Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des finances s'est saisie pour avis de ce texte, forte d'une certaine expérience de l'évaluation et du contrôle. Nous nous sommes surtout penchés sur les deux articles qui sont au coeur du nouveau dispositif, c'est-à-dire les articles 1er et 3. Je n'évoquerai donc pas l'article 2, non qu'il manque d'intérêt, mais parce qu'il est moins directement lié au sujet qui nous occupe aujourd'hui.
Comme l'a dit le rapporteur de la commission des lois, l'article 1er permet au comité d'évaluation et de contrôle de convoquer toute personne dont il estime l'audition nécessaire et confère à ses rapporteurs les pouvoirs d'investigation accordés aux rapporteurs des commissions d'enquête. Quant à l'article 3, il permet aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ainsi qu'au président du CEC – qui n'est autre, au demeurant, que le président de l'Assemblée nationale – de demander à la Cour des comptes des rapports d'évaluation de politiques publiques.
À nos yeux, vous l'aurez compris, le CEC n'est pas sans rappeler la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances, coprésidée par David Habib et moi-même. Il en diffère assurément, puisqu'il a été créé pour évaluer les politiques transversales, c'est-à-dire celles dont le champ relève conjointement de plusieurs commissions. En outre, contrairement à la MEC – émanation de la commission des finances qui tient directement ses pouvoirs d'investigation, à juste titre, de ceux dont jouit cette dernière, et dont l'organisation résulte de la pratique –, le CEC est une instance autonome pour laquelle il est nécessaire d'instaurer des règles.
La commission des finances se félicite que la commission des lois ait bien voulu retenir ses amendements, moyennant quelques modifications ou précisions apportées par l'intermédiaire de sous-amendements qui n'en ont pas dénaturé le contenu.
La proposition de loi a notamment pour particularité de ne pas mentionner expressément le CEC, en effet créé par le règlement et non par la loi. Le texte qui nous est soumis, issu de la commission des lois – qui a elle-même repris, je l'ai dit, les amendements de la commission des finances –, retient une définition qui vise précisément le CEC, par une référence aux termes de l'article 146, alinéa 3, du règlement de notre assemblée. Il s'agit de l'un des deux points fondamentaux que nous avons évoqués lors de l'examen du texte en commission des finances : la commission souhaitait que les instruments de contrôle et d'évaluation dont il est question dans la proposition de loi soient destinés au seul CEC. Ce faisant, nous nous sommes inscrits dans la logique de l'examen du texte par la commission des lois.
Il serait contre-productif de banaliser les pouvoirs d'investigation dont disposent les commissions d'enquête, visés à l'article 1er, notamment en les étendant à toutes les instances temporaires, dont les missions d'information. Quoi qu'il en soit, les commissions permanentes peuvent déjà demander à disposer de tels pouvoirs pour une mission donnée : en effet, selon l'article 5 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958, « les commissions permanentes ou spéciales peuvent demander à l'assemblée à laquelle elles appartiennent, pour une mission déterminée et une durée n'excédant pas six mois, de leur conférer les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête ». Je tiens à souligner que le recours à cet outil est extraordinairement rare.
Quant à la faculté de demander un rapport d'enquête à la Cour des comptes, prévue à l'article 3, si la commission des finances la juge utile au CEC dans son travail d'évaluation des politiques publiques, il faut en revanche être vigilant quant au risque de multiplication de telles demandes. En effet, si la Cour ne peut y répondre faute de moyens humains ou parce que cela contreviendrait à son programme de travail, la procédure risque de ne pas fonctionner. Par le passé, la Cour a ainsi argué de sa position « équidistante » d'assistance au Parlement et au Gouvernement, précisément définie par l'article 47 de la Constitution, pour se ménager la possibilité de « faire le tri » elle-même. Sur ce point précis et fondamental, qui n'allait pas de soi, la Cour a été soutenue par le Conseil constitutionnel dans sa décision relative à la LOLF.
Voilà pourquoi la commission des finances a souhaité que les présidents de l'Assemblée et du Sénat filtrent toutes les demandes adressées selon cette procédure. Je le répète, le président du CEC n'est autre que le président de l'Assemblée nationale. Quant aux commissions d'enquête, je rappelle qu'elles peuvent déjà demander des rapports à la Cour.
Un dernier point auquel nous étions attachés a été repris par le rapporteur de la commission des lois, ce dont je le remercie : par analogie avec la MEC, nous avons proposé que les co-rapporteurs du CEC exercent leurs missions conjointement, et non simultanément. Cet aspect a été évoqué tout à l'heure. Ce mode de fonctionnement, qui permet d'associer majorité et opposition dans un travail commun, a montré son efficacité à la MEC. Il ne s'agit pas d'alourdir le fonctionnement du CEC en imposant un formalisme trop rigide, mais d'en accroître au contraire l'efficacité en rendant plus légitime l'action de ses rapporteurs.
Claude Goasguen l'a dit, et je le répète pour lever toute ambiguïté : ce dispositif n'exige pas des rapporteurs qu'ils soient toujours ensemble pour effectuer un contrôle, mais empêche que l'un des rapporteurs s'oppose à une initiative de l'autre. C'est en effet l'équilibre entre majorité et opposition qui fera la force des propositions du CEC, comme ce consensus fait celle de la MEC.
Tel est, mes chers collègues, l'avis de la commission des finances, suivi par la commission des lois, malgré quelques sous-amendements que nous avons du reste approuvés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)