Permettez-moi tout d'abord de saluer la tenue de ce débat sur les substances chimiques, tant il est rare de parler santé publique dans cet hémicycle. Il est notamment impossible de le faire sérieusement lors de l'examen du PLFSS, alors même que nous attendons depuis 2008 une loi de santé publique qui aurait dû être présentée à notre assemblée conformément à la précédente loi de 2004.
Ce texte déjà bien en deçà des exigences de santé publique risque d'être encore plus limité sous la pression des lobbies et de l'UMP, comme peut nous le faire craindre l'intervention de notre collègue Michel Raison, et nous avons bien peur qu'au final il n'en reste plus grand-chose. Les amendements présentés en commission ne parlent plus d'interdiction mais d'une simple suspension.
Cette proposition de loi n'avait pourtant rien de révolutionnaire et ne faisait que tirer les conséquences des multiples études tant françaises qu'internationales.
L'intention de cette proposition de loi est bonne même si je regrette qu'elle reste très ponctuelle.
Le cadre dans lequel nous sommes contraints d'agir est celui de la directive REACH, dont nous attendions beaucoup. Là encore, les ambitions de départ sont loin d'être atteintes. Monsieur le ministre, les syndicats de salariés vous ont fait connaître à plusieurs reprises leurs vives préoccupations dans maints domaines sur ces questions.
Nous agissons également dans le cadre de notre Constitution, qui a consacré le principe de précaution. Il est temps qu'il prenne toute sa place et soit mis au coeur de la décision politique. Ne répétons pas les mêmes erreurs que pour l'amiante, lorsque le comité amiante, directement lié aux industriels, avait à l'époque permis, pendant des décennies, d'étouffer les conséquences de son utilisation sur la santé des travailleurs qui devaient le manipuler.
Le récent scandale du Mediator est de même nature.
C'est ainsi que des dizaines de milliers de salariés, de patients, de consommateurs, subissent les conséquences de l'insuffisance ou de l'absence de réglementation.
N'oublions pas que nous sommes entourés de plus de 30 000 substances chimiques ou biochimiques dont nous connaissons parfois très mal les effets sur la santé, encore moins les effets combinés ou ceux d'une exposition répétée pendant des années ou des décennies. Nous savons aujourd'hui que cette répétition, même à des doses infinitésimales, n'est pas sans conséquences.
L'explosion des allergies, des cancers et d'un certain nombre d'autres maladies chroniques devrait du reste nous alerter. Toutes les études montrent que les cancers endocriniens sont en pleine recrudescence et que nous sommes confrontés à une véritable épidémie de cancers du sein et de la prostate, entre autres, ainsi qu'à une baisse de la fertilité aussi bien humaine qu'animale.
Certes, environ 20 % de ces cancers seraient dus au vieillissement de la population, mais la multiplication des leucémies chez l'enfant prouve bien que le vieillissement n'est ni la seule ni la principale cause.
Il y a forcément une origine et celle-ci se trouve dans notre environnement, qu'il s'agisse de notre environnement de travail ou de notre mode de vie. Une mauvaise alimentation peut être en cause mais aussi une alimentation chargée en divers produits chimiques, principalement des pesticides provenant de l'agriculture intensive qui domine et reste soutenue par votre majorité.
Ce texte ignore ainsi la question des pesticides alors que ce sont les produits les plus répandus et que nous côtoyons le plus. Il est consternant de continuer à utiliser bon nombre de ces substances alors qu'elles pourraient être remplacées. Il serait tout à fait possible de ne pas avoir recours à nombre de produits qui contiennent ces substances dangereuses. Ainsi en est-il des récipients alimentaires composés de bisphénol ou des shampooings contenant des parabènes. Malheureusement, beaucoup de consommateurs ne sont pas informés et n'ont pas les moyens d'acheter des produits alternatifs souvent plus chers que ceux qui contiennent ces substances potentiellement néfastes pour la santé. Il en découle une inégalité entre nos concitoyens.
Cette proposition de loi part sans doute d'une bonne intention mais elle reste extrêmement limitée. Même si elle aboutit, une telle démarche visant à interdire trois classes de substances, compte tenu des modifications évoquées tout à l'heure par le rapporteur, ne produira d'effet qu'à la marge, plusieurs centaines d'autres continuant à être utilisées, ingérées, absorbées.
Notre vote dépendra donc, chers collègues, du sort qui sera réservé à un certain nombre d'amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)