Mes chers collègues, vous faites un faux procès. En réalité, vous savez bien, monsieur Mallot plus que quiconque, monsieur Urvoas, monsieur Dosière, que le contrôle et l'évaluation sont des nouveautés qu'il a été très difficile d'imposer au pouvoir exécutif, qui est représenté à côté de moi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est la logique du système : le pouvoir exécutif, quelle que soit son orientation politique, n'a pas envie que le pouvoir législatif soit trop entreprenant ! Je ne veux pas être trop polémique, mais les gouvernements de gauche n'ont jamais été très sensibles à une évaluation du Parlement !
Nous avons donc franchi un pas, mais cela n'est pas suffisant, et je regrette que le débat général ne nous ait pas permis d'obtenir toutes les réponses que nous attendions parce que la politique quotidienne s'en est mêlée. Mais avec ce que vous proposez, vous risquez de noyer le bébé. En effet, cette mesure, dont je reconnais qu'il faudra l'envisager plus tard, lorsque le système sera ancré dans la tradition constitutionnelle, ne peut aboutir immédiatement à la convocation de tous les directeurs d'administration centrale, car ce sont eux qui sont en cause en général. C'est une idée que j'avais d'ailleurs proposée à l'Assemblée, car le ministre serait soulagé et pourrait sans doute plus facilement influencer son administration si les grands méchants loups que sont les parlementaires pouvaient convoquer les directeurs d'administration centrale. C'est cela, en réalité, la logique du contrôle parlementaire. L'intérêt, c'est que nous puissions convoquer, dans la plus stricte confidentialité, ou publiquement – je préférerais publiquement –, des directeurs d'administration centrale plutôt que des ministres. C'est la logique du système, mais elle va se heurter à de sérieuses résistances de l'exécutif. Donc, ne jetez pas le bébé avec l'eau du bain !
Pour être tout à fait honnête, je dirai d'ailleurs que nous ne sommes pas dans un esprit conflictuel. Personnellement, je considère que, s'agissant de l'évaluation et du contrôle, l'opposition et la majorité sont ensemble. Sur la commission d'enquête parlementaire, j'ai même pris une position qui n'était pas celle de mes collègues, car j'estime qu'il fallait examiner ce cas. Mais vous êtes tombés sur un texte très particulier où deux principes constitutionnels s'affrontent.
Le premier principe est l'irresponsabilité de l'exécutif présidentiel devant l'Assemblée nationale. C'est un principe constitutionnel qu'ont invoqué la plupart de mes collègues du groupe majoritaire pour ne rien changer. Je n'étais pas de leur avis, car le second principe constitutionnel qui vient s'opposer au premier, est celui selon lequel, s'agissant de crédits votés par le Parlement, on ne peut retirer à celui-ci son droit de contrôle de l'argent public.
Ces deux principes ont donné libre cours à des déferlements politiques d'un côté comme de l'autre. Reconnaissez que cela a aussi fait l'objet d'une exploitation politicienne de l'opposition. C'est une affaire qui pouvait se plaider et je pense qu'il faudra, un jour ou l'autre, poser la question au Conseil constitutionnel.
Dans cette affaire, vous êtes donc très mal tombés, je le répète, mais c'est moi qui ai proposé l'article sur la commission d'enquête parlementaire, avec les trois cinquièmes, et je serai en tout cas vigilant s'agissant de l'application de cet article, car je considère que c'est un progrès pour le contrôle et l'évaluation des politiques publiques que de laisser à l'opposition la possibilité d'avoir une commission d'enquête parlementaire. Simplement, la prochaine fois, essayez de ne pas tomber sur des principes constitutionnels qui viendraient polluer cet exercice légitime !
En toute hypothèse, il ne me paraît pas acceptable de noyer avec des missions multiples – il est logique qu'il y en ait – un exercice de contrôle qui est une nouveauté dans l'exercice des pouvoirs du Parlement.