a fait votre groupe de retirer sa proposition de résolution.

Vous avez fait allusion à l'application de l'article 49, alinéa 13, de notre nouveau règlement, qui autorise chaque député à prendre la parole, à l'issue du vote du dernier article d'un texte en discussion, pour une explication de vote personnelle. Cette disposition a d'ailleurs été appliquée pas plus tard que dans la nuit de vendredi à samedi, alors que je présidais moi-même la séance. Certains membres de votre groupe avaient alors expliqué qu'ils s'exprimaient à titre individuel et que, aujourd'hui, ce serait un autre orateur – Bruno Le Roux – qui prendrait la parole pour présenter l'explication de vote au nom du groupe parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Les dispositions du nouvel article 49, alinéa 13, de notre règlement sont donc appliquées de manière précise et rigoureuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Une réalité s'impose à nous – certains s'en satisfont parce qu'ils en sont les premiers responsables : les Français, tout comme les parlementaires, notamment ceux de l'opposition, sont pris pour des imbéciles !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

La réforme du règlement est ce qu'elle est. Nous l'avons dénoncée en son temps, mais elle a été adoptée et, aujourd'hui, nous devons essayer de vivre avec. Mais c'est malheureusement impossible, car les dispositions de ce règlement sont complètement perverties par les décisions de la majorité.

Le premier exemple en est le dépôt d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête parlementaire, avec le fameux « droit de tirage ». Nous l'avons expérimenté lorsque nous avons demandé la création d'une commission d'enquête sur France Télécom, sur les conséquences sur la santé des salariés qu'ont les nouvelles formes d'organisation du travail et de gestion du personnel mises en place par cette entreprise, et plus largement sur les conséquences de la privatisation. La demande a été examinée par la commission, qui l'a complètement vidée de son contenu pour aboutir à un résultat très éloigné de notre proposition initiale : nous n'avions plus d'autre choix que de vous écrire, monsieur le président, afin d'en demander le retrait de l'ordre du jour.

Ce sont aujourd'hui nos amis socialistes qui pâtissent de ce qui semble devenu votre nouvelle méthode, laquelle, selon les rumeurs, pourrait s'appliquer avec la même efficacité à la demande, formulée par le groupe Nouveau Centre, de création d'une commission d'enquête parlementaire sur la campagne de vaccination contre la grippe H1N1. Peut-être nos collègues du Nouveau Centre s'en satisferont-ils, mais, quelle que soit leur opinion, nous nous trouvons dans une situation où les droits du Parlement, et donc ceux de l'opposition, sont quotidiennement bafoués, ce qui est inacceptable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux (nos 2169, 2204).

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Dans les explications de vote, la parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, monsieur le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales, mes chers collègues, si l'examen de ce projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux a bien marqué le coup d'envoi de nos débats sur la réforme des collectivités locales initiée par le Président de la République, il n'en demeure pas moins qu'il revenait à notre assemblée de poser une question au final assez simple : faut-il ou non regrouper à partir de 2014 les élections régionales et cantonales ?

Ainsi, s'il rend techniquement possible l'élection en 2014 des conseillers territoriaux dont le comité Balladur avait proposé la création, son adoption ne préjuge en aucune manière de la décision qui sera au final celle du législateur. Indépendamment du débat qui aura lieu d'ici à quelques mois dans cette assemblée, le texte qui nous est aujourd'hui soumis se suffit à lui-même en proposant de mettre fin à l'émiettement dans le temps des scrutins locaux afin de stimuler la participation de nos concitoyens à ces élections. Les élections régionales et cantonales auraient désormais lieu de manière simultanée et – conséquence de ce regroupement dans le temps – le système de renouvellement triennal par moitié des conseils généraux, en vigueur dans notre pays depuis 1871, et dont l'Association des départements de France réclame la suppression depuis de longues années, serait abandonné.

Au-delà, sans doute, de la faible participation qui, depuis des années, caractérise les élections cantonales, je veux souligner combien l'émiettement dans le temps des consultations électorales conduit également à un émiettement du débat local lui-même. Faute de pouvoir, et parfois légitimement, identifier clairement le sens de l'élection à laquelle ils sont convoqués, nos concitoyens sont le plus souvent tentés de se prononcer sur la base de considérations strictement nationales, contribuant ainsi à priver de son contenu notre démocratie locale.

La concomitance des élections cantonales et régionales en 2014 permettra ainsi d'instituer, dans le calendrier électoral, un rendez-vous majeur avec nos territoires, qui sera le gage d'un débat local revitalisé et rehaussé, à même de servir plus fidèlement l'idée que nous nous faisons de la démocratie locale.

Aussi, et bien que ce texte soit en réalité pleinement autonome par rapport au reste de la réforme des collectivités locales, l'opposition a la volonté – c'est son droit – d'en faire un débat de principe centré sur le seul conseiller territorial. Nous sommes de ceux qui pensent que le mode de scrutin retenu pour l'élection des futurs conseillers territoriaux mérite un débat sincère et constructif : il faudra proposer un mode de scrutin conciliant le lien qui attache l'élu aux citoyens qui l'ont désigné, avec la nécessaire représentation de toutes les familles de pensée qui constituent notre société. Nous sommes aussi de ceux qui pensent que la réforme de nos collectivités sera un succès à quatre conditions : il faudra maintenir l'équilibre des territoires entre zones urbaines et zones rurales, garantir l'autonomie fiscale des collectivités, simplifier les structures et les compétences, et enfin conforter le pluralisme des opinions politiques.

Toutefois, chers collègues de l'opposition, était-ce bien votre intention lorsque vous avez déposé près de 5 200 amendements sur un texte de quelques lignes ? Vous avez multiplié les demandes de suspension de séance et les artifices de procédure dans le seul dessein de faire traîner les débats, d'épuiser vos quelque onze heures trente de temps de parole et, par là, de ne pas avoir à défendre vos propres amendements.

Pour notre part, nous estimons que ce qui unit en réalité ce texte au reste du projet de réforme des collectivités locales, c'est bien cette ambition – qui est pourtant propre à nous rassembler tous – de refonder notre démocratie locale. C'est à ce titre que les députés du Nouveau Centre voteront en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Patrice Verchère, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Verchère

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet de loi constitue une première étape importante de la modernisation de notre vie publique locale.

Aujourd'hui, nos concitoyens ne s'y retrouvent plus entre les nombreux niveaux d'administration territoriale qui se superposent pour constituer un millefeuille administratif indigeste. Ces empilements, ces enchevêtrements de structures, ces chevauchements de compétences ont un coût financier qui n'est plus acceptable, sans parler du coût démocratique. En effet, nos concitoyens ne sont plus capables d'identifier clairement qui fait quoi, quel élu politique est responsable de quoi. (« Oh » sur les bancs du groupe SRC.) Du coup, il leur est difficile d'exercer un contrôle avisé de l'action de leurs représentants.

Il est donc devenu temps, après d'innombrables rapports, commandés par des gouvernements de gauche comme de droite, de réformer en profondeur nos structures territoriales. Dans cette perspective, le Gouvernement a déposé quatre textes : un projet de loi électoral, un projet de loi organique, un projet de loi institutionnelle et le présent projet qui vise à organiser la concomitance des renouvellements des conseils généraux et régionaux.

L'objet principal de ce projet de loi est donc de permettre l'expiration simultanée en mars 2014 des mandats de l'ensemble des conseillers généraux, naturellement ceux élus en mars 2008, mais aussi ceux qui seront élus en mars 2011, et des mandats des conseillers régionaux qui seront élus dans quelques semaines. Ce texte se contente donc, comme son titre l'indique, d'organiser la concomitance de ces renouvellements.

Nous avons été nombreux à nous exprimer lors de la discussion générale, surtout d'un côté de l'hémicycle. Bien entendu, des désaccords ont été soulevés, des procès d'intention ont été engagés. On peut simplement regretter que de nombreuses interventions, fussent-elles brillantes, aient porté non sur le présent projet de loi, texte au fond très simple, mais sur d'autres textes à venir. Je voudrais rassurer tous nos collègues : ils auront prochainement l'occasion de s'exprimer sur le fond de la réforme territoriale. À cette occasion, nous répondrons à chacun des points qu'ils ont soulevés.

Chers collègues de l'opposition, nous devons vous l'avouer, ni vos interventions – nombreuses –, ni vos amendements – plus nombreux encore –, ne nous ont convaincus de la nécessité de revenir sur la réforme territoriale. Dès lors, en votant ce texte, vous vous donneriez une nouvelle chance de nous convaincre lors de la discussion qui ne manquera pas d'être engagée sur la création et l'élection des conseillers territoriaux.

Mes chers collègues, si ce projet de loi n'était pas adopté, nous nous priverions de facto, sans débat, de la possibilité de créer le conseiller territorial. Nous nous priverions de toute possibilité d'en discuter, d'échanger et de confronter nos opinions. Voter favorablement ce texte est un préalable indispensable à la mise en place du conseiller territorial, mais pas suffisant pour le créer, puisque tel sera l'objet d'un autre texte.

Adopter ce texte ne préjuge en aucun cas de notre vote sur les trois autres projets de loi. Ce projet de loi peut donc légitimement être adopté tant par ceux qui s'opposent à la création des conseillers territoriaux que par ceux qui la soutiennent.

Le groupe UMP votera bien évidemment ce texte, premier acte de la réforme de nos collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

J'indique d'ores et déjà que le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, volonté de dissimulation de la part du Gouvernement, refus du débat contradictoire, absence – et non pas absentéisme – des parlementaires de la majorité ont conduit une nouvelle fois à un débat indigne pour notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C'est pourtant le seul texte du tronçonnage des collectivités territoriales que nous examinerons avant l'interruption de nos travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Permettez-moi de commencer par quelques remarques sur le dévoiement de la procédure parlementaire. L'usage de la procédure accélérée est devenu quasi systématique alors que rien ne le justifie réellement. Cela nuit gravement à la qualité des textes adoptés et réduit à néant la volonté constitutionnelle de lutter contre la précipitation.

Plus grave encore est l'utilisation abusive faite de l'article 95 du règlement qui permet au Gouvernement d'interdire les votes. De ce fait, les députés de la majorité cessent de participer à ces séances, et l'opposition ne peut plus débattre qu'avec elle-même.

Si l'on ajoute à cela les très nombreux autres dérèglements dont le Parlement est aujourd'hui le sinistre théâtre, on en arrive au constat que le débat démocratique a largement cessé de s'y dérouler Les moyens d'enrayer cette dégradation impressionnante dépendent presque tous de la seule volonté du Gouvernement et de la majorité, alors même que vous semblez peu disposés à jouer le jeu des règles que vous avez pourtant fixées vous-mêmes.

Dès lors qu'une utilisation dévoyée du règlement permet de saper la notion même de séance, c'est l'essence même du Parlement qui s'effondre. La séance ne délibère plus, cesse d'être une réunion plénière et ne permet plus l'exercice des compétences de l'Assemblée.

À cela, monsieur le président – je souhaite, au début de cette explication de vote, m'adresser solennellement à vous –, il est essentiel de réagir au plus vite, car de telles pratiques portent manifestement atteinte au Parlement et aux exigences de clarté et de sincérité des débats parlementaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Au-delà, de nombreuses raisons politiques et juridiques incontestables nous conduisent à remettre en cause l'opportunité et l'utilité de ce texte. Vous nous avez expliqué, monsieur le secrétaire d'État, que ce texte n'engageait à rien. Il s'agit là d'un véritable mensonge par dissimulation. Aucun motif d'intérêt général ne fonde une telle modification du calendrier électoral et une telle réduction de la durée des mandats des élus.

Nous avons pourtant essayé de susciter le débat pour faire la clarté sur les intentions du Gouvernement – débat sur l'institution des conseillers territoriaux, débat sur les rôles des régions et des départements, débat sur le mode de scrutin –, et nous n'avons toujours pas compris si le silence du Gouvernement exprimait sa gêne ou son mépris pour le Parlement et pour l'opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Pourtant, au même moment, vous acceptiez de débattre, au Sénat, de ce dont nous voulions discuter ici ! Il est vrai que vous aviez besoin d'y trouver une majorité et que le débat, alors, ne vous dérangeait pas. Ici, j'insiste, nous n'avons droit qu'à votre mépris. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

La réalité, c'est que le bouleversement du calendrier électoral n'est pas justifié, puisque nous n'avons encore défini ni le statut, ni le mode d'élection, ni les compétences de cet élu nouveau qu'est le conseiller territorial et qui, demain, devra travailler plus pour représenter moins les territoires.

Monsieur le secrétaire d'État, la confusion, l'impréparation, la dissimulation sont les piliers de cette triple régression, financière, territoriale et démocratique, qu'engendre votre recentralisation. Loin de clarifier et de simplifier notre organisation territoriale, votre projet de réforme est source d'incohérences, de désordre et de complexité.

Nous saisirons le Conseil constitutionnel afin qu'il se prononce sur le mode de scrutin, la création du conseiller territorial, le recul en termes de parité : les motifs de saisine sont nombreux.

La seule chose qui apparaît clairement, c'est la façon dont vous entendez, par le biais de votre recentralisation, ponctionner les collectivités, réduire les services publics locaux, augmenter les charges pour les ménages et les collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Nous disposons de deux façons de refuser ces mauvais coups. La première consiste à voter contre ce premier texte, un texte d'engrenage, dès aujourd'hui, et nous le ferons. Puis nous aurons l'occasion de protester contre cette réforme les 14 et 21 mars prochains. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Car nous espérons que ces régressions, que vos projets seront envoyés aux oubliettes, et que les Français voteront pour de vrais conseillers régionaux, pour des projets de territoire ambitieux, pour des régions fortes et mobilisées en faveur des services publics locaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

C'est aux côtés des Français que nous ferons tout pour empêcher cette régression et ce démantèlement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, nous pensions que le « big bang territorial » annoncé par Nicolas Sarkozy reposerait sur l'un des textes majeurs de la législature actuelle. Après les assauts de la commission Balladur, le rapport de M. Warsmann, le discours du Président devant le Congrès à Versailles et les charges de M. Brice Hortefeux, la réforme territoriale nous était vendue comme urgentissime.

Pourtant, pour l'examen de ce texte inaugural, les bancs des députés de la majorité étaient totalement déserts. M. Hortefeux, qui sait réciter son argumentaire lors des séances de questions au Gouvernement, quand il est interrogé sur cette contre-réforme, n'a pas jugé utile de venir la défendre devant la représentation nationale. (« Quelle honte ! » sur les bancs du groupe GDR.) Il a choisi de se faire remplacer par son secrétaire d'État, M. Marleix, qui lui-même s'est fait assez rapidement remplacer par la secrétaire d'État chargée de l'outre-mer, Mme Penchard. (« Oh là là ! » sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

C'est faux !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

C'est dire l'implication de l'exécutif et de la majorité sur ce qui est censé être le chantier du quinquennat du Président.

Alors qu'aucun des députés de la majorité n'a participé – ou alors si peu – à l'examen de ce texte, vous allez, je n'en doute pas, le voter en masse. Aussi, simplement pour vous résumer l'état des débats, je me permets de vous donner quelques éléments d'information sur la réforme territoriale, pour qu'on ne puisse pas vous accuser d'être des députés godillots qui votent un texte sans en rien connaître, seulement parce qu'ils sont aux ordres.

En organisant la concomitance des élections régionales et cantonales pour mars 2014, ce texte préjuge de la création des conseillers territoriaux qui siégeront à la fois au conseil général et au conseil régional, ce qui constitue une institutionnalisation du cumul des mandats.

Les élus territoriaux passeront donc du nombre de 6 000 à 3 000. Économiser 28 millions d'euros sur une dépense publique totale de 220 milliards d'euros constitue en effet une priorité absolue. Inutile d'établir des comparaisons avec le coût du paquet fiscal, ou avec le budget de l'Élysée et de sa cellule sondages, autrement significatifs.

Lors des élections de mars 2014, dont ce texte fixe les modalités, nous devrions connaître également un nouveau mode de scrutin. Il s'agirait d'un scrutin uninominal à un tour pour 80 % des conseillers, et d'un scrutin proportionnel de liste au plus fort reste pour les 20 % restants, ces deux scrutins portant sur des candidats différents à l'échelon cantonal. Comme ne cesse de le répéter M. le ministre de l'intérieur, on voit bien que cette réforme territoriale a pour but de « simplifier les choses ».

L'argument principal, bêtement populiste, de la majorité pour défendre ces réformes, c'est en effet que les Français ne comprendraient rien au système administratif de nos territoires. Nul doute qu'ils comprendront beaucoup mieux ce nouveau mode de scrutin.

Il n'en entraîne pas moins plusieurs conséquences. D'abord sur la parité : les femmes vont être brutalement exclues des exécutifs régionaux et n'entreront certainement pas plus dans les conseils généraux. Mais qu'elles se rassurent, le seuil d'application de la parité sera abaissé aux toutes petites communes, dès 500 habitants. Quelle avancée ! Les femmes pourront donc prendre part aux conseils municipaux des villages, mais elles ne semblent pas dignes, aux yeux du Gouvernement, de rester dans les exécutifs régionaux.

Autre conséquence du mode de scrutin : le bipartisme absolu.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Le scrutin à un tour élimine d'office les petits partis et le pluralisme de la démocratie locale. Pire, il va permettre une surreprésentation de l'UMP qui confine à l'absurde. Après le charcutage des circonscriptions des députés, qui permet à la droite de conserver la majorité tout en étant minoritaire en voix, la réforme territoriale promet de faire basculer la majorité des collectivités locales dans le giron du parti présidentiel.

Ne nous trompons pas : ce texte n'est pas le premier acte de la réforme territoriale, il poursuit, comme le feront à leur tour les trois textes à venir, le dépeçage de la démocratie locale. Votre projet est cohérent : il consiste à revenir sur la décentralisation.

Nos propositions, comme celle d'établir le scrutin proportionnel et de l'ouvrir aux étrangers extra-communautaires, ont été négligées. C'est donc avec une grande détermination que notre groupe votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 544

Nombre de suffrages exprimés 541

Majorité absolue 271

Pour l'adoption 325

Contre 216

(Le projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur la proposition de loi de Germinal Peiro et plusieurs de ses collègues, relative à l'extension du régime de retraite complémentaire obligatoire aux conjoints et aides familiaux de l'agriculture (nos 357, 2219). (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Jeudi dernier, le Gouvernement a indiqué qu'en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, il demandait à l'Assemblée nationale de se prononcer par un seul vote sur les articles 3 à 6 et sur l'ensemble de la proposition de loi, à l'exclusion de tout amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Dans les explications de vote, la parole est à M. Germinal Peiro, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, dans quelques instants, l'Assemblée va se prononcer sur la proposition de loi du groupe socialiste et apparentés, visant à étendre le régime de retraite complémentaire obligatoire aux conjoints et aides familiaux de l'agriculture.

Il convient de rappeler que c'est sous le Gouvernement Jospin que, à la suite d'un plan quinquennal de revalorisation des retraites agricoles, conduit par Louis Le Pensec et Jean Glavany – alors ministre de l'agriculture –, que le Parlement a voté une proposition de loi que j'ai eu l'honneur de rapporter, instaurant le régime complémentaire obligatoire en matière d'assurance vieillesse dans l'agriculture.

Cette proposition de loi a été adoptée en 2002 à l'unanimité de l'Assemblée et du Sénat, et a concerné 465 000 chefs d'exploitation retraités qui ont perçu, en complément de retraite, environ 1 000 euros par an.

Il vous est proposé aujourd'hui d'étendre le bénéfice de la retraite complémentaire obligatoire aux conjoints, qui sont essentiellement des femmes, et aux aides familiaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Cette extension coûterait 130 millions d'euros à l'État pour 363 000 bénéficiaires. Nous avons débattu de ce texte pendant trois heures et demie, jeudi dernier, et nous pensions que, comme l'avait fait le Gouvernement Jospin en 2002, le Gouvernement actuel et la majorité soutiendraient la présente proposition et s'engageraient sur un cofinancement de l'État, rendu indispensable par le déséquilibre démographique du régime agricole qui compte un actif pour trois retraités.

C'est le contraire qui s'est produit. Reniant ses promesses et celles du Président de la République, le Gouvernement s'est opposé à ce texte qui a pourtant recueilli l'accord de tous les groupes politiques de la gauche, celui du Nouveau Centre, par la voix de Philippe Folliot,…

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

…et celui de députés non-inscrits.

Cette proposition ne concerne pas les grands propriétaires terriens des grandes entreprises agricoles. Elle concerne les femmes des petits et moyens exploitants agricoles, des femmes qui ont consacré leur vie entière au travail de la terre, mais aussi à l'équilibre de leur famille et à l'équilibre économique de leur exploitation.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Ces femmes ne viennent pas mendier l'aumône, mais réclamer la juste reconnaissance de leur travail.

Comment ne pas être choqué quand le Gouvernement refuse d'accorder un complément de retraite de 1 000 euros par an à des femmes qui perçoivent en moyenne 500 euros par mois et quand on voit le dirigeant d'une grande entreprise publique obtenir 1,6 million d'euros comme salaire annuel,…

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

…soit 45 % de plus que son prédécesseur, sans même avoir commencé à travailler ? Et cela par le seul fait qu'il est un ami du Président de la République qui vient de le nommer ! (Approbation sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Comment ne pas être choqué d'apprendre que cette même personne va percevoir 13 millions d'euros de « retraite chapeau », qu'il justifie en précisant qu'il s'agit d'une retraite complémentaire ? À combien doit s'élever la retraite de base ? Tout cela est indécent et scandaleux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mais au scandale de l'indécence, le Président de la République et le Gouvernement ont ajouté celui de l'injustice en octroyant les cadeaux fiscaux les plus gros aux amis du Fouquet's et aux familles les plus riches du pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Oui, mes chers collègues de l'UMP, l'État a rendu 600 millions d'euros aux quatorze familles les plus riches qui ont bénéficié du bouclier fiscal.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Nous avons aujourd'hui l'occasion d'accomplir un pas dans le sens de la justice sociale. Nous devons l'accomplir ensemble, afin de faire honneur à notre fonction de représentants du peuple, afin d'honorer le Parlement, mais avant tout pour rendre leur dignité aux femmes de la terre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(M. Marc Laffineur remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Monsieur le président, messieurs les ministres, mesdames et messieurs les députés, comme pour l'ensemble des séances réservées aux groupes parlementaires d'opposition, je me réjouis que nos débats suscitent quelque regain d'intérêt quelques minutes avant le vote, alors que les bancs de la majorité étaient quasiment vides jeudi dernier lorsque nous abordions le fond du problème des retraites agricoles et du régime complémentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Gilard

Vous oubliez de préciser que l'opposition avait déposé 5 000 amendements !

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Sans doute est-ce le signe que la majorité a pris soudainement en compte la situation de détresse des retraités agricoles, particulièrement celle des aides familiaux et des conjoints, et qu'elle s'apprête à voter massivement pour cette proposition de loi tant attendue par ceux dont le niveau de vie est parmi les plus bas en France.

À moins que la consigne présidentielle et gouvernementale ne se traduise une nouvelle fois par une expression de mépris à l'égard des plus modestes, à l'égard de ceux qui n'ont pas compté leurs efforts leur vie durant, et qui ont le plus besoin de la solidarité nationale. Hélas, hélas, comment pourrait-il en être autrement quand le maître lui-même, dans un numéro médiatique pourtant préparé par ses soins, fait preuve de tant de prudence qu'il ne dit plus rien, qu'il se replie, qu'il peine et ne convainc plus personne ? Enfermé dans sa conviction qu'il ne peut que servir les puissants, il essaie, comme vous sans doute cet après-midi, de cacher son refus de répondre aux attentes des plus démunis.

Je l'ai dit la semaine dernière, depuis sa mise en place effective par la loi du 10 juillet 1952, le régime de retraite des non-salariés agricoles a été l'objet de plusieurs réformes visant à la reconnaissance juridique et à l'intégration au sein du régime des conjoints et aides familiaux, visant aussi à l'amélioration des niveaux des pensions de base et à l'adoption d'un régime complémentaire obligatoire en 2002.

Mais, vous le savez, les quelque 1 800 000 retraités actuels de ce régime ont des revenus caractéristiques d'une situation d'extrême pauvreté, pour la grande majorité bien en deçà des 700 euros du seuil de pauvreté retenu en France. Et que dire de tous les conjoints survivants d'exploitants – pour l'immense majorité, des femmes – qui ne perçoivent que 300 ou 400 euros de pension, après une vie de travail associant tâches professionnelles et tâches ménagères ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Jeudi dernier, le quarteron de députés UMP présents a interprété le jeu de l'absurde, tantôt mettant en avant le caractère précoce et partiel de cette proposition de loi, nous invitant à attendre patiemment le débat global sur la casse des retraites, tantôt en soulevant l'incapacité de l'État à financer cette mesure de justice sociale. Quelle indécence au regard des largesses accordées aux plus riches, aux banques et aux grands groupes !

Avec ce gouvernement, chers collègues de l'UMP, vous êtes passés maîtres dans l'art de justifier l'injustifiable : le bouclier fiscal, les milliards d'euros de dividendes aux actionnaires, les millions d'euros de salaire des grands patrons.

Alors, dans une dernière tentative, à court d'absurde, vous faites même des envolées sur le registre émotionnel, témoignant du vécu de vos propres parents, pour, au final, juger presque indigne que les retraités s'indignent de leurs si volumineuses pensions. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mes chers collègues, je le dis avec une colère contenue, les retraités agricoles sont las de tant de mépris et d'indifférence à leur égard. Ils étaient venus nombreux jeudi dernier, des départements ruraux, pour assister à nos débats. Ils étaient venus de toute la France, et, sur ces bancs, nous avions mal à la France. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Que peuvent-ils bien penser quand des parlementaires arguent qu'il est impossible, et même impensable, de les rendre bénéficiaires du régime complémentaire obligatoire, quand, dans le même temps, des milliards d'euros de garanties sont apportés à des banques qu'ils ont largement contribué à placer au plus haut de la hiérarchie bancaire mondiale ?

Que peuvent-ils bien penser quand les géants de l'industrie agroalimentaire français, qui ont fait florès sur leur dos, distribuent chaque année des milliards d'euros de dividendes aux actionnaires sans que soit simplement envisagée leur mise à contribution pour garantir des pensions dignes pour les anciens exploitants ?

Mes chers collègues, nous avons aujourd'hui l'occasion de marquer notre considération pour le travail passé de ceux qui nous ont nourris. Rien n'est plus insupportable que de les laisser dans la misère, quand l'opulence de certains s'affiche sans retenue.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Il faut conclure, mon cher collègue. (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Je vous invite donc à voter ce texte, comme le feront l'ensemble des députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

J'indique d'ores et déjà que le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je me réjouis, au nom du groupe Nouveau Centre et apparentés, d'avoir pu participer, la semaine dernière, à un débat si important pour le monde agricole.

Nos échanges ont été constructifs, mais parfois excessifs – peut-être le calendrier électoral n'y est-il pas pour rien. Le sujet aurait mérité un débat plus posé, qui dépasser les clivages droite-gauche, car les préoccupations qu'il recoupe sont celles de centaines de milliers de nos concitoyens, et tous les élus, notamment les élus ruraux, les partagent.

Nous regrettons également que l'on ait eu recours à la procédure du vote bloqué, dont nous constatons qu'elle est maintenant utilisée de façon systématique, ce qui nuit à l'image du travail parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Le monde agricole attend des réponses. Il est de notre devoir, tous ensemble, de trouver des mesures afin de réduire ces poches de pauvreté dans lesquelles se trouvent les conjoints et aides familiaux de l'agriculture.

La situation des retraités agricoles est en effet préoccupante. Après avoir consacré, tout au long de la vie, leur temps et leur énergie à un travail souvent rude et mal reconnu, les conjoints d'exploitants et aides familiaux perçoivent les retraites les plus basses de tous les régimes d'assurance vieillesse, avec en moyenne 500 euros par mois.

Ce texte nous paraît très important, tant pour la société que pour une forme de justice sociale. C'est pourquoi nous ne devons pas adopter systématiquement une attitude hostile : même si elle émane du groupe SRC, nous pensons que cette proposition est bonne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Essayons donc de travailler ensemble pour que notre société avance et sorte renforcée de cette crise.

Pour nous, la situation dans laquelle se trouvent les conjoints et aides familiaux de l'agriculture témoigne d'une grande injustice. Dans un contexte de crise économique touchant de façon plus particulière le secteur de l'agriculture, la présente proposition de loi met donc en avant une mesure qui va dans le sens de l'équité et de la justice sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC, SRC et GDR.)

La présente proposition de loi aurait permis, en effet, de revaloriser significativement le montant des retraites de conjoints et d'avancer dans la direction de la parité entre hommes et femmes, les conjoints étant pour leur très grande majorité des femmes.

En approuvant ce texte, le groupe Nouveau Centre agit dans la continuité et en cohérence avec son profond attachement au monde rural. Je me permets de vous rappeler un exemple de cet engagement constant. Lors des explications de vote en première lecture de la proposition de loi relative à la création du régime complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles, le 11 décembre 2001, notre porte-parole de l'époque, M. Charles de Courson, avait fait état de « graves insuffisances, dont l'exclusion des veuves, des conjoints et des aides familiaux », et avait déclaré qu'il aurait été préférable de « les inclure tout de suite dans le régime, quitte à réduire les prestations ».

Au regard des interventions de ses députés, il semblerait que le groupe UMP ne votera pas ce texte. Nous prenons acte de sa décision, ainsi que de celle du Gouvernement de faire jouer l'article 40.

Mme la secrétaire d'État a été injustement mise en cause lors du débat de jeudi dernier. Elle a assuré que la question des retraites des conjoints et aides familiaux de l'agriculture serait abordée lors de la discussion du projet de loi de modernisation agricole et lors du grand rendez-vous des retraites.

La question du financement de l'extension du régime de retraite complémentaire obligatoire aux conjoints et aides familiaux de l'agriculture doit être posée. Il serait dommage de partir d'une bonne intention mais de ne pas proposer des financements afin d'appliquer cette mesure de façon satisfaisante.

Sachez que le groupe Nouveau Centre sera très attentif lors de ces deux futurs rendez-vous et prendra activement part au débat en faisant des propositions concrètes. Nous espérons fortement que cette grande injustice sera réparée lors de ces rendez-vous.

En conséquence, tous les députés du groupe Nouveau Centre approuveront ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), qui témoigne de la bonne intention d'améliorer la situation précaire dans laquelle vivent de nombreux conjoints et aides familiaux de l'agriculture. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC, SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Herth

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette proposition de loi, qui prévoit de donner accès à la retraite complémentaire obligatoire aux aides familiaux et aux conjoints d'exploitants agricoles, est a priori séduisante et aurait pu faire consensus. Faut-il rappeler, d'ailleurs, que le sujet a déjà été évoqué – il suffit de consulter les annales du Parlement – à l'occasion de l'examen de la loi de 2002 ? À l'époque, le choix avait été fait d'exclure cette catégorie du bénéfice de la retraite complémentaire obligatoire. C'était en quelque sorte une session de rattrapage que nous proposaient les députés du groupe SRC.

Faut-il dire aussi que personne, aucun parlementaire, de quelque groupe que ce soit, n'ignore la situation des retraités du monde agricole ? (« Et alors ? » sur les bancs du groupe SRC.) Elle mérite effectivement d'être examinée à l'occasion du prochain projet relatif à la révision de l'équilibre des retraites, toutes catégories sociales confondues. (« Pourquoi attendre ? » sur les bancs du groupe SRC.)

Mais que faut-il penser de cette proposition de loi qui a été inscrite à l'ordre du jour alors qu'elle avait été tronquée, en application de l'article 40, et alors que la commission des affaires sociales avait émis des remarques négatives ?

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Herth

Je peux vous dire, chers collègues, que les parlementaires de la majorité, qui étaient nombreux, ont joué le jeu du débat démocratique, ont été présents jusqu'au bout de ce débat, tout en sachant bien que, techniquement, ce texte ne pouvait pas aboutir. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Herth

Comment faut-il témoigner de notre considération aux retraités du monde agricole ?Mes chers collègues de l'opposition, vous avez tous les ans l'occasion de le faire, en levant votre main pour adopter les budgets des comptes sociaux. Depuis sept ans, cette majorité a adopté des comptes qui amènent plus de 8 milliards d'euros pour conforter les retraites du monde agricole. Depuis sept ans, cette majorité a consolidé le régime du monde agricole, le financement du FIPSA, le fonctionnement des caisses de mutualité sociale agricole.

À cet égard, je veux d'ailleurs saluer le travail accompli par notre collègue Yves Censi, qui a beaucoup fait pour que des solutions puissent être trouvées sur ce sujet délicat.

À quelques semaines des élections régionales, nous avons assisté à une basse manoeuvre politicienne. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) L'opposition n'a cherché qu'une chose : flatter une catégorie d'électeurs. Vous avez affrété des autobus pour remplir les tribunes de l'hémicycle. Vous avez vendu votre temps de parole à un lobby régional. Nous avons d'ailleurs noté la présence du président de l'ARF, qui nous a fait l'honneur de sa visite à l'occasion de la discussion de ce texte. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

« Lobby régional » ! Vous devriez avoir honte d'employer ce mot ! Retirez-le !

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Herth

Ma conclusion, vous l'aurez compris, est simple : le groupe UMP votera contre ce qui devait être une proposition de loi, mais qui n'en avait que le nom. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Huées sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 524

Nombre de suffrages exprimés 516

Majorité absolue 259

Pour l'adoption 245

Contre 271

(La proposition de loi n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. (Exclamations et huées sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi de dire un mot. (Huées sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Ça ne se fait pas ! Après le vote, c'est terminé !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Mes chers collègues, s'il vous plaît, laissez le ministre s'exprimer ! Si vous voulez sortir, faites-le en silence, mais laissez le ministre s'exprimer !

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Mesdames, messieurs les députés, je souhaite vous adresser deux messages. (Exclamations continues sur les bancs du groupe SRC.)

La question des retraites agricoles est au coeur du projet gouvernemental. Nous avons débloqué un plan pluriannuel de 187 millions d'euros de soutien aux retraites agricoles au cours des dernières années. Cela a été fait par la majorité, cela n'a pas été fait par l'opposition lorsqu'elle était au pouvoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

C'est honteux de dire ça ! C'est un pur mensonge !

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

D'autre part, nous voulons traiter la question des retraites agricoles et des retraites agricoles obligatoires pour les conjoints et les aides agricoles. Nous avons parfaitement conscience de la difficulté.

Nous la traiterons dans le cadre du grand débat sur les retraites. Ce n'est pas une question isolée. Elle fait partie du débat général sur les retraites et elle sera donc à ce titre examinée dans le cadre du débat sur les retraites. Les retraites complémentaires agricoles seront également traitées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues relative à la protection des missions d'intérêt général imparties aux services sociaux et à la transposition de la directive services (nos 2149, 2218).

Jeudi dernier, le Gouvernement a indiqué qu'en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, il demandait à l'Assemblée nationale de se prononcer par un seul vote sur les articles 1er à 5 et sur l'ensemble de la proposition de loi, à l'exclusion de tout amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, madame la secrétaire d'État chargée des aînés, la proposition de loi présentée par le groupe SRC poursuit trois objectifs.

Le premier objectif vise à susciter un débat au Parlement sur la transposition de la directive services.

Le deuxième objectif consiste à alerter sur l'opacité et les options retenues par le Gouvernement, qui refuse d'exclure largement les services sociaux du champ d'application de la directive, notamment les questions de la petite enfance et de la formation professionnelle.

Le troisième objectif est de transcrire en droit français la notion de mandatement, notamment sous la forme de conventions partenariales d'intérêt général, afin de sécuriser les relations financières entre l'État et les collectivités locales, d'un côté, et, de l'autre, avec le secteur associatif et l'économie sociale et solidaire.

Lors du débat, la représentante du Gouvernement Mme Nora Berra, que je salue, n'a pas hésité à affirmer que la proposition de loi était inutile, contre-productive, voire risquée, mais sans en apporter la démonstration.

Notre texte ne reprend que les dispositions du droit européen que nous estimons nécessaires de transposer dans notre droit national pour protéger nos services sociaux, comme le demande le collectif SSIG, qui soutient notre proposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Plutôt que de donner des leçons de droit communautaire, le Gouvernement ferait mieux de s'y plier et de rendre publics, en les communiquant notamment à la représentation nationale, les documents qu'il a transmis à la Commission et dont nous ne disposons toujours pas, et de répondre à trois questions.

Pourquoi la France est-elle, avec l'Allemagne, le seul pays sur vingt-sept à ne pas procéder à une transposition par une loi-cadre ? L'Allemagne se trouve dans une situation différente : il s'agit, d'une part, d'un État fédéral, et elle a, d'autre part, sécurisé ses services sociaux en parvenant à faire inscrire dans la directive elle-même la reconnaissance des associations caritatives.

Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas utilisé toutes les ressources de la directive services et du traité de Lisbonne pour exclure largement les services sociaux, notamment celui de la petite enfance, comme le réclame l'Association des maires de France, ou de la formation professionnelle pour les chômeurs et les précaires, comme le demande l'Association des régions de France ?

Enfin, pourquoi le Gouvernement ne veut-il pas définir dans notre droit national ce qu'est un mandatement ? Pourquoi le Gouvernement ne donne-t-il pas aux collectivités territoriales la capacité de mandater ? Je vais vous l'expliquer et je vais exprimer ce que vous ne voulez pas dire, mais que vous apprêtez à faire ou à laisser faire.

Refuser de répondre positivement à ces trois questions revient, en réalité, à défendre nos services publics de proximité et nos services sociaux. En effet, ne pas le faire, c'est laisser se développer une offre privée importante, voire la favoriser, comme cela se passe déjà dans le secteur de la petite enfance, et prendre le risque que, dans quelques mois ou dans quelques années, au nom de la concurrence, on exige un abaissement des normes ou que, au nom de l'Europe, on remette en cause les financements publics, comme vous l'avez déjà fait pour l'AFPA. Ne pas s'appuyer sur le traité pour définir le périmètre de nos services publics, c'est prendre le risque du développement d'une offre rentable prise en charge par le secteur privé et d'une offre non rentable assurée par les services sociaux, financés sur fonds publics, c'est-à-dire un modèle social à deux vitesses, composé, d'une part, de services sociaux réduits à la portion congrue pour les plus démunis, et, d'autre part, des services pourvus par l'initiative privée pour ceux qui peuvent se les offrir.

Vous le voyez, cette proposition de loi est utile, ne serait-ce que par le débat qu'elle a permis d'engager et qui n'est pas prêt de prendre fin. C'est votre stratégie de renoncement, d'abaissement qui est risquée pour notre modèle social, fondé sur l'accès universel, la mixité sociale et la solidarité.

Aujourd'hui, le Gouvernement propose une transposition en catimini, excluant a minima les services sociaux de proximité pour les ouvrir largement au secteur privé et, demain, les déréguler au nom de Bruxelles.

C'est pourquoi nous vous proposons une transposition législative dans la transparence, excluant largement les services sociaux, pour sécuriser juridiquement le secteur social et associatif et permettre par exemple aux régions qui le souhaitent de créer des services publics régionaux de formation ou aux communes qui le souhaitent de continuer d'organiser leur service public de la petite enfance.

Notre texte est utile et nécessaire car il positionne clairement les services sociaux et de proximité dans le champ des services d'intérêt général et apporte enfin la sécurité juridique à ce secteur clef de notre économie, qui compte – je vous le rappelle – 2 millions d'emplois au service de la cohésion sociale et de la solidarité nationale. En conséquence, mes chers collègues, si vous êtes sincères dans la défense des services sociaux, je vous propose d'adopter ce texte et de continuer le débat que nous aurons dans les mois qui viennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, comme nous l'avons expliqué lors de la discussion générale, les services sociaux d'intérêt général sont gravement menacés par les dispositions des traités communautaires et la logique mercantile qui les sous-tend.

Nous refusons catégoriquement que les services sociaux d'intérêt général soient considérés comme des activités marchandes soumises aux règles de la concurrence et du marché intérieur. Sur ce point, nous sommes en accord avec l'intention exprimée par nos collègues socialistes d'apporter un maximum de sécurité juridique et financière aux services sociaux d'intérêt général.

Comme nous l'avions rappelé dans notre proposition de résolution européenne du 9 avril 2009, la directive services prévoit, à la suite du vote du Parlement européen et du Conseil, une exclusion des services sociaux d'intérêt général de son champ d'application.

C'est la raison pour laquelle nous partageons, sur ce point également, la volonté inscrite dans cette proposition de loi de remettre le Parlement au coeur du processus de transposition de la directive services, et ce afin que la représentation nationale puisse jouer pleinement son rôle de législateur et exercer ses fonctions de contrôle.

Néanmoins, il s'agit là d'une initiative bien vaine, car une proposition de loi ne saurait protéger les services d'intérêt général, et spécifiquement les services sociaux d'intérêt général.

Comme nous l'avions indiqué clairement dans notre proposition de résolution européenne en avril 2009, nous avons demandé au Gouvernement français, chargé de représenter notre pays au sein du Conseil, de saisir la Commission européenne d'une demande d'initiative sur les services d'intérêt général pour reconnaître pleinement les caractéristiques spécifiques des services sociaux et les protéger explicitement contre l'application des règles de la concurrence.

Contrairement à nos collègues socialistes, qui, en avril dernier, avaient été les coauteurs, avec l'UMP, d'une proposition de résolution, n° 1575, sur les services sociaux d'intérêt général, nous considérons qu'une telle clarification ne saurait s'inscrire dans le cadre des traités communautaires, y compris surtout du traité de Lisbonne, pâle copie du traité constitutionnel rejeté massivement par le peuple, et dont le fil conducteur demeure la soumission aux lois du marché.

Non, nous le regrettons, cette proposition de loi ne permettrait pas de consolider notre modèle français des services publics sociaux. D'une part, la sécurisation juridique des services sociaux d'intérêt général ne peut venir, au préalable, que du niveau européen, pour qu'il n'y ait pas, au niveau national, des contradictions avec le droit communautaire, donc des sanctions, mais aussi pour que la sécurisation soit harmonisée dans les vingt-sept États membres. D'autre part, nous considérons que la question de la définition des services publics et de leur protection ne peut se poser indépendamment d'une remise en cause globale du modèle libéral, tel qu'imposé par l'Union européenne. En bref, une sécurisation des services sociaux d'intérêt général ne saurait être fondée sur les dispositions actuelles des traités communautaires.

Comme nous l'avons démontré dans la discussion générale, dans le traité de Lisbonne, seuls les services non économiques d'intérêt général bénéficient d'une exclusion de principe des règles des traités, alors que les services d'intérêt économique général, dont font partie la quasi-totalité des services sociaux d'intérêt général, relèvent de l'application du droit de la concurrence, sauf « exception exceptionnelle » – le mot est fort.

C'est la raison pour laquelle nous estimons que la proposition de loi du groupe SRC, si elle part d'une bonne intention, comporte cependant une contradiction majeure. Elle ne peut à la fois protéger les services sociaux d'intérêt général et s'appuyer pour cela sur le traité de Lisbonne. C'est antinomique. C'est la raison pour laquelle les députés communistes, républicains et du parti de gauche voteront contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

J'indique d'ores et déjà que le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les services sociaux représentent plus de 1 million d'emplois et constituent l'un des fondements du modèle social français. Ces services accomplissent un travail important pour la promotion de la cohésion sociale. J'ai fait toute ma carrière professionnelle dans le tiers secteur dit de l'économie sociale et solidaire, en qualité de responsable d'un organisme de financement et de gestion du logement social. Je suis donc particulièrement attentif à ces questions.

Dans le cadre de la « stratégie de Lisbonne », la Commission a répondu à l'invitation du Conseil européen de concevoir une politique dont l'ambition est de supprimer les obstacles à la libre circulation des services et à la liberté d'établissement des prestataires de services. La Commission a ainsi adopté le 13 janvier 2004 une « proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur », également connue sous le nom de directive services.

Au-delà de ce contexte de crise économique particulièrement dure, tous les États membres de l'Union européenne devraient partager le même objectif : poursuivre et offrir des services sociaux de bonne qualité de façon durable et continue, accessibles à chaque personne dans tous les États membres.

À la suite du rapport du Sénat du 17 juin 2009, qui invitait la représentation nationale à examiner davantage les enjeux de la transposition, la Commission européenne a mis en garde contre le risque d'« une transposition en catimini ». Nous regrettons l'absence d'une association étroite du Parlement à ce processus de transposition. Nous pensons qu'il est de notre devoir de représentant national d'informer nos concitoyens de façon transparente sur la transposition des directives, afin de les sensibiliser davantage aux enjeux européens. Pour cela, nous saluons l'initiative du groupe SRC qui a amené ce débat au sein de cet hémicycle.

Bien évidemment, le groupe Nouveau Centre partage le souhait de protéger davantage les services sociaux. Le champ d'application de la présente proposition de loi est toutefois très restreint et exclut un certain nombre de services sociaux essentiels à nos yeux – les services de santé, de l'aide à l'enfance, du logement social, de l'aide aux familles et aux personnes se trouvant, de manière permanente ou temporaire, dans une situation de besoin.

Malgré les critiques que nous formulons sur cette proposition de loi, nous saluons l'initiative de nos collègues qui ont voulu accorder aux services sociaux et à leurs acteurs la sécurité juridique qui leur fait défaut en matière de financement et d'encadrement.

Nous voyons également d'un oeil favorable le fait que la proposition de loi définisse les instruments de contractualisation appropriés, notamment pour les acteurs de l'économie sociale, respectueux de leur droit d'initiative et du caractère d'intérêt général de leur projet associatif ou coopératif. En raison de notre profond attachement aux collectivités territoriales, nous sommes favorables à l'initiative visant à permettre l'utilisation des nouvelles garanties offertes par le traité de Lisbonne, récemment entré en vigueur, pour octroyer la possibilité aux autorités publiques, non seulement nationales, mais également régionales et locales, de sécuriser les services d'intérêt économique et social général.

Nous estimons donc que cette proposition de loi part d'une bonne intention, que nous partageons. Nous considérons cependant que les exclusions qu'elle énumère vont beaucoup trop loin. Il en résulte que la bonne intention de ce texte est finalement détournée de son objectif principal.

De plus, nous pensons que le débat doit être organisé d'une façon différente. Nous souhaitons, madame la secrétaire d'État, que le Gouvernement présente un véritable projet de loi et que le débat se fasse de manière préparée, consensuelle et transparente dans une logique de coproduction parlementaire.

Pour cette raison, le groupe Nouveau Centre ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Valérie Rosso-Debord, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Rosso-Debord

Nos collègues du groupe SRC nous ont, la semaine dernière, proposé un débat important et intéressant. Loin d'être médiocre, il a fait apparaître que, à l'exception du groupe GDR, nous poursuivions le même objectif : la sécurisation de nos services sociaux d'intérêt général.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Vous allez donc voter la proposition de loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Rosso-Debord

Tout comme en Allemagne, nous avons en France des services sociaux d'intérêt général à haute valeur ajoutée qui permettent une prise en charge de qualité. Dans le cadre de la transposition de la directive services, la commission des affaires européennes a déjà été saisie de ce sujet. Nous avons commis un rapport à quatre mains où opposition et majorité ont abouti aux mêmes conclusions sur la nécessité d'exclure un certain nombre de dispositifs.

Entre-temps, le traité de Lisbonne a introduit des garanties supplémentaires en termes de subsidiarité et en permettant d'exclure divers services d'intérêt économique. Nous considérons donc que la proposition de loi de nos collègues du groupe SRC mettrait un terme à la sécurisation juridique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est pourquoi, le groupe UMP ne votera pas ce dispositif. La sécurisation figure dans le cadre de la loi Hôpital, patients, santé et territoires et dans la loi de modernisation de l'économie. La subsidiarité joue aujourd'hui pleinement son rôle. Heureusement que le traité de Lisbonne a été adopté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 461

Nombre de suffrages exprimés 459

Majorité absolue 230

Pour l'adoption 153

Contre 306

(La proposition de loi n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques (nos 2081, 2216, 2220).

La parole est à M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a pour objectif de parachever le travail commencé avec la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, destinée à donner au Parlement de nouveaux pouvoirs de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques.

Cette proposition a été déposée par le président Bernard Accoyer en tenant compte des recommandations émises par le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale, en conclusion des travaux d'information sur les critères de contrôle des études d'impact conduits à la demande de ce comité par M. Jean Mallot ainsi que par moi-même.

Elle permet également de remédier à certaines censures récentes du Conseil constitutionnel qui affaiblissaient les moyens de contrôle et d'évaluation dont dispose le Parlement.

L'article 1er de la proposition de loi prévoit que les rapporteurs des instances parlementaires de contrôle et d'évaluation disposent des pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place et de communication des documents conférés par l'ordonnance du 17 novembre 1958 aux rapporteurs des commissions d'enquête.

L'article 1er prévoit également que toute personne dont l'audition est estimée nécessaire par une instance parlementaire de contrôle et d'évaluation pourra être convoquée par celle-ci. Il permet ainsi de surmonter la décision du Conseil constitutionnel du 25 juin 2009 sur la résolution modifiant le règlement de l'Assemblée nationale, dans laquelle le Conseil constitutionnel avait censuré une disposition qui prévoyait qu'un débat puisse être organisé sur un rapport du comité d'évaluation « en présence des responsables administratifs de la politique publique concernée ».

L'article 1er, qui donne la possibilité de convoquer les directeurs d'administration centrale notamment, a été complété en commission sur deux points proposés par la commission des finances et approuvés par la commission des lois.

Le champ des instances pouvant bénéficier de ces nouveaux pouvoirs a été précisé. Il prévoit désormais qu'il s'agit des instances permanentes créées au sein de l'une des deux assemblées parlementaires pour contrôler l'action du Gouvernement ou évaluer des politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une seule commission permanente.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Très concrètement, cela signifie que la disposition jouera en faveur du comité d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale, des délégations sénatoriales à la prospective et aux collectivités territoriales et des délégations aux droits des femmes, mais qu'elle ne s'appliquera pas aux missions d'information. Nous en débattrons certainement.

D'autre part, l'exercice des pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place devra être exercé conjointement par les rapporteurs. Comme la discussion en commission l'a fait apparaître, cela revient à exiger un accord entre les deux co-rapporteurs, celui de la majorité et celui de l'opposition, mais pas pour autant une présence simultanée des deux co-rapporteurs, pour des raisons de bon sens, sauf s'ils en décident autrement.

Pour répondre à des griefs formulés précédemment, l'article 2 de la proposition de loi remédie à la censure d'une disposition du règlement de l'Assemblée nationale relative aux conditions de consultation du procès-verbal des personnes auditionnées par une commission d'enquête. Le Conseil constitutionnel a en effet jugé, dans sa décision du 25 juin 2009, que cette disposition devait figurer dans la loi et non dans le règlement d'une assemblée parlementaire, en raison de la rédaction nouvelle de l'article 51-2 de la Constitution. L'article 2 introduit cette disposition supplémentaire dans l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 consacré aux commissions d'enquête parlementaires.

Enfin, l'article 3 de la proposition de loi permet de traiter la question de l'assistance de la Cour des comptes au Parlement, ce qui a été un sujet très controversé. Alors que l'article 47-2 de la Constitution, introduit par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, a posé un principe général d'assistance de la Cour des comptes au Parlement, il avait été proposé, à l'occasion de la réforme du règlement de l'Assemblée nationale, de confier au comité d'évaluation et de contrôle la faculté de demander cette assistance pour l'évaluation des politiques publiques, complétant le travail d'un président de l'Assemblée nationale aujourd'hui décédé et que nous regrettons tous. Cette disposition avait néanmoins été censurée par le Conseil constitutionnel, qui avait jugé que « si la Cour des comptes a vocation à assister ledit comité dans l'évaluation des politiques publiques, il n'appartient pas au règlement mais à la loi de déterminer les modalités selon lesquelles un organe du Parlement peut demander cette assistance ». C'est la raison pour laquelle le comité d'évaluation et de contrôle a estimé qu'« il serait utile de désigner rapidement dans la loi les organes du Parlement qui seront habilités à demander l'assistance de la Cour des comptes en matière d'évaluation des politiques publiques […]. Dans le cas de l'Assemblée nationale il s'agirait, naturellement, au premier chef, du comité d'évaluation et de contrôle, ainsi que des commissions permanentes, dans leurs champs de compétences respectifs. » L'article 3 de la présente proposition de loi, modifié en commission, répond pleinement à cet objectif.

En effet, la commission a souhaité aller jusqu'au bout de la proposition qui avait été faite par le comité d'évaluation et de contrôle en matière de demandes d'enquête à la Cour des comptes, en prévoyant que pourront demander de telles enquêtes non seulement les instances d'évaluation des politiques publiques, mais également les commissions permanentes, alors qu'aujourd'hui seules les commissions des finances…

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

…et des affaires sociales peuvent obtenir l'assistance de la Cour des comptes. S'il est logique que le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sollicite l'assistance de la Cour des comptes pour l'évaluation des politiques publiques transversales, en revanche, ce rôle revient légitimement aux commissions permanentes elles-mêmes dans leur domaine de compétence respectif, cela ne peut qu'améliorer la qualité du travail parlementaire, notamment en commission.

Dans le même temps, la commission des lois a pleinement pris en compte le souhait exprimé par la commission des finances qu'un filtre des demandes d'assistance soit effectué par le président de chaque assemblée parlementaire. Cela permettra d'éviter des demandes concurrentes ou trop nombreuses et assurera une cohérence d'ensemble aux demandes qui seront formulées.

Par conséquent, les demandes d'assistance, qui passeront toutes par l'intermédiaire du président de l'assemblée concernée, pourront provenir : du président de l'assemblée lui-même ; d'une instance permanente créée au sein de l'assemblée pour évaluer des politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une seule commission permanente ; d'une commission permanente, dans son domaine de compétence, le cas particulier des commissions des finances et des affaires sociales étant maintenu.

Enfin, pour rendre ce mécanisme de demande d'assistance efficace, la commission des lois a également prévu que le délai dans lequel la Cour des comptes devra répondre à une demande sera déterminé par le président de l'assemblée concerné, après consultation du premier président de la Cour des comptes, et que ce délai ne devra en aucun cas être supérieur à douze mois.

Le regretté Philippe Séguin a travaillé sur la réorganisation de la structure de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes. Sur la question de l'assistance de la Cour des comptes, Philippe Séguin s'était expliqué au cours d'une audition par la commission des lois le 7 octobre 2009 : « Quand nous avons été saisis d'une demande d'assistance de la commission des finances sur les services d'incendie et de secours, il nous a été impossible d'y répondre, car la commission n'avait pas le droit de saisir les chambres régionales des comptes et nous, nous ne pouvions pas aller sur leur terrain. » Tant que cette organisation n'est pas modifiée, il demeurera impossible pour la Cour des comptes de répondre à des demandes portant sur des politiques publiques nationales et des politiques publiques conduites par les collectivités territoriales ou leurs établissements publics. C'est la raison pour laquelle je forme le voeu que le projet de loi portant réforme des juridictions financières, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 28 octobre 2009, puisse être rapidement examiné par le Parlement, car il est le volet pratique de ces trois articles que nous allons voter aujourd'hui. Il permettra ainsi de prolonger la démarche inaugurée par l'article 3 de la proposition de loi, en levant les difficultés concrètes d'application.

La commission des lois vous invite donc à adopter la proposition de loi ainsi complétée, qui apportera au Parlement de nouveaux moyens d'approfondir son contrôle sur le Gouvernement et son évaluation des politiques publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames messieurs les députés, le contrôle et l'évaluation des politiques publiques constituent une fonction essentielle du Parlement dans une démocratie moderne.

L'article 24 de la Constitution, dans sa nouvelle rédaction, consacre expressément cette mission des assemblées parlementaires. Il reste à en préciser les voies et les moyens. C'est ce qui fait l'importance du texte qui vous est soumis.

Le président de l'Assemblée nationale vous propose en effet de modifier l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et le code des juridictions financières, afin de renforcer les moyens de contrôle du Parlement.

Dans le prolongement de la révision constitutionnelle, le président de l'Assemblée nationale avait déjà été à l'origine de plusieurs modifications de l'ordonnance du 17 novembre 1958. La loi du 15 juin 2009 tire ainsi les conséquences de la création des commissions chargées des affaires européennes et de la nouvelle rédaction de l'article 88-4 de la Constitution, et supprime les offices parlementaires d'évaluation de la législation et des politiques de santé, ainsi que diverses délégations. À l'initiative du président de la commission des lois, elle détermine également la procédure de saisine du Conseil d'État pour avis sur les propositions de loi.

La présente proposition de loi, telle que la commission des lois l'a amendée, permet aux organes compétents en matière de contrôle et d'évaluation des politiques publiques de convoquer les personnes dont l'audition est jugée souhaitable. Elle donne également aux rapporteurs de ces instances les pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place et de communication de tout document conférés aux rapporteurs des commissions d'enquête.

Le Gouvernement approuve la démarche engagée en vue de renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle et d'évaluation des politiques publiques. À cet égard, la création du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques permettra sans aucun doute à l'Assemblée nationale d'exercer de façon plus performante ses fonctions de contrôle et d'évaluation.

Le Gouvernement entend toutefois rappeler les limites posées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 25 juin 2009, laquelle indiquait clairement que l'impossibilité pour le comité de convoquer les responsables administratifs des services de l'État découle des articles 20 et 21 de la Constitution. Selon ces derniers, le Gouvernement est seul responsable devant le Parlement et peut seul autoriser les responsables administratifs à se rendre devant un organe du Parlement. Le Conseil a également apporté la précision suivante : « La séparation des pouvoirs interdit que, pour conduire les évaluations, les rapporteurs du comité puissent bénéficier du concours d'experts placés sous la responsabilité du Gouvernement. » La modification de l'ordonnance du 17 novembre 1958 ne saurait remettre en cause ces principes, même si elle permet au comité de convoquer toute personne dont il estime l'audition nécessaire.

D'autre part, le Gouvernement s'interroge sur l'opportunité d'étendre à toutes les délégations la jouissance des prérogatives spéciales que constituent le pouvoir de convocation, celui de contrôler sur pièces et sur place et le droit de communication de tout document.

Le rapport de la commission des lois, comme l'avis de la commission des finances, l'indique clairement : cette proposition est principalement destinée à donner au comité d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale les prérogatives nécessaires à sa mission. Elle se contente de tirer les conséquences législatives de certaines recommandations formulées par le comité lui-même dans son rapport d'information sur les études d'impact.

Certes, l'octroi des pouvoirs d'investigation est justifié par la nécessité, pour le comité, d'obtenir à bref délai les informations nécessaires à l'examen des études d'impact dont il serait saisi. Mais il serait dangereux de banaliser le recours à de tels instruments coercitifs. Faut-il rappeler, au demeurant, que les commissions permanentes et spéciales ne disposent pas, de droit, de telles prérogatives, et qu'elles ne peuvent en bénéficier que sur autorisation de l'Assemblée, pour une durée et dans un cadre déterminés ?

La fonction de contrôle du Parlement ne se construira jamais par la multiplication des instruments de contrainte à l'égard du Gouvernement. Elle ne se concrétisera que grâce à une vigilance concrète et continue du Parlement à l'égard de l'application des politiques publiques, grâce à l'implication commune de parlementaires de la majorité et de l'opposition et grâce à un dialogue intense et constructif avec l'exécutif.

La proposition de loi assure d'autre part l'application du nouvel article 47-2 de la Constitution…

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

…en précisant les modalités d'assistance de la Cour des comptes dans l'évaluation des politiques publiques.

Le Gouvernement n'a évidemment pas à porter d'appréciation sur la désignation des organes internes à chaque assemblée et chargés de solliciter l'assistance de la Cour des comptes. On relèvera simplement que la possibilité désormais offerte à toutes les commissions permanentes de demander la saisine de la Cour s'inscrit entièrement dans la logique du nouvel article 47-2 de la Constitution. Le Gouvernement a du reste proposé une disposition comparable dans le projet de loi de réforme des juridictions financières, auquel le rapporteur de la commission des lois vient de faire référence.

Enfin, la proposition de loi inscrit dans l'ordonnance du 17 novembre 1958 les modalités selon lesquelles les personnes entendues par une commission d'enquête peuvent prendre connaissance du compte rendu de leur audition et faire part de leurs observations. La proposition tire ainsi les conséquences nécessaires de la décision du Conseil constitutionnel du 25 juin 2009, selon laquelle, depuis la révision du 23 juillet 2008, ces dispositions trouvent leur place non plus dans le règlement de l'Assemblée nationale, mais dans la loi.

Ainsi, toutes les dispositions de ce texte accroîtront l'efficacité du travail parlementaire et contribueront à la revalorisation déjà entamée du Parlement, dans le respect des équilibres constitutionnels. Cette initiative est tout à fait complémentaire de l'engagement et du travail du Gouvernement en vue d'appliquer le plus rapidement possible les nombreuses innovations de la révision constitutionnelle. Vous l'aurez compris, le Gouvernement est donc tout à fait favorable à l'adoption de cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Georges Tron, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Tron

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des finances s'est saisie pour avis de ce texte, forte d'une certaine expérience de l'évaluation et du contrôle. Nous nous sommes surtout penchés sur les deux articles qui sont au coeur du nouveau dispositif, c'est-à-dire les articles 1er et 3. Je n'évoquerai donc pas l'article 2, non qu'il manque d'intérêt, mais parce qu'il est moins directement lié au sujet qui nous occupe aujourd'hui.

Comme l'a dit le rapporteur de la commission des lois, l'article 1er permet au comité d'évaluation et de contrôle de convoquer toute personne dont il estime l'audition nécessaire et confère à ses rapporteurs les pouvoirs d'investigation accordés aux rapporteurs des commissions d'enquête. Quant à l'article 3, il permet aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ainsi qu'au président du CEC – qui n'est autre, au demeurant, que le président de l'Assemblée nationale – de demander à la Cour des comptes des rapports d'évaluation de politiques publiques.

À nos yeux, vous l'aurez compris, le CEC n'est pas sans rappeler la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances, coprésidée par David Habib et moi-même. Il en diffère assurément, puisqu'il a été créé pour évaluer les politiques transversales, c'est-à-dire celles dont le champ relève conjointement de plusieurs commissions. En outre, contrairement à la MEC – émanation de la commission des finances qui tient directement ses pouvoirs d'investigation, à juste titre, de ceux dont jouit cette dernière, et dont l'organisation résulte de la pratique –, le CEC est une instance autonome pour laquelle il est nécessaire d'instaurer des règles.

La commission des finances se félicite que la commission des lois ait bien voulu retenir ses amendements, moyennant quelques modifications ou précisions apportées par l'intermédiaire de sous-amendements qui n'en ont pas dénaturé le contenu.

La proposition de loi a notamment pour particularité de ne pas mentionner expressément le CEC, en effet créé par le règlement et non par la loi. Le texte qui nous est soumis, issu de la commission des lois – qui a elle-même repris, je l'ai dit, les amendements de la commission des finances –, retient une définition qui vise précisément le CEC, par une référence aux termes de l'article 146, alinéa 3, du règlement de notre assemblée. Il s'agit de l'un des deux points fondamentaux que nous avons évoqués lors de l'examen du texte en commission des finances : la commission souhaitait que les instruments de contrôle et d'évaluation dont il est question dans la proposition de loi soient destinés au seul CEC. Ce faisant, nous nous sommes inscrits dans la logique de l'examen du texte par la commission des lois.

Il serait contre-productif de banaliser les pouvoirs d'investigation dont disposent les commissions d'enquête, visés à l'article 1er, notamment en les étendant à toutes les instances temporaires, dont les missions d'information. Quoi qu'il en soit, les commissions permanentes peuvent déjà demander à disposer de tels pouvoirs pour une mission donnée : en effet, selon l'article 5 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958, « les commissions permanentes ou spéciales peuvent demander à l'assemblée à laquelle elles appartiennent, pour une mission déterminée et une durée n'excédant pas six mois, de leur conférer les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête ». Je tiens à souligner que le recours à cet outil est extraordinairement rare.

Quant à la faculté de demander un rapport d'enquête à la Cour des comptes, prévue à l'article 3, si la commission des finances la juge utile au CEC dans son travail d'évaluation des politiques publiques, il faut en revanche être vigilant quant au risque de multiplication de telles demandes. En effet, si la Cour ne peut y répondre faute de moyens humains ou parce que cela contreviendrait à son programme de travail, la procédure risque de ne pas fonctionner. Par le passé, la Cour a ainsi argué de sa position « équidistante » d'assistance au Parlement et au Gouvernement, précisément définie par l'article 47 de la Constitution, pour se ménager la possibilité de « faire le tri » elle-même. Sur ce point précis et fondamental, qui n'allait pas de soi, la Cour a été soutenue par le Conseil constitutionnel dans sa décision relative à la LOLF.

Voilà pourquoi la commission des finances a souhaité que les présidents de l'Assemblée et du Sénat filtrent toutes les demandes adressées selon cette procédure. Je le répète, le président du CEC n'est autre que le président de l'Assemblée nationale. Quant aux commissions d'enquête, je rappelle qu'elles peuvent déjà demander des rapports à la Cour.

Un dernier point auquel nous étions attachés a été repris par le rapporteur de la commission des lois, ce dont je le remercie : par analogie avec la MEC, nous avons proposé que les co-rapporteurs du CEC exercent leurs missions conjointement, et non simultanément. Cet aspect a été évoqué tout à l'heure. Ce mode de fonctionnement, qui permet d'associer majorité et opposition dans un travail commun, a montré son efficacité à la MEC. Il ne s'agit pas d'alourdir le fonctionnement du CEC en imposant un formalisme trop rigide, mais d'en accroître au contraire l'efficacité en rendant plus légitime l'action de ses rapporteurs.

Claude Goasguen l'a dit, et je le répète pour lever toute ambiguïté : ce dispositif n'exige pas des rapporteurs qu'ils soient toujours ensemble pour effectuer un contrôle, mais empêche que l'un des rapporteurs s'oppose à une initiative de l'autre. C'est en effet l'équilibre entre majorité et opposition qui fera la force des propositions du CEC, comme ce consensus fait celle de la MEC.

Tel est, mes chers collègues, l'avis de la commission des finances, suivi par la commission des lois, malgré quelques sous-amendements que nous avons du reste approuvés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte qui nous réunit n'aurait appelé aucune objection particulière s'il n'avait été amendé en un sens restrictif par la commission des lois.

Nous n'avons jamais nourri d'illusions quant à la volonté du Gouvernement et de sa majorité de renforcer significativement les pouvoirs du Parlement. Nous avions dénoncé à l'époque le tour de passe-passe orchestré à l'occasion de la réforme constitutionnelle : sous prétexte de revaloriser les droits du Parlement, il ne s'était au fond agi que d'accentuer les déséquilibres de notre régime en faveur de l'exécutif.

Rien n'a été entrepris pour rompre avec une pratique qui a fait de la relégation du Parlement le trait saillant de notre vie républicaine, au détriment du respect du pluralisme et de l'équilibre des pouvoirs. Les nombreux obstacles au débat parlementaire qui, sous prétexte de rationalisation, ont contribué à faire du Parlement une simple chambre d'enregistrement, n'ont pas été levés.

Certes, l'article 24 de la Constitution affirme désormais que le Parlement « contrôle l'action du Gouvernement » et « évalue les politiques publiques ». Mais on peut légitimement se demander si ce renforcement des fonctions de contrôle du Parlement n'est pas en quelque sorte conçu comme un cadeau de consolation, compte tenu du constat alarmant qui peut être fait de la dégradation de la condition juridique de la loi.

Il y aurait matière, chers collègues, à s'interroger sur la prolifération des textes de nature réglementaire, qu'ils soient d'origine gouvernementale ou européenne, et sur la façon dont ceux-ci empiètent sur le domaine législatif. L'émergence, ces dernières décennies, de notions telles que la « gouvernance » trahissent cette évolution vers une conception de plus en plus technocratique de la politique, au détriment des exigences de l'expression démocratique.

Il va de soi que nous sommes favorables à ce que le Parlement puisse exercer pleinement ses fonctions de contrôle. Nous avons toujours estimé qu'il serait utile, sinon urgent, de lui permettre d'exercer un véritable contrôle sur l'effectivité de la signature des décrets d'application et sur les activités communautaires, et de lui reconnaître compétence pour autoriser l'engagement de la France dans des opérations militaires extérieures.

La réforme de nos institutions n'a permis de réelles avancées que sur ce dernier point, en reconnaissant au Parlement le droit d'être informé – c'est bien le moins – de toute décision du Gouvernement de faire intervenir les forces armées à l'étranger dans les trois jours suivant le début de l'intervention, mais surtout en soumettant à son autorisation toute prolongation des interventions au-delà du quatrième mois.

Qu'en est-il maintenant des droits de l'opposition ? Force est de reconnaître que, dès l'origine, votre réforme les a réduits à la portion congrue. Finalement, seuls trois droits nouveaux ont été accordés à l'opposition.

La présidence de la commission des finances revient désormais de droit à l'opposition et de fait à un membre du groupe majoritaire de l'opposition. Nous aurions été plus favorables à une réforme davantage soucieuse de pluralisme, reconnaissant à chaque groupe de la majorité ou de l'opposition la faculté de présider au moins une commission.

L'opposition s'est également vue reconnaître le droit à ce qu'un jour de séance par mois soit réservé à un ordre du jour fixé par l'un des groupes qui la composent. Cette nouvelle procédure a toutefois conduit à de déplorables dérives. Nous avons à maintes reprises alerté le président de notre assemblée en faisant des propositions pour mettre un terme à ce faux-semblant, mais, à ce jour, nous n'avons reçu aucune réponse.

Il est pourtant inacceptable que le Gouvernement use et abuse du droit à demander la réserve de vote sur tout ou partie des articles à seule fin de permettre aux députés de la majorité de ne pas siéger lorsque sont débattues les propositions de loi de l'opposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Une telle pratique en dit plus que de longs discours sur le prétendu renforcement de la place et du rôle de l'opposition.

Il en va de même pour le prétendu « droit de tirage » reconnu par notre nouveau règlement en matière de création de commissions d'enquête, ce qui n'était pas une mauvaise idée en soi. M. Warsmann nous expliquait, lors des débats sur cette réforme, qu'aucune majorité n'avait alors osé aller aussi loin : « Nous proposons, affirmait-il, que chaque groupe d'opposition ou minoritaire puisse obtenir la création d'une commission d'enquête, sauf si l'Assemblée s'y oppose à la majorité des trois cinquièmes. En d'autres termes, le fait majoritaire ne prévaut plus. »

En réalité, vous savez aussi bien que moi qu'il n'en est rien. Cette prérogative nouvelle demeure purement formelle, pour une raison d'ailleurs très simple : la majorité garde le pouvoir de se prononcer en commission sur l'opportunité de la création des commissions d'enquêtes envisagées.

C'est ainsi qu'en novembre dernier, alors que nous proposions la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sur la santé des salariés de l'organisation du travail à France Télécom, la majorité a pu nous imposer d'en modifier l'objet et le périmètre, nous contraignant du même coup à retirer cette proposition. Est-ce là une situation normale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Est-ce là la reconnaissance d'un droit nouveau pour l'opposition ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Il faut ajouter que deux demandes émanant du groupe socialiste ont été rejetées.

Nous sommes, vous le voyez bien, en plein faux-semblant et le texte qui nous est présenté aujourd'hui est dans le droit fil des précédents.

Le texte initial de la proposition de loi du président de notre assemblée prévoyait essentiellement deux mesures, qui ne comportaient a priori pas de motif à contestation.

Il s'agissait tout d'abord de permettre aux organes du Parlement compétents en matière de contrôle et d'évaluation des politiques publiques de convoquer les personnes dont l'audition serait jugée souhaitable, par analogie avec les compétences qu'exercent déjà en la matière les commissions spéciales ou permanentes. Il s'agissait aussi de permettre à ces instances, notamment lorsqu'elles sont sollicitées pour examiner une étude d'impact, d'obtenir communication des informations qui leur sont nécessaires. Nous ne pouvions qu'approuver cette mesure dans son principe.

Il s'agissait ensuite de permettre au président de l'Assemblée nationale, au président du Sénat ou au président de toute instance créée au sein du Parlement ou de l'une de ses deux assemblées, de demander l'assistance de la Cour des comptes pour l'évaluation des politiques publiques. Il importait en effet de se conformer à une décision du Conseil constitutionnel qui imposait au législateur de déterminer les modalités selon lesquelles un organe du Parlement peut demander l'assistance de la Cour des comptes.

Bien que d'une portée limitée au regard des enjeux évoqués précédemment, ce texte aurait pu, je le pense, recevoir l'approbation de l'ensemble des députés s'il n'avait été entre-temps, sous le couvert d'arguments techniques et de bon sens, profondément modifié par la commission dans un sens qui, une fois de plus, dessert l'opposition.

C'est ainsi que, sur proposition de la commission des finances saisie pour avis, la commission des lois a modifié le champ des instances bénéficiant du droit à convoquer les personnes dont l'audition est jugée souhaitable dans le cadre du contrôle et de l'évaluation des politiques publiques en le limitant aux seules instances permanentes créées à cet effet. L'objectif était d'exclure explicitement du bénéfice de l'article premier les missions d'information, qui ont pour unique et principal défaut d'être présidées par des membres de l'opposition. Notre rapporteur reconnaissait lui-même en commission que l'amendement à l'origine de cette restriction n'était « pas neutre ». Cela n'a bien sûr pas empêché la majorité de le voter.

Dans le même esprit, la commission a adopté un amendement qui prévoit que les deux rapporteurs désignés par le comité d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée pour une même évaluation devront travailler conjointement. Chacun aura compris que c'est une manière de s'assurer qu'un rapporteur n'auditionne pas des personnes que l'autre rapporteur jugerait indélicat de convoquer. Il s'agit là aussi d'encadrer et de contrôler étroitement l'activité des députés de l'opposition intéressés en établissant une sorte d'autocontrôle du contrôle.

Pour finir, la commission des lois, toujours sur proposition de la commission des finances, a proposé de restreindre la faculté pour les instances parlementaires de demander l'assistance de la Cour des comptes en permettant aux présidents des deux assemblées d'exercer un filtre systématique des propositions de demandes d'assistance. Je comprends, même si je ne les partage pas, les arguments relatifs au risque d'engorgement de la Cour des comptes – ils intéressent cependant moins les parlementaires que la Cour elle-même –, mais j'estime que la majorité des deux commissions n'aurait pu manifester plus clairement sa volonté de limiter au maximum l'initiative des membres de l'opposition.

Nous avons déjà dénoncé, lors de la réforme du règlement, la stratégie de la majorité qui consistait à n'envisager le renforcement des pouvoirs du Parlement que sous l'angle du renforcement de ses propres pouvoirs, au détriment du pluralisme et aux dépens de l'opposition. Le texte qui nous est soumis aujourd'hui nous conforte, si besoin était, dans notre appréciation. En conséquence, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l'examen de cette proposition de loi tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques, nous abordons un sujet susceptible de tous nous rassembler, quels que soient par ailleurs les bancs sur lesquels nous siégeons.

Le 21 juillet 2008, le Congrès adoptait une révision constitutionnelle à l'ampleur sans doute inégalée depuis les débuts de la Ve République : trente-huit articles de notre Constitution ont ainsi été modifiés, voire intégralement réécrits, neuf autres sont venus s'ajouter à notre loi fondamentale.

Désormais, la Constitution ne se borne plus simplement à indiquer que la loi est votée par le Parlement. Dans la nouvelle rédaction de son article 24, le Parlement est en effet devenu sujet : « Le Parlement vote la loi ». Mais au-delà du changement grammatical, c'est sa fonction de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques qui se trouve aujourd'hui gravée dans le marbre constitutionnel.

Grâce à l'adoption, en 2001, de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, la voie est ouverte à une montée en puissance du Parlement dans ses fonctions de contrôle grâce, notamment, aux nouvelles missions et aux nouvelles prérogatives confiées aux commissions des finances de chacune des assemblées parlementaires. Cette consécration constitutionnelle a, il y a près de deux ans, permis de poser les bases d'un contrôle plus systématique et plus transversal des politiques publiques par les parlementaires.

Dans la droite ligne de cette révision constitutionnelle, la réforme de notre règlement a été, il y a quelques mois, l'occasion de repenser l'ensemble des dispositifs, instances et moyens précédemment consacrés par notre assemblée au contrôle de l'action du Gouvernement, pour aboutir à la création du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, comité pluraliste chargé de réaliser des travaux d'évaluation portant sur les politiques publiques dépassant le champ de compétence d'une seule commission permanente.

Sur la base des recommandations de la mission d'information menée par nos collègues Claude Goasguen et Jean Mallot, cette proposition de loi vise ainsi en premier lieu à compléter, par une modification de l'ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, les attributions de ce comité en conférant aux rapporteurs dudit comité les pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place dont disposent déjà aujourd'hui les membres de la commission des finances en leur qualité de rapporteurs spéciaux des missions budgétaires.

À cet égard, mes chers collègues, permettez-moi de regretter que peu de rapporteurs spéciaux utilisent ces pouvoirs de contrôle. Pour vous faire sourire, je vous ferai part de mon expérience de rapporteur spécial du BAPSA, fonction que j'ai exercée pendant cinq ans, alors qu'existait encore un régime de protection sociale agricole. Chaque année, j'effectuais cinq contrôles de caisse à l'échelon du territoire national. Les premières fois, les présidents des caisses concernées me demandaient toujours si le contrôle était motivé par une faute qui aurait été commise. Et je m'étonnais chaque fois d'une telle question, répondant qu'il s'agissait seulement d'exercer l'une des compétences dévolues au rapporteur spécial, qui choisissait les caisses en fonction d'un échantillon donné de petites, de moyennes et de grandes structures. Je leur demandais s'ils avaient souvenir d'un contrôle parlementaire intervenu depuis la création de la Mutualité sociale agricole, dans l'immédiat après-guerre, et ils me répondaient tous qu'ils n'en avaient jamais connu.

Les services publics, les organismes de protection sociale, nous le voyons bien, n'ont aucune habitude du contrôle parlementaire et ont tendance à penser que, s'il y a un contrôle, c'est qu'il y a eu faute. Il était d'ailleurs amusant, dans les premiers temps, de voir la réaction des présidents des caisses de la MSA qui m'accompagnaient dans mon travail de contrôle. Je sortais des dossiers aléatoirement choisis et ils semblaient découvrir ce qu'était une immatriculation. Eux-mêmes n'avaient pas forcément une tradition de contrôle dans leurs propres services.

Tout cela pour dire qu'il n'est pas suffisant de donner de nouveaux pouvoirs au Parlement. Encore faut-il que tous nos collègues exercent ces pouvoirs : c'est ainsi que le Parlement peut se faire respecter, y compris des ministres.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Ce sont de nouveaux députés qu'il faut alors, pas de nouveaux pouvoirs !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Dans un second temps, cette proposition permettra également de fixer les modalités selon lesquelles la Cour des comptes apportera son assistance au Parlement dans l'évaluation des politiques publiques. Les présidents des assemblées pourront ainsi, de leur propre initiative ou sur proposition du président d'une commission permanente ou d'une instance parlementaire de contrôle et d'évaluation, demander à la Cour des comptes de mener l'évaluation d'une politique publique. Cependant, je tiens à le souligner, les modifications apportées au texte, notamment le rôle de filtrage des requêtes dévolu aux présidents des assemblées, permettront de prévenir un éventuel engorgement de la Cour des comptes et préserveront ainsi l'équilibre général de cette juridiction.

En tant que magistrat de la Cour des comptes, mis en disponibilité pour exercer mon mandat de député, j'ai toujours pensé que le rôle d'appui du Parlement que cette juridiction est susceptible de jouer devrait être développé, ce qui permettrait de beaucoup mieux valoriser ses travaux d'évaluation et de contrôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Cependant, ne demandons pas à la Cour des comptes plus qu'elle ne peut donner.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Elle a un plan de charge à respecter et il y a des limites à ses travaux.

Pour vous donner un ordre de grandeur, je rappelle que la Cour des comptes consacre plus de la moitié de son temps au Parlement. À l'époque…

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

À notre époque, comme dirait mon collègue Goulard, on n'en n'était qu'à 15 %. On observe donc plus qu'un triplement des travaux de la Cour pour le Parlement.

Les présidents des assemblées se sont vu ouvrir la possibilité de saisir le Conseil d'État sur des propositions législatives d'origine parlementaire. À cet égard, monsieur le ministre, j'ouvre une parenthèse pour dire qu'il serait bon d'aller plus loin, afin que nous disposions systématiquement des avis du Conseil d'État. Celui-ci devrait évoluer davantage,...

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

..comme l'a fait la Cour des comptes, car il nous faut demander aux ministres de bien vouloir nous transmettre les avis du Conseil d'État. Pourquoi cacher ces avis ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Certes, c'est une tradition. Une telle pratique existait déjà lorsque le gouvernement que vous avez soutenu était au pouvoir, monsieur Mallot !

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Vous n'êtes pas obligés de faire la même chose !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Il faudrait inscrire dans la loi que l'avis du Conseil d'État est annexé aux projets de loi, ce qui permettrait d'éclairer les commissions. Je referme la parenthèse.

Les présidents des assemblées, disais-je, se sont vu ouvrir la possibilité de saisir le Conseil d'État sur des propositions législatives d'origine parlementaire. La présente proposition de loi marque donc une nouvelle étape dans l'accroissement des moyens accordés au Parlement pour exercer ses missions constitutionnelles. C'est pourquoi le groupe du Nouveau Centre apportera tout son soutien à l'initiative du président Accoyer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de M. le président de l'Assemblée nationale est destinée à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et, surtout, d'évaluation des politiques publiques.

En effet, l'un des objectifs principaux de la réforme constitutionnelle de juillet 2008 consistait à donner toute sa place au Parlement dans ses fonctions de contrôle du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques, ce qui a été concrétisé par la loi organique du 15 avril 2009, ainsi que par la loi du 15 juin 2009 qui réforme les règlements des assemblées parlementaires.

À ce titre, de nombreuses dispositions constitutionnelles ont été modifiées ou introduites par cette révision, qu'il s'agisse des articles 24, 35, 47-2, 48, 51-2, 88-4 et 88-6, et, dans leur prolongement, plusieurs textes ont mis en oeuvre cette volonté de contrôle approfondi et renouvelé.

Cette proposition de loi est donc destinée à parachever ce travail d'affermissement, de renforcement des structures et des instruments dédiés au contrôle et à l'évaluation parlementaire, même si l'inscription dans la Constitution d'un office parlementaire d'évaluation et de contrôle, tel que je l'avais souhaité, avec un certain nombre de mes collègues, aurait été certainement encore plus efficace et opérationnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Ses dispositions proposent, pour l'essentiel, de tirer les conséquences législatives de certaines des recommandations formulées par notre nouvelle instance, le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale, en conclusion des travaux d'information sur les critères de contrôle des études d'impact conduits à la demande de ce comité par Claude Goasguen et Jean Mallot.

Avant la révision constitutionnelle, la situation était bien différente. Jusqu'à présent, en France, et sauf quand nous y sommes obligés par la Commission européenne, nous ne nous demandons jamais, ou très rarement, si les politiques publiques conduites permettent véritablement d'améliorer le quotidien des Français. Or si nous sommes capables de nous poser quelques questions simples mais essentielles, – quels objectifs à atteindre ? avec quels moyens ? à quel rythme ? la réponse proposée est-elle la meilleure ? – nous aurions franchi un grand pas si nous nous étions engagés dans cette voie. Mais, telle qu'elle a été réformée en juillet 2008, la Constitution nous donne aujourd'hui une nouvelle compétence, l'évaluation, qui doit se concrétiser de manière ambitieuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

En effet, c'est une nouvelle compétence qui a été donnée au Parlement, réuni en Congrès à Versailles, celle d'évaluer les politiques publiques.

Il faut donc les mesurer pour ce qu'elles apportent à nos concitoyens, ce qui implique que nous demandions aux ministres et à l'administration qu'ils dirigent d'être performants et de nous rendre compte régulièrement sur les résultats atteints.

Nous le savons, le Parlement français était très en retard par rapport à ses homologues occidentaux qui ont fait du contrôle et de l'évaluation une pratique courante, non politisée, puisque son but est de demander des comptes à l'exécutif sur son efficacité. De ce point de vue, je salue la décision qui avait été prise par le Président de la République de proposer à l'opposition de présider la commission des finances de notre assemblée. Je suis convaincu qu'en se dotant de cette nouvelle compétence d'évaluation le Parlement est entré dans une nouvelle ère.

Il va ainsi mieux contribuer à faire avancer les grands chantiers de réforme pour rendre l'État plus moderne, plus fluide et plus performant. Mais cela exige aussi que les parlementaires changent leurs méthodes de travail et leur état d'esprit.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Des députés de la majorité qui demandent des comptes à des ministres, ce n'est pas une attaque en règle. C'est juste la volonté de comprendre pourquoi une politique n'a pas apporté les résultats escomptés...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La vaccination contre la grippe A, par exemple !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

..et comment on peut la redéfinir pour qu'elle donne les résultats qui avaient été fixés à l'origine,...

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

..dans l'esprit recherché par la réforme de la Constitution, c'est-à-dire que l'ensemble du Parlement, y compris l'opposition, soit à même de donner son sentiment sur cette évaluation.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

C'est aussi rappeler aux membres du Gouvernement que le rôle d'un ministre en tant que responsable d'une administration est de faire évoluer celle-ci pour qu'elle réponde au mieux aux missions qui lui ont été confiées.

Sur le fond, et le rapporteur de la commission des lois l'a parfaitement décrit, cette proposition de loi a pour principal objet de doter de nouvelles capacités le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques mis en place lors de la réforme du règlement de l'Assemblée nationale du 27 mai 2009.

Qu'il s'agisse de l'article 1er, qui permet aux instances d'évaluation visées de convoquer toute personne dont elles estiment l'audition nécessaire et confère à leurs rapporteurs les pouvoirs d'investigation prévus pour les rapporteurs des commissions d'enquête, de l'article 2 qui a pour objet de faire figurer dans la loi les modalités selon lesquelles ces personnes entendues par une commission d'enquête peuvent être admises à prendre connaissance du compte rendu de leur audition et à faire part de leurs observations, ou de l'article 3 qui permet aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ainsi qu'aux présidents des instances d'évaluation visées de demander à la Cour des comptes des rapports d'évaluation de politiques publiques, ce texte me semble parfaitement équilibré et utile pour compléter les dispositions résultant de la réforme de la Constitution.

Aussi, je souhaite que ce texte soit adopté par notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi du président Accoyer que nous examinons aujourd'hui porte sur l'évaluation des politiques publiques et le contrôle de l'action du Gouvernement, deux fonctions du Parlement qui ont été constitutionnalisées lors de la récente réforme constitutionnelle et qui revêtiront de plus en plus d'importance.

On le voit dans tous les Parlements, la fonction législative, qui reste au coeur de la fonction parlementaire, est de plus en plus assurée par l'exécutif, compte tenu de la complexité des choses. En revanche, l'évaluation des politiques publiques, qui est au coeur de la LOLF, c'est-à-dire d'une réforme budgétaire qui fixe un certain nombre d'objectifs dans le cadre des missions budgétaires et qui permet de vérifier si les objectifs se traduisent par des résultats concrets, est naturellement devenue notre règle budgétaire. Le contrôle de l'action du Gouvernement ne peut, à l'instar des Parlements étrangers, que se développer. Du reste, j'ai l'habitude de répondre aux personnes à qui je fais visiter l'Assemblée nationale et qui m'interrogent sur le rôle des parlementaires, en particulier sur l'action que je peux mener, qu'un parlementaire de la majorité a tendance à légiférer, tandis qu'un parlementaire de l'opposition exerce davantage une fonction de contrôle. Ceci n'est d'ailleurs pas exclusif de ce que vient de dire M. Giscard d'Estaing. Il serait intéressant que la majorité puisse interroger le Gouvernement sur les résultats obtenus.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Ce rôle n'est pas spécifiquement réservé à l'opposition, même si celle-ci a un regard un peu plus critique.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Avec ce texte, il s'agit de renforcer les moyens dont notre assemblée disposera pour accentuer sa fonction de contrôle et évaluer les politiques publiques.

Bien entendu, on ne peut qu'être favorable aux dispositions qui visent à renforcer les moyens dont nous disposons. J'ai toujours en tête cette phrase du constitutionnaliste Guy Carcassonne, qui n'hésite pas à dire : « Ce qui manque à l'Assemblée, ce ne sont pas des pouvoirs, ce sont des députés ».

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Aujourd'hui, un grand nombre de députés sont présents dans l'hémicycle,...

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

..contrairement aux séances consacrées au contrôle, où un seul représentant de la majorité est présent, et à la séance de vendredi dernier, où le ministre de service n'était pas celui qui connaissait le texte. Ce reproche ne s'adresse pas à vous, monsieur le ministre, puisqu'en tant que ministre chargé des relations avec le Parlement vous connaissez l'ensemble des textes. J'espère que la présente réforme permettra aux députés d'être plus présents.

Le groupe SRC est favorable aux articles 1er et 3. Toutefois, il faut reconnaître que le travail réalisé en commission, en particulier le fait que notre rapporteur et la majorité de la commission aient accepté les amendements présentés par la commission des finances, qui réduisent d'une certaine manière le dispositif proposé par le président de notre assemblée,...

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

..nous a conduits à déposer un certain nombre d'amendements que nous examinerons en séance. Du reste, vous le souhaitiez vous-mêmes, car certaines de ces dispositions ne sont pas anodines ou seulement rédactionnelles.

J'en viens à un point important qui n'est toujours pas réglé, celui du calendrier et de la manière dont nous examinons la loi de règlement. Alors que le cadre budgétaire a complètement changé, nous devrions passer beaucoup plus de temps sur la loi de règlement afin de vérifier si les objectifs qui ont été fixés ont été atteints. J'insiste sur ce point puisque c'est tout de même la finalité de la LOLF que de faire en sorte que les ministres soient amenés à justifier leurs résultats.

J'aborderai un dernier point qui fait l'objet d'un certain nombre d'articles additionnels, celui des commissions d'enquête. Par définition, l'un des dispositifs les plus pertinents pour contrôler l'action du Gouvernement réside dans la possibilité d'approfondir des sujets par le biais d'une commission d'enquête.

On nous avait présenté, dans le cadre de cette réforme constitutionnelle, comme un pas en avant considérable le fait que l'opposition pourrait disposer d'un droit de tirage.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Ce droit devait en effet lui permettre de faire adopter par l'Assemblée la création d'une commission d'enquête.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Notre collègue Sandrier a rappelé les déclarations de notre collègue Warsmann sur ce sujet et je souligne qu'il s'agissait également d'une recommandation du comité Balladur.

Qu'en est-il aujourd'hui ? Le constat est que ce droit de tirage est purement virtuel puisque, nous avons pu le vérifier à deux reprises sur une proposition du groupe GDR et sur une proposition du groupe SRC, la majorité contrôle ce droit de tirage.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Mais non !

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Nous avions fait une demande de commission d'enquête concernant les sondages qui étaient commandés et financés par la présidence de la République, dont le budget reste soumis, je le rappelle, au contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Cela ne remettait pas en cause le statut du Président de la République, qui n'est pas responsable devant l'Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Et nous ne voyons pas au nom de quel principe son budget pourrait échapper au contrôle de notre assemblée.

Nous avons essuyé un premier refus. Alors, nous avons élargi le cadre de la commission d'enquête. Mais, une nouvelle fois, la majorité est intervenue pour limiter...

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

…et fixer la compétence.

Que signifie ce droit de tirage s'il doit être contrôlé, vérifié et défini par la majorité ?

Nous sommes revenus au fait majoritaire et la situation n'est pas du tout satisfaisante pour l'opposition. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé plusieurs amendements. Cela nous permettra de débattre et d'aller plus avant dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Telles sont les quelques remarques préliminaires que je voulais faire avant la discussion que nous aurons sur les amendements que nous avons déposés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Goulard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si ce texte peut paraître anodin, il est en réalité extraordinairement important. Les pouvoirs de contrôle et d'évaluation du Parlement sont en effet, nous sommes nombreux à le penser, déterminants pour que le Parlement puisse tenir sa place dans nos institutions, et cet élément ne doit absolument pas être négligé.

Certes, plusieurs orateurs se sont exprimés en ce sens, l'opposition est souvent plus encline que la majorité – c'est assez naturel – à exercer ce rôle de contrôle avec un esprit critique. Cependant, je considère pour ma part que la majorité, tout en étant politiquement solidaire du Gouvernement, aurait tout intérêt à exercer avec la plus grande attention les pouvoirs de contrôle qui lui sont dévolus par les textes constitutionnels.

Le contrôle n'est pas toujours agréable pour un gouvernement, quel qu'il soit. D'ailleurs, tout à l'heure, monsieur le ministre, vous m'avez donné le sentiment d'avoir une position relativement restrictive à l'égard du texte présenté. Avec toute la subtilité que vous mettez généralement dans vos propos, vous n'avez pas fait preuve d'un enthousiasme total à l'égard de ce développement souhaité pourtant des pouvoirs de contrôle du Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Goulard

Je crois vraiment qu'il est dans l'intérêt commun que nous exercions à plein ces possibilités qui nous sont ouvertes et qui intéressent beaucoup plus l'opinion qu'on ne le pense.

Quand leur objet a été bien choisi, quand elles sont bien conduites, les commissions d'enquête non seulement sont utiles au bon fonctionnement de la démocratie, mais peuvent être de nature à attirer l'attention du public sur les travaux parlementaires. La diffusion de nos débats et de nos travaux peut être un bon moyen de rendre le Parlement plus accessible.

Le second élément de notre discussion, c'est l'évaluation, terme nouveau apparu à l'occasion de la révision constitutionnelle dans notre loi fondamentale. L'évaluation n'est pas dans la tradition administrative française. La LOLF, il faut le reconnaître, n'y a pas changé grand-chose jusqu'à présent. Des réformes interviennent avant même que la précédente ait pu être menée à son terme et en tout cas avant que ses conséquences aient pu être évaluées sérieusement.

Il faut absolument que nous changions nos pratiques, au sein aussi bien de l'administration que du Gouvernement, et que le Parlement exerce pleinement cette mission d'évaluation.

Le travail est engagé. Le comité d'évaluation et de contrôle a pris ses fonctions et j'ai la chance, avec un de mes collègues du groupe socialiste, François Pupponi, d'avoir été désigné comme rapporteur sur une des premières missions d'évaluation, en l'occurrence sur l'aide aux quartiers défavorisés.

Debut de section - PermalienPhoto de François Goulard

Pouvoir aborder un grand sujet comme celui-là dans une optique non pas de contrôle, non pas formelle ou formaliste, mais de recherche de l'efficacité des politiques publiques me semble une approche particulièrement enrichissante. Il faut absolument que nous continuions dans cette voie, et que nous développions nos capacités d'expertise en la matière.

De ce point de vue, le concours de la Cour des comptes est indispensable. Charles de Courson a eu raison de rappeler qu'il fallait mesurer notre appel à cette juridiction, pour la raison très simple que la Cour ne pourrait plus suivre, en raison de sa charge de travail, au-delà d'un certain nombre de rapports commandés par le Parlement.

Néanmoins, nous ne devons pas nous contenter de relations formelles avec cette juridiction et nous devons être très présents dans la détermination de son programme de travail. Les dispositions qui sont proposées dans le texte et le filtre exercé par le président de notre assemblée me paraissent de bon aloi.

J'ajoute que cette mission nouvelle pour la Cour impliquera, à terme, que la réforme des juridictions financières…

Debut de section - PermalienPhoto de François Goulard

…puisse être mise en oeuvre. C'est une réforme extrêmement importante. Il faut absolument que les chambres régionales des comptes soient regroupées. Aujourd'hui, elles sont trop atomisées, chacune a la connaissance d'un nombre trop restreint de collectivités et les moyens sont dispersés.

Il faudrait aussi – ce n'est pas dans le projet de loi actuellement en préparation – que la Cour des comptes puisse diversifier son recrutement. Ses magistrats ont une formation par trop uniforme, qui ne les rend pas forcément toujours aptes à exercer pleinement leurs nouvelles missions.

Voilà quelques suggestions que je voulais faire à propos de cette importante proposition de loi du président de l'Assemblée nationale, qu'il faut mettre en oeuvre rapidement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Charasse

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi du président de notre assemblée s'inscrit dans la continuité de la réforme constitutionnelle de juillet 2008 et de la réforme du règlement de l'Assemblée en juillet 2009.

Les députés radicaux de gauche et apparentés n'avaient pu que refuser la réforme du règlement, tant les engagements pris au moment de la réforme constitutionnelle avaient été bafoués et tant les discussions sur le nouveau règlement lui-même s'étaient transformées en caricature.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Charasse

À ce titre, il est bon de rappeler que c'est justement lors de la réforme du règlement, un vendredi soir, alors que nous débattions de rien de moins que du nouveau « temps guillotine », que débuta l'utilisation abusive du vote bloqué.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Charasse

Depuis, le recours à tort et à travers à cette disposition, nouvelle manie du Gouvernement et du groupe UMP, s'apparente à une forfaiture hebdomadaire en fin de semaine pour assurer aux députés UMP un week-end prolongé, quitte à supprimer au passage le droit d'amendement des parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Charasse

Les radicaux n'ont certes pas le monopole de la dénonciation des mauvaises pratiques démocratiques, qui sont devenues routine depuis 2007. Ils n'ont pas non plus le monopole du souci de l'équitable, comme en témoigne l'auteur de cette proposition de loi.

Le Conseil constitutionnel ayant renvoyé à la loi les mesures permettant aux organes parlementaires de contrôle du Gouvernement d'organiser des auditions et d'obtenir l'assistance de la Cour des comptes, il était naturel et légitime de procéder au plus vite afin de permettre à l'Assemblée et au Sénat de remplir pleinement la mission que leur fixe désormais l'article 24 de la Constitution révisée.

Malheureusement, comme lors de la révision du règlement, le groupe UMP a décidé de dénaturer le texte initial. D'autres l'ont dit, les travaux en commission ont interdit aux missions d'information de bénéficier de ces nouveaux moyens de contrôle, alors même qu'elles sont les seules instances dont la présidence peut revenir à l'opposition,…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Charasse

…hormis la commission des finances.

Même dans les missions d'évaluation et de contrôle qui sont coprésidées par l'opposition, la mise en oeuvre des nouveaux pouvoirs sera soumise au veto du coprésident issu de la majorité ! Nous voyons la portée du contrôle que pourront exercer ces instances !

Tout est fait pour empêcher l'opposition et les groupes minoritaires d'exercer leur fonction de contrôle, essentielle dans une République respectant la séparation des pouvoirs, telle que définie par Montesquieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Charasse

Après les « semaines de contrôle », qui se sont transformées, dans la pratique, en semaines d'absentéisme institutionnalisé, après le « droit de tirage » sur les commissions d'enquête, qui demeure soumis à la censure du fait majoritaire en commission, voici donc la dernière étape de la perversion de la volonté affichée par le constituant de juillet 2008.

Le « contrôle » du Gouvernement par le Parlement est soumis, dans les faits, au bon vouloir du groupe majoritaire de chaque assemblée.

Un débat sur ce sujet pourrait se comprendre si la pratique du contrôle du Parlement depuis le vote de la Constitution ne s'était fortement dégradée.

Mes chers collègues, si les amendements des députés socialistes, radicaux et citoyens notamment étaient adoptés, ce pourrait être le signal d'un retour à la juste déclinaison du texte constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Charasse

Dans le cas contraire, les députés radicaux de gauche et apparentés ne pourront que voter contre la proposition de loi, sans hésitation.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Sur l'article 1er, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Patrick Roy.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous devons examiner aujourd'hui et demain après-midi n'est certes pas inintéressant. L'article 1er par exemple, j'en parlais avec mes collègues socialistes, n'est pas entièrement négatif, encore que, cela a été rappelé par quelques orateurs éclairés qui ont analysé la teneur de nos débats, il faut bien voir que cette proposition de loi qui émane de la plus haute autorité de cette assemblée, je veux dire notre président, dont je crois pouvoir dire, sans lui faire injure, qu'il n'est pas un dangereux gauchiste, a été fortement remaniée, voire écrasée par les travaux de la commission. Cela fait que nous avons les plus grandes réserves sur le texte qui nous est soumis et que nous regarderons avec intérêt le sort qui sera réservé aux amendements créatifs et justes qui ont été déposés par le groupe socialiste. Comme je le faisais remarquer à mon collègue Jean Mallot, nous avons eu bien raison de ne pas voter, à l'époque, la réforme de la Constitution, sentant bien le piège qui nous était tendu. Il est vrai que plus le mensonge est gros, plus il semble qu'il puisse être diffusé.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

L'hyper-Parlement qu'on nous a promis est en fait un Parlement écrasé, dans lequel nous ne pouvons pas nous exprimer.

Je fais référence aux séances pendant lesquelles l'hémicycle est quasiment vide, les députés UMP présents étant très peu nombreux…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Il est important de le souligner, l'article 1er vise à donner des pouvoirs de convocation renforcés aux instances de contrôle, mais je voudrais m'attarder sur la façon dont il a évolué au cours des travaux en commission.

Nous ne débattons pas d'une proposition de loi émanant de l'opposition et que la majorité, selon son habitude, chercherait à édulcorer, à contourner, pour ensuite la rejeter. Non, nous sommes devant une proposition de loi déposée par le président de notre assemblée visant à donner un contenu aux réformes qui ont été annoncées et très partiellement mises en oeuvre, notamment s'agissant des pouvoirs de contrôle de l'Assemblée nationale.

La proposition de loi initiale déposée par le président Accoyer donnait un pouvoir de convocation aux instances créées au sein de l'une des deux assemblées pour contrôler l'action du Gouvernement et évaluer les politiques publiques. Au cours des travaux parlementaires en commission, cette rédaction a été sérieusement recadrée puisque – nous aurons l'occasion d'y revenir à l'occasion de la discussion des amendements – le texte adopté par la commission des lois ne parle plus que des instances permanentes de contrôle et des instances dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une seule commission permanente, c'est-à-dire les instances qui ont un pouvoir de contrôle transversal,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

…singulièrement le comité d'évaluation et de contrôle des politique publiques dont j'ai l'immense honneur de faire partie. Nous déplorons cette évolution.

J'observe que, grâce aux textes spécifiques qui les régissent, la mission d'évaluation et de contrôle et la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, que je copréside avec mon collègue UMP Pierre Morange, échappent au recadrage effectué par la commission. Je m'en réjouis, mais je souhaitais le souligner.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Comme viennent de le dire mes collègues, s'agissant de l'article 1er qui prévoit la possibilité, pour les instances du Parlement, de convoquer certaines personnes, la commission des lois a réduit la portée de la proposition du président de l'Assemblée nationale. Nous avons déposé des amendements visant à revenir au texte du président Accoyer pour obtenir des explications supplémentaires mais, à titre de repli – au stade où nous en sommes, nous ne pouvons plus sous-amender nos amendements –, je suggère au rapporteur de la commission des lois que, en sus des instances permanentes, le dispositif prévu à l'article 1er puisse également s'appliquer aux missions d'information particulières qui sont créées en vertu de l'article 145, alinéa 4, du règlement, c'est-à-dire celles créées par le bureau de l'Assemblée nationale à la demande du président de celle-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 2 .

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Dans la droite ligne de ce que viennent de dire nos collègues, nous proposons la suppression du mot « permanentes » à l'alinéa 2 de l'article 1er.

Cet amendement vise à élargir le droit de convocation de toute personne susceptible d'éclairer la représentation à toutes les instances parlementaire de contrôle de l'action du Gouvernement, y compris les instances temporaires d'évaluation. En effet, comme l'a très justement dit François Goulard, le pouvoir d'évaluation du Parlement doit être partagé par la majorité et par l'opposition. Comme nous l'avions dit lors de la révision constitutionnelle, on peut d'ailleurs penser que plus l'opposition contrôlera l'exécutif, plus la majorité aura envie de se livrer à cet exercice, et cela suscitera une émulation qui sera bénéfique à tout le monde.

Si nous ne mettons pas les missions temporaires d'information à égalité de droits et de moyens, nous risquons de les affaiblir. Une mission d'information, par exemple, ne pourra plus convoquer une personne si elle n'en a pas le droit. Du coup, nous affadissons cette structure qui est bien utile, même si elle n'a pas le poids d'une commission d'enquête ou d'une commission permanente. Nous ne voyons pas l'intérêt qu'il y a à restreindre ce pouvoir de convocation aux simples instances permanentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Mes chers collègues, vous faites un faux procès. En réalité, vous savez bien, monsieur Mallot plus que quiconque, monsieur Urvoas, monsieur Dosière, que le contrôle et l'évaluation sont des nouveautés qu'il a été très difficile d'imposer au pouvoir exécutif, qui est représenté à côté de moi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est la logique du système : le pouvoir exécutif, quelle que soit son orientation politique, n'a pas envie que le pouvoir législatif soit trop entreprenant ! Je ne veux pas être trop polémique, mais les gouvernements de gauche n'ont jamais été très sensibles à une évaluation du Parlement !

Nous avons donc franchi un pas, mais cela n'est pas suffisant, et je regrette que le débat général ne nous ait pas permis d'obtenir toutes les réponses que nous attendions parce que la politique quotidienne s'en est mêlée. Mais avec ce que vous proposez, vous risquez de noyer le bébé. En effet, cette mesure, dont je reconnais qu'il faudra l'envisager plus tard, lorsque le système sera ancré dans la tradition constitutionnelle, ne peut aboutir immédiatement à la convocation de tous les directeurs d'administration centrale, car ce sont eux qui sont en cause en général. C'est une idée que j'avais d'ailleurs proposée à l'Assemblée, car le ministre serait soulagé et pourrait sans doute plus facilement influencer son administration si les grands méchants loups que sont les parlementaires pouvaient convoquer les directeurs d'administration centrale. C'est cela, en réalité, la logique du contrôle parlementaire. L'intérêt, c'est que nous puissions convoquer, dans la plus stricte confidentialité, ou publiquement – je préférerais publiquement –, des directeurs d'administration centrale plutôt que des ministres. C'est la logique du système, mais elle va se heurter à de sérieuses résistances de l'exécutif. Donc, ne jetez pas le bébé avec l'eau du bain !

Pour être tout à fait honnête, je dirai d'ailleurs que nous ne sommes pas dans un esprit conflictuel. Personnellement, je considère que, s'agissant de l'évaluation et du contrôle, l'opposition et la majorité sont ensemble. Sur la commission d'enquête parlementaire, j'ai même pris une position qui n'était pas celle de mes collègues, car j'estime qu'il fallait examiner ce cas. Mais vous êtes tombés sur un texte très particulier où deux principes constitutionnels s'affrontent.

Le premier principe est l'irresponsabilité de l'exécutif présidentiel devant l'Assemblée nationale. C'est un principe constitutionnel qu'ont invoqué la plupart de mes collègues du groupe majoritaire pour ne rien changer. Je n'étais pas de leur avis, car le second principe constitutionnel qui vient s'opposer au premier, est celui selon lequel, s'agissant de crédits votés par le Parlement, on ne peut retirer à celui-ci son droit de contrôle de l'argent public.

Ces deux principes ont donné libre cours à des déferlements politiques d'un côté comme de l'autre. Reconnaissez que cela a aussi fait l'objet d'une exploitation politicienne de l'opposition. C'est une affaire qui pouvait se plaider et je pense qu'il faudra, un jour ou l'autre, poser la question au Conseil constitutionnel.

Dans cette affaire, vous êtes donc très mal tombés, je le répète, mais c'est moi qui ai proposé l'article sur la commission d'enquête parlementaire, avec les trois cinquièmes, et je serai en tout cas vigilant s'agissant de l'application de cet article, car je considère que c'est un progrès pour le contrôle et l'évaluation des politiques publiques que de laisser à l'opposition la possibilité d'avoir une commission d'enquête parlementaire. Simplement, la prochaine fois, essayez de ne pas tomber sur des principes constitutionnels qui viendraient polluer cet exercice légitime !

En toute hypothèse, il ne me paraît pas acceptable de noyer avec des missions multiples – il est logique qu'il y en ait – un exercice de contrôle qui est une nouveauté dans l'exercice des pouvoirs du Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Tron

Je voudrais faire deux observations.

D'abord, j'ai été très surpris par la façon dont certains d'entre vous ont présenté les choses. Je ne suis pas habilité à parler au nom de Didier Migaud, mais je le dis parce que c'est la stricte vérité : en commission des finances, nous n'avons pas du tout eu un débat partisan de cette nature ! Nous nous sommes simplement demandé si nous pouvions avoir un système qui fonctionne bien, c'est-à-dire comme la mission d'évaluation et de contrôle, qui n'est qu'une émanation de la commission des finances, sans qu'il soit besoin d'aller chercher des divisions politiques partisanes entre nous. Nous faisons des rapports que nous cosignons. J'ai moi-même été rapporteur trois ou quatre fois de la mission d'évaluation et de contrôle et je la copréside avec David Habib. Les questions ne se posent absolument pas en termes partisans.

Ensuite, Claude Goasguen a posé la bonne question : est-il opportun de diluer ce pouvoir en le donnant à toutes les commissions ? Il nous a paru que cela n'était pas opportun, et cela n'a rien à voir avec la politique. Je veux simplement ajouter que les commissions peuvent exceptionnellement demander des pouvoirs spéciaux pour les missions en application de l'ordonnance du 17 novembre 1958. C'est la raison pour laquelle nous sommes défavorables à cet amendement.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Le Gouvernement est tout à fait favorable au développement de la mission d'évaluation et de contrôle du Parlement.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Et je suis en plein accord avec le propos tenu tout à l'heure par François Goulard. Je pense en effet qu'un Parlement moderne doit consacrer beaucoup plus de temps que par le passé à l'évaluation et au contrôle. Conformément à ce que disait M. Dosière, je pense d'ailleurs que, lors de l'examen du projet de loi de finances, on pourrait peut-être rééquilibrer le temps de la discussion entre l'examen du projet de loi de finances proprement dit et celui de la loi de règlement.

Je rappelle aussi que c'est le Parlement qui est à l'origine de l'élaboration de la LOLF, et que le Gouvernement de l'époque avait donné son accord, ce dont je lui rends grâces.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

C'était le ministre des finances de l'époque !

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Par ailleurs, tout ce dont nous sommes en train de discuter résulte, me semble-t-il, de la volonté du Président de la République et de la réforme de la Constitution qui a été votée – j'allais dire par nous, car à l'époque je l'ai votée – au mois de juillet 2008. Il faut donc remettre les choses à leur place.

Quant à cet amendement, il me semble, à moi aussi, qu'il ne faut pas diluer les choses à l'infini.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

C'est un début d'infini ! Pour ce qui concerne les missions d'information, il n'y a jamais eu de difficultés majeures empêchant que l'on réponde aux questions posées. Les ministres et leurs administrations sont, par définition, à la disposition du Parlement, mais il ne faut pas mettre sur le même plan les commissions d'enquête et les missions d'information qui ne sont ni de même nature ni de même importance et n'ont pas le même poids politique. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Je note que M. le ministre accueille très favorablement la suggestion de rééquilibrer la discussion de la loi de finances et de la loi de règlement. Cela montre que l'opposition fait des propositions positives, et j'espère que nous arriverons à mettre en oeuvre ce rééquilibrage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Nous ne faisons que des propositions positives !

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Concernant notre amendement, j'ai suggéré précédemment, à titre de repli, que l'on puisse faire un sort particulier aux missions d'information créées par la Conférence des présidents sur proposition du président de l'Assemblée nationale, les missions prévues par l'article 145 alinéa 4 de notre règlement. Nous ne pouvons plus sous-amender nos amendements, mais pouvez-vous envisager de retenir cette suggestion ?

Par ailleurs, vous n'avez pas répondu à l'interrogation de Jean-Jacques Urvoas qui craignait que le fait de restreindre la proposition du président de l'Assemblée, d'en diminuer la portée, ne conduise à l'avenir à diminuer la capacité de contrôle des futures missions d'information, certains pouvant envisager de ne pas répondre à ces missions.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

L'article 3 de la proposition de loi permet au président de l'Assemblée nationale, lorsqu'une mission parlementaire est décidée par la Conférence des présidents, de solliciter la Cour des comptes. Par conséquent, nous retrouvons à l'article 3 ce qui manque à l'article premier.

(L'amendement n° 2 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 3 .

La parole est à M. Jean Mallot.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Nous proposons de supprimer les mots : « dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une seule commission permanente » à l'alinéa 2 de l'article premier du texte proposé par la commission.

Le fait de restreindre les dispositions concernant le pouvoir de convocation aux seules instances permanentes et à celles dont le champ est transversal, c'est-à-dire dont le domaine dépasse le champ d'une seule commission permanente, ne nous paraît pas pertinent.

Outre les arguments déjà développés en ce sens, il est étonnant de se donner des limitations de ce genre en reprenant les frontières des compétences des commissions permanentes. Rappelez-vous les débats interminables que nous avons eus lorsqu'il s'est agi de définir le périmètre des commissions permanentes : où placer l'urbanisme, les transports, etc. Il a bien fallu trancher mais, tout de même, les frontières restent un peu floues. C'est d'ailleurs pour cela que certaines commissions sont saisies pour avis. On voit bien que beaucoup de sujets sont à cheval sur plusieurs commissions.

Il nous semble donc bizarre de s'appuyer sur ce découpage contestable pour en tirer une règle générale qui a des conséquences extrêmement importantes pour les pouvoirs d'une mission d'information.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Tron

Je précise que c'est à la demande du président Migaud que cette disposition a été votée par amendement en commission des finances. Le président Migaud l'a justifiée en l'asseyant sur l'article 146, alinéa 3, du règlement, afin de protéger la commission.

(L'amendement n° 3 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 4 .

La parole est à M. Jean Mallot.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Cet amendement vise l'alinéa 3 de l'article 1er. Initialement, le texte de la proposition de loi prévoyait : « Les rapporteurs de ces instances exercent leur mission dans les conditions prévues au deuxième alinéa du II de l'article 6. » Les travaux en commission y ont ajouté le mot « conjointement », et le texte se lit maintenant : « Les rapporteurs désignés par ces instances exercent conjointement… ».

Nous proposons de supprimer le mot « conjointement ». Il nous semble que l'état d'esprit qui prévaut dans les travaux de nos commissions, notamment lorsque plusieurs rapporteurs sont affectés à une mission de contrôle, est très positif et ne doit pas être remis en cause. Je pense notamment au comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, qui nomme toujours deux rapporteurs, l'un issu de la majorité et l'autre de l'opposition. Notre amendement vise donc à créer les moyens juridiques pour maintenir et développer cet état d'esprit.

Si, lors d'une mission d'évaluation et de contrôle, un des deux rapporteurs éprouve le besoin de convoquer une personne et que son collègue ne le souhaite pas, le système est bloqué. Cela serait extrêmement regrettable et réduirait considérablement la portée des travaux de la mission de contrôle et d'évaluation. Nous voulons donc, par cette disposition, permettre que ces travaux se déroulent dans la meilleure ambiance ; en particulier, lorsque les deux rapporteurs sont en désaccord, rien n'empêchera celui qui est en désaccord de s'exprimer, sans pour autant bloquer les travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Défavorable. Dans cette affaire, il ne s'agit pas de mariage, mais d'union libre. Ce que vous considérez comme une agression contre l'opposition peut parfaitement se retourner contre la majorité. Imaginons que la majorité souhaite auditionner un certain nombre de personnalités et que la majorité s'y oppose. L'expérience de la MEC prouve qu'il est préférable d'avoir une procédure conjointe. Sinon, il risque d'y avoir un conflit de compétence entre les deux rapporteurs, chacun voulant auditionner des personnes différentes. Je ne pense pas que cela soit une bonne solution, et un fonctionnement sur le modèle de l'union libre entre l'opposition et la majorité est une meilleure solution que le divorce par consentement mutuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Tron

Expérimentalement, la mission d'évaluation et de contrôle fonctionnait avec des rapporteurs travaillant « conjointement ». Depuis six ou sept ans que je participe aux travaux de la commission des finances, le problème que vous évoquez ne s'est jamais posé.

Nous n'avons pas été dans une logique d'affrontement entre majorité et opposition ; or votre amendement porte précisément sur ce point, il s'agit de savoir si un rapporteur de la majorité peut s'opposer à un rapporteur de l'opposition. Le mot « conjointement » permet de maintenir cet esprit d'investigation unissant majorité et opposition dans l'opération du contrôle, et de donner ainsi toute la force nécessaire à cette commission.

Le vrai sujet est de savoir comment avoir un véritable impact qui fasse que majorité et opposition s'entendent sur la façon de mener les débats. Il m'est arrivé plusieurs fois, en tant que président de commission, d'avoir à m'exprimer au nom de David Habib, qui le fait en sens inverse, et toutes les commissions que nous avons présidées ces derniers mois ont montré qu'un rapporteur sur deux ou trois, majorité et opposition confondues, menait les investigations au nom du collège des rapporteurs désignés, puisque les investigations de la MEC se font maintenant avec un rapporteur sur le fond et plusieurs rapporteurs pour avis. Vos inquiétudes ne sont donc pas fondées.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Le Gouvernement considère que le terme « conjointement » repose sur la confiance et l'équilibre. Pourquoi imaginer d'emblée que les uns et les autres s'opposent, s'agissant d'une mission d'évaluation et de contrôle ?

Les parlementaires doivent réaliser le contrôle et l'évaluation qu'ils considèrent comme opportun. Cela doit se faire de manière conjointe, si l'on veut éviter le risque de sombrer dans une grande confusion et d'aboutir au blocage du système. Je partage donc totalement le raisonnement du rapporteur, et c'est la raison pour laquelle j'émets également un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je souhaite simplement réagir à ce qui vient d'être dit. M. Goasguen a opposé union libre et mariage. La métaphore est intéressante, mais son argument se retourne dans l'instant. Le terme « conjointement » ne permet pas l'union libre, mais va plutôt instaurer le mariage. Nous souhaitons pour notre part, en retirant ce terme, faire en sorte que se déploie l'union libre pour le plus grand bien de l'instance d'évaluation et de contrôle.

M. Tron fait allusion à son expérience de la MEC, il se trouve que je travaille quant à moi à la MECSS, la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale. Ces deux missions ont des points communs bien connus, et sont régies par des textes spécifiques qui les placent hors du champ de cette proposition de loi. Au sein de la MECSS, nous avons pour pratique que les coprésidents de la MECSS et le rapporteur désigné travaillent ensemble. Il n'y a pas de définition « conjointe » des travaux, mais une union libre qui fait que lorsque l'un des participants considère qu'une personne doit être auditionnée, cela est fait. Et s'il existe un désaccord, c'est au moment du rapport qu'il s'exprime par une contribution ou une note particulière qui informe le lecteur. Cela fonctionne très bien, et je reviens à l'idée de départ que l'insertion du mot « conjointement » rigidifie inutilement les choses. Nous préférons comme M. Goasguen l'union libre au mariage, mais nous n'avons pas la même manière de la mettre en oeuvre.

(L'amendement n° 4 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 5 .

La parole est à M. Jean Mallot.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Cet amendement a pour objet de compléter l'article premier afin de traiter ce qui se passe lorsqu'une instance d'évaluation et de contrôle est chargée de se prononcer sur la qualité des études d'impact produites par le Gouvernement en application de l'article 39 de la Constitution.

Vous le savez, depuis le 1er septembre, tous les projets de loi déposés sur le bureau de l'une des deux assemblées doivent être accompagnés d'une étude d'impact. Cette obligation est assortie d'un couperet, puisque si l'assemblée décide que l'étude d'impact n'est pas satisfaisante au regard des dispositions de la loi organique, elle peut refuser l'inscription de ce projet de loi à son ordre du jour. C'est donc une sanction forte.

La difficulté provient du fait que l'assemblée ne dispose que de dix jours pour réagir et donner son point de vue sur la qualité de l'étude d'impact ; il faut donc que nous soyons organisés de manière à réagir rapidement. Nous avons mis en place un dispositif, notamment autour du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, pour qu'une commission permanente puisse faire appel au comité de contrôle et donner son point de vue.

Entre le dépôt d'un projet de loi le mercredi et la Conférence des présidents qui peut en décider l'inscription à l'ordre du jour le mardi suivant, le délai est très court pour rassembler l'information sur les études d'impact. C'est pourquoi nous proposons de pouvoir convoquer très rapidement les instances chargées d'évaluer ces études.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Il est défavorable, même si je partage le propos de M. Mallot. En effet, études d'impact et études d'évaluation sont considérées de la même manière. Comme nous avons déjà accepté ce qu'il propose pour les études d'évaluation, à l'évidence cela vaut également pour les études d'impact. Si d'aventure la question se posait, le procès-verbal de cette séance permettrait de la résoudre.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Même avis défavorable.

(L'amendement n° 5 n'est pas adopté.)

(L'article 1er est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 24 et 25 .

La parole est à M. René Dosière pour défendre l'amendement n°24 .

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Les amendements portant article additionnel après l'article 1er concernent les commissions d'enquête. L'amendement n° 24 dispose que, comme le demandait le comité Balladur, « chaque président de groupe d'opposition ou de groupe minoritaire a le droit d'obtenir, une fois pas session ordinaire, la création d'une commission d'enquête. » Ce n'est pas le cas actuellement : le fait que la majorité puisse modifier le champ d'enquête de la commission revient à retirer à l'opposition tout droit de tirage effectif. Il s'agit donc d'un droit virtuel.

D'autre part, l'amendement prévoit que, si l'opposition obtient la création d'une commission d'enquête, elle doit avoir le droit de choisir pour l'un des siens soit la fonction de président soit celle de rapporteur. C'est le bon sens. À quoi bon donner à l'opposition le droit de faire créer une commission d'enquête si c'est la majorité qui peut en choisir le rapporteur, dont on sait bien que le pouvoir d'investigation est plus important que celui du président ? Pour que son droit de tirage soit effectif, il faut que l'opposition ait également le droit de choisir le poste de président ou celui de rapporteur.

Mon amendement n° 20 rectifié est ainsi également défendu.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Jean Mallot pour défendre l'amendement n°25 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Par ces amendements, nous tentons de donner corps à une annonce faite par la majorité présidentielle au moment de la révision constitutionnelle et qui n'a pas été suivie d'effet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Le seul point dont on aurait pu reconnaître qu'il constituait une avancée pour les droits du Parlement et de l'opposition dans la révision constitutionnelle qui a été, malheureusement, adoptée le 21 juillet 2008, était celui qui portait sur les commissions d'enquête. Comme il fallait trois cinquièmes des députés pour s'opposer à la création d'une telle commission, on parlait de droit de tirage de l'opposition. Nous avons vu à trois ou quatre reprises que ce droit de tirage est virtuel, et plus précisément à la merci de la majorité. En effet, une majorité simple – donc celle que détient l'UMP – peut modifier la résolution visant à créer la commission d'enquête pour la vider de son contenu. Dès lors, la suppression par une majorité des trois cinquièmes n'aurait plus grand sens puisque ce serait déjà une coquille vide. C'est parce que ce droit n'est pas réel que notre amendement n° 25 propose de donner le droit à chaque président de groupe minoritaire d'obtenir une fois par session ordinaire la création d'une commission d'enquête.

Le deuxième alinéa de l'amendement essaye de résoudre une difficulté qui ne se retrouve d'ailleurs pas dans les missions d'information permanente comme la MEC et la MECSS, où l'alternance entre majorité et opposition pour les postes de président et de rapporteur existe bien. Mais vu le geste que me fait M. le président, c'est sur le prochain amendement que j'aurai l'occasion de développer cet argument.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Défavorable. Je m'en explique.

La création d'une commission d'enquête, telle qu'elle a été proposée, n'est absolument pas remise en cause. Néanmoins, une commission d'enquête a ses propres limitations de par la loi. Elle ne peut intervenir dans le domaine judiciaire. Une commission d'enquête pourrait-elle remettre en cause des sources du droit qui sont supérieures à la loi, la Constitution ou les traités internationaux ? Non, bien entendu. Elle doit rester dans les domaines d'attribution législative. Vous faites un peu un procès d'intention. Sur la dimension constitutionnelle, on peut plaider, mais pas devant l'Assemblée nationale, devant l'instance habilitée à donner des avis sur la Constitution.

De l'attribution des postes de président et de rapporteur, nous avons déjà débattu à plusieurs reprises. D'abord, je ne crois pas qu'il faille fixer dans la loi une décision qui peut être consensuelle. Il est vrai que, la plupart du temps, la majorité a le poste de rapporteur, mais pas toujours. Pour la commission d'enquête sur les sectes, c'était le contraire. Cela peut parfaitement se négocier à la Conférence des présidents. Mais il est inutile d'installer de façon fixe l'opposition au poste de président, la majorité au poste de rapporteur.

Très franchement, vos questions sur les commissions d'enquête me chagrinent. J'ai été très déçu de la façon dont s'est déroulé le débat à ce propos, de la part de la majorité comme de celle de l'opposition. La création d'une commission d'enquête est un formidable atout pour l'opposition ; elle ne doit pas être entravée par le fait que le texte initial fixe des limites aux pouvoirs de cette commission d'enquête. Tout en comprenant votre demande, je suis défavorable aux amendements que vous avez déposés.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

, ministre chargé des relations avec le Parlement. Même avis défavorable. Il serait quand même ennuyeux qu'il soit possible de faire créer une commission d'enquête sur un sujet contraire à la Constitution ou sur un traité international.

Ensuite, pourquoi faire un sort particulier à l'attribution du poste de président ou de rapporteur dans tel ou tel type de commission ? A chaque commission de trouver un accord en son sein pour élire un président et un rapporteur. Ne compliquons pas les choses et faisons confiance aux parlementaires pour assurer un sage équilibre. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Si l'on écoute M. Goasguen, la répartition des postes de rapporteur et de président se fera de façon consensuelle. Il ne faut pas rêver. Quand l'opposition obtient la création d'une commission d'enquête, la majorité n'y est souvent pas favorable. Dans ce cas, occuper la présidence ou occuper le poste de rapporteur n'est pas tout à fait indifférent, car les deux postes ne sont pas équivalents. Bien entendu, président et rapporteur vont travailler conjointement. Mais celui qui va aller voir sur pièces puis tenir la plume, c'est quand même le rapporteur. Dans un certain nombre de cas, mieux vaut être le rapporteur. Le choix doit revenir au groupe qui a demandé la création de la commission d'enquête. En pensant qu'il y aura accord amiable, M. Goasguen « rêve en couleur » comme l'on dit au Québec. Pour ma part, je vois les choses en noir et blanc.

(Les amendements identiques nos 24 et 25 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 20 rectifié et 21 rectifié .

La parole est à M. René Dosière pour défendre l'amendement n°20 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Jean Mallot pour défendre l'amendement n°21 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je défends cet amendement pour réagir à la réponse de M. Goasguen, qui ne m'a pas satisfait. Je comprends son argumentation s'il s'agit de la commission sur les sondages, ou autres. Mais j'ai un autre exemple tout à fait édifiant de la façon dont l'UMP a vidé de son sens une demande de commission d'enquête. Après les suicides chez France Télécom, le groupe GDR avait déposé une demande de création de commission d'enquête sur le stress au travail, qui faisait directement allusion à France Télécom et au climat que les restructurations peuvent créer dans une entreprise. L'UMP, pour des raisons qui lui appartiennent, a considéré qu'il fallait écarter la référence à France Télécom et refuser de considérer que les restructurations ont un impact sur le stress des salariés au travail. L'UMP ayant ainsi vidé de son contenu la proposition de résolution qu'ils avaient déposée, nos collègues du groupe GDR ont décidé de ne pas y donner suite. Cela prouve bien que le droit de tirage n'est pas effectif car le groupe majoritaire peut lui ôter son sens. Nous pouvons en donner d'autres exemples. Nous ne pouvons pas l'accepter, c'est pourquoi nous avons déposé cet amendement.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

, ministre chargé des relations avec le Parlement. Défavorable.

En premier lieu, contrairement à la formulation de ces amendements, en vertu de l'alinéa premier de l'article 51 de la Constitution, c'est le groupe et non pas le président de groupe qui peut demander la création d'une commission d'enquête.

En second lieu, je reviens à l'exemple cité par M. Mallot. Il se trouve que j'ai assisté à une bonne partie de la réunion à ce sujet en Conférence des présidents de l'Assemblée nationale. Un certain nombre d'arguments concernant cette grande entreprise qu'est France Télécom, sans parler de procédures judiciaires en cours, ont été échangés dans un excellent climat, et cela a amené par la suite le groupe GDR à renoncer à sa proposition. Mais il n'y a eu aucune mesure coercitive prise à l'encontre de ce groupe. Les choses se sont passées de la meilleure façon possible. Il s'agissait de ne pas nuire à une entreprise. Le groupe GDR s'est rendu aux remarques qui lui étaient faites, ce dont nous lui sommes reconnaissants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je ne peux pas laisser M. le ministre dire cela. Jamais personne, et certainement pas moi, n'a parlé de « mesure coercitive » de l'UMP à l'encontre du groupe GDR – d'ailleurs je ne vois pas très bien ce que cette notion pourrait recouvrir. Mais il est un fait que, contre l'avis du groupe GDR, la majorité UMP en commission a voté des amendements qui ont amputé cette proposition de résolution d'éléments fondamentaux aux yeux de ses auteurs. Le groupe GDR, considérant que sa proposition n'avait plus de portée, a renoncé à demander qu'elle soit examinée.

Cela démontre bien que le fait majoritaire domine : à la majorité simple le groupe UMP peut décider d'empêcher les groupes d'opposition ou les groupes minoritaires d'exercer ce qu'il appelle le droit de tirage, et qui est, en réalité, vide de sens.

(Les amendements identiques nos 20 rectifié et 21 rectifié ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La discussion de cette proposition de loi se poursuivra demain, mercredi 27 janvier, après-midi.

Après l'article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures vingt.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi tendant à inscrire l'inceste commis sur les mineurs dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d'actes incestueux (nos 1789, 1840).

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Mesdames et messieurs les députés, madame la rapporteure, la prohibition de l'inceste est l'un des fondements les plus importants des civilisations humaines. L'inceste est en effet un crime et un fléau dont les victimes éprouvent des séquelles tout au long de leur vie. Il transforme un processus de construction de la personnalité en processus de destruction de l'individu. Or, même s'il est partagé par tous, cet interdit est, hélas, toujours transgressé dans notre société. Magistrats, enquêteurs des brigades des mineurs et professionnels de l'enfance le savent bien : la nécessité de protéger les mineurs n'a rien perdu de son actualité.

La présente proposition de loi vise d'abord à nommer ce tabou dans la loi. Elle adresse ainsi un signal fort aux victimes de l'inceste, à toutes les autorités chargées de le combattre, et sans doute aussi à tous ceux qui doivent entendre cet interdit. Elle permet aussi des évolutions juridiques importantes dans le sens de la protection et de la reconnaissance des victimes.

Ce texte est le résultat d'un travail législatif approfondi. Après le rapport remis par Christian Estrosi en 2005, la mission de réflexion que vous avez présidée, madame la rapporteure, a identifié les progrès que nous pouvions encore faire en matière de lutte contre l'inceste. Votre proposition de loi, que le Sénat a précisée, sans en modifier l'équilibre, en est le résultat.

Dans un domaine si important et si sensible, la clarté de la loi est la condition de l'efficacité de notre action. Adapter le code pénal nous permettra de mieux sanctionner les violences sexuelles au sein de la famille et de mieux répondre aux attentes des victimes de l'inceste.

En reconnaissant la spécificité de l'inceste, la proposition de loi vise à renforcer la réponse pénale. L'inceste est une forme particulière de violences sexuelles qui appelle des dispositions spécifiques dans le code pénal. Il faut en effet distinguer l'inceste d'autres formes de viol et d'agression sexuelle. Sur ce point, l'attente des victimes est très forte.

En qualifiant juridiquement ce type d'infraction, même sans modifier le quantum de la sanction encourue, la proposition de loi amènera les jurés des cours d'assises à se prononcer spécifiquement dans leur verdict sur l'existence d'un inceste. L'inceste ne sera donc pas nommé seulement dans la loi : il le sera pour chaque victime par la juridiction de jugement, ce qui constitue un premier pas vers une reconstruction possible des victimes – ou, en tout cas, l'un de ses éléments.

De plus, si les faits sont qualifiés d'incestueux, la nomination d'un administrateur ad hoc sera obligatoire, sauf motivation spéciale contraire. La proposition de loi reconnaît donc ainsi le besoin de protéger particulièrement le mineur dans ces situations.

Par ailleurs, ce texte consacre explicitement la jurisprudence de la Cour de cassation sur la contrainte. Elle permet d'inscrire dans la loi cette forme très particulière de contrainte morale qui résulte de la différence d'âge et de l'autorité de l'auteur du fait. L'autorité familiale suffit, hélas, bien souvent pour que l'enfant accepte et subisse, sans rien dire, sans manifester aucune réaction. Cette avancée essentielle de la proposition de loi vise à reconnaître cet ascendant des adultes sur l'enfant ainsi que, par conséquent, la responsabilité particulière de ceux qui doivent veiller sur lui.

Mieux sanctionner l'inceste est une nécessité. Pour cela, il faut également mieux prévenir les infractions et mieux prendre en charge les victimes.

La prise en compte des victimes de l'inceste constitue une responsabilité première de notre société. À cette fin, la proposition de loi permet de renforcer l'information dans les écoles et la sensibilisation du public dans les médias. Pour mieux détecter, signaler et prendre en charge les victimes, elle prévoit également que la formation initiale et continue des enseignants, des travailleurs sociaux et des avocats comportera un enseignement spécifique. Ces avancées sont bienvenues.

Par ailleurs, la prise en charge des victimes sera améliorée. Le texte précise que le Gouvernement remettra au Parlement, avant juin 2010, un rapport sur les améliorations de la prise en charge des victimes. Il permettra de présenter le déploiement des unités médico-judiciaires sur l'ensemble du territoire.

L'accompagnement des victimes, qui doivent effectuer des démarches juridiques parfois complexes, sera renforcé. Grâce à l'administrateur ad hoc, le mineur pourra disposer d'un interlocuteur disponible, prêt à l'aider dans les démarches engagées.

Mesdames et messieurs les députés, madame la rapporteure, il relève de notre responsabilité, au-delà des clivages qui peuvent nous diviser, de protéger les victimes, en particulier les enfants, et de préserver la cellule familiale. Il s'agit d'affirmer notre attachement à la dignité des victimes, pour leur permettre de se reconstruire et de surmonter la honte et la culpabilité qu'elles ressentent. Ce renforcement du dispositif législatif permettra aussi d'améliorer la prévention de ce crime afin, qu'à l'avenir, les victimes soient moins nombreuses.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Marie-Louise Fort, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Louise Fort

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de saluer des victimes, Éva Thomas, Isabelle Aubry, Ghislaine Pieux.

C'est un moment enthousiasmant dans la vie d'un parlementaire que celui où il monte à la tribune pour défendre un texte auquel il croit profondément ; un texte dont il mesure avec autant de gravité le caractère déterminant et essentiel pour les plus fragiles de ses concitoyens, pour ceux qui vivent les plus grandes souffrances dans le plus fort isolement.

Aujourd'hui, je pense à ces enfants du silence, comme aux deux millions de victimes devenues adultes bien que brisées. Je porte le poids de leur souffrance. Je souffre de l'injustice qui leur est faite d'être nés là où nul n'aurait envie de grandir ou de vivre.

Monsieur le secrétaire d'État, le fardeau de cette souffrance, nous avons voulu le partager avec le Gouvernement lorsque, à l'issue d'une mission que m'avait confiée le groupe majoritaire de notre assemblée, j'ai remis un rapport sur la lutte contre l'inceste, il y a un an, jour pour jour. Michèle Alliot-Marie, et avant elle Rachida Dati, Roselyne Bachelot et Nadine Morano en ont pris la mesure. À travers elles, nous avons trouvé dans le Gouvernement un allié précieux, volontaire et à l'écoute. Un grand merci.

Nous avons cherché dans les lois existantes un écho que nous n'avons pas trouvé. Nous avons donc pensé et écrit ce texte pour protéger les victimes, pour qu'il serve à ceux qui les accompagnent au quotidien, et pour éveiller les consciences.

L'Assemblée nationale, d'abord, puis le Sénat ont affiné et enrichi cette proposition de loi en première lecture. Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi, en tant que rapporteur de la commission des lois, de redire toutes les avancées que ce texte propose.

Son premier volet vise l'inscription de l'inceste dans le code pénal.

Le code pénal, dans sa rédaction actuelle, ne réprime pas l'inceste et les agressions sexuelles incestueuses en tant que telles. Le dispositif adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, à l'initiative de la commission, prévoit de consacrer la spécificité de l'inceste en droit pénal, sans aggravation de la peine principale.

Le Sénat n'a pas remis en cause la notion de « surqualification » qui se « superposera » à la qualification de crime ou de délit sexuel. Les actes, même commis avant l'entrée en vigueur de la loi, pourront donc être qualifiés d'inceste, ce qui permettra notamment d'en assurer le suivi statistique.

Le deuxième volet du texte améliore la prévention.

Le titre II de la proposition de loi, relatif à la prévention de l'inceste, comporte deux articles. L'article 4 renforce le rôle de l'école en la matière, et l'article 5, adopté conforme par le Sénat, conforte celui de l'audiovisuel public dans l'information relative à la santé et à la sexualité.

Enfin, le troisième volet de la proposition de loi renforce l'accompagnement des victimes. L'article 6 bis propose qu'un administrateur ad hoc soit nommé dès qu'une plainte pour inceste est déposée. La systématisation de cette mesure doit permettre de mieux protéger l'intérêt de l'enfant.

Vous l'aurez compris, le Sénat a apporté au texte quelques aménagements bénéfiques, sans modifier son équilibre général ni les avancées voulues et portées par notre assemblée.

Tout d'abord, il a modifié la définition du périmètre des auteurs d'inceste.

En première lecture, notre assemblée avait retenu la définition du périmètre de l'inceste figurant dans la proposition de loi initiale. Elle visait la relation sexuelle entre un mineur et son ascendant ; son oncle ou sa tante ; son frère ou sa soeur ; sa nièce ou son neveu, ou avec le conjoint ou le concubin d'une de ces personnes, ou avec le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l'une de ces personnes.

La commission des lois du Sénat a estimé que cette définition impliquait un changement de périmètre par rapport au droit en vigueur. Elle a donc préféré considérer que les viols et les agressions sexuelles étaient incestueux lorsqu'ils étaient commis « au sein de la famille » sur la personne d'un mineur « par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ». Cette rédaction a été modifiée par l'adoption, en séance publique, d'un amendement du Gouvernement qui vise expressément l'inceste entre frère et soeur, et l'inceste commis par le concubin d'un membre de la famille. La rédaction finalement adoptée par le Sénat est donc assez proche de celle adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture.

Au titre du volet relatif à la prévention, le Sénat a supprimé les dispositions précisant que la spécificité de l'inceste devait être abordée dans le cursus des études médicales. Chère Henriette Martinez, vous aviez porté l'amendement adopté en ce sens lors de la première lecture dans notre assemblée. Comme vous, nous regrettons que ces dispositions aient été supprimées. Cependant, cette suppression n'est pas motivée par un désaccord de fond du Sénat, mais seulement par la distinction entre les champs de la loi et du règlement, si bien que les articles visés figurent désormais dans la partie réglementaire du code de l'éducation. J'espère donc que le Gouvernement saura prendre en compte votre proposition, que nous approuvons et à laquelle nous avons marqué notre attachement par notre vote en première lecture.

S'agissant de l'amélioration de l'accompagnement des victimes, notre assemblée avait voté la désignation automatique d'un administrateur ad hoc dans les cas d'inceste, mais le Sénat a estimé qu'il pouvait exister des cas dans lesquels les parents de l'enfant victime – ou l'un d'entre eux – sont en mesure d'assurer la protection de ses intérêts. Une désignation trop systématique de l'administrateur ad hoc risquerait de les en empêcher et pourrait ainsi nuire à l'enfant, en lui infligeant en quelque sorte une double peine. La commission des lois partage cette préoccupation. Faire de la nomination de l'administrateur ad hoc le principe et permettre au procureur de la République ou au juge d'instruction de l'écarter par une décision spécialement motivée nous est donc apparu à la fois sage et conforme à l'esprit du vote de notre assemblée en première lecture.

Enfin, le Sénat a modifié l'intitulé de la proposition de loi pour mettre l'accent sur le volet pénal. Je tiens à souligner que cette modification ne doit pas masquer les volets consacrés à la prévention et à la prise en charge des victimes. Néanmoins, la simplification du titre de la proposition de loi ne pose pas de difficulté.

Monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi une dernière réflexion. Elle est plus personnelle, mais je suis certaine que l'ensemble de mes collègues y souscriront.

Nous nous apprêtons à voter un texte d'une importance considérable pour les droits de l'enfant et pour la protection et l'accompagnement des victimes. Il permettra une meilleure prévention, ainsi qu'une meilleure reconnaissance, une meilleure identification, une meilleure compréhension et un meilleur accompagnement des victimes. Mais ce ne sera pas suffisant si l'État n'engage pas tous les moyens nécessaires à une exécution plus rapide de la justice concernant les infractions sur mineurs, s'il n'engage pas tous les moyens attendus pour renforcer la sensibilisation du grand public, et surtout pour accroître l'offre de soins pour les victimes, très tôt dans l'enfance et jusque tard à l'âge adulte, car on souffre de l'inceste toute sa vie. Je pense en particulier à l'ouverture de centres pluridisciplinaires départementaux dédiés aux victimes.

Je me permets d'insister sur le fait que le rapport visé à l'article 7 n'est pas un rapport parmi d'autres. C'est une invitation à l'action. La France fait beaucoup ; elle doit faire davantage. Le Gouvernement fait beaucoup ; il doit faire davantage. Nous devons faire davantage. C'est une question d'humanité, d'honneur.

En votant cette proposition de loi, nous permettrons à toutes les victimes d'être reconnues. Nous ne pouvons continuer à les entendre dire : « J'ai honte » ; cette formule devrait n'appartenir qu'aux agresseurs. Dans le silence, dans l'inaction, nous nous renions.

Monsieur le secrétaire d'État, la représentation nationale compte sur le Gouvernement. Ayons à l'esprit ce qu'écrit Jenyu Peng dans son ouvrage À l'épreuve de l'inceste : « Si le complexe d'Œdipe, vécu sur le mode imaginaire, est constitutif de la personnalité, en revanche, le viol réel d'un enfant par un parent provoque une catastrophe psychique dont la résilience se révèle difficile à atteindre. »

Mes chers collègues, les victimes comptent sur nous. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Vaxès.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteure, chers collègues, lors de l'examen en première lecture de cette proposition de loi, nous avions dit combien il était essentiel, sur un sujet qui touche à l'innommable, l'inceste, de veiller à ce que l'émotion ne prenne pas le pas sur la raison. Nous avions ainsi rappelé que, si notre droit pénal ignore la qualification d'inceste – tout comme d'ailleurs le droit civil, qui ne le connaît que par les empêchements à mariage –, il le sanctionne néanmoins spécifiquement. Dès lors que le texte qui nous était présenté se proposait simplement d'inscrire symboliquement l'inceste dans le code pénal, afin de l'identifier et de l'isoler comme tel dans notre droit, nous nous étions interrogés sur l'apport d'une telle disposition pour les victimes de viol, d'agression sexuelle ou d'atteinte sexuelle à caractère incestueux. Nous posions cette question sans provocation aucune, car il nous semblait indispensable, dans le souci d'une bonne construction juridique, de ne pas aboutir au simple affichage de notre répugnance instinctive à l'égard de l'inceste.

Nous avons entendu les arguments selon lesquels il est important pour les victimes de pouvoir nommer l'acte subi. Cependant, et nous avions insisté sur ce point, en visant à qualifier juridiquement l'inceste, cette proposition de loi risquait d'engendrer des inégalités de traitement entre les membres d'une même famille ou entre les mineurs victimes. Pour illustrer ce point, j'avais pris deux exemples, que je me permets de rappeler car la question se pose toujours avec la même acuité en deuxième lecture.

Le premier tenait à la distinction faite entre une adolescente mineure de dix-sept ans et une majeure de dix-huit ans, toutes deux victimes d'un père incestueux. Dans les deux cas, il s'agit d'un inceste. Pourtant, en vertu de ce texte, les faits seraient qualifiés d'inceste pour la première et pas pour la seconde. Si nous sommes dans l'importance du « dit », je ne comprends pas pourquoi l'inceste serait nommé par notre droit pénal dans un cas et pas dans l'autre. Mme la rapporteure m'avait alors répondu qu'il n'y avait pas là matière à discussion. Précisément si, puisque l'intérêt essentiel de cette proposition de loi serait à rechercher dans l'ordre du symbole. Or, sa définition de l'inceste est totalement déformée, puisqu'elle se réduit aux actes subis par des mineurs.

J'avais ensuite souligné la distinction qui serait faite entre un mineur victime d'une personne proche, voire très proche, de l'entourage familial, investie de la confiance et de l'affection de l'enfant, et un mineur victime d'un membre de la famille qu'il ne connaît que très peu ou pas du tout. Pourquoi, dans le premier cas, serait-il, au plan juridique, « simplement » victime d'une agression sexuelle, et non d'un inceste ? Pensez-vous vraiment que la première agression est moins traumatisante, moins incestueuse que la seconde ? Cette hiérarchisation de la douleur, de la souffrance et de sa reconnaissance est difficilement concevable. Dans bien des cas, en effet, les conséquences psychologiques d'un viol ou d'une agression sexuelle sur mineur peuvent être tout aussi dramatiques que dans les cas ainsi juridiquement qualifiés d'incestueux.

La dimension sociale de l'inceste ne méritait pas d'être ainsi ignorée. Comme de nombreux professionnels, nous devrions tous, ici, avoir la conviction que le crime d'inceste n'est pas seulement l'abus sexuel commis par une personne de la même famille, mais qu'il doit aussi désigner l'ensemble des agressions sexuelles perpétrées sur un enfant par des adultes qui, sous quelle que forme que ce soit, auraient autorité sur lui. La limitation du crime d'inceste à la famille ignore, en effet, l'état de complète dépendance de l'enfant vis-à-vis des proximités affectives que ses propres parents ont créées autour de lui et dont ils ont façonné les frontières.

Au reste, la volonté d'élaborer à tout prix une définition de l'inceste s'exposait nécessairement aux critiques. Pourquoi, par exemple, avoir omis de mentionner les cousins ? La nouvelle rédaction proposée par le Sénat corrige cet oubli, mais elle n'empêche pas de créer des incohérences, voire des absurdités. Ainsi seront concernés par la définition proposée les actes commis par des personnes – beau-père, belle-mère, beau-frère – qui n'ont pas avec la victime un lien de parenté interdisant le mariage. Sera donc qualifiée d'incestueuse, puisqu'elle sera nécessairement contrainte, la relation entre un homme et sa belle-fille de dix-sept ans et demi. Pourtant, six mois plus tard, il pourra vivre avec elle, voire l'épouser, en toute légalité.

C'est la preuve qu'il est pour le moins imprudent de prétendre donner en quelques mots, forcément réducteurs, une définition juridique de l'inceste. Les définitions successives de l'acte incestueux proposées par Mme la rapporteure, notre assemblée, le Sénat, puis le Gouvernement, suffisent à prouver l'embarras de celui qui tente de donner une définition juridique cohérente. Je persiste donc dans mon questionnement : n'est-il pas permis de se demander si nos codes civil et pénal n'ont pas eu raison de ne pas parler de l'inceste ?

Comme le dit très justement l'Association de thérapie familiale systémique, « la notion d'inceste est une notion qui appartient au vocabulaire des sciences humaines et qui ne peut passer sans dommage dans le vocabulaire juridique. L'inceste est un “tabou” d'ordre moral. Le ramener à un simple interdit légal revient à en diminuer considérablement la portée. » Le tabou de l'inceste est tel qu'il se situe à un niveau supérieur à la loi, laquelle réprime déjà clairement les actes incestueux sur mineurs dans le code pénal. Quant à La Voix de l'enfant, association fédérative pour l'aide à l'enfance en détresse ayant pour but l'écoute et la défense de tout enfant en détresse quel qu'il soit et où qu'il soit, elle n'est pas non plus favorable à la propostion de loi. Cette association reconnue pour son sérieux et son travail auprès des enfants estime en effet que « le droit protège déjà les victimes et réprime sévèrement l'inceste par la qualification de circonstances aggravantes. Il apparaît donc que l'insertion de ces articles dans le code pénal est superfétatoire. »

Cela étant, et au-delà de l'inscription de l'inceste dans le code pénal, les agressions sexuelles sur mineurs sont dramatiques et leurs conséquences souvent irrémédiables. C'est pourquoi il nous faut non seulement les sanctionner, mais aussi et surtout les prévenir et, lorsqu'elles se sont, hélas, produites, bien traiter les troubles qu'elles ont générés. C'est sur ce point que nous devons concentrer tous nos efforts. Notre rapporteure avait cette ambition, mais elle n'a pu échapper au couperet fatal de l'article 40 : le volet sur la prévention et l'accompagnement des victimes est désormais réduit à la portion congrue.

Compte tenu de la faiblesse des moyens que le Gouvernement est prêt à mobiliser pour la prévention de l'inceste et la prise en charge des victimes, cette proposition de loi ne peut apparaître que comme une pieuse déclaration d'intention. Ce sentiment est confirmé par l'étiolement des moyens humains et financiers mis à la disposition de l'ensemble des professions médicales, scolaires, sociales et de justice et par le refus de leur accorder les moyens humains nécessaires à l'application des lois existantes.

Je confirme donc l'appréciation que nous avions portée sur ce texte en première lecture : il n'apporte rien de bien convaincant dans la lutte contre l'inceste. C'est pourquoi nous nous abstiendrons de nouveau.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Toutefois, je réitère ma proposition de mettre en place une mission d'information chargée d'auditionner les plus éminents spécialistes des très nombreuses disciplines concernées par ces questions, d'évaluer et d'établir un bilan des textes législatifs et réglementaires en vigueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Alors, seulement, nous pourrions élaborer un texte prenant en compte les manquements et les faiblesses de notre législation afin de renforcer la protection des mineurs victimes d'agression sexuelle quels qu'ils soient. Une telle démarche serait bien plus utile aux victimes et sûrement plus efficace en matière de production législative.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, bien que frappé d'un interdit majeur et d'un tabou universel, l'abus sexuel perpétré au sein de la famille n'a pas disparu de nos sociétés, ainsi que nous le démontrent de manière trop régulière des affaires particulièrement dramatiques. Alors que, depuis plusieurs années, le législateur s'interroge sur la juste manière de sanctionner ces crimes, en avril dernier, notre assemblée a adopté en première lecture la proposition de loi de notre collègue Marie-Louise Fort visant à inscrire l'inceste commis sur les mineurs dans notre code pénal.

Mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui en seconde lecture est avant tout un texte attendu par un grand nombre de nos concitoyens,…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

…par ceux qui ont été un jour les victimes de comportements incestueux.

En l'état actuel de notre droit, le terme d'inceste, notion au carrefour de l'anthropologie, de la sociologie, de la morale et du droit, ne figure pas dans le code pénal. Si la répression de ces comportements ignobles est permise par les articles traitant des viols, agressions et atteintes sexuelles et si le fait pour l'agresseur d'être l'ascendant de sa victime ou d'exercer sur elle une relation d'autorité est une circonstance aggravante, l'inceste en tant que tel ne constitue toujours pas une incrimination spécifique, et ce malgré la violence de ses conséquences pour les victimes et pour la société.

L'inceste, mes chers collègues, n'est pas seulement un crime particulièrement odieux au regard des droits de l'enfant, un crime à la base de traumatismes parfois extrêmement longs à surmonter pour les victimes : c'est aussi un crime contre la famille, le lieu où se transmettent les valeurs fondamentales de notre société. C'est pourquoi, madame la rapporteure, je veux une nouvelle fois, au nom des députés du Nouveau Centre, saluer votre initiative, ainsi que la qualité des travaux que vous avez menés pour l'élaboration de ce texte.

Avec cette proposition de loi, il s'agit de mettre un mot – si cela est possible – sur une telle souffrance, et de permettre aux victimes de voir cette souffrance véritablement reconnue par un tribunal. Mais, et c'est là un point que je veux souligner, l'absence de traduction juridique de la notion d'inceste nous prive également de données d'évaluation précises et nous empêche d'appréhender avec justesse l'ampleur de ce phénomène pour mieux le prévenir.

Il ne s'agit pas de créer un régime pénal spécifique qui ne serait applicable qu'aux seuls crimes et délits commis postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi, mais d'ériger l'inceste en qualification de crime ou de délit sexuel. Ainsi, mes chers collègues, un viol incestueux pourra désormais être reconnu comme tel par la justice. La qualification « incestueux » ou « incestueuse » viendra se superposer aux notions de viol ou d'agression sexuelle, sans pour autant durcir la peine principale qui pourra être prononcée par les juridictions pénales dès l'entrée en vigueur de ce texte – y compris pour des crimes commis antérieurement à sa publication.

Si l'absence d'incrimination spécifique de l'inceste pèse sur les victimes, le débat autour du consentement de la victime d'un viol incestueux, auquel doivent se livrer les juridictions pénales, est encore plus choquant. Afin de prouver qu'il a été victime d'un viol ou d'une agression sexuelle, un mineur doit apporter la preuve que ce rapport a eu lieu sous la contrainte, la violence, la menace ou la surprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

En d'autres termes, le mineur est tenu d'apporter la preuve de son non-consentement. Alors que plusieurs tribunaux avaient tenté de déduire de l'âge de la victime et du lien qui l'unissait à son agresseur la preuve de la surprise ou de la contrainte qui avait caractérisé le rapport sexuel, la Cour de cassation a estimé qu'un tel raisonnement ne pouvait être juridiquement valable, dans la mesure où il confondait éléments constitutifs et circonstances aggravantes d'un viol et d'une agression sexuelle. Face aux difficultés à établir la preuve de l'absence de consentement, de très nombreux viols incestueux ont donc été déqualifiés en simples atteintes sexuelles, c'est-à-dire en délits et non plus en crimes, pour pouvoir être jugés. Les agresseurs ont été sanctionnés de manière très insuffisante au regard du crime commis et la pleine réalité de la souffrance des victimes a tout simplement été niée.

Cette proposition de loi permettra de préciser le contenu de la notion de contrainte lorsqu'elle constitue l'élément constitutif d'un viol – au-delà de mon expérience de parlementaire, je me réfère également, pour m'exprimer sur ce thème, à mon expérience de professionnel de santé ayant été confronté à ce drame. La contrainte pourra être déduite de la différence d'âge existant entre la victime mineure et son agresseur, ainsi que de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur la victime.

En venant interpréter le contenu d'une incrimination déjà existante dans le code pénal plutôt qu'en en créant une nouvelle, la rédaction du nouvel article du code pénal, telle qu'elle est proposée, pourra s'appliquer aux actes commis avant son entrée en vigueur et mettra ainsi un terme immédiat à ces déqualifications extrêmement dévastatrices pour les victimes.

La prévention des comportements incestueux sera, pour sa part, développée grâce à une plus grande mobilisation de l'institution scolaire et des sociétés de l'audiovisuel public, autour de la nécessaire information des mineurs sur le comportement à adopter en cas d'agression sexuelle, notamment incestueuse. Nul ne contestera le rôle positif que peuvent jouer tant l'école que les médias dans la prévention de ce véritable fléau. Enfin, l'accompagnement des victimes pourra être amélioré, en particulier grâce à la valorisation du travail des associations qui luttent sans relâche contre l'inceste. Elles pourront se constituer partie civile dans un procès et mieux assister les victimes dans leurs démarches.

Dans l'instruction de crimes incestueux, il est également proposé de rendre systématique la désignation par le juge d'un administrateur chargé de représenter la victime en lieu et place de ses représentants légaux et de l'accompagner dans toutes les étapes de la procédure. Le Sénat a souhaité prévoir les cas où les parents resteraient en mesure de faire valoir les droits de leurs enfants, mais la désignation d'un administrateur reste le principe. Par ailleurs, la possibilité de retirer le bénéfice de l'autorité parentale en cas d'inceste sera désormais expressément prévue par le code pénal.

Mes chers collègues, cette proposition de loi permettra de lever un tabou qui a trop longtemps duré, en proposant de vraies réponses à des crimes – je dis bien des crimes – en contradiction totale avec les valeurs essentielles de notre société. C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre apportera, comme en première lecture, son soutien à cette proposition de loi.

Toutefois, il est un point qui n'apparaît pas dans ce texte : celui des délais de prescription de ces crimes particulièrement odieux. Comme il est urgent de légiférer sur l'inceste, c'est un débat qu'il nous appartiendra de mener lors de la réforme de la procédure pénale, monsieur le secrétaire d'État, mais il me semble important de rappeler avec force dès aujourd'hui son caractère déterminant si nous ne voulons pas laisser, à l'avenir, de tels crimes impunis. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous nous retrouvons cet après-midi pour voter la proposition de loi déposée par notre collègue Marie-Louise Fort, visant à inscrire l'inceste dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d'actes incestueux.

Aujourd'hui, dans notre pays, environ deux millions de personnes ont subi d'un père, d'un beau-père ou d'un autre membre de la famille un rapport sexuel forcé ou une tentative de rapport sexuel forcé durant leur enfance, et 20 % des procès d'assises concernent des infractions de type incestueux.

Au xxie siècle, la représentation nationale ne peut rester insensible à la souffrance muette de tant de victimes. Au xxie siècle, il n'est pas tolérable que l'inceste ne soit pas défini en tant que tel dans le code pénal. Nous devons donc nous prononcer en deuxième lecture sur ce texte important.

Sachez, mes chers collègues, que des victimes d'inceste nous regardent et attendent de nous des réponses fortes, claires et concrètes. En effet, à l'issue du vote de cette proposition de loi dans notre assemblée, en avril dernier, Marie-Louise Fort et moi-même avons reçu des témoignages de reconnaissance poignants de la part de victimes. L'une d'elle écrit : « J'ai suivi les débats sur la chaîne parlementaire, sachez bien que ces débats étaient de la plus haute importance pour nous et j'ai été profondément touchée de voir que certains hommes et femmes politiques se battaient pour nous, comme nous nous battons seuls depuis des années. Pour la première fois de ma vie, je me suis sentie reliée au reste de l'humanité. » Une autre confie : « J'ai eu l'impression qu'on me sortait de la honte et que l'on me donnait enfin le droit d'être une femme et une citoyenne comme une autre. Je n'oublierai jamais… ».

Il est de notre devoir d'élus de légiférer pour que la souffrance de ces victimes soit reconnue et que leurs agresseurs soient jugés pour le crime qu'ils ont commis : un viol certes, mais plus encore un inceste. Car l'inceste n'est pas un délit sexuel comme un autre. Les relations sexuelles entre un mineur et un membre de sa famille constituent un véritable outrage. Un outrage vis-à-vis de la société, parce qu'un interdit fondateur vole en éclats, mais aussi un outrage vis-à-vis de l'enfant, parce que l'on porte une atteinte fondamentale à son innocence et à son équilibre. L'enfant se trouve agressé dans le lieu même qui a vocation à le protéger, sa famille, ce qui entraîne une confusion des schémas d'éducation. L'inceste est un abus sexuel particulièrement traumatisant, car l'enfant subit une agression commise par un membre de sa famille – au sens large du terme – représentant l'autorité. Le protecteur devient alors l'agresseur, la confiance fait place à la défiance, la sécurité à l'insécurité : tous les repères sont perturbés.

La famille qui, naturellement, offre à l'enfant tendresse et affection devient, lors d'un inceste, un lieu de violences, de contraintes et de soumission. Ceux-là mêmes qui doivent veiller avec amour sur l'enfant en deviennent les bourreaux. Quand l'enfant grandit et qu'il peut mettre le mot « inceste » sur ses souffrances, naît en lui une autre souffrance indicible : la honte. Et pourtant, ce n'est pas aux victimes d'avoir honte à la place de leurs oppresseurs !

L'inceste est à l'origine de graves dommages dans le développement de l'enfant. Comme le souligne à juste titre l'Association internationale des victimes de l'inceste, « l'inceste est une blessure de l'enfance qui, trop souvent, se perpétue jusqu'à la vie adulte et même parfois jusqu'à la vieillesse », avec son lot de conséquences : troubles affectifs ou relationnels, troubles psychosomatiques ou physiques, sans oublier les conséquences en termes d'insertion sociale ou professionnelle.

L'inceste perturbe également très fortement, non seulement les relations intrafamiliales, mais aussi les relations que la victime devra nouer avec sa propre famille, celle qu'elle va vouloir construire. Comment vivre sa propre parentalité lorsque l'on a été victime d'inceste ? Comment aimer son enfant sans le surprotéger ? Comment concilier désir d'enfant et sexualité en ayant vécu de telles souffrances ? Si la loi ne peut répondre à toutes ces questions, elle a le pouvoir de briser ce tabou et de libérer la parole des victimes.

Inscrire et définir l'inceste en tant que tel dans le code pénal fait de l'inceste un délit à part entière. Mais qu'est-ce que l'inceste, si ce n'est une contrainte exercée au sein de la famille ? Au nom du groupe UMP, je me félicite de voir la contrainte mieux définie dans cette proposition de loi. Elle nous rappelle que la contrainte qui s'exerce sur la victime peut être physique ou morale. Cette contrainte morale peut résulter d'une autorité de droit ou de fait, et de la différence d'âge entre une victime mineure et l'auteur des faits.

En aucun cas on ne saurait parler de consentement lorsque l'on évoque l'inceste. L'autorité parentale, en menaçant et en culpabilisant l'enfant, cherche à lui imputer une partie de la responsabilité de ses actes. En lui imposant le silence, elle fait croire à l'enfant qu'il est consentant. En réalité, jamais un enfant n'est responsable de l'abus, il est victime et non coupable.

La contrainte imposée à l'enfant s'exerce au sein de la sphère familiale dans laquelle il devrait s'épanouir et être aimé. C'est pour renforcer cette idée que nos collègues sénateurs ont substitué, à l'article 1er de cette proposition de loi, le terme de « famille » à l'énumération proposée initialement. Considérer les viols et les agressions sexuelles comme incestueux s'ils sont commis au sein de la famille sur la personne d'un mineur, par un ascendant, un frère, une soeur ou par toute autre personne, y compris s'il s'agit d'un concubin de la famille ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait, permettra aux juges de s'adapter à l'ensemble des configurations familiales.

S'il est primordial de définir l'inceste et de le condamner, protéger les victimes l'est tout autant. C'est pourquoi le législateur a souhaité permettre au juge de retirer totalement ou partiellement l'autorité parentale en cas d'inceste, de viol ou d'atteinte sexuelle, et au procureur de désigner un administrateur ad hoc. Pour ce qui est de cette mesure, le Sénat a judicieusement proposé que le juge d'instruction ou le procureur de la République puissent en décider autrement s'ils motivent spécialement leur décision.

Lutter contre l'inceste, c'est aussi prévenir. L'école joue un rôle fondamental en la matière. C'est pourquoi cette proposition de loi renforce la mission d'information des collèges et lycées en matière de violences et d'éducation à la sexualité. Soulignons combien il est important de former les professionnels de l'enfance afin de mieux comprendre et détecter les souffrances des enfants victimes. Ce texte le permet.

Le contenu des formations médicales relevant du domaine réglementaire, le Sénat a été contraint de retirer les dispositions qui les concernaient. À la suite de Marie-Louise Fort, je me permets d'insister, monsieur le secrétaire d'État, sur le fait qu'il nous faudra travailler sur ce sujet avec le Gouvernement afin de donner plus d'outils aux étudiants en médecine et aux médecins pour qu'ils puissent mieux appréhender l'inceste dans toutes ses dimensions : prévention, soins, conséquences psychologiques et physiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

L'inceste ébranle les fondements mêmes de la famille, et par conséquent ceux de notre société. C'est la transgression d'une loi absolue, universelle, d'une règle intangible qui est au fondement de toute civilisation. L'interdit de l'inceste a vocation à inscrire tout sujet dans l'ordre de la succession des générations.

Outre l'atteinte sociale qu'il constitue, l'inceste est un véritable meurtre psychologique, comme l'ont confié de nombreuses victimes. C'est pourquoi, sur un tel sujet, je suis certain que la représentation nationale peut, au-delà des clivages politiques, se retrouver de façon consensuelle pour répondre à la demande légitime des victimes, qui attendent de leurs élus des actes forts.

En avril dernier, le groupe SRC avait reproché au Gouvernement l'instauration d'une « procédure précipitée ». Il me semble qu'après neuf mois de travail supplémentaires, au Sénat puis, dans notre assemblée, en commission et désormais en deuxième lecture, l'argument de la précipitation ne tient plus. Ces neuf mois ont permis d'élaborer un texte équilibré, que nos collègues sénateurs ont amendé sans en modifier la portée.

Comme le disait si justement le philosophe Sénèque : « Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas que les choses sont difficiles. »

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

Le tabou de l'inceste a longtemps persisté, certes parce qu'il est difficile à briser, mais surtout parce que nous n'avons pas suffisamment osé. Alors, mes chers collègues, sur un sujet aussi grave, osez voter ce texte, comme le fera le groupe UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes amenés à examiner, en deuxième lecture, la proposition de loi visant, selon son titre initial, « à identifier, prévenir, détecter et lutter contre l'inceste sur les mineurs ».

Lors du premier passage de ce texte devant l'Assemblée, notre groupe avait exprimé son accord de principe pour travailler sur le sujet de l'inceste, mais nous avions été frustrés par la manière dont les débats avaient été menés. Nous avions notamment pointé l'insuffisance de travail collectif visant à analyser la question, par exemple en procédant à des auditions, ce qui se fait habituellement au Parlement quand il s'agit de préparer l'examen d'un texte en séance.

Nous sommes aujourd'hui un an après la première lecture, ce qui montre d'ailleurs que nous aurions pu prendre un peu de temps, au moment où nous l'avions demandé, pour travailler ensemble. Et, effectivement, le texte qui nous revient du Sénat a été amélioré. Les débats dans la seconde chambre ont tenu compte d'un certain nombre d'objections que nous avions formulées. Cependant, sur certains des points pour lesquels nous avions préconisé des modifications, le texte nous semble présenter encore un caractère inachevé.

Il faut d'emblée dire, notamment aux victimes, la chose suivante : il est évident que, pour nous, ce texte est important dans la mesure où il s'agit de dire clairement que nous sommes conscients du drame que les victimes ont vécu et des ravages que l'inceste a pu entraîner dans la construction – en l'occurrence, la destruction – de leur personnalité.

L'inceste demeure un interdit social, un tabou majeur et on peut juger opportun de le nommer en tant que tel et de le définir dans notre droit. On peut parfaitement comprendre et reconnaître la souffrance toute particulière des enfants agressés par celui qui est censé les protéger, qui leur a donné la vie ou qui leur est proche, par quelqu'un en qui ils ont confiance et pour qui, souvent, ils éprouvent de l'affection. En cela, il y a effectivement une spécificité de l'inceste par rapport à d'autres agressions sexuelles : les enfants qui en sont victimes sont attaqués dans leur maison, dans leur lit, souvent de manière répétée, par un proche. Très souvent aussi, ils ont l'impression de ne pas être protégés, y compris par leur mère ou par d'autres membres de la famille qui restent passifs, voire critiques à leur égard.

On dispose de témoignages extrêmement émouvants, notamment celui d'une jeune femme qui a publié un livre de façon anonyme, dans lequel elle écrit, à propos de son père : « Il m'a tuée, mais je ne suis pas morte. » Elle écrit aussi : « J'étais ensevelie sous un flot d'impuissance dont seule la mort pouvait me délivrer. »

Nous sommes entièrement d'accord : l'inceste peut occasionner un traumatisme irréversible pour l'enfant et entraîner une déstructuration du lien social et familial.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Au regard de ces exigences, toutefois, on doit noter que certaines interrogations que nous avions soulevées en première lecture demeurent. En effet, lorsque l'on rédige un texte de loi, il faut tenir compte des contraintes juridiques ; on ne peut pas se fonder simplement sur la compassion et proposer un texte qui, au final, n'explicite pas les règles juridiques qu'il est censé poser. De surcroît, l'article 40 ayant été invoqué pour un certain nombre de dispositions, et après le passage au Sénat, ce texte a finalement une valeur normative relativement minime.

Examinons d'abord les apports du Sénat. Il est vrai que, sur plusieurs points, il a clarifié ce que nous avions critiqué en première lecture. Ainsi, il a plus clairement précisé que la contrainte morale peut résulter de la différence d'âge. Toutefois, certaines de nos critiques demeurent, par exemple sur la différence qui existe toujours, et que je ne parviens à comprendre, entre la définition pénale ici donnée et la définition civile de l'inceste.

L'inceste est particulièrement inacceptable lorsqu'il se produit dans la famille biologique. Ainsi, on distingue en droit civil deux situations : d'un côté, l'inceste absolu, entre ascendants et descendants ou entre frères et soeurs ; de l'autre, ce que j'appellerais l'inceste « relatif », où l'auteur peut être un concubin de la mère ou encore un cousin. Dans le second cas, il est possible de lever l'interdiction de mariage. Nous avions donc souhaité que les cas d'inceste nommés et particulièrement punis dans le code pénal soient ceux qui relèvent de l'inceste absolu. Sur ce point, nous regrettons que l'on ne se soit pas calé sur la distinction existant en droit civil.

Le Sénat a précisé la définition proposée pour le code pénal, notamment à travers la notion de famille. Il a également précisé les cas où il existe une relation d'autorité. Cependant, on reste dans l'ambiguïté en raison de la différence qui persiste avec la définition du droit civil.

Par ailleurs, un certain nombre d'objections que nous avions exprimées en première lecture n'ont pas été levées. Je rappelle que des personnes aussi concernées par le sujet et aussi sensibles aux droits des enfants que Claire Brisset et Dominique Versini avaient elles aussi émis des réserves sur lesquelles nous n'avons pas obtenu de réponse à ce jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

Mme Brisset n'en a quand même pas émis beaucoup !

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Ainsi, la notion de contrainte est précisée s'agissant de l'inceste, mais le texte indique qu'elle résulte spécifiquement de la différence d'âge. Il s'agit certes d'un apport mais la notion n'est pas spécifique à l'inceste : elle pourrait tout à fait se retrouver dans un texte consacré aux agressions sexuelles ou aux viols sur mineurs.

Les autres éléments, notamment les dispositifs de prévention qui ont été insérés, nous laissent eux aussi un peu dubitatifs. On nous parle de lieux où il faut faire de la prévention, notamment l'école. Nous en sommes tout à fait d'accord, mais il est évident que ce n'est pas dans ce texte que ce genre d'indication doit figurer. D'ailleurs, on nous a dit que les autres dispositions de même nature du texte avaient une valeur réglementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Non, je ne pinaille pas ! En l'espèce, la loi de 2007 donne compétence, en matière de protection de l'enfance, aux conseils généraux. Par conséquent, je ne comprends pas qu'un texte qui relève très évidemment de la protection des mineurs ne renvoie pas à cette compétence du conseil général.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

C'est la loi, mes chers collègues, je n'y peux rien ! Il est exact que ce n'est pas dans le code pénal qu'on doit faire de la prévention. La prévention, en la matière, est importante et même nécessaire, mais elle est, selon la loi, de la responsabilité du conseil général. Il n'est donc pas normal que l'on ne prévoie pas, dans le présent texte, d'associer le conseil général à cette forme de prévention.

Par ailleurs, le texte d'origine stipulait qu'il fallait mieux accompagner les victimes. Là aussi, nous étions cent fois d'accord,…

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

…car les victimes disent souvent qu'elles ont le sentiment de se retrouver seules face à leur souffrance. Or, vous pouvez constater vous-mêmes que cette partie aussi a été éliminée de votre texte.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

De fait, la création des centres que vous proposiez au départ, avec des psychiatres et des infirmières spécialisées, et même si l'idée pouvait sembler intéressante, ne relevait pas du code pénal. D'ailleurs, on voit bien aujourd'hui que l'hôpital public est dépecé.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Un exemple précis : dans ma circonscription existait un service tout à fait remarquable, celui du professeur Jehel, qui traitait les suicidaires, notamment parmi les personnes victimes d'inceste. Eh bien, il a perdu des moyens depuis l'année dernière, ce qui est en contradiction absolue avec ce que vous aviez dit vouloir faire, c'est-à-dire améliorer le suivi et le secours pour les personnes victimes d'inceste !

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Bref, nous comprenons tout à fait la nécessité d'affirmer symboliquement l'importance du tabou que représente l'inceste. Nous devons dire aux victimes notre compassion et notre compréhension pour ce qui leur arrive. Mais ce texte nous posait problème, parce que nous craignions son inefficacité. En outre, il ne répondait pas aux véritables problèmes qui étaient posés. Malheureusement, malgré les améliorations apportées par le Sénat, nos interrogations demeurent. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste, tout en n'étant pas, bien évidemment, opposé à ce texte, considère qu'il agira un peu comme un emplâtre sur une jambe de bois.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Mis à part le fait – symbolique – qu'il nomme l'inceste dans le code pénal, ce texte ne nous paraît pas apporter grand-chose et il s'est encore vidé de sa substance par rapport à l'année dernière. Voilà pourquoi nous serons amenés à nous abstenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

Que c'est pénible ! Ce n'est pas mieux qu'en première lecture.

Debut de section - PermalienPhoto de Henriette Martinez

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, non, cette proposition de loi ne réparera pas les vies brisées par l'inceste.

Non, elle n'effacera pas l'indicible souffrance des enfants victimes, martyrisés dans le cercle familial.

Non, elle n'empêchera pas que ces crimes odieux se reproduisent.

Mais elle rendra aux victimes leur dignité par la reconnaissance, à travers la sanction pénale imposée à leurs agresseurs, de l'extrême gravité des faits qu'elles ont subis. En cela, elle répond à l'attente des associations de victimes, que je salue pour leur engagement, leur courage et leur détermination.

Nous devons cette proposition de loi à notre collègue Marie-Louise Fort, à son travail, issu de la mission que lui a confiée Jean-François Copé, à son écoute, à sa sensibilité, et aussi à son obstination.

Le volet prévention de ce texte est important, mais la détection et le suivi de l'inceste le sont également. C'est pourquoi, le 27 avril dernier, lors de la première lecture, j'avais eu la satisfaction de voir voter un amendement que j'avais présenté. Il visait à introduire dans les études de médecine la formation des étudiants à la détection et à la prise en charge des abus sexuels, dont en priorité l'inceste, mais aussi de toutes les maltraitances infligées à des enfants.

J'ai été au regret de constater que nos collègues sénateurs ont retiré cette disposition du texte que nous allons voter aujourd'hui. Si le débat sur cette question se traduit néanmoins par l'inscription de l'objectif dans les textes régissant les études de médecine, sans que nous ayons besoin de passer par la voie législative, je m'en réjouirai. Mais ce qui est certain, c'est que j'y serai attentive !

J'avais également défendu un amendement, rejeté à l'Assemblée nationale avant qu'une proposition similaire, défendue courageusement par mon collègue sénateur Alain Milon, soit repoussée elle aussi par le Sénat, relatif à la protection des médecins qui signalent des abus sexuels. Ce n'est pas la première fois que j'interviens sur le sujet. Aussi longtemps que je siègerai dans cet hémicycle et tant que le problème ne sera pas résolu, je continuerai à redire la même chose !

Je déplore profondément le rejet de cet amendement. Combien de temps encore notre pays devra-t-il attendre que les médecins qui signalent un inceste soient protégés, conformément aux recommandations du Conseil de l'Europe, qui sont claires à ce sujet ? Ces recommandations encouragent les États membres à prendre les mesures législatives nécessaires pour lever les obstacles qui empêchent les médecins de signaler, donc pour rendre effective l'obligation de signalement.

Je fais ici référence à l'article 12 sur le signalement de la convention de Lanzarote, signée par les ministres de la justice le 25 octobre 2007 ; au chapitre 5-1 des lignes directrices du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre la violence, portées par la plate-forme du Conseil de l'Europe sur les droits de l'enfant, lancée les 2 et 3 juin 2009 à Strasbourg au sein du programme intitulé Construire l'Europe pour et avec les enfants ; enfin, à l'alinéa 6-4 des recommandations du 18 novembre 2009 du comité des ministres du Conseil de l'Europe.

La solution passe par l'utilisation de la voie législative : elle consiste à protéger les médecins qui signalent, et donc à les inciter à signaler ; elle consiste à lever tous les obstacles qui s'opposent au signalement.

Or, à ce jour, et malgré l'interdiction des sanctions disciplinaires – j'avais moi-même fait voter cet amendement à l'article 226-14 du code pénal, dans la loi du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance –, force est de constater que les poursuites contre les médecins qui signalent ne sont plus disciplinaires, mais civiles ou pénales, si bien que bon nombre de médecins concernés préfèrent se taire ! Si les chiffres que l'on me donne sont exacts, 5 % seulement des signalements proviendraient des médecins.

C'est pourtant au médecin que l'enfant victime peut se confier. C'est le médecin qui détecte l'inceste, qui détecte le viol, qui détecte la maltraitance.

De plus, il faut savoir que lorsque des professionnels sont poursuivis, les procédures à leur encontre sont utilisées, ensuite, contre les enfants qu'ils ont voulu protéger. Cela se retourne donc doublement contre l'enfant !

Au vu des cas qui existent, au vu des cas que je connais, il n'est pas possible d'affirmer, comme cela a été dit lors des débats au Sénat, que la loi est aujourd'hui suffisamment précise pour protéger les médecins qui signalent de bonne foi. Il n'est pas plus possible d'affirmer que cela serait contraire à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que l'attestent les recommandations européennes que je viens de citer.

Madame la rapporteure, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette proposition de loi marque une avancée significative, dont je me réjouis. Mais le combat pour la protection de l'enfance continue, madame Pau-Langevin ; nous ne résoudrons pas tout par cette proposition de loi. Aussi longtemps que l'on abusera d'un enfant dans le cercle familial ou à l'extérieur, aussi longtemps qu'un enfant sera martyrisé, quelles que soient les maltraitances qui lui sont infligées, le combat pour la protection des enfants victimes continuera.

Pour autant, la polémique n'a pas sa place ici, car il y va de ce qu'il y a de plus abominable pour un enfant sans défense : la transformation du parent qui, de protecteur, devient prédateur ; il y va de ce qu'il y a de plus irréversible : la vie brisée d'un enfant ; il y va de ce qu'il y a de plus terrible : la souffrance d'un enfant victime ; il y va de l'atteinte à ce qu'il y a de plus irréparable : l'innocence volée d'un enfant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Les articles de la proposition de loi ne faisant l'objet d'aucun amendement, je vais les mettre aux voix successivement.

(Les articles 1er, 2, 4, 6 bis, 7 et 7 bis, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Abstention !

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :

Deuxième lecture de la proposition de loi renforçant la lutte contre les violences de groupe.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma