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Intervention de Philippe Vigier

Réunion du 26 janvier 2010 à 15h00
Lutte contre l'inceste sur les mineurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier :

En d'autres termes, le mineur est tenu d'apporter la preuve de son non-consentement. Alors que plusieurs tribunaux avaient tenté de déduire de l'âge de la victime et du lien qui l'unissait à son agresseur la preuve de la surprise ou de la contrainte qui avait caractérisé le rapport sexuel, la Cour de cassation a estimé qu'un tel raisonnement ne pouvait être juridiquement valable, dans la mesure où il confondait éléments constitutifs et circonstances aggravantes d'un viol et d'une agression sexuelle. Face aux difficultés à établir la preuve de l'absence de consentement, de très nombreux viols incestueux ont donc été déqualifiés en simples atteintes sexuelles, c'est-à-dire en délits et non plus en crimes, pour pouvoir être jugés. Les agresseurs ont été sanctionnés de manière très insuffisante au regard du crime commis et la pleine réalité de la souffrance des victimes a tout simplement été niée.

Cette proposition de loi permettra de préciser le contenu de la notion de contrainte lorsqu'elle constitue l'élément constitutif d'un viol – au-delà de mon expérience de parlementaire, je me réfère également, pour m'exprimer sur ce thème, à mon expérience de professionnel de santé ayant été confronté à ce drame. La contrainte pourra être déduite de la différence d'âge existant entre la victime mineure et son agresseur, ainsi que de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur la victime.

En venant interpréter le contenu d'une incrimination déjà existante dans le code pénal plutôt qu'en en créant une nouvelle, la rédaction du nouvel article du code pénal, telle qu'elle est proposée, pourra s'appliquer aux actes commis avant son entrée en vigueur et mettra ainsi un terme immédiat à ces déqualifications extrêmement dévastatrices pour les victimes.

La prévention des comportements incestueux sera, pour sa part, développée grâce à une plus grande mobilisation de l'institution scolaire et des sociétés de l'audiovisuel public, autour de la nécessaire information des mineurs sur le comportement à adopter en cas d'agression sexuelle, notamment incestueuse. Nul ne contestera le rôle positif que peuvent jouer tant l'école que les médias dans la prévention de ce véritable fléau. Enfin, l'accompagnement des victimes pourra être amélioré, en particulier grâce à la valorisation du travail des associations qui luttent sans relâche contre l'inceste. Elles pourront se constituer partie civile dans un procès et mieux assister les victimes dans leurs démarches.

Dans l'instruction de crimes incestueux, il est également proposé de rendre systématique la désignation par le juge d'un administrateur chargé de représenter la victime en lieu et place de ses représentants légaux et de l'accompagner dans toutes les étapes de la procédure. Le Sénat a souhaité prévoir les cas où les parents resteraient en mesure de faire valoir les droits de leurs enfants, mais la désignation d'un administrateur reste le principe. Par ailleurs, la possibilité de retirer le bénéfice de l'autorité parentale en cas d'inceste sera désormais expressément prévue par le code pénal.

Mes chers collègues, cette proposition de loi permettra de lever un tabou qui a trop longtemps duré, en proposant de vraies réponses à des crimes – je dis bien des crimes – en contradiction totale avec les valeurs essentielles de notre société. C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre apportera, comme en première lecture, son soutien à cette proposition de loi.

Toutefois, il est un point qui n'apparaît pas dans ce texte : celui des délais de prescription de ces crimes particulièrement odieux. Comme il est urgent de légiférer sur l'inceste, c'est un débat qu'il nous appartiendra de mener lors de la réforme de la procédure pénale, monsieur le secrétaire d'État, mais il me semble important de rappeler avec force dès aujourd'hui son caractère déterminant si nous ne voulons pas laisser, à l'avenir, de tels crimes impunis. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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