Mesdames et messieurs les députés, madame la rapporteure, la prohibition de l'inceste est l'un des fondements les plus importants des civilisations humaines. L'inceste est en effet un crime et un fléau dont les victimes éprouvent des séquelles tout au long de leur vie. Il transforme un processus de construction de la personnalité en processus de destruction de l'individu. Or, même s'il est partagé par tous, cet interdit est, hélas, toujours transgressé dans notre société. Magistrats, enquêteurs des brigades des mineurs et professionnels de l'enfance le savent bien : la nécessité de protéger les mineurs n'a rien perdu de son actualité.
La présente proposition de loi vise d'abord à nommer ce tabou dans la loi. Elle adresse ainsi un signal fort aux victimes de l'inceste, à toutes les autorités chargées de le combattre, et sans doute aussi à tous ceux qui doivent entendre cet interdit. Elle permet aussi des évolutions juridiques importantes dans le sens de la protection et de la reconnaissance des victimes.
Ce texte est le résultat d'un travail législatif approfondi. Après le rapport remis par Christian Estrosi en 2005, la mission de réflexion que vous avez présidée, madame la rapporteure, a identifié les progrès que nous pouvions encore faire en matière de lutte contre l'inceste. Votre proposition de loi, que le Sénat a précisée, sans en modifier l'équilibre, en est le résultat.
Dans un domaine si important et si sensible, la clarté de la loi est la condition de l'efficacité de notre action. Adapter le code pénal nous permettra de mieux sanctionner les violences sexuelles au sein de la famille et de mieux répondre aux attentes des victimes de l'inceste.
En reconnaissant la spécificité de l'inceste, la proposition de loi vise à renforcer la réponse pénale. L'inceste est une forme particulière de violences sexuelles qui appelle des dispositions spécifiques dans le code pénal. Il faut en effet distinguer l'inceste d'autres formes de viol et d'agression sexuelle. Sur ce point, l'attente des victimes est très forte.
En qualifiant juridiquement ce type d'infraction, même sans modifier le quantum de la sanction encourue, la proposition de loi amènera les jurés des cours d'assises à se prononcer spécifiquement dans leur verdict sur l'existence d'un inceste. L'inceste ne sera donc pas nommé seulement dans la loi : il le sera pour chaque victime par la juridiction de jugement, ce qui constitue un premier pas vers une reconstruction possible des victimes – ou, en tout cas, l'un de ses éléments.
De plus, si les faits sont qualifiés d'incestueux, la nomination d'un administrateur ad hoc sera obligatoire, sauf motivation spéciale contraire. La proposition de loi reconnaît donc ainsi le besoin de protéger particulièrement le mineur dans ces situations.
Par ailleurs, ce texte consacre explicitement la jurisprudence de la Cour de cassation sur la contrainte. Elle permet d'inscrire dans la loi cette forme très particulière de contrainte morale qui résulte de la différence d'âge et de l'autorité de l'auteur du fait. L'autorité familiale suffit, hélas, bien souvent pour que l'enfant accepte et subisse, sans rien dire, sans manifester aucune réaction. Cette avancée essentielle de la proposition de loi vise à reconnaître cet ascendant des adultes sur l'enfant ainsi que, par conséquent, la responsabilité particulière de ceux qui doivent veiller sur lui.
Mieux sanctionner l'inceste est une nécessité. Pour cela, il faut également mieux prévenir les infractions et mieux prendre en charge les victimes.
La prise en compte des victimes de l'inceste constitue une responsabilité première de notre société. À cette fin, la proposition de loi permet de renforcer l'information dans les écoles et la sensibilisation du public dans les médias. Pour mieux détecter, signaler et prendre en charge les victimes, elle prévoit également que la formation initiale et continue des enseignants, des travailleurs sociaux et des avocats comportera un enseignement spécifique. Ces avancées sont bienvenues.
Par ailleurs, la prise en charge des victimes sera améliorée. Le texte précise que le Gouvernement remettra au Parlement, avant juin 2010, un rapport sur les améliorations de la prise en charge des victimes. Il permettra de présenter le déploiement des unités médico-judiciaires sur l'ensemble du territoire.
L'accompagnement des victimes, qui doivent effectuer des démarches juridiques parfois complexes, sera renforcé. Grâce à l'administrateur ad hoc, le mineur pourra disposer d'un interlocuteur disponible, prêt à l'aider dans les démarches engagées.
Mesdames et messieurs les députés, madame la rapporteure, il relève de notre responsabilité, au-delà des clivages qui peuvent nous diviser, de protéger les victimes, en particulier les enfants, et de préserver la cellule familiale. Il s'agit d'affirmer notre attachement à la dignité des victimes, pour leur permettre de se reconstruire et de surmonter la honte et la culpabilité qu'elles ressentent. Ce renforcement du dispositif législatif permettra aussi d'améliorer la prévention de ce crime afin, qu'à l'avenir, les victimes soient moins nombreuses.