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Intervention de Colette Langlade

Réunion du 14 avril 2011 à 15h00
Interdiction de l'utilisation des phtalates des parabènes et des alkylphénols — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaColette Langlade :

Votre proposition de loi, visant à interdire les phtalates, parabènes et autres alkylphénols, a le mérite de relancer le débat sur les perturbateurs endocriniens.

Certains sont cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction. Ils affectent, à l'instar du bisphénol A, le système immunitaire ou provoquent des maladies cardiaques.

Les emballages sont très présents dans la vie du consommateur. Parmi eux, les emballages en matière plastique sont en constante évolution.

La généralisation de l'usage de ces substances, qui entrent dans la composition des emballages et contenants alimentaires, des dispositifs médicaux, des produits de beauté, des jouets, des vêtements, des produits de nettoyage, et j'en passe, s'explique par la facilité avec laquelle on peut les mettre en oeuvre, grâce à des technologies variées, par leur aptitude à se prêter à des usages différents et aux performances élevées qu'elles confèrent aux produits, mais elles méritent d'être réexaminées et remises en question à la lumière des obligations de sécurité des produits telles que définies par les législations nationales et européennes.

L'agroalimentaire représente aujourd'hui plus de la moitié du marché des plastiques. Or il existe des problèmes de compatibilité entre les emballages plastiques et les aliments. Les interactions entre le plastique et l'aliment étant inévitables, elles entraînent des défauts de qualité tant sur le plan organoleptique que toxicologique. Le plus connu de ces phénomènes est la migration de monomères résiduels ou d'adjuvants technologiques qui peuvent être relâchés par l'emballage et contaminer les aliments.

Entre l'usine qui fabrique les granulés de matériaux plastiques et les consommateurs qui achètent les produits finis se met en place toute une chaîne de transformations de l'emballage et du couple emballage-produit qu'il nous faudrait connaître pour identifier plus précisément les phénomènes de migration afin de les limiter et de préserver les qualités organoleptiques du produit.

L'aliment est susceptible d'être contaminé via trois sources.

La première tient à l'emballage et en particulier aux additifs ajoutés au matériau plastique en vue d'améliorer sa qualité, de le stabiliser, de l'assouplir, de le plastifier ou encore de le teinter. Des monomères peuvent être transférés à l'aliment, ce qui peut avoir des conséquences tant sur le plan organoleptique que toxicologique.

La deuxième tient à l'aliment lui-même. Certains de ses constituants sont en effet susceptibles d'être transférés à l'emballage et d'en modifier la structure, activant ainsi la migration du contenant vers le contenu. C'est le cas des aliments gras, pour lesquels les interactions avec l'emballage augmentent avec le temps, la chaleur et leur richesse en matières grasses. C'est aussi le cas des arômes, molécules volatiles dont la fuite, à l'intérieur ou au travers de l'emballage, entraîne une baisse de la qualité organoleptique – arôme et goût – du produit.

La troisième tient à l'environnement. Les odeurs résiduelles d'un lieu de stockage, les constituants d'encres de la paroi externe de l'emballage peuvent traverser le contenant et altérer l'aliment, tant au niveau organoleptique que toxicologique.

La migration augmente avec la durée et la température de stockage. Elle est aussi fonction de la surface et de l'épaisseur du matériau au contact de l'aliment, mais des matériaux très fins sont également susceptibles de transférer des additifs.

Dans le cas de l'aliment emballé, des phénomènes d'affinité entre le migrant et le produit emballé peuvent se produire. La plupart des monomères et des adjuvants étant lipophiles, le migrant migrera mieux dans un milieu gras que dans un milieu aqueux.

S'agissant de la nature du matériau d'emballage, certains additifs présentent plus ou moins d'affinités avec le milieu de contact. Ainsi, pour améliorer la souplesse du polystyrène, les fabricants lui ajoutent généralement des huiles minérales – hydrocarbures d'origine minérale. Plus la concentration d'huile augmente, plus la migration est importante.

À titre d'exemple, des traces d'encre ont été retrouvées dans des biscuits alors que ces derniers étaient emballés dans un étui et n'étaient pas en contact direct avec le second emballage. Il s'est avéré que l'étui, poreux, avait laissé migrer l'encre vers le biscuit.

Plusieurs démarches tant au niveau européen que national tendent à améliorer la définition et la connaissance des conséquences de l'usage de ces substances sur la santé et l'environnement.

En vertu du principe de précaution, l'État peut adopter des mesures provisoires et proportionnées de gestion du risque lorsqu'une évaluation révèle la probabilité d'effets nocifs sur la santé et qu'une incertitude scientifique subsiste.

La directive 200195CE du Parlement européen et du Conseil du 3 décembre 2001 relative à la sécurité générale des produits pose le principe de l'obligation générale de sécurité pour tout produit mis sur le marché et destiné aux consommateurs. Elle impose également aux producteurs et distributeurs de fournir aux consommateurs les informations utiles pour évaluer les risques inhérents à un produit lorsqu'ils ne sont pas directement perceptibles et de prendre les mesures qui s'imposent pour éviter ces risques.

Les producteurs et distributeurs sont ainsi tenus de fournir des produits satisfaisant à l'obligation de sécurité générale, de suivre la sécurité des produits sur le marché et de fournir les documents nécessaires assurant la traçabilité des produits.

Concernant la législation alimentaire, les prescriptions imposent qu'une denrée alimentaire ne soit pas mise sur le marché si elle est dangereuse, c'est-à-dire préjudiciable à la santé ou impropre à la consommation. La dangerosité s'évalue en tenant compte des conditions d'utilisation normale, de l'information fournie au consommateur, de l'effet probable immédiat ou retardé sur la santé, des effets toxiques cumulatifs.

Dès lors, pour la complète information du consommateur, l'affichage de la composition toxique d'un produit doit être généralisé et s'imposer au producteur, à l'importateur, au fournisseur et au distributeur. Les établissements de vente au détail de produits alimentaires et de grande consommation devront afficher en rayon la déclaration écrite de conformité transmise par le producteur ou le fournisseur.

Cette déclaration écrite de conformité, obligatoire, s'appuie sur les résultats d'analyses de migration réalisées par le fournisseur. Ils doivent tenir compte de la composition du matériau et notamment de la couche au contact, de la nature des denrées alimentaires au contact, de la durée et de la température de traitement et d'entreposage auxquelles est soumis le matériau au contact, de la surface de contact du matériau ou objet.

Les travaux du comité opérationnel n° 23, dit « consommation » du Grenelle de l'environnement ont notamment porté sur un étiquetage écologique et éco-sensibilisation qui contiendrait les informations essentielles relatives à l'environnement. Ces éléments de connaissance devraient concerner le contenu du produit et de son emballage, mais aussi l'impact sur les milieux résultant de sa production et de sa commercialisation. Le 4 décembre 2008, le Conseil de l'Union a adopté les conclusions du paquet « consommation et production durable », dans lesquelles il a reconnu l'intérêt de cette démarche d'affichage du contenu des produits.

En examinant les produits de consommation courante ou quotidienne, il apparaît que les étiquettes renseignent peu ou pas le consommateur sur les caractéristiques, les dangers et les risques d'un produit, alors que telle est leur finalité. Aussi, désormais, l'obligation de mentionner les risques sur la santé, tous les risques, doit être le principe. Quelques rares personnes ont allégué l'impossibilité d'améliorer l'étiquetage sur des produits au conditionnement de taille restreinte, les bâtons de rouge à lèvres par exemple, alors même que certains contiennent du plomb. Une personne a même estimé qu'il n'était pas nécessaire d'améliorer l'étiquetage, voire d'y avoir recours, puisque le consommateur ne comprend rien à la liste des substances entrant dans la composition d'un produit ! Cet argument n'est pas acceptable. L'éducation des consommateurs est très importante. Elle passe également par l'information la plus complète sur les risques encourus, dans la mesure où ils ont pu être constatés ou prouvés.

Demeure la question de la législation à appliquer pour les produits contenant ces substances et qui proviennent de pays ne respectant pas les normes internationales en matière sociale, environnementale et sanitaire.

Je conclurai en citant certaines recommandations du rapport de notre collègue sénatrice Marie-Christine Blandin au nom de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques : appliquer le principe de précaution ; créer une nouvelle catégorie à l'intérieur de la classification européenne ; procéder, en France, à la substitution de toutes les substances et produits déjà substitués dans un pays étranger ; mettre en oeuvre le principe de substitution pour les substances reconnues préoccupantes ; augmenter le potentiel de la recherche en santé-environnement, en particulier dans le secteur public ; instaurer des exigences uniformes santé-environnement pour tous les produits mis sur le marché, y compris les produits importés ; enfin, mettre en place une réelle information des consommateurs sur les dangers des produits courants en milieu domestique.

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