Ces trois amendements pourront paraître décalés, voire dérisoires, au regard du débat que nous avons eu ce matin sur le principe de justice fiscale.
Ils ont trait à la situation des bénéficiaires de déductions fiscales dont, in fine, ils ont été victimes. Je me permets donc de solliciter un moment d'attention de votre part, avant que vous ne tiriez une fois de plus sans sommation sur un sujet qui est pourtant d'actualité.
Dans tout le pays se multiplient les faillites de sociétés de gestion de résidences de tourisme, créées dans le cadre de la loi Demessine et ouvrant droit à des avantages fiscaux sur des opérations immobilières dans les zones de revitalisation rurale, ou ZRR.
Ces faillites sont dues à deux raisons principales. D'une part, les montages ne sont pas tous judicieusement élaborés ; d'autre part, la crise a ralenti le rythme des locations et rompu les équilibres de gestion. Ce sujet a donc sa place dans ce projet de loi de finances rectificative.
Il y a trois conséquences à cela. Tout d'abord, les résidences tombent en déshérence au détriment de leurs territoires, portant un préjudice direct à l'activité touristique, et donc économique. Ensuite, les propriétaires qui furent incités à acquérir des appartements par les déductions fiscales, à la condition de le mettre en location pendant neuf ans, ne perçoivent plus de loyers. Mais alors même que leurs biens ne sont plus loués, ils doivent continuer de rembourser les frais de TVA et restituer les sommes défalquées de leurs impôts. Enfin, la suspicion est jetée sur l'ensemble du dispositif ; dès lors, tout investissement de ce type sera compromis dans les régions de montagne et de campagne qui ne disposent d'aucun atout déterminant pour attirer les promoteurs. Pour achever de brosser ce tableau, je rappelle que ce n'est pas le promoteur qui dépose le bilan, mais la société gestionnaire – qui, bien entendu, est dépourvue de moyens pour respecter ses engagements.
Certains sont enclins à ne voir dans ces affaires que des déboires d'investisseurs, victimes de leur goût prononcé pour les effets d'aubaine ou les niches fiscales ; je ne suis pas de ceux-là. D'une part, j'estime que l'État ne peut jouer le rôle de Ponce Pilate : c'est par voie législative que ce dispositif d'incitation fiscale a été créé, en toute connaissance de cause, et ce tout au long de la chaîne des intervenants. D'autre part, l'État est le garant d'une certaine solidarité territoriale – aujourd'hui considérée quelque peu négligemment. L'État, toujours lui, a l'obligation de remettre de l'ordre dans le maquis des investissements, par exemple à l'occasion de la prochaine loi sur le tourisme. Il doit aussi être conciliant vis-à-vis des particuliers propriétaires contraints de restituer au trésor public les sommes qui ont été déduites de leurs impôts dès lors que le contrat était rompu, leur bien n'étant plus loué faute de clients.
Dans ces conditions, les trois amendements nos 75, 76 et 77 visent non pas à consentir des cadeaux en faveur des personnes flouées, mais à leur permettre de passer ce cap difficile et à éviter que les lieux concernés ne se transforment en friches touristiques. Une instruction fiscale a d'ores et déjà augmenté le délai imposé pour trouver un nouveau gestionnaire d'un mois à un an. Il convient aussi d'envisager des dispositifs d'assouplissement des reprises d'impôt qui, compte tenu de la situation actuelle du marché locatif de tourisme, pourraient aller bien au-delà de l'allongement prévu dans l'instruction fiscale n° 73 du 11 juillet 2008.
Ainsi, l'amendement n° 75 prévoit une reprise de réduction d'impôt minorée d'un dixième par année de location effective et étalée dans le temps, à raison d'un tiers par an pendant trois ans. L'amendement n° 76 prévoit un abattement de 10 % par an de location effective du logement, avec reprise sur une seule année. Enfin, l'amendement n° 77 propose une reprise intégrale, étalée sur trois ans.
Ni l'État ni l'Assemblée nationale ne perdraient leur âme en acceptant ce lissage de reprise d'impôt pour des contribuables qui, certes, ont pris leurs responsabilités en profitant d'un effet d'aubaine mais qui, ce faisant, ont adhéré à une initiative législative destinée à fortifier la fréquentation touristique en des lieux où l'on ne trouve ni la Tour Eiffel, ni le souvenir de Bernadette Soubirous, et encore moins le cap Nègre !
Comme il l'a fait en commission des finances, M. le rapporteur général m'opposera certainement que ces dispositions pourraient être reportées à l'examen de la loi sur le tourisme. J'accepte d'y inclure la mise en place d'un agrément pour les promoteurs et les gestionnaires fiabilisant davantage les opérations immobilières, mais je refuse de retarder les dispositifs de reprise d'impôt prévus dans mes trois amendements.
Je n'énumèrerai pas les stations où les associations de copropriétaires sont mobilisées, car ce ne serait une bonne publicité ni pour elles, ni pour les zones de revitalisation rurale. Cependant, je vous assure que nous aurions de belles arrivées d'étape du Tour de France si aucun signal n'est donné aujourd'hui : le fisc fera son travail, et cela provoquera bien des dégâts !