Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de sa journée d'initiative parlementaire, le groupe Nouveau Centre a souhaité inscrire à l'ordre du jour une proposition de loi visant à interdire l'utilisation des phtalates, des parabènes et des alkylphénols. Au regard des différents enjeux de santé publique que soulève l'utilisation de ces produits, il nous a semblé responsable de permettre à la représentation nationale de s'exprimer sur ce sujet qui fait l'objet de tant de controverses et qui soulève tant d'inquiétudes chez nos concitoyens. Au nom du principe de précaution, il nous semble important que des mises en gardes soient formulées quant à l'utilisation de ces produits.
Ces substances sont effet présentes dans de nombreux produits industriels de consommation courante : produits ménagers, cosmétiques, emballages alimentaires, biberons et autres. Or de nombreuses études tendent aujourd'hui à démontrer la responsabilité de ces substances chimiques dans le développement de certaines maladies, ainsi que dans la perturbation du système endocrinien chez l'être humain : baisse de fertilité masculine, multiplication des cancers des testicules, malformations congénitales, incidences sur le développement prénatal de l'embryon et du foetus.
C'est moins la dose de parabènes ou de phtalates qui est en cause que leur accumulation dans l'organisme. À titre d'exemple, les phtalates sont présents partout, à des niveaux différents, dans notre environnement quotidien et l'exposition est souvent difficile à évaluer puisqu'elle peut se produire à la fois par inhalation, par contact ou par ingestion, en raison de la multiplicité des sources potentielles et des situations.
C'est bien parce que l'on ne peut mesurer précisément les doses absorbées par inhalation, par contact ou par ingestion que je demande, à travers cette proposition de loi, l'interdiction de ces substances chimiques, au nom du principe de précaution. Comme le soulignait la Cour de justice des Communautés européennes dans sa définition du principe de précaution, il est des sujets, comme la santé humaine ou l'environnement, où l'on ne peut se contenter d'attendre des preuves avérées du risque encouru pour agir. À l'heure actuelle, compte tenu de l'état des connaissances scientifiques et techniques, l'absence de certitudes ne doit pas retarder la prise en considération des risques liés à l'utilisation de ces substances chimiques.
En juin dernier, notre assemblée avait déjà eu l'occasion de se pencher sur une proposition de loi sénatoriale concernant la suspension de la commercialisation de biberons produits à base de bisphénol A. La loi, adoptée le 30 juin 2010, a été suivie d'une nouvelle directive européenne, en date du 28 janvier 2011, qui a modifié la réglementation relative aux matériaux et objets en matière plastique entrant en contact avec les aliments.
Cette directive vise à interdire l'utilisation du bisphénol A dans les biberons en plastique jusqu'à ce que l'on dispose de données scientifiques complémentaires confirmant les effets toxiques de cette substance. Cette interdiction est effective pour tous les États membres de l'Union européenne depuis le 1er mars.
Les chercheurs français ont publié, en mars, des travaux concluant que le bisphénol A a une action sur l'oreille interne pendant le développement embryonnaire et qu'il se fixe également sur les récepteurs oestrogènes. Avant même le vote de la loi, cette publication prouve bien l'utilité du principe de précaution dès que des soupçons se présentent.
Au niveau européen, trois phtalates font déjà l'objet d'une interdiction à terme dans le cadre du règlement REACH, les fabricants devant obtenir, jusqu'en 2013, une autorisation spécifique pour continuer à les utiliser.
Le Parlement français a le droit, et même le devoir, de s'inscrire dans cette démarche en adoptant des mesures de suspension et en s'intéressant à la question de la substitution des produits. Notre assemblée se doit d'engager, dès maintenant, une réflexion générale sur l'utilisation de ces substances chimiques, une réglementation parcellaire n'étant pas acceptable en ce qui concerne la santé de nos concitoyens.
La présente proposition de loi ne remet évidemment pas en cause le travail accompli tant par nos agences sanitaires, notamment l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail et l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, que par l'Agence européenne de sécurité sanitaire. Le Gouvernement a depuis longtemps chargé les premières de se pencher, chacune dans son champ de compétence, sur le rôle des perturbateurs endocriniens, mais cette proposition de loi doit être l'occasion de lancer un véritable débat de santé publique autour de l'utilisation de substances chimiques, et particulièrement des phtalates, des parabènes et des alkylphénols.
Ce sont les principes essentiels qui ont, je crois, animé cette proposition de loi que notre rapporteur, dans un esprit de compromis et afin de protéger les populations les plus fragiles, a souhaité préciser en demandant la suspension de l'usage des parabènes sur lesquels pèsent le plus de doutes dans les produits cosmétiques pour les enfants.
En effet, alors même que les phtalates, nous l'avons vu précédemment, ont été pris en compte dans le cadre de REACH, des incertitudes demeurent sur l'utilisation des parabènes, sur leur effet sur la santé et notamment le butyl, le propyl et le parabène. En atteste l'avis sur la présence de parabènes dans les produits cosmétiques adopté par le comité scientifique européen des produits de consommation, qui appelle la Commission européenne à reconsidérer la liste des conservateurs autorisés dans les cosmétiques en raison des connaissances scientifiques insuffisantes et des effets potentiels de perturbation du système endocrinien.
Face à ces incertitudes, il est du devoir des responsables politiques que nous sommes de prendre des mesures visant à interdire provisoirement l'utilisation de ces produits pour nos enfants, qui constituent les populations les plus sensibles aux risques. C'est précisément, mes chers collègues, ce à quoi vous engage le Nouveau Centre, qui espère que cet esprit de responsabilité guidera votre vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)