La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009 (1494, 1511).
Ce matin, l'Assemblée a commencé l'examen des articles de la première partie, s'arrêtant à l'amendement n° 64, précédemment réservé, portant article additionnel après l'article 1er.
Cet amendement, qui a déjà fait l'objet de nombreux débats ce matin, est d'une grande simplicité : il consiste à abroger l'article 1649-0 A du code général des impôts, qui définit le mécanisme du bouclier fiscal.
Jérôme Cahuzac ayant déjà défendu notre position ce matin, il n'est plus besoin, à ce stade du débat, de dire combien le bouclier fiscal nous est apparu, dès le départ, inadapté et injuste, et combien, dans le contexte actuel, il est insupportable à l'ensemble des Français..
La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
Avis défavorable à l'amendement. Nous avons eu, ce matin, une très longue discussion à ce sujet.
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
J'ai beaucoup de respect pour M. Sapin, mais je ne vais pas relancer le débat que nous avons eu ce matin. J'ai tendance à considérer que l'essentiel a été dit.
Le Gouvernement est évidemment défavorable à cet amendement.
(L'amendement n° 64 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 58.
La parole est à M. Jérôme Cahuzac.
Cet amendement exclut des impositions à prendre en compte pour la détermination du droit à restitution l'impôt de solidarité sur la fortune. Il n'a donc pas pour but de donner lieu à un nouveau débat sur le principe du bouclier fiscal ou de l'impôt sur la fortune, mais simplement d'inviter le Gouvernement à préciser ses intentions en matière de détermination du revenu fiscal et des impositions de référence servant à calculer le montant des droits à restitution.
Contrairement à ce que M. le ministre des comptes publics a pu indiquer à plusieurs reprises, le bouclier fiscal n'a pas été créé pour éviter que nos concitoyens ne travaillent plus d'un jour sur deux pour l'État, puisque – et le Gouvernement l'a voulu ainsi – ce bouclier protège non seulement de l'impôt sur le revenu, mais également de l'ISF, des prélèvements sociaux et des impôts locaux.
Nous souhaitons donc engager le débat sur le revenu fiscal et les impositions de référence à l'occasion de cet amendement, et le poursuivre naturellement tout à l'heure quand nous discuterons d'un autre amendement que le président de la commission des finances défendra probablement lui-même.
Avis défavorable à l'exclusion de l'impôt de solidarité sur la fortune. Ce serait tout à fait paradoxal, monsieur Cahuzac. Je vous rappelle en effet que le plafond de 1988 avait été conçu précisément par rapport à l'ISF.
Défavorable également. Il faudrait alors plafonner parallèlement l'ISF, ce qui ferait un double plafond et s'avérerait quelque peu compliqué.
Nous avons eu droit ce matin à quelques rappels historiques de notre collègue Charles de Courson, en particulier sur la genèse de l'ISF, modifié à plusieurs reprises. Si tel est vraiment le problème, monsieur le ministre, revenez au dispositif initial de l'impôt sur la fortune, dispositif supprimé par Alain Juppé avec l'accord de sa majorité. Chacun s'accorde en effet à reconnaître que c'est à la suite de cette première modification que notre pays avait pu déplorer ce que certains appellent un exode fiscal mais qui s'est, en réalité, limité à quelques dizaines de personnes. Le Président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, a estimé que ce manque à gagner fiscal s'élevait en 2006 à 17,6 millions d'euros, somme qui, même si elle n'est pas négligeable, est faible comparativement au coût du bouclier fiscal.
(L'amendement n° 58 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 26.
La parole est à M. Charles de Courson.
L'amendement n° 26 vise à exclure du numérateur du bouclier fiscal la taxe d'habitation et le foncier bâti, taxe qui s'applique lorsqu'on est propriétaire de sa résidence principale. Deux raisons m'ont conduit à faire une telle proposition.
En premier lieu, dans les six pays – sur vingt-cinq – qui ont inclus la fiscalité locale dans leur bouclier fiscal, les impôts locaux sont partagés entre l'État et les autres collectivités, ou bien il existe deux types d'impôt sur le revenu, l'un allant aux collectivités locales, l'autre à l'État. Or tel n'est pas le cas de la France.
En second lieu, les collectivités locales doivent garder la responsabilité de leurs impôts. Si, lorsque vous payez des impôts, l'État, qui n'en fixe pas le taux, vous rembourse, le principe d'autonomie et de responsabilité locale se trouve remis en cause.
J'ajouterai une troisième raison : la discrimination entre les propriétaires et les locataires, ces derniers ne payant pas le foncier bâti. Il n'est donc pas sain de maintenir un tel dispositif.
Ces arguments plaident en faveur de la sortie des impôts locaux du bouclier fiscal. Les élus locaux doivent assumer la responsabilité du vote de leurs impôts devant leurs électeurs.
Avis défavorable. Prendre en compte les impôts locaux – taxe d'habitation et foncier bâti – permet de faire bénéficier les catégories modestes du bouclier fiscal. Sur les 14 000 foyers concernés en 2008, les deux tiers ont bénéficié de cette restitution essentiellement au titre des impôts locaux qu'ils ont acquittés.
Même réponse.
Puis-je vous contredire sur un point, monsieur le rapporteur général ? La taxe d'habitation est déjà plafonnée à 3,40 % du revenu. Or, selon les statistiques que vous nous avez fournies concernant le bouclier fiscal, 8 124 personnes qui en bénéficient ont un revenu fiscal annuel inférieur à 3 263 euros. Cela signifie qu'elles sont, par définition, plafonnées à la taxe d'habitation. Votre argument ne tient que sur la deuxième composante, à savoir le foncier bâti pour celles d'entre elles qui le paient, puisque cet impôt ne supporte pratiquement pas d'abattement et de plafonnement. Cette prise en compte est donc tout à fait superfétatoire pour les catégories au revenu fiscal annuel inférieur à 3 263 euros. L'écrêtement à leur niveau serait tout à fait exceptionnel. Et là encore, l'État doit-il se substituer aux communes pour rembourser le contribuable ? En effet, les communes, départements et régions touchent toujours les mêmes sommes, cela ne change rien pour elles.
La prise en compte est, à mon sens, totalement illogique pour la taxe d'habitation, qui est déjà plafonnée.
Même argumentation.
(L'amendement n° 26 n'est pas adopté.)
(Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur Cahuzac, j'ai soigneusement compté. Je préside et, jusqu'à nouvel ordre, c'est moi qui vérifie la validité des votes. (Nouvelles protestations.)
Non, cela ne va pas, madame la présidente ! Ce que vous faites est grave !
Monsieur Emmanuelli, cet amendement est rejeté.
Nous en arrivons à deux amendements identiques, nos 25 et 57.
Madame la présidente, nous n'avons pas le même avis que vous sur le résultat de ce vote. Nous vous demandons de consulter l'Assemblée par assis et levé. Je vous demande vraiment d'accepter cette procédure. Si vous avez raison, nous reconnaîtrons nos torts et l'affaire sera réglée. Dans le cas inverse, le vote de l'Assemblée aura été respecté.
Monsieur Cahuzac, cet amendement a été rejeté. Cela m'a été confirmé après vérification. C'est ma responsabilité et je l'assume.
Il y a un règlement dans notre assemblée, madame la présidente : la consultation par assis et levé est de droit !
Oui, monsieur Emmanuelli, il y a un règlement dans cette assemblée. J'ai annoncé les résultats du vote, que j'ai vérifiés, et j'ai appelé les amendements suivants.
Et croyez-vous que cela va s'arrêter tranquillement, comme si de rien n'était ?
Vous n'avez pas la parole, monsieur Emmanuelli, puisque vous ne l'avez pas demandée. Seul M. Cahuzac a demandé à s'exprimer, ce que j'ai accepté.
Rappel au règlement, madame la présidente ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous venez d'en faire un et je vous ai répondu. Nous en revenons aux amendements identiques.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 25.
Les députés du groupe Nouveau Centre ont déposé l'amendement n° 25 conformément à leur position lors du débat sur la loi TEPA. Nous avions alors appelé l'attention du Gouvernement et surtout de la majorité sur le problème suivant : l'élargissement du bouclier à la CSG, à la CRDS et aux impôts sociaux qui y sont liés, donne inéluctablement naissance à un débat dès qu'il s'avère nécessaire de créer une contribution pour financer un effort en matière sociale. Nous considérions déjà, à l'époque, que la mesure était injuste, puisqu'il apparaissait que les 6 000, 7000 ou 8 000 personnes relevant de l'ISF et bénéficiant du bouclier fiscal seraient remboursées de toute nouvelle contribution, et qu'il y aurait donc rupture de la solidarité nationale. On nous a alors répondu que le problème ne se poserait pas et qu'il n'y aurait jamais de hausse. On a vite constaté ce qu'il en était : quand on a voté le RSA, on a créé un nouvel impôt de 1,1 % . La question s'est alors posée de savoir s'il convenait ou non de l'inclure dans le bouclier. Il a été décidé de l'inclure. Tous ceux qui bénéficient du bouclier fiscal échappent donc au paiement du 1,1 %.
En présentant les projections de la protection sociale française, Éric Woerth a estimé que le déficit des régimes de base de sécurité sociale s'élevait à environ 17 milliards ; le rapporteur général considérait, quant à lui, que nous étions plus proches de 20 milliards. Mais que ce soit 17 ou 20 milliards, comment allons-nous faire, mes chers collègues, pour rééquilibrer les comptes sociaux ? Parfaitement conscient de la lourdeur des tendances démographiques, que ce soit en matière d'assurance maladie ou d'assurance retraite, le Président de la République lui-même s'est toujours gardé de dire qu'il n'augmenterait jamais les contributions au régime de protection sociale. Et chaque fois que nous devrons discuter ou décider d'une augmentation de telle contribution, nous serons toujours confrontés au bouclier fiscal !
Je sais que deux tendances existent au sein du groupe de l'Union pour un mouvement populaire : ceux qui récusent notre analyse et ceux qui la partagent.
Allons donc ! Laissez seulement parler le rapporteur général, et bien d'autres au sein du groupe UMP !
Nous persistons à penser, et nous ne céderons pas, qu'il faudra, tôt ou tard, enlever du numérateur du bouclier fiscal la CSG et la CRDS pour que cesse ce débat entre nous. C'est tout simple.
Cette mesure aurait peu d'incidence : elle ferait sortir de l'assiette à peu près 7 ou 8 % de l'imposition actuellement retenue et permettrait de réaliser des économies d'une centaine de millions sur les 450 millions. Mais, en termes de symbole, elle affirmerait le maintien de la cohésion nationale pour le financement de la protection sociale française.
La commission a rejeté cet amendement. C'est cependant un sujet important qui justifie un bref rappel.
Début 2007, à l'occasion de la campagne présidentielle, la question s'est posée du renforcement du bouclier fiscal. Un certain nombre de personnes sont intervenues dans ce débat, dont moi-même, pour dire qu'il ne fallait pas inclure les prélèvements sociaux. En effet, si nous devions, un jour, augmenter lesdits prélèvements, les difficultés seraient évidentes.
Cela dit, cette question, clairement posée, a été tranchée lors des élections – le discours était clair – puis dans le cadre de la loi TEPA. Nous avons voté un bouclier incluant les prélèvements sociaux, comme d'ailleurs le plafonnement de 1989, mais dans un contexte de baisse des impôts.
La question s'est posée à nouveau lorsque, pour financer le revenu de solidarité active, il a fallu créer un prélèvement social supplémentaire de deux points. Nous avons alors accéléré le plafonnement global des niches fiscales.
J'ai expliqué en commission qu'il fallait rejeter cet amendement mais, si nous devons un jour augmenter la CSG, nous ne pourrons expliquer à personne que l'augmentation ne concernera pas les catégories les plus aisées, qui bénéficient du bouclier fiscal.
Le problème ne se pose pas aujourd'hui. Il ne faut donc pas adopter cet amendement, mais cela ne nous interdit pas de réfléchir pour l'avenir.
Madame la présidente, je proteste contre la façon dont le vote s'est déroulé tout à l'heure.
Il ne s'agit pas pour nous, mes chers collègues, de contester le fait majoritaire. Nous acceptons naturellement le vote que les Français ont émis il y a un peu moins de deux ans. (« Heureusement ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Je souhaite le préciser pour que mes propos ultérieurs ne soient pas mal interprétés.
En revanche, vous ne pouvez nous imputer la responsabilité d'une division de la majorité sur des sujets essentiels. Or, de fait, la majorité UMP-NC est divisée sur celui-ci. Vous devez admettre dans ces conditions que l'opposition, pour laquelle ce sujet est majeur, souhaite mettre en évidence le fond du problème, c'est-à-dire la nature du bouclier fiscal, qui protège des impôts nationaux, sociaux et locaux, et le problème politique qui est posé naturellement dans le pays, bien évidemment au sein de la majorité, en tout cas au Parlement.
Madame la présidente, je ne mets pas en cause a priori votre bonne foi, mais nous savons compter nous aussi et nous contestons les résultats du vote que vous avez donnés tout à l'heure, à moins que n'ayez vous aussi voté. Ce n'est pas l'usage, même si c'est votre droit, sauf que vous n'avez levé la main à aucun moment. Vous avez naturellement le droit de voter, autant que n'importe quel élu dans cet hémicycle, mais, dans la mesure où vous n'avez rien manifesté, vous compter devient abusif. Il serait tout aussi abusif de recompter maintenant dans la mesure où d'autres collègues sont arrivés depuis, sur tous les bancs, ce qui est naturellement leur droit.
Dans ces conditions, et afin que cet incident ne se reproduise pas car nous avons d'autres amendements importants, je vous demande une suspension de séance de dix minutes pour convenir ensemble de règles, de sorte que le débat se déroule le plus sereinement possible et, en tout cas, qu'il ne puisse y avoir aucune contestation.
Monsieur Cahuzac, je vous ai répondu, au sujet de ce vote, que le compte avait été vérifié (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC) et qu'il n'y avait pas de problème.
La suspension de séance étant de droit, monsieur Cahuzac, je vous l'accorde, pour cinq minutes.
Rappel au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures vingt, est reprise à quinze heures vingt-cinq.)
La séance est reprise.
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour défendre l'amendement n° 57, identique à l'amendement n° 25 préalablement défendu par M. de Courson.
Selon le même raisonnement que Charles de Courson, – et encore une fois il ne s'agit pas de revenir sur le principe du bouclier fiscal, dont nous avons largement débattu ce matin – il nous paraît tout à fait excessif d'y inclure des impositions telles que la CSG ou la CRDS, alors même que les pouvoirs publics, et le rapporteur général l'a indiqué de façon quasi explicite, devront inévitablement procéder à une augmentation de ces prélèvements sociaux.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que, cette année, le déficit de la sécurité sociale sera au moins de 18 milliards d'euros. Les plafonds de trésorerie autorisés par la Caisse des dépôts ne permettront pas d'assurer notamment la gestion au jour le jour via l'ACOSS. Il sera donc inévitable d'augmenter ces prélèvements obligatoires, et imaginez le scandale si les seuls à ne pas faire d'effort étaient ceux dont la capacité contributive est la plus élevée.
Nous regrettons que le Gouvernement et sa majorité, quoi qu'en pensent certains de ses membres, suivent la position exprimée par le Président de la République mardi dernier, qui consiste à prétendre que les uns et les autres n'ont pas été élus pour augmenter les impôts. Encore une fois, cela a été largement dit ce matin, et dès hier par Henri Emmanuelli, personne n'a été élu pour augmenter les impôts, constater l'explosion du chômage ou déplorer des déficits budgétaires abyssaux, mais telle est la situation, et elle oblige à revenir sur ce que certains croyaient coulé dans le marbre.
Nous voterons donc naturellement ces amendements, en espérant que le vote sera incontestable, madame la présidente.
Même avis, j'imagine, que pour l'amendement n° 25, monsieur le rapporteur général ?
Oui.
(Les amendements identiques nos 25 et 57, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Je suis saisie d'un amendement n° 32 rectifié.
La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
Cet amendement n'a pas été adopté par la commission des finances, et je le regrette. Je l'avais déjà présenté lors de la discussion de la loi de finances initiale, dans la mesure où les documents fournis par Éric Woerth, le ministre des comptes publics, faisaient apparaître que nous avions un vrai problème de revenu fiscal de référence pour le déclenchement du bouclier fiscal.
Vous nous avez encore expliqué hier, monsieur le ministre, – je passe sur la justice et l'efficacité, justifications contestables –, qu'il était normal de disposer de ses revenus après en avoir versé 50 % en impôt. Le problème, c'est que le bouclier fiscal n'est pas calculé à partir du revenu réel puisque le revenu permettant de le déclencher est minoré d'un certain nombre d'avantages fiscaux. Je pense notamment au « Malraux » mais je pourrais citer d'autres exemples.
Le rapporteur général nous explique que le problème est réglé compte tenu du plafonnement des niches fiscales,…
…mais une erreur répétée, monsieur Carrez, ne devient pas une vérité. Vous le savez d'ailleurs puisque vous avez fait une objection à la proposition du Gouvernement de supprimer les deux tiers de la première tranche et une partie de la deuxième tranche de l'impôt sur le revenu, en trouvant anormal que des contribuables passant d'une tranche à une autre grâce aux niches fiscales bénéficient de cette aide complémentaire. Un tel raisonnement vaut également pour le bouclier fiscal, surtout que ce sont des proportions bien plus considérables, et c'est ce que cet amendement se propose de corriger.
D'abord, pour les revenus de l'année 2008, c'est-à-dire pour les chèques versés par le fisc en 2009, un grand nombre de dépenses fiscales ne sont pas plafonnées. Le problème est donc réel pour cette année, et il subsistera encore l'année prochaine puisque des niches non plafonnées sont maintenues.
Je crois d'ailleurs que, lorsque vous avez présenté la mesure, vous ne pensiez pas qu'il pourrait y avoir cet effet pervers, à savoir ces situations dans lesquelles un contribuable bénéficiant d'un avantage au titre d'une niche fiscale bénéficie d'un second avantage compte tenu de l'existence du bouclier fiscal.
C'est donc une correction qui vous est proposée. J'ai le sentiment que vous n'êtes pas encore mûrs. Le rapporteur général souhaite, comme il l'a dit, approfondir le sujet. Je suis candidat à ce que nous travaillions ensemble afin que le revenu de référence pour le déclenchement du bouclier fiscal devienne incontestable. Si l'amendement n'est pas voté, il faudra effectivement concevoir des dispositifs qui permettent de corriger une situation insupportable. Monsieur le rapporteur général, vous avez affirmé que la justice fiscale était pour vous un principe. Si tel est le cas, vous ne pouvez accepter que des contribuables déclarant 300 euros par mois comme revenu fiscal de référence et disposant d'un patrimoine de 15 millions d'euros puissent recevoir un chèque du fisc de 268 000 euros. Il y a là quelque chose d'inacceptable sur le plan de l'équité et de la justice fiscales.
Vous me direz que cela concerne peu de personnes ; ce n'est pas une raison : un principe ne se divise pas. Cet amendement devrait pouvoir être voté.
Nous avons rejeté cet amendement parce que la question est en quasi-totalité réglée à partir de l'année prochaine. Il ne faut pas voter de façon rétroactive des modifications de la règle fiscale.
Didier Migaud considère que nous continuons à diminuer le revenu imposable par l'imputation de déficits. Je rappelle que le principe du bouclier fiscal, c'est que nous trouvons au numérateur des impôts – l'IR, l'ISF, les impôts locaux,…
…la CSG – et au dénominateur le revenu. Or nous n'avons pas seulement plafonné les niches fiscales, monsieur Migaud ; nous les avons transformées en réductions d'impôt. C'est toute la différence. Que va-t-il se passer à partir de l'année prochaine ? Le revenu au dénominateur ne pourra pas être diminué, en raison du dispositif de réduction d'impôt. À l'inverse, au numérateur, les impôts seront diminués. Si l'on augmente le revenu pris en compte et que l'on diminue les impôts, la restitution – le bouclier – fonctionne d'autant moins.
Je m'étonne, monsieur Migaud, alors que nous avons conduit ensemble ce travail sur les niches fiscales, que vous ne souveniez pas de cet aspect, de la transformation en réductions d'impôts de tout ce qui permettait de diminuer artificiellement le revenu imposable,…
…ce qui conforte le bouclier fiscal. Ce sont donc des raisons entièrement objectives – j'allais dire « scientifiques » – qui conduisent à rejeter votre amendement.
Il ne faut pas s'étonner que le bouclier arase l'impôt : il est là pour ça ! Si ce n'était pas le cas, cela voudrait dire qu'il ne fonctionne pas.
Monsieur Migaud, en prenant certains cas de personnes ayant de très faibles revenus et un patrimoine très important, vous donnez le sentiment que ces situations seraient uniquement possibles par l'utilisation de niches fiscales. Je ne le crois pas. Il peut y avoir d'autres raisons, telle que le régime des BIC. Je pense même que l'utilisation de niches fiscales concerne très peu de monde dans ce cas de figure. Nous regarderons si les 800 personnes évoquées utilisent des niches ou non.
En tout état de cause, c'était pour le passé. Pour l'avenir, comme l'a très bien dit le rapporteur général, la situation sera fort différente. Je ne dis pas que vous avez tort ; en réalité, nous répondons à votre souhait par le biais d'un certain nombre de mesures.
Le dispositif de la loi Malraux devient ainsi une réduction d'impôt, et non plus une diminution de revenu. En outre, les dispositifs Robien et Borloo vont prendre fin, puisque la loi Scellier s'appliquera totalement à partir de 2010, avec une réduction d'impôt également.
Quant aux PERP, il s'agit de revenus différés. À partir du moment où vous versez des sommes dans ce produit, celles-ci sont logiquement retirées du revenu de référence et n'y retournent qu'au moment où la personne solde son plan d'épargne retraite.
Le dispositif des monuments historiques est un cas particulier, que nous assumons parfaitement. La vraie question est de savoir s'il s'agit d'une niche fiscale. Une niche fiscale, c'est une incitation ; être propriétaire d'un monument historique, c'est plutôt une vocation. C'est pourquoi nous avons souhaité, en loi de finances, retirer la propriété des monuments historiques et leur entretien du système de plafonnement des niches fiscales.
S'agissant des gains de cession de valeurs mobilières en dessous du seuil de 25 000 euros, des difficultés techniques de repérage se posent. Les gains seraient d'ailleurs très faibles ; les personnes bénéficiant de cette exonération ne retirent de ces cessions qu'un complément très peu significatif de ressources.
À voir les choses de très près, vous êtes satisfait pour l'avenir. En ce qui concerne le passé, nous procéderons à l'analyse à laquelle nous nous sommes engagés.
Que le plafonnement des niches fiscales – le travail que nous avons conduit ensemble – représente une avancée, j'en conviens ; j'ai suffisamment plaidé par le passé pour la transformation des déductions de revenu imposable en réductions d'impôt pour m'en réjouir. Vous n'avez donc pas besoin de me rafraîchir la mémoire, monsieur le rapporteur général.
Mais ce que vous dites continue d'être inexact, et vous le savez aussi bien que moi. Il y a effectivement les monuments historiques qui échappent aux mesures prises…
Beaucoup d'autres choses qui pourraient être bonnes pour la patrie ne sont pas prises en considération.
Avec la retraite par capitalisation également, le contribuable bénéficie d'un avantage auquel le bouclier fiscal vient s'ajouter.
Le problème de principe demeure donc. Vous ne voulez pas le traiter, et des situations complètement aberrantes subsisteront. Je pense que vous avez tort sur le plan de la justice fiscale.
Tout le monde est conscient à présent de l'importance du revenu de référence. Dans le débat sur le bouclier fiscal, trois questions se posent.
La première est la question du taux, que vous avez abaissé.
La deuxième est celle des impôts ou des cotisations pris en compte, et je parie, à cet égard, que nous aurons le même débat dès cette année, lorsque vous serez dans l'obligation de proposer l'augmentation de la CSG et de la CRDS. Cela reviendra très vite.
Enfin, il y a le débat sur le revenu de référence. Votre argument, que vous croyez massue mais qui ne prospère plus auprès des Français, consiste à dire : « Trouvez-vous normal qu'une personne donne plus d'une journée de travail sur deux à l'État ? » Cet argument aurait quelque valeur si le revenu de référence reposait uniquement sur les revenus du travail. Or de nombreux revenus pris en compte ne sont pas ceux du travail, et c'est d'ailleurs souvent parce que d'autres revenus complètent les revenus du travail que certaines personnes peuvent bénéficier du bouclier fiscal. Laissons donc de côté cette phrase un peu simple, pour ne pas dire simpliste.
Les revenus en question sont de surcroît eux-mêmes minorés. Monsieur le rapporteur général, vous dites que, l'année prochaine, le double avantage sera, non pas annulé, mais corrigé puisqu'un certain nombre de déductions du revenu de référence seront transformées en réductions d'impôt. Cette remarque est exacte, mais dans quelle situation nous trouvons-nous aujourd'hui ? Pourquoi délibérons-nous ? Pourquoi les arguments avancés ce matin pour au moins suspendre le bouclier fiscal sont-ils d'actualité ? C'est que nous ne sommes pas dans une période normale ; nous ne discutons pas de la justice fiscale dans un contexte économique normal. Nous sommes en période de crise et donc d'urgence.
Dans une telle période d'urgence, où le bouclier fiscal est considéré par de nombreux Français, pour ne pas dire par tous, comme quelque chose d'injuste, nous ne pouvons pas attendre l'année prochaine pour d'éventuelles corrections du dispositif. Il est urgent de corriger le revenu de référence. C'est la raison pour laquelle l'amendement de M. Migaud est particulièrement opportun.
(L'amendement n° 32 rectifié n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 59.
La parole est à M. Jérôme Cahuzac.
Je ne reprends pas l'argumentation qui vient d'être développée par Michel Sapin et que je fais mienne, mais je profite de l'occasion qui m'est donnée pour interroger de nouveau le ministre au sujet de la Société générale ; à moins que nos collègues n'estiment qu'il faut en faire un sujet à part, je pense que poser la question à l'occasion de la présentation de cet amendement peut nous faire gagner du temps.
Monsieur le ministre, je vous ai demandé ce matin ce que serait la position du Gouvernement à la suite de la décision du conseil d'administration de la Société générale d'accorder 70 000 stock-options à Daniel Bouton, 150 000 à Frédéric Oudéa, et 50 000 chacun à Didier Alix et à Séverin Cabannes. Il ne s'agit pas de stigmatiser ces dirigeants, qui sont sûrement des personnes de très grande qualité. J'indique simplement que la chose est à présent avérée.
La Société générale a bénéficié d'une recapitalisation d'un milliard d'euros l'année dernière et bénéficiera d'un milliard supplémentaire cette année. Le bénéfice qu'elle a réalisé en 2008 est de 2 milliards d'euros ; 700 millions d'euros de dividendes ont été distribués aux actionnaires. Les attributions de stock-options se font au prix moyen de 24 euros, l'action valant déjà aujourd'hui 27 euros. Si vous multipliez 150 000, par exemple, par 3 euros, vous aurez une idée de la plus-value que M. Oudéa a d'ores et déjà réalisée comme dirigeant d'une banque qui, sans l'État français, aurait probablement disparu.
Est-il normal, monsieur le ministre, que des dirigeants s'attribuent de tels montants de stock-options alors même que l'entreprise qu'ils dirigent a connu de vraies difficultés et que l'État a dû venir à son secours ? Au demeurant, je rappelle que ladite banque vient de recevoir environ 11,9 milliards d'euros d'AIG, mais uniquement parce que le contribuable américain a décidé d'assurer les engagements de ce rehausseur de crédits.
Dans son discours de Toulon, le Président Nicolas Sarkozy avait laissé croire – en tout cas à ceux qui le voulaient bien – que ce type de pratiques était terminé. Les accents du discours étaient forts, les paroles presque définitives. Or, quelques semaines plus tard, alors même que la crise bat son plein, voilà quatre dirigeants qui s'attribuent des dizaines de milliers de stock-options. Le Gouvernement va-t-il leur demander d'y renoncer ? Va-t-il faire comme le Gouvernement américain à l'égard des cadres d'AIG, à savoir leur enjoindre de renoncer à ce dispositif déjà tout à fait choquant en période normale, inadmissible dans la période actuelle ?
Avis défavorable. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) En êtes-vous étonnés, mesdames, messieurs les députés du groupe SRC ?
Vous m'avez interrogé, monsieur Cahuzac, au sujet de la Société générale. Est-ce que sa décision est opportune ? La question peut évidemment être posée, et même fortement. Mais je précise que cette banque a décidé d'attribuer des stock-options à 2 500 personnes – pas forcément des cadres d'ailleurs –,…
…et que sa décision ne concerne donc pas seulement quatre personnes. Il s'agit évidemment d'une option d'achat, et je rappelle que les stock-options ne sont pas interdites. C'est un mode de rémunération possible à partir du moment où il est lié à la performance…
…et ne s'inscrit pas dans une vision à court terme, puisqu'il est obligatoire de conserver les stock-options pendant un certain délai. Je tenais à rappeler ce point essentiel.
En outre, il faut vérifier que la décision prise par le conseil d'administration de la Société générale est bien conforme au code de conduite qui a été arrêté, avec l'accord du Gouvernement, par le MEDEF et par l'AFEP. Nous avons été informés de cette décision il y a peu, et nous allons évidemment en vérifier la conformité.
Enfin, je rappelle que nous avons considérablement durci la fiscalité sur ce type de rémunérations, notamment l'imposition sociale puisque les prélèvements sociaux sur les stock-options s'effectuent aujourd'hui au même niveau que dans d'autres pays européens.
Voilà les informations que je peux vous apporter à ce stade.
Monsieur le ministre, je vous remercie des informations que vous nous donnez même si chacun, dans cet hémicycle, les possédaient déjà.
Ma question était : qu'est-ce que le Gouvernement compte faire ? Allez-vous demander aux quatre dirigeants, dont l'un vient de se faire attribuer 150 000 stock-options, de renoncer à cette attribution ? Une telle demande ne serait pas illégitime de la part du Gouvernement puisque c'est lui qui a recapitalisé la banque à hauteur d'un milliard d'euros l'année dernière, qui va recommencer pour le même montant cette année et qui a garanti un certain nombre de ses actifs. Je vous rappelle, mes chers collègues, que sur l'enveloppe de 320 milliards destinée à garantir les actifs douteux des banques, 60 milliards ont déjà utilisés à cet effet. Bref, le Gouvernement, au nom de la légitimité qui est la sienne et de sa responsabilité devant le Parlement, est parfaitement fondé, non pas à exiger puisqu'il n'en a pas juridiquement le droit, mais à demander solennellement aux dirigeants de la Société générale de renoncer à cette attribution de stock-options.
Indiquer que des cadres en ont aussi bénéficié, quand on connaît l'écart de rémunération entre eux et certains grands dirigeants, n'apparaît que comme un argument de séance. Si vous souhaitez que les cadres conservent leurs stock-options, je ne pense pas que nous y verrons le moindre inconvénient. Mais il en va différemment pour ces quatre dirigeants qui, d'une manière ou d'une autre, portent une part de responsabilité dans la crise et dans la situation actuelle de cette entreprise, et qui s'attribuent de tels volumes de stock-options en ayant d'ores et déjà réalisé une considérable plus-value, laquelle ne pourra que prospérer – en tout cas c'est le souhait que nous devons formuler car cela voudra dire que nous sortons de la crise.
Ne rien faire à cet égard alors que le discours de Toulon était très clair, cela montrerait bien qu'entre les mots et les actes, entre ce qui est annoncé et ce qui est assumé, il y a un gouffre ! Et c'est à cause d'un tel gouffre, monsieur le ministre, qu'est en train de naître dans notre pays, non seulement une crise économique et sociale gravissime, mais également une crise politique.
Je vous demande donc une prise de position beaucoup plus ferme qu'une simple information du Parlement, auquel, au demeurant, vous n'avez rien appris puisque les dépêches d'agence nous avaient déjà indiqué tout ce que vous venez de nous dire.
Nous avons eu l'occasion, à plusieurs reprises de débattre du problème des stock-options en commission des finances. Je peux témoigner que le rapporteur général a soulevé la question lorsque le Gouvernement a pris une position forte s'agissant des bonus possibles pour les dirigeants des banques qui bénéficient du soutien public. Nous étions quelques-uns à dire que la restriction ne pouvait se limiter aux bonus car ces dirigeants perçoivent également des stock-options et des dividendes, et nous en avons l'illustration avec la Société générale.
En effet, le principe du non-versement de bonus aux dirigeants des banques aidées est totalement contourné à cause de la possibilité qui leur est offerte de recevoir des stock-options. Il s'agit de savoir si la demande des autorités publiques est ou non suivie d'effets. Nous aurons la réponse avec le cas de la Société générale. Monsieur le ministre, il est très important que le Gouvernement s'exprime à ce sujet, car ce qui est vrai pour cette entreprise pourra l'être pour d'autres. Il y va de l'autorité du Président de la République et du Gouvernement : on ne peut pas avoir un discours affichant de la sévérité, puis accepter que ses exigences soient ainsi contournées.
Je ne sais pas si je vous ai appris quelque chose, monsieur Cahuzac, mais ce que j'ai dit n'est pas ce que vous aviez déclaré publiquement ce matin puisque vous aviez seulement évoqué quatre dirigeants. Je vous ai donné une information supplémentaire en indiquant que 2 500 personnes étaient concernées par ce plan de stock-options. Je ne suis pas le porte-parole de la Société générale,…
Comment cela ? Vous pouvez en être sûr et certain.
…mais j'ai trois observations à faire.
Un : l'interdiction du versement de stock-options n'est pas prévue dans les conventions signées par l'État avec les banques, conventions que la commission des finances a examinées.
Deux : les stock-options ne sont pas des bonus. Faites un peu la différence, monsieur Cahuzac : les stock-options correspondent à de la performance différée puisqu'un délai de garde est prévu avant de pouvoir les lever. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Un tel dispositif fait participer les salariés à la performance de l'entreprise dans le futur, pas à la performance d'hier.
Trois : il est vrai qu'un tel débat n'existait pas auparavant et que, dans nombre de sociétés, il y avait depuis des années, des versements de gros volumes de stock-options ou de bonus. Mais, j'y insiste, ces deux modes de rémunération diffèrent : le bonus, c'est le constat d'une performance passée alors que les stock-options s'inscrivent dans une performance future. Au passage, je rappelle que la crise a fait considérablement diminuer les stock-options de la Société générale et que, pour les gens qui en ont reçu auparavant, il n'en reste pratiquement plus rien.
Il reste que tout cela était totalement obscur. Aujourd'hui, c'est totalement transparent : la Société générale a fait un communiqué de presse, on en débat à l'Assemblée nationale, vous posez des questions auxquelles le Gouvernement répond.
Quant au Gouvernement, devant une mesure que l'on peut considérer comme peu opportune, compte tenu de la situation et de l'état de l'opinion publique, il va s'assurer que la décision prise par le conseil d'administration de la Société générale est bien conforme au code de gouvernement d'entreprise du MEDEF auquel il a donné son accord. Nous allons vérifier si cette décision correspond bien à ce code de bonne conduite sur les rémunérations.
Monsieur le ministre, vous ne l'entendez sans doute pas ainsi mais, malgré notre véhémence et nos récriminations, nous sommes en train d'essayer de vous rendre service.
Ah bon ?
Manifestement, vous ne semblez pas en avoir conscience. Vous savez quel est l'état d'esprit de nos concitoyens et ce qui se passe aujourd'hui même. Vous savez aussi ce qui est en train de se passer à la Société générale, et allumer de tels brûlots va tout de même finir par avoir des conséquences. Or vous nous dites qu'il ne s'agit pas de bonus, que cela correspond à des performances. Mais de quelles performances parlez-vous ? Les exploits des dirigeants de la Société générale, depuis un ou deux ans, commencent tout de même à être connus ! Je n'aurai pas la cruauté de revenir sur leurs systèmes de contrôle internes, mais je n'ai pas l'impression que le rappel à l'ordre formulé hier par la Banque fédérale américaine témoigne de leur sens des responsabilités et de la performance !
La Banque fédérale américaine est mal placée pour donner des leçons ! Elle aurait mieux fait de s'intéresser plus tôt à la titrisation !
Vous devriez, en tant que ministre, désavouer ce genre de décisions qui autorise M. Oudéa à empocher 450 000 euros en raison de la différence entre le prix auquel il s'est octroyé les stock-options et le cours des actions aujourd'hui. Une telle situation est choquante par les temps qui courent, et d'autant plus, je le répète, que la FED leur a demandé de mettre fin à des opérations qui ressemblent à du blanchiment. Qu'attendez-vous donc ? Que les gens soient exaspérés ?
En plus, vous nous dites que la décision du conseil d'administration de la Société générale peut être conforme au code du MEDEF.
Depuis quand le code du MEDEF vous sert-il de ligne de conduite, monsieur le ministre ? En tout cas, j'apprends cela avec intérêt, et je demande qu'il soit pris acte que, pour le Gouvernement, les règles de conduite fixées par le MEDEF ont désormais valeur de code. Bravo !
Il y a tout de même des règles ! Ce n'est pas la jungle !
J'ai l'impression, après avoir écouté le ministre, que nous sommes tous plutôt d'accord sur ce que l'on doit penser de cette attribution de stock-options.
Cela étant, je veux revenir sur un point développé par Éric Woerth : il est vrai que c'est difficile à saisir pour le grand public, mais nous sommes tous d'accord sur le fait que le bonus n'est pas une stock-option. En effet, on ne peut pas anticiper sur l'évolution du cours de la Société générale car cela reviendrait à prévoir l'évolution dans les trois mois à venir, ce que personne ne peut faire.
Mais ce qui nous met tous mal à l'aise, c'est l'impression qu'il y a une vraie différence entre le nombre de stock-options attribué aux cadres et celui attribué aux dirigeants. Je le dis : par rapport à ces quatre dirigeants et au volume de stock-options qui leur sont attribuées, la majorité UMP se sent mal à l'aise. Nous pensons que c'est malvenu, que ce n'était certainement pas le moment. Je le dis aussi pour que ce soit écrit au Journal officiel. Le ministre conserve toute sa réserve, ce qui est bien évidemment légitime parce qu'il est membre du Gouvernement ; la majorité a toute sa liberté pour pouvoir dire ce qu'elle pense.
Je remercieJérôme Chartier d'avoir fait part de son malaise au nom de l'UMP, mais j'aurais aimé qu'en tant que porte-parole de son groupe, il demande au ministre de réagir. C'est au Gouvernement de la République de demander instamment aux dirigeants de la Société générale de renoncer, et le plus vite serait le mieux, à ce plan d'attribution de stock-options. Monsieur le ministre, vous nous dites que vous allez voir si c'est conforme au code de déontologie, mais de deux choses l'une : ou bien ce n'est pas conforme, et que comptez-vous faire ? ou bien c'est conforme, et vous devriez alors changer rapidement ce code.
Lorsque les conventions entre six établissements financiers et l'État ont été mises en place au titre des contreparties à la garantie donnée par l'État, deux volets ont été prévus.
Le premier est un volet économique : les banques s'engagent à irriguer l'économie, c'est-à-dire à prêter aux entreprises et aux ménages.
Le deuxième volet, déontologique celui-là, prévoyait notamment l'adhésion de ces banques, avant le 31 décembre 2008, aux recommandations AFEP-MEDEF. Dès le début novembre, j'ai été le premier à signaler que nos conventions n'étaient pas assez précises ou étaient même carrément muettes sur les éventuelles attributions de stocks-options. Figuraient bien des obligations en matière de bonus, de rémunérations variables ou de dividendes, mais une faille subsistait quant aux stocks-options. Début janvier, j'ai été conduit à écrire sur le sujet, afin de signaler qu'aucune limitation précise n'était prévue dans les conventions, mais qu'en revanche – et ce point est important – les recommandations du MEDEF et de l'AFEP auxquelles ont souscrit les banques traitent des modalités d'attribution et de valorisation des stocks-options. Ces recommandations détaillent certains points de gouvernance, appellent à la proportionnalité de leur distribution et conditionnent, pour partie, l'exercice des options ou l'attribution d'actions gratuites à la réalisation de performances. Écoutez bien ce passage : « Dans une période de baisse des cours comme celle que nous connaissons, l'octroi de stocks-options ou d'actions gratuites pourrait toutefois s'avérer particulièrement intéressant pour les dirigeants. »
C'est pourquoi, monsieur le ministre, les recommandations AFEP-MEDEF précisent : « Une périodicité régulière des attributions doit éviter l'octroi d'options d'actions de manière opportuniste dans des périodes de baisse exceptionnelle des cours. »
Cette précision figure bien dans la recommandation à laquelle a adhéré la Société générale.
Dans ce courrier que j'ai adressé début janvier, j'expliquais que cette recommandation n'était pas suffisamment explicite et qu'à mon sens, il fallait ajouter une mesure complémentaire dans les conventions pour couvrir précisément les stocks-options.
Le problème est posé et c'est à nous de le résoudre. Le ministre vient d'indiquer très clairement qu'il allait demander des précisions sur les engagements auxquels ont souscrit les établissements financiers. Nous allons regarder si l'attribution de ces stocks-options, aux cours actuels qui sont particulièrement bas, ne contrevient pas aux engagements de la Société générale, du moins à leur esprit.
Je crois qu'il est important de prendre acte des propos du ministre sur le caractère inopportun de cette attribution de stocks-options, ainsi que des déclarations de Jérôme Chartier, que je remercie de sa franchise lorsqu'il avoue le malaise de l'UMP.
Je remercie également le rapporteur général de sa franchise, lorsqu'il rappelle des recommandations qu'il avait faites il y a quelques mois.
Nous avions nous-même insisté pour que ces recommandations soient intégrées aux contreparties demandées aux dirigeants de banques.
Monsieur le ministre, je crois qu'on ne peut pas se contenter d'en rester là. À partir du moment où nous parvenons à ce constat qui peut être partagé, la poursuite de ce type de situation n'est pas acceptable. Il faut donc modifier le texte des conventions passées avec les établissements bancaires. Rien n'empêche – le Président de la République l'a démontré à plusieurs reprises – d'insister à nouveau auprès des dirigeants des établissements bancaires et financiers pour qu'ils changent leurs pratiques.
Ils ont déjà été convoqués à plusieurs reprises par le Président de la République. Je pense que des rappels sont nécessaires.
Ils renoncent aux bonus d'un côté et s'attribuent des stocks-options de l'autre !
Il faut veiller à éviter l'incompréhension de la part de nos concitoyens. Qui peut nier le lien qui existe entre le cours de l'action et le soutien public apporté à l'établissement bancaire ? Cela permet à toutes les autorités publiques de tenir un langage clair aux dirigeants des banques. Si l'on veut éviter que s'approfondisse le fossé entre ces derniers, nous-mêmes et nos concitoyens, il faut revenir sur certaines pratiques dans le contexte actuel.
À un moment donné, il faut arrêter de donner des leçons.
Je ne parle pas pour vous, monsieur Migaud, mais peut-être pour ceux qui se sont exprimés auparavant. Qui a fiscalisé et soumis aux charges sociales les stocks-options ? Cette majorité.
Qui a interdit les bonus ? Cette majorité. Qui a réuni les banquiers pour une explication ? Cette majorité. Qui est en train de réguler le système financier ? Le Président de la République, donc cette majorité.
Alors, il ne faut pas exagérer ! Je sais que vous avez le sang chaud et que vous bouillonnez quand vous lisez ce genre de nouvelles, mais il y a des limites.
Enfin, je le répète et ce sera dit pour la troisième fois puisque Didier Migaud l'a relevé : le Gouvernement considère que cette attribution de stocks-options n'est pas opportune. Je l'indique sans m'être concerté avec Christine Lagarde, qui se trouve à Bruxelles. Mes propos sont tout de même assez clairs.
Vous me parlez de loi. Il n'y a pas de loi, mais un code.
L'ensemble du secteur privé devait élaborer un code sur les rémunérations, sinon une loi serait adoptée – pratique assez classique en la matière. Le code a été fait, soumis, considéré comme acceptable. Si des failles y sont constatées, il devra être modifié. Il n'y a aucun problème : nous allons analyser, vérifier, examiner la décision du conseil d'administration de la Société générale à l'aune des règles inscrites dans ce code. Si nous remarquons un défaut dans le système, notamment pour les banques qui ont signé des conventions avec la Société de financement de l'économie et qui ont bénéficié des participations financières de l'État, nous allons essayer de l'améliorer, comme l'a très bien expliqué Gilles Carrez. Et j'imagine que votre commission des finances ne se privera pas d'auditionner toutes les personnes voulues, afin que ce code corresponde à la moralisation de la vie économique française, voulue par nous comme par le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous avons le sentiment que les délibérations des conseils d'administration ont tendance à s'accélérer, sans que les conseils de M. Carrez trouvent le temps de s'appliquer. S'agissant des 2 500 bénéficiaires de la Société générale dont on nous parle, on peut sans doute établir un parallèle avec le bouclier fiscal : les chiffres fournis suggèrent que quatre dirigeants majeurs tablent sur 8,5 millions d'euros de plus-values potentielles, alors que les 2 496 autres détenteurs se partageront probablement quelques miettes.
(L'amendement n° 59 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 79.
La parole est à M. Thierry Carcenac.
Puisque, par aveuglement, vous ne voulez ni supprimer ni suspendre le bouclier fiscal, son calcul nécessite une correction de la définition du revenu de référence. Cela a été répété par le président de la commission comme par M. Sapin.
Cet amendement vise à harmoniser l'imposition entre les contrats d'assurance vie, qu'ils soient libellés en euros ou en unités de compte. En effet, dans les contrats en unités de compte, les sommes versées par l'épargnant sont investies sur un ou plusieurs supports financiers qui servent de références pour exprimer la valeur du contrat. Leur rémunération n'est pas assujettie aux prélèvements sociaux, ni intégrée dans le calcul des revenus. Cela permet à un épargnant rentier, payant peu d'impôt sur le revenu mais beaucoup d'impôt sur la fortune, de bénéficier du bouclier fiscal.
Or ces contrats multisupports comportent des compartiments en euros très majoritaires, tout en étant traités différemment des contrats en euros. Par exemple, un épargnant qui aurait placé 8 millions d'euros en contrat multisupports à seulement 3 %, dans une optique patrimoniale, percevra un revenu disponible annuel de 240 000 euros, soit près de 20 000 euros par mois. S'agissant d'un contrat multisupports, ce revenu ne sera ni soumis à la CSG ni imposable. Si ce contribuable dispose d'un faible revenu imposable mais d'un patrimoine important qui le soumet à un ISF élevé, il pourra se faire rembourser une somme importante.
Sans l'harmonisation que permettrait le vote de cet amendement, il serait bon que nous puissions établir exactement le nombre de bénéficiaires de cette situation. Après tout, il n'y a que 14 000 bénéficiaires du bouclier fiscal sur 16,5 millions de foyers fiscaux imposables. En ciblant quelques zones – les XVIe et VIIe arrondissements parisiens, Neuilly et les Alpes-Maritimes, par exemple – il devrait être possible de savoir si ce dispositif n'est pas utilisé comme une véritable stratégie patrimoniale par quelques personnes.
La commission est défavorable à cet amendement. Contrairement à ce que vous dites, monsieur Carcenac, les contrats d'assurance vie sont pris en compte : au numérateur pour la partie fiscalisée, et au dénominateur pour la partie revenu. Seule différence : le calcul est effectué au dénouement s'il s'agit d'un multisupports, et au fur et à mesure lorsque le contrat est libellé en euros. Je ne vois pas où se situe le problème.
Le revenu n'est pas certain avec ce type de contrat, ce qui le rend difficile à enregistrer au fil de l'eau. À un moment donné, il le devient. C'est tout le sens de la législation en vigueur. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
(L'amendement n° 79 n'est pas adopté.)
Le bouclier fiscal conduit à limiter considérablement le montant des impôts payés par les contribuables qui en bénéficient, sous forme d'une restitution qui peut faire disparaître totalement l'impôt sur la fortune. Au fond, peut-être était-ce l'objectif d'une partie de la majorité. Avec ce bouclier, certains assujettis à l'impôt sur la fortune peuvent ne plus en payer du tout. C'était une manière détournée, voire hypocrite de supprimer cet impôt, votre première tentative ne vous ayant pas forcément réussi sur le plan politique.
Cet amendement vise à éviter que des assujettis à l'impôt sur la fortune n'en paient plus du tout grâce au remboursement effectué dans le cadre du bouclier fiscal. Il propose de créer un impôt minimum de solidarité sur la fortune qui serait acquitté en tout état de cause par les contribuables assujettis à l'ISF, quel que soit l'effet du bouclier fiscal.
(L'amendement n° 52, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Les stocks-options, on le voit, peuvent donner lieu à des détournements et aboutir à des situations considérées comme tout à fait anormales sur l'ensemble de ces bancs. Sans revenir à nos échanges précédents, je signale que cet amendement porte précisément sur les stocks-options, ce qui prouve que notre débat n'était pas seulement de circonstance et lié à des décisions prises dans une ou deux banques, mais qu'il avait trait à une problématique plus générale.
D'un côté on renonce à un bonus et de l'autre, on se fait accorder des stocks-options. Nous considérons que les revenus des stocks-options, des parachutes dorés ou des retraites chapeau ne sont pas de même nature que les autres. C'est pourquoi nous proposons, dans un souci de justice fiscale, de les traiter différemment.
Défavorable : la logique du bouclier fiscal est de rapporter de façon cohérente les impôts aux revenus qui leur correspondent.
Même avis que la commission.
(L'amendement n° 56 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 22.
La parole est à M. Michel Bouvard.
Cet amendement vise à donner aux entreprises l'opportunité de racheter tout ou partie de leur dette. Beaucoup de créances étant dépréciées, le marché de la dette est aujourd'hui très bas, de sorte que ces créances peuvent être cédées à prix cassé. Cette opportunité permet aux entreprises qui disposent de cash ou ont la possibilité de se recapitaliser de racheter leurs dettes : elles peuvent ainsi diminuer leurs charges financières, améliorer leur seuil de rentabilité et être moins fragiles face à la crise. Les banques, de leur côté, peuvent par ce biais se séparer de certaines créances et augmenter leurs liquidités, ce qui n'est pas inutile dans la période actuelle.
Ce système se heurte néanmoins à une difficulté : le rachat, par l'entreprise, d'une dette inférieure à sa valeur nominale génère une plus-value soudaine et artificielle, donc un surcroît d'imposition. L'amendement propose d'étaler l'acquittement de cet impôt ; l'État sera de toute façon gagnant, puisque la matière imposable, même lissée dans le temps, demeure ; l'entreprise le sera aussi, pour les raisons que je viens d'indiquer ; quant aux banques, elles pourront améliorer leurs liquidités.
Un dispositif similaire a été adopté dans les plans de relance d'autres pays, et notamment par le Sénat américain.
Un point m'échappe. Si une entreprise en grande difficulté parvient, en négociant avec sa banque, à diminuer la dette qu'elle a à son égard de 2 millions à 500 000 euros,…
…ladite banque considérera évidemment cette baisse comme une perte ; mais l'entreprise, elle, est par définition en déficit. Comment un débiteur pourrait-il imputer un rachat de dette alors qu'il est en déficit ? Je suppose que M. le ministre a des exemples pour illustrer ce cas, mais j'avoue ne pas comprendre l'amendement.
Si : même si elle est bénéficiaire aujourd'hui, les déficits passés s'imputent sur ce bénéfice ; je ne vois donc pas comment elle pourrait être structurellement bénéficiaire.
Au risque de décevoir le rapporteur général, le Gouvernement n'a pas non plus d'idée très claire sur la question. Nous n'avons reçu cet amendement assez technique que récemment ; je vous propose, monsieur Bouvard, d'y renoncer en attendant que nous l'expertisions.
Je retire l'amendement, même si les entreprises visées ne sont pas forcément en situation de déficit structurel. Toutefois, eu égard aux explications du rapporteur général et du ministre, il me semble prudent d'examiner si le dispositif proposé est véritablement opportun.
(L'amendement n° 22 est retiré.)
Je suis saisie d'un amendement n° 70.
La parole est à M. Alain Vidalies.
Nous proposons de supprimer le dispositif de la loi TEPA relatif aux heures supplémentaires, lequel avait été très critiqué dès l'origine. Le Conseil d'analyse économique avait ainsi, dans son rapport, mis en garde le Gouvernement…
…en évoquant un système défavorable aux salariés exclus du périmètre : « Un allégement des prélèvements obligatoires sur les heures supplémentaires accroît le pouvoir d'achat de ceux qui travaillent au-delà de la durée légale. Néanmoins, en contrepartie, le financement de cet allégement réduit le revenu des salariés qui ne font pas d'heures supplémentaires. »
Le coût de cette exonération pour l'État n'a cessé d'augmenter en 2008 : 663 millions d'euros au premier trimestre, 702 millions au deuxième, 709 millions au troisième et 718 millions au quatrième. Or, en 2008, la France a perdu 115 000 emplois,…
…pertes essentiellement concentrées sur le dernier trimestre.
Nous sommes dans une situation fort singulière : alors que le chômage augmente et que le nombre d'emplois diminue – 90 200 demandeurs d'emploi supplémentaires au mois de février, ce qui est un record depuis que les statistiques existent –, le nombre d'heures supplémentaires, lui, ne diminue guère et coûte de plus en plus cher à l'État. Dans les crises précédentes, on observait presque invariablement le même phénomène, économiquement logique : les entreprises commençaient par réduire les heures supplémentaires, puis par mettre fin aux CDD et aux contrats d'intérim avant, le cas échéant, de licencier. Pour la première fois de notre histoire, les deux premières phases sont inversées ; les salariés en CDD ou en intérim sont exclus des entreprises, alors que celles-ci, à cause de votre incitation financée par l'argent public, continuent de proposer des heures supplémentaires.
Cette question est au coeur des manifestations d'aujourd'hui : les gens ne comprennent pas pourquoi notre pays est, en cette période de crise, le seul à faire payer par le contribuable une machine à détruire des emplois. C'est aujourd'hui une préoccupation majeure, d'ailleurs exprimée dans certains rangs de la majorité. Il est temps de répondre à ceux qui manifestent et de mettre fin à un tel système : les salariés en sont les premières victimes, soit parce qu'ils ont été licenciés, soit parce que, au terme de leur CDD ou de leur intérim, ils ont dû quitter l'entreprise, laquelle – et c'est votre responsabilité – avait avantage aux heures supplémentaires. Dans la même année, certaines entreprises, que je pourrais citer, auront ainsi réussi l'exploit d'obtenir de l'argent public au titre de la défiscalisation des heures supplémentaires et des abattements de charges, et en même temps de l'indemnisation du chômage partiel, quand elles n'ont pas été recapitalisées par l'État. C'est une véritable gabegie.
Nous avons fait des propositions en faveur des salariés en CDD ou en intérim, premières victimes de la crise, qui perdront leurs droits à indemnisation au bout de cinq ou six mois. Pour leur envoyer un signe fort et leur montrer que vous ne les abandonnez pas, monsieur le ministre, utilisez les 3 milliards d'euros qui financent un système absurde pour abonder le fonds d'investissement social. Voilà ce que vous demandent ceux qui manifestent aujourd'hui. En pleine crise, vous ne pouvez pas continuer d'imposer aux Français, par entêtement idéologique, une telle machine à détruire des emplois.
La commission a rejeté cet amendement. La réduction autoritaire du temps de travail, monsieur Vidalies, n'a pas créé d'emplois ; pourtant, elle coûte très cher au contribuable.
Pas une seule étude ne montre un quelconque lien entre les heures supplémentaires et l'augmentation du chômage.
Cette dernière résulte de la crise qui frappe tous les pays, et plus fortement encore nos voisins.
J'ajoute que la mesure relative aux heures supplémentaires doit avant tout être appréciée au regard du pouvoir d'achat. En 2008, plus de 5 millions de salariés en ont bénéficié, contre seulement 4 millions en 2007 ; or, moins de 5 % de ces salariés sont situés dans une tranche d'imposition supérieure à 14 %. Cette excellente mesure profite donc à des salariés modestes ; elle a également permis, au plan des principes, de revaloriser le travail.
J'insiste enfin sur un point : quand notre pays sortira de la crise, les heures supplémentaires seront un atout majeur pour accélérer sa croissance,…
…alors que la réduction autoritaire du temps de travail ne nous avait pas permis de profiter pleinement du retour de la croissance mondiale. Cet amendement est donc à rejeter à tous égards. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Franchement, ceux qui ont mis en place les 35 heures n'ont pas de leçons à nous donner en matière d'emploi.
Le nombre d'heures supplémentaires a plutôt augmenté : 145 millions au dernier trimestre de 2007, contre 184 millions au dernier trimestre de 2008. Sur l'ensemble de l'année 2007, ce sont 725 millions d'heures supplémentaires qui ont profité à quelque 5 millions de salariés, augmentant en moyenne leurs revenus annuels de 1 800 euros. Parmi ceux qui manifestent aujourd'hui, beaucoup ont donc touché ces heures supplémentaires.
Selon vous, tous les manifestants sont au chômage ? Ne confondez pas tout.
Il n'y a pas de rapport entre l'augmentation du chômage et celle des heures supplémentaires. (« Oh si ! » sur les bancs du groupe SRC.) Les entreprises s'organisent en effet bien différemment : elles peuvent heureusement faire appel aux heures supplémentaires en cas de surcroît d'activité, et le feront d'autant plus volontiers, notamment en période de crise, que cela leur coûte dorénavant moins cher. À défaut, il est certain qu'elles n'embaucheraient pas. Contrairement à ce que vous prétendez, les heures supplémentaires ne sont donc pas les ennemies de l'emploi ; c'est même le contraire.
Je suis très étonné par cette proposition de supprimer un dispositif qui, je le répète, profite à 5 millions de nos concitoyens.
C'est un débat important, que nous avons déjà entamé avec Mme Lagarde hier. Aux dires de M. le rapporteur général et de M. le ministre, la « réduction autoritaire du temps de travail » n'aurait pas créé d'emplois.
Premièrement : la réduction a été moins autoritaire que négociée.
Deuxièmement, selon les chiffres officiels – notamment ceux, raisonnables, de la DARES –, 400 000 emplois ont été directement créés grâce à la réduction du temps de travail.
Troisièmement, monsieur le rapporteur général, il est stupéfiant de vous entendre dire que les 35 heures nous ont empêchés de profiter de la reprise : aucun des allégements de charges par lesquels vous les avez assouplies, allègements qui ont atteint des coûts records pour les finances publiques, n'a été assorti de contreparties en matière d'emploi.
Vous qui parlez sans cesse de dialogue social, vous devriez parfois écouter ce que disent les organisations syndicales, qui, toutes, sont sur la même longueur d'onde que nous : le dispositif est contre-productif car, les heures supplémentaires coûtant moins cher, les entreprises qui ont besoin d'accroître leurs capacités de production y ont recours au lieu d'embaucher des jeunes, lesquels ne trouvent plus aucun débouché dans le secteur marchand.
Le système de défiscalisation des heures supplémentaires sera également contre-productif au moment de la reprise dont, contrairement à ce que vous prétendez, nous ne pourrons pas profiter, car les entreprises seront tentées de recourir aux heures supplémentaires défiscalisées avant d'embaucher des jeunes ou de proposer des contrats temporaires.
Le dispositif est donc contre-productif dans les deux sens, monsieur le ministre, et je ne comprends pas votre autisme – ou, plutôt, je le comprends trop bien : l'Élysée a lancé un oukase et vous camperez sur vos positions pendant tout le débat. Seule la rue vous fera reculer. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Pécresse vient de le prouver : c'est la rue qui vous fait reculer !
Nous sommes au moins d'accord sur une chose : c'est dans cette enceinte que les débats doivent avoir lieu et que les lois doivent être votées ou, le cas échéant, suspendues. Sur ce sujet, il ne peut y avoir de dispute entre nous, même si – car c'est ce que voulait dire Gérard Bapt – nous regrettons parfois qu'il faille des mouvements de protestation pour que le Gouvernement se décide à réagir.
Croyez-vous vraiment, mes chers collègues, que, si les manifestations et la grève du 29 janvier dernier n'avaient pas eu le succès qu'elles ont connu,…
…le Président de la République aurait convoqué à l'Élysée un sommet social et que nous examinerions aujourd'hui un collectif budgétaire proposant d'entériner les mesures décidées lors de ce sommet ?
Notre collègue Gérard Bapt n'a pas tort de vous mettre en garde contre votre refus des constater les évidences : il risque de discréditer un Parlement au sein duquel, pourtant, tout devrait être débattu et tout devrait être décidé.
À propos des 35 heures, monsieur le ministre, il faut, je crois, éviter les phrases telles que : « Vous n'avez pas à nous donner de leçons sur… » Personne n'a à donner de leçons sur quoi que ce soit à quiconque, pas plus vous à nous en matière d'emploi, que nous à vous sur d'autres sujets. C'est d'autant plus vrai que, lors de la législature précédente, un rapport de la DARES, rédigé par vos amis et rendu public sous l'autorité de François Fillon, alors ministre des affaires sociales, reconnaissait que la mise en oeuvre des 35 heures dans la période incriminée avait directement été à l'origine de la création de 400 000 emplois. Êtes-vous certains, mes chers collègues, que, par les temps qui courent, le pays ait les moyens de se priver d'une création nette de 400 000 emplois ?
Chacun connaît la situation de l'emploi : nous constatons, jour après jour, mois après mois, dans chacune de nos circonscriptions, les ravages que font les licenciements et le chômage. En la matière, plutôt que de s'envoyer à la figure des vérités supposées évidentes, nous devrions, les uns et les autres, faire preuve d'un tout petit peu plus de réalisme et admettre que, si certaines mesures peuvent se défendre dans une conjoncture économique donnée, tel votre dispositif sur les heures supplémentaires en cas de croissance forte, elles peuvent être totalement inadaptées en cas de stagnation ou de récession. Or nous sommes en récession. La loi de finances rectificative prévoit, pour cette année, une croissance négative de 1,5 %. Tout laisse penser – et le ministre le sait forcément, puisque certains d'entre nous ont eu vent de cette information – que nous nous reverrons rapidement pour un nouveau collectif budgétaire, car la récession que nous allons connaître ne sera pas de 1,5 % : elle sera bien plus grave.
C'est une source comme une autre ! Mais, en réalité, personne n'en sait rien. Ce n'est pas parce qu'un fonctionnaire le dit que c'est parole d'évangile !
La question des heures supplémentaires est biaisée. Si, au moment où le pouvoir d'achat des salariés baisse considérablement, les heures supplémentaires sont la seule façon qu'on leur offre de gagner un peu plus d'argent, il est évident qu'ils y auront recours. Ne nous étonnons donc pas que 5 millions d'entre eux aient fait des heures supplémentaires.
Cela n'empêche pas qu'on s'interroge sur un dispositif qui prospère fatalement au détriment de la création d'emplois. Les exonérations diverses sont forcément payées par tous ceux qui ne font pas et qui ne peuvent pas faire d'heures supplémentaires. Le système n'a pas créé de richesse supplémentaire à répartir. Il y a, enfin et surtout, ce que l'on oublie trop et que les salariés qui effectuent ces heures supplémentaires taisent : dans bien des cas, le dispositif s'accompagne, en arrière-plan, d'une dégradation des conditions de travail, à cause de l'augmentation de la durée du travail.
En favorisant les heures supplémentaires, vous court-circuitez le débat sur l'augmentation des salaires et vous occultez la question de fond : quelle est, aujourd'hui, la vraie valeur du travail ? Revaloriser la rémunération du travail supposerait en effet qu'on s'en prenne aux revenus du capital. Voilà pourquoi vous refusez que cette question soit posée. Ne faussons donc pas ce débat, discutons de tout, sur le fond.
Il est incontestable que les analystes économiques sont désormais très prudents : tous s'accordent à dire que de nombreuses incertitudes, dans un sens comme dans l'autre, pèsent sur la seconde partie de l'année 2009, en raison des conséquences que le recours aux heures supplémentaires a sur le marché de l'intérim. Mais celui-ci était anormalement développé en France par rapport à la moyenne européenne, tandis que le marché du travail à temps partiel était, chez nous, en sous-capacité par rapport à ce qu'il était chez nos voisins. Notre dispositif a donc sans doute permis de rééquilibrer le marché du travail sur des bases plus logiques.
L'intérim est-il une bonne forme de travail ? Pas forcément dans tous les cas. Le salarié intérimaire, en effet, a moins de droits à la formation permanente, alors qu'il cotise tout autant que le salarié à durée indéterminée. De même, il bénéficie beaucoup moins des avantages que peut offrir l'entreprise. Par la différence de son statut, l'intérimaire apparaît donc comme un salarié d'appoint. Aussi, plus on augmente, dans une entreprise, le nombre de salariés à contrat à durée indéterminée, à temps partiel ou à temps complet, plus on stabilise les salariés en son sein. Sans doute le dispositif des heures supplémentaires défiscalisées traduisait-il la promesse présidentielle résumée dans la formule fameuse « Travailler plus pour gagner plus » ; mais il présente aussi un avantage en matière de réorganisation du marché du travail en France…
…puisqu'il le rapproche des moyennes européennes et que nous nous retrouvons désormais dans la moyenne des autres pays de l'Union.
Ce dispositif est-il toujours idéal aujourd'hui ? On pourrait en discuter pendant des heures, mais l'honnêteté nous commande de reconnaître que personne, en juillet 2007, n'aurait pu prévoir les conséquences de la crise économique actuelle. Pour autant, serait-il judicieux de revenir sur un dispositif qui profite, en termes de pouvoir d'achat, à des millions de salariés ? Cela reviendrait à reprendre du pouvoir d'achat mis à la disposition des familles. Il ne me semble pas que ce soit opportun et c'est pourquoi je suis opposé à cet amendement. On voit bien les effets que produit le dispositif, mais il n'est pas certain qu'il soit forcément négatif pour la structuration du marché de l'emploi.
Le recours aux heures supplémentaires pourrait-il ne pas favoriser la reprise, comme on l'a entendu dire ? Je pense au contraire qu'au moment de la reprise, nous aurons besoin d'une grande flexibilité. Aux premiers signes de reprise, les entreprises hésiteront avant d'embaucher : c'est toujours comme ça, la défiance est grande au sortir d'une période difficile. Tout système permettant d'accélérer en minimisant les risques sera le bienvenu. Le fait que les heures supplémentaires coûtent moins cher permettra d'absorber une augmentation de production et de commandes dans des conditions acceptables pour l'entreprise. C'est donc plutôt favorable à la reprise.
D'autre part, il faut savoir que la défiscalisation des heures supplémentaires est un avantage direct pour les salariés, et non pour les patrons. Le salarié est incité à accepter des heures supplémentaires quand une offre lui est faite. L'heure supplémentaire, rappelons-le, coûte, en termes de salaires, 20 ou 25 % de plus au patron.
Le dispositif permet donc bien d'augmenter le pouvoir d'achat des salariés, et je ne peux que trouver étonnant le combat que vous menez depuis quinze ou dix-huit mois contre les heures supplémentaires, car elles sont favorables à la reprise, à la croissance et au pouvoir d'achat.
Monsieur Sapin, vous avez pu le constater, le débat a été assez large. Votre intervention pourrait donc être brève, après quoi l'Assemblée se prononcera sur l'amendement.
La question des heures supplémentaires n'est pas anodine. C'est, avec le bouclier fiscal, l'un des deux sujets que nos concitoyens ont aujourd'hui à l'esprit et sur lesquels ils s'interrogent. Sur le bouclier fiscal, ils se sont déjà fait une opinion, c'est évident. Sur la question des heures supplémentaires, des débats comme celui-ci peuvent permettre à chacun de prendre conscience des implications que peut avoir votre dispositif.
Monsieur le ministre, les heures supplémentaires existaient avant votre loi – vous avez cité le chiffre de 4 millions –, il en existe aujourd'hui et il en existera demain, car cela peut être utile, en effet, au bon fonctionnement de l'économie. Ce qui fait débat, aujourd'hui, c'est que, par un mécanisme d'exonération de cotisations patronales, les heures supplémentaires sont plus avantageuses pour l'entreprise que les heures normales. Nous ne mettons pas en cause la souplesse que permettent les heures supplémentaires – même s'il faut aussi savoir se fixer des limites, à moins de vouloir supprimer toute référence à une durée légale du travail – mais la compatibilité du dispositif avec la situation économique du pays.
Toutes les organisations syndicales sont opposées à ce dispositif, dont vous prétendez pourtant qu'il est bénéfique au pouvoir d'achat. Cela devrait vous inciter à réfléchir. Je ne connais pas de situation dans laquelle toutes les organisations syndicales, qui, par nature, sont chargées de défendre les intérêts des salariés, tout particulièrement en termes de pouvoir d'achat, pourraient s'opposer à un dispositif favorable à ceux qu'elles représentent. Vous avez beau répéter, jour après jour, que c'est une mesure de pouvoir d'achat, si toutes les organisations syndicales demandent la fin du dispositif, c'est que quelque chose doit clocher – et ce n'est peut-être pas du côté des syndicats, mais plutôt dans l'argumentation du Gouvernement et de la majorité.
D'autre part, M. Vidalies a très justement décrit le mécanisme d'ajustement qui, dans tous les pays du monde, en temps de crise économique, concerne d'abord l'heure supplémentaire pour, in fine, toucher au coeur de l'emploi stable – le contrat à durée indéterminée. Ainsi, toute entreprise s'adapte aux circonstances de crise en diminuant d'abord le volant d'heures supplémentaires – et c'est bien normal. Ensuite, le cas échéant, elle procède à la réduction du nombre de contrats d'intérim, puis au non renouvellement des contrats à durée déterminée, pour, en fin de compte et par la force des choses – ou parfois sous prétexte de la crise – se résoudre à des licenciements purs et durs. Or, seule la France se trouve dans cette situation incroyable où les entreprises ont d'ores et déjà atteint ce dernier stade – le licenciement des personnes en CDI – alors même que le niveau d'heures supplémentaires est maintenu. Chacun devrait y réfléchir : la crise économique que nous traversons est telle qu'elle doit nous inciter à remettre en cause nos dogmes, nos principes et même les promesses électorales, faites dans un contexte bien différent. Le temps est venu de remettre en cause ces certitudes – et cela vaut à droite comme à gauche – plutôt que de se crisper sur de tels dispositifs, qui sont tout à fait dommageables pour l'économie et la situation sociale de la France ! (Applaudissements sur certains bancs du groupe SRC.)
(L'amendement n° 70 n'est pas adopté.)
Je suis saisie de 3 amendements, nos 75, 76 et 77, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.
La parole est à M. Henri Nayrou pour défendre ces trois amendements.
Ces trois amendements pourront paraître décalés, voire dérisoires, au regard du débat que nous avons eu ce matin sur le principe de justice fiscale.
Ils ont trait à la situation des bénéficiaires de déductions fiscales dont, in fine, ils ont été victimes. Je me permets donc de solliciter un moment d'attention de votre part, avant que vous ne tiriez une fois de plus sans sommation sur un sujet qui est pourtant d'actualité.
Dans tout le pays se multiplient les faillites de sociétés de gestion de résidences de tourisme, créées dans le cadre de la loi Demessine et ouvrant droit à des avantages fiscaux sur des opérations immobilières dans les zones de revitalisation rurale, ou ZRR.
Ces faillites sont dues à deux raisons principales. D'une part, les montages ne sont pas tous judicieusement élaborés ; d'autre part, la crise a ralenti le rythme des locations et rompu les équilibres de gestion. Ce sujet a donc sa place dans ce projet de loi de finances rectificative.
Il y a trois conséquences à cela. Tout d'abord, les résidences tombent en déshérence au détriment de leurs territoires, portant un préjudice direct à l'activité touristique, et donc économique. Ensuite, les propriétaires qui furent incités à acquérir des appartements par les déductions fiscales, à la condition de le mettre en location pendant neuf ans, ne perçoivent plus de loyers. Mais alors même que leurs biens ne sont plus loués, ils doivent continuer de rembourser les frais de TVA et restituer les sommes défalquées de leurs impôts. Enfin, la suspicion est jetée sur l'ensemble du dispositif ; dès lors, tout investissement de ce type sera compromis dans les régions de montagne et de campagne qui ne disposent d'aucun atout déterminant pour attirer les promoteurs. Pour achever de brosser ce tableau, je rappelle que ce n'est pas le promoteur qui dépose le bilan, mais la société gestionnaire – qui, bien entendu, est dépourvue de moyens pour respecter ses engagements.
Certains sont enclins à ne voir dans ces affaires que des déboires d'investisseurs, victimes de leur goût prononcé pour les effets d'aubaine ou les niches fiscales ; je ne suis pas de ceux-là. D'une part, j'estime que l'État ne peut jouer le rôle de Ponce Pilate : c'est par voie législative que ce dispositif d'incitation fiscale a été créé, en toute connaissance de cause, et ce tout au long de la chaîne des intervenants. D'autre part, l'État est le garant d'une certaine solidarité territoriale – aujourd'hui considérée quelque peu négligemment. L'État, toujours lui, a l'obligation de remettre de l'ordre dans le maquis des investissements, par exemple à l'occasion de la prochaine loi sur le tourisme. Il doit aussi être conciliant vis-à-vis des particuliers propriétaires contraints de restituer au trésor public les sommes qui ont été déduites de leurs impôts dès lors que le contrat était rompu, leur bien n'étant plus loué faute de clients.
Dans ces conditions, les trois amendements nos 75, 76 et 77 visent non pas à consentir des cadeaux en faveur des personnes flouées, mais à leur permettre de passer ce cap difficile et à éviter que les lieux concernés ne se transforment en friches touristiques. Une instruction fiscale a d'ores et déjà augmenté le délai imposé pour trouver un nouveau gestionnaire d'un mois à un an. Il convient aussi d'envisager des dispositifs d'assouplissement des reprises d'impôt qui, compte tenu de la situation actuelle du marché locatif de tourisme, pourraient aller bien au-delà de l'allongement prévu dans l'instruction fiscale n° 73 du 11 juillet 2008.
Ainsi, l'amendement n° 75 prévoit une reprise de réduction d'impôt minorée d'un dixième par année de location effective et étalée dans le temps, à raison d'un tiers par an pendant trois ans. L'amendement n° 76 prévoit un abattement de 10 % par an de location effective du logement, avec reprise sur une seule année. Enfin, l'amendement n° 77 propose une reprise intégrale, étalée sur trois ans.
Ni l'État ni l'Assemblée nationale ne perdraient leur âme en acceptant ce lissage de reprise d'impôt pour des contribuables qui, certes, ont pris leurs responsabilités en profitant d'un effet d'aubaine mais qui, ce faisant, ont adhéré à une initiative législative destinée à fortifier la fréquentation touristique en des lieux où l'on ne trouve ni la Tour Eiffel, ni le souvenir de Bernadette Soubirous, et encore moins le cap Nègre !
Comme il l'a fait en commission des finances, M. le rapporteur général m'opposera certainement que ces dispositions pourraient être reportées à l'examen de la loi sur le tourisme. J'accepte d'y inclure la mise en place d'un agrément pour les promoteurs et les gestionnaires fiabilisant davantage les opérations immobilières, mais je refuse de retarder les dispositifs de reprise d'impôt prévus dans mes trois amendements.
Je n'énumèrerai pas les stations où les associations de copropriétaires sont mobilisées, car ce ne serait une bonne publicité ni pour elles, ni pour les zones de revitalisation rurale. Cependant, je vous assure que nous aurions de belles arrivées d'étape du Tour de France si aucun signal n'est donné aujourd'hui : le fisc fera son travail, et cela provoquera bien des dégâts !
La commission n'a pas adopté ces amendements, mais je profite de l'occasion pour appeler l'attention bienveillante de M. le ministre sur ce sujet.
S'ils ont été rejetés, c'est parce que ces amendements relèvent de la loi sur le tourisme, dont le Sénat doit bientôt se saisir et qui devra accorder un traitement spécifique aux montages dits Demessine. En effet, M. Nayrou met le doigt sur un problème que vos services, monsieur le ministre, pourraient traiter avec bienveillance.
Je rappelle que le système dit « Demessine » consiste en une incitation à l'investissement dans des résidences de tourisme qui se trouvent dans des zones de revitalisation rurale. Chacun sait que, dans ces territoires, le tourisme est un secteur qu'il faut faire fructifier. En 2000, Mme Demessine a institué une réduction d'impôt de 25 % – une mesure puissante –, à condition qu'un engagement de location et d'occupation pendant au moins neuf ans soit pris, et que des sociétés de gestion jouent le rôle d'intermédiaires. Compte tenu de difficultés que la crise actuelle n'a fait qu'aggraver, il est ardu de trouver des locataires. Ainsi, lorsque les sociétés de gestion mettent la clef sous la porte, les investisseurs ne trouvent aucun repreneur et, pour cette raison, les résidences se dégradent rapidement. En outre, les investisseurs – c'est la règle du jeu – doivent rembourser l'avantage fiscal de 25 % qui leur a été consenti.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, il faut instaurer les dispositifs les moins pénalisants pour les investisseurs. M. Nayrou propose par exemple de reporter la date d'échéance à laquelle sont déclenchées les reprises d'impôt. Je suggère au Gouvernement d'étudier cette mesure, afin de la reprendre dans le cadre de la loi sur le tourisme.
Cela étant, monsieur Nayrou, force est de constater que ce montage n'était pas tout à fait rationnel au plan économique. Attirés par une réduction d'impôt de 25 % qui s'ajoute à des aides diverses et variées, les investisseurs finissaient par oublier que leur investissement, qui ne coûtait pas grand-chose, exigeait une clientèle et une rentabilité à long terme.
Vous avez une grande expérience dans ce domaine, monsieur Nayrou. Ne faudrait-il pas attendre la loi sur le tourisme pour envisager des dispositifs plus adaptés, qui incitent à ne réaliser que des investissements responsables ?
D'autre part, nous serons bientôt saisis d'un amendement qui aligne le mécanisme des résidences de tourisme avec service sur celui qu'a mis en place M. Scellier. Les résidences de tourisme sont une formule très intéressante ; nul besoin, cependant, d'en multiplier les localisations. Au risque de paraître excessif, il me semble que le statut de zone de revitalisation rurale ne doit pas supposer la présence automatique d'une résidence de tourisme : encore faut-il une clientèle pour la fréquenter !
En clair, la plus grande bienveillance doit être accordée aux investisseurs, afin qu'ils ne soient pas pénalisés, mais il faudra, à l'avenir, réfléchir à de meilleurs critères qui éviteront de reproduire les erreurs du passé.
J'appuie les propos de M. le rapporteur général : M. Nayrou soulève une réelle difficulté, qui mérite une réponse de la part du Gouvernement.
À l'époque, la commission des finances avait été largement associée à l'élaboration du dispositif en question. M. Bonrepaux, M. Michel Bouvard et moi-même avions plaidé en sa faveur. Il fut d'ailleurs utile ; néanmoins, on en découvre aujourd'hui certains effets induits, qui ne sont pas toujours conformes à l'intention initiale. Quelques corrections s'imposent donc : certaines personnes, en effet, se trouvent dans une situation particulière qui mérite l'attention et la compréhension des services de Bercy.
Je suis donc favorable à l'esprit de ces amendements et, comme le rapporteur général, je souhaite que nous trouvions les solutions adéquates dans le cadre de la loi sur le tourisme. En attendant, j'appelle Bercy à la bienveillance !
Vous soulevez un vrai problème, monsieur Nayrou, et je vais tâcher d'y répondre de mon mieux. Je précise simplement que tous les engagements de location pris dans le cadre des dispositifs d'incitation à la location doivent être consolidés.
À l'initiative de M. Scellier, nous avons adopté un dispositif puissant en faveur de la location dans certaines zones, qui s'ajoute aux autres dispositifs – dont le « Borloo » et le « Robien » – qui incitent à l'investissement consacré à la location. Chacun conviendra que rien de ce qui est susceptible de provoquer la rupture ou la fragilisation de cet engagement ne doit être favorisé.
En l'état, deux des cas que vous évoquez ont déjà été traités par le biais de deux mesures. D'une part, le délai de relocation à un nouvel exploitant a été porté d'un mois à un an, et les professionnels se sont engagés avec les acteurs concernés, par une charte de bonnes pratiques, à améliorer l'information et la protection des investisseurs, afin d'éviter que certains investissements ne soient effectués que sur la seule base de l'incitation fiscale, et non sur celle d'un projet économique.
Si vous retirez vos amendements, je m'engage, à l'égard de l'ensemble des professionnels, à examiner avec vous les problèmes au cas par cas afin de trouver une solution pour les contribuables qui ont investi. Je m'engage publiquement, pour éviter de prendre une mesure globale qui pourrait s'étendre à d'autres engagements fiscaux très importants fondés sur la location.
Cette discussion est très intéressante, mais je voudrais apporter des précisions sur deux ou trois points.
Il s'agit uniquement des zones de revitalisation rurale, soit un territoire limité et il n'est guère nécessaire de disserter sur l'intérêt économique du tourisme pour ces zones, qu'elles se situent à la montagne ou à la campagne. Il ne s'agit pas de zones d'attractivité touristique majeures sur lesquelles peut se développer la spéculation. Nous parlons du cas très particulier des zones de revitalisation rurale, lesquelles avaient un intérêt économique à ce dispositif.
Par ailleurs, la situation économique actuelle qui nous oblige à réfléchir à cette situation ne relève pas de la volonté du propriétaire de ne pas louer. Il n'est pas responsable de la non-location ; en l'occurrence, il en serait la victime si l'on appliquait rigoureusement les règles en vigueur. Mais tel n'est pas l'esprit des propos que j'ai entendus.
La proposition de M. Nayrou, qui ne vise pas à supprimer ces règles, mais à autoriser un délai de douze mois avant que ne s'applique, de façon abrupte, l'imposition, me semble de bon sens. Le report de l'échéance de l'impôt – apparemment, quelques cas particuliers ont été traités – est une bonne mesure.
Mais il faut maintenant, et je rejoins en cela le rapporteur, tirer de notre examen de la situation actuelle des leçons pour l'avenir. Dès la mise en oeuvre de la future loi sur le tourisme, nous devrons y intégrer cette réflexion, afin de régler ponctuellement les problèmes qui se posent aujourd'hui et de les inscrire dans cette loi à venir. Nous montrerons ainsi notre volonté de développer économiquement les zones rurales, sans pour autant déroger aux règles que nous avons fixées.
Je remercie M. le président de la commission de sa bonne interprétation de la situation et des problèmes posés par les événements que nous connaissons. Je remercie également M. le rapporteur général, qui porte un regard lucide sur cette situation.
Vous avez porté un jugement sur la loi Demessine et sur les avantages produits par cette disposition, qui date de 1999. Les problèmes sont apparus récemment. Je suis tout à fait d'accord sur la nécessité d'exercer une régulation. Ce n'est pas parce qu'il y a des investisseurs pour acheter des appartements qu'il doit y avoir obligatoirement des clients pour les occuper et pour entraîner le cercle vertueux d'activité. J'avais déposé un amendement dans ce projet de loi de finances rectificative – mais il n'y avait pas sa place – concernant l'obtention d'un agrément pour les promoteurs et les sociétés de gestion, afin de crédibiliser la démarche de vente et de gestion.
Monsieur le ministre, vous avez porté un regard bienveillant sur ce problème, que vous connaissez bien. Vous avez produit l'an dernier, le 11 juillet 2008, une instruction fiscale qui portait d'un mois à un an la possibilité de retrouver une société de gestion. Même avec ce report d'un an, tout le monde n'y arrivera pas, car des feux se sont allumés partout sur le territoire, et pas seulement à la montagne. Je défends en effet ces zones de revitalisation qui n'ont pas d'autre alternative que de bénéficier d'actions assorties d'incitations fiscales décidées par le Gouvernement, mais ce sera difficile.
Vous prônez une solution au cas par cas. J'ai cru comprendre que vous aviez déjà traité quelques situations de ce genre. Je rappelle qu'il ne s'agit pas de consentir des cadeaux, mais, comme dans d'autres domaines, de lisser le dispositif parce que certaines zones connaissent des difficultés temporaires.
Votre message étant clair, monsieur le ministre, je retire mes trois amendements. Je serai vigilant sur les mesures qui seront prises.
(Les amendements nos 75, 76 et 77 sont retirés.)
Il est défendu.
Je laisse à M. Gorce le soin de développer l'objet de nos amendements.
Nous avons été nombreux, sur tous les bancs, à nous inquiéter du devenir des exonérations de cotisations sociales applicables aux organismes d'intérêt général se situant en zone de revitalisation rurale. Cette disposition avait été adoptée, notamment à l'initiative du Nouveau Centre, et acceptée par le Gouvernement en 2005. Il s'agissait de soutenir l'emploi de nombreuses associations contribuant au développement économique local, parmi lesquelles – c'était une évidence pour cette assemblée – devaient figurer les offices de tourisme. Ceux-ci, constitués en général sur une base associative, fournissent peu d'emplois et ont peu de moyens, mais ils contribuent grandement au développement local, car ils forment un véritable réseau. C'est d'ailleurs l'interprétation qui a prévalu pendant longtemps, puisque l'administration fiscale a fait en sorte que ces dispositifs puissent bénéficier aux offices de tourisme jusqu'à une instruction intervenue à l'automne dernier. Celle-ci a fait suite à des questions posées par de nombreux collègues qui s'étonnaient que la jurisprudence soit différente selon les départements. En effet, dans certains des exonérations étaient consenties aux offices de tourisme assimilés à des organismes d'intérêt général, alors que, dans d'autres, elles leur étaient refusées.
Cette inégalité de traitement était inacceptable. Malheureusement, le ministère des finances a réglé ce problème d'une façon peu positive pour les offices de tourisme concernés puisqu'il a décidé de leur refuser à tous cette exonération.
Je précise que l'enjeu est considérable en termes de développement local, car les offices ont peu de moyens pour assurer leur activité et entrent manifestement dans la liste des associations que nous aivons entendu soutenir. Les effets, en revanche, sont modestes pour le budget de l'État, dans la mesure où il ne s'agit que des contrats existants à la fin de l'année 2007. Tout nouvel emploi ne serait plus soutenu. Nous essayons seulement de consolider une situation et de mettre un terme à une inégalité.
Avec Henri Nayrou et Michel Bouvard, nous avons proposé de modifier le code général des impôts de telle sorte que les offices de tourisme situés en zone de revitalisation rurale puissent explicitement bénéficier de ce dispositif. Une autre option nous avait été proposée : celle d'attendre l'examen, à l'automne, de la loi de financement de la sécurité sociale pour modifier le dispositif d'exonération. Mais nous ne pouvons laisser subsister très longtemps une situation aussi confuse et injuste.
Le ministre peut aussi décider de modifier l'instruction fiscale qu'il a donnée pour rétablir une équité de situation. Cela peut être une hypothèse de travail, mais il nous semblait plus sûr d'engager ce débat sur la base d'un amendement présenté en commission des finances et ayant reçu un large soutien.
La commission a adopté cet amendement.
À titre personnel, je n'étais pas tout à fait d'accord, pour la raison suivante. Il s'agit d'une exonération de cotisations patronales de sécurité sociale. Vous proposez, en empruntant une voie détournée, l'éligibilité à la réduction d'impôt pour don. Or si les dons bénéficient d'une réduction d'impôt, c'est qu'il y a une contrepartie d'intérêt général. On ne peut pas considérer qu'un office de tourisme a automatiquement un but d'intérêt général ou philanthropique. Cela étant, certains offices de tourisme comportant des musées, ils ont pu bénéficier des dispositions sur le mécénat. De ce fait, ils sont entrés dans le champ de la réduction au titre de l'exonération de cotisations sociales en ZRR.
Nous devons respecter le travail de nos collègues. Votre amendement relève de la loi de financement de la sécurité sociale et non du champ des réductions d'impôt. J'ai fait valoir ces arguments, mais je n'ai pas été suivi par la majorité des membres de la commission.
J'ai bien entendu la proposition de M. Bouvard et de M. Gorce.
J'estime que le mécénat est un autre sujet. Quant aux exonérations de cotisations sociales pour les offices de tourisme, qui ne sont pas des OIG, je propose de régler le problème avec la direction générale des finances publiques qui donne les instructions concernant les exonérations de cotisations sociales dans les zones de revitalisation rurale et de considérer que les offices de tourisme y sont éligibles.
Je remercie M. le ministre de sa compréhension. Les différences de traitement fiscal selon les territoires posent en effet un vrai problème.
Dès lors que la loi incite à développer des hébergements touristiques dans les territoires ruraux les plus fragiles, il n'est pas absurde d'accepter que les organismes capables de faire connaître ces territoires et d'y faire venir des clients soient aussi accompagnés. Je remercie le ministre de son souci de cohérence et je retire mon amendement.
Si le ministre confirme qu'il est prêt à retirer l'instruction fiscale de septembre de sorte que les offices de tourisme continuent à bénéficier de cette exonération, je suis prêt, moi aussi, à retirer notre amendement.
Nous allons modifier l'instruction et la clarifier dans le sens que j'ai indiqué.
Les amendements nos 10 et 15 sont retirés.
(Les amendements nos 10 et 15 sont retirés.)
Je suis saisie d'un amendement n° 42.
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
Instituer un prélèvement sur les très hauts revenus est une idée de simple bon sens, qui fait son chemin dans divers pays et sur divers bancs de notre hémicycle. En effet, notre collègue Pierre Méhaignerie propose d'appliquer pendant deux ans une contribution fiscale supplémentaire sur les revenus qui, selon ses propres déclarations, « dépassent l'entendement ».
On pourra regretter que le président de la commission des affaires culturelles ne nous ait pas suivis sur cette voie lorsque nous avions déposé un amendement en ce sens lors de l'examen du précédent projet de loi de finances. Mais il n'est jamais trop tard pour bien faire !
Nous pensons que la solidarité peut pleinement trouver à s'appliquer dans notre pays, car les écarts de revenus se sont spectaculairement creusés au cours des dernières années, comme le montre une étude de M. Camille Landais, de l'École d'économie de Paris. Sur la période 1998-2005, le revenu moyen déclaré par les Français a quasiment stagné : 5,8 % en huit ans. Pour les 90 % de Français les moins riches, l'évolution n'a été que de 4,6 % sur la même période, mais pour les 10 % de nos concitoyens les plus riches, l'augmentation a été de 8,7 %. Et, pour les dix millièmes des Français les plus riches, soit 3 500 foyers, cette augmentation a été de 5,2 % chaque année, soit au final 42,6 % de mieux – à comparer aux 4,6 % d'augmentation pour les 90 % de Français les moins riches…
Dans le même temps, les 2 500 plus grosses feuilles de paie du pays ont gonflé de 51 % en huit ans, et M. Landais note que « la France rompt avec vingt-cinq ans de grande stabilité de la hiérarchie des salaires et semble converger vers les modèles de rémunération des hauts salaires anglo-saxons ». On le voit, la solidarité des plus riches avec les victimes de la crise est justifiée et les plus aisés ont les moyens de la pratiquer. C'est pourquoi nous vous proposons d'instituer, par cet amendement, à partir de 2009, un prélèvement de 2 % sur les revenus annuels supérieurs à 300 000 euros. Car, on l'a vu, on le voit, les Français le vivent, l'enrichissement des plus riches et l'utilisation qu'ils ont fait de leur richesse a coûté très cher à la France et à la majorité des Français.
Contrairement à ce que pense M. Copé, il ne s'agit ni de se venger ni de couper des têtes, mais d'être économiquement justes et efficaces.
Nous avons eu une très longue discussion sur le sujet ce matin, au terme de laquelle je maintiens mon avis défavorable.
(L'amendement n° 42, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Nous discutons de dispositions qui visent à soutenir l'activité économique de notre pays. Dans cette optique, nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut encourager l'investissement, ce qui peut notamment passer par des dispositions fiscales sur les bénéfices des sociétés.
Comme nous l'avions déjà fait à l'occasion des lois de finances et des lois de finances rectificatives précédentes, nous proposons donc de moduler l'impôt sur les sociétés en fonction de l'utilisation faite par les sociétés de leurs bénéfices, afin d'avantager les entreprises qui investissent une proportion suffisante de leurs bénéfices dans la modernisation ou le développement de leur outil de travail, pour accroître leurs capacités de production ou développer la recherche.
Ce dispositif a déjà existé par le passé et, même s'il peut paraître complexe, il nous semble particulièrement propre à inciter les entreprises à développer leur investissement productif.
La commission a donné un avis défavorable à cet amendement, comme elle l'avait d'ailleurs déjà fait lors du collectif budgétaire de 2008 ou lors de l'examen de la loi de finances pour 2009.
L'idée de M. Sapin est en effet si attrayante qu'elle a séduit des générations de parlementaires. C'est ainsi qu'en 1990 a été adopté un amendement qui visait à différencier le taux d'IS selon la part de son résultat que l'entreprise réinvestit. Mais, dès 1992, le dispositif a été abrogé car, comme l'expliquait Alain Richard, le rapporteur général de l'époque, certaines entreprises ont absolument besoin d'un apport extérieur ou de fonds propres, tandis que d'autres entreprises, dont la structure est plus familiale, peuvent réinvestir sans dommage l'essentiel de leur résultat.
En 1997, notre majorité a fait une nouvelle tentative en créant dans l'article 10 de la loi de finances un dispositif de taux différenciés pour les PME ; là encore, ce dispositif a été supprimé dans la loi de finances pour 2001, à cause, cette fois-ci, de sa complexité. En effet, il nous est difficile d'évaluer réellement la part du résultat réinvesti, d'autant que cela peut varier d'une année sur l'autre.
Donc, si votre idée est séduisante de prime abord, monsieur Sapin, l'expérience du passé montre qu'elle n'est malheureusement pas très opérationnelle.
Le Gouvernement n'est pas hostile par principe à ce genre de mesures, malgré la complexité de leur mise en oeuvre. Le temps nous a manqué pour étudier la question d'assez près entre les deux collectifs, mais nous y travaillerons d'ici la prochaine loi de finances.
L'exemple allemand va dans le sens des arguments qu'a soulevés le rapporteur. En effet, l'Allemagne est un des rares pays en Europe où a existé un tel dispositif ; il avait été imposé à la jeune République fédérale par les Américains, dans le cadre d'une politique anti-Konzern. Or, à y réfléchir, il n'existe aucun réel fondement économique à cette distinction entre le taux d'imposition applicable à la part des bénéfices mise en réserve et celui applicable à la part distribuée. La situation est si différente d'une entreprise à l'autre que, pour certaines, un tel dispositif ne fera que favoriser des politiques préexistantes, tandis que, pour d'autres, il constituera un facteur pénalisant.
(L'amendement n° 48 n'est pas adopté.)
Cet amendement, de même nature que le précédent, propose un dispositif visant à encourager les exportations des petites et moyennes entreprises. Chacun sait en effet que la faiblesse de nos exportations est pour partie imputables aux PME, ce qui nous distingue de l'Allemagne où ce sont ces PME qui soutiennent avec force les exportations. Il nous faut donc utiliser tous les dispositifs d'incitation à l'exportation. Celui que nous proposons est réservé aux PME et s'ajoute aux incitations déjà existantes.
Je remercie le ministre pour l'esprit d'ouverture dont il a fait preuve à propos de l'amendement précédent. Je souhaite qu'il en soit de même pour les dispositions que nous proposons ici, qu'elles soient adoptées dès maintenant où qu'elles fassent l'objet d'une réflexion approfondie sur leur mise en oeuvre, en vue d'une adoption ultérieure.
Notre commerce extérieur est aujourd'hui déficitaire, dans des proportions quasiment jamais atteintes, et vous êtes le premier, monsieur le ministre, à vous en lamenter. Inciter par tous les moyens possibles nos entreprises à développer leurs exportations serait donc bienvenu.
La commission n'a pas retenu cet amendement, déjà présenté dans le cadre de la loi de finances pour 2009. Nous lui avons préféré un amendement du président de la commission des finances, plus incitatif à nos yeux.
Votre amendement, monsieur Sapin, créera en effet un effet d'aubaine pour les PME qui exportent déjà, mais il n'est pas sûr qu'il soit incitatif pour les autres. En revanche, le dispositif auquel nous nous sommes ralliés et qui a été intégré à la loi de finances consiste à octroyer aux PME un régime fiscal consolidé. En d'autres termes, elles peuvent, dans un délai de cinq ans, imputer les pertes éventuelles de leurs filiales à l'étranger sur leur résultat national. Au fur et à mesure que ces filiales deviennent bénéficiaires, l'État récupère son avance d'impôt. Si au bout de cinq ans les bénéfices des filiales n'ont pas été suffisants, l'État recouvre définitivement l'impôt. Ce système, adopté, je le rappelle, sur proposition du président de la commission des finances, s'apparente à une avance de trésorerie, qui nous paraît beaucoup plus efficace que votre dispositif.
Même avis, d'autant que les aides à l'exportation sont interdites par l'Union européenne.
(L'amendement n° 49 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 50.
La parole est à M. Henri Emmanuelli.
Notre amendement concerne la baisse de la TVA. M. Méhaignerie rappelait ce matin cette constante de notre histoire fiscale, à savoir le déséquilibre entre notre fiscalité directe et notre fiscalité indirecte, en conséquence de quoi notre système fiscal est moins redistributif que d'autres. C'est la raison pour laquelle nous prônons une baisse d'un point de la TVA.
Nous sommes par ailleurs en situation difficile et, même si certains ne l'admettent pas, l'une des raisons en est la faiblesse du pouvoir d'achat. M. Sandrier a évoqué l'évolution du salaire moyen ; j'ai demandé pour ma part à des économistes du laboratoire de la Sorbonne de réaliser une étude sur le salaire médian ; il en résulte que son pouvoir d'achat n'a pas progressé depuis 2002.
C'est un des facteurs de la crise actuelle, car il s'est produit chez nous, certes à un moindre degré, la même chose qu'aux États-Unis : compte tenu de la stagnation du pouvoir d'achat, il a fallu, pour alimenter la croissance, recourir massivement au crédit. Après avoir fait crédit à ceux qui avaient les moyens de rembourser, on a mis la barre plus bas et consenti des prêts à des gens qui n'étaient pas solvables, avec les conséquences que l'on sait.
Pour des raisons d'équilibre fiscal mais aussi de pouvoir d'achat, il faut donc baisser la TVA, même si, lorsque nous avons présenté notre plan de relance, vous nous avez dit qu'il s'agissait là de mesures ineptes, qui ne servaient à rien car la baisse ne serait pas répercutée. On connaît par coeur la position de Bercy sur le sujet ! J'observe cependant que, lorsqu'il s'agit des restaurateurs, toutes vos critiques sur la baisse de la TVA cessent et que, ce qui était inepte lorsqu'il s'agissait de l'ensemble des Français devient pertinent pour cette seule catégorie.
Vous ne pouvez pas tenir un raisonnement qui s'applique à la France entière – y compris aux départements d'outremer où les taux sont différents – et adopter une position contraire lorsqu'il s'agit de complaire au Président de la République, car j'ai bien peur que la réalité économique ne s'accommode pas des visions du Président de la République.
En septembre 1999 a été décidée une baisse de la TVA sur les travaux dans le logement. J'ai, à l'époque, voté ce dispositif dont je pensais qu'il était fort intéressant car il permettrait notamment d'éradiquer le travail au noir et générerait de l'activité.
Certains, au sein de la majorité de l'époque, prônaient également une baisse de la TVA dans la restauration, avec l'idée qu'il fallait améliorer l'intensivité en emplois, et notamment en emplois déclarés. Ils s'appuyaient sur une étude de Thomas Piketty montrant que l'intensivité en emploi dans l'hôtellerie et la restauration était beaucoup plus faible en France que dans d'autres pays. À l'époque, monsieur Emmanuelli, beaucoup disaient dans vos rangs qu'il fallait en priorité baisser la TVA sur les travaux mais qu'il faudrait ensuite la baisser pour la restauration.
Il s'agit là de baisses importantes, puisqu'il s'agit de passer de 20,6 % – à l'époque – à 5,5 %. Il y a donc vraiment un effet économique.
En 2000, vous avez fait une deuxième chose : le taux général, qui était de 20,6 %, a été abaissé à 19,6 %. Un point de TVA représente 6,5 milliards d'euros : c'est donc une décision lourde de conséquences.
Nos collègues étaient à l'époque sincèrement convaincus que cette baisse d'un point se répercuterait sur les prix. Or ce ne fut pas le cas.
Monsieur Emmanuelli, elle ne s'est pas répercutée sur les prix.
Je pense, pour ma part, à la lumière de ces deux éléments, que nous avons besoin d'évaluations et d'études d'impact. Je suis le premier à reconnaître que la baisse de la TVA sur les travaux de logement était une bonne mesure.
S'agissant de la TVA sur la restauration, je pense qu'il faut absolument que nous, parlementaires, fassions une évaluation qui soit la plus rigoureuse, la plus lucide et la plus précise possible. C'est notre rôle. Ces sujets sont très lourds financièrement ; ils peuvent être très intéressants ou très décevants : la commission des finances, monsieur le président, pourra faire là oeuvre utile.
Mais je ne crois pas, pour ma part, à un amendement général de baisse d'un point du taux de TVA – la commission a d'ailleurs rejeté cet amendement. Il vaut mieux user de baisses ciblées mais beaucoup plus importantes.
Éric Woerth, ministre du budget. Le Gouvernement s'est déjà largement exprimé sur le sujet. Nous n'avons pas choisi la voie de la diminution généralisée de la TVA, mais celle de la diminution dans des secteurs comme l'hôtellerie-cafés-restaurants. Une négociation sur les contreparties va commencer dans les jours qui viennent.
Avis défavorable.
La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances.
Je retiens la suggestion du rapporteur général de travailler, à la commission des finances, sur la baisse de la TVA dans la restauration. J'ai toutefois cru comprendre que la décision était prise.
Il faudra suivre cette question de près. Mais ce ne sera pas tout à fait une étude d'impact, et l'évaluation risque d'être ex-post.
Je suis pour ma part très favorable à l'amendement qui vient d'être défendu.
J'aimerais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter une précision. On lit dans la presse que la décision concernant la TVA sur la restauration aurait été obtenue en contrepartie d'un engagement des gouvernements de ne plus reposer la question d'une réduction ciblée de TVA sur d'autres produits – je pense notamment à des produits verts. On sait que la question peut se poser.
Est-ce vrai ? Si oui, il serait dommage de se lier ainsi les mains pour l'avenir, dès lors qu'il y a sur les différents bancs d'autres propositions de réductions ciblées, qui peuvent apparaître tout aussi pertinentes et utiles.
Il serait donc intéressant de savoir dans quelles conditions, et avec quelles contreparties, cette décision a été prise et sera soumise aux chefs d'État et de gouvernement.
Éric Woerth, ministre du budget. C'est Christine Lagarde qui représente la France au conseil ÉCOFIN, je ne peux donc pas vous détailler ce qui s'y est dit : je n'y étais pas.
Bien sûr, nous nous parlons tous les jours.
Je ne crois pas que la décision soit aussi explicite, si je me réfère aux textes qui sont sortis du conseil ÉCOFIN. Nous vous le préciserons – venez donc à Bercy interroger Mme Lagarde ! (Rires)
Monsieur le rapporteur général, je vous en prie : évitons ces arguments que l'on entend depuis très longtemps sur la baisse et l'efficacité de la TVA.
Tout le monde sait qu'en général, une baisse de la TVA ne se traduit pas par une baisse des prix – il en sera d'ailleurs ainsi pour les restaurateurs. Ce qui se passe cinq, six ou sept fois sur dix, c'est que la baisse de la TVA agit pour éviter des hausses de prix qui auraient eu lieu, mais que, la TVA ayant diminué, les gens n'osent pas faire : c'est comme cela qu'elle intervient sur le niveau des prix.
Surtout, il faudra un jour trancher entre fiscalité indirecte et fiscalité directe et progressive. Politiquement, c'est très lourd et cela peut avoir des conséquences très différentes. C'est le fond du sujet.
J'ai même vu un ministre des finances – de gauche ! – m'écrire que la TVA était un impôt redistributif…
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Le nom ! Fabius ? (Sourires)
Oh, je peux bien le dire : c'était Pierre Bérégovoy.
Eh oui, il y avait une belle note de Bercy. Je lui ai répondu à l'époque : comme c'est curieux, comme c'est bizarre, comme c'est étrange ! j'ai déjà reçu exactement la même lettre – il y a dix ans. Les services m'avaient fait la même réponse, et ils te l'ont revendue à nouveau !
(L'amendement n° 50 n'est pas adopté.)
M. le rapporteur général vient de nous expliquer, avec des arguments probants, que ce sont des baisses plus importantes de TVA qui peuvent éventuellement avoir un effet.
Nous proposons donc une nouvelle modalité de TVA « verte ». Je n'ai pas tout le dispositif en tête, mais j'ai cru comprendre qu'une partie de cette TVA verte a été autorisée lors des dernières rencontres européennes sur ce sujet – les mêmes qui ont autorisé la baisse de la TVA dans le domaine de la restauration.
Nous proposons donc une incitation, par le biais d'une baisse de TVA, à la construction et à la vente de logements neufs qui répondent aux normes de haute qualité environnementale. Les travaux dans les bâtiments anciens bénéficient déjà, grâce aux dispositions que nous venons d'évoquer, d'une forte baisse de TVA. En revanche, les bâtiments neufs n'en bénéficient pas.
Nous vous proposons donc d'encourager des travaux qui sont très porteurs en termes d'emploi comme de croissance verte, comme on dit aujourd'hui – j'ai, là aussi, cru comprendre que cette volonté de faire sortir de la crise un autre type de croissance, plus protectrice de notre planète, était partagée.
Cet amendement va dans cette direction et je ne doute pas que l'assentiment sera largement répandu sur les bancs de cette assemblée.
La commission n'a pas retenu cet amendement.
Il faut effectivement encourager ce type de construction. Mais, dans la loi de finances pour 2009, nous avons utilisé d'autres canaux fiscaux que la TVA. Ils sont multiples : l'éco-prêt à taux zéro a été mis en place ; le crédit d'impôt pour travaux d'économie d'énergie dans le logement – c'est l'article 200 quater du code des impôts – a été mieux ciblé ; un certain nombre de dispositifs ont été « verdis », comme le crédit d'impôt sur les intérêts des emprunts pour acquérir son logement ; une exonération au titre du foncier bâti a été mise en place.
C'est dire à quel point nous partageons votre préoccupation.
Éric Woerth, ministre du budget. Même avis.
(L'amendement n° 33 n'est pas adopté.)
Il s'agit d'instaurer un taux réduit de TVA pour les travaux réalisés par les entreprises de jardinage et d'aménagement paysager.
Une telle décision avait été prise à la suite de la tempête de décembre 1999, mais à ma connaissance une nouvelle instruction fiscale du 8 décembre 2006 a éliminé les travaux d'urgence – élagage, tronçonnage et enlèvement d'urgence. Or, après la tempête, notamment dans le sud-ouest et le sud, il s'agirait là d'une mesure qui favoriserait à la fois le pouvoir d'achat des personnes sinistrées et l'activité des entreprises de jardinage et d'aménagement paysager.
La commission n'a pas retenu cet amendement – tout simplement parce qu'il est déjà satisfait, comme j'ai eu l'occasion de le dire à M. Bapt.
Si les travaux sur les arbres font partie de travaux d'entretien et de rénovation d'une habitation de plus de deux ans, ils bénéficient du taux réduit de TVA de 5,5 % : c'est le cas des travaux d'élagage, par exemple.
S'il s'agit de travaux d'urgence qui servent à maintenir l'habitabilité – notamment l'accès à la construction – le taux réduit s'applique également.
Le seul cas où le taux réduit ne s'applique pas est celui où les prestations sont indépendantes de la construction, des travaux dans le logement : c'est le cas des travaux des paysagistes et jardiniers.
Les choses sont très claires, et je crois même qu'une instruction fiscale récente les a encore précisées.
Éric Woerth, ministre du budget. Un rescrit sur ce sujet est en effet publié sur le site des impôts, www.impots.gouv.fr.
Il précise que les travaux liés à l'habitation sont considérés comme des travaux dans l'habitation. Le taux de TVA est donc réduit.
Je suis saisie de deux amendements identiques nos 46. et 53.
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier pour soutenir l'amendement n° 46.
Cet amendement tend à diminuer la TVA sur les fruits et légumes à 2,1 %. Cette baisse de l'impôt – le plus indolore, mais aussi un des plus injustes – serait à la fois une mesure de circonstance, une mesure de santé publique, et une mesure de justice.
C'est évidemment une mesure de circonstance, parce que la crise actuelle casse le pouvoir d'achat des ménages, notamment les plus fragiles. Vous allez consentir une baisse de la TVA sur la restauration. Ne vous semble-t-il pas tout aussi urgent de la baisser sur les fruits et légumes ?
En effet, depuis 1997, la quantité de légumes achetés a baissé de 14 %. Cette baisse ne pourra que s'accentuer avec l'effondrement du pouvoir d'achat, qui contraint les ménages à se tourner vers les aliments qui présentent les coûts, mais aussi malheureusement les qualités nutritionnelles, les plus bas.
C'est aussi une mesure de bon sens, parce qu'il est de notoriété publique que le surpoids est devenu un problème national, qui touche notamment les jeunes, dont la santé paraît tant inquiéter le gouvernement. L'offre alimentaire est dominée par l'abondance de produits industriels dont les effets néfastes sont condamnés sans relâche par les professionnels de la santé.
Si c'est pour importer au mois de décembre des fraises de Nouvelle-Zélande !
Écoutez : c'est important.
Les campagnes du ministère de la santé n'ont d'ailleurs de cesse de nous le rappeler. Il est temps que le gouvernement mette en oeuvre une politique cohérente. La faible consommation de fruits et légumes est un déterminant notoire de la fréquence de plusieurs pathologies, telles le cancer, les maladies cardio-vasculaires ou l'obésité. Rappelons que le traitement de l'obésité coûte 15 milliards d'euros par an ! Un pourcentage élevé de cancers pourraient être évités par une consommation quotidienne de fruits et légumes d'au moins 400 grammes. Encore faut-il en avoir les moyens !
Ce serait enfin une mesure de justice : ce sont les populations en situation de précarité ou sous le seuil de pauvreté qui consomment le moins de fruits et légumes – celles, justement, qui ne seront pas concernées par la baisse d'impôts sur le revenu contenue dans ce projet. Vous aidez les classes moyennes ; aidez aussi les plus pauvres à offrir une alimentation équilibrée à leurs enfants.
Nous vous proposons donc d'adopter cet amendement, qui contribuerait à améliorer la santé de nos citoyens, et participerait ainsi à améliorer les comptes sociaux.
L'argumentaire de M. Sandrier était tellement complet que je serai rapide.
Nous sommes ici à la croisée de deux chemins : celui de la santé publique, et celui du pouvoir d'achat, puisqu'on reproche souvent aux fruits et légumes d'être très chers. Par une mesure de gouvernance publique, nous pourrions ici en atténuer un peu le coût – ce qui ne nous empêcherait d'ailleurs en rien de surveiller les circuits de distribution, pour abaisser encore ce coût.
Les producteurs de toutes les régions seraient également, je crois, sensibles à cette démarche. Le sujet a été évoqué lors de l'examen du projet de loi Hôpital, patients, santé, territoire. C'est une mesure qui s'inscrit à la fois dans le cadre de la relance de la consommation et dans celui de la sauvegarde du pouvoir d'achat : je la crois donc judicieuse.
La commission n'a pas adopté cet amendement qui est déposé sur chaque projet de loi de finances. Comme j'ai eu l'occasion de le dire à M. Sandrier, le taux de 2,1 % qui s'applique aux médicaments a été accepté par la Commission européenne parce que c'est un taux historique, qui préexistait.
Il ne nous est pas possible de passer à 2,1 % d'autres biens et services.
(Les amendements identiques nos 46 et 53, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Je suis saisie d'un amendement n° 18.
La parole est à M. Michel Bouvard.
Cet amendement propose de supprimer la taxe de publicité foncière qui frappe les baux de plus de douze ans qui doivent être publiés au bureau des hypothèques.
Nous nous sommes efforcés, cela a été évoqué tout à l'heure par Henri Nayrou, de développer un certain nombre d'incitations fiscales pour rééquilibrer notamment l'offre touristique sur le territoire au travers des résidences de tourisme en ZRR mais également pour satisfaire des besoins sociaux, grâce aux résidences services pour étudiants ou pour personnes âgées.
Pendant la période où ces résidences bénéficient d'une défiscalisation, à travers une récupération de TVA, ou d'autres incitations, les propriétaires ont intérêt à maintenir leur lot en location, mais, au bout d'un certain temps, singulièrement dans les sites touristiques, les propriétaires ont tendance à vouloir utiliser eux-mêmes les appartements achetés et à ne plus les mettre en location. Dans les stations balnéaires ou de montagne, on parle, pour ces habitats qui ne sont plus utilisés pendant une partie de l'année, de phénomène des lits froids ou des volets clos.
L'un des moyens de remédier au problème est de faire en sorte que les baux soient signés pour la plus longue durée possible. Cela permet de sécuriser le gestionnaire, cela permet aussi d'avoir, lorsque l'on définit les travaux à faire, un équipement de meilleure qualité parce qu'on sait qu'il sera amorti sur une durée plus longue. Or, aujourd'hui, dès lors que vous signez un bail pour douze ans ou plus, vous êtes taxable. Si vous signez pour moins de douze ans, vous n'êtes pas taxable. Cette taxe constitue donc un frein à la signature de baux de longue durée, qui sont économiquement intelligents pour le développement de l'économie touristique.
En outre, comme beaucoup de gens signent pour moins de douze ans pour ne pas avoir à payer, la recette de cette taxe est relativement faible. Il est donc proposé de la supprimer pour les résidences services, qu'elles soient de tourisme, pour personnes âgées ou pour étudiants.
La commission a été très perplexe, d'abord, parce que nous ignorions tous l'existence de cette taxe. Je pensais a priori que, comme pour la majorité des autres taxes d'enregistrement, c'était une recette du département. Mais l'exposé des motifs indique évoque une recette de l'État. Après recherche, il semble bien que ce soit une recette des départements, mais je n'en sais pas plus.
Cette taxe, qui a un faible taux de 0,6 %, crée-t-elle des distorsions de comportement quant à la durée des baux ?
L'expertise de M. Bouvard demande également de notre côté un renforcement d'expertise. Nous allons étudier la question. je ne peux vous en dire plus aujourd'hui. Ainsi, je ne connais pas l'impact de cette taxe sur la signature des baux de douze ans. Je peux simplement vous confirmer qu'il s'agit d'une taxe qui est versée aux collectivités locales, donc je pense aux départements.
Je vous propose d'en reparler lors du PLF – j'imagine que vous vous en souviendrez – car d'ici-là nous aurons eu le temps d'expertiser les choses.
Cet amendement a pour objet de rééquilibrer votre plan de relance dont nous avons critiqué le déséquilibre entre les efforts qu'il consent pour l'investissement et les entreprises et le moindre effort qu'il consacre à la relance de la consommation, notamment la consommation la plus immédiate, c'est-à-dire, Mme la ministre le faisait remarquer hier à juste titre, celle des plus modestes.
Vous avez décidé de geler la prime pour l'emploi, en supprimant son indexation sur l'évolution du coût de la vie, afin d'économiser 400 millions d'euros et de financer en partie le RSA. De la même manière, ne serait-il pas juste et équilibré de supprimer l'indexation automatique dont fait l'objet l'impôt de solidarité sur la fortune ? Ainsi participeraient à l'effort commun non seulement les travailleurs salariés qui touchent de petits salaires mais également ceux qui sont assujettis à l'impôt sur la fortune et qui sont déjà protégés par le bouclier fiscal.
Défavorable à cet amendement que nous voyons revenir à chaque loi de finances ces derniers mois.
(L'amendement n° 85, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 55.
La parole est à M. Thierry Carcenac.
Cet amendement s'inscrit dans la logique défendue à l'instant par M. Bapt, c'est-à-dire notre volonté de rééquilibrer le dispositif. L'État perçoit depuis de nombreuses années des frais d'assiette et de recouvrement sur les impôts locaux que paient les contribuables, Nous suggérons de baisser légèrement, de 0,1 point, cette contribution pour frais d'assiette. Cela permettrait d'alléger d'autant la fiscalité locale.
Cet amendement, qui est régulièrement déposé depuis des décennies, a été rejeté.
(L'amendement n° 55, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Cet amendement du groupe socialiste a pour objectif de proposer à l'Assemblée une des dispositions phares, si je puis me permettre ce terme, de notre contre-plan de relance.
Oui, et je vais même vous en donner les détails.
À travers cet amendement, nous proposons une mesure simple, massive et à effet immédiat, autant de caractéristiques, nous semble-t-il, dont devrait se prévaloir toute disposition d'un plan de relance. Il s'agit de verser une aide exceptionnelle de 500 euros par personne, 1 000 euros par foyer, aux bénéficiaires actuels de la prime pour l'emploi, ainsi qu'aux bénéficiaires des revenus minimaux, comme le revenu minimum d'insertion, l'allocation de parent isolé, l'allocation pour adulte handicapé ou l'allocation de solidarité spécifique.
Cette idée nous est dictée par la volonté de rééquilibrer profondément le dispositif gouvernemental en prévoyant, à côté des dispositifs d'aides à l'investissement, un dispositif simple et massif de soutien à la consommation ou, pour le dire autrement, de soutien du pouvoir d'achat.
Nous sommes de ceux qui considérons qu'une des caractéristiques fortes de la crise qui frappe aujourd'hui la France et le monde est son effet sur le pouvoir d'achat et sur les capacités de chaque ménage, français en l'occurrence, à faire face à ses besoins et donc à soutenir l'activité économique.
Pendant longtemps, monsieur le ministre, vous nous avez répondu que soutenir directement le pouvoir d'achat revenait à arroser le sable. Selon vous, une telle mesure était vaine, et vous preniez comme exemple ce qui avait été fait par nous en 1981 et par vous en 1976. Aujourd'hui, vous parlez plus de 1981 que de 1976, mais cela doit être par égard envers certains de nos collègues qui étaient déjà là en 1976 et qui avaient soutenu ce dispositif.
Aujourd'hui, nous allons le voir dans quelques instants, vous nous proposez des dispositifs qui sont philosophiquement de même nature, tout en refusant de l'avouer. Vous dites qu'il s'agit de mesures sociales, mais nous savons bien que ce sont des mesures de soutien du pouvoir d'achat, mais de catégories très précises.
Par exemple, vous allez proposer de soutenir le pouvoir d'achat de jeunes qui n'ont pas suffisamment cotisé à l'assurance chômage pour disposer d'un revenu digne, en leur accordant une somme de 500 euros – la même somme que nous.
Vous proposez également des dispositifs compliqués de baisses d'impôt sur le revenu qui présentent de lourds inconvénients. Ainsi, vous allez aider certaines catégories de Français dont le pouvoir d'achat a en effet besoin d'être soutenu, mais vous laissez de côté tous ceux qui ne paient pas l'impôt sur le revenu et qui, à l'évidence, mériteraient également d'être soutenus.
Vous proposez par ailleurs d'avancer les effets du RSA en décidant une prime exceptionnelle de 150 euros.
En réalité, aujourd'hui, vous vous lancez, avec une grande précaution, dans des dispositifs d'aide à la consommation, d'aide au pouvoir d'achat, mais en faisant petit et compliqué, là où nous, nous vous proposons de faire massif et simple. L'aide que nous proposons, de 500 euros, ou de 1 000 euros pour un couple, est simple, elle concernerait une proportion considérable, presque majoritaire, des ménages français, et elle aurait un effet immédiat pour relancer le pouvoir d'achat.
Nous accordons beaucoup d'importance à cette disposition. Selon nos calculs, son coût global serait de l'ordre de 7 milliards d'euros. C'est notamment pour permettre son financement que nous nous sommes battus pour remettre en cause un certain nombre de dispositifs fiscaux.
La commission n'a pas adopté cet amendement.
Monsieur Sapin, nous ne faisons pas petit, nous faisons ambitieux, et nous ne nous réveillons pas maintenant pour agir, nous avons anticipé.
Le minimum vieillesse a été revalorisé de 5 % ; l'AAH a été revalorisée de 5 % en 2008, à nouveau de 5 % en 2009 ; le RSA, qui a été créé dès septembre dernier, verra son financement augmenter de 1,5 milliard d'euros à partir du mois de juillet prochain ; la prime de Noël a été portée de 152 euros en 2007 à 220 euros en 2008.
En fait, nous avons pris tout un ensemble de dispositions d'augmentation des différents minima sociaux. L'addition de toutes ces mesures se monte à plusieurs milliards. D'ailleurs, si nous avons pu observer un certain maintien et même une progression de la consommation dans notre pays, contrairement à ce qui s'est passé chez la plupart de nos voisins, c'est bien évidemment parce que ces différentes dispositions ont produit leurs effets.
Plutôt que de mettre en place une prime exceptionnelle de 500 euros, il me semble beaucoup plus judicieux de revaloriser de façon importante, bien au-delà de l'inflation, un certain nombre de prestations sociales et d'allocations, comme l'allocation logement. Cela permet de diffuser l'effort sur l'ensemble des familles les plus modestes.
J'ajoute que l'article 1er de ce projet de loi complète le dispositif puisqu'un ménage modeste imposable à la première tranche ne bénéficiera pas de ces différentes aides mais que, dès la promulgation de la loi, les deux tiers de l'impôt sur le revenu qu'il devait acquitter en 2009 seront effacés.
Sur ce sujet, nous avons déjà beaucoup agi. Les Français ne tarderont pas à s'en apercevoir. Mais, si vous proposez d'utiliser l'impôt, le Gouvernement préfère prévoir des primes. Une prime de 500 euros sera versée par le Pôle emploi aux salariés précaires, qui ont travaillé moins de quatre mois et n'ont pas accès à l'assurance chômage. Une autre, d'un montant de 150 euros, ira, à partir de juin, aux familles qui perçoivent l'allocation de rentrée scolaire. Une prime de solidarité active, d'un montant de 200 euros, sera versée en avril à 3,8 millions de ménages. Autant d'efforts, d'ailleurs légitimes, déjà consentis par le Gouvernement en faveur des populations les plus faibles. C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à l'amendement.
Nous entendons l'argumentation du ministre, qui a rappelé les mesures ponctuelles visant à améliorer un tant soit peu la situation de telle ou telle catégorie défavorisée. Mais l'opposition et la majorité divergent sur l'appréciation globale de la situation.
Nous pensons que la dérive actuelle et le creusement des inégalités mettent en question le pacte social républicain. L'étude de l'école économique de Paris intitulée Les Hauts Revenus en France : une explosion des inégalités montre qu'entre 1998 et 2006, plus de 90 % des foyers fiscaux ont vu leur pouvoir d'achat progresser de 4,6 %, tandis que celui de 0,1 % de la population – la fraction la plus riche – a progressé de plus de 30 %.
Certes, vous nous avez expliqué, lorsque nous avons débattu du bouclier fiscal, qu'il est de l'intérêt supérieur de la nation que les plus riches soient toujours plus riches, et qu'ils restent chez nous. Mais la colère de ceux qui ont défilé aujourd'hui dans les rues, et de ceux qui soutiennent leur mouvement n'a pas d'autre cause que la déchirure du tissu social, du fait de l'augmentation des inégalités. La cohésion sociale, le pacte social, auquel le Président Chirac aimait se référer, sont désormais compromis. S'il y a une rupture entre ce quinquennat et le précédent, c'est à ce sujet. C'est pourquoi nous maintenons notre amendement, car il faut profondément reconsidérer la répartition des richesses dans notre pays.
(L'amendement n° 61 n'est pas adopté.)
Rappel au règlement
Dans le déroulement de notre séance, il faut faire la part des éléments anciens – comme la grande mise en scène du 18 février, que d'aucuns ont appelé le « sommet social », et les réprimandes du Président de la République aux banquiers – et des éléments nouveaux : d'un côté, les dirigeants de la Société générale ; de l'autre, les manifestants qui ont battu aujourd'hui le pavé de centaines de villes de notre pays. À Paris, où le cortège a dû se diviser en deux pour pouvoir défiler sur les boulevards, il comportait une forte proportion de salariés du privé. Ceux qui souffrent, du fait de fins de mois impossibles, n'ont pas peur. Loin de déboucher sur de la résignation, leur colère se mue en une action unitaire. Dans les départements d'outre-mer, la détermination de la foule a su venir à bout de l'autisme et de l'arrogance du Gouvernement. Après s'être mis au service des nantis, il a dû plier. Aujourd'hui, les Français de métropole considèrent à leur tour qu'ils ont le droit d'être entendus.
J'aimerais savoir, monsieur le ministre, puisqu'il paraît que vous faites partie des rares membres du Gouvernement qui ont l'oreille du Président de la République, si ses choix seront influencés, voire réorientés, du fait d'une réalité que certains membres de l'UMP eux-mêmes ne veulent plus ignorer. Face aux dirigeants de la Société générale qui se gobergent comme le faisait Marie-Antoinette, que répondrez-vous aux centaines de milliers sans-culottes qui défilent dans les rues de notre pays ?
Nous avons eu un long débat sur ce sujet, avant que vous nous rejoigniez, monsieur Brard.
Je suis saisie d'un amendement n° 71.
La parole est à M. Nicolas Forissier.
Cet amendement rouvre un débat sur le privilège du Trésor, que nous avons eu à plusieurs reprises dans notre hémicycle, notamment lors du vote de la loi de modernisation de l'économie et de la loi de finances.
Chacun sait qu'en cas de défaillance d'une entreprise, le Trésor est prioritaire pour apurer ses créances avec les actifs restants. De ce fait, il ne reste que peu de chose pour les créanciers chirographaires, c'est-à-dire pour les petites et moyennes entreprises, fournisseurs ou sous-traitants, ce qui peut causer – peut-être le vérifierons-nous bientôt – des dépôts de bilan en cascade.
En tant que rapporteur de la loi de modernisation de l'économie, j'ai pointé cette situation, et le Gouvernement a fait déjà écho à ma demande, en décidant de ne pas publier les inscriptions, ce qui permet de renforcer la confiance des entreprises qui travaillent avec des partenaires en difficulté.
Mais, face à l'émergence de la crise, le Président de la République et le Gouvernement ont mis en oeuvre des mesures qui peuvent être réversibles. Ce serait le cas de celle que je préconise. Mon amendement vise non pas à remettre en cause le principe du privilège du Trésor, qui représente l'intérêt général par rapport aux intérêts particuliers, mais, dans l'esprit du plan de relance et pour tenir compte des difficultés que cause aux entreprises la défaillance de leurs partenaires, à le suspendre pendant les deux ans que couvre le plan de relance. Cette mesure de bon sens a rencontré la faveur de M. Copé.
Nous avons déjà examiné un amendement de même nature. M. Forissier a rappelé que nous avons fait évoluer la situation avec succès, comme le montrent toutes les discussions que j'ai, au cours de mes déplacements, avec les chefs d'entreprises ou les représentants des chambres consulaires. L'absence de publicité relative à l'inscription du privilège, quand une entreprise qui connaît des difficultés accepte un plan de redressement, produit réellement des résultats positifs.
Au reste, je rappelle que l'État n'est pas le créancier le plus privilégié.
Les salariés, par exemple, passent avant lui, ce qui est naturel. N'exagérons donc pas le régime de faveur dont il bénéficie.
Sans minimiser les difficultés des entreprises, il me paraît dangereux de mettre en cause un des principes fondamentaux de la comptabilité publique.
(L'amendement n° 71 n'est pas adopté.)
Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l'article 2.
Je suis saisie d'un amendement n° 72 rectifié.
La parole est à M. Henri Emmanuelli.
Nous en venons à un tout autre sujet : la tempête Klaus, dont traitent plusieurs amendements.
Un malheur n'arrivant jamais seul, nous avons subi, après la crise économique, un cataclysme météorologique d'une ampleur inégalée : 300 000 hectares ont été touchés, contre 200 000 en 1999, sur un massif qui en comporte un million, et 37 à 39 millions de mètres cubes de bois ont été mis à terre, ce qui représente cinq ans de récolte, puisque le massif en produit près de 8 millions par an.
Le massif est une ressource économique pour la région Aquitaine. On compte en effet 20 000 sylviculteurs et 34 000 salariés répartis dans diverses filières : les scieries pour le bois d'oeuvre, les papeteries, les usines de panneaux de particules et les usines d'énergies renouvelables, qui produisent des pellets.
Après la tempête, le Premier ministre a réuni les principaux acteurs de ces filières. Le ministre de l'agriculture s'est rendu dans mon département, comme vous-même, monsieur le ministre. Des dispositions ont été prises. L'une d'entre elles a fait l'unanimité : la garantie de 600 millions d'euros que vous nous proposerez ultérieurement.
Pour stocker ce bois, il faut réaliser des aires de stockage et prévoir des primes au transport, afin de le déplacer vers ces aires, puis vers des utilisateurs éventuels. Par rapport à 1999, non seulement les dégâts sont plus importants mais la conjoncture est déprimée. À cette époque, en effet, le marché espagnol était très actif, notamment sur le plan immobilier, ce qui a permis de dégager assez rapidement – non sans perte, il est vrai – les excédents. Aujourd'hui, la situation s'est inversée. L'Espagne va très mal. Le Gouvernement a beau prétendre que le marché immobilier se porte mieux chez nous que chez nos voisins, les droits de mutation ont connu, dans mon département, une chute libre de plus de 30 %, puisqu'ils sont passés de 46 à 30 millions d'euros.
Le ramassage du bois doit faire l'objet d'appels d'offres, qui ont été prévus par le Gouvernement. Par ailleurs, celui-ci destine les 600 millions d'euros dont j'ai parlé à garantir des prêts bancaires à hauteur de 80 %. Restent la réalisation d'aires de stockage et les primes au transport. Une somme de 5 millions d'euros a été prévue, dont je montrerai qu'elle est insuffisante.
Enfin, il faut réparer les dégâts, c'est-à-dire nettoyer les parcelles et replanter. En effet, sur le plan environnemental, ce massif forestier – il s'agit du plus grand en Europe de l'Ouest – est une gigantesque pompe à eau, puisqu'un pin maritime pompe 450 litres par jour. Autrement dit, en son absence, il y aura une modification des sols et du climat dans tout le quart ouest de la France.
J'ai d'ailleurs été étonné par le fait que, jusqu'à aujourd'hui, Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie ne semble pas vraiment se préoccuper de ce problème – seul le ministre de l'agriculture et les ministres chargés des finances se sont vraiment penchés sur le sujet.
Les communes forestières disposaient pour certaines d'entre elles d'un patrimoine forestier qu'elles ont perdu en même temps que les ressources qu'elles en tiraient. Dans les cinq ou six prochaines années, elles subiront d'énormes pertes de recettes.
Nous présentons donc quatre amendements. L'amendement n° 72 rectifié concerne les communes forestières. Il n'a pas été accepté par la commission des finances au motif que nous ne disposons pas des moyens d'expertise. Un deuxième amendement a connu le même sort et vise l'agriculture qui a subi de gros dégâts, et en particulier l'aviculture. Enfin, deux autres amendements ont été acceptés par la commission, l'un porte sur le stockage et les transports, l'autre porte sur le nettoiement et le reboisement.
L'amendement n° 72 rectifié vous paraîtra étrange. Pour obtenir 5 millions d'euros de plus pour les communes forestières, les spécialistes nous ont expliqué qu'il fallait d'abord reconstituer le fonds CATNAT. En effet, de la loi de finances 2008 à celle de 2009, la dotation du fonds a été réduite de 20 à 10 millions d'euros. Pour dégager des crédits supplémentaires, il nous faut donc d'abord rétablir la dotation initiale du fonds avant de la majorer de 5 millions d'euros. En conséquence, même si, pour des raisons techniques, la lecture de l'amendement peut laisser penser que nous voulons que la dotation progresse de 10 à 25 millions d'euros, nous voulons, en fait, qu'elle augmente de 5 millions pour les cinq années à venir, afin de venir en aide aux communes forestières landaises dont les budgets vont se retrouver en déséquilibre.
La commission n'a pas accepté l'amendement n° 72 rectifié. En effet, le fonds de catastrophe naturel, doté de 25 millions d'euros, est financé par les collectivités locales grâce à un prélèvement sur la dotation de compensation à la taxe professionnelle, la DCTP. Ce fonds de mutualisation mis en place il y a deux ans pour intervenir sur les tempêtes locales et les problèmes d'ampleur limitée concerne donc des dommages dont le coût s'élève, au maximum, de trois à quatre millions d'euros.
En revanche, la commission des finances a adopté un amendement que nous examinerons ultérieurement qui vise à doubler un crédit d'environ 80 millions d'euros – nous l'abonderons de 78 ou 80 millions d'euros – destiné à favoriser le transport et le stockage des bois chablis.
Cela dit, nous ne disposons pas d'éléments précis, et il est difficile d'évaluer la quantité de bois qui pourra être traité d'ici à la fin de l'année 2009 – il faut le ramasser, le transporter, le stocker et l'écouler.
J'ai eu l'occasion de me rendre sur place, comme vous-même monsieur le ministre, ainsi qu'un certain nombre d'entre nous. Nous y avons découvert un spectacle de désolation qui n'a rien à voir avec celui qu'offrait la région après la tempête de 1999. Sur des dizaines de kilomètres, on parcourt des zones dans lesquelles on ne trouve pas un pin sur dix qui ait résisté aux vents. Les travaux à entreprendre sont donc considérables.
Monsieur le ministre, il faudrait que nous puissions disposer d'éléments concrets. L'effort devra probablement porter aussi sur l'année 2010 car, physiquement, il ne sera pas possible de tout traiter cette année. Il ne faudrait donc pas geler des crédits sur 2009, qui ne seraient pas intégralement utilisés, compte tenu de l'ampleur de la tâche.
Ce massif forestier dévasté a été planté sous le Second Empire. Il joue un rôle majeur tant sur le plan écologique qu'économique. Certes, dans ce dernier domaine la situation est devenue difficile. Ainsi le secteur de la construction espagnole qui s'est effondré constituait un débouché important.
Cette forêt reste toutefois un atout économique majeur pour notre pays, et sa préservation constitue aussi un enjeu écologique de poids. Il est donc évident que la solidarité nationale, c'est-à-dire le recours à des financements de l'État, doit jouer à la hauteur de ses défis
Monsieur Emmanuelli, sur ces sujets, il n'y a ni droite ni gauche. Votre département a été très gravement touché, et j'ai constaté en m'entretenant avec un certain nombre de ses habitants, qu'au-delà des problèmes économiques, ils étaient profondément atteints sur le plan affectif par les événements des 24 et 25 janvier 2009.
L'État a bien évidemment l'intention de mettre en oeuvre les dispositifs de solidarité qu'il convient d'appliquer lorsqu'un département est touché comme l'est le vôtre. Il n'y a donc pas de doute à avoir sur nos objectifs et notre état d'esprit. En revanche, nous pouvons nous demander si vos propositions sont adaptées à la situation, et si les augmentations de crédits que vous préconisez sont réalistes ou pas.
Les communes ont été largement touchées par la tempête. En particulier celles pour lesquelles la forêt était une source de revenus importante, et elles sont nombreuses. Une aide financière sera apportée par le ministère de l'intérieur, dont Mme Alliot-Marie a déjà détaillé le contenu.
Pas du tout, monsieur le ministre ! Nous n'avons aucune information à ce sujet.
Dans ce cas, je demanderai à la ministre de vous donner les éléments qu'elle a exposés lors de la réunion que nous avons tenue sur le sujet avec le Premier ministre. Le ministère de l'intérieur vous précisera les modalités de l'aide qui sera apportée aux budgets des communes concernées.
Si le montant des dégâts dépasse 4 millions d'euros, le fonds de catastrophe naturel n'est plus compétent, et l'État prend le relais. Une mission d'inspection est actuellement en train de chiffrer les dommages subis, et son rapport devrait être bientôt disponible. J'en prends l'engagement, si l'État doit intervenir, il abondera, en fonction des besoins, les crédits nécessaires au budget général. Au moment opportun, nous assumerons la solidarité que le Président de la République et le Premier ministre ont affirmée.
En l'état, le Gouvernement partage l'avis exprimé par le rapporteur général sur l'amendement n° 72 rectifié.
Sur ce dossier, nous devons être très concrets et parler du terrain. En effet, sur le terrain, les problèmes ne se posent pas en termes théoriques ou de façon globale.
Les communes forestières ont été touchées comme jamais par une tempête qui a surpris tout le monde, et dont l'ampleur est incroyable. Savez-vous ce que représente le nombre de mètres cubes de bois à terre ? Imaginez un anneau en forme de cube d'un mètre d'arête qui ferait le tour de la terre, comme un anneau de Saturne, au niveau de l'équateur. C'est considérable !
Les communes touchées sont doublement pénalisées. Elles le sont, tout d'abord, dans leur budget puisqu'elles tiraient une part de leur revenu annuel de l'exploitation des centaines ou des milliers d'hectares qu'elles géraient, le plus souvent en liaison avec l'ONF. Cette perte de recettes leur pose des problèmes insolubles. J'espère que ce problème sera traité par Mme Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de façon que ces communes puissent être accompagnées pendant un ou deux ans pour être en mesure de construire un budget.
Les communes sont ensuite confrontées à une autre question que traite l'amendement n° 72 rectifié. En effet, après une catastrophe naturelle, des travaux sont nécessaires. Le supplément de 5 millions d'euros pour le fonds CATNAT, n'est pas excessivement élevé. Il permettra de mettre les communes en sécurité. Savez-vous qu'à l'heure actuelle, les chemins forestiers ne sont pas accessibles ? Si nous n'intervenons pas rapidement, les pompiers ne pourront pas circuler cet été en cas d'incendie. Et si une telle catastrophe devait se produire, cette fois, nous en serions responsables pour n'avoir pas pris les décisions nécessaires le moment venu. J'espère que nous n'en arriverons pas là.
Fort heureusement, grâce au conseil général des Landes, un système de détection par infrarouges permet d'intervenir rapidement en cas de départ de feu, et il n'y a plus eu de grand incendie dans la région depuis 1947 – on ne peut pas faire le même constat pour toutes les forêts de France. Opérationnellement, le département est donc prêt. Mais s'il y a des arbres en travers des chemins forestiers, nous ne pourrons pas intervenir. Il faut donc que les communes dégagent ces voies d'accès.
Finalement, avec la question de sécurité se posent aussi une question de responsabilité, mais également celle de la solidarité nationale.
(L'amendement n° 72 rectifié n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 17.
La parole est à M. le rapporteur général.
Cet amendement vise à reporter d'un mois la date limite fixée aux collectivités locales pour signer une convention avec l'État par laquelle elles s'engagent à réaliser en 2009 des investissements au moins égaux à la moyenne de leurs investissements entre 2004 et 2007. Dans ce cadre, les collectivités bénéficieront de deux remboursements du FCTVA – pour l'année 2007, mais aussi pour les investissements de l'année 2008.
Il est nécessaire de donner un délai supplémentaire d'un mois aux collectivités locales et de fixer la date butoir au 15 mai plutôt qu'au 15 avril.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement et je lève le gage.
(L'amendement n° 17, modifié par la suppression du gage, est adopté.)
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 84 et 88.
Monsieur Brard, souhaitez-vous intervenir sur l'amendement n° 84 ?
Il serait dommage de ne pas le faire, madame la présidente, car ce sera l'occasion de mettre en évidence les turpitudes de la Caisse des dépôts et consignations via la société Icade.
Les alinéas 1 à 8 de l'article 48 de la loi de finances initiale prévoient que certaines exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties ne sont plus intégralement compensées par l'État aux collectivités locales, mais que leur évolution est minorée selon un taux fixé à 17,108 % pour l'année 2009.
L'amendement n° 84 propose de revenir sur cette disposition dans la mesure où le législateur n'a pas pu anticiper ses conséquences en termes de perte de recettes pour les collectivités locales concernées par la cession des 35 000 logements Icade, annoncée le 12 décembre 2008 par le PDG de cette filiale de la Caisse des dépôts et consignations.
Nous espérons que le Gouvernement ne se permettra pas de renouveler ses attaques ciblées contre les collectivités accueillant un important patrimoine de logements sociaux – même s'il faut s'assurer que ces logements, construits grâce à des fonds publics, seront vendus à des montants abordables pour les bailleurs sociaux.
Faut-il rappeler l'ampleur de l'incendie déclenché par la proposition du Gouvernement de modifier les critères d'attribution de la dotation de solidarité urbaine en supprimant la prise en compte du taux de logements sociaux ? Faut-il rappeler également que le brasier dut être précipitamment étouffé après l'alerte donnée dans les 238 communes qui risquaient de se voir ainsi soudainement exclues du bénéfice de cette dotation ?
La question qui se pose aujourd'hui est de savoir si nous voulons pénaliser les nombreuses collectivités locales, dont une cinquantaine de communes franciliennes, qui vont être financièrement asphyxiées par l'opération d'Icade, en raison de l'absence de compensation intégrale des exonérations de taxe foncière. À Bagneux, dans les Hauts-de-Seine, par exemple, c'est près de 1,9 million d'euros qui est en jeu, sur les 13 millions que représente le produit de la taxe sur le foncier bâti.
Si la taxe foncière sur les propriétés bâties, tout comme la taxe d'habitation, soulève une question de fond, celle de la justification d'un impôt lié au logement qui, en outre, ne tient pas compte des ressources du contribuable – la révision du calcul des bases des propriétés non bâties, fixées à un niveau que nous jugeons trop faible alors qu'elles pourraient représenter un véritable capital foncier, constituerait à cet égard une alternative intéressante –, nous ne pouvons nier que cette taxe sur le foncier bâti représente une part importante des recettes des collectivités locales.
Aussi, dans l'urgence, proposons-nous simplement à la représentation nationale – en espérant que le Gouvernement donnera un avis de raison – de voter cet amendement, qui prévoit de ne pas appliquer la minoration prévue à l'article 48 de la loi de finances pour 2009 aux compensations de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties.
Enfin, je précise que le problème est né du projet complètement fou de cette filiale de la Caisse des dépôts de bazarder son patrimoine, même si celui-ci est achetable par d'autres bailleurs sociaux. Dans ma bonne ville de Montreuil, où 611 logements sont concernés, nous avons réussi à bloquer une première fois l'offensive d'Icade. Pourquoi voulait-elle vendre ces logements, qui n'ont pu être construits, dans les années 1950, que grâce à l'aide de la commune et qui avaient été attribués en grande partie à des ouvriers de chez Renault ? Eh bien, parce qu'ils étaient bien situés, près du métro ! Quand on est ouvrier et qu'on habite près du métro, on peut donc être expulsé et habiter dans les champs de betteraves ! Telle est la logique d'Icade, et nous ne pouvons l'accepter.
La Caisse des dépôts, c'est-à-dire le banquier de l'État, dont je rappelle qu'elle est placée sous la protection du Parlement, ne peut pas mener ce type de politique.
Mon intervention portait donc sur deux sujets : la politique honteuse d'Icade – qu'avec l'aide des locataires, nous réussirons, je l'espère, à bloquer une nouvelle fois – et l'absence de compensation intégrale des exonérations de taxe sur le foncier bâti.
La commission n'a pas adopté ces amendements. S'agissant de la minoration de la compensation des exonérations de taxe sur le foncier bâti liées au logement social, je rappelle que cet abattement vise uniquement à augmenter de 120 millions d'euros la dotation de solidarité urbaine, dont la moitié des critères sont liés à la présence de logements locatifs sociaux : il s'agit donc bien d'encourager le logement locatif social. Ce faisant, nous sommes parvenus à maintenir le taux de progression de la dotation globale de fonctionnement à 2 % et à abonder de 120 millions d'euros supplémentaires la dotation de solidarité urbaine.
S'agissant d'Icade, je me bornerai à témoigner de la situation qui prévaut dans le Val-de-Marne. Il est vrai qu'Icade a engagé une politique de déconventionnement, à laquelle un certain nombre de villes se sont opposées. Mais des réunions de concertation ont été organisées, qui ont pu aboutir, ici ou là, à des accords. Ce n'est peut-être pas le cas à Montreuil, mais, dans le Val-de-Marne, il me semble que des solutions sont en train de se dessiner.
Monsieur Brard, vous souhaitez régler un problème particulier que rencontrent quelques communes, dans lesquelles la société Icade, filiale de la Caisse des dépôts, souhaite se séparer d'une partie de son patrimoine afin de le transférer à des organismes de logements sociaux.
Par ailleurs, la compensation de la taxe sur le foncier bâti a fait l'objet d'ajustements, compte tenu des enveloppes réservées aux collectivités locales, pour éviter qu'elle ne porte que sur une dotation ou sur la DGF, par exemple. Des variables d'ajustement ont ainsi été arrêtées en commun, au terme de longues discussions, qui se sont déroulées ici même et au Sénat. Il me paraît donc sage de ne pas modifier ces équilibres qui ont été difficiles à atteindre.
J'ajoute que l'on peut se réjouir que cette mesure favorise le logement social. Au demeurant, cette opération n'est pas encore faite. Pour l'instant, des désaccords subsistent sur les modalités de sa réalisation. Si jamais elle a lieu, ce sera donc en 2010 ou en 2011. En tout cas, elle ne modifie pas les revenus des collectivités pour 2009.
Mon intervention ne portera pas sur le volet fiscal de l'amendement de M. Brard, mais sur les modalités des opérations de cession de logements par la société Icade. Ancien président de Val-d'Oise Habitat et actuellement membre de son conseil d'administration, j'ai en effet pu constater que les conditions dans lesquelles Icade entend vendre à des organismes sociaux une partie de son patrimoine, notamment dans le Val-d'Oise, sont aberrantes. Ainsi, ni les opérateurs ni les acquéreurs éventuels ne disposent d'une définition correcte du patrimoine en cause et des conditions de son occupation. Aucune enquête sociale n'est effectuée. Nous en sommes donc réduits à mener de véritables discussions de marchands de tapis, qui ne me paraissent pas être du niveau d'un organisme comme Icade, qui est une filiale de la Caisse des dépôts.
Monsieur le ministre, François Scellier – il en conviendra certainement – n'est pas un dangereux gauchiste. Or il dit la même chose que moi, tout simplement parce que c'est la réalité. Il ne s'agit pas d'un problème marginal : 35 000 logements sont concernés.
En vous écoutant, je me suis demandé si vous ne souffriez pas d'un problème de coordination entre votre hémisphère droit et votre hémisphère gauche. Car enfin, la Caisse des dépôts, dont Icade n'est qu'un prolongement, n'est-ce pas un peu l'État ?
François Scellier a qualifié la situation d'aberrante ; je dirai pour ma part qu'elle est scandaleuse. En effet, il n'est pas acceptable que le président d'une société dépendant de la Caisse des dépôts, nommé par la grâce de l'État – arrêtons avec les faux nez ! –, ne se soit jamais rendu sur place pour se rendre compte de la situation par lui-même et traite de la vie des gens avec arrogance, du fond de ses pénates douillettes. À Montreuil, on suspend cette épée de Damoclès au-dessus de la tête de personnes qui vivent dans leur logement depuis cinquante ans ! Le PDG d'Icade ne fait preuve d'aucune sensibilité, d'aucune humanité : il ne vaut guère mieux que celui de la Société générale !
Monsieur le ministre, vous répondez : « Icade souhaite se séparer de son patrimoine social. » Mais Icade, c'est vous ! C'est à vous d'empêcher que l'on brade ainsi, par caprice et formatage idéologique, une partie du patrimoine de notre pays : 35 000 logements, je le répète. Pensez aux gens qui vivent là depuis cinquante ans, dont on ne fait aucun cas, qu'on bazarde pour gagner trois francs six sous et remplir, peut-être, les caisses de la Caisse des dépôts, dans lesquelles, il est vrai, vous avez largement puisé.
Non seulement le déconventionnement est inacceptable en soi, mais la pratique d'Icade est particulièrement honteuse. Si vous n'étiez pas autiste, monsieur le ministre, nous n'aurions pas besoin de recourir à l'action ; un dialogue constructif, qui prendrait en compte la situation des personnes concernées, suffirait à régler le problème d'une façon civilisée. C'est en instaurant un rapport de force que nous avons obtenu une première fois d'Icade qu'elle recule et, s'il le faut, nous recommencerons.
Tout d'abord, Icade est une société cotée.
Non, monsieur Brard : il y a des règles de droit.
Par ailleurs, je ne suis pas au fait de la vente de ces logements à Montreuil et ailleurs, mais j'ai bien compris qu'il s'agissait de logements privés qui allaient devenir des logements sociaux.
Il ne s'agit donc pas d'un déconventionnement : la société Icade vend des logements à des bailleurs sociaux, et non le contraire.
Or c'est généralement la transformation de logements sociaux en logements privés qui pose un problème humain, comme vous dites.
Quoi qu'il en soit, nous ferons état, à la société Icade et, plus précisément, à la Caisse des dépôts, du contenu de cet échange – car il y a manifestement un problème de décalage d'information – et je lui demanderai de se rapprocher de vous.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour une très brève intervention.
Monsieur le ministre, je vous propose d'intervenir auprès du PDG d'Icade pour qu'il nous reçoive, François Scellier, François Pupponi et moi-même. Nous lui rendrons visite ensemble, et je suis certain que nous parviendrons à radicaliser notre collègue de la majorité, de sorte que, sous nos assauts conjugués, le PDG d'Icade pliera !
(Les amendements identiques nos 84 et 88 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 37 et 86.
La parole est àM. Jean Launay, pour soutenir l'amendement n° 37.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 86.
Madame la présidente, je fais des efforts de pédagogie ; encore faut-il que le destinataire de ces efforts soit réceptif.
Cet amendement entend revenir sur une disposition, introduite dans la loi de finances initiale, qui prévoit de minorer certaines compensations d'exonérations de fiscalité locale, notamment de taxe foncière sur les propriétés bâties, de taxe foncière sur les propriétés non bâties et de taxe professionnelle.
La tendance est en effet à accuser les collectivités locales de prendre une part croissante dans le creusement des déficits publics et, partant de là, à les mettre en demeure de pratiquer la rigueur financière, de réduire leurs services publics et leurs dépenses dites sociales. Voilà l'argutie !
Pour ce qui est des faits, le choc de la crise sociale, économique et financière est en train de frapper de plein fouet les collectivités locales et leurs populations. Soumises à d'immenses difficultés pour trouver des financements, étranglées par le coût de certains remboursements d'emprunts, elles voient déjà leurs ressources fiscales diminuer du fait du ralentissement économique, mais sont, en sus, de moins en moins dotées par l'État !
En ce domaine, tous les petits calculs sont permis. Ainsi, le fonds de compensation de la TVA est désormais inclus dans le calcul des dotations affectées aux collectivités locales, alors qu'il s'agit d'un dû. Dans le même ordre d'idée, ces dotations ont été habilement réduites par le fait qu'elles sont désormais strictement indexées sur l'indice des prix à la consommation.
À tout ceci va s'ajouter la perte de recettes liée à la disparition de la taxe professionnelle. Au-delà des positions de principe, remettre en cause la participation des entreprises au financement des collectivités locales paraît économiquement dangereux, puisque ces collectivités en sont les principaux investisseurs ; mais aussi socialement périlleux, puisque ce sont leurs salariés qui vont se voir supprimer les services publics dont ils bénéficiaient localement. Les collectivités locales, qui comptabilisent 1 700 000 emplois et assument 73 % des investissements publics, ont permis la création et le maintien de 850 000 emplois de la sphère privée et créé plus de 500 000 emplois en dix ans.
Comme nous le voyons, les collectivités jouent un rôle fondamental au plan de l'investissement, de l'emploi et, nous osons le dire, de la croissance. C'est la raison pour laquelle Marie-Hélène Amiable et moi-même vous proposons de les soutenir en votant cet amendement qui revient sur la minoration de près de 20 % de l'évolution de leurs compensations d'exonérations.
Même avis.
(L'amendement n° 86 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 65.
La parole est à M. Thierry Carcenac, pour le soutenir.
Comme l'a expliqué M. Sapin tout à l'heure, il nous paraît souhaitable que le plan de relance national repose sur deux pieds : l'un soutenant la consommation des personnes les plus modestes, l'autre les collectivités locales au-delà du FCTVA, afin de leur permettre d'investir. Dans ce cadre, nous souhaitons soutenir la dotation globale de fonctionnement, qui a été largement entamée par l'enveloppe intégrant le FCTVA. Par ailleurs, certaines collectivités locales voient leurs ressources diminuer, notamment avec les droits de mutation, liés à la situation de l'immobilier. Afin d'accompagner l'investissement des collectivités locales, nous proposons d'attribuer à celles-ci des moyens supplémentaires qui permettront d'éviter une hausse des impôts locaux. Ces moyens seraient mis à leur disposition par le comité des finances locales, chargé de leur répartition.
Même avis.
Monsieur le ministre, vous nous avez rappelé ce matin un certain nombre d'efforts consentis par l'État. Mais, sur le terrain, ces efforts ont une consistance fantomatique ! Mon département a un budget de 415 millions d'euros en recettes et dépenses. Sur cette somme, l'État nous doit 32 millions d'euros au titre du RMI, de l'APA, des transferts TOS et des transferts DDE. Et je ne compte même pas les quatre membres du personnel que la Caisse nationale de solidarité avait financés cette année, mais ne financera plus l'année prochaine. Cela ne peut pas durer !
De surcroît, vous avez inclus cette année le FCTVA dans le périmètre de la dotation globale, ce qui fait que sa progression est particulièrement insignifiante. Monsieur le ministre, je vous propose de m'envoyer l'un des membres de votre cabinet – je peux vous assurer qu'il sera bien reçu …
…afin de venir faire, dans le département des Landes, le constat de ce que je dénonce. Nous mettrons à sa disposition tous les éléments nécessaires afin qu'il puisse se rendre compte de la situation et que cesse ce jeu de colin-maillard entre l'État et les collectivités locales ; si cette proposition ne vous convient pas, je vous en fais une autre : assurons le cofinancement par l'État et les départements en faisant intervenir un cabinet d'audit, que vous pourrez choisir.
Aux 32 millions d'euros que nous doit l'État, il faut par ailleurs ajouter 16 millions d'euros de pertes de droits de mutation. Et après ça, on entend dire que les collectivités locales doivent participer à l'effort de relance en contrepartie du fait que le remboursement de la TVA aurait prétendument été effectué avec une anticipation d'un an ! Je le répète, l'effort auquel l'État dit avoir consenti est purement fantomatique, et cette situation ne peut plus durer !
C'est pareil dans le Lot-et-Garonne, où l'État nous doit 28 millions d'euros !
(L'amendement n° 65 n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'article 3 et l'état A.
(L'article 3 et l'état A sont adoptés.)
Je mets aux voix l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2009.
(L'ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative est adopté.)
J'appelle, dans le texte du Gouvernement, les articles de la seconde partie du projet de loi de finances rectificative pour 2009.
Sur l'article 4 et l'état B, je suis saisie d'une série d'amendements nos 99, 101, 102, 105, 104, 111, 112 et 110.
La parole est à M. le ministre, pour les soutenir
Je veux tout d'abord indiquer à M. Emmanuelli que je vais accéder à sa demande d'envoyer l'un de mes collaborateurs dans les Landes. Il s'agira de Mme Archien, qui est volontaire pour cette mission. Mais j'espère que vous tiendrez votre promesse de lui faire bon accueil ! (Sourires.)
Je vais effectuer une présentation groupée de l'ensemble des amendements de crédits présentés par le Gouvernement. Ces amendements, au nombre de seize – huit au titre de l'article 4 et de l'état B, relatifs aux ouvertures, huit autres au titre de l'article 5 et de l'état B', relatifs aux annulations – sont de deux natures différentes.
Il s'agit en premier lieu de répondre favorablement aux propositions de réimputation de crédits présentées par votre commission des finances. Ces réimputations de crédits impactent plusieurs missions, mais sont neutres sur le solde, puisqu'elles conduisent à des ouvertures d'un montant total de 385 500 euros compensé par des annulations à due concurrence.
D'autres amendements ont pour objet de traduire, au plan budgétaire, les annonces du Président de la République en faveur de l'outre-mer, afin d'ouvrir immédiatement les moyens nécessaires au financement de deux dispositifs importants. La mise en oeuvre du revenu supplémentaire temporaire d'activité à compter du 1er mars 2009 dans les quatre départements d'outre-mer ainsi qu'à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon nécessite l'ouverture de 233 millions d'euros de crédits supplémentaires sur l'exercice 2009 – le coût du dispositif étant évalué à 280 millions d'euros en année pleine. Les besoins en matière d'investissement mis en évidence lors de la crise aux Antilles se traduisent par un nouvel abondement du fonds exceptionnel d'investissement pour un montant de 50 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 10 millions d'euros en crédits de paiement, en complément des 75 millions d'euros déjà prévus par le plan de relance. Ces deux ouvertures de crédits supplémentaires s'effectuent sur des programmes de la mission « Plan de relance de l'économie » et ne sont donc pas gagées par des annulations de crédits sur d'autres missions. Elles feront l'objet d'une coordination dans l'article d'équilibre à hauteur de 243 millions d'euros.
Monsieur le ministre, je me félicite de l'ouverture de crédits pour le fonds d'investissement, an particulier pour les départements antillais. C'était une suggestion que je m'étais permis de soumettre à la réflexion de l'Assemblée en tant que rapporteur spécial. Ce fonds avait été doté d'emblée mais, selon moi, de façon tout à fait insuffisante. Je me félicite donc de le voir bénéficier d'une dotation complémentaire d'un niveau suffisant. J'imagine que, dans votre esprit, ce fonds est destiné à aider les collectivités dans leurs projets d'investissements, et non pas à assurer leur fonctionnement, mais peut-être ne serait-il pas inutile de le préciser expressément.
Par ailleurs, dans le cadre de l'accord conclu notamment à la Guadeloupe, il est prévu une augmentation de 200 euros pour les salariés, la répartition de cet effort devant se faire entre l'État, les collectivités locales et les employeurs. Or, lors de l'examen par le Sénat du projet qui nous sera prochainement soumis, rien n'a été dit sur ce qui me paraît constituer un élément important de l'accord. En revanche, les 1 500 euros de bonus exceptionnel annuel désocialisé ont été prévus d'emblée par le texte soumis au Sénat. Je ne vous demande pas forcément de me répondre sur-le-champ au sujet de ces 200 euros, monsieur le ministre. Sachez simplement qu'à l'occasion de l'examen de la loi en question, nous serons amenés à vous interroger sur les modalités que l'État a décidé de mettre en oeuvre pour que cet élément très important de l'accord puisse se concrétiser.
Je conclurai en vous suggérant, monsieur le ministre, puisque les départements des Landes et du Lot-et-Garonne sont voisins, que le membre de votre cabinet chargé d'effectuer un audit au conseil général des Landes reçoive mission d'effectuer, lors de son déplacement dans la région, et dans un souci de rentabilité, un audit similaire dans le département du Lot-et-Garonne. Votre collaborateur pourra ainsi constater que l'État doit 28 millions d'euros à notre département.
Je remercie M. le ministre d'avoir tenu compte, dans les différents amendements qu'il a présentés, de différentes propositions de la commission des finances.
Par ailleurs, je salue le souci de transparence et d'information complète dont fait preuve le Gouvernement dans cette loi de finances rectificative. Il a ainsi été indiqué lors de la discussion générale que toutes les moins-values de recettes connues à ce jour étaient prises en compte, de même que toutes les dépenses supplémentaires liées au plan de relance. Seul un point n'avait pas encore été ajusté : les éléments de crédits de dépenses pour l'outre-mer. Deux dotations y remédient : l'une de 50 millions d'euros sur le fonds d'investissement, l'autre de 233 millions d'euros sur le revenu supplémentaire temporaire d'activité.
À ce stade, je voudrais vous interroger, monsieur le ministre, sur l'articulation avec la loi outre-mer qui doit venir en discussion devant notre assemblée le 6 avril. En ce qui concerne le RSTA, nous sommes bien dans un dispositif d'anticipation du RSA – la mise en place du RSA n'étant initialement prévue aux Antilles qu'à partir de 2011 – et il n'y a pas lieu de rattacher ce dispositif à celui des 200 euros. Sans doute est-ce la raison pour laquelle cela n'a pas fait l'objet d'une discussion au Sénat dans le cadre de la loi LODEOM.
Cependant, il est d'autres dotations qui trouveraient peut-être davantage leur place dans cette loi de finances rectificative que dans la loi LODEOM. En particulier, 34 millions d'euros ont été annoncés au titre d'une majoration de l'allocation logement. J'aimerais connaître votre position sur ce point, monsieur le ministre. De même, ne devrait-on pas trouver trace, dans le collectif que nous examinons actuellement, du doublement en trois ans du nombre de bénéficiaires du service militaire adapté, pour une somme de 40 millions d'euros ? Enfin, en loi de finances 2009, nous avons mis en place – ce qui était sans doute une bonne chose – un système de dégressivité des exonérations de charges sociales patronales, qui atteignaient des niveaux excessifs.
Il semblerait que ce dispositif ait été sensiblement revu, ce qui justifierait qu'il en soit fait mention dans ce collectif. Nous aurons ainsi, d'un côté la LODEOM qui vise avant tout des mesures de développement économique de l'outre-mer, de l'autre des mesures de solidarité comme le RSTA ou l'allocation logement, qui relèvent du collectif dès lors qu'elles pèsent sur l'année 2009.
Monsieur le ministre, il est question dans votre amendement n° 104 de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Avant d'attribuer des fonds, allez-vous vous intéresser de plus près aux pratiques exotiques de ces deux îles quant à la gestion des deniers publics, aux exceptions fiscales, qui n'ont jamais été encadrées par la législation ?
Saint-Martin et Saint-Barthélemy sont désormais des collectivités d'outre-mer. Elles ont donc le même statut que la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. Pourquoi le traitement des COM des Antilles est-il différent de celui des COM du Pacifique ? Il faut revenir à des pratiques plus morales. Si vous le souhaitez, je peux vous donner des détails pour montrer à quel point les moeurs sont pourries à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy.
Le RSA devait en effet intervenir plus tard dans ces départements. Il est anticipé mais la loi de finances suffit pour ouvrir les crédits et installer le dispositif. La LODEOM ne prévoit rien sur ce point.
Sur les allocations logement, et plus généralement sur tous les sujets portant sur les relations entre l'État et la sécurité sociale, nous ferons le point à l'automne. La masse des crédits est considérable. On ne peut rien préjuger en termes d'exécution. Il en est de même pour les exonérations.
S'agissant de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, vous m'en direz plus, monsieur Brard, puisque vous semblez disposer d'informations importantes.
Pour le RMI, par exemple, nombre de personnes touchent cette allocation dans la partie française mais occupent un emploi de l'autre côté de la frontière. De même, des habitants de nationalité néerlandaise perçoivent le RMI chez nous. C'est un gaspillage extraordinaire des deniers publics et un encouragement à la fraude puisque vous la tolérez et la pérennisez. Qu'allez-vous faire, monsieur le ministre ?
Je prends acte.
(Les amendements nos 99, 101, 102,105, 104, 111,112 et 110, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
(L'article 4 et l'état B annexé, amendés, sont adoptés.)
Je suis saisie d'une série d'amendements nos 100, 103, 106, 107 rectifié, 108, 109, 113 et 114, déjà présentés par le Gouvernement.
En effet.
(Les amendements nos 100, 103, 106, 107 rectifié, 108, 109, 113 et 114, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
(L'article 5 et l'état B'annexé, amendés, sont adoptés.)
Je suis saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels.
La parole est à M. Henri Emmanuelli, pour soutenir l'amendement n° 89.
J'espère que j'aurai plus de succès que tout à l'heure. Il s'agit ici du volet agricole. J'avais exprimé le souhait que le ministre de l'agriculture puisse être présent. Mais je suppose qu'il se considère comme étant avantageusement représenté par vous, monsieur le ministre du budget.
Les organisations sylvicoles ont exposé le problème à Matignon et à l'occasion de deux rencontres organisées au ministère de l'agriculture : il faut prévoir une indemnisation. Celle-ci est d'autant plus nécessaire que la forêt n'est pas assurable. Il faut d'ailleurs éclaircir le débat sur ce point. Lorsqu'il est venu dans les Landes, M. Barnier a expliqué qu'il n'y avait pas d'assurance parce que la gauche ne s'en était pas préoccupée précédemment. Les choses ne se sont pas vraiment passées comme cela. En 2001, une loi a renvoyé à un rapport. Celui-ci a été établi par M. Bussereau en 2005, puis transmis au Sénat par une lettre de M. Bussereau le 16 août 2005. Ce document faisait apparaître en conclusion que, si l'on pouvait assurer juridiquement la forêt – cela ne surprendra personne –, c'était économiquement impossible du fait du prix de l'assurance qui hypothéquerait la production.
Notre amendement vise donc à affecter 300 millions d'euros à l'indemnisation des sylviculteurs – la profession souhaiterait même le double de cette somme. S'ils ne sont pas indemnisés pour les bois tombés, ils ne replanteront pas. Le problème posé concerne non pas le président du conseil général des Landes ou le président de la région Aquitaine, mais le Gouvernement de la République française : y aura-t-il, oui ou non, pérennité du plus grand massif forestier de l'Europe de l'Ouest ?
J'ajoute, puisque j'ai déploré tout à l'heure que Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie semblait ne pas se réveiller, que je viens d'apprendre du préfet des Landes qu'elle serait dans ce département vendredi. Tant mieux. Elle va en tout cas se heurter à cette revendication.
On nous dit qu'en 1999 il n'y a pas eu d'indemnisation. Oui, c'est vrai. Mais c'était la première tempête depuis l'après-guerre. Il y a donc eu simplement stockage, aide au transport, à la replantation et au nettoiement. Au début des années 2000, on a expliqué aux exploitants qu'ils devaient replanter. Cela signifiait pour eux qu'ils obtiendraient leurs premiers revenus vingt ans après par des coupes d'éclaircies, et le prix de leur culture cinquante ans après par la coupe des pins. Mais voilà que moins de dix après, on leur dit qu'il faut recommencer ! Ils s'y refusent cette fois-ci sans une indemnisation.
Le problème, dont je ne suis pas sûr qu'il sera résolu à l'occasion de ce collectif budgétaire, est posé à la République française et à l'Europe, que nous essayons de mobiliser sans grand succès toutefois puisqu'il n'existe qu'un fonds assez modeste pour gérer les catastrophes. Vous avez parlé d'une mission d'évaluation : je l'ai effectivement reçue mais elle a du mal à boucler le dossier pour que cela soit considéré comme une catastrophe nationale au regard des critères européens.
Avec cet amendement, nous proposons donc une indemnisation. Celle-ci est réclamée par l'ensemble des organisations professionnelles de sylviculteurs du massif forestier aquitain. J'ose croire que vous leur enverrez un signe d'espoir.
La commission n'a pas adopté cet amendement. En effet, et comme cela a été rappelé, 600 millions d'euros de prêts bonifiés garantis à 80 % par l'État vont être mis à la disposition des professions forestières. Par ailleurs, un crédit budgétaire de 80 millions d'euros est prévu pour ramasser, transporter et mettre en place des aires de stockage. En outre, la commission a adopté un autre amendement de M. Emmanuelli, dont nous allons discuter dans un instant et qui consiste à doubler ce second crédit budgétaire. Nous avons considéré que si les moyens budgétaires étaient au rendez-vous pour évacuer, stocker et mettre en commercialisation tous les bois qui sont tombés, la replantation s'en trouverait facilitée.
Nous préférons cet amendement visant à doubler les crédits budgétaires nécessaires.
Monsieur Emmanuelli, nous souhaiterions en rester aux propositions de l'État, qui sont importantes. Si des besoins apparaissent au fil du temps, nous reverrons évidemment cette position. Vous le savez, l'effort budgétaire est de 485 millions d'euros sur la période 2009-2017 : 415 millions pour le reboisement et l'aide au nettoiement, 60 millions pour les stockages et les transports, 10 millions pour les mesures d'urgence, déblaiement notamment. Pour 2009, les crédits ouverts sont de 85 millions. À cela s'ajoutent 600 millions d'euros de prêts bonifiés à 1,5 % et des mesures fiscales.
On constate d'ailleurs que les moyens mobilisés aujourd'hui sont supérieurs à ceux qui l'avaient été en 1999. Je souhaite donc qu'on en reste aux propositions faites il y a juste quelques semaines.
Le sujet est compliqué, je l'admets. Avec l'amendement n° 89, il est question d'indemnisation. Avant la tempête, le bois valait 30 euros le mètre cube. Aujourd'hui, le prix est compris entre 7 et 5 euros et, au final, les exploitants n'obtiendront vraisemblablement que 2 ou 3 euros par mètre cube. Ils vont perdre 27 euros par mètre cube. L'indemnisation est donc destinée à compenser ce manque à gagner.
L'amendement auquel vous faites allusion, monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, porte sur les crédits ouverts pour financer le stockage du bois. Certes, cela représente 600 millions d'euros, mais la perte subie sur le prix du mètre cube reste la même pour le sylviculteur. Les amendements concernent deux sujets très différents.
Monsieur le ministre, je l'ai expliqué, la tempête de 1999 était la première depuis l'après-guerre et a eu des conséquences inférieures de moitié à Klaus. Ne nous livrons pas à l'exercice ridicule qui consiste à savoir qui, de la droite ou de la gauche, a fait moins.
Je n'ai rien dit de tel !
Les dégâts aujourd'hui sont doubles et ce ne sont pas les socialistes qui ont réglé l'évolution de Klaus dans les Landes. En la matière, il n'y a pas de concours entre la gauche et la droite !
Je fais appel à la solidarité de l'Assemblée nationale et du Gouvernement et je demande une indemnisation pour les sylviculteurs d'Aquitaine afin de compenser le manque à gagner énorme qu'ils vont subir. Il s'agira ensuite de les aider pour payer le coût du nettoiement et de la replantation. Ce sera l'objet du prochain amendement.
Je serai très bref parce que M. Henri Emmanuelli a fait montre d'une grande pédagogie sur ce dossier.
Il faut traiter séparément la tempête de 1999 et celle de 2009. En 1999, il est tombé environ moitié moins de bois qu'en 2009. De plus, ceux-ci ont pu être stockés, arrosés et écoulés grâce à un marché espagnol florissant. L'Espagne connaissait alors un boom immobilier et le bois a été acheté à un prix raisonnable.
On a demandé aux sylviculteurs, propriétaires privés, qui possèdent 75 % environ de la forêt, de reboiser. Ils ont consenti cet effort. Dix ans après, cette catastrophe touche ce qu'ils ont reboisé et l'ancienne forêt qui n'était pas tombée.
Nous sommes maintenant face à une situation inextricable. On sait, en effet, que quarante ou cinquante ans sont nécessaires pour rentabiliser les sommes investies dans la forêt. Qui va le faire à l'heure actuelle ? C'est la quadrature du cercle ! Premièrement, comme cela ressort du rapport Bussereau, il n'est économiquement pas envisageable d'assurer ces biens. Deuxièmement, le code forestier et le code général des impôts rendent le reboisement obligatoire et posent le principe de l'interdiction de défricher. Ce reboisement est nécessaire tant du point de vue économique que climatologique, comme cela a été expliqué, pour assainir les Landes et la Haute-Lande, en particulier.
Ce reboisement est donc obligatoire. Les sylviculteurs, frappés à deux reprises, font appel à la solidarité nationale pour obtenir une aide de 300 millions, alors que le coût du reboisement est évalué à 1 milliard, ce qui représente moins du tiers. La solidarité peut s'exprimer dans le cadre de cette indemnisation. Nous devons prendre ce problème à bras-le-corps et en toute lucidité. Nous pouvons certes discuter, mais ne mélangeons pas les débats et traitons les problèmes les uns après les autres !
On ne peut pas changer ainsi le système. Cette indemnisation n'est pas prévue en tant que telle. Nous en avons déjà discuté.
Les mesures de solidarité prises par l'État portent sur un certain nombre de mesures très précises. Je continue à en discuter avec le ministère de l'agriculture. Cela nécessite toutefois une expertise bien plus approfondie. Nous examinons aujourd'hui le collectif budgétaire et nous ne disposons pas de 300 millions d'euros pour indemniser les sylviculteurs. Le plan mis en oeuvre après cette tempête est déjà très important. Il pourra être renforcé, si le besoin s'en fait sentir. Donc, que vous demandiez cette indemnisation est une chose, la logique suivie dans ce plan en est une autre.
Je vais essayer de faire comprendre la situation en partant de l'observation de M. Dufau. Vous avez dit, monsieur Dufau, que la commercialisation des bois tombés en 1999 avait été facilitée par une forte demande espagnole.
Le plan proposé ici tend à mettre l'accent, grâce à l'octroi de prêts bonifiés et garantis aux professions en aval, sur la possibilité d'acheter aux sylviculteurs les bois tombés à un prix raisonnable, même si le marché est difficile. Les sylviculteurs pourraient alors, comme en 1999, bénéficier de recettes. Par ailleurs, cela permettrait – cette fois encore plus en amont – les futures replantations grâce à des crédits budgétaires et, comme l'a très bien expliqué M. Emmanuelli, cela faciliterait l'évacuation des bois tombés, leur transport, leur stockage, grâce à la construction d'aires de stockage. Ce plan me semble assez logique. La commission a considéré qu'il n'y avait peut-être pas suffisamment de crédits au premier étage du plan, le plus immédiat, à savoir l'évacuation et le stockage des bois en attendant leur future commercialisation.
(L'amendement n° 89 n'est pas adopté.)
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 2 et 83.
La parole est à M. le rapporteur général.
Je laisse le soin à M. Emmanuelli de présenter ces amendements, madame la présidente.
Je ne reviendrai pas sur l'amendement précédent, puisque le sujet est le même. Je comprends bien, monsieur le ministre, que 300 millions d'euros, ce n'est pas rien. Je constate toutefois que, lorsqu'il s'agit de certaines catastrophes, on trouve des milliards d'euros sans problème. Mme Lagarde est venue, un soir, demander à la commission des finances 6 milliards d'euros pour secourir Dexia. Nous n'avons pas demandé de comptes et nous sommes abstenus parce que nous avons compris que la République rencontrait un problème. Comme c'est étrange ! Pour sauver un organisme financier, ce dont on reparlera d'ailleurs, les milliards ne représentent aucune difficulté, mais lorsqu'il s'agit de 20 000 sylviculteurs du plus grand massif forestier de l'Europe de l'Ouest et d'une filière industrielle qui compte 34 000 salariés, les 300 millions deviennent l'Everest !
J'en arrive à mon amendement. Il ne concerne pas l'indemnisation, mais le stockage, le nettoyage et le reboisement.
Vous aviez prévu 50 millions d'euros pour le stockage et le transport, monsieur le ministre. Je vous demande, car ce sera nécessaire, d'augmenter cette somme de 20 millions d'euros. Les professionnels du bois estiment en effet que, pour stocker ce bois, 120 ou 130 plateformes de stockage sont nécessaires. Il conviendra, ensuite, d'arroser ce bois. De plus, des primes de transport seront nécessaires pour l'amener et l'évacuer de nouveau.
Vous aviez, ensuite, prévu 15 millions d'euros pour le nettoyage et la replantation dans le cadre d'un plan sur huit ans, représentant un futur volume de crédits de 415 millions d'euros. Je vous demande de porter la première annuité de 15 millions d'euros à 23 millions pour un montant de 600 millions d'euros d'aide dans le cadre d'un plan sur dix ans. Nous passerions ainsi de 50 millions à 78 millions d'euros.
Il aurait été plus confortable de présenter un amendement pour le stockage, un pour le transport, un pour le nettoyage, mais, compte tenu de la mécanique budgétaire, je ne peux formuler cette demande autrement.
Je connais les annonces de la profession, qu'il s'agisse des sylviculteurs ou de la filière bois ; si vous restez sur vos positions, monsieur le ministre, le sujet va devenir chaud ! Je vous demande donc d'accepter cet amendement.
Je tiens à confirmer les propos de M. Emmanuelli. La commission des finances a adopté cet amendement dont le formatage est lié aux contraintes de la LOLF. On ne pouvait pas le présenter autrement. La commission a estimé, à l'unanimité, qu'il convenait de faire un effort budgétaire à ce titre.
Nous traitons ici des années 2009 et 2010. La question est de savoir combien de crédits seront consommés en 2009 pour les réadapter en 2010.
S'agissant du stockage et du transport du bois, il ne s'agit pas de 50 millions, mais de 60 millions, puisque 10 millions supplémentaires sont redéployés dans les crédits du ministère de l'agriculture.
Nous estimons que 60 millions de hausse sur 2009 suffisent, c'est en tout cas ce que me confirment les services du ministère de l'agriculture. Nous engagerons des crédits supplémentaires si nécessaire en 2010. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
Concernant le reboisement, 415 millions sont prévus sur huit ans. Il nous semble aussi, et c'est ce que pensent le ministère de l'agriculture et les services de l'État sur place, que les crédits prévus répondent à la demande et aux besoins de l'année 2009, monsieur le député.
Nous avons déposé un ensemble d'amendements en signe de solidarité après cette tempête exceptionnelle. Il me semblait qu'un consensus était en train de se dessiner sur cet amendement auquel la commission a donné un avis favorable. Si nous l'adoptions, nous adresserions un signe fort aux sylviculteurs et à la filière bois. L'Assemblée ferait donc preuve de sagesse en le votant.
Nous sommes au mois de mars. Je l'ai déjà précisé, s'il y a des besoins supplémentaires, nous rouvrirons des crédits en fin d'année. Nous aurons l'occasion de nous revoir. N'anticipons donc pas sur ces crédits. Nous considérons aujourd'hui qu'ils sont suffisants, compte tenu de l'examen de la situation par ceux qui la connaissent. Ce n'est pas mon cas et je ne peux en conséquence pas vous dire si leur montant doit être de 40, 50 ou 60 millions. Je vous dis simplement que ces crédits sont adaptés et le seront de nouveau, si besoin.
Je voudrais faire une proposition, parce que je voterai, en tout état de cause, cet amendement. Il convient d'ouvrir ces crédits en autorisations d'engagement puisqu'il est indispensable de donner de la visibilité aux différentes professions touchées par ce véritable désastre.
Si le rythme des paiements est celui que vous pensez, monsieur le ministre, nous dissocierons en crédits de paiement.
J'estime qu'il s'agit ici d'une dépense d'investissement. Ouvrons les crédits en autorisations d'engagement et vous abonderez en crédits de paiement en fonction des nécessités.
Je le répète, il s'est produit un véritable désastre. Il est absolument nécessaire que l'État, seul capable d'y faire face, mette en place les crédits nécessaires, permettant de régler le problème le plus urgent, à savoir l'évacuation, la création d'aires de stockage et l'arrosage, comme l'a précisé M. Emmanuelli.
Concernant l'indemnisation des sylviculteurs, nous espérons que, grâce à la commercialisation des bois, ils ne se retrouveront pas avec une recette nulle.
Il est vrai, monsieur Dufau, qu'il s'agit peut-être, sur ce point, d'un pari. La commission a été unanime pour reconnaître qu'il fallait parer au plus pressé : donner une visibilité en doublant les crédits budgétaires.
Je vous remercie, monsieur le rapporteur général.
J'ai lu dans la presse, monsieur le ministre, que vous vous étiez rendu à Mont-de-Marsan pour écouter. Vous savez parfaitement que je vous transmets ici le point de vue des sylviculteurs et des organisations professionnelles, au sein desquelles je n'ai, en général, pas une influence déterminante. Comprenons-nous bien, messieurs les parlementaires de la majorité : cela n'entre pas en ligne de compte parce que l'importance économique est là.
Monsieur le ministre, si la commission des finances a voté cet amendement à l'unanimité, peut-être pourriez-vous au moins vous en remettre à la sagesse de l'Assemblée !
Je demande une suspension de séance, madame la présidente.
Après l'article 5
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à dix-neuf heures quarante.)
La séance est reprise.
Monsieur le rapporteur général, vous venez de déposer un amendement n° 2 rectifié. Je vous donne la parole pour le défendre.
Cet amendement concerne, dans l'état B, le programme « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ». Je demande que soient majorées de 40 millions les autorisations d'engagement déjà prévues dans le programme « Forêt », sans ouvrir la somme équivalente au titre des crédits de paiement.
Ce n'est pas à la hauteur, monsieur Emmanuelli, de la somme de 78 millions qu'avait adoptée la commission des finances, mais c'est tout de même un effort très significatif, et je suppose, M. le ministre va nous le confirmer, que, si des crédits de paiement sont nécessaires, ils seront ouverts au fur et à mesure des besoins.
Il y a deux lignes, monsieur le rapporteur général. Nous avions prévu 70 millions pour le stockage et le transport, et 8 pour le boisage et le nettoyage. Prévoyez-vous une décomposition de ces 40 millions ?
C'est dans le même programme et cela reste indicatif, mais ils seront répartis entre les différentes actions dans la même proportion que celle que vous nous aviez proposée.
Moi, je préfère 78 millions. Nous allons voter et nous verrons bien quel amendement sera adopté.
Je prends acte de cette proposition et, pour montrer ma bonne volonté, je supprime la colonne d'annulation d'autorisations d'engagement sur le programme « Conduite et pilotage » pour permettre d'y loger les 40 millions en question.
Monsieur Emmanuelli, pour que les choses soient bien claires, si l'amendement n° 2 rectifié de la commission est adopté, l'amendement n° 83 tombera.
(L'amendement n° 2 rectifié est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 96.
La parole est à M. Henri Emmanuelli.
Nous venons de parler de la sylviculture ; il s'agit à présent de l'agriculture. Là aussi, une concertation a eu lieu entre la profession et le ministère de l'agriculture. Les chambres départementale et régionale d'agriculture nous disent que les sommes prévues sont insuffisantes. Nous demandons donc 4 millions d'euros supplémentaires pour faire face à deux catégories de dépenses : la reconstruction des élevages et les dépenses en personnel nécessitées par le nettoyage et la remise en forme des exploitations.
La commission n'a pas accepté cet amendement, car elle s'est concentrée sur celui qui vient d'être adopté.
(L'amendement n° 96, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 97.
La parole est à M. Henri Emmanuelli.
S'agissant, encore, de l'agriculture, nous proposons d'ajouter les mots : « Sont ouverts et annulés au ministre de l'agriculture et de la pêche, pour 2009, au titre du budget général, des autorisations d'engagement et des crédits de paiement, s'élevant au montant de 2 millions d'euros. » Il s'agit de payer les dégagements et la main d'oeuvre nécessaires, de façon à permettre aux exploitations d'agriculture et d'élevage d'être opérationnelles pour la saison qui s'annonce.
La commission n'a pas non plus adopté cet amendement. Si la tempête a surtout endommagé la sylviculture, il est vrai qu'elle a également eu des conséquences sur l'agriculture : des arbres sont tombés sur des élevages, des serres ont été arrachées par le vent… Il y a donc là aussi un besoin d'indemnisation. Toutefois, dans le cadre des crédits relativement importants du ministère de l'agriculture pour ce type de problèmes, il est procédé à des redéploiements pour un montant de 25 millions d'euros. Il ne semble donc pas nécessaire d'ajouter les 4 millions et 2 millions qui font respectivement l'objet du précédent et du présent amendements, ces redéploiements devant suffire.
Même avis.
J'ai reçu les présidents des chambres régionale et départementale d'agriculture. Lors d'une réunion au ministère de l'agriculture, ils ont expliqué au ministre qu'il leur manquait des crédits et qu'ils ne pourraient pas boucler leurs budgets avec ce qui leur était donné. Vous considérez quant à vous que c'est suffisant. Je transmettrai votre réponse aux organisations agricoles qui, à mon avis, ne comprendront pas. Mais je ne peux pas faire davantage.
Je m'associe aux regrets d'Henri Emmanuelli. Les élus dans les circonscriptions desquels sont implantées des activités agricoles ont tous constaté, au moins dans le Sud-Ouest, les dégâts considérables que cette tempête a causés. Nous avons parlé tout à l'heure de la sylviculture, mais c'est également vrai de la pruniculture ou encore des cultures hors-sol, en particulier des serres. Cette tempête n'a pas épargné grand monde.
Il faut reconnaître que les pouvoirs publics, en particulier le ministère de l'agriculture, ont débloqué des moyens pour tenter de faire face aux besoins, dans l'urgence, mais nous savons aussi, objectivement, que ces moyens sont à ce jour insuffisants. Henri Emmanuelli a indiqué la position de la chambre d'agriculture des Landes ; c'est exactement la même que celle de la chambre d'agriculture du Lot-et-Garonne, et je ne doute pas que ce soit aussi celle des chambres du Gers et des autres départements frappés.
Je ne vous cache donc pas que je suis extrêmement déçu de l'attitude du Gouvernement, dont certains membres s'étaient déplacés pour indiquer ce que serait la solidarité nationale. Cette solidarité ne s'exprime pas aujourd'hui comme elle le devrait.
Nous étions en droit d'attendre autre chose en Aquitaine, en particulier après la visite du Président de la République, qui, dans les heures après la survenue des plus gros dégâts, avait laissé espérer aux professionnels sinistrés que l'État saurait répondre à leurs demandes. Je constate que tel n'est pas le cas.
Je ne suis pas sûr, mon cher collègue, que la fièvre catarrhale ait quelque chose à voir avec la tempête, mais nous ne devons pas avoir les mêmes notions agricoles ou vétérinaires.
Le geste accompli par la majorité et le rapporteur général, avec la compréhension du Gouvernement, est à saluer. On ne peut pas le passer sous silence ni être en permanence déçu, parce qu'alors on ne s'en sort pas.
Chacun sait qu'avec 103,8 milliards d'euros de déficit,…
…on ne peut systématiquement ouvrir grandes les poches de l'État et engager des dépenses. Toute dépense n'a pas l'épaisseur d'un trait, même si 40 millions ne sont pas 100 milliards, nous en sommes d'accord.
La majorité sait que la tempête Klaus a causé des dommages considérables en Aquitaine, et c'est la raison pour laquelle elle a souhaité que le nécessaire soit fait pour venir en aide aux populations concernées. Cette autorisation d'engagement est loin d'être symbolique, puisque 100 millions d'euros pourront potentiellement être engagés.
S'il y a besoin d'argent supplémentaire, monsieur Emmanuelli, monsieur Cahuzac, vous avez vu le rythme des collectifs budgétaires…
Dès demain, on en reparle ! (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Soyons sérieux, s'il vous plaît. Nous avons de nombreux collectifs, et c'est une très bonne chose parce que cela permet d'être extrêmement réactif face à la crise économique que subissent tous les Français. Cela permet aussi de disposer des meilleures informations sur la situation financière de l'État, notamment ses recettes.
Si, d'ici à quelques mois, puisqu'il y aura très probablement un collectif budgétaire au moins de juin, comme d'habitude, des besoins d'engagements supplémentaires se font sentir du fait de la tempête Klaus, nous en rediscuterons dans ce cadre.
Mais on ne peut pas en permanence se plaindre de tout, surtout en présence d'avancées significatives. Nous pouvons au contraire saluer le geste important consenti pour soutenir les habitants.
C'est un geste fait par la majorité, qui souhaite marquer son engagement le plus total envers les victimes de cette tempête. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Chartier, je ne suis pas là pour me plaindre. Je défends des professionnels, des salariés, une activité économique et un massif pour des raisons environnementales. Nous ne sommes pas non plus venus pour obtenir des gestes, mais pour que s'exerce la solidarité nationale au nom de certaines catégories de personnes durement affectées.
Vous dites que vous ne pouvez pas augmenter les dépenses indéfiniment. Nous vous avons offert ce matin la possibilité de récolter 480 millions d'euros en suspendant le bouclier fiscal. Les malheureux 2 millions d'euros, d'un côté, et les 78 millions ramenés à 40 millions, de l'autre, n'auraient pas fait grand mal.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour une brève intervention avant la mise aux voix.
Je serai très bref, madame la présidente.
Il y a des moments où certains feraient mieux de s'abstenir, chers collègues de la majorité, quand on voit votre pingrerie quand il s'agit de solidarité, et votre générosité dès qu'il s'agit d'enrichir les plus riches ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Je ne reviendrai pas une fois de plus sur la Société générale ni sur le bouclier fiscal. Mais il y a de l'indécence, de l'immoralité dans les propos de notre collègue Chartier.
Personne n'a tendu sa sébile pour que Jérôme Chartier ou Éric Woerth y mette quelques piécettes afin de calmer la douleur des sylviculteurs et des agriculteurs de l'Aquitaine. Vous auriez pu au moins vous abstenir !
(L'amendement n° 97 n'est pas adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma