Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l'examen de cette proposition de loi tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques, nous abordons un sujet susceptible de tous nous rassembler, quels que soient par ailleurs les bancs sur lesquels nous siégeons.
Le 21 juillet 2008, le Congrès adoptait une révision constitutionnelle à l'ampleur sans doute inégalée depuis les débuts de la Ve République : trente-huit articles de notre Constitution ont ainsi été modifiés, voire intégralement réécrits, neuf autres sont venus s'ajouter à notre loi fondamentale.
Désormais, la Constitution ne se borne plus simplement à indiquer que la loi est votée par le Parlement. Dans la nouvelle rédaction de son article 24, le Parlement est en effet devenu sujet : « Le Parlement vote la loi ». Mais au-delà du changement grammatical, c'est sa fonction de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques qui se trouve aujourd'hui gravée dans le marbre constitutionnel.
Grâce à l'adoption, en 2001, de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, la voie est ouverte à une montée en puissance du Parlement dans ses fonctions de contrôle grâce, notamment, aux nouvelles missions et aux nouvelles prérogatives confiées aux commissions des finances de chacune des assemblées parlementaires. Cette consécration constitutionnelle a, il y a près de deux ans, permis de poser les bases d'un contrôle plus systématique et plus transversal des politiques publiques par les parlementaires.
Dans la droite ligne de cette révision constitutionnelle, la réforme de notre règlement a été, il y a quelques mois, l'occasion de repenser l'ensemble des dispositifs, instances et moyens précédemment consacrés par notre assemblée au contrôle de l'action du Gouvernement, pour aboutir à la création du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, comité pluraliste chargé de réaliser des travaux d'évaluation portant sur les politiques publiques dépassant le champ de compétence d'une seule commission permanente.
Sur la base des recommandations de la mission d'information menée par nos collègues Claude Goasguen et Jean Mallot, cette proposition de loi vise ainsi en premier lieu à compléter, par une modification de l'ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, les attributions de ce comité en conférant aux rapporteurs dudit comité les pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place dont disposent déjà aujourd'hui les membres de la commission des finances en leur qualité de rapporteurs spéciaux des missions budgétaires.
À cet égard, mes chers collègues, permettez-moi de regretter que peu de rapporteurs spéciaux utilisent ces pouvoirs de contrôle. Pour vous faire sourire, je vous ferai part de mon expérience de rapporteur spécial du BAPSA, fonction que j'ai exercée pendant cinq ans, alors qu'existait encore un régime de protection sociale agricole. Chaque année, j'effectuais cinq contrôles de caisse à l'échelon du territoire national. Les premières fois, les présidents des caisses concernées me demandaient toujours si le contrôle était motivé par une faute qui aurait été commise. Et je m'étonnais chaque fois d'une telle question, répondant qu'il s'agissait seulement d'exercer l'une des compétences dévolues au rapporteur spécial, qui choisissait les caisses en fonction d'un échantillon donné de petites, de moyennes et de grandes structures. Je leur demandais s'ils avaient souvenir d'un contrôle parlementaire intervenu depuis la création de la Mutualité sociale agricole, dans l'immédiat après-guerre, et ils me répondaient tous qu'ils n'en avaient jamais connu.
Les services publics, les organismes de protection sociale, nous le voyons bien, n'ont aucune habitude du contrôle parlementaire et ont tendance à penser que, s'il y a un contrôle, c'est qu'il y a eu faute. Il était d'ailleurs amusant, dans les premiers temps, de voir la réaction des présidents des caisses de la MSA qui m'accompagnaient dans mon travail de contrôle. Je sortais des dossiers aléatoirement choisis et ils semblaient découvrir ce qu'était une immatriculation. Eux-mêmes n'avaient pas forcément une tradition de contrôle dans leurs propres services.
Tout cela pour dire qu'il n'est pas suffisant de donner de nouveaux pouvoirs au Parlement. Encore faut-il que tous nos collègues exercent ces pouvoirs : c'est ainsi que le Parlement peut se faire respecter, y compris des ministres.