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Séance en hémicycle du 14 avril 2011 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Christophe Lagarde et plusieurs de ses collègues tendant à encadrer le financement public des plans sociaux (nos 2964, 3305).

La parole est à M. Francis Vercamer, rapporteur de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, monsieur le président de la commission des affaires sociales, chers collègues, la proposition de loi que j'ai l'honneur de soumettre à votre examen, dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire du groupe Nouveau Centre, s'inspire de cas récurrents que l'actualité sociale, malheureusement tourmentée en ces temps de crise, nous donne régulièrement à vivre.

La crise financière la plus importante de ces cinquante dernières années et le ralentissement significatif de l'activité économique qui a suivi ont fragilisé un certain nombre de nos entreprises, entraînant parmi celles-ci restructurations et défaillances qui ont eu un impact humain redoutable en termes de licenciements, de pertes d'emplois et d'augmentation des chiffres du chômage.

En 2009, ce sont 2 245 plans sociaux, encore appelés plans de sauvegarde de l'emploi, qui ont été recensés, et 1 191 ont été engagés en 2010. C'est une réalité que nous avons tous vécue à divers titres : les députés et, le plus souvent, les élus locaux que nous sommes, sont régulièrement confrontés et interpellés dans le cadre de situations de ce type.

Dans la vie d'une entreprise, rien n'est plus traumatisant qu'un plan social. Il est synonyme de difficultés, voire de péril insurmontable. Il implique une restructuration et instille le doute sur la stratégie de l'entreprise et sur sa pérennité, quand il n'accompagne pas sa fermeture définitive. Il engendre, dans tous les cas, un climat d'incertitude, évidemment ressenti par les clients et les fournisseurs, ce qui fragilise les relations commerciales.

Mais ces incertitudes et ces angoisses sont d'abord et avant tout vécues de plein fouet par la communauté des salariés, qui fait vivre l'entreprise, s'implique dans ses performances et contribue à la qualité du produit ou du service commercialisé. Communauté des salariés qui, en dépit de ses efforts, est la première touchée, parce qu'elle est en première ligne.

Au-delà des salariés, ce sont encore les territoires qui redoutent les conséquences sociales et économiques des plans sociaux, en particulier lorsqu'ils concernent une grande entreprise dont l'activité est structurante pour l'économie locale, et ces craintes sont alors également exprimées par les habitants et les élus locaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Un plan social, notamment lorsqu'il concerne par son ampleur plusieurs centaines de salariés d'un bassin d'emploi, est toujours une source de remise en question de l'avenir individuel et collectif : avenir individuel de chaque salarié qui perd son emploi et doit en trouver un autre, en passant parfois par une phase de redéfinition de son projet professionnel ; avenir collectif d'une commune, d'un bassin d'emploi, d'une région, avec l'impact qu'une fermeture d'entreprise peut avoir sur les sous-traitants et le dynamisme économique et social d'un bassin de vie.

Alors qu'un plan social, accompagné d'une restructuration profonde, voire d'une fermeture définitive de l'entreprise, entraîne un bouleversement complet de la vie des familles et des territoires concernés, il est souvent difficile de comprendre ou d'admettre les raisons qui ont abouti à cette situation.

L'exercice devient vite impossible lorsque l'entreprise qui licencie annonce dans le même temps des résultats excédentaires et des bénéfices records.

Soyons clairs : si ces cas ne sont pas nécessairement les plus nombreux, ils ont une résonance, un écho qui n'est pas sans expliquer la défiance que nos concitoyens peuvent éprouver pour nos entreprises et celles et ceux qui les dirigent.

Ces situations d'entreprises bénéficiaires qui licencient sont aussi pour beaucoup dans le sentiment d'insécurité sociale qui s'est diffusé chez nombre de nos concitoyens, en particulier parmi ce qu'il est convenu d'appeler les classes moyennes. Nombreux sont ceux qui estiment qu'en dépit de sa conscience professionnelle, de son attachement à l'entreprise et de sa volonté de s'investir dans sa mission et son métier, tout salarié est susceptible de faire les frais de stratégies financières qui le dépassent malheureusement de beaucoup. L'incompréhension se double alors d'exaspération, quand les plans sociaux desdites entreprises sont constitués de mesures dont le financement est abondé par l'État, en l'occurrence la collectivité nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

L'actualité sociale des années 2009 et 2010 a été rythmée par les polémiques, largement médiatisées, engendrées par les pratiques de ces sociétés qui, quoique affichant des bénéfices records, ont opéré des restructurations entraînant fermetures d'usines et licenciements massifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Dans nombre de cas, ces opérations s'accompagnent de plans de sauvegarde de l'emploi auxquels l'État est amené à participer financièrement.

L'exemple le plus emblématique - il a considérablement frappé les esprits - fut celui de la société Molex, qui a interrompu le financement du plan de sauvegarde de l'emploi conclu dans le cadre de la fermeture de son usine de Villemur-sur-Tarn, amenant ainsi l'État à prendre le relais dans l'intérêt des salariés.

Notre conviction, au groupe Nouveau Centre, est que l'État n'a pas à prendre en charge les plans de sauvegarde de l'emploi d'entreprises qui ont largement les moyens de les financer.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Ce alors même que les crédits budgétaires affectés par l'État à l'accompagnement des licenciements économiques s'est élevé à plus de 372 millions d'euros en 2009, ce qui constitue un engagement significatif de la communauté nationale.

Le rôle de la représentation nationale devant ces pratiques qui tirent partie des silences de notre législation est, à notre sens, de prendre les dispositions qui rendront difficile, voire, espérons-le, impossible, la réédition de ce genre de situation.

C'est dans cet esprit que le groupe Nouveau Centre, à l'initiative de Philippe Folliot, a fait adopter l'année dernière des dispositions législatives garantissant de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement.

C'est également la raison pour laquelle, à l'initiative de Jean-Christophe Lagarde, auteur de cette proposition de loi, nous soumettons aujourd'hui au débat ces mesures qui tendent à encadrer de façon plus précise les modalités de financement public des plans de sauvegarde de l'emploi.

Les dispositions proposées dans ce texte visent à reconnaître de façon explicite à l'administration, en l'occurrence les services déconcentrés du ministère du travail, la possibilité de refuser l'attribution des aides de l'État dans le cadre d'un plan social d'entreprise.

Cette possibilité est ouverte à l'administration au regard de l'examen de la situation économique de l'entreprise, qu'elle peut apprécier en fonction des différents éléments dont elle dispose dans le cadre de l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi.

C'est donc en se fondant sur la situation économique de l'entreprise qu'il sera possible à l'administration de déterminer si l'entreprise qui engage une telle procédure est bénéficiaire. Auquel cas, celle-ci dispose des moyens financiers lui permettant de supporter seule la charge des mesures comprises dans le cadre du PSE, ce qui implique qu'elle les finance elle-même, comme le prévoit explicitement le texte.

Je vous proposerai dans quelques instants d'examiner un amendement qui complète les critères sur lesquels l'administration pourra fonder sa décision. Outre la situation économique de l'entreprise, il paraît en effet nécessaire et important que l'administration puisse également prendre en compte les moyens de celle-ci, de manière à pouvoir mieux appréhender la diversité des situations et à être en phase avec les réalités du monde de l'entreprise.

C'est en tout état de cause le premier apport de cette proposition de loi : moraliser le recours aux aides publiques de manière qu'elles ne soient pas sollicitées de façon abusive par des sociétés qui peuvent supporter la charge financière des différentes mesures d'accompagnement que les plans sociaux peuvent comporter.

Par ailleurs, le texte dispose que la décision de l'administration est portée à la connaissance des représentants du personnel au sein du comité d'entreprise avant la dernière réunion de ce dernier. De la sorte, les représentants des salariés disposeront de l'ensemble des informations susceptibles de les aider dans l'appréciation des mesures d'accompagnement propres à tout plan social, et ils pourront ainsi formuler leurs éventuelles demandes d'amélioration de la façon la plus pertinente.

Surtout – c'est le deuxième apport de la proposition de loi – cette communication apporte la garantie que les modalités de financement du PSE seront connues avant le terme de la procédure.

Voilà, rapidement présentés, le contexte et les éléments de réflexion qui ont présidé à l'élaboration de ce texte, ses principales dispositions et l'avancée qu'il peut constituer dans notre législation du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la proposition de loi que nous allons examiner ensemble est un texte de bon sens, parce qu'il n'est pas normal que certaines entreprises perçoivent indûment des aides publiques lors d'opérations de restructuration.

Les salariés ont le sentiment d'avoir fait des efforts importants pendant la crise, certains ont perdu leur emploi, d'autres n'ont pas obtenu les augmentations de salaire qu'ils espéraient et, plus que jamais aujourd'hui, ils sont en droit d'attendre que l'argent de l'État ne soit pas utilisé pour aider des entreprises ou des groupes qui doivent se donner les moyens d'accompagner les restructurations et les salariés licenciés pour motif économique.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Mais en ce domaine, j'en ai bien conscience en tant que ministre du travail et de l'emploi, l'équilibre est savant et subtil, et je salue le travail de Francis Vercamer, qui a mis en évidence dans son rapport les différents enjeux de cette proposition de loi, qu'il a d'ailleurs lui-même amendée. Il ne s'agit pas, le Gouvernement l'a bien compris, de remettre en cause les restructurations quand elles apparaissent, hélas, inéluctables.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Il ne s'agit pas non plus de renoncer à mener une politique active de reclassement des salariés, lorsque cela est nécessaire, avec des fonds publics supplémentaires au regard des dispositifs de droit commun existants, comme le contrat de transition professionnelle ou la convention de reclassement personnalisée. Je vous rappelle que nous préparons la fusion de ces deux dispositifs, en vue d'une plus grande simplicité et d'une plus grande efficacité, et ce en concertation avec les partenaires sociaux.

Nous sommes d'accord pour dire, en revanche, que certaines pratiques doivent être moralisées, parce qu'il y a des abus. Vous avez parlé de Molex. Je m'en souviens, car, lors d'un déplacement dans le Sud-Ouest, j'ai rencontré les représentants du personnel de cette entreprise.

Cette proposition de loi pose donc désormais un principe clair : quand une entreprise envisage de procéder à des suppressions d'emplois importantes, l'autorité administrative, c'est-à-dire le préfet ou par délégation la DIRECCTE, peut, au regard de la situation économique de cette entreprise, refuser de signer les conventions d'aide du Fonds national de l'emploi au financement du plan de sauvegarde de l'emploi.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Bien sûr, certains diront que cette PPL ne fait que confirmer une possibilité qui existe déjà. C'est vrai, pourquoi le nier ? En effet, comme vous le savez, l'État n'est pas obligé de financer ces différents dispositifs. La réalité, c'est que l'autorité administrative apprécie, à chaque fois, la possibilité de conventionnement, c'est-à-dire de cofinancement, au regard d'un ensemble de critères : la capacité contributive de l'entreprise, le respect des obligations légales et conventionnelles en matière de procédures de licenciement, la situation de l'emploi, les difficultés de reclassement prévisibles, le nombre de licenciements et l'implication de l'entreprise, enfin, pour certains dispositifs, la taille ou la situation de liquidation ou de redressement judiciaire.

Certains pourront donc prétendre que tout cela n'a qu'une portée symbolique. Mais je pense qu'inscrire ces dispositions noir sur blanc dans le code du travail a plus qu'une valeur symbolique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Nous les gravons dans le marbre et nous leur donnons aussi une valeur pédagogique envers les entreprises, les salariés et leurs représentants. Chacun saura à quoi s'en tenir et ce sera écrit en toutes lettres dans le droit du travail.

Aujourd'hui, la sortie de crise se dessine. Nous devons donc veiller à rétablir la confiance entre les salariés et leurs entreprises.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Nous ne devons pas nous contenter de discours sur la responsabilité sociale, mais nous devons aussi savoir la traduire en actes concrets. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe NC.) Sachez donc que je serai toujours vigilant, ainsi que les services de mon ministère, quant au respect des garanties essentielles du droit du travail et à l'exigence d'exemplarité que j'attends notamment des grands groupes.

J'ai eu l'occasion, tout récemment, de le faire savoir à un grand groupe de presse qui envisage de se séparer d'un nombre important de ses salariés. Il est fondamental, dans ces conditions, que le groupe qui sollicite le concours de l'État comprenne que l'État n'interviendra pas à sa place, mais que, s'il consent des efforts supplémentaires, l'État l'accompagnera pour le seul bien des salariés.

Dans les discussions, parfois animées, que nous pouvons avoir avec certains grands groupes – je pense notamment à ce groupe de presse – votre proposition de loi, qui deviendrait loi de la République, nous permettrait d'avoir un cadre plus précis pour agir. Voilà pourquoi le Gouvernement la soutient. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Dans la discussion générale, la parole est à M. Thierry Benoit.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Benoit

Monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, cher Francis Vercamer, qui êtes aussi député du département du Nord, le plus peuplé de notre pays puisqu'il compte plus de deux millions et demi d'habitants, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a été guidée par un principe vertueux et cher au groupe Nouveau Centre et apparentés : s'assurer du respect de la justice sociale. Elle entend en effet moraliser les dispositions qui ont trait aux conditions d'encadrement et de financement des plans sociaux en renforçant le contrôle, mettant ainsi fin aux possibilités d'abus. Il s'agit de doter l'autorité administrative du pouvoir de limiter les abus, lors de la mise en oeuvre d'un plan social, un mécanisme parfois injuste et injustifié. Ce texte procède d'ailleurs de la même logique que la proposition de loi de notre collègue Philippe Folliot visant à garantir de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement, dont l'adoption mit fin à la pratique détestable qui conduisait de grandes entreprises à « proposer » à leurs salarier licenciés en France des emplois de reclassement dans leurs filiales des pays à bas coût de main-d'oeuvre, offres assorties de salaires de misère, pour ne pas dire de salaires miséreux.

La présente proposition de loi tend, quant à elle, à encadrer le financement public potentiel des plans sociaux. Comme vous venez de l'indiquer, monsieur le ministre, il ne s'agit pas là d'imposer à l'administration de refuser toute aide quelle que soit la situation, car une adaptation au cas par cas est nécessaire. Mais, en posant l'obligation de prendre en compte dans les décisions de subvention certains critères essentiels, à commencer par la situation économique de l'entreprise, le législateur peut espérer limiter les abus, car les autorités administratives trouveront, dans les termes de la loi, des arguments pour résister aux pressions qui s'exercent inévitablement lorsqu'une restructuration va priver d'emploi de nombreux salariés.

Au moment où, dans un contexte économique difficile, l'État procède à la rationalisation des finances publiques, où nous nous efforçons de garantir un certain nombre de droits aux salariés, mais aussi de les protéger, il nous a semblé opportun, au regard de l'actualité récente, de prendre des garanties quant à la mise en oeuvre des plans sociaux et d'apporter ainsi quelques précisions au mécanisme d'octroi des financements publics. Pour rappel, la décision de réaliser un plan social repose sur l'idée que la réduction des postes etou la reconfiguration de l'organisation permettront de résoudre les difficultés financières de l'entreprise.

Le groupe Nouveau Centre n'entend contester ni la légitimité de certaines restructurations ni la nécessité d'une politique active de reclassement des salariés, y compris avec l'aide de fonds publics. Mais le dispositif d'accompagnement financier des entreprises par l'État, s'il est inéluctable pour une entreprise en faillite, paraît tout à fait anormal pour une entreprise qui fait des bénéfices. Il est, à notre sens, choquant d'apprendre régulièrement que telle entreprise fortement bénéficiaire a pourtant obtenu un concours de l'État dans le cadre d'une opération de restructuration.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Benoit

Il arrive pourtant, aujourd'hui encore, que des aides soient attribuées à des entreprises qui ne rencontrent pas de réelles difficultés, à des multinationales qui engrangent de solides bénéfices et dont les restructurations répondent parfois même à une logique de délocalisation ! Ces cas de figure sont choquants et c'est pourtant ce qui s'est passé avec l'entreprise Molex, équipementier automobile américain, qui déclarait un bénéfice net record de 75 millions de dollars, tout en licenciant 300 personnes dans son usine de Villemur-sur-Tarn, et tout cela aux frais du contribuable français ! Alors, que les choses soient claires : s'il n'est question, ici, ni d'interdire les plans de sauvegarde de l'emploi ni de réintroduire une quelconque autorisation administrative de licenciement, il s'agit très certainement de laisser à la seule charge des entreprises bénéficiaires le coût de leur plan social et de leur refuser de faire financer leur plan social par l'État. L'argent du contribuable, je le répète, n'est pas là pour ça !

Au regard de ces éléments, nous nous félicitons que ce texte de bon sens ait pu être adopté par la commission des affaires sociales.

En commission, il a cependant été reproché au texte de n'apporter aucun changement substantiel à l'état du droit existant. Je pense, au contraire, qu'il permet que soit clairement notifié dans la loi le pouvoir de l'autorité administrative de refuser le financement public d'un plan social au regard de la situation économique de l'entreprise. Toutefois, puisque nous avons tenu compte de vos observations, mes chers collègues, nous avons souhaité, Jean Christophe Lagarde, député d'un département très urbain, et moi-même, député d'une circonscription rurale, apporter un certain nombre de garanties supplémentaires au travers de deux amendements.

Le premier précise que, lorsqu'une entreprise déclare aux services fiscaux un bénéfice net ou refuse de communiquer son dernier avis d'imposition à l'autorité administrative compétente, aucune aide du Fonds national de l'emploi pour la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi ne peut lui être attribuée.

Le second entend, quant à lui, pour compenser le préjudice subi, confier au juge la possibilité d'octroyer à chaque salarié licencié une indemnité supplémentaire de licenciement au minimum égale à 50 % de l'indemnité prévue, et ce à la charge de l'employeur. Cette disposition concernerait les entreprises de cinquante salariés et plus qui licencieraient dix salariés ou plus sur une même période de trente jours, alors qu'elles déclarent aux services fiscaux des bénéfices nets.

Pour conclure, je tiens à vous adresser un message personnel, monsieur le ministre. Je sais que le Président de la République et son gouvernement sont très attentifs à ces questions. Les Français sont conscients que le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement ne peuvent pas tout résoudre, mais, comme nombre de parlementaires, ils ont beaucoup de bon sens. Ils ne peuvent donc accepter que le cours et le coût de l'énergie soient inflationnistes et que les grands groupes énergétiques réalisent parallèlement des bénéfices. Les Français, parce qu'ils sont raisonnables, ne peuvent pas non plus accepter que les prix à la consommation soient parfois prohibitifs, alors que, dans le même temps, les prix payés aux agriculteurs ne leur permettent pas de percevoir un revenu digne de leur métier. Les Français ne peuvent accepter, et c'est le sens de cette proposition de loi, que certains grands groupes, qui affichent des bénéfices records, procèdent à des licenciements.

Ainsi, le Nouveau Centre, attaché aux valeurs de justice sociale, espère avoir convaincu l'Assemblée nationale et le Gouvernement, et vous invite, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi qui relève du bon sens. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bérengère Poletti

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de Jean-Christophe Lagarde et du groupe Nouveau Centre a pour but de contrôler les aides de l'État accordées aux entreprises dans le cadre de leurs plans sociaux, afin de financer les aides à la reconversion des salariés. Nous abordons là un sujet important et très sensible dans les départements industriels tels que le mien, les Ardennes, où l'entreprise Ideal Standard, pour ne pas la nommer, située à Revin, a récemment licencié 120 personnes.

Le code du travail prévoit que les entreprises d'au moins cinquante salariés qui envisagent de licencier pour motif économique au moins dix salariés dans une période de trente jours doivent établir un plan de sauvegarde de l'emploi.

Un plan de sauvegarde de l'emploi doit prévoir diverses mesures destinées à limiter le nombre de licenciements et à favoriser le reclassement des salariés dont le licenciement est inévitable : actions de reclassement interne ou externe à l'entreprise, création d'activités, recours au chômage partiel, préretraites progressives, primes d'incitation au départ volontaire, aides à la création d'entreprise et mise en place d'une cellule de reclassement.

Ce plan doit être communiqué à la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, récemment fusionnée avec d'autres services pour former la DIRECCTE, direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi.

Il prévoit parfois l'intervention financière de l'État à travers le fonds national de l'emploi, le FNE.

Selon le Nouveau Centre, aucun contrôle ne s'exerce avant l'attribution d'aides financières de l'État dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi, et ces aides coûteraient 7 milliards d'euros par an à l'État.

Il est vrai que, pour certains de ces dispositifs, la prise en charge financière de l'État est variable. À titre d'exemple, pour les entreprises confrontées à de graves difficultés ou situées dans des zones souffrant de graves déséquilibres de l'emploi, le ministre chargé de l'emploi et le ministre chargé du budget peuvent accorder une prise en charge totale par l'État.

L'objectif de cette proposition de loi apparaît légitime, même si les financements publics ne sont en aucun cas accordés automatiquement, comme le laisse entendre l'exposé des motifs.

C'est une mesure de justice sociale qui est proposée aujourd'hui. C'est aussi une exigence de bonne gestion des fonds publics. Aussi le groupe UMP soutiendra-t-il cette proposition de loi amendée par les députés, et notamment par le rapporteur, Francis Vercamer. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quelques années, le Gouvernement comme la majorité, Nouveau Centre inclus, ne cessent de souffler le chaud et le froid. Le problème, c'est qu'il fait toujours aussi froid dans notre pays pour les plus défavorisés.

Nous avons aujourd'hui le sentiment que nous sommes entrés dans une nouvelle phase, électorale sans doute. On nous annonce du jour au lendemain 1 000 euros pour des salariés participant à la richesse de leur entreprise. J'ai cru comprendre d'ailleurs que cela ne faisait pas le bonheur du patronat, qui laisse entendre que les partenaires sociaux s'en occupent. Et puis, comme par hasard, on voit arriver une proposition de loi inspirée apparemment, elle aussi, par une volonté de justice sociale. Parallèlement, le Président de la République annonce qu'il va s'occuper de Total et du prix de l'essence à 2 euros. Moi qui suis le député de Gandrange, je suis très inquiet. Lorsqu'il s'est occupé de Gandrange, c'était pour mieux fermer l'usine après avoir fait des promesses qui n'ont pas été tenues. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Elles ont été tenues !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Il aurait mieux fait de ne pas s'en occuper. Le problème n'était pas tellement d'ajouter un plan de revitalisation ou un plan d'ancrage territorial, ils étaient prévus. L'entreprise a fait tout ce qu'elle avait à faire une fois que son établissement a été fermé. Le problème, c'est qu'il ne fallait pas fermer, il fallait anticiper, mais personne ne s'est posé la question, sauf le Président de la République qui est venu jouer les pompiers incendiaires. Non seulement il n'a rien éteint mais il a provoqué l'ire populaire.

J'ai lu dans La Tribune du 11 avril que l'État ne paierait plus pour les plans sociaux d'entreprises bénéficiaires. La conclusion de l'article, c'est que le Gouvernement, estimant que l'on est dans le champ de la symbolique car les pratiques existent déjà via la modulation des aides accordées aux entreprises, va soutenir cette proposition du bout des doigts. Bien entendu, on ne peut pas perdre le Nouveau Centre. On a déjà perdu M. Borloo, il faut peut-être faire attention à ne pas en perdre d'autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Nous sommes donc vraiment dans la symbolique.

Je ne reviendrai pas sur l'affaire Molex, si ce n'est pour rappeler qu'en dépit de l'agitation de Christian Estrosi, c'est tout de même Éric Woerth, ministre du travail à l'époque, qui a autorisé les licenciements, contre l'avis de l'inspecteur du travail. Le western social de Molex laisse aujourd'hui, et c'est un comble, une ardoise de l'ordre de 5 millions d'euros aux ex-salariés.

Le texte de Jean-Christophe Lagarde, qui a lui-même relevé les écueils qu'il va rencontrer, est-il susceptible de régler ces problèmes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Les DIRECCTE, présentes dans chaque département, estiment que cela ne va pas les aider car il existe déjà dans le code du travail tout ce qu'il faut pour mettre en oeuvre un tel dispositif. Il faut en particulier que l'entreprise communique toutes les informations à l'autorité administrative. Celle-ci doit s'assurer que les représentants du personnel ont été informés et consultés, que les obligations relatives à l'élaboration des mesures sociales du plan de sauvegarde de l'emploi fixées par convention ou accord collectif de travail ont été respectées, mais aussi que les mesures du plan pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne peut être évité sont effectivement mises en oeuvre.

Le rapport fait état de la position de FO, qui est sans doute la plus logique, la plus cohérente. Ces syndicalistes ne sont pas des révolutionnaires ; ils ne sont pas à l'extrême gauche ; ce sont des gens raisonnables, d'excellents partenaires sociaux. Or FO considère, comme le Gouvernement lui-même d'après La Tribune, que les textes existants permettent déjà à l'autorité administrative d'obtenir des informations, notamment financières, sur la situation de l'entreprise, et donc de ne pas signer de convention si elle considère que l'entreprise a les moyens. C'est donc une question de volonté politique. Vous pourrez voter tous les textes que vous voulez, s'il n'y a pas la volonté politique d'être du côté des salariés plutôt que des entrepreneurs et du patronat, ce sont toujours ces derniers qui triompheront. FO va même un peu plus loin : la réglementation en vigueur est suffisante et ce que nous considérons comme des dysfonctionnements relève essentiellement d'un manque de moyens de l'administration du travail pour enquêter sur la situation de l'entreprise, ce qui est peut-être encore plus important.

Il n'y a pas de volonté politique de défendre les salariés, les Français le savent depuis des années, mais il n'y a pas non plus de moyens donnés à l'administration : c'est la RGPP. Moins il y a d'inspecteurs et de contrôleurs du travail, moins la DIRECCTE a de pouvoirs réels, et moins les salariés sont défendus.

Pour le président Méhaignerie, le PSE est une procédure lourde, longue et difficile, qui fait peur aux entreprises. Elle fait aussi peur aux salariés. Ne les oubliez pas, ce sont les premiers concernés. Beaucoup d'actionnaires le sont sans doute de différentes entreprises, les salariés ne sont en général salariés que d'une seule, et leur travail ne dépend que de celle où ils gagnent leur salaire mensuel.

Il ne faut donc pas ouvrir la porte sans le vouloir à de nouveaux comportements, alors que la procédure de PSE telle qu'elle était prévue par la loi de modernisation sociale de 2002 de Lionel Jospin donne tout loisir aux services de l'État de contrôler et de s'opposer à des financements publics s'ils ne sont pas nécessaires.

J'observe au passage que cette loi permet d'indemniser les salariés bien au-delà du minimum légal et de mettre en place des conventions de revitalisation allant au-delà de ce qui est exigé. Je pense en particulier, pour ce qui concerne ArcelorMittal, à la convention d'ancrage territorial qui a été signée et qui devrait rendre possibles le captage et le stockage du CO2, donc permettre à la sidérurgie lorraine de perdurer si l'ensemble des financements européens et français sont obtenus. C'est dire que, quand elle le veut et y trouve son intérêt, l'entreprise peut déjà aller bien au-delà du minimum légal.

Voilà pourquoi notre groupe parlementaire, comme sans doute d'ailleurs le groupe GDR, d'après ce que j'ai entendu en commission, ne s'opposera pas forcément à ce qui n'est qu'un effet de manche. Il s'agit d'afficher un sentiment, une posture, mais, dans la réalité, ce texte ne changera rien.

L'article unique n'interdit pas les licenciements boursiers et n'en renchérit pas non plus le coût. Il se limite à ouvrir à l'autorité administrative la possibilité de refuser les conventions permettant l'attribution du FNE pour la mise en oeuvre d'un PSE alors que ce droit de regard existe déjà.

C'est la raison pour laquelle nous proposerons deux amendements qui, nous l'espérons, seront accueillis favorablement. Si ce n'était pas le cas, ils seraient mis en oeuvre l'année prochaine par le gouvernement de gauche qui pourrait résulter des élections présidentielle et législatives (Rires sur les bancs du groupe NC) …

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Vous en rêvez, je n'en doute pas. Je pense que les Français en rêvent encore un peu plus mais, pour vous, ce sera plutôt un cauchemar.

Nous proposons d'abord de surenchérir le coût des licenciements pour les entreprises qui versent des dividendes ou qui rachètent leurs propres actions, en instaurant une obligation de remboursement préalable des aides publiques perçues cinq ans avant toute procédure de licenciement ou de fermeture de site. Cette adjonction législative nous semble bien plus efficace en termes de dissuasion. J'ai évoqué tout à l'heure l'exemple d'ArcelorMittal mais l'on pourrait prendre de nombreux autres exemples. Nous devons être dissuasifs en ce domaine. Il ne faut pas être là uniquement pour soigner. De temps à autre, on peut faire un minimum de prévention pour éviter que des emplois ne soient supprimés, parce que c'est autant de charges que l'État n'aura pas à assumer ensuite.

Par amendement, vous prévoyez la possibilité de majorer de 50 % la prime légale de licenciement. Lorsqu'on sait ce que représente au départ cette somme, la majoration est marginale, on est dans le dérisoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

C'est totalement ridicule ! Ou alors vous considérez vraiment que les salariés sont des moins que rien qui n'ont droit qu'à la misère, et ce n'est pas acceptable. Vous parlez d'entreprises qui ont de véritables richesses. Comment pouvez-vous imaginer que l'on puisse proposer simplement 50 % de plus que le minimum légal ? C'est à la limite de la condescendance. Ce serait d'autant plus difficile d'ailleurs pour les salariés d'en tirer bénéfice qu'en raison de leur mobilité aujourd'hui, du turn over, leur ancienneté serait malheureusement tellement faible que les droits cumulés seraient relativement dérisoires.

Enfin, nous défendrons un amendement qui vise à permettre aux salariés, très en amont, de saisir la justice, le TGI en l'espèce, pour dénoncer les comportements de dirigeants menaçant manifestement la pérennité même de l'entreprise. Nous y reviendrons lors de la présentation de nos deux amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2009, un tollé médiatique avait été suscité par le comportement de l'entreprise de textile Carreman, offrant à ses salariés d'être reclassés en Inde dans des emplois rémunérés au salaire local de 69 euros bruts mensuels ! L'indignation d'alors n'a pas suffi à faire prendre des mesures législatives et réglementaires.

Aujourd'hui, en réaction au comportement scandaleux d'un autre patron délinquant en col blanc, l'équipementier automobile américain Molex, les députés du Nouveau Centre prétendent vouloir encadrer le financement public des plans sociaux, proposition de bon sens pouvant faire l'unanimité, mais malheureusement sans réelle portée concrète, ni pour les salariés ni pour l'État d'ailleurs.

Cette majorité, tout acquise à la mondialisation financière sacrifiant l'emploi dans la course aux superprofits, peine décidément à aller au-delà de l'émotion et de la dénonciation, à passer de la parole aux actes, et pour cause. Difficile de moraliser le capitalisme quand, dans le même temps, elle encourage des politiques fiscales et économiques ultralibérales, en soutenant la flexibilisation du marché du travail et l'harmonisation par le bas des normes de droit social.

L'affaire Molex, symbole de ces entreprises rentables et viables qui, au nom d'une logique exclusivement financière, restructurent en reportant sur la collectivité le coût humain, social, économique de leurs décisions, le combat exemplaire des ex-Molex, appellent effectivement à prendre des dispositions qui ne soient pas que d'affichage et de sympathie.

Voilà, en effet, une multinationale qui engrange des bénéfices : 1,2 million d'euros en 2008, année où, pourtant, est prise la décision de fermer le site de Villemur-sur-Tarn, entraînant le licenciement de ses 283 salariés.

Voilà un groupe encore bénéficiaire – 54 millions d'euros au troisième trimestre 2010 – mais qui, depuis la fermeture de l'usine en 2009, après onze mois de conflit, assume ouvertement son refus de remplir ses obligations vis-à-vis des salariés et ses engagements à l'égard de l'État français, en cessant, par mesure de rétorsion, de financer le plan de sauvegarde de l'emploi : 4 millions d'euros sur les 34 millions que devait verser l'entreprise font défaut et dix-neuf salariés n'ont toujours pas perçu leurs indemnités de licenciement, Molex rendant responsables les anciens salariés ayant osé déposer plainte aux prud'hommes.

Très en colère, le ministre d'alors avait parlé, pour qualifier la direction de cette multinationale, de « patrons voyous ». L'État s'est associé à la plainte pour la forcer à poursuivre le financement du PSE. Il a même été demandé à Renault et PSA de ne plus avoir d'échanges commerciaux avec l'équipementier Molex.

Passés ces gesticulations, ce volontarisme de façade, les travailleurs s'interrogent : jusqu'où le Gouvernement et sa majorité sont-ils prêts à aller pour réellement préserver l'emploi, pour refuser de légitimer les licenciements boursiers ou spéculatifs ? Pas très loin, manifestement !

Le soutien des députés du Nouveau Centre nous a fait défaut quand, en 2009, au temps fort de la crise et des destructions massives d'emplois, les députés communistes et du parti de gauche ont défendu une proposition de loi visant notamment à définir plus strictement les licenciements pour motif économique, à interdire les licenciements boursiers, à renforcer le droit de regard de l'administration en la matière et à renchérir le coût des licenciements.

Ces dernières années, la majorité présidentielle n'a pas cherché à mieux encadrer les procédures de licenciement…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

…ni à mettre un terme aux inégalités criantes entre les salariés des PME et ceux des grandes entreprises, dont l'accompagnement et les indemnités diffèrent largement en cas de licenciement pour motifs économiques.

Les effets de seuil sont pourtant une réalité préjudiciable aux salariés. Dans les entreprises de moins de cinquante salariés, les licenciements économiques se font sans plan de sauvegarde de l'emploi. Les salariés peuvent être licenciés très vite et en silence, leurs indemnités ne sont pas négociées, elles se limitent au minimum légal. Pas de dispositif d'aide au reclassement : ces salariés peuvent seulement adhérer à la convention de reclassement personnalisé gérée par Pôle emploi, dans des conditions de suivi rendues extrêmement difficiles depuis la fameuse fusion. Rappelons qu'un conseiller suit en moyenne une centaine de licenciés économiques, ce qui fait un total de 280 demandeurs d'emploi par conseiller dans ma circonscription.

Dans les entreprises de plus de cinquante salariés, si les salariés sont couverts par un PSE obligeant l'employeur à proposer des solutions de reclassement interne ou externe, l'accès aux dispositifs d'aide au reclassement varie là encore selon la taille de l'entreprise : bénéfice d'une convention de reclassement personnalisé ou d'un contrat de transition professionnelle pour les salariés d'entreprises de moins de 1 000 salariés, droit au congé de reclassement pour ceux des entreprises de plus de 1 000 salariés.

Épinglés par la Cour des comptes pour leur coût « singulièrement élevé » au regard de leur insuffisante efficacité, les dispositifs de CRP et de CTP manquent d'« équité », bénéficiant à un nombre bien trop limité de licenciés économiques : 36 % seulement – 152 000 personnes en 2009 – et sont en passe d'être unifiés. Permettez-moi de craindre que cela ne soit l'occasion de rogner sur le volet de la sécurisation financière ou sur celui de l'accompagnement renforcé ; le Gouvernement vient bien de décider la diminution de 35 % de l'allocation pour les chômeurs en formation !

Sur ces sujets de la sécurisation de la procédure de licenciement, des parcours des salariés, de l'évaluation de l'efficacité d'outils financés sur fonds publics, comme les cellules de reclassement, du coût de leur gestion, souvent confiée à des opérateurs privés, vous avez été en effet fort peu diserts.

Sans surprise, par contre, vous avez fait preuve d'un volontarisme sans faille lorsqu'il s'est agi de sécuriser les licenciements pour l'employeur, en votant un nouveau mode de rupture à l'amiable du contrat de travail à durée indéterminée, très attendu et réclamé par le MEDEF. Vous vous réjouissez du succès rencontré par la rupture conventionnelle – 190 000 en 2009, 255 000 en 2010. Le nombre de ces ruptures frôlerait les 500 000, selon le dernier pointage de fin janvier ; elles représenteraient désormais 11 % des motifs de rupture de CDI. Dans le même temps, les entrées au chômage consécutives à un licenciement économique ont baissé ; elles représenteraient seulement 3 % en janvier. En 2010, deux fois moins de PSE ont été recensés par rapport à 2009 : 1 195 contre 2 245. C'est la confirmation que la rupture conventionnelle masque les licenciements économiques et permet aux employeurs de contourner les plans sociaux et d'exclure de l'emploi les « quinquas ».

Marginaux, les PSE ? Bien qu'il soit difficile d'appréhender avec précision la réalité des licenciements économiques, 80 % de ceux-ci ayant lieu hors cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, le législateur est néanmoins plus que légitimé à intervenir en ce domaine.

Comme je l'ai déjà indiqué en commission, les députés communistes, républicains et du parti de gauche saluent les bonnes intentions du texte. Nous partageons le principe de bon sens selon lequel c'est à l'entreprise qui licencie et non à l'État de supporter le coût des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi dès lors qu'elle est en parfaite situation financière, et a fortiori quand elle affiche des bénéfices conséquents.

Nous sommes par contre circonspects quant à l'apport concret de l'article unique, dans la mesure où il se borne à rappeler un droit de regard de l'autorité administrative, un pouvoir de contrôle qui – je vous le rappelle, chers collègues – existe déjà. La DDTEFP saisie d'une demande de conventionnement ayant pour objet, par exemple, la mise en place d'une structure d'aide au reclassement des salariés licenciés économiquement apprécie l'opportunité de ladite demande en fonction du nombre de salariés concernés, des difficultés prévisibles, de la capacité ou non de l'entreprise à financer cette mesure. L'attribution des aides de l'État dépend d'ores et déjà de la situation de l'entreprise et de ses capacités contributives. Le dispositif envisagé semble donc superfétatoire.

Nous serons particulièrement attentifs au sort que la majorité réservera à l'amendement n° 7 du Nouveau Centre reprenant a minima la proposition que j'avais faite en commission de refuser à une entreprise bénéficiaire toute aide du FNE pour la mise en oeuvre de son PSE.

Nous aurions souhaité que la proposition de loi aille plus loin, qu'elle interdise non seulement le financement public des PSE d'entreprises se restructurant uniquement pour améliorer leur compétitivité, et ne justifiant donc pas de vraies difficultés économiques au moment de leur décision, mais aussi les licenciements boursiers, et qu'elle prévoie le remboursement des aides publiques de toute nature perçues les années précédentes. C'est le sens de l'amendement que nous défendrons.

Dans un souci de cohésion présidentielle, probablement, le Gouvernement et l'UMP ont donné un « accord de principe » au Nouveau Centre sur sa proposition de loi, tout en ne se privant pas de douter de son intérêt, après avoir fait remarquer par de nombreux membres de la commission des affaires sociales qu'elle, je cite, « reprenait ce qui existe déjà dans la loi ».

Nous verrons au fil de la discussion de ce un texte de bonne conscience, méritant seulement notre abstention, si, chacun prenant ses responsabilités, nous faisons oeuvre utile, à partir de l'exemple Molex, en votant notre amendement n° 1 de redéfinition du licenciement économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi du groupe Nouveau Centre propose d'inscrire dans le code du travail que l'administration peut, au vu de la situation économique de l'entreprise, refuser de signer les conventions permettant l'attribution des aides du Fonds national pour l'emploi.

Il est précisé que la décision de l'autorité administrative est notifiée à l'employeur et communiquée au comité d'entreprise avant sa dernière réunion.

En réalité, seule cette notification de la position de l'administration en cours de procédure constitue une légère amélioration du droit positif car, pour le reste, il est manifeste que cette possibilité de refus existe déjà et que la réponse apportée est bien loin des enjeux véritables que posent les licenciements effectués par des entreprises bénéficiaires.

Je rappelle que les circulaires d'application et les instructions ministérielles concernant aussi bien les conventions de cellules de reclassement, les conventions d'allocations temporaires dégressives, les conventions d'aide à la création d'entreprise que les conventions de congés de conversion, précisent déjà toutes que l'intervention de fonds publics ne peut être décidée que compte tenu des capacités financières des entreprises.

Inscrire dans les mêmes termes cette possibilité dans la loi ne changera strictement rien à la situation des salariés et au pouvoir d'appréciation de l'administration qui – faut-il le rappeler ? – n'a aujourd'hui aucune obligation de signer ces conventions. Il en sera exactement de même demain si ce texte est adopté.

Si l'objectif était celui annoncé, c'est-à-dire de mettre fin au financement public, il aurait fallu écrire dans un article unique : « L'autorité administrative doit refuser, lorsqu'une entreprise est bénéficiaire, de signer toute convention permettant l'aide de l'État. »

Il s'agit donc d'un dispositif redondant qui, au surplus, en s'appuyant sur le critère de la situation économique de l'entreprise, laisse la porte ouverte, comme aujourd'hui, à de multiples interprétations.

Le critère de la situation économique, bien connu du code du travail, est, à mon avis, davantage le noeud du problème que sa solution. Il est en effet suffisamment vague pour n'exclure a priori pas grand monde. Sont ainsi prises en compte la perte de chiffre d'affaires d'une entreprise qui reste par ailleurs bénéficiaire ou encore les difficultés d'une société à l'intérieur d'un groupe ou celles d'un secteur d'activité particulier à l'intérieur d'une entreprise. Tout cela est aujourd'hui considéré comme répondant à la prise en compte de la situation économique au sens du code du travail. De ce point de vue, vous n'avez pris aucune initiative pour modifier le droit.

En fait, cette proposition de loi est de peu de portée face à la question fondamentale des licenciements économiques et elle est d'une certaine façon déjà obsolète par rapport aux questions que nous nous posons les uns et les autres.

Le premier objectif, s'agissant du licenciement économique, devrait être de renforcer la place des partenaires sociaux dans la procédure.

Je rappelle que, dès le changement de majorité en 2002, l'une de vos premières décisions a été de suspendre, avant de les abroger, les articles de la loi de modernisation sociale qui donnaient au comité d'entreprise le pouvoir de formuler des propositions alternatives à la solution avancée par l'employeur, mais aussi le pouvoir, en cas de conflit, de saisir un médiateur : c'était une procédure qui n'était pas totalement contraignante mais qui permettait l'intervention d'un tiers pour essayer de trouver une solution. En abrogeant ces dispositions, vous avez facilité légalement le recours au licenciement économique, et permis les abus dont vous vous plaignez apparemment aujourd'hui.

Il conviendrait donc d'abord de redonner aux salariés, aux élus du personnel, aux organisations syndicales, une capacité de contrôle et des voies de recours.

Il est également indispensable de faire de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences un outil essentiel de la gestion des ressources humaines dans l'entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Certes, la GPEC est aujourd'hui une obligation mais, pour le moins, il conviendrait d'abaisser de 300 à 50 salariés le seuil de l'obligation de négocier, et surtout d'interdire le recours à un plan social en l'absence de négociation d'une GPEC dans l'entreprise. Après tout, si l'entreprise ne respecte pas cette obligation légale de gestion prévisionnelle, il faudrait, au-delà de la sanction aujourd'hui prévue dans le code, qu'elle en assume aussi les conséquences en termes d'interdiction de mise en oeuvre d'un plan social. Ce serait d'une grande cohérence, et cela fait partie de nos propositions.

S'agissant de la situation des salariés, nous sommes depuis longtemps favorables – et, après les annonces qui ont été faites, nous attendons avec intérêt un passage à l'acte – à la fusion des dispositifs du contrat de transition professionnelle et du contrat de reclassement, à la condition qu'ils soient généralisés, et surtout qu'une part importante, voire la totalité de leur financement soit mise à la charge des entreprises bénéficiaires. Voilà une autre proposition très concrète.

Si une entreprise bénéficiaire procède à un licenciement économique, inscrivons donc dans le code la règle suivante : les conséquences ne seront pas prises en compte par la collectivité publique ni par la collectivité des entreprises à travers l'UNEDIC – ce qui est le cas aujourd'hui – mais par ceux qui l'ont prononcé. Après l'obligation, la sanction pour absence de GPEC : il faut prendre en compte les frais inhérents à l'indemnisation du chômage consécutif à cette décision. Voilà qui serait fortement dissuasif et moralement plus acceptable.

Mais ces propositions ne nous exonèrent pas de la nécessité de revisiter la définition du licenciement économique. Les difficultés économiques, telles que définies au premier alinéa de l'article L.1233-3 du code du travail, constituent à l'évidence un concept trop flou, livré de fait à la seule appréciation du juge et donc aux aléas de la jurisprudence, pour les salariés comme d'ailleurs pour les entreprises. Nous sommes favorables à la réouverture d'un débat et donc, dans un premier temps, évidemment à l'ouverture d'une négociation sociale sur la question de la définition du licenciement économique. Il s'agit d'une démarche suffisamment grave pour qu'elle soit réservée aux entreprises qui rencontrent de réelles difficultés. L'absence de définition claire explique largement la persistance des débats autour du licenciement économique.

Dans l'attente de cette modification, chacun est bien sûr choqué par la réalité : des entreprises bénéficiaires et qui, néanmoins, procèdent à des licenciements économiques. Le pire est que souvent ces mêmes entreprises ont bénéficié d'aides publiques pour s'installer, provenant souvent des collectivités locales, parfois de l'État. Nous proposons donc que la proposition de loi du Nouveau Centre prévoie la règle suivante : le remboursement de l'ensemble des aides perçues par les entreprises bénéficiaires dans les cinq ans précédant la mise en place d'un plan de licenciements. Le remboursement ne doit pas être une conséquence, mais un préalable. Il faut que la loi dispose que le préalable à la légalité de la mise en place d'un PSE est le remboursement des aides publiques. Ce serait une disposition extrêmement dissuasive et dans tous les cas cohérente.

Nos concitoyens, et au premier rang les salariés concernés, sont particulièrement révoltés par des entreprises qui, en dehors de toute difficulté particulière, et pour des raisons qui obéissent à des stratégies souvent uniquement financières, ferment des sites parfaitement rentables. Chacun a présent à l'esprit l'exemple de Molex mais aussi celui de Continental. Cette réaction est d'ailleurs largement partagée au-delà des rangs de l'opposition. Mais force est de constater que les pouvoirs publics ne disposent aujourd'hui d'aucun outil juridique pour s'opposer à de telles dérives.

Nous proposons donc que le tribunal de grande instance puisse, à l'initiative des salariés ou des pouvoirs publics, prononcer la mise sous administration provisoire de l'entreprise, la mission de l'administrateur provisoire étant définie par le juge. Cette procédure exceptionnelle ne pourrait évidemment que concerner des cas exceptionnels, mais ce sont eux qui heurtent le plus l'opinion publique.

Au regard de toutes ces questions et des propositions que nous avançons, la proposition de loi du Nouveau Centre apparaît bien pâle et quasi redondante avec le droit positif.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

On ne soutient pas un texte sans véritables conséquences. On ne combat pas un texte qui ne change rien. En conséquence, le groupe SRC s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Tout d'abord, je veux rappeler le cadre de cette proposition de loi. Elle est destinée à moraliser le financement des plans de sauvegarde de l'emploi. Il ne s'agit pas de remettre en cause le licenciement économique, les procédures suivies ou le contenu du PSE. Il s'agit de s'assurer que le financement public n'intervienne plus quand une entreprise est bénéficiaire et qu'elle s'engage dans un plan de sauvegarde. Tel est l'objet de notre texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Monsieur Muzeau, je comprends bien que vous essayiez de modifier le droit du licenciement en vue de l'interdire. C'est votre jeu depuis un certain temps, mais ce n'est pas notre proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Je le répète : elle vise à moraliser les dispositifs en vigueur en évitant les financements publics injustifiés et à s'assurer, comme le disait M. Vidalies, que les salariés et l'entreprise soient informés, avant la signature du plan, de l'intervention ou non de l'État. Ce dernier point me paraît, lui aussi, essentiel, car cela éviterait aux entreprises de signer des plans alors qu'ils ne sont pas financés, et d'aller ensuite solliciter les élus locaux ou nationaux pour obtenir les fonds manquants. L'absence des financements nécessaires met en effet en péril le plan de sauvegarde de l'emploi et crée une incertitude quant à l'avenir de la société et surtout de ses salariés.

Monsieur Benoit, vous avez tout à fait raison : il faut une adaptation au cas par cas. Je ne suis pas du tout favorable à une procédure-couperet. On sait bien que la situation économique des entreprises est très variable : entre une PME qui fait 1 000 euros de bénéfices et une multinationale qui en totalise plusieurs milliards, il y a un abîme. Il ne s'agit pas d'empêcher les PME de survivre à la perte d'un gros client. Il faut leur permettre de s'adapter à leur marché, dans le cadre bien sûr d'un dialogue social avec leurs salariés. Il ne faut pas être dogmatique, mais au contraire pragmatique. Vous avez eu raison de le souligner.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Monsieur le ministre, vous avez dit à juste titre que les salariés français, aujourd'hui, n'ont plus vraiment confiance dans les entreprises en raison de quelques-unes qui exagèrent et qui abusent de la loi à leur profit. Mises en lumière malheureusement par les médias, leurs pratiques jettent l'opprobre sur l'ensemble des entreprises et du système économique français. C'est pourquoi Jean-Christophe Lagarde et ses collègues du groupe Nouveau Centre ont voulu moraliser les plans sociaux pour redonner confiance aux Français dans l'entreprise et dans le système économique, pour que l'on cesse de jeter le discrédit sur l'ensemble des entreprises sous prétexte que quelques-unes, Molex et d'autres, ont exagéré et utilisé à mauvais escient les dispositifs légaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Bérengère Poletti a rappelé que cette proposition de loi a été déposée dans un souci de justice sociale. C'est en effet ce qui la justifie. Il s'agit de s'assurer que les salariés continueront à bénéficier des plans de sauvegarde sans que l'État puisse intervenir lorsque l'entreprise a les moyens de le faire. Mais, je le répète, il faut continuer à garantir l'emploi des salariés et à essayer de sauver le maximum d'emplois. Il ne s'agit pas du tout de remettre en cause le plan de sauvegarde de l'emploi lorsqu'il s'applique dans le cadre d'une bonne gestion des fonds publics. Ma collègue a souligné ce point, et je suis d'accord avec elle.

Monsieur Liebgott, je suis assez surpris de vos propos. Vous dites que nous affichons une posture, mais qui en affiche une aujourd'hui ? Celui qui refuse de voter une proposition de loi visant à moraliser les plans sociaux ou bien celui qui la vote ? (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Aujourd'hui, monsieur Liebgott, c'est vous qui prenez une posture en ne voulant pas voter un texte qui propose de moraliser le financement public des plans sociaux des entreprises bénéficiaires ! Une telle posture est illégitime, en tout cas pour votre groupe.

Si Force Ouvrière ne soutient pas notre proposition, ce n'est pas le cas de la CFDT. Voici ce que celle-ci nous a répondu, trop tard pour que ce soit publié dans le rapport : « Pour autant, cette proposition de loi introduit un premier élément de conditionnalité des aides publiques que nous revendiquons. La CFDT ne peut être que favorable à une telle proposition, même si elle ne porte que sur les aides d'État du FNE et ne concerne que les entreprises soumises aux obligations du plan de sauvegarde de l'emploi supposant une intervention de l'autorité administrative. » La CFDT est donc, elle, favorable. Quant à Force Ouvrière, elle n'est pas défavorable,…

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

…mais estime simplement que notre proposition de loi ne va pas assez loin.

Monsieur Muzeau, je remarque que vous n'avez pas échappé à la contradiction puisque, après avoir critiqué fortement Molex, vous avez dit que « le pouvoir de contrôle existe déjà » et que « les aides de l'État sont d'ores et déjà attribuées ou non en fonction de la situation de l'entreprise ». Or vous veniez de soutenir que ce n'était pas le cas à Molex.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Si vous ne me croyez pas, écoutez au moins le président Méhaignerie : il dit la même chose !

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Aujourd'hui, un certain nombre d'entreprises bénéficiaires reçoivent des aides publiques dans ce cadre, et si nous présentons ce texte, c'est pour inscrire dans le marbre de la loi que l'État doit refuser de financer leur plan social.

Enfin, monsieur Vidalies, je reconnais votre talent d'avocat et d'orateur, mais je tiens à vous dire , à propos de la GPEC, qu'un plan de sauvegarde de l'emploi, c'est d'abord de la prévision parce que, si un employeur met en oeuvre un tel plan, c'est pour essayer de sauvegarder son entreprise et de la faire perdurer. Son but n'est pas de la fermer. Dans 95 % des cas, le plan de sauvegarde est mis en place pour essayer de maintenir à flot l'entreprise, de tenir malgré la crise et de sauvegarder le maximum d'emplois. L'entreprise fait bien de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences quand elle engage un plan de sauvegarde de l'emploi. Vous dites que ce n'est pas le cas aujourd'hui. Si, c'est la réalité d'aujourd'hui, mais malheureusement des entreprises exagèrent, n'ont pas de gestion prévisionnelle, et c'est ce que nous combattons. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je répondrai lors de l'examen des amendements sur les principaux thèmes qui ont été évoqués dans la discussion générale, mais je veux préciser un point à M. Liebgott. Concernant le dossier de Gandrange, la dernière personne qui, avant vous, s'est complètement trompée ou a menti – je laisse le choix –, c'est Mme Martine Aubry, qui a dit que les engagements pris à Gandrange n'avaient pas été tenus. Je rappelle que, quand il y a eu arrêt d'une partie de l'activité, ce qui concernait 571 salariés, le Président de la République a pris deux grands engagements – je suis bien placé pour m'en souvenir puisque j'étais à ses côtés ce jour-là – : d'une part, un reclassement en interne de l'ensemble du personnel ; d'autre part, une revitalisation qualifiée d'exemplaire, avec une convention de revitalisation dotée de 2 à 3 millions d'euros – M. Liebgott me répondra que c'est le droit commun –, mais aussi une convention d'ancrage territorial.

Sur ces deux points, les engagements ont été respectés. Ainsi, 99 % des salariés ont obtenu un reclassement dans le groupe, en France ou au Luxembourg.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Sauf les intérimaires et tous ceux qui étaient en CDD !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Ce que vous dites relève de la question des filières. Ne jouez pas sur les mots quand ça vous arrange, notamment s'agissant des intérimaires. (« Très bien ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Sur le second point, la revitalisation, ArcelorMittal s'était engagé à investir 30 millions d'euros en Moselle, en investissements productifs et dans un centre de formation ; plus de 300 emplois ont d'ores et déjà été créés, la quasi-totalité des investissements a été décidée, et le centre de formation a été inauguré en octobre 2010.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Vous êtes élu de ce département, et peut-être étiez-vous présent à cette inauguration. L'objectif est de former 120 apprentis. Il sera non seulement atteint mais dépassé dès la rentrée prochaine ; j'y veille dans le cadre de la politique sur l'apprentissage que je conduis avec Nadine Morano. Actuellement 89 apprentis sont accueillis.

ArcelorMittal s'était également engagé à contribuer financièrement à la mise en place du fonds lorrain des matériaux, à hauteur de 10 millions d'euros. Mais c'est peut-être parce que vous ne disposiez que de dix minutes de temps de parole que vous n'avez pas pu le rappeler dans votre intervention.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Le fonds est opérationnel, il a réalisé ses premiers investissements. Quant à la plate-forme technologique, elle s'insère dans le pôle de compétitivité Materalia, que vous devez connaître aussi bien que moi sinon mieux, également financé par ArcelorMittal.

Je veux bien qu'on dise ce que l'on veut, mais au bout d'un moment, quand on ne dit pas tout, il ne faut pas s'étonner que nos concitoyens, qu'ils soient de droite ou de gauche, perdent complètement espoir dans la parole publique. Les engagements ont été tenus. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, l'article unique de la proposition de loi.

La parole est à M. François Sauvadet, premier inscrit sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Monsieur le ministre, je tiens à vous dire que nous apprécions beaucoup le soutien du Gouvernement à notre proposition de loi. Quand tant de familles sont bousculées ou voient même leur destin fragilisé par la crise qui a frappé notre pays, c'est bien un temps où l'on doit réaffirmer les grands principes, en appeler à une moralisation, et renvoyer aussi chacun à sa responsabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Je regrette que certains aient oscillé seulement entre le « ça ne sert à rien » et le « ça vient conforter une position déjà existante », car la fonction de l'Assemblée nationale, c'est aussi de réaffirmer des principes. Le groupe Nouveau Centre a décidé d'inscrire dans sa niche une proposition de loi réaffirmant que chacun doit prendre ses responsabilités et qu'il n'appartient pas à l'État de financer des plans sociaux. Je trouve que, sur un tel sujet, mes chers collègues, nous devrions retrouver la concorde pour adresser un message de l'Assemblée nationale tout entière.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Surtout qu'il ne s'agit pas d'une initiative gouvernementale, mais d'une initiative parlementaire. Nous sommes ici pleinement dans l'exercice de notre responsabilité.

J'aurais donc souhaité que vous alliez au-delà d'une abstention que j'ai qualifiée de positive. J'aurais souhaité que nous envoyions ensemble un signal fort de moralisation aux entrepreneurs, afin de les inciter à assumer leurs responsabilités, et aussi aux salariés, pour qu'ils sachent que nous sommes les garants des protections de ceux qui sont confrontés à des difficultés sociales.

Chers collègues de gauche, dites-vous bien que nous avons cela en partage parce que nous sommes tous des élus de la République et que, dans nos territoires d'élection, nous avons tous été confrontés à des drames de vie auxquels nos compatriotes ont eu à faire face. J'aurais souhaité que dans cette initiative parlementaire nous soyons simplement tous ensemble.

Monsieur le ministre, en décidant de soutenir cette proposition de loi, vous avez fait un geste dont l'importance n'est pas seulement symbolique.

Nous devions aussi tenir cet engagement dans le prolongement d'une proposition de loi que nous avions fait adopter et qui visait à mettre un terme à des propositions de reclassement certes prévues par la loi mais néanmoins indignes : des personnes bousculées et fragilisées se voyaient proposer des salaires à 450 euros ! Nous avons contribué ensemble, mes chers collègues, à faire en sorte que nous soyons aussi les protecteurs de ceux qui souffrent.

Enfin, je voudrais dire que je suis profondément choqué par les déclarations du président de Total. Aujourd'hui même, il a annoncé des plans de licenciements de 100 personnes par an à terme, en appelant à des départs, alors que son groupe affiche des bénéfices considérables…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Juste 20 milliards d'euros en deux ans, ce n'est pas terrible…

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

… et que nous sommes confrontés à une crise énergétique.

Au nom de mon groupe, j'élève une vive protestation contre ces déclarations que je trouve proprement inadmissibles, et je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous donniez le sentiment du Gouvernement à ce sujet.

Après Molex et d'autres affaires scandaleuses où nous avons assisté à des fermetures d'usines dramatiques alors que les entreprises concernées affichaient des bénéfices insolents, il est des moments où, personnellement, je suis fier d'être membre de la représentation nationale pour dire aux salariés – avec tous ceux qui nous soutiennent, comme le groupe UMP que je remercie de son engagement – que nous sommes à leurs côtés dans la difficulté.

Faisons en sorte que demain nous ayons un avenir collectif. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Dans ma circonscription, chers collègues, j'ai assisté à deux krachs économiques de 400 salariés en quatre ans. L'un est en cours et, depuis neuf mois, les salariés lisent dans la presse que leur entreprise va fermer. Cette entreprise qui travaille dans le domaine médical gagne beaucoup d'argent, vraiment beaucoup d'argent.

C'est pourquoi je pensais que nous pouvions être à l'unisson cet après-midi. Monsieur Muzeau, j'imagine que vous nous rejoindrez après l'examen des amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Monsieur le ministre, vous avez bien fait de rappeler que le plan de revitalisation de Grandange avait été un vrai succès, avec un taux de 99 % de salariés reclassés.

Dans ma circonscription, nous en sommes à 40 % de reclassements pour le premier plan. Je suis sûr qu'en cas d'adoption, le dispositif que nous examinons cet après-midi offrira une meilleure protection aux salariés puisqu'il aura force de loi. Il mettra fin aux pratiques absolument scandaleuses – rappelées à juste titre par Thierry Benoit – de certaines entreprises qui gagnent beaucoup d'argent tout en continuant à faire ces plans de restructuration complètement incompréhensibles sur le dos des salariés.

Certes, nous sommes loin de l'interdiction du licenciement. Mais nous sommes loin aussi, monsieur Liebgott, des propos de M. Jospin : « l'État ne peut pas tout ». Nous pouvons. Ce n'est pas une posture ; c'est de l'action politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Chers collègues du Nouveau Centre, nous apprécions aussi la valeur des symboles, et nous sommes en train de légiférer pour un symbole.

Cela étant, votre texte a été souvent présenté comme une réponse à la situation scandaleuse de Molex. Tous les groupes et le Gouvernement s'étaient élevés contre ces patrons, véritables voyous et d'ailleurs condamnés. Cependant, l'État n'a pas financé de plan social chez Molex, il a refusé les conventions du Fond national pour l'emploi. Il n'y a eu aucune dépense de l'État, juste une avance remboursable sur le passif de la société, pour que le cabinet de reclassement puisse continuer à fonctionner. Pour le reste, c'est l'Association de garantie des salaires qui a pris le relais.

Ajoutons que les dix-neuf salariés ex-représentants du personnel n'ont toujours pas reçu leur solde de tout compte ni leurs indemnités de licenciement.

Il s'est agi d'une banqueroute organisée par une entreprise annonçant quelques semaines plus tard des bénéfices et des dividendes records. Mais je répète que l'État n'a pas financé de plan social pour Molex.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Nous en venons aux amendements à l'article unique.

La parole est à M. Roland Muzeau, pour défendre l'amendement n° 8 .

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

En préambule, je répondrai à François Sauvadet, qui a l'air extrêmement peiné de ne pas voir la proposition du Nouveau Centre adoptée à l'unanimité. Rassurez-vous, mon cher collègue : que vous n'ayez pas d'opposition à votre proposition de loi, c'est quand même une bonne nouvelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Il y a quelques semaines ou quelques mois, lorsque nous avons présenté des propositions de loi ayant trait au droit du travail et à la protection de l'emploi, j'aurais apprécié un geste plus significatif de la part de vos collègues et de vous-même, j'aurais aimé voir votre opposition se transformer en abstention. Cela n'a pas été le cas. Voyez que vous n'avez pas à vous plaindre !

Ne soyez pas non plus surpris de notre refus de voter en faveur d'un texte qui est extrêmement déclaratif, en dehors d'un petit aspect non négligeable que nous avons déjà évoqué.

Pour nos concitoyens, il n'est pas bon que le Parlement se contente de propos de compassion à l'égard de salariés en détresse. Si la compassion n'est évidemment pas inutile, les gestes politiques doivent être transformés en dispositions législatives ou réglementaires, selon le cadre adapté. C'est cela qui nous préoccupe et rien d'autre. Il n'est pas question de faire de la politique politicienne sur l'emploi et la fermeture d'entreprises.

Revenons-en à notre amendement, dont le rapporteur a reconnu l'importance et dont l'adoption permettrait de régler beaucoup de problèmes.

Nous considérons que la définition actuelle du licenciement pour motif économique, issue de l'article L.1233-3 du code du travail, est insuffisamment protectrice de l'emploi et des salariés.

Si, en théorie, l'accroissement des profits ne peut justifier des suppressions d'emplois et caractériser juridiquement une cause économique, la notion même de « sauvegarde de la compétitivité » admise par la jurisprudence ouvre la porte à tous les abus.

Dans un arrêt « société Les Pages jaunes » du 11 janvier 2006, la Cour de cassation a ainsi déclaré valables les licenciements pour motif économique effectués sur le fondement d'une réorganisation de l'entreprise destinée à sauvegarder sa compétitivité. Il n'a pas été demandé à l'entreprise de montrer qu'elle connaissait effectivement des difficultés économiques au moment où elle envisageait de licencier.

Afin d'éviter toutes ces dérives, cet amendement tend à définir plus strictement le licenciement pour motif économique de deux façons : en énonçant que le licenciement doit avoir été rendu inévitable ; en supprimant l'adverbe « notamment », ce qui donne à l'énumération des causes économiques justifiant un licenciement le caractère d'une liste limitative et impérative, et évite ainsi toute extension par la jurisprudence.

Nous proposons également de poser clairement le principe que sont dépourvus de cause réelle et sérieuse les licenciements pour motif économique effectués dans les entreprises ayant réalisé des bénéfices, constitué des réserves ou distribué des dividendes au cours des deux derniers exercices, ainsi que les licenciements réalisés par des entreprises ayant reçu des aides publiques de toute nature.

Si vous votez cet amendement, chers collègues du Nouveau Centre, je voterai la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Monsieur Muzeau, je vais donner un avis défavorable à votre amendement, ce qui va forcément entraîner une abstention sur notre proposition de loi…

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Première raison : l'objectif de la proposition de loi n'est pas de réformer le licenciement économique.

Deuxième raison : pour avoir été conseiller aux prud'hommes pendant dix ans et avoir pratiqué lors des recours en contestation la procédure des licenciements économiques, je peux vous dire qu'elle était déjà assez complexe dans les années 2000 et qu'il y avait beaucoup de litiges à ce propos. Inutile d'en rajouter.

Les règles existantes sont jugées assez claires. Si les licenciements économiques sont parfois contestables, le juge peut réformer la procédure suivie lorsqu'elle est fautive.

En outre, le dispositif prévu par votre amendement est plus restrictif que celui que vous aviez introduit dans la loi de modernisation sociale et qui avait été censuré par le Conseil constitutionnel, lequel avait estimé qu'il portait atteinte à la liberté d'entreprendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

L'amendement que vous nous présentez étant, je le répète, encore plus restrictif, je ne peux que donner un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Je voudrais dire quelques mots à la fois sur la proposition de loi et sur l'amendement de Roland Muzeau.

Qu'il s'agisse de propositions ou de projets de loi, chacun connaît ma position de sagesse : ne légiférons que d'une main tremblante. Comme je l'aurais fait à propos d'une proposition de loi émanant d'un autre groupe, je vous demande de faire attention. Faisons une étude d'impact. Que change vraiment cette proposition de loi ? Voilà ma position sur le fond, même si je reconnais la valeur du symbole.

Monsieur Muzeau, je partage quelquefois vos idées et j'apprécie votre participation active au travail de la commission. Comme vous, je milite pour réduire le chômage. L'un des moyens pour y parvenir est d'éviter l'excès de rigidité. L'idée de supprimer les licenciements dits boursiers part d'une bonne intention, mais les résultats peuvent être très négatifs dans un monde ouvert.

Le président d'une grande entreprise, Nestlé je crois, disait de la France : j'y mets tellement de temps pour fermer une entreprise qui ne correspond plus aux besoins des consommateurs que je n'en ai plus pour y ouvrir une nouvelle entreprise.

Si nous voulons lier performance économique et performance sociale dans un pays qui a tous les atouts d'une grande nation prospère, évitons d'aggraver les rigidités qui empêchent l'économie de s'adapter.

Voilà la double réflexion que je voulais apporter à ce débat intéressant. Monsieur le ministre, je le répète : il ne faut pas trop de textes législatifs, parce qu'ils sont souvent facteurs de rigidités supplémentaires.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Comme cet amendement vise à restreindre le champ du motif économique, je m'en tiendrai à la position de Pierre Méhaignerie : avis défavorable.

(L'amendement n° 8 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 7 .

La parole est à M. Thierry Benoit.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Benoit

Depuis quelques années, nombre d'entreprises qui mettent en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi obtiennent une participation de l'État. Aussi, afin d'éviter que les entreprises dégageant des bénéfices ne fassent payer tout ou partie de leur plan social par l'État, le présent amendement introduit la possibilité pour le directeur départemental de l'emploi de refuser l'attribution des aides du Fonds national de l'emploi.

Cette possibilité serait ouverte notamment lorsque l'entreprise déclare aux services fiscaux un bénéfice réel net ou qu'elle refuse de communiquer son dernier avis d'imposition à l'autorité administrative compétente.

En quelque sorte, cet amendement vise à ouvrir la voie à la bonne foi des dirigeants d'entreprise lorsqu'ils engagent un plan social.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Je comprends très bien l'objectif de cet amendement qui, en fait, réécrit l'article unique. L'idée de la transparence financière de l'entreprise est très intéressante. Le problème, c'est que vous proposez qu'aucune aide du fonds national ne soit attribuée lorsqu'une entreprise « déclare aux services fiscaux un bénéfice net ou refuse de communiquer son dernier avis d'imposition à l'autorité administrative compétente ».

Prenons le cas d'une PME qui fait très peu de bénéfices et qui perd un très gros client. Elle va être obligée de lancer un plan de sauvegarde pour l'emploi. Or, si votre amendement était adopté, elle se verrait exclue des dispositifs d'aide de l'État, au motif qu'elle a fait un bénéfice l'année d'avant, même si celui-ci est trop faible pour lui permettre de faire face à son plan de sauvegarde.

Qui va pâtir de cette situation ? Forcément les salariés, puisque l'entreprise ne pourra pas financer son plan. On va créer des catégories de salariés en quelque sorte à deux vitesses : ceux qui travaillent dans les grandes entreprises ayant les moyens de financer un plan de sauvegarde important, et ceux qui travaillent dans des PME qui ont peu de moyens, réalisent peu de bénéfices et qui devront se débrouiller, avec le risque de courir à la mort.

Si je comprends bien, mes chers collègues, l'esprit qui anime cet amendement, je pense qu'il ne va pas dans le sens que vous souhaitez, et même qu'il va dans le sens inverse. Le risque qu'il comporte est l'effet qu'il peut induire vis-à-vis des PME.

Je demande donc son retrait, en précisant que la commission l'avait rejeté.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je demande également le retrait de l'amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

Comment prendre en compte, quand on parle de la situation financière d'une entreprise, et notamment quand on se base sur le dernier bénéfice net réalisé, les investissements de l'entreprise en matière de recherche et développement ? J'ai peur que votre amendement ne fige les choses.

Il ne repose pas sur une vision complète de la situation financière d'une entreprise. Et prendre celle-ci en compte dans la loi peut dès lors avoir des effets pernicieux. C'est pourquoi je demande le retrait.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

L'adoption de cet amendement serait de nature à modifier notre appréciation de l'ensemble du texte. Nous voyons bien, à travers lui, le problème politique.

Cet amendement n'est pas évasif. Écrit à l'indicatif – ce qui, juridiquement, vaut impératif –, il crée une nouvelle règle : pour les entreprises qui déclarent un bénéfice net ou ne communiquent pas leur dernier avis d'imposition, aucune aide du Fonds national de l'emploi ne peut être attribuée. Pour nous, cette disposition va dans le bon sens. C'est pourquoi nous serons très attentifs à son sort.

Dans un texte qui, jusqu'à présent, ne proposait aucune mesure normative supplémentaire et se bornait à faire passer du domaine réglementaire au domaine législatif le principe d'appréciation de l'administration, ce qui ne changeait rien ni pour les entreprises ni pour les salariés, on nous invite à adopter une règle nouvelle qui s'imposerait de fait à l'administration et mettrait ce texte en concordance à la fois avec son titre et avec sa présentation dans la presse de ce matin. Il était en effet annoncé que les députés allaient discuter aujourd'hui d'une proposition de loi ayant pour objet d'interdire les aides aux entreprises bénéficiaires. En l'état du texte, ce n'était pas vrai. La possibilité donnée à l'administration de refuser d'attribuer une aide existait déjà ; donc, il n'y avait rien de changé. Avec cet amendement, le contenu du texte correspond bien à l'annonce qui en a été faite.

Nous allons donc voter pour. Son adoption nous conduirait, de plus, à réexaminer notre vote final parce que nous considérons que cet amendement constitue une véritable avancée et qu'avec lui, nous passons enfin des discours aux actes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Monsieur Benoit, après ces différentes interventions, que décidez-vous ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Benoit

J'ai, bien sûr, été très sensible aux arguments du rapporteur et du ministre mais, comme je l'ai indiqué, l'objet de cet amendement était d'ouvrir la voie à une réelle réflexion.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Benoit

Personne dans ce pays ne peut comprendre ni accepter que des dirigeants d'entreprises, notamment de grands groupes, usent de mauvaise foi et cherchent à masquer certains éléments financiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Benoit

Je souhaiterais que le ministre puisse nous assurer que le Gouvernement travaillera à encadrer ces dispositions et cette réflexion afin de permettre aux directeurs départementaux de l'emploi d'agir en conséquence.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Benoit

Si le ministre s'engage à travailler en ce sens, j'accepterai de retirer l'amendement.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur Benoit, que mettre en place ? Une circulaire ? Quelle serait sa valeur ? Une doctrine politique, mise en oeuvre par le ministère ? Je l'ai expliquée tout à l'heure à la tribune. Nous l'appliquons d'ailleurs actuellement dans un dossier concernant un groupe de presse régional éditant également un journal d'annonces.

Oui, il y a une réflexion à conduire. Mais je ne veux pas vous raconter d'histoire dans le but de vous faire retirer votre amendement. J'essaie de voir ce qui est faisable, de déterminer le point d'arrivée auquel on peut prétendre parvenir.

Nous partageons la même préoccupation et avons le même point de vue. Cela étant, il n'y a pas deux situations, deux entreprises ni même deux bilans qui se ressemblent. Comment, dès lors, figer les choses ? Par une circulaire, qui reprendrait en quelque sorte les propos que nous tenons aujourd'hui dans cet hémicycle ? Les débats parlementaires ont aussi une valeur juridique en soi.

Je suis prêt à poursuivre la réflexion et à échanger avec vous. Mais, pour vous répondre en toute sincérité, je ne peux pas vous promettre aujourd'hui que cette réflexion aboutira à un texte de portée normative.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Benoit

Je retire l'amendement, mais j'attire quand même l'attention du ministre sur le fait que le refus par un dirigeant d'entreprise de produire son dernier avis d'imposition constitue un acte patent de mauvaise foi et une volonté manifeste de masquer les réalités financières de son entreprise. Dans un tel cas, il faut être intransigeant.

Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre réponse pleine de réalisme et de lucidité, et pour votre refus de faire des promesses que vous ne pourriez pas tenir. Je prends également acte de votre engagement à travailler dans un sens qui oblige les dirigeants d'entreprise à faire face à leurs responsabilités.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Je reprends l'amendement de M. Benoit. Comme il conditionne, d'une certaine façon, notre adhésion au texte, il est important qu'il soit mis au vote.

La réponse de M. le ministre a été très correcte sur la question normative. C'est effectivement un débat de fond et j'ai apprécié sa présentation des choses, qui a renvoyé, d'une certaine façon, les auteurs de la proposition de loi initiale à son absence de contenu et de normes.

L'amendement n° 7 introduit une norme et ses auteurs ont eu raison de le déposer car il représente une amélioration. Ils ont tort maintenant de le retirer. Je compense cette erreur en le reprenant à mon compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Je demande la parole, monsieur le président, pour appuyer l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Le débat est clos, monsieur Muzeau.

La procédure dans cet hémicycle est simple : après la défense d'un amendement par son auteur, il est demandé l'avis de la commission et du Gouvernement sur celui-ci. Un dialogue s'est instauré ensuite au sujet du maintien ou du retrait de l'amendement. Après son retrait, il y avait encore la possibilité qu'il soit repris par un autre parlementaire, ce qui a été le cas, mais tout a été dit.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Sans vouloir ajouter à la confusion du débat – je vous sais vigilant à ce sujet, monsieur le président, car j'ai pu me rendre compte de vos qualités en la matière dans d'autres enceintes –, je tiens à répondre à M. Benoit que la non-production du dernier avis d'imposition fait indéniablement partie des éléments d'appréciation que l'on peut inclure dans une circulaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Si M. le ministre a pu reprendre la parole, je demande à bénéficier du même droit, monsieur le président ! :

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Dans ma grande mansuétude, je vous accorde quelques secondes, monsieur Muzeau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Je vous remercie, monsieur le président.

Le fait que cet amendement ait été repris par M. Vidalies après avoir été retiré par l'un de ses auteurs appelle une nouvelle argumentation, car son second auteur n'est autre que celui de la proposition de loi, M. Lagarde. Je veux donc venir à son secours.

Je rappelle que, dans mon intervention dans la discussion générale, j'ai indiqué, comme cela n'a échappé ni au rapporteur, ni au président du groupe Nouveau Centre, que nous serions particulièrement attentifs au sort réservé à cet amendement, qui reprenait a minima une proposition que j'avais faite moi-même.

C'est donc en cohérence avec moi-même que je voterai pour.

(L'amendement n° 7 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 11 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Il s'agit d'un amendement de précision, dont l'objectif est d'éviter toute incompréhension en permettant de viser, outre la « situation économique » de l'entreprise, les « moyens » dont elle dispose.

L'autorité administrative peut refuser l'attribution d'une aide non seulement au vu de la situation économique de l'entreprise, mais également de la qualité du plan social, de la pérennité de celui-ci et de la qualité du dialogue qui a présidé à sa conclusion.

Mais, si la situation économique est une raison pour ne pas accorder d'aides, elle n'est pas la seule. J'ai souhaité ajouter les moyens parce qu'une entreprise peut très bien avoir une situation économique favorable et ne pas avoir les moyens de financer un plan social, et vice-versa. Nous avons connu des groupes importants, notamment dans le secteur de la sidérurgie et des mines, qui étaient dans une situation économique catastrophique mais qui avaient des moyens financiers très importants leur permettant de financer des plans sociaux.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Avis favorable.

(L'amendement n° 11 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 9 .

La parole est à M. Michel Liebgott.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Comme je l'ai indiqué dans la discussion générale, cet amendement tend à renchérir le coût des licenciements pour les entreprises afin de les dissuader de passer à l'acte.

Je profiterai de l'occasion pour dire quelques mots de Gandrange, puisque M. le ministre l'a évoqué tout à l'heure.

Si une telle disposition avait existé, on peut penser qu'ArcelorMittal aurait changé de position. En effet, à un moment donné, une entreprise fait un calcul coûts-avantages entre fermer une entreprise en payant et la maintenir, surtout quand elle produit du bénéfice, ce qui était le cas. D'ailleurs, selon nous, Gandrange aurait pu continuer à en produire si les équipements avaient été renouvelés, s'il y avait eu une véritable politique de formation du personnel – ce qui n'a pas été le cas pendant plusieurs années – et également si des contrats farfelus n'avaient pas été passés avec des fournisseurs d'électricité étrangers, ce que nous avions dénoncé à l'époque.

Je ne mets pas en cause la politique d'ArcelorMittal. L'entreprise a su mettre à profit le plan d'ancrage territorial et le plan de revitalisation, puisqu'elle forme ses propres salariés dans le cadre de ce dernier. De la même manière, le projet de stockage-captage du CO2 ne sera réalisé que si les pouvoirs publics et les fonds européens y consacrent 400 millions d'euros. Donc, ArcelorMittal est assez intelligente pour se servir dans la caisse. Après tout, elle a raison puisque c'est dans l'intérêt de tout le monde.

Ce que je dénonce, c'est le fait que le Président de la République ait cru bon, dans ce qu'il a appelé son voyage de noces, de laisser entendre qu'il sauverait l'usine de Gandrange, ce qu'il n'a pas fait.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Avis défavorable.

Je comprends bien, monsieur Liebgott, les raisons pour lesquelles vous avez déposé cet amendement. L'idée de réclamer à une entreprise qui délocalise après avoir perçu des aides pour s'implanter le remboursement de celles-ci paraît tout à fait logique. Cette clause est d'ailleurs souvent prévue dans les conventions d'aides régionales ou locales.

Cela étant, les mots « toute aide publique » impliquent que même les aides sur les bas salaires ou les aides territoriales – en zone franche, en zone urbaine sensible ou en zone de revitalisation rurale – devront être remboursées. Cela me paraît aller un peu loin.

Cela devient du droit commun ; dès lors, j'estime que l'entreprise a le droit, comme les autres, de conserver ses aides.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

L'avis du Gouvernement est défavorable.

Mais je ne veux pas m'en tenir là, car il s'agit de l'une des situations qui choquent le plus nos concitoyens – et je suis comme eux –, celle où une entreprise ferme ses portes ou part après avoir perçu des aides publiques. N'oublions pas que, dans de nombreux cas, l'entreprise doit rembourser, par exemple lorsqu'une prime d'aménagement du territoire a été accordée en phase de création d'emplois mais que les emplois prévus n'ont pas été créés. De même, de nombreuses collectivités locales doivent faire droit aux conventions qu'elles ont conclues, donc obtenir le remboursement.

Ne laissons donc pas croire que nous versons de l'argent sans nous soucier de ce qu'il advient ensuite. La question se pose à l'État, mais aussi à nombre de collectivités locales. Et, dans bien des cas, les restitutions sont demandées. Nos concitoyens ne doivent pas penser que nous ne sommes, quelles que soient nos fonctions, que des financeurs qui n'exercent aucun droit de regard.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Je crains qu'il n'y ait une erreur sur la portée de l'amendement. Naturellement, aujourd'hui, comme l'ont rappelé M. le ministre et M. le rapporteur, les collectivités locales prévoient le remboursement de manière conventionnelle dans les cas précités. Cela se fait ou non, mais c'est une possibilité juridique.

Le présent amendement va plus loin : le remboursement doit être un préalable à l'ouverture de la procédure. Il ne s'agit pas simplement d'exiger le remboursement, comme cela se pratique parfois, mais de faire de ce remboursement – disons-le franchement – un moyen de dissuasion. « Vous avez demandé de l'argent public à l'État ou aux collectivités locales : attention, si vous faites des bénéfices, vous ne partirez pas si facilement ; avant même de lancer un plan social, vous devrez avoir remboursé. »

Les objections qui nous ont été adressées ne prenaient pas en considération cette distinction. L'amendement ne se contente pas de poser le principe du remboursement, il en fait une condition de la légalité du plan social.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur Vidalies, si la mesure est automatique, cela signifie que vous faites de l'État un créancier prioritaire. Dès lors, selon l'état de la trésorerie, le paiement des salariés peut poser un problème. Dans certains cas, cela peut parfaitement arriver.

Ce qui me gêne dans votre amendement, c'est donc que le remboursement soit à la fois préalable et automatique.

(L'amendement n° 9 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 10 .

La parole est à M. Alain Vidalies.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Je veux répondre aux arguments qui viennent de nous être opposés. Pour le paiement des salaires, il existe un autre mécanisme qui soustrait les salariés à tout risque : l'assurance garantie des salaires. Cette objection n'est donc pas valable. On peut être opposé à notre proposition de remboursement préalable, mais, pour la critiquer, il faudra trouver des arguments plus pertinents.

J'en viens à l'amendement n° 10 . Il s'agit d'une question plus complexe : que font les pouvoirs publics quand, dans une entreprise qui réalise d'importants bénéfices, le plan de licenciement est manifestement délibéré et obéit uniquement à une stratégie propre à l'entreprise, parfois incompréhensible, parfois contestable du point de vue de l'intérêt général ?

Prenons l'exemple de Molex. Plusieurs interprétations sont possibles, mais l'idée qu'une stratégie de longue haleine a permis de trouver un acheteur – une entreprise française – et d'accumuler des brevets et un savoir-faire avant de déménager le tout hors du territoire national est-elle éloignée de la vérité ? Je n'en suis pas sûr. Quoi qu'il en soit, c'est ainsi que cette affaire a été comprise, par des élus de tous bords.

Le problème, c'est que l'autorité publique est simple spectatrice. Personne ne peut rien faire ; chacun est interpellé. Une procédure est-elle possible ? Nous le pensons. En tout état de cause, monsieur le ministre, nous voilà renvoyés à la question que vous posiez tout à l'heure à juste titre : comment la puissance publique peut-elle répondre en pareil cas ? Quelle force sa parole a-t-elle ?

« Il est normal de ne rien faire, je ne peux rien faire pour vous » : il est arrivé que la réponse soit celle-là. Chacun, à gauche comme à droite, aura sa propre référence.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Mais, lorsque l'on dit aux gens que l'on ne peut rien pour eux, vient le jour où les gens vous disent à leur tour qu'ils ne peuvent rien pour vous : le rendez-vous électoral.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

C'est alors la porte ouverte à ceux qui disent n'importe quoi, par exemple qu'il suffit de sortir de l'euro.

C'est un véritable problème, pour lequel nous devons créer des procédures. On ne peut dire qu'il suffit de respecter le dispositif en vigueur : il s'agit de cas exceptionnels. Le problème est le suivant : quelles sont les possibilités d'intervention de l'autorité publique dans certains cas particuliers ? Elles ne peuvent reposer sur le seul pouvoir politique ; voilà pourquoi nous souhaitons faire intervenir le pouvoir judiciaire.

Je reconnais volontiers que le dispositif que nous proposons mérite d'être affiné. Mais, sur le principe, ces situations appellent une réponse publique forte.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Défavorable. L'amendement expose les entreprises à un risque judiciaire considérable. Aujourd'hui, pour une entreprise, être mise sous tutelle par le juge, ce n'est pas rien. Il s'agit d'une arme de dissuasion, me direz-vous. Mais de là à inscrire cette disposition dans la loi !

En outre, votre rédaction est incertaine : que désigne l'expression de « pratiques manifestement contraires à l'intérêt même de l'entreprise, menaçant […] sa pérennité » ? Quelle est la définition exacte de telles pratiques ? Je peux vous assurer que, si nous adoptions cette disposition, on consulterait toute la jurisprudence existante et que, au moindre conflit dans une entreprise, on saisirait le juge du tribunal de grande instance pour qu'il mette l'entreprise sous tutelle et vienne l'administrer à la place du chef d'entreprise. Cela ne serait guère favorable à la pérennité de l'entreprise et, surtout, à la bonne entente entre l'employeur et les salariés. Je doute que ce soit ce que vous voulez. Certes, je reconnais qu'il y a là un véritable problème ; mais je ne suis pas certain que votre amendement permette de le résoudre.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis.

N'oublions pas qu'il est aujourd'hui possible de saisir le juge en référé à propos de la procédure de concertation et du contenu du plan de sauvegarde de l'emploi. Dans votre amendement, il est manifeste que la procédure de concertation n'est pas respectée.

Je comprends votre stratégie : vous ne voterez pas le texte, mais vous défendez des amendements de manière à écrire un autre texte, qui n'a pas le même objet. C'est votre choix.

Enfin, monsieur Vidalies, je ne cherche pas à avoir raison à tout prix, mais les assurances garantie des salaires, que vous évoquiez à propos de l'amendement précédent, ne couvrent les salariés que pendant quarante-cinq jours. Qu'en est-il des salariés qui n'ont pas été payés pendant deux ou trois mois ? Dans ce cas, l'idée de faire de l'État un créancier prioritaire avant l'ouverture du plan continue de me poser un problème.

(L'amendement n° 10 n'est pas adopté.)

(L'article unique, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 6 , tendant à introduire un article additionnel après l'article unique.

La parole est à M. Thierry Benoit.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Benoit

Cet amendement devrait donner lieu à une réflexion intéressante. Il prolonge en quelque sorte le débat que nous avons eu tout à l'heure.

Il s'agit de permettre au juge d'accorder aux salariés une indemnité de licenciement supplémentaire quand l'entreprise fait des bénéfices. Lorsque, comme dans les cas que nous avons évoqués, la mauvaise foi est avérée, elle doit être punie. Il s'agit de dissuader les entreprises de licencier.

Tel est le sens de cet amendement, qui aura au moins l'intérêt d'ouvrir le débat et de permettre au rapporteur et au Gouvernement de s'exprimer sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Défavorable.

Je comprends que vous souhaitiez augmenter le montant des indemnités de licenciement dans les entreprises bénéficiaires, afin d'améliorer les conditions du plan social. Mais je ne suis pas persuadé qu'il appartienne au juge de le faire.

Au groupe centriste, nous sommes bien placés pour parler du dialogue social : chacun le sait, nous sommes favorables au dialogue social, à la négociation. Ces dispositions doivent faire l'objet de discussions entre les partenaires sociaux et être inscrites, le cas échéant, dans les conventions collectives ou dans les accords interprofessionnels.

Mais, je le répète, ce n'est pas au juge de fixer le montant de l'indemnité de licenciement d'un salarié. Vous écrivez que le juge « peut » accorder cette indemnité supplémentaire ; mais je sais d'expérience, pour avoir été juge aux prud'hommes, que ce qui est présenté comme une simple possibilité est généralement appliqué. Il le fera donc systématiquement, ce qui créera une jurisprudence constante.

À mon sens, les moyens financiers de l'entreprise devraient permettre de reclasser durablement les salariés plutôt que de leur verser une indemnité supplémentaire, malheureusement à court terme.

Je vous prie donc de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur Benoit.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis, pour les mêmes raisons.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Benoit

Je retire mon amendement.

(L'amendement n° 6 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Le groupe SRC s'abstient également !

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

Vote sur l'ensemble

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

L'ordre du jour appelle le débat sur la responsabilité sociale des acteurs économiques.

La parole est à M. Philippe Vigier.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, mes chers collègues, alors que nous sommes aux prises avec les réalités d'un monde qui change à toute vitesse, encore traumatisé par une récession brutale, la violence avec laquelle la crise a frappé l'ensemble des économies de la planète exige que nous érigions enfin le principe d'une meilleure prise en compte des règles sociales dans l'économie mondiale au rang de priorité absolue.

Une chance historique nous est donnée aujourd'hui : il nous appartient d'écrire une page nouvelle de l'histoire de la croissance mondiale. Dans une lutte effrénée à la productivité, dans une compétition mondiale marquée par le basculement du centre du monde vers l'Asie,…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

…nous nous devons de faire valoir notre détermination totale à modifier en profondeur nos comportements et à poser ensemble les fondations d'une croissance vertueuse et durable.

Chaque pas de cette démarche doit être guidé par une exigence simple : il doit y avoir un avant et un après crise.

Je tiens à saluer le mouvement de régulation et de moralisation des secteurs économiques et financiers auquel le Gouvernement français a donné une première impulsion décisive. Cependant, pour mettre définitivement fin au règne de l'argent fou, nous devons aller encore beaucoup plus loin.

Le Président de la République a placé le G20, dont la France assure actuellement la présidence, sous le signe de la réconciliation entre économie de marché et éthique de la solidarité, en indiquant que notre pays souhaitait la mise en place d'un socle de protection sociale universel.

En effet, en matière de systèmes sociaux, il existe aujourd'hui des différences trop importantes à l'intérieur même de l'Union européenne, entre pays développés, mais aussi entre les pays développés et les principales puissances émergentes et, plus encore, entre pays développés et pays sous-développés. Un socle de protection social universel est donc indispensable pour éviter la constitution de blocs qui, en s'opposant les uns aux autres, entraîneraient des déséquilibres géostratégiques majeurs.

La réponse à une crise qui a gommé les frontières géographiques ne peut être qu'internationale, globale et structurelle. Elle doit permettre d'impliquer l'ensemble des acteurs économiques pour faire enfin évoluer les mentalités vers plus de responsabilité. Dans cette perspective, le groupe Nouveau Centre a souhaité pouvoir débattre aujourd'hui de la responsabilité sociale des acteurs économiques dont la contribution est devenue indispensable pour promouvoir une économie au service de l'homme.

Pour notre groupe, une économie responsable et solidaire n'est pas inconciliable avec la performance économique de notre pays, ni même avec celle de la zone euro ; bien au contraire, elle en est plutôt un préalable.

La France, l'Union européenne et le monde ne peuvent plus rester sourds et aveugles, et ignorer le fossé qui se creuse entre l'économie et les enjeux sociaux et environnementaux qui devraient fonder sa soutenabilité.

À cet égard, la responsabilité sociale, qui recouvre l'ensemble des initiatives que peuvent prendre les entreprises pour respecter, assurer ou promouvoir les équilibres fondamentaux de notre société à un échelon local, régional ou national, a un rôle considérable à jouer. En intégrant dans leurs stratégies et leurs projets des impératifs d'ordre social qui vont au-delà de ce que prévoit le droit social en vigueur, les acteurs économiques peuvent être à l'avant-garde d'une croissance ordonnée au service du plus grand nombre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

La Chine, l'Inde, le Brésil avancent à pas de géant et nous défient dans une course haletante marquée par une compétitivité toujours plus grande et une concurrence toujours plus féroce.

Alors que plusieurs décennies seront nécessaires pour que le développement intérieur de ces pays crée de lui-même les conditions d'une concurrence plus équilibrée, devons-nous nous satisfaire d'une léthargie coupable, tant en termes économiques que sociaux, ou accompagner et anticiper ces évolutions avec lucidité et ambition ?

Je vous le dis, mes chers collègues, au sortir d'une crise qui aura bouleversé tous nos repères, et mis en lumière les limites du libéralisme aveugle, notre modèle de développement économique doit être une chance pour l'avenir de la France et de l'Union européenne.

Dans la perspective du G20, la France a d'ores et déjà exprimé sans ambiguïté qu'elle ne se résignerait pas à ce que les huit conventions de l'Organisation internationale du travail sur les droits fondamentaux du travail ne soient pas ratifiées par tous les membres du G20. Il s'agit d'une exigence sociale essentielle, mais également d'un impératif économique.

Ne soyons pas hypocrites : la mondialisation croissante de l'économie et des échanges commerciaux conduit nos entreprises à livrer une compétition à armes inégales avec leurs concurrents étrangers. L'Organisation mondiale du commerce ayant refusé de prendre en compte la dimension humaine et sociale dans l'évaluation des règles de concurrence du commerce international, les producteurs de produits et de services les moins respectueux des normes sociales bénéficient d'un avantage considérable sur l'ensemble de leurs concurrents. Cette distorsion de concurrence permanente affaiblit notre économie, alors même que, après une longue période de crise économique et financière, la France doit rapidement relever la tête pour affronter le formidable défi de la globalisation.

Il est devenu urgent d'accentuer la prise en compte par l'ensemble des acteurs du commerce mondial, au premier rang desquels figurent les entreprises, du respect des normes fondamentales édictées par l'Organisation internationale du travail. Je pense, par exemple, au non-travail des enfants, au droit à un salaire décent, à la liberté syndicale, ou encore au droit des salariés à bénéficier d'un véritable système de protection sociale.

Depuis plusieurs années, la France encourage la prise en compte de la dimension sociale au niveau international. Elle défend sa conviction selon laquelle le « travail décent », tel qu'il est défini par l'Organisation internationale du travail, constitue un premier pas vers l'affirmation universelle des droits sociaux fondamentaux, afin de sortir de l'impasse le débat sur les normes sociales du commerce.

C'est dans cette optique que, le 20 octobre 2009, le Président de la République a confié à notre collègue Yves Jégo une mission parlementaire afin de définir les contours d'une nouvelle « Marque France ». En effet, l'ancien label, « Made in France », connaît de nombreuses carences en matière de « traçabilité sociale » des produits.

La mise en place d'une véritable « traçabilité sociale » des produits et des services devra permettre à chaque consommateur de valoriser des pratiques socialement et écologiquement responsables. Chaque consommateur français est en droit de savoir si un produit a été fabriqué par des enfants ou par des travailleurs forcés. Il est donc indispensable de mettre en oeuvre une information spécifique car, à ce jour, le consommateur n'est pas en mesure d'arbitrer entre le prix d'un produit et le respect ou non des droits des salariés l'ayant conçu, fabriqué et commercialisé.

À cette fin, le groupe Nouveau Centre proposera la création d'un label intitulé « traçabilité sociale », qui garantira à l'acheteur qu'un certain nombre de normes fondamentales ont été respectées.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Tel est l'objet d'une proposition de loi portée par l'ensemble du groupe Nouveau Centre, soutenue par plus de cent députés de la majorité présidentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Elle pourra donc recueillir l'adhésion de notre assemblée au-delà des clivages partisans. Je regrette, monsieur Vidalies, monsieur Liebgott, que cette initiative n'ait pas rencontré le moindre écho favorable dans les rangs du groupe SRC. Je suis surpris que, par réflexe partisan, les socialistes, qui n'ont pourtant que le mot « social » à la bouche ne puissent pas s'associer à un texte qui a pour ambition de garantir des emplois décents pour tous et de créer les conditions d'une concurrence plus loyale entre les salariés français et les autres. Au-delà de vos effets de tribune, nous constatons que les actes ne suivent pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Vous auriez au moins pu suivre l'exemple de vos collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Pris de remords de ne pas s'être associés à notre initiative, ils ont au moins eu la bonne inspiration d'en faire un copier-coller – pas vu, pas pris – pour proposer cette mesure lors du récent débat consacré à la proposition de loi relative à l'étiquetage nutritionnel. Avec la gauche, c'est décidément chez les bons auteurs que l'on trouve les meilleures propositions !

M. Muzeau reprochait tout à l'heure au groupe Nouveau Centre de ne pas s'abstenir : il a dû oublier que la proposition de loi du groupe GDR relative à la taxe Tobin avait trouvé un écho favorable sur nos bancs, comme le président de notre groupe peut vous le confirmer.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

La proposition de loi du groupe Nouveau Centre, qui est à l'origine du débat que nous vous proposons aujourd'hui, répondra à un triple objectif.

Il s'agira d'abord d'encourager les acteurs de l'économie mondiale à adopter un comportement plus vertueux. Ensuite, cette proposition visera à améliorer l'information des consommateurs sur les produits qu'ils achètent. Ils pourront s'assurer, grâce à un label, que leur fabrication, leur production et leur distribution ne contreviennent pas au respect de normes sociales fondamentales. Enfin, ce texte a pour objectif de réduire les distorsions de concurrence entre les entreprises respectueuses du droit social et celles qui ne le sont pas, en favorisant l'achat de produits français ou européens, et de permettre à nos entreprises de conquérir de nouvelles parts de marché.

Notre assemblée s'honorerait de souscrire à ce triple objectif, qui est une priorité pour constituer le socle d'une plus grande responsabilité sociale des acteurs économiques. Ces principes essentiels recueilleront, je l'espère, un consensus. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Ameline

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la responsabilité sociale des entreprises est l'acquis majeur, voire le gène organisateur de sociétés modernes qui font des conditions sociales un facteur déterminant à la fois de la justice sociale et de la performance économique. La France s'est engagée en faveur de ce concept stratégique ; elle s'est engagée pour elle-même, fidèle à sa tradition des droits de l'homme et à sa conception d'une mondialisation plus juste et plus équitable, en Europe, où elle porte cette même exigence, et auprès des instances internationales.

Quel sens aurait en effet la croissance, si elle ne devait pas servir le développement humain ? Quel sens aurait la globalisation économique, si elle devait favoriser une croissance spéculative qui ne générerait pas d'emplois, accroître les inégalités sociales ou reposer sur le dumping social ? Promouvoir la responsabilité sociale, c'est répondre à une exigence éthique. Tel est l'intérêt de ce débat très utile qui, après l'examen de l'excellente proposition de loi que nous venons d'adopter, prend tout son sens en cette année de sortie de crise qui doit favoriser l'innovation sociale au service de l'emploi.

Je retiendrai quatre propositions. Tout d'abord, nous devons répondre en urgence au problème des salaires et des revenus du travail. À cet égard, les propositions qui ont été faites, notamment par le Président de la République, sont utiles et doivent être examinées rapidement, car le partage de la valeur ajoutée créée par les entreprises et l'économie est une des principales pistes à explorer. Dans le même ordre d'idées, j'attire votre attention, monsieur le ministre, sur les clauses sociales des marchés publics, qui permettent notamment aux entreprises spécialisées dans l'économie solidaire d'être mieux placées sur le marché de l'emploi, ainsi que sur les contrats de transition professionnelle, qui sont une solution particulièrement adaptée aux difficultés actuelles.

Ensuite, vous ne serez pas surpris que j'évoque la question de l'inégalité salariale entre hommes et femmes, qui demeure une grande injustice. Ce n'est pas qu'une femme soit volontairement discriminée par un employeur, mais, chacun l'observe, les conditions des parcours professionnels au sein de l'entreprise ne sont pas adaptées aux rythmes, aux charges et aux contraintes des femmes d'aujourd'hui. Certes, la réponse à ce problème se trouve également, et peut-être d'abord, dans une parentalité mieux assumée, mieux vécue. Mais cette réponse est-elle valable pour les milliers de femmes seules ou à la tête de familles monoparentales ? Je le dis avec une certaine gravité, car l'égalité professionnelle est également un des axes de notre sortie de crise. Elle créerait en effet un certain dynamisme, à condition que soit repensée l'organisation du travail. Celle-ci serait, c'est vrai, une véritable révolution, tant les femmes ont souvent été limitées à un salaire ou à un travail d'appoint.

Par ailleurs, vous le savez mieux que quiconque, monsieur le ministre, plus d'un million de personnes sont actuellement employés par des entreprises bénéficiant d'un label « égalité ». Ces entreprises, qui figurent parmi nos fleurons technologiques et industriels, luttent, au plan européen, afin de renforcer ce label ; je vous demande de les soutenir.

Ma dernière proposition concerne l'aide au développement et l'absolue nécessité d'intégrer, dans notre soutien aux pays pauvres, aux pays émergents ou en sortie de crise économique ou politique, le respect des engagements qu'ils ont pris en faveur des droits fondamentaux, notamment des normes sociales de l'OIT, auxquelles, dans leur immense majorité, ils ont souscrit. Pour ce faire, il nous faut d'abord veiller à l'exemplarité de nos sociétés multinationales, soutenir de manière adaptée et progressive les pays en transition économique, qui, pour la plupart, je le répète, ont signé les grandes conventions internationales, et lutter de façon déterminée contre le dumping social structurel. À ce propos, les grandes normes sociales consacrées par l'OIT pourraient être promues dans le cadre de l'effort européen en faveur de la reconstruction des pays de la rive sud de la Méditerranée, car elles sont un facteur de performance économique et de transition politique.

Monsieur le ministre, je conclurai en évoquant précisément l'OIT. Je sais votre attachement à cette grande institution et vous connaissez le mien. Il est plus que jamais nécessaire de rendre effectivement applicables dans le monde, à l'instar de celles de l'OMC, les normes de cette organisation. Le Président de la République avait évoqué cette exigence ; il est temps de donner un contenu réel à ces normes internationales et de sanctionner leur non-respect. Qu'y a-t-il de plus important aujourd'hui que de faire progresser les droits de l'homme et le travail décent dans le monde ? La responsabilité sociale doit être au coeur de la gouvernance mondiale, du G20. Il est heureux que la France porte ce message de justice et de paix. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet dont nous débattons me semble être au coeur des préoccupations actuelles de nos concitoyens, qui ont le sentiment de subir une forme de concurrence déloyale dans le cadre de la mondialisation des échanges, en raison de l'absence de règles communes à l'échelle planétaire, voire au sein de l'espace européen, comme l'a illustré l'exemple du plombier européen – je dis européen, pour ne stigmatiser aucun pays – évoqué lors de la campagne du référendum de 2005 sur le traité constitutionnel.

C'est un fait, aujourd'hui, que la production et la commercialisation des produits et services ont un impact, direct et indirect, de plus en plus grand sur l'environnement, la santé publique, les conditions sociales ou le travail des enfants. À l'origine de ce phénomène se trouve bien entendu le modèle capitaliste dominant, qui exige de produire plus et moins cher, quitte à bafouer les conditions sanitaires, à obliger à travailler plus – n'y voyez aucune allusion au slogan présidentiel : « Travailler plus pour gagner plus ! » – et dans des conditions déplorables, y compris des enfants.

Les conséquences de ce modèle se font désormais autant sentir dans les pays du sud en voie de développement que dans nos régions dites développées, qu'il affecte au plan social et écologique, handicapant autant notre présent que les générations futures. C'est tout le sens des préoccupations de développement durable, qui ont été théorisées dans le rapport Brundtland, publié en 1987 par la Commission mondiale sur l'environnement et le développement des Nations Unies.

La responsabilité sociale des entreprises n'est pas autre chose que l'application à ces dernières de ces velléités de développement durable, dont les aspects sociaux, environnementaux et économiques sont indissociables. En effet, les pays de l'Union européenne, dont la France, ne sont pas, loin s'en faut, épargnés par les conséquences dramatiques de la course aux profits à tout prix dans le cadre de la mondialisation en cours : marées noires, crise de la vache folle, délocalisations, licenciements boursiers ou scandales financiers, dont la crise de 2008 fut l'acmé. Cette crise fait aujourd'hui dangereusement vaciller des États tels que l'Irlande, la Grèce, l'Islande ou le Portugal et peut-être d'autres, demain. Cette succession d'événements, qui sont autant de micro-crises révélatrices d'un défaut systémique du modèle capitaliste, nous oblige à mener une véritable réflexion sur la manière dont nous devons fixer un cadre, acceptable et partagé par le plus grand nombre, à cette course effrénée aux profits.

Dans un contexte général de désengagement de la puissance publique, extrêmement marqué dans notre pays, avec la regrettable règle, issue de la RGPP, du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux,…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

…a émergé la demande de voir confier aux entreprises une part de la gestion du bien-être social. Certaines d'entre elles ont ainsi, d'elles-mêmes, affirmé davantage leur préoccupation sociale et environnementale, dont elles font même, parfois, une marque de fabrique ; les coopératives, les entreprises du domaine de l'économie sociale et solidaire en sont des exemples. Ces entreprises ont pu susciter, dans certains cas, une véritable dynamique locale. Néanmoins, force est de constater que la grande majorité du système de production économique ne se préoccupe guère des enjeux liés à l'environnement ou au social, ou ne s'en préoccupe que sous la contrainte.

Il faut donc désormais agir au niveau de l'ensemble des entreprises, et ne plus se contenter de soutenir uniquement de petites initiatives locales. En matière de responsabilité sociale des entreprises, il existe déjà de nombreuses certifications, notamment au niveau européen, parmi lesquelles on peut citer : le standard SA 8000, relatif aux conditions de travail, à l'interdiction du travail des enfants et du travail forcé ; la norme ISO 14001, qui mesure l'impact de l'activité d'une entreprise sur l'environnement ; la norme ISO 26000, qui concerne la responsabilité sociétale, de gouvernance et d'éthique d'une manière générale ; la SD 21000 française, publiée en mai 2003 par l'AFNOR, qui porte sur la prise en compte des enjeux du développement durable dans la stratégie et le management de l'entreprise.

Dans sa proposition de loi n° 3227 sur la traçabilité sociale, le groupe Nouveau Centre s'inscrit dans cette logique, mais souhaite aller plus loin, en instituant un marquage direct des produits afin d'informer le client des « origines sociales » de l'entreprise qui les produit, de leur donner une forme de « transparence sociale », une « carte d'identité sociale », en quelque sorte. Ainsi qu'il est indiqué dans l'exposé des motifs de ce texte, que nous examinerons peut-être prochainement, « il convient de mettre en oeuvre une information spécifique du consommateur français qui à ce jour, lorsqu'il effectue un achat, n'est pas en mesure d'arbitrer entre le prix d'un produit, et le respect ou non des droits des salariés ayant conçu, fabriqué et commercialisé ce même produit ».

On ne peut que souscrire à cette initiative visant à créer un label ad hoc qui garantirait au consommateur français que différentes normes fondamentales ont été respectées dans l'élaboration d'un produit, notamment le non-travail des enfants, un salaire décent, un système de protection sociale, un système de retraite ou la liberté syndicale. Toutefois, cette proposition de loi me paraît quelque peu paradoxale, à l'heure où les normes sociales, au sein de l'espace européen, souvent paré de toutes les vertus, ont tendance à s'effriter depuis plusieurs années, tout particulièrement en France, où, depuis 2002, plusieurs lois votées par les majorités de droite successives sont venues grignoter les acquis sociaux ou ont engagé le pays et ses entreprises dans une voie sociale minimaliste, qui plus est économiquement injuste et inefficace. Avant de faire la leçon aux autres, regardons ce que nous faisons, nous, et les régressions dont nous sommes responsables.

En voilà quelques exemples – il serait trop long d'en dresser la liste exhaustive. Tout d'abord, les 35 heures. Celles-ci n'existent plus dans les faits, puisque le Gouvernement les détricote texte après texte. Pis, il exonère fiscalement les heures supplémentaires, ce qui a contribué à détruire des emplois et certainement pas à augmenter le pouvoir d'achat des Français – tout le monde, à part le Gouvernement, en convient aujourd'hui. Cette détaxation des heures supplémentaires est une mesure unique au monde, critiquée par tous les économistes.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Comme les 35 heures !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Vous ne les remettez pas en cause pour autant.

Si nous revenons au pouvoir en 2012, nous supprimerons cette mesure – seule survivance de la loi TEPA, c'est dire s'il est loin le temps où les textes proposés par le Président de la République faisaient l'unanimité – qui continue de coûter environ 4 milliards d'euros au contribuable chaque année, estimant préférable de créer 300 000 emplois d'avenir.

Par ailleurs, les tentatives de création de contrats à statuts spéciaux participent également de cet effritement des acquis sociaux. L'épisode du Contrat première embauche est révélateur, à cet égard. Bien qu'avorté, ce projet fut un point de départ ; il a fait des petits, par la suite. Rappelons que ce contrat de travail était assorti d'une période de consolidation de deux ans, durant laquelle l'employeur pouvait le rompre sans motif, ce qui aurait immanquablement facilité les licenciements abusifs et la précarité. Heureusement, la mobilisation populaire et estudiantine a permis d'éviter le pire.

Ces dernières années ont également été marquées par le développement des contrats précaires et des temps partiels subis. Dans notre pays, 5,5 % des actifs sont désormais employés à temps partiel alors qu'ils souhaiteraient travailler davantage, ce qui représente tout de même 1,25 million de personnes – dont 75 % de femmes. De surcroît, la part de personnes en sous-emploi est très supérieure au sein des populations les moins qualifiées, qui occupent les postes les plus précaires, notamment dans les secteurs du nettoyage ou de la distribution. Comment mesurer la traçabilité sociale de telles situations ? La grève des caissières de Carrefour, le week-end dernier, est une illustration, parmi d'autres, du recul et du malaise dans ce domaine.

Que dire encore de la réforme des retraites de 2010, injuste socialement et financièrement, notamment en son volet relatif à la pénibilité…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

…même si une très légère évolution a eu lieu à la suite de pressions exercées par les uns et les autres.

J'observe par ailleurs que le pouvoir d'achat des Français est tellement en berne que l'on peut craindre que nos compatriotes ne soient pas trop regardants quant à la traçabilité sociale des produits qu'ils achètent. Pour acheter de bons produits, encore faut-il en avoir les moyens – je pense notamment aux produits bio. Certains n'y prêtent aucune attention, et ce n'est pas la prime de 1 000 euros qu'on leur promet qui y changera quelque chose !

Ceci pose, en conséquence, la question de l'autorisation de commercialisation de certains produits, plus que de leur labellisation sociale. C'est un sujet éminemment complexe, car on touche là aux règles de la concurrence dans l'espace européen, à l'instauration éventuelle d'une taxe aux frontières de l'Union européenne, mais également à la régulation de l'économie et du commerce mondial – autant de sujets que l'on ne peut que renvoyer à l'ordre du jour du prochain G20.

Debut de section - PermalienPhoto de Anny Poursinoff

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de m'exprimer sur un sujet qui mérite effectivement un débat.

Qu'entendez-vous exactement par « responsabilité sociale des acteurs économiques » ? Pour ma part, je préférerais que nous abordions ce débat sous l'angle de la responsabilité sociétale des acteurs économiques. En effet, c'est bien une responsabilité globale qu'il faut dessiner, une responsabilité prenant en compte les aspects sociaux, environnementaux, sanitaires et démocratiques des activités économiques. Or la compétitivité sert aujourd'hui de prétexte au MEDEF et au Gouvernement pour faire des économies et diminuer les droits sociaux, même dans les activités qui ne sont pas délocalisables, comme les soins ou la restauration !

Je ne vais pas vous faire un cours d'écologie politique, même si la plupart de mes collègues, je n'en doute pas, connaissent les oeuvres d'André Gorz. Je rappellerai simplement que les écologistes envisagent les activités économiques dans leur ensemble, avec leurs répercussions tout au long de la chaîne de production, leurs conséquences sur la société où elles s'exercent et leurs effets sur la santé de la planète et de ses habitants.

La question de la gouvernance ne doit pas non plus être éludée. Plus de démocratie dans l'entreprise, c'est aussi moins de risques d'une financiarisation à outrance, de ce que d'autres ont pu appeler la « dictature de l'actionnariat ». Redonner du sens au travail, c'est aussi reconnaître qu'une entreprise appartient d'abord à celles et ceux qui y travaillent et la font vivre, et non à ceux qui la pressurent pour en tirer des profits immédiats et sans avenir.

Depuis le xixe siècle, avec l'économie sociale et solidaire, les salariés ont inventé des formes autonomes pour prendre eux-mêmes en charge les services à la personne et à la communauté : l'association, la coopérative, la mutuelle. Face au capitalisme et à l'État en crise, c'est aussi dans ces formes d'association qu'il faut chercher la création, le maintien et la transmission d'activités économiques au service de tous et non délocalisables. Leur activité n'a pas pour but de faire du profit, mais bien de tisser du lien et de créer des activités utiles socialement, contrairement aux banques qui n'investissent plus pour développer des initiatives économiques, mais pour réaliser des profits le plus rapidement possible !

Qu'en est-il de la responsabilité des acteurs bancaires et de celle des États ? Quelques mois après la crise spéculative qui a dévasté l'économie, quelles mesures ont été prises pour empêcher la spéculation ? Il ne suffit pas de faire de beaux discours à la tribune du G20 : il faut responsabiliser, par la contrainte, ceux qui ont montré leur irresponsabilité. Il ne s'agit pas de morale, mais d'éthique, une éthique qui implique de plafonner les très hauts salaires, de taxer les flux financiers, de combattre la spéculation et la corruption.

Face à la montée du chômage et des inégalités, la responsabilité de tous est engagée. Il faut également s'interroger sur une société où le mal-être au travail est grandissant, où les suicides s'enchaînent dans certaines entreprises, où les maladies professionnelles sont trop souvent sous-estimées et mal prises en compte. Les exemples sont malheureusement trop nombreux : hier, les victimes de l'amiante, aujourd'hui, les salariés turcs qui meurent de silicose après avoir blanchi des jeans pour l'industrie du prêt-à-porter.

Et qu'en est-il de la responsabilité des acteurs économiques dans l'avancée de l'égalité entre les femmes et les hommes ? Qu'il s'agisse du plafond de verre, des temps partiels subis, des départs à la retraite retardés, des CDD qui s'enchaînent, on le voit bien dans tous les secteurs, la bonne volonté et les déclarations d'intention ne suffisent pas.

L'article 225 de la loi Grenelle 2 prévoit que le rapport annuel des entreprises comporte des informations sur les « conséquences sociales et environnementales » de leurs activités, ainsi que les engagements sociétaux « en faveur du développement durable ». On pourrait s'en féliciter si l'esprit de la loi était respecté et mis en oeuvre. Or le décret d'application ne sera fidèle à la loi que si le Gouvernement s'abstient, pour une fois, d'écouter les sirènes de celles et ceux qui promettent des engagements volontaires, mais refusent les règlements contraignants.

On l'a vu au sujet de la publicité agroalimentaire à destination des enfants, on le verra tout à l'heure au sujet des perturbateurs endocriniens : la bonne volonté ne suffit pas. Il faut des obligations, il faut mesurer, il faut rendre des comptes ; il faut pouvoir comparer, dans le temps, pour la même entreprise, ou entre entreprises d'un même secteur ; il faut encourager les bonnes pratiques et conditionner les aides pour les développer ; enfin, il faut aussi pouvoir sanctionner.

Le réchauffement climatique, la destruction de l'environnement, les conséquences des pollutions sur la santé sont des sujets trop graves pour que l'on s'en défasse en se contentant de verdir l'extérieur sans profondément réformer l'intérieur.

Quant au respect des droits sociaux, des droits syndicaux, des droits humains, que dire de ces entreprises qui se montrent vertueuses en France, mais qui sous-traitent et délocalisent non seulement leurs productions, mais aussi les violations du droit du travail ? Les sociétés mères doivent être responsables des activités de l'ensemble des composantes de leur groupe, filiales, succursales, sous-traitants.

Les victimes d'accidents industriels causés par des activités dont la société mère se trouve en Europe doivent pouvoir se tourner vers les juridictions européennes et françaises pour faire valoir leurs droits à indemnisation, même lorsque ces accidents se sont produits hors d'Europe. Si demain, par exemple, un accident nucléaire se produit dans la future centrale EPR de Jaitapur, en Inde, qui se trouve dans une zone sismique, les constructeurs européens doivent pouvoir être tenus pour responsables et assurer une indemnisation correcte aux victimes. C'est ce que prévoit la loi indienne, cette loi que le Président de la République française s'est permis de critiquer lorsqu'il s'est rendu en visite en Inde en décembre dernier. Car la France aime à exporter des centrales nucléaires, mais elle n'est pas prête à en assumer les risques. Voilà encore un exemple de l'hypocrisie de ce gouvernement qui parle d'environnement et de moralisation de l'économie, mais qui sabre le Grenelle et ne fait rien pour réguler la spéculation financière !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Allons ! tout ce qui est excessif est méprisable !

Debut de section - PermalienPhoto de Anny Poursinoff

Manifestement, mes propos vous gênent.

Il est temps de réinvestir la responsabilité sociale des États. Les entreprises françaises, à l'instar de leurs consoeurs suédoises ou allemandes, peuvent s'impliquer plus activement dans la mise en oeuvre de bonnes pratiques. Ce serait un atout pour cette fameuse compétitivité de l'industrie française, qui a déjà pris un retard considérable, faute d'avoir su s'adapter aux grands défis du changement climatique.

Regardons l'industrie automobile, dont les salariés paient aujourd'hui le manque de vision et d'adaptation de leurs dirigeants, qui n'ont pas su envisager assez tôt la reconversion de leurs activités. Regardons l'agriculture française, en crise profonde, alors que la demande en agriculture biologique explose et que nous sommes contraints d'importer. Les acteurs économiques ont la responsabilité sociale de ne pas rater l'adaptation au changement climatique. Car l'emploi – je parle d'emplois de qualité, non délocalisables – est à la clé.

Il faudrait aussi établir, à côté de la comptabilité économique, une véritable comptabilité sociale et environnementale, pour retrancher la valeur ajoutée négative du bénéfice net économique. Il est temps, également, de généraliser d'autres systèmes d'analyse et de référence. Le bien-être d'une société ne se mesure pas qu'en produit intérieur brut ou en chiffres de croissance, loin s'en faut. L'éducation, la santé, l'accès à la culture, la solidarité entre les générations, voilà ce qui permet de faire société, pas le CAC 40 !

A-t-on bien pris la mesure des enjeux qui nous attendent ? La catastrophe nucléaire au Japon ajoute à la crise systémique qui secoue le monde. Face aux enjeux du réchauffement climatique et de la solidarité, il est temps de changer de vision. Au Danemark comme au Pays-Bas, au début des années 1980, les partenaires sociaux et les politiques ont été capables de travailler ensemble pendant plusieurs mois, jusqu'à construire un nouveau contrat social. En France, ce genre de dialogue de longue durée et de grande qualité n'a encore jamais eu lieu.

Je le répète, il est urgent de construire, de façon très concrète, un autre modèle de développement permettant de répondre simultanément à la crise écologique et à la crise sociale. Face à ce défi, la responsabilité des acteurs économiques et notre responsabilité politique sont immenses.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, il est important que nous ayons ce débat sur la responsabilité sociale dans le contexte actuel d'après-crise – car c'est un fait, nous ne sommes plus au coeur de la crise, même si j'ai bien conscience que, pour nos concitoyens, on ne pourra véritablement parler d'après-crise que lorsque le chômage aura nettement et durablement reculé. La crise économique mondiale a changé beaucoup de choses. Ainsi, elle nous a montré que nous devions, plus que jamais, mettre ce sujet au coeur de nos réflexions, au plan international, notamment européen, comme au plan national.

Au plan international, ce thème fait partie des priorités de la présidence française du G20. Comme le Président de la République l'a rappelé devant l'OIT en 2009, nos concitoyens attendent que nous prenions désormais en compte la dimension sociale de la mondialisation. Nous ne devons pas seulement nous intéresser aux enjeux économiques et financiers, mais aussi réfléchir aux questions de travail, d'emploi et de développement durable. Nous allons donc mener une réflexion sur la cohérence entre nos différentes politiques, comme le respect effectif des droits fondamentaux du travail, le commerce mondial et l'aide au développement – autant de sujets évoqués tout à l'heure par Philippe Vigier.

Au plan national aussi, il est important de placer ce sujet au coeur de nos préoccupations. Ma mission, en tant que ministre du travail, de l'emploi et de la santé, est de contribuer à rebâtir la confiance entre l'entreprise et le monde, entre les salariés et les employeurs, et je pense que la responsabilité sociale est l'un des éléments de cette confiance sans laquelle on ne peut rien bâtir.

Les entreprises ont, elles aussi, tout intérêt à adopter des stratégies de responsabilité sociale, parce que le développement social et environnemental peut leur permettre d'améliorer leur performance économique au bénéfice de l'emploi, mais surtout d'établir une relation particulière avec leurs salariés. Le principal capital n'est financier qu'aux yeux de certains. Je considère, pour ma part, qu'il est avant tout humain. Voilà pourquoi mon ministère a engagé un certain nombre d'actions pour encourager la responsabilité sociale des entreprises.

Je pense à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes – Nicole Ameline a constitué un exemple dans ce domaine, par les fonctions ministérielles qu'elle a occupées – et, d'une manière générale, à toutes les actions visant à permettre à chacun d'accéder aux responsabilités qu'il mérite, en matière d'emploi des jeunes, des seniors ou des personnes handicapées.

Je pense aussi aux mesures en faveur de la qualité de vie au travail. À mon avis, travailler plus, faire travailler plus de monde, est toujours un objectif, mais la qualité de vie au travail est tout aussi indispensable.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Cela passe par la lutte contre le stress, la prévention des maladies professionnelles, l'encouragement de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, la lutte contre les discriminations – bref, tout ce qui vise à mieux associer les salariés à la vie de l'entreprise et aux décisions qui y sont prises.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

D'autres mesures entreront prochainement en vigueur, telles que l'incitation à la négociation collective sur l'égalité professionnelle ou la pénibilité.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

J'ai aussi confié une mission à Sophie de Menthon, présidente d'ETHIC, afin qu'elle me propose des outils pour convaincre les chefs d'entreprise de s'engager dans une démarche de responsabilité sociétale – quelle que soit la taille de leur entreprise.

Vous le savez, il existe déjà, en ce domaine, un certain nombre de labels et de normes, des outils de valorisation des bonnes pratiques, ou encore des obligations d'information portant sur différents aspects de la responsabilité sociale. Cela a d'ailleurs fait partie des engagements pris lors du Grenelle de l'environnement.

Il est certain, toutefois, que le maquis constitué par les différents dispositifs gagnerait à être simplifié. Je tiens donc à saluer l'initiative de Philippe Vigier, qui a déposé une proposition de loi visant à l'instauration d'un label « traçabilité sociale ». Il est important que nous puissions mieux informer les consommateurs. De la même façon, il faut récompenser et valoriser les entreprises respectueuses des normes sociales et environnementales. Je sais que certains partenaires sociaux y sont particulièrement attachés. Je pense à la CFTC,…

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

…et tout particulièrement à M. Thouvenel, qui s'est beaucoup investi dans ce dossier.

L'idée de cette proposition de loi est de donner davantage de visibilité à nos concitoyens en ce domaine. Certes, nous ne sommes pas ici aujourd'hui pour l'examiner, mais je voudrais entrer un peu dans le détail. Ce texte semble, il est vrai, complémentaire des dispositifs existants, qui sont très axés sur la dimension environnementale. Il est tout aussi exact qu'il vise à ajouter un élément à une liste déjà importante de labels et de normes. Mais il tend à créer une forme de label qui est, d'une certaine façon, inédite dans le secteur de la consommation. Aux yeux de certains, l'encadrement de ce label par voie législative ou réglementaire peut d'ailleurs s'apparenter à un obstacle non tarifaire aux échanges.

Je n'oublie pas non plus – je le dis en particulier à Philippe Vigier – que la mise en oeuvre d'un tel label peut se heurter à des difficultés opérationnelles. Ainsi, ce label porte sur des produits, et non sur les entreprises qui les élaborent, ce qui, d'après certains, va compliquer les choses, voire entraîner des surcoûts. De plus, la chaîne des contrôles sera au moins aussi longue que la chaîne de production. Dans ces conditions, le contrôle ne sera-t-il pas que documentaire ?

Il ne s'agit pas de rejeter l'idée, mais de bien mesurer les difficultés que nous pouvons rencontrer en nous engageant dans cette voie, car je pense que nous devons le faire et avancer dans cette direction. Voilà pourquoi je pense que la proposition de label « traçabilité sociale » n'est pas à rejeter.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Le faire serait une erreur. Nous devons engager un travail de réflexion approfondi. Si vous le souhaitez, les parlementaires y seront associés, ainsi que l'ensemble des ministères concernés – écologie, consommation et travail.

D'ores et déjà, je vous soumets une idée, que vous jugerez peut-être pertinente : pourquoi ne pas travailler à partir d'une expérimentation dans un secteur d'activité, par exemple celui du jouet ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

À vous d'y réfléchir, à vous de prendre l'initiative, comme vous l'avez déjà fait. Nous sommes là dans un domaine qui n'est pas seulement social : c'est bien une question sociétale. Au-delà des réflexes partisans qui ont pu jouer à propos des 35 heures ou des retraites, un tel sujet peut échapper à la polémique et nous permettre de montrer que nous savons davantage réconcilier et rassembler. Il s'agit véritablement d'éthique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Yvan Lachaud et plusieurs de ses collègues visant à interdire l'utilisation des phtalates, des parabènes et des alkylphénols (nos 2738 et 3306).

La parole est à M. Yvan Lachaud, rapporteur de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, mes chers collègues, le sujet que nous abordons pourrait devenir un élément majeur du débat sur la santé publique dans les années ou les décennies à venir. Il concerne la toxicité des substances chimique contenues dans des produits de la vie quotidienne, dont certains effets, et singulièrement celui du perturbateur du système endocrinien, sont encore peu ou pas connus, et sont en tout cas à l'heure actuelle insuffisamment étudiés et documentés pour ne pas être considérés comme préoccupants.

Si la commission des affaires sociales a fait le choix de rejeter cette proposition de loi visant à interdire l'utilisation des phtalates, des parabènes et des alkylphénols, notamment en raison du champ très large de cette interdiction, tous les groupes politiques présents ont reconnu la nécessité de débattre de ces questions et de cerner clairement les enjeux de santé publique qui leur sont liés.

L'état des connaissances et de la réglementation est en train d'évoluer depuis plusieurs années déjà : des interdictions, totales ou partielles, de certaines substances dans des produits spécifiques ou destinés à des publics particuliers ont été prises. Il s'agit par exemple des phtalates dans les jouets ou, plus récemment, du bisphénol A dans les biberons. L'adoption du règlement REACH au niveau européen a également permis de changer d'approche sur ces sujets en édictant des listes de substances interdites, dont trois phtalates : le DEHP, le DBP et le BBP – je vous ferai grâce des noms complets – seront interdits à partir de 2015. Les fabricants ont jusqu'au 1er janvier 2013 pour opter pour des substituts ou demander des autorisations temporaires pour des usages spécifiques.

Cela n'empêche pas de s'interroger. Ainsi, l'agence environnementale danoise, très en pointe sur la question des perturbateurs endocriniens et la prévention des risques chimiques, a récemment saisi la Commission européenne sur la question des fournitures scolaires contenant des phtalates en grand nombre. Vous n'ignorez pas qu'il arrive aux écoliers de mâchouiller leurs gommes – nous l'avons tous fait. (Sourires.) Or elles contiennent de nombreux phtalates. Sans doute les industriels expliqueront-ils que le risque doit être appréhendé dans des « conditions normales d'utilisation ». Encore faut-il être conscient ou informé de ce qui est normal ou pas, de ce qui est dangereux ou pas.

Les scientifiques, quant à eux, diront que, traditionnellement, c'est la dose qui fait le poison. Les comités scientifiques européens n'ont d'ailleurs, en l'occurrence, pas conclu à l'existence d'un risque eu égard aux doses concernées, mais ce risque est-il aujourd'hui correctement appréhendé ? Hélas, trop d'exemples récents prouvent le contraire.

Comme me l'a confirmé le directeur général de l'Agence de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, la question des perturbateurs endocriniens bouleverse les catégories et les référentiels utilisés jusqu'à présent par les scientifiques. Leur méthode d'action sur le système hormonal pourrait en effet remettre en cause la technique traditionnelle consistant à définir une dose journalière admissible. Car, outre le fait que celle-ci laisse de côté l'existence d'éventuels effets cocktail entre substances chimiques, elle ne permet pas non plus de prendre en compte les effets à faible dose qui, à certaines époques de la vie, peuvent s'avérer plus nocifs que des doses plus élevées.

Il semblerait ainsi que le premier trimestre de la grossesse soit une période particulièrement sensible aux perturbateurs endocriniens. M. Gérard Bapt l'a évoqué en commission avec le cas du distilbène ; il est également démontré que l'exposition, lors de certaines périodes du développement, peut avoir des conséquences non seulement sur les personnes concernées et sur leur descendance, mais également sur la génération suivante.

Enfin, s'agissant des voies de contamination possibles, si les études sur les risques liés à l'ingestion sont aujourd'hui bien documentées, d'autres voies restent encore inexplorées, comme l'inhalation, que ce soit dans l'air ambiant ou par le biais de poussières.

Que pouvons-nous faire aujourd'hui ? De nombreuses études sont en cours. L'ensemble de nos agences de sécurité sanitaire est mobilisé, ainsi que l'INSERM, mais, de l'aveu même des experts que j'ai rencontrés, les recherches et les débats scientifiques vont prendre de décennies.

Le recensement, sous l'égide de l'INSERM, de la littérature existante, dont nous pouvons avoir un aperçu dans le rapport d'étape déposé par le Gouvernement sur le bureau de l'Assemblée en mars dernier, ne permet pas de disposer de conclusions cohérentes ou convergentes en la matière.

Il y a donc deux solutions possibles : attendre ou prendre les devants. Avec la présente proposition de loi, le groupe Nouveau Centre fait clairement le choix d'une action préventive, dans la droite ligne de l'initiative prise l'an passé par le Parlement afin d'interdire la présence de bisphénol A dans les plastiques alimentaires, qui a abouti à la loi du 30 juin 2010 suspendant la fabrication et la commercialisation de biberons produits à base de bisphénol A, jusqu'à ce qu'une nouvelle expertise de l'ANSES autorise de nouveau ces opérations.

Cette initiative parlementaire est exemplaire, car elle a contribué à faire évoluer le débat au niveau européen. Une nouvelle directive, en date du 28 janvier 2011, est en effet venue modifier la directive de 2002 relative aux matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec les aliments.

Tout comme le texte français, cette nouvelle directive interdit provisoirement l'utilisation du bisphénol A dans les biberons en plastique jusqu'à ce que l'on dispose de données scientifiques complémentaires. C'est exactement le même genre de démarche que vise à inaugurer la présente proposition de loi, qui distingue pour sa part trois familles de produits.

Les phtalates, tout d'abord, servent essentiellement de plastifiants dans le PVC, les vernis, les colles, les laques, l'encre et le caoutchouc, mais ils sont aussi présents dans une multitude d'autres produits dont nous nous servons quotidiennement.

Les parabènes, ensuite, sont des conservateurs que l'on retrouve dans les produits cosmétiques, mais également dans les aliments, les médicaments et les produits du tabac.

Les alkylphénols, enfin, sont les principaux agents actifs des détergents et désinfectants industriels, ménagers ou médicaux.

Classées cancérigènes mutagènes ou toxiques pour la reproduction de catégorie un à trois, certaines de ces substances suscitent aujourd'hui de nombreuses interrogations quant à leurs effets sur notre organisme, notamment leur action en tant que perturbateurs du système endocrinien.

L'objectif de cette proposition de loi du Nouveau Centre est donc d'interdire l'utilisation de ces substances chimiques par précaution.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Comme je l'ai indiqué en commission, le champ de cette proposition de loi est volontairement large pour susciter le débat – c'est encore notre objectif aujourd'hui –, mais, comme je l'ai reconnu moi-même, son dispositif serait difficilement applicable en l'état. Comme je l'avais annoncé, j'ai continué à travailler sur ces questions afin de pouvoir proposer un dispositif opérationnel. C'est l'objet de l'amendement que j'ai déposé, qui vise tout d'abord à réduire le champ de cette proposition de loi en la concentrant sur deux substances : le butyl- et le propylparabène.

En effet, si la question des phtalates a bien été prise en compte dans le cadre du règlement REACH, et si les alkylphénols font l'objet de nombreuses restrictions quant à leur concentration en raison de leur toxicité et de leur bio-persistance dans l'environnement, il n'en va pas de même des parabènes.

Or la présence de ces substances dans les produits cosmétiques destinés aux nourrissons et aux enfants de moins de trois ans – alors même que nous savons qu'il existe des substituts – a été mise en cause à plusieurs reprises. Une enquête menée en 2008 et 2009 par des agences a ainsi pu mettre en évidence l'absence d'évaluation spécifique de la présence de ces substances dans les produits cosmétiques destinés aux enfants.

De son côté, le Danemark vient de décider de suspendre la mise sur le marché des produits cosmétiques contenant du butylparabène et du propylparabène destinés aux enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Face à l'impossibilité pour l'industrie des cosmétiques de prouver que ces substances ne sont pas susceptibles de perturber le système endocrinien, le gouvernement danois a fait le choix de limiter l'exposition des enfants.

Parallèlement, au niveau européen, le Comité scientifique des produits de consommation a adopté au mois de décembre un avis sur la présence de parabènes dans les produits cosmétiques, appelant la Commission européenne à réviser la liste des conservateurs autorisés dans les produits cosmétiques figurant à l'annexe 6 de la directive. Le comité souligne notamment l'insuffisance des connaissances scientifiques sur les effets en matière de perturbation du système endocrinien générés par l'exposition au propyl- et au butylparabène.

L'amendement que je vous soumettrai tout à l'heure vise donc à mettre en oeuvre, à l'instar de ce qui a été fait au Danemark, une mesure conservatoire interdisant provisoirement l'utilisation des deux substances citées.

Au-delà de l'aspect sanitaire de cette mesure, je tiens à rappeler, d'un point de vue économique, qu'il existe évidemment sur le marché des substituts aux parabènes, auxquels les industriels pourraient recourir.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Enfin, d'un point de vue juridique, cet amendement s'inscrit pleinement dans le dispositif de sauvegarde prévu par la directive sur les produits cosmétiques et ne devrait en conséquence causer aucune difficulté.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir adopter cet amendement, ainsi que la proposition de loi ainsi modifiée, afin d'envoyer un signal fort aux chercheurs et aux industriels, mais également aux consommateurs et à nos concitoyens. Alertés par de multiples sources d'informations, inquiets – ce matin encore des chercheurs m'ont appelé sur ce sujet –, et, il le faut dire, désormais méfiants vis-à-vis des décisions publiques qui sont prises en matière de sécurité sanitaire, les Français doivent être rassurés.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Ils attendent de la nation qu'elle les protège effectivement et préventivement. Il nous appartient d'agir en ce sens. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Monsieur le ministre, souhaitez-vous prendre la parole maintenant ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, monsieur le président, j'aimerais attendre les interventions des autres orateurs avant d'exprimer la position du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Je voulais simplement donner le sentiment de la commission des affaires sociales. Telle qu'elle était écrite à l'origine, la proposition de loi nous apparaissait difficilement applicable.

Je remercie le rapporteur, qui a parfaitement raison sur ce point, d'avoir dit qu'il fallait susciter le débat et approfondir la question. Il faut bien sûr consulter les industriels, car il y aura des conséquences industrielles ; il faut aussi envisager la question du point de vue européen et disposer d'une analyse des conséquences juridiques de ce texte.

Je remercie Yvan Lachaud d'avoir bien voulu faire évoluer sa proposition de loi et j'insiste auprès du Gouvernement sur l'absolue nécessité d'avoir, sur ces problèmes qui inquiètent, des analyses nous permettant d'aller plus vite à l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Là, monsieur le président de la commission, c'est bien ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Dans la discussion générale, la parole est à M. Francis Hillmeyer.

Mes chers collègues, je vous prie de respecter les temps de parole qui vous ont été attribués. Si vous pouviez même être plus concis, cela n'en serait que mieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de sa journée d'initiative parlementaire, le groupe Nouveau Centre a souhaité inscrire à l'ordre du jour une proposition de loi visant à interdire l'utilisation des phtalates, des parabènes et des alkylphénols. Au regard des différents enjeux de santé publique que soulève l'utilisation de ces produits, il nous a semblé responsable de permettre à la représentation nationale de s'exprimer sur ce sujet qui fait l'objet de tant de controverses et qui soulève tant d'inquiétudes chez nos concitoyens. Au nom du principe de précaution, il nous semble important que des mises en gardes soient formulées quant à l'utilisation de ces produits.

Ces substances sont effet présentes dans de nombreux produits industriels de consommation courante : produits ménagers, cosmétiques, emballages alimentaires, biberons et autres. Or de nombreuses études tendent aujourd'hui à démontrer la responsabilité de ces substances chimiques dans le développement de certaines maladies, ainsi que dans la perturbation du système endocrinien chez l'être humain : baisse de fertilité masculine, multiplication des cancers des testicules, malformations congénitales, incidences sur le développement prénatal de l'embryon et du foetus.

C'est moins la dose de parabènes ou de phtalates qui est en cause que leur accumulation dans l'organisme. À titre d'exemple, les phtalates sont présents partout, à des niveaux différents, dans notre environnement quotidien et l'exposition est souvent difficile à évaluer puisqu'elle peut se produire à la fois par inhalation, par contact ou par ingestion, en raison de la multiplicité des sources potentielles et des situations.

C'est bien parce que l'on ne peut mesurer précisément les doses absorbées par inhalation, par contact ou par ingestion que je demande, à travers cette proposition de loi, l'interdiction de ces substances chimiques, au nom du principe de précaution. Comme le soulignait la Cour de justice des Communautés européennes dans sa définition du principe de précaution, il est des sujets, comme la santé humaine ou l'environnement, où l'on ne peut se contenter d'attendre des preuves avérées du risque encouru pour agir. À l'heure actuelle, compte tenu de l'état des connaissances scientifiques et techniques, l'absence de certitudes ne doit pas retarder la prise en considération des risques liés à l'utilisation de ces substances chimiques.

En juin dernier, notre assemblée avait déjà eu l'occasion de se pencher sur une proposition de loi sénatoriale concernant la suspension de la commercialisation de biberons produits à base de bisphénol A. La loi, adoptée le 30 juin 2010, a été suivie d'une nouvelle directive européenne, en date du 28 janvier 2011, qui a modifié la réglementation relative aux matériaux et objets en matière plastique entrant en contact avec les aliments.

Cette directive vise à interdire l'utilisation du bisphénol A dans les biberons en plastique jusqu'à ce que l'on dispose de données scientifiques complémentaires confirmant les effets toxiques de cette substance. Cette interdiction est effective pour tous les États membres de l'Union européenne depuis le 1er mars.

Les chercheurs français ont publié, en mars, des travaux concluant que le bisphénol A a une action sur l'oreille interne pendant le développement embryonnaire et qu'il se fixe également sur les récepteurs oestrogènes. Avant même le vote de la loi, cette publication prouve bien l'utilité du principe de précaution dès que des soupçons se présentent.

Au niveau européen, trois phtalates font déjà l'objet d'une interdiction à terme dans le cadre du règlement REACH, les fabricants devant obtenir, jusqu'en 2013, une autorisation spécifique pour continuer à les utiliser.

Le Parlement français a le droit, et même le devoir, de s'inscrire dans cette démarche en adoptant des mesures de suspension et en s'intéressant à la question de la substitution des produits. Notre assemblée se doit d'engager, dès maintenant, une réflexion générale sur l'utilisation de ces substances chimiques, une réglementation parcellaire n'étant pas acceptable en ce qui concerne la santé de nos concitoyens.

La présente proposition de loi ne remet évidemment pas en cause le travail accompli tant par nos agences sanitaires, notamment l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail et l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, que par l'Agence européenne de sécurité sanitaire. Le Gouvernement a depuis longtemps chargé les premières de se pencher, chacune dans son champ de compétence, sur le rôle des perturbateurs endocriniens, mais cette proposition de loi doit être l'occasion de lancer un véritable débat de santé publique autour de l'utilisation de substances chimiques, et particulièrement des phtalates, des parabènes et des alkylphénols.

Ce sont les principes essentiels qui ont, je crois, animé cette proposition de loi que notre rapporteur, dans un esprit de compromis et afin de protéger les populations les plus fragiles, a souhaité préciser en demandant la suspension de l'usage des parabènes sur lesquels pèsent le plus de doutes dans les produits cosmétiques pour les enfants.

En effet, alors même que les phtalates, nous l'avons vu précédemment, ont été pris en compte dans le cadre de REACH, des incertitudes demeurent sur l'utilisation des parabènes, sur leur effet sur la santé et notamment le butyl, le propyl et le parabène. En atteste l'avis sur la présence de parabènes dans les produits cosmétiques adopté par le comité scientifique européen des produits de consommation, qui appelle la Commission européenne à reconsidérer la liste des conservateurs autorisés dans les cosmétiques en raison des connaissances scientifiques insuffisantes et des effets potentiels de perturbation du système endocrinien.

Face à ces incertitudes, il est du devoir des responsables politiques que nous sommes de prendre des mesures visant à interdire provisoirement l'utilisation de ces produits pour nos enfants, qui constituent les populations les plus sensibles aux risques. C'est précisément, mes chers collègues, ce à quoi vous engage le Nouveau Centre, qui espère que cet esprit de responsabilité guidera votre vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui prévoit une interdiction totale de la fabrication, de l'importation, de la vente et de l'offre de produits contenant des phtalates, des parabènes ou des alkylphénols.

Ce texte est séduisant et une interdiction totale, par précaution, pour protéger la santé de nos concitoyens de tout produit potentiellement perturbant, voire dangereux, peut sembler une solution idéale. Mais, avant d'interdire, il faut toujours mesurer les avantages réels en termes de santé et connaître la solution de substitution adéquate. Or il me semble que le bilan de cette suppression totale pourrait être, dans un premier temps, négatif.

Le Gouvernement et la majorité, en conformité d'ailleurs avec la législation européenne, ont d'ores et déjà pris des initiatives et les perturbateurs endocriniens font l'objet d'une surveillance scientifique rigoureuse.

Comme cela avait été prévu par l'article 2 de la loi portant suspension de la commercialisation des biberons produits à base de bisphénol A, un rapport présentant les mesures déjà prises et celles envisagées pour diminuer l'exposition humaine aux agents perturbateurs endocriniens a été transmis à notre assemblée dès février 2011. Il détaille les programmes de recherche et d'évaluation des risques qui ont été mis en place, avec notamment le programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens et d'autres études menées par l'INSERM et les agences de sécurité sanitaire. La publication des résultats de ces différentes études est attendue dans le cadre du plan national santé-environnement qui s'achèvera en 2013.

Les résultats de ces études permettront de dimensionner des mesures d'interdiction éventuelle en fonction des spécificités et des exigences propres aux nombreuses catégories de produits concernés. Dans le cas des dispositifs médicaux, la présence de ces substances doit être appréciée en fonction de leur finalité sanitaire, de leur rôle dans la prise en charge du patient et des conséquences en termes de maintien de la performance du dispositif en cas de recours à un produit de substitution.

Enfin, dès cette année, le diméthylfumarate, qui a provoqué de nombreux cas de dermatites sévères apparues lors de contact avec des articles contenant cette substance, sera interdit dans toute l'Union européenne, et ce à l'initiative de la France.

Cela m'amène à insister sur la nécessaire coordination avec nos partenaires européens, si l'on veut protéger efficacement les populations contre un produit qui présente des risques pour la santé.

Comme vous le savez, mes chers collègues, l'Union européenne a mis en place, en juin 2007, le système REACH qui s'est accompagné de la création d'une Agence européenne des produits chimiques. Cela oblige les entreprises qui fabriquent et importent des substances chimiques à évaluer les risques résultant de l'utilisation de ces produits et à prendre les mesures nécessaires pour gérer tout risque identifié. La charge de la preuve de la sécurité des substances chimiques fabriquées ou commercialisées a été renversée et appartient désormais à l'industrie. Ce règlement vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l'environnement, ainsi qu'à renforcer la compétitivité du secteur des substances chimiques, et surtout l'innovation dans ce domaine.

Pour revenir aux substances qui occupent aujourd'hui notre assemblée, le texte, tel qu'il a été proposé, est imprécis et n'est pas applicable. Par exemple, sur la quarantaine de phtalates existants, trois se sont avérés reprotoxiques et ont d'ores et déjà été interdits dans les jouets pour enfants de moins de trois ans et dans certains produits cosmétiques. Pour cette dernière catégorie d'utilisation, il est utile de préciser qu'un seul phtalate est encore utilisé en cosmétique après que toutes les évaluations menées ont conclu à son innocuité. Pourquoi l'interdire aveuglément ?

Pour en revenir au cas critique des dispositifs médicaux que j'ai déjà abordé, la grande difficulté de l'interdiction des phtalates vient de la place qu'ils occupent dans la composition, parfois plus de 50 %. Deux directives européennes ont déjà permis des avancées en rendant obligatoire l'apposition d'un étiquetage signalant la présence de phtalates dans le dispositif et en obligeant le fabricant à justifier l'usage de ces substances et à préciser les risques et mesures de précaution à mettre en oeuvre dans le cas d'une utilisation chez la femme enceinte ou allaitant, ainsi que chez l'enfant.

En ce qui concerne les parabènes, notamment utilisés comme conservateurs dans les produits cosmétiques et les médicaments, la Commission européenne devrait proposer une mesure visant à interdire la présence de certaines des molécules de cette famille chimique dans les produits cosmétiques. Leur remplacement comme excipient dans les médicaments se heurte à la dangerosité potentielle non encore maîtrisée des autres conservateurs pouvant les remplacer.

Le cas des alkylphénols est totalement différent. Ces produits qui sont utilisés comme intermédiaires de synthèse par l'industrie chimique ne sont pas directement au contact du grand public. Parmi eux, le nonylphénol et ses dérivés sont les plus susceptibles d'être présents dans des produits de grande consommation. Ils ont donc été interdits dans la composition des cosmétiques et limités à un taux maximal de 0,1 % dans les autres usages.

Si nous sommes bien sûr favorables à une vigilance forte, ce texte, en l'état, ne nous semble pas adapté aux enjeux.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Il risque même de créer plus de problèmes qu'il n'en résoudrait. On entend trop souvent reprocher à la France de vouloir être plus rigoureuse que ne l'est l'Europe elle-même. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Pour répondre aux objections qui lui avaient été opposées en commission des affaires sociales, le rapporteur a déposé un amendement qui cible les cosmétiques destinés au moins de trois ans. Monsieur le ministre, ce débat me donne l'occasion de vous interroger plus précisément sur la mise en oeuvre des recommandations que l'AFSSAPS avait émises dans son rapport d'avril 2010 portant sur l'évaluation de la sécurité des produits cosmétiques destinés aux enfants de moins de trois ans.

Telle est la philosophie générale qui doit nous guider en la matière : les décisions que nous prendrons, scientifiquement éclairées par les résultats des expertises en cours, évalueront les avantages et les risques des produits de substitution. Une gestion du risque responsable et pragmatique ne peut se contenter d'interdire sur la base d'un danger potentiel, mais il faut qu'elle aborde le problème dans sa globalité, la balance entre le bénéfice et les risques présentés par les substances ou procédés de remplacement ne devant pas, en définitive, être moins favorable à la santé humaine que celle du produit remplacé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je vous félicite, monsieur Raison, pour la concision de votre propos. J'espère que les orateurs suivants vous imiteront.

La parole est à M. Gérard Bapt.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Je précise, monsieur le président, que je dispose d'un temps de parole plus long que M. Raison.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

On ne peut que regretter que ce débat s'ouvre si tard, dans un hémicycle qui n'est sans doute pas à la hauteur de l'enjeu.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

La qualité a souvent été l'arbre qui cache la forêt de l'ignorance.

En effet, la question des perturbateurs endocriniens représente un important enjeu de santé publique, pour aujourd'hui et, surtout, pour demain et après-demain.

Je rejoins Michel Raison pour reconnaître que cette proposition de loi est extrêmement radicale – ce qui est paradoxal puisqu'elle émane du groupe Nouveau Centre. Elle est un peu « brute de décoffrage », même si, en commission, les députés du Nouveau Centre eux-mêmes ont contribué à polir cette pierre brute, et il fallait qu'il en soit ainsi.

Michel Raison a déjà fait observer qu'il existait deux catégories de phtalates, ceux à chaîne courte, reconnus comme reprotoxiques, et ceux à chaîne longue, non réglementés, car aucun effet sanitaire n'a été constaté.

Ces phtalates sont déjà enregistrés dans la réglementation REACH et ceux à chaîne courte sont interdits dans les jouets et les cosmétiques, sachant que l'on pourrait envisager d'étendre cette interdiction à d'autres objets utilisés par les enfants.

De la même façon, les parabènes sont régis par le règlement « Cosmétiques », mais la récente loi danoise du 20 décembre 2010 concernant l'interdiction des butyl- et des propylparabènes nous invite à aller plus loin et sera vraisemblablement reprise par la Commission européenne.

Cette proposition de loi a le mérite d'ouvrir le débat sur les perturbateurs endocriniens et le bisphénol A. En 1991, vingt et un scientifiques de disciplines variées – de la zoologie à la psychiatrie – se réunissaient à l'initiative de Theo Colborn, responsable scientifique du WWF aux États-Unis, pour rédiger ce qui fut appelé la Déclaration de Wingspread. Celle-ci affirmait qu'un certain nombre de substances chimiques émises dans l'environnement avaient le pouvoir de perturber le système endocrinien des espèces animales, y compris celui de l'espèce humaine, et pouvaient être à l'origine d'impacts sanitaires. Cette déclaration apparaît aujourd'hui singulièrement intuitive. C'est à cette occasion que l'expression « perturbation endocrinienne » a été utilisée pour la première fois. Depuis, des milliers d'articles ont été publiés dans la littérature scientifique. Cela montre la fécondité et la réalité de cette hypothèse, et conduit aujourd'hui à considérer que la perturbation endocrinienne représente un important sujet de préoccupation pour la santé publique, mais aussi, plus largement, pour celle des écosystèmes et pour la biodiversité.

La littérature scientifique soulève également la question de la gestion des risques liés aux perturbateurs endocriniens, car il apparaît que leur mode d'action est clairement distinct de celui sur lequel repose la réglementation des substances chimiques.

Pour l'Union européenne, un perturbateur endocrinien est « une substance exogène ou un mélange qui altère la ou les fonction(s) du système endocrinien et cause en conséquence des effets adverses sur la santé ». Ses sources sont multiples ; certaines ont été évoquées, mais l'on pourrait ajouter les produits phytosanitaires, les pesticides ou encore le chlordécone, bien connu de nos collègues antillais.

L'impact des perturbateurs endocriniens est immense, puisque leur omniprésence dans l'environnement se traduit par une imprégnation quasi-totale de la population – 93 % de la population américaine et 91 % de la population canadienne pour le bisphénol A –, et ce, pas seulement dans les pays développés. La directrice de l'Institut national des sciences de la santé environnementale américaine n'hésite pas, en conséquence, à qualifier de « colossal » le problème de santé publique posé par les perturbateurs endocriniens.

Mais que recouvre exactement l'évaluation des risques ? Selon les concepts classiques de la toxicologie, pour toutes les substances, qu'elles soient de type cancérogène ou non cancérogène, c'est le même paradigme qui s'applique, celui formulé par Paracelse au xvie siècle : « C'est la dose qui fait le poison », d'où la détermination d'un seuil en deçà duquel il n'y a pas d'effet.

Aujourd'hui pourtant ce paradigme est remis en cause pour les perturbateurs endocriniens, qui doivent être caractérisés de façon différente. D'un effet de type déterministe, on passe à un effet probabiliste – effet cancérogène sans effet de seuil.

Nous nous appuierons ici sur l'Appel de Prague, document signé en 2005 par plus de 200 scientifiques, à l'occasion d'une conférence organisée sur divers travaux de recherche menés sous l'égide de l'Union européenne. Ces prises de position traduisent le fait qu'il existe un certain consensus pour considérer que les données scientifiques sont désormais suffisantes pour situer les caractéristiques des perturbateurs endocriniens en dehors du paradigme servant de base à la réglementation actuelle.

La société américaine d'endocrinologie a identifié plusieurs points caractéristiques du mode d'action des perturbateurs endocriniens. Il s'agit premièrement de l'âge d'exposition, la période d'exposition in utero étant déterminante ; du temps écoulé entre l'exposition et ses effets, celui-ci pouvant être retardé de plusieurs générations ; des interactions entre les substances chimiques : il s'agit de « l'effet cocktail », une substance neutre prise isolément pouvant avoir des effets sanitaires lorsqu'elle est couplée à d'autres substances oestrogéniques ; enfin des effets latents à long terme, en d'autres termes des effets transgénérationnels.

Lorsque nous avons abordé la question du bisphénol A, nous avons cité plusieurs études selon lesquelles, par le biais d'un phénomène nouvellement découvert, le mécanisme épigénétique, des effets transgénérationnels pouvaient être observés notamment sur la reproduction ou la fertilité, avec l'apparition de dysgénésies. Cela a été montré chez des rates, exposées pendant la gestation à des doses inférieures à la dose limite actuelle, c'est-à-dire à des doses correspondant à celles qu'a pu observer le professeur Fenichel, à Nice, sur le cordon ombilical de ses parturientes.

L'équipe du professeur Sultan, au CHU de Montpellier, vient de faire une découverte extrêmement importante sur les enfants des filles du distilbène, lesquelles avaient été exposées au distilbène in utero. Or je rappelle que la molécule du distilbène est très proche de celle du bisphénol, et les effets observés chez les filles des parturientes traitées au distilbène sont aujourd'hui constatés, à la seconde génération, chez les petits-enfants.

Grâce à une association de patients, l'association Hhorages, on a pu colliger les cas de 529 mères traitées au distilbène. Ces mères ont donné naissance à 1 180 enfants, dont 740 imprégnés in utero. Sur ces 740 enfants, 684 souffrent de dysgénésie sexuelle ou subissent des conséquences neuropsychiatriques, voire les deux à la fois, et quarante et un seulement sont indemnes.

Sur les 440 enfants non imprégnés, 422 sont indemnes et dix-huit souffrent, soit de dysgénésie, soit de troubles neuropsychiatriques.

Ces observations confirment les études effectuées sur la rate gestante et l'existence d'un effet transgénérationnel, via un mécanisme épigénétique. L'imprégnation au bisphénol à des doses inférieures à la limite actuelle produit des effets sanitaires.

Face à cette situation, l'Appel de Prague a résumé les principaux manques de l'actuelle réglementation, préconisant de passer à une gestion par le danger et non plus par le risque. Nous pourrions ici, monsieur le ministre, souligner quelques analogies avec d'autres problèmes de pharmacovigilance.

Le risque est grand d'un effet sévère et irréversible, a fortiori s'il peut être transgénérationnel. On est là clairement dans le champ d'application du principe de précaution, et la difficulté à déterminer une valeur seuil doit conduire à substituer à une gestion par le risque une gestion par le danger.

C'est en tout cas l'opinion exprimée par le sénateur américain John Kerry, ancien candidat démocrate à la présidence des États-Unis, dans la proposition de loi qu'il a déposée devant le congrès américain : « Pour protéger l'embryon, le foetus et le nourrisson pendant leurs phases de développement les plus vulnérables, le corps des parents doit être exempt de perturbateurs endocriniens avant la conception, pendant la gestation et durant la lactation. »

Compte tenu de la spécificité du mode d'action des perturbateurs endocriniens, de l'importance des impacts sanitaires mis en évidence par l'expérimentation animale et par l'observation chez l'homme, de la preuve que ces données sont extrapolables à l'homme, compte tenu également du degré d'imprégnation de la population humaine, il apparaît nécessaire de revoir aujourd'hui les fondements de la réglementation concernant ces substances. Plutôt que de rechercher une valeur seuil, comme cela est prévu dans le cadre de l'ancien paradigme où « c'est la dose qui fait le poison », car l'existence d'une telle valeur seuil ne peut être déterminée avec certitude pour les perturbateurs endocriniens, il est préférable de limiter au maximum toute exposition humaine aux substances caractérisées comme telles. Cela revient à passer d'une gestion par le risque à une gestion par le danger.

La caractérisation d'une substance comme perturbateur endocrinien doit conduire à éliminer au maximum toute exposition humaine. D'où l'intérêt de la proposition de loi du groupe Nouveau Centre, qui nous incite à faire montre de volontarisme dans l'application de ce nouveau paradigme.

Le débat que nous avons aujourd'hui sert de substitut à celui que nous avait promis votre prédécesseur, monsieur le ministre, autour d'un rapport qui devait être remis au Parlement en janvier 2011. Le rapport vient d'être remis. Il ne s'agit que d'un rapport d'étape – fort bien fait puisqu'il présente les efforts accomplis, les projets et la mise en oeuvre des différents programmes de recherche, notamment la constitution de cohortes devant servir à l'observation de l'état de santé de la population ainsi que la surveillance écobiologique –, mais il a malgré tout suscité ma déception.

En effet, alors que le directeur général de la santé m'avait assuré, en novembre dernier, qu'il était sur le point de lancer une campagne d'information, notamment en direction de la femme enceinte et du jeune enfant, sur le bisphénol, j'ai été désagréablement surpris de constater que les annexes II « Outils INPES – Grossesse et accueil de l'enfant » et III « Plaquette d'information sur le bisphénol A » annoncées dans le sommaire ne figurent pas au rapport.

Aux États-Unis et dans de nombreux États, une information simple, accessible et comportant des mises en garde contre le bisphénol A est diffusée dans les maternités et les PMI, à destination des femmes enceintes Je souhaite donc, monsieur le ministre, que votre intervention décisive fasse qu'une campagne d'information de ce type soit lancée au plus vite dans notre pays.

La récente étude menée au CHU de Montpellier sur l'effet transgénérationnel d'un perturbateur endocrinien observé chez l'homme, doit nous inciter à étendre l'interdiction du bisphénol A des biberons à l'ensemble des contenants alimentaires destinés aux enfants et à continuer les programmes de recherche sur les perturbateurs endocriniens. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Permettez-moi tout d'abord de saluer la tenue de ce débat sur les substances chimiques, tant il est rare de parler santé publique dans cet hémicycle. Il est notamment impossible de le faire sérieusement lors de l'examen du PLFSS, alors même que nous attendons depuis 2008 une loi de santé publique qui aurait dû être présentée à notre assemblée conformément à la précédente loi de 2004.

Ce texte déjà bien en deçà des exigences de santé publique risque d'être encore plus limité sous la pression des lobbies et de l'UMP, comme peut nous le faire craindre l'intervention de notre collègue Michel Raison, et nous avons bien peur qu'au final il n'en reste plus grand-chose. Les amendements présentés en commission ne parlent plus d'interdiction mais d'une simple suspension.

Cette proposition de loi n'avait pourtant rien de révolutionnaire et ne faisait que tirer les conséquences des multiples études tant françaises qu'internationales.

L'intention de cette proposition de loi est bonne même si je regrette qu'elle reste très ponctuelle.

Le cadre dans lequel nous sommes contraints d'agir est celui de la directive REACH, dont nous attendions beaucoup. Là encore, les ambitions de départ sont loin d'être atteintes. Monsieur le ministre, les syndicats de salariés vous ont fait connaître à plusieurs reprises leurs vives préoccupations dans maints domaines sur ces questions.

Nous agissons également dans le cadre de notre Constitution, qui a consacré le principe de précaution. Il est temps qu'il prenne toute sa place et soit mis au coeur de la décision politique. Ne répétons pas les mêmes erreurs que pour l'amiante, lorsque le comité amiante, directement lié aux industriels, avait à l'époque permis, pendant des décennies, d'étouffer les conséquences de son utilisation sur la santé des travailleurs qui devaient le manipuler.

Le récent scandale du Mediator est de même nature.

C'est ainsi que des dizaines de milliers de salariés, de patients, de consommateurs, subissent les conséquences de l'insuffisance ou de l'absence de réglementation.

N'oublions pas que nous sommes entourés de plus de 30 000 substances chimiques ou biochimiques dont nous connaissons parfois très mal les effets sur la santé, encore moins les effets combinés ou ceux d'une exposition répétée pendant des années ou des décennies. Nous savons aujourd'hui que cette répétition, même à des doses infinitésimales, n'est pas sans conséquences.

L'explosion des allergies, des cancers et d'un certain nombre d'autres maladies chroniques devrait du reste nous alerter. Toutes les études montrent que les cancers endocriniens sont en pleine recrudescence et que nous sommes confrontés à une véritable épidémie de cancers du sein et de la prostate, entre autres, ainsi qu'à une baisse de la fertilité aussi bien humaine qu'animale.

Certes, environ 20 % de ces cancers seraient dus au vieillissement de la population, mais la multiplication des leucémies chez l'enfant prouve bien que le vieillissement n'est ni la seule ni la principale cause.

Il y a forcément une origine et celle-ci se trouve dans notre environnement, qu'il s'agisse de notre environnement de travail ou de notre mode de vie. Une mauvaise alimentation peut être en cause mais aussi une alimentation chargée en divers produits chimiques, principalement des pesticides provenant de l'agriculture intensive qui domine et reste soutenue par votre majorité.

Ce texte ignore ainsi la question des pesticides alors que ce sont les produits les plus répandus et que nous côtoyons le plus. Il est consternant de continuer à utiliser bon nombre de ces substances alors qu'elles pourraient être remplacées. Il serait tout à fait possible de ne pas avoir recours à nombre de produits qui contiennent ces substances dangereuses. Ainsi en est-il des récipients alimentaires composés de bisphénol ou des shampooings contenant des parabènes. Malheureusement, beaucoup de consommateurs ne sont pas informés et n'ont pas les moyens d'acheter des produits alternatifs souvent plus chers que ceux qui contiennent ces substances potentiellement néfastes pour la santé. Il en découle une inégalité entre nos concitoyens.

Cette proposition de loi part sans doute d'une bonne intention mais elle reste extrêmement limitée. Même si elle aboutit, une telle démarche visant à interdire trois classes de substances, compte tenu des modifications évoquées tout à l'heure par le rapporteur, ne produira d'effet qu'à la marge, plusieurs centaines d'autres continuant à être utilisées, ingérées, absorbées.

Notre vote dépendra donc, chers collègues, du sort qui sera réservé à un certain nombre d'amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Votre proposition de loi, visant à interdire les phtalates, parabènes et autres alkylphénols, a le mérite de relancer le débat sur les perturbateurs endocriniens.

Certains sont cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction. Ils affectent, à l'instar du bisphénol A, le système immunitaire ou provoquent des maladies cardiaques.

Les emballages sont très présents dans la vie du consommateur. Parmi eux, les emballages en matière plastique sont en constante évolution.

La généralisation de l'usage de ces substances, qui entrent dans la composition des emballages et contenants alimentaires, des dispositifs médicaux, des produits de beauté, des jouets, des vêtements, des produits de nettoyage, et j'en passe, s'explique par la facilité avec laquelle on peut les mettre en oeuvre, grâce à des technologies variées, par leur aptitude à se prêter à des usages différents et aux performances élevées qu'elles confèrent aux produits, mais elles méritent d'être réexaminées et remises en question à la lumière des obligations de sécurité des produits telles que définies par les législations nationales et européennes.

L'agroalimentaire représente aujourd'hui plus de la moitié du marché des plastiques. Or il existe des problèmes de compatibilité entre les emballages plastiques et les aliments. Les interactions entre le plastique et l'aliment étant inévitables, elles entraînent des défauts de qualité tant sur le plan organoleptique que toxicologique. Le plus connu de ces phénomènes est la migration de monomères résiduels ou d'adjuvants technologiques qui peuvent être relâchés par l'emballage et contaminer les aliments.

Entre l'usine qui fabrique les granulés de matériaux plastiques et les consommateurs qui achètent les produits finis se met en place toute une chaîne de transformations de l'emballage et du couple emballage-produit qu'il nous faudrait connaître pour identifier plus précisément les phénomènes de migration afin de les limiter et de préserver les qualités organoleptiques du produit.

L'aliment est susceptible d'être contaminé via trois sources.

La première tient à l'emballage et en particulier aux additifs ajoutés au matériau plastique en vue d'améliorer sa qualité, de le stabiliser, de l'assouplir, de le plastifier ou encore de le teinter. Des monomères peuvent être transférés à l'aliment, ce qui peut avoir des conséquences tant sur le plan organoleptique que toxicologique.

La deuxième tient à l'aliment lui-même. Certains de ses constituants sont en effet susceptibles d'être transférés à l'emballage et d'en modifier la structure, activant ainsi la migration du contenant vers le contenu. C'est le cas des aliments gras, pour lesquels les interactions avec l'emballage augmentent avec le temps, la chaleur et leur richesse en matières grasses. C'est aussi le cas des arômes, molécules volatiles dont la fuite, à l'intérieur ou au travers de l'emballage, entraîne une baisse de la qualité organoleptique – arôme et goût – du produit.

La troisième tient à l'environnement. Les odeurs résiduelles d'un lieu de stockage, les constituants d'encres de la paroi externe de l'emballage peuvent traverser le contenant et altérer l'aliment, tant au niveau organoleptique que toxicologique.

La migration augmente avec la durée et la température de stockage. Elle est aussi fonction de la surface et de l'épaisseur du matériau au contact de l'aliment, mais des matériaux très fins sont également susceptibles de transférer des additifs.

Dans le cas de l'aliment emballé, des phénomènes d'affinité entre le migrant et le produit emballé peuvent se produire. La plupart des monomères et des adjuvants étant lipophiles, le migrant migrera mieux dans un milieu gras que dans un milieu aqueux.

S'agissant de la nature du matériau d'emballage, certains additifs présentent plus ou moins d'affinités avec le milieu de contact. Ainsi, pour améliorer la souplesse du polystyrène, les fabricants lui ajoutent généralement des huiles minérales – hydrocarbures d'origine minérale. Plus la concentration d'huile augmente, plus la migration est importante.

À titre d'exemple, des traces d'encre ont été retrouvées dans des biscuits alors que ces derniers étaient emballés dans un étui et n'étaient pas en contact direct avec le second emballage. Il s'est avéré que l'étui, poreux, avait laissé migrer l'encre vers le biscuit.

Plusieurs démarches tant au niveau européen que national tendent à améliorer la définition et la connaissance des conséquences de l'usage de ces substances sur la santé et l'environnement.

En vertu du principe de précaution, l'État peut adopter des mesures provisoires et proportionnées de gestion du risque lorsqu'une évaluation révèle la probabilité d'effets nocifs sur la santé et qu'une incertitude scientifique subsiste.

La directive 200195CE du Parlement européen et du Conseil du 3 décembre 2001 relative à la sécurité générale des produits pose le principe de l'obligation générale de sécurité pour tout produit mis sur le marché et destiné aux consommateurs. Elle impose également aux producteurs et distributeurs de fournir aux consommateurs les informations utiles pour évaluer les risques inhérents à un produit lorsqu'ils ne sont pas directement perceptibles et de prendre les mesures qui s'imposent pour éviter ces risques.

Les producteurs et distributeurs sont ainsi tenus de fournir des produits satisfaisant à l'obligation de sécurité générale, de suivre la sécurité des produits sur le marché et de fournir les documents nécessaires assurant la traçabilité des produits.

Concernant la législation alimentaire, les prescriptions imposent qu'une denrée alimentaire ne soit pas mise sur le marché si elle est dangereuse, c'est-à-dire préjudiciable à la santé ou impropre à la consommation. La dangerosité s'évalue en tenant compte des conditions d'utilisation normale, de l'information fournie au consommateur, de l'effet probable immédiat ou retardé sur la santé, des effets toxiques cumulatifs.

Dès lors, pour la complète information du consommateur, l'affichage de la composition toxique d'un produit doit être généralisé et s'imposer au producteur, à l'importateur, au fournisseur et au distributeur. Les établissements de vente au détail de produits alimentaires et de grande consommation devront afficher en rayon la déclaration écrite de conformité transmise par le producteur ou le fournisseur.

Cette déclaration écrite de conformité, obligatoire, s'appuie sur les résultats d'analyses de migration réalisées par le fournisseur. Ils doivent tenir compte de la composition du matériau et notamment de la couche au contact, de la nature des denrées alimentaires au contact, de la durée et de la température de traitement et d'entreposage auxquelles est soumis le matériau au contact, de la surface de contact du matériau ou objet.

Les travaux du comité opérationnel n° 23, dit « consommation » du Grenelle de l'environnement ont notamment porté sur un étiquetage écologique et éco-sensibilisation qui contiendrait les informations essentielles relatives à l'environnement. Ces éléments de connaissance devraient concerner le contenu du produit et de son emballage, mais aussi l'impact sur les milieux résultant de sa production et de sa commercialisation. Le 4 décembre 2008, le Conseil de l'Union a adopté les conclusions du paquet « consommation et production durable », dans lesquelles il a reconnu l'intérêt de cette démarche d'affichage du contenu des produits.

En examinant les produits de consommation courante ou quotidienne, il apparaît que les étiquettes renseignent peu ou pas le consommateur sur les caractéristiques, les dangers et les risques d'un produit, alors que telle est leur finalité. Aussi, désormais, l'obligation de mentionner les risques sur la santé, tous les risques, doit être le principe. Quelques rares personnes ont allégué l'impossibilité d'améliorer l'étiquetage sur des produits au conditionnement de taille restreinte, les bâtons de rouge à lèvres par exemple, alors même que certains contiennent du plomb. Une personne a même estimé qu'il n'était pas nécessaire d'améliorer l'étiquetage, voire d'y avoir recours, puisque le consommateur ne comprend rien à la liste des substances entrant dans la composition d'un produit ! Cet argument n'est pas acceptable. L'éducation des consommateurs est très importante. Elle passe également par l'information la plus complète sur les risques encourus, dans la mesure où ils ont pu être constatés ou prouvés.

Demeure la question de la législation à appliquer pour les produits contenant ces substances et qui proviennent de pays ne respectant pas les normes internationales en matière sociale, environnementale et sanitaire.

Je conclurai en citant certaines recommandations du rapport de notre collègue sénatrice Marie-Christine Blandin au nom de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques : appliquer le principe de précaution ; créer une nouvelle catégorie à l'intérieur de la classification européenne ; procéder, en France, à la substitution de toutes les substances et produits déjà substitués dans un pays étranger ; mettre en oeuvre le principe de substitution pour les substances reconnues préoccupantes ; augmenter le potentiel de la recherche en santé-environnement, en particulier dans le secteur public ; instaurer des exigences uniformes santé-environnement pour tous les produits mis sur le marché, y compris les produits importés ; enfin, mettre en place une réelle information des consommateurs sur les dangers des produits courants en milieu domestique.

Debut de section - PermalienPhoto de Anny Poursinoff

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue nos collègues qui ont enfin pris conscience des dangers pour la santé humaine et l'environnement des substances chimiques non contrôlées, les phtalates, les parabènes et les alkylphénols – auxquels j'ajouterai le bisphénol A.

En effet, il faut interdire les substances dangereuses et celles qui n'ont pas fait la preuve de leur innocuité. Il nous faut aussi repenser nos modes de consommation, mais j'y reviendrai.

En 2008, Marie-Christine Blandin, sénatrice écologiste, dans son rapport sur les risques chimiques au quotidien, pointait la responsabilité des perturbateurs endocriniens dans les troubles de la reproduction et l'augmentation de certains cancers, notamment du sein.

Pourtant, le principe de précaution, qui devrait s'appliquer, est toujours repoussé à demain.

Je prendrai un exemple : la loi de juin 2010 prévoit une suspension de l'utilisation du bisphénol A dans les biberons, mais uniquement dans les biberons. Qu'en est-il des autres produits dans lesquels le bisphénol A est présent, notamment à l'intérieur des boîtes de conserve ? Combien de temps et d'études faudra-t-il attendre pour que des décisions définitives soient prises ?

En avril 2010, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments a émis un avis peu lisible, se contentant d'appeler à une « mobilisation de l'industrie » pour mettre au point des substituts. Une nouvelle fois, l'État s'en est remis à la bonne volonté des industriels, négligeant ainsi sa responsabilité en termes de santé publique.

Avec la création de l'Agence nationale de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, la santé des consommateurs sera-t-elle mieux prise en compte ? J'en doute, comme je doute des outils prévus pour assurer une réelle indépendance de ces agences, et des mesures prises pour éviter les conflits d'intérêts et les pressions des grands groupes industriels.

On l'a vu avec la directive REACH, l'Europe, qui doit jouer dans ces dossiers son rôle de contrôle et de régulation, est elle aussi soumise aux lobbies. La France pourrait jouer un rôle décisif en matière de précaution. Malheureusement, elle en est loin. Le Gouvernement écoute trop les sirènes des industriels et reste souvent sourd aux lanceurs d'alerte. Ce ne sont pas les propos de M. Raison qui peuvent nous rassurer !

Les scientifiques du Centre international de recherche sur le cancer, alliés à l'OMS, ont établi la déclaration d'Asturias, qui appelle à augmenter les efforts en matière de prévention primaire, et reconnaît le défi que constituent les causes environnementales des maladies, dont les cancers.

S'intéresser à la santé environnementale et y consacrer des moyens, voilà une attitude responsable qui sauverait des vies et éviterait bien des maladies. Cela permettrait également d'éviter beaucoup de dépenses.

Mais interdire les substances toxiques ne suffit pas, même si c'est très important. Il faut aussi radicalement repenser nos modes de consommation.

Pour illustrer mon propos, je vous lirai quelques lignes de Raymond Queneau, qui accompagnait un film d'entreprise signé d'Alain Resnais, en 1958, Le Chant du styrène : « Et pétrole et charbon s'en allaient en fumée Quand le chimiste vint qui eut l'heureuse idée De rendre ces nuées solides et d'en faire D'innombrables objets au but utilitaire ».

À l'époque, le plastique représentait le progrès, la facilité d'usage. Aujourd'hui, le plastique symbolise la société du gaspillage, du tout jetable, de l'épuisement des ressources, de la destruction de l'environnement et de l'augmentation des maladies liées à notre mode de vie.

Le film Plastic Planet, qui vient de sortir en salle, cinquante-deux ans après Le Chant du styrène, démontre que nos océans regorgent de plastique. Nos organismes aussi. Il ne s'agit pas simplement de trouver des produits de substitution aux poisons contenus dans les plastiques et dans les cosmétiques. Il est temps de gaspiller moins, de réduire les emballages et de trouver le moyen de se débarrasser des déchets polluants.

Nos modes de production et de consommation sont responsables de la pollution de la planète et du réchauffement climatique. Il serait temps d'en prendre réellement acte. Sans une décroissance de l'empreinte écologique globale, le monde court à sa perte. Pourtant, une autre société est possible, plus sobre et plus heureuse. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La discussion générale est close.

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé, qui a demandé à intervenir après le rapporteur et les orateurs des groupes.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, j'ai fait ce choix, car j'estime que celui qui aurait des certitudes sur ce sujet serait vraiment très fort ! Cela peut être rassurant pour certains, plutôt inquiétant pour d'autres.

La proposition de loi que nous allons examiner ensemble pose de vraies questions de santé publique liées à notre environnement quotidien. Roland Muzeau le disait tout à l'heure : ne parle-t-on pas assez des sujets de santé publique lors des PLFSS ? Je n'en suis pas persuadé, mais je suis tout à fait ouvert, dans le cadre du prochain PLFSS, à le faire davantage, puisque nous sommes instruits de drames sanitaires comme celui du Mediator dans le domaine du médicament.

Mais ce n'est pas parce que nous parlons du domaine du médicament qu'un regard différent ne doit pas être porté sur la question. Ce qui m'a le plus marqué dans le dossier du Mediator, c'est cette phrase terrible du rapport de l'IGAS, selon laquelle le principe de précaution avait profité à la firme, mais pas aux patients. J'ai cette phrase bien en tête. Mais avant tout, il s'agit de savoir si nous décidons ou non d'en tenir compte dans d'autres dossiers. Il y a le dossier du médicament, celui des dispositifs médicaux, mais il n'y a pas que cela. D'ailleurs, nous entreprendrons nombre de réformes dans tous les domaines qui, par exemple, recourent à l'expertise et, évidemment, dans celui de la santé publique.

Cela étant, nous devons faire attention : nous disons oui au principe de précaution ; mais faut-il une précaution par principe ? C'est un débat qui n'est pas sémantique, un débat qui n'est pas neutre, un débat qui vaut la peine d'être mené.

Le Gouvernement veut attacher la plus grande importance à tous les sujets qui sont au coeur de la PPL à travers, notamment, la surveillance et la gestion des risques liés aux substances chimiques.

La France a toujours été vigilante sur ces questions. Mais nous pouvons nous demander si nous sommes assez vigilants, ou au contraire si nous ne le sommes pas trop. Ces questions sont pertinentes et elles ne me dérangent pas.

La France a été vigilante, comme en témoigne la suspension de l'utilisation du bisphénol A dans les biberons en juin 2010. La proposition de loi qui vise à interdire les phtalates, les parabènes et les alkylphénols semble s'inscrire dans cette démarche de précaution.

Les phtalates, les parabènes et les alkylphénols regroupent un grand nombre de substances et, parmi ces substances, il semblerait que certaines soient susceptibles d'avoir des effets perturbateurs sur le fonctionnement endocrinien, vous avez été nombreux à le rappeler. Voilà pourquoi, devant ces doutes, la précaution est légitime et nécessaire. Mais il n'y a pas de bonne précaution sans bonne information. C'est précisément parce que le Gouvernement est soucieux d'avoir toutes les informations nécessaires sur les risques présentés par ces substances que nous avons lancé une série de travaux en France et avec la Commission européenne. Cette dernière s'est beaucoup investie sur toutes ces questions – Gérard Bapt me le disait tout à l'heure –, notamment avec le commissaire Dalli. Les travaux en cours nous permettront d'avoir des informations plus précises sur les différents risques liés à ces produits, afin de prendre les mesures de protection nécessaires. Si les décisions doivent être fermes, elles le seront. Mais nous devons attendre les résultats de ces travaux d'expertise, parce qu'il ne s'agit pas uniquement d'agir dans de bonnes intentions, il faut surtout cibler notre action de manière réaliste et efficace, dans l'intérêt des Français.

Par exemple, si l'on décide, suite à ces travaux, d'interdire certaines de ces substances, cela suppose de disposer de substances de substitution sans risque, ou à moindre risque – le bénéfice risque – pour la santé. C'est tout l'intérêt du processus d'expertise que nous avons lancé, et je vais y revenir.

D'abord, nous avons mis en place des programmes de recherche, au niveau de l'ANR – l'Agence nationale de la recherche – et du ministère en charge du développement durable, avec le programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens.

Nous avons également saisi les agences de sécurité sanitaire et l'INSERM pour évaluer certaines de ces substances qui peuvent se trouver dans des produits destinés aux jeunes enfants et aux femmes enceintes.

Enfin, le Gouvernement a déjà transmis un rapport au Parlement en mars 2011. Ce rapport avait été demandé par le Parlement lors du vote de la loi interdisant le bisphénol A dans les biberons. Il devait être remis sur la base de l'expertise de l'INSERM sur les perturbateurs endocriniens.

Cette expertise – je le déplore – a pris plus de temps que prévu. Le Gouvernement a donc préféré fournir au Parlement, début mars, un rapport provisoire. J'y tenais vraiment, car j'avais été interrogé sur cette question liée au bisphénol. J'attendais les conclusions de ce rapport. On nous dit que les études sont plus complexes qu'il n'y paraît, et donc plus longues. Je tenais tout de même à ce que l'on puisse disposer de premiers éléments avec ce rapport provisoire.

Celui-ci s'appuie sur la partie de l'expertise qui était déjà disponible. La priorité du Gouvernement, sur ces sujets sensibles, c'est d'abord de vous informer dans la plus grande transparence des études menées dans ce domaine. Si je parle de transparence, c'est que si l'on veut de la confiance, il faut déjà de la transparence. Au moment où je vous parle, cette expertise vient de s'achever et une synthèse a été mise en ligne hier soir sur le site de l'INSERM. Je vous indique les dates avec précision : c'était hier soir. Si vous vous interrogez pour savoir si cela a un lien, pour ma part, je n'en sais rien. En tout cas, c'est fait et c'est sur le site !

Les éléments complémentaires, issus des données scientifiques internationales, ne modifient pas l'esprit du rapport que nous vous avons adressé. Ils montrent surtout que, pour le moment, nous devons poursuivre les études et les évaluations dans ce domaine, parce que nous ne pouvons pas, à ce stade, dire précisément dans quelles conditions certaines substances pourraient avoir un impact sur la santé humaine.

Sur la base de ces résultats, les agences de sécurité sanitaire vont procéder à une analyse encore plus précise des risques et faire les premières recommandations opérationnelles en matière de gestion de ces risques.

Les principaux résultats de ces expertises devraient être disponibles entre fin 2011 pour le bisphénol A et fin 2012 pour les autres substances perturbatrices endocriniennes présentes dans les produits grand public. Et si l'on pouvait aller plus vite, je serais le premier à m'en réjouir.

Bien entendu, il faut aussi que les actions que nous menons soient en cohérence avec les politiques européennes dans ce domaine, et j'y reviendrai dans ma réponse aux orateurs. Si, en France, par exemple, on décide d'interdire l'utilisation de certaines substances, il faut bien avoir à l'esprit que cela peut avoir un impact sur l'économie – ce qui ne nous empêchera pas d'agir – et que cela peut aussi créer des distorsions de concurrence. Mais ce type de problème se règle et cela ne nous empêchera pas de prendre nos responsabilités.

Voilà pourquoi nous pensons que cette proposition est louable dans son intention. Mais je ne suis pas certain que nous puissions y donner suite aujourd'hui. En revanche, il nous faut des analyses suffisamment nuancées. J'ai dit aussi qu'il ne suffisait pas de suspendre certaines substances, parce qu'il faut aussi trouver des substances pour les remplacer en toute sécurité, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui.

Mais je n'ai pas dit pour autant qu'il fallait attendre sans rien faire. Au contraire, les services de l'État et les agences sanitaires, en lien avec les professionnels, travaillent d'ores et déjà à identifier des substances de substitution, sans attendre le résultat des différentes évaluations. Je suis conscient du mouvement qui se produit dans certains pays. Cela a été rappelé tout à l'heure, si, dans certains pays, on évolue, l'évolution peut se faire sur des critères sanitaires, mais aussi sous la pression médiatique ou consumériste. Nous devons en tenir compte. Voilà pourquoi je souhaite que l'on engage d'ores et déjà des travaux en la matière.

Pour les substances pour lesquelles on dispose de données plus précises en matière de risque, la réglementation communautaire prévoit déjà un certain nombre d'actions. Nous ne sommes donc pas condamnés à l'inaction.

La réalité, c'est que la France n'a pas attendu cette PPL pour évaluer ces risques, ni l'Europe pour mettre en place des réglementations déjà applicables dans notre pays pour les produits dont le risque était avéré.

Ainsi, sur la quarantaine de phtalates qui existent, trois qui sont avérés toxiques pour la reproduction sont déjà interdits dans les jouets et articles destinés aux enfants de moins de trois ans et dans les produits cosmétiques – le DEHP, le BBP et le DBP. Ces trois substances font l'objet d'une interdiction à terme et, dans le cadre du règlement REACH, les fabricants doivent obtenir, jusqu'en 2013, une autorisation spécifique pour continuer à les utiliser dans quelques usages résiduels, ciblés et bien encadrés.

Monsieur Hillmeyer, tout ce que vous avez dit concernant notamment les cosmétiques pour enfants fait déjà l'objet de travaux de la Commission européenne en vue d'une interdiction, et l'AFSSAPS – nous avons pu le vérifier, c'est pourquoi il est intéressant de vous répondre maintenant – y travaille conjointement.

Cela montre bien que nous ne nous contentons pas d'observer, même si cela est nécessaire, mais que nous agissons, réglementons et informons de manière responsable. Car, sur ce sujet délicat, nous ne pouvons pas nous permettre d'agir seuls. À cet égard, je doute, monsieur Hillmeyer, qu'un député de votre région nous reproche cette démarche européenne !

Monsieur Raison, j'ai été très attentif aux propos que vous avez tenus tout à l'heure.

Oui, il y a une vigilance particulière exercée sur les substances potentiellement dangereuses pour la santé, et notamment sur les perturbateurs endocriniens. L'Europe, nos agences, l'INSERM sont pleinement investis sur ces questions. Et des résultats sont attendus pour éclairer nos stratégies.

Oui, des actions réglementaires sont déjà menées ou en cours au niveau communautaire, qu'il s'agisse des phtalates, des parabènes ou des alkylphénols.

Oui, des solutions alternatives sont d'ores et déjà à l'étude. Je pense que, comme l'a tout à l'heure souligné Michel Raison, nous devons aborder tout cela de manière rationnelle et raisonnée, en nous basant sur les évaluations en cours.

Monsieur Bapt, vous nous dites que nous sommes en train de passer d'une approche déterministe basée sur la preuve et la relation dose-effet à une approche probabiliste, basée sur la présomption et sur des effets « cocktails ». C'est justement parce que cette question est cruciale en termes de stratégie qu'il nous faut mieux la documenter en continuant à prendre des décisions limitant les expositions chaque fois que cela s'imposera. J'insiste parce que le risque du « tout précaution » est celui de la dispersion de la réponse que nous pouvons apporter. Je pense que ce principe de précaution auquel je tiens – et peut-être plus depuis mon retour au ministère de la santé – doit être appliqué avec discernement sur la base de données scientifiques suffisamment étayées. Cela ne doit pas nous retarder mais au contraire nous permettre de prendre le temps nécessaire pour disposer du maximum d'informations et préparer nos réponses.

J'ajouterai qu'il y a, sur le site internet du ministère de la santé, une fiche d'information sur le bisphénol A, une plaquette de recommandations pour les femmes enceintes et pour les autres parents. La maquette est prête et elle sera l'objet d'une impression cette année à destination des maternités et des centres de PMI. Si l'on peut faire mieux, je suis très ouvert.

Monsieur Muzeau, je ne crois vraiment pas que le sujet des perturbateurs endocriniens soit affaire de positionnement politique, parce que nous sommes tous concernés. C'est d'ailleurs – et j'ai retenu vos propos – un sujet de société qui interroge notre rapport à l'environnement, pose la question du monde dans lequel nous souhaitons vivre et des priorités qu'il nous revient clairement d'affirmer. Nous devons en débattre avec rigueur et méthode pour prendre des décisions éclairées, qu'il s'agisse de précaution ou de prévention.

Madame Langlade, s'agissant des aspects des matériels à usage médical et des contenants alimentaires, des actions ont déjà été menées, j'aurai l'occasion de le rappeler lorsque nous discuterons des amendements. Je tiens dès maintenant à préciser que l'étiquetage et l'information de nature communautaire font l'objet de notre attention. Nous avons interpellé la Commission européenne, en décembre dernier, pour lancer les travaux sur l'étiquetage des plastiques d'emballage alimentaire en relation avec les consommateurs et les industriels des différentes sphères concernées.

Madame Poursinoff, l'extension de l'interdiction du bisphénol A récapitule parfaitement ce qui a été précisé. Nous avons agi sur les biberons au nom du principe de précaution parce que, d'après nos agences et les instituts de recherche, les données scientifiques disponibles le permettaient. Mais ces mêmes agences ont clairement indiqué que les données étaient insuffisantes pour aller plus loin. Je ne pense toutefois pas qu'elles aient une quelconque réticence à apporter des précisions. Pour aller au bout de votre démonstration, nous devons disposer des différentes bases scientifiques. Les recherches et les analyses doivent maintenant se poursuivre. Je suis en revanche encore plus attentif actuellement au respect des délais pour que nos concitoyens ne pensent pas que nous nous sentons très concernés aujourd'hui, alors que nous discutons de ce texte, mais que, demain, une fois l'examen de cette proposition achevé, nous oublierons tout. Pour ne rien vous cacher, et alors que je m'exprime à cette tribune, j'ai le sentiment que la responsabilité d'un ministre sur ces questions est davantage engagée qu'auparavant. Toutes les précisions que je viens d'apporter ne sont pas des propos en l'air. Notre responsabilité est particulière pour toutes les questions relatives à la santé publique.

Je remercie très sincèrement Yvan Lachaud pour ses propos. Ce sujet, sur lequel il a beaucoup travaillé, lui tient à coeur. Nous devons absolument concilier les deux aspects, même si l'un – la santé de nos concitoyens – se situe au-dessus de tout. La santé de nos concitoyens ne doit pas non plus nous empêcher de réfléchir à ce que l'on peut leur proposer d'autre. Que l'on ne me dise pas que l'industrie ne saura jamais s'adapter, parce qu'elle a prouvé le contraire. Je ne veux pas non plus que l'on oublie la notion de bénéfice risque pour le patient. Je ne mettrai jamais sur le même plan la santé et les aspects économiques. Et je ne dis pas cela parce que le ministère de la santé n'est pas un ministère comme les autres. C'est ma conception personnelle. Comme l'a souligné Pierre Méhaignerie, il est nécessaire d'ouvrir le débat, mais il ne suffit pas de discuter, nous devons pouvoir sérier les inquiétudes et les difficultés, et je suis persuadé que les évaluations en cours nous y aideront. Les expertises vont se poursuivre. Je suis tout à fait disposé, si vous le souhaitez, avant même la publication de toutes les études, à faire le point de la façon qui vous conviendra. Le ministère doit pouvoir vous informer de la nature des progrès accomplis.

Je serais tenté de dire que, si ce débat s'était déroulé dans quelques mois, ma réponse aurait peut-être été différente. Mais je tiens à vous parler en toute transparence, parce que, je le répète, c'est à mon sens la première des conditions pour que s'instaure la confiance. La meilleure protection de nos concitoyens repose également sur leur confiance en notre capacité à prendre sans hésiter nos responsabilités et les décisions qui s'imposeront en fonction des études et des éléments d'information dont nous disposerons.

Voilà pourquoi je suis amené à regret à vous dire que le Gouvernement ne peut pas, aujourd'hui, donner suite à cette proposition de loi. Par ailleurs, et ce n'est pas une surprise, en application de l'article 96 du règlement, le Gouvernement demande la réserve des votes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

J'appelle maintenant l'article unique de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

En application de l'article 96 du règlement, le Gouvernement demande la réserve des votes.

La réserve est de droit.

Sur l'article unique, je suis saisi d'un amendement n° 1 .

La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Avant d'aborder l'examen de cet amendement, je tiens à remercier M. le ministre de ses précisions. Un des objectifs de cette proposition de loi est, effectivement, d'ouvrir le débat. Ses propos raisonnables et raisonnés répondent à notre souhait. Peut-être dirons-nous dans dix ans que le sujet a été mis sur la table en toute lucidité. Ce matin encore, des scientifiques de Nice m'ont fait part de recherches susceptibles de remettre en question la dangerosité de ces produits, s'agissant notamment des parabènes.

L'amendement de repli n° 1, accepté par la commission, tient compte de toutes les remarques formulées. Il vise à recentrer cette proposition de loi sur les produits qui n'ont pas encore fait l'objet d'interdiction ou de restriction, tels les parabènes. Il s'appuie en outre sur les travaux menés au Danemark. Son champ d'application se limite aux publics pour lesquels les risques sont les plus importants.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Avis défavorable. Je me suis longuement expliqué dans mes réponses aux orateurs mais, lorsque vous souhaiterez que j'approfondisse mes explications, dites-le moi.

(Le vote sur l'amendement est réservé.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 13 .

La parole est à Mme Colette Langlade, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Cet amendement tend à compléter l'article unique par l'alinéa suivant : « Ces dispositions s'appliquent quelle que soit la technique de vente utilisée, notamment la vente à distance et la vente électronique. »

Il est essentiel de préciser que les obligations des producteurs et des distributeurs sur les sites de vente à distance et électronique doivent être les mêmes que celles imposées pour la vente dans les commerces.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Avis défavorable. Il n'est nul besoin d'apporter cette précision car les dispositions de l'article unique s'appliquent effectivement à la vente à distance et à la vente par internet. Cet amendement est donc satisfait.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

(Le vote sur l'amendement est réservé.)

(Le vote sur l'article unique est réservé.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article unique.

La parole est à Mme Colette Langlade, pour soutenir l'amendement n° 11 .

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

À la lecture du code de la santé publique, nous constatons que sont interdits les dispositifs médicaux à l'usage des femmes enceintes, des prématurés, des nourrissons et des enfants contenant un des phtalates interdits par le décret du 9 novembre 2006 relatif à la limitation de l'emploi de certains phtalates dans les jouets et les articles de puériculture. Par cet amendement portant article additionnel, je propose de limiter l'exposition des femmes enceintes et des nouveau-nés aux phtalates dans les établissements de santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

(Le vote sur l'amendement est réservé.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 3 .

La parole est à M. Gérard Bapt, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Cet amendement concerne les contenants alimentaires, principale cause de l'imprégnation des nourrissons par le bisphénol. Les travaux précédents de l'AFSSAPS ont montré que l'imprégnation du nouveau-né était due, dans 10 % des cas, au biberon, et dans 90 % des cas à l'imprégnation préalable de la mère, à l'allaitement maternel ou maternisé. Je propose en conséquence d'étendre la suspension de l'utilisation de contenants alimentaires produits à base de bisphénol et de ne pas la limiter aux biberons.

Cette mesure a déjà été prise au Danemark. Lorsque nous en avons traité dans un débat précédent, nous avons laissé un délai pour tenir compte de l'objection selon laquelle l'industrie devait s'adapter. Aujourd'hui, les contenants alimentaires destinés aux nourrissons et à la petite enfance produits par Nestlé et Danone, les deux plus importantes entreprises du secteur concernés, ne contiennent déjà plus de bisphénol.

Il convient d'autant plus d'adopter cet amendement que ces mesures sont déjà, à l'heure actuelle, largement appliquées sur le continent américain et même au Costa Rica, et que les matériaux de substitution existent et sont produits par les entreprises.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Avis défavorable pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure. Des travaux complémentaires sont en effet menés sur ce sujet par l'ANSES.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

S'agissant de ces travaux complémentaires, il existe à l'heure actuelle une culture des agences consistant à ne reconnaître que les études répondant aux règles dites « de bonne pratique » édictées par l'OCDE, études aujourd'hui dépassées dans leur principe, puisqu'elles s'appliquent à des données toxicologiques et non aux perturbateurs endocriniens. Je citerai deux exemples. L'INRA de Toulouse, sur des crédits publics, a sorti deux premières mondiales concernant le bisphénol. L'une a montré les effets sur la perméabilité intestinale de l'imprégnation par le bisphénol à des doses largement inférieures à la valeur limite actuelle. L'autre a montré la possibilité, pour les caissières de supermarchés, de recevoir des doses de bisphénol par perméabilité de la peau à partir des tickets de caisse. Certains supermarchés, dans un souci de marketing, précisent d'ailleurs que les tickets de caisse sont sans bisphénol. Or l'INRA de Toulouse a abandonné, voici quelques années, les bonnes pratiques, considérant qu'elles sont de 30 % à 50 % plus chères et que les crédits publics sont limités. L'OCDE souligne qu'elle travaille à la révision de ces clauses, mais il y en a pour des années. Voilà pourquoi, monsieur le ministre, si seules les études de l'industrie sont prises en considération, parce qu'elle a les moyens de respecter les règles de bonne pratique de l'OCDE, nous ne sommes pas prêts d'interdire le bisphénol !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je tenais à montrer ce ticket de caisse à M. Bapt sur lequel il est indiqué « papier garanti sans bisphénol A ».

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Nous ne devons certes pas nous limiter aux règles de bonne pratique. L'ANSES me fait savoir que, dans le cadre des expertises en cours non réglementaires, toutes les études publiées sont prises en compte.

Je suis prêt à saisir à nouveau l'ensemble des agences, à leur faire part de votre remarque et à demander qu'on ne tienne pas compte seulement des règles de bonne pratique mais qu'on puisse avoir la vision la plus exhaustive possible, de façon à avoir leurs éléments de réponse ou, du moins, à obtenir confirmation.

(Le vote sur l'amendement n° 3 est réservé.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 9 .

La parole est à M. Roland Muzeau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l'amendement n° 10 .

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Ce sont des amendements d'appel qui, comme vous pouvez le constater, visent à interdire la fabrication, l'importation, la vente ou l'offre de produits contenant une ou plusieurs substances répertoriées comme perturbateurs endocriniens de catégorie 1 et 2 figurant en annexe du règlement (CE) n° 12722008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges modifié par le règlement (CE) n° 7902009 de la Commission du 10 août 2009.

Ainsi qu'il est précisé dans le rapport de M. Lachaud, les résultats des études épidémiologiques menées depuis plusieurs décennies sont particulièrement préoccupants : baisse de la fertilité masculine et féminine, forte diminution du nombre de spermatozoïdes, augmentation des cancers du sein, de la prostate et des testicules, dérèglement du système hormonal, notamment.

La communauté scientifique considère désormais comme hautement probable l'incidence des perturbateurs endocriniens sur ces dérèglements, et le niveau de notre exposition dès le plus jeune âge, y compris in utero, à ces produits a de quoi inquiéter.

Or ces perturbateurs endocriniens sont présents dans un très grand nombre de produits, et, en dépit d'avancées réglementaires au niveau européen, la directive REACH notamment, et de l'inscription dans la Constitution du principe de précaution, force est de constater que la gestion du risque épidémiologique lié à l'exposition à ces substances se heurte encore aujourd'hui à un certain nombre de difficultés, et nous venons d'entendre la réponse qui a été donnée à M. Bapt.

Pour preuve, nous sommes encore dans un système qui se limite à la définition de doses journalières acceptables, alors qu'il faudrait, comme le note très justement le rapport, tendre vers le plus bas niveau possible d'exposition. Nos amendements pourraient y contribuer.

Nous avons bien conscience que les délais que nous proposons ainsi que le champ retenu, à savoir les perturbateurs de catégorie 1 et 2, ceux dont on sait qu'ils ont une incidence sur l'homme, posent de réelles difficultés à une partie du secteur industriel, mais il nous semblait important de porter ce débat de l'interdiction pure et simple des deux catégories les plus préoccupantes car, comme pour l'amiante, les PCB, les éthers de glycol et autres, il faudra attendre longtemps encore avant que les logiques industrielles, mercantiles ou financières ne s'effacent devant l'évidence du danger que représente cette bombe endocrinienne à retardement pour la perpétuation de l'humanité.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

(Les votes sur les amendements n°s 9 et 10 sont réservés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 12 .

Vous pourriez peut-être présenter en même temps l'amendement n° 15 , madame Langlade ?

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Volontiers.

Ces amendements concernent l'information des consommateurs par l'affichage.

Nous demandons qu'à partir du 1er juillet 2011 l'affichage de la composition toxique, notamment en phtalates, des parabènes et des alkylphénols, des produits entrant dans la composition des matériaux et objets en contact avec des denrées alimentaires et de grande consommation soit obligatoire pour le producteur, l'importateur, le fournisseur et le distributeur de ces produits.

Généraliser ce type d'affichage profite aux consommateurs, qui sont mieux informés.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

(Les votes sur les amendements n°s 12 et 15 sont réservés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 14 , qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 16 .

La parole est à Mme Colette Langlade, pour défendre l'amendement n° 14 .

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Pour une complète transparence de l'information, nous demandons que le Gouvernement remette au 1er janvier de chaque année au Parlement un rapport visant à éclairer la représentation nationale sur l'état des connaissances scientifiques des risques des produits à base de phtalates, des parabènes et des alkylphénols sur la santé des consommateurs et les mesures que le Gouvernement envisage pour enrayer ces risques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement n° 16 .

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Je propose qu'un tel rapport ne soit remis que tous les deux ans car nous savons très bien qu'il est fort compliqué de tenir le rythme de la transmission au 1er janvier de chaque année.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et le sous-amendement ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable, et je vous ai donné mon avis sur l'ensemble du texte. Par contre, j'ai pris un engagement et je suis prêt à vous donner des informations tous les ans, et même plus fréquemment s'il le faut. Je propose au rapporteur de me saisir officiellement et je répondrai officiellement pour confirmer que nous serons à même de produire un tel rapport annuellement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Le débat que nous avons eu cet après-midi, monsieur le ministre, sur une question ô combien importante de santé publique, montre que le Parlement peut avancer sur des sujets majeurs. Or, pour avoir de tels échanges, sauf si la loi de santé publique arrive, nous n'avons pas d'autres occasions que la discussion de propositions de loi du type de celle du Nouveau Centre, mais ce n'est pas tout fait l'objet d'une proposition de loi. Ne serait-il pas possible qu'à l'occasion de la remise de ce genre de rapport, le Gouvernement suscite un débat sur ces questions de santé publique, à propos desquelles, nous le voyons bien, la société est en attente ?

(Les votes sur l'amendement n° 14 et le sous-amendement n° 16 sont réservés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Sur le titre, je suis saisi d'un amendement n° 2 , qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 17 .

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

(Les votes sur le sous-amendement n° 17 et l'amendement n° 2 sont réservés.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

(Le vote sur l'amendement n° 4 est réservé.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

En application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée de se prononcer par un seul vote sur les amendements, l'article unique et l'ensemble de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Le vote que le Gouvernement demande en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution aura lieu ultérieurement.

Je rappelle en effet que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi auraient lieu le mardi 3 mai, après les questions au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Prochaine séance, lundi 2 mai, à dix-sept heures :

Déclaration du Gouvernement sur le programme de stabilité adressé par la France à la Commission européenne suivie d'un débat et vote sur cette déclaration, en application de l'article 50-1 de la Constitution.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma