Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la responsabilité sociale des entreprises est l'acquis majeur, voire le gène organisateur de sociétés modernes qui font des conditions sociales un facteur déterminant à la fois de la justice sociale et de la performance économique. La France s'est engagée en faveur de ce concept stratégique ; elle s'est engagée pour elle-même, fidèle à sa tradition des droits de l'homme et à sa conception d'une mondialisation plus juste et plus équitable, en Europe, où elle porte cette même exigence, et auprès des instances internationales.
Quel sens aurait en effet la croissance, si elle ne devait pas servir le développement humain ? Quel sens aurait la globalisation économique, si elle devait favoriser une croissance spéculative qui ne générerait pas d'emplois, accroître les inégalités sociales ou reposer sur le dumping social ? Promouvoir la responsabilité sociale, c'est répondre à une exigence éthique. Tel est l'intérêt de ce débat très utile qui, après l'examen de l'excellente proposition de loi que nous venons d'adopter, prend tout son sens en cette année de sortie de crise qui doit favoriser l'innovation sociale au service de l'emploi.
Je retiendrai quatre propositions. Tout d'abord, nous devons répondre en urgence au problème des salaires et des revenus du travail. À cet égard, les propositions qui ont été faites, notamment par le Président de la République, sont utiles et doivent être examinées rapidement, car le partage de la valeur ajoutée créée par les entreprises et l'économie est une des principales pistes à explorer. Dans le même ordre d'idées, j'attire votre attention, monsieur le ministre, sur les clauses sociales des marchés publics, qui permettent notamment aux entreprises spécialisées dans l'économie solidaire d'être mieux placées sur le marché de l'emploi, ainsi que sur les contrats de transition professionnelle, qui sont une solution particulièrement adaptée aux difficultés actuelles.
Ensuite, vous ne serez pas surpris que j'évoque la question de l'inégalité salariale entre hommes et femmes, qui demeure une grande injustice. Ce n'est pas qu'une femme soit volontairement discriminée par un employeur, mais, chacun l'observe, les conditions des parcours professionnels au sein de l'entreprise ne sont pas adaptées aux rythmes, aux charges et aux contraintes des femmes d'aujourd'hui. Certes, la réponse à ce problème se trouve également, et peut-être d'abord, dans une parentalité mieux assumée, mieux vécue. Mais cette réponse est-elle valable pour les milliers de femmes seules ou à la tête de familles monoparentales ? Je le dis avec une certaine gravité, car l'égalité professionnelle est également un des axes de notre sortie de crise. Elle créerait en effet un certain dynamisme, à condition que soit repensée l'organisation du travail. Celle-ci serait, c'est vrai, une véritable révolution, tant les femmes ont souvent été limitées à un salaire ou à un travail d'appoint.
Par ailleurs, vous le savez mieux que quiconque, monsieur le ministre, plus d'un million de personnes sont actuellement employés par des entreprises bénéficiant d'un label « égalité ». Ces entreprises, qui figurent parmi nos fleurons technologiques et industriels, luttent, au plan européen, afin de renforcer ce label ; je vous demande de les soutenir.
Ma dernière proposition concerne l'aide au développement et l'absolue nécessité d'intégrer, dans notre soutien aux pays pauvres, aux pays émergents ou en sortie de crise économique ou politique, le respect des engagements qu'ils ont pris en faveur des droits fondamentaux, notamment des normes sociales de l'OIT, auxquelles, dans leur immense majorité, ils ont souscrit. Pour ce faire, il nous faut d'abord veiller à l'exemplarité de nos sociétés multinationales, soutenir de manière adaptée et progressive les pays en transition économique, qui, pour la plupart, je le répète, ont signé les grandes conventions internationales, et lutter de façon déterminée contre le dumping social structurel. À ce propos, les grandes normes sociales consacrées par l'OIT pourraient être promues dans le cadre de l'effort européen en faveur de la reconstruction des pays de la rive sud de la Méditerranée, car elles sont un facteur de performance économique et de transition politique.
Monsieur le ministre, je conclurai en évoquant précisément l'OIT. Je sais votre attachement à cette grande institution et vous connaissez le mien. Il est plus que jamais nécessaire de rendre effectivement applicables dans le monde, à l'instar de celles de l'OMC, les normes de cette organisation. Le Président de la République avait évoqué cette exigence ; il est temps de donner un contenu réel à ces normes internationales et de sanctionner leur non-respect. Qu'y a-t-il de plus important aujourd'hui que de faire progresser les droits de l'homme et le travail décent dans le monde ? La responsabilité sociale doit être au coeur de la gouvernance mondiale, du G20. Il est heureux que la France porte ce message de justice et de paix. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)