La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Je voudrais, monsieur le président, revenir un instant sur le déroulement de la séance de ce matin car nous n'avons pas eu l'occasion de répondre à M. Cornut-Gentille, qui a fait des commentaires à mon avis déplacés sur une prétendue obstruction de notre groupe sur ce texte.
Hier soir, déjà, le ministre du travail est arrivé avec dix minutes de retard. Ce matin, ce n'était plus dix minutes ou un quart d'heure saint-quentinois mais bien plus, et c'est donc lui qui a provoqué le retard de la séance, relayé par le président de séance, mais je n'ai pas de commentaires à faire sur sa décision. Il y a eu ensuite un certain nombre de provocations, M. Lefebvre ayant déjà tenu hier soir des propos inqualifiables vis-à-vis de membres de la représentation nationale.
Nous sommes prêts à travailler. Cela dit, on peut s'interroger sur la façon dont sont organisés nos débats. Ce texte est discuté en urgence, pendant une session extraordinaire, et, cette semaine, nous travaillons tous les jours, alors que, la semaine prochaine, en session ordinaire, il n'est prévu qu'une heure de débat.
Je sais bien que des journées parlementaires sont organisées par des groupes de la majorité, mais je trouve tout de même un peu curieux que l'on surcharge ainsi une session extraordinaire et que l'on nous fasse travailler dans des conditions difficiles alors que nous-mêmes avions avancé notre journée parlementaire pour tenir compte de la session extraordinaire.
Je tenais à faire ce rappel au règlement pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté ou d'incompréhension entre nous.
Sur deux points concernant le déroulement de nos travaux.
Monsieur le président, chacun a entendu en fin de séance ce matin l'intervention dilatoire qu'a dû faire M. Cornut-Gentille en raison de la défection des députés UMP. Nous étions majoritaires et nous aurions pu faire un bond dans l'ordre du jour puisque les amendements de suppression auraient été votés. Il a fallu toute la dextérité, la volonté d'obstruction de M. Cornut-Gentille pour nous empêcher d'avancer et, par la faute de l'UMP, nous nous retrouvons cet après midi en ayant examiné un seul amendement.
Par ailleurs, monsieur le ministre du travail, vous n'avez pas du tout fait écho à tous les arguments tendant à montrer que c'est un texte de duplicité dans la mesure où vous prétendez augmenter les revenus du travail, en bloquant les salaires, sans répondre au problème de la destruction des emplois, comme chez Renault, en raison de la protection dont bénéficie Carlos Ghosn de la part du Gouvernement.
Ce matin, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits sur l'article 1er.
Depuis quelques années, les modes de rémunération de nos concitoyens ont beaucoup évolué avec la fin de l'indexation des salaires sur les prix, et l'on voit un glissement évident vers le mérite et la promotion, notion qui nous semble quelque peu subjective. Ajoutez les ruptures, devenues légion dans les parcours professionnels de nos concitoyens. Tout cela génère évidemment de l'insécurité sociale et une peur du lendemain pour le pouvoir d'achat.
J'en veux pour preuve un article du journal Le Monde de ce matin qui titrait : « pouvoir d'achat, tous les Français sont inquiets ». (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Le projet de loi dans son ensemble et cet article en particulier ne font qu'enfoncer le clou. On voit bien le glissement de la notion de salaire comme élément structurant pour le pouvoir d'achat vers d'autres modes de rémunération beaucoup plus aléatoires.
Cet article est particulièrement inefficace, à plusieurs titres, parce qu'il incite les entreprises à se détourner des négociations salariales, de fait, parce qu'il prive l'État de recettes importantes. Or je pense qu'il en a besoin dans la mesure où les caisses sont vides. Elles l'étaient déjà l'an dernier, je ne sais pas si l'on peut faire plus vides que vides.
La dette cumulée de la caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, et du fonds de financement des prestations sociales des non salariés agricoles atteint aujourd'hui 100 milliards d'euros, selon la Cour des comptes.
Je vous rappelle tout de même que, de 1999 à 2001, l'ensemble de la protection sociale des salariés était en équilibre. Nous avions néanmoins introduit le dispositif de la CMU. Tous les bénéficiaires de la CMU et souvent du RMI qui profitent de ces avantages n'avaient même pas mis à mal la protection sociale de notre pays.
De nombreuses questions se posent à propos de cet article. Avec quels partenaires a été élaboré le projet de loi ? Selon un article du journal Les Échos d'aujourd'hui, les employeurs sont sceptiques.
Ce projet de loi est vide au regard de l'enjeu du pouvoir d'achat. Je rappelle que tous les Français sont inquiets. N'est-on pas en train d'accentuer les inégalités entre les salariés qui pourront bénéficier du dispositif et ceux qui ne pourront pas de fait en bénéficier ?
Ce dispositif est créé pour six ans avec une évaluation au 30 juin 2014, mais, quand les mesures prises depuis quelques années font l'objet d'une évaluation, les résultats ne sont pas forcément optimistes. Ce pessimisme, on l'entend à la fois chez M. Philippe Séguin, président de la Cour des comptes, et M. Didier Migaud, président de la commission des finances, des personnes dont on ne peut remettre en cause ni l'objectivité ni la légitimité.
Ni la compétence.
Qu'allez-vous répondre, monsieur le ministre, au million et demi de travailleurs pauvres ? Comment vont-ils, eux, augmenter leur pouvoir d'achat ?
Avec le RSA, merci de le préciser.
Vous allez donc installer structurellement les travailleurs pauvres dans la pauvreté, je vous remercie !
Vous êtes contre le RSA ?
Que répondre à l'ensemble des salariés qui travaillent dans le cadre de l'intérim et des CDD ? La prime d'intéressement viendrait augmenter le pouvoir d'achat. Expliquez-moi, monsieur Bertrand, vous qui connaissez si bien le milieu du travail, comment pourra faire un salarié licencié si, dans la nouvelle entreprise, cette prime d'intéressement n'existe pas ?
Au vu de toutes ces questions, auxquelles vous ne pourrez évidemment pas répondre, je dis que cet article 1er n'atteint pas les objectifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre, notre pays traverse une grave crise de confiance, qui se traduit dans tous les indicateurs. Ainsi, selon l'INSEE, la confiance des Français dans la situation économique n'a jamais été aussi basse depuis vingt-cinq ans.
Nous savons tous que cette crise de confiance repose sur une réalité, c'est que le pouvoir d'achat de nos concitoyens a baissé au cours de la dernière année. Le pouvoir d'achat des salaires a baissé de 0,4 point, celui des retraités a baissé puisque les retraites n'ont pas été revalorisées du montant de l'inflation.
Ce que vous nous proposez, c'est une fois de plus un expédient. Vous êtes en quelque sorte le ministre des expédients.
Vous avez commencé il y a un an à expliquer que, pour augmenter le pouvoir d'achat, il fallait monter cette usine à gaz sur les heures supplémentaires. Résultat, on le sait très bien aujourd'hui, un certain nombre de salariés ont pu faire des heures supplémentaires et ont été rémunérés, mais, en contrepartie, les entreprises, au lieu d'embaucher, ont fait faire des heures supplémentaires et, pour la première fois depuis longtemps, l'emploi a chuté dans notre pays au deuxième trimestre de cette année. Au total, la masse salariale n'a pas augmenté. Au total, le pouvoir d'achat des familles a baissé.
Aujourd'hui, vous nous proposez encore un expédient. Au lieu d'augmenter les salaires, vous proposez un crédit d'impôt au profit des entreprises concluant un accord d'intéressement, rendant possible, pour les salariés qui auront la chance d'être dans ces entreprises, le versement d'une prime d'intéressement.
Quelle sera la contrepartie ? Il se produira, de même que pour les heures supplémentaires, un effet de substitution : certains salariés bénéficieront de dispositifs d'intéressement au détriment d'une augmentation globale des salaires. Si le Gouvernement souhaitait réellement soutenir le pouvoir d'achat des Français, il aurait commencé par augmenter le SMIC, parce que ce sont les salariés au SMIC qui souffrent les premiers de l'inflation. Il aurait, comme nous le demandons dans tous les débats, augmenté la prime pour l'emploi, perçue par neuf millions de salariés. Il aurait, enfin, fait en sorte que la négociation sociale soit saisie du sujet ; un de nos amendements consiste précisément à ce que la commission de la négociation collective s'en saisisse.
Vous avez fait voter quatre lois sur le pouvoir d'achat, dont aucune ne traite du fond du problème. Il faut arrêter de conduire une politique économique d'expédients, qui n'a aucun effet et, faute d'être crédible, nuit même profondément à la confiance, facteur fondamental du développement économique. Avec une politique aléatoire, faite de « mesurettes » dépourvues de cohérence, vous ruinez la confiance de ce pays, sans répondre à la vraie question, qui est le pouvoir d'achat de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
L'apologie du travail, c'est très bien pour ceux qui ont du travail ! Mais il y a aussi tous ceux qui n'en ont pas, ou pas assez, ou qui ne peuvent en avoir, soit que l'économie – cette grande absente de la politique du Gouvernement – soit défaillante, soit que leur situation physique, psychique ou sociale ne leur permette pas de réintégrer le monde du travail. Nous aurons l'occasion d'en discuter au sujet du RSA ; je n'insiste donc pas davantage.
Nous avons bien de la peine à comprendre la politique économique et sociale du Gouvernement, qui se conduit de la manière la plus paradoxale. Un jour, on nous explique que l'intéressement est quelque chose de fondamental, et le mois suivant, il faudrait siphonner cette épargne accumulée dans l'entreprise pour distribuer du pouvoir d'achat. Soit dit en passant, il s'agit simplement, ainsi, d'injecter de l'épargne dans la consommation ; ce n'est pas un gain de pouvoir d'achat, mais un transfert de l'épargne vers la consommation.
J'imagine que, le mois prochain, on nous fera de nouveau l'apologie de l'association du capital et du travail, qui permettra de transformer économiquement, socialement et culturellement la situation des salariés dans l'entreprise...
Ceci est la première contradiction – et elle est permanente – de la politique gouvernementale. La deuxième, c'est que vous prétendez maintenir un modèle social, en affirmant que les comptes sociaux seront à l'équilibre en 2011, comme nous l'avons entendu dire par le Président de la République, qui a présenté la chose comme une évidence, alors qu'elle ne sera jamais réalisée puisque, dans le même temps, vous développez notamment des modes de rémunération indirecte du travail qui privent de ressources la protection sociale.
Nous sommes donc parfaitement désorientés…
…par la faculté de ce gouvernement de changer systématiquement d'angle de vue, en particulier sur le rôle de l'intéressement, qu'il faudrait, tel jour, siphonner de temps en temps dans l'intérêt du pouvoir d'achat et, tel autre jour, accroître au contraire dans l'intérêt du pouvoir des salariés dans l'entreprise, ou encore sur la protection sociale, qui devrait être mise à contribution pour donner du pouvoir d'achat immédiat, alors que l'on essaie en même temps de protéger nos finances sociales ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La teneur de cet article 1er ne nous prédispose pas à le voter. Alors que nous vivons une période de crise profonde, vous proposez un dispositif qui non seulement ne donne pas satisfaction aux employeurs, qui ont manifesté leur scepticisme, mais ne peut en outre nullement résoudre les difficultés de pouvoir d'achat des Français.
Ce qu'il y a d'extrêmement problématique dans votre texte, c'est qu'il aboutit à monter les différentes catégories de Français les unes contre les autres. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Un de nos collègues indiquait que ni les retraités, ni les chômeurs n'étaient, par définition, concernés par ce texte. On reste dans la logique de la politique que vous menez depuis plus d'un an. Les heures supplémentaires, par exemple, ont été distribuées aux salariés en entreprise ; non seulement ce dispositif n'a pas permis de recruter de nouveaux salariés, mais, plus grave encore, il a eu pour résultat que les entreprises d'intérim, qui ne sont certes pas la panacée mais offrent un premier emploi à de nombreux jeunes, ont vu le contingent d'heures qu'elles pouvaient affecter à de tels emplois s'effondrer. Les heures supplémentaires profitent à des salariés qui sont déjà en entreprise, tandis que les jeunes et les moins jeunes en recherche d'emploi sont laissés de côté.
C'est exactement la même chose avec l'intéressement, entre, d'un côté, les salariés en entreprises qui pourront faire ce choix – 8 millions de personnes – et tous ceux qui, de l'autre côté, ne pourront accéder à ces dispositifs.
Si l'on veut valoriser le travail – ce qui semble être votre slogan ; dont acte –, il faut en revaloriser le coût, car le travail n'est reconnu que si les salaires sont correctement payés. On ne peut à la fois dire qu'il faut que les gens travaillent et trouver en même temps normal que la rémunération du travail ne cesse de baisser.
Nous aurons l'occasion de reprendre cette discussion à l'article concernant la rémunération du SMIC, qui ouvre la porte à tous les dangers. Les Français travaillent beaucoup, leur productivité est l'une des plus élevées des pays développés. Il serait normal que les salaires permettent de rémunérer correctement cette productivité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
L'article 1er propose un crédit d'impôt en faveur de l'intéressement. Comme cela a été dit, ce crédit d'impôt profitera au plus à huit millions de salariés, quasiment tous cadres. Cela prouve que le Gouvernement a au moins pris conscience du fait que les cadres souffrent eux aussi d'une baisse du pouvoir d'achat.
Dans notre pays – et c'est très inquiétant –, il n'y aura bientôt plus de classe moyenne. J'en veux pour preuve les jeunes diplômés, qui, même à bac plus cinq ou plus six, ont beaucoup de difficultés à trouver du travail, débutent dans le meilleur des cas avec un salaire de 1 300 euros, souvent après deux ans de recherche d'emploi. Je vous assure, monsieur le ministre, que la première chose qu'ils font n'est pas de négocier leur intéressement ! Ceux-là également seront exclus de ce que vous proposez.
Quid des autres ? Vous me répondrez certainement qu'ils n'ont qu'à travailler plus pour gagner plus, et faire des heures supplémentaires. Or, je ne connais pas une entreprise où les heures supplémentaires soient conçues en fonction des besoins des salariés en termes de pouvoir d'achat.
Je ne connais pas une entreprise dans laquelle l'employé dise à son patron qu'il a besoin d'une nouvelle voiture, d'une machine à laver ou tout simplement de nourrir ses enfants et lui demande des heures supplémentaires. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.) J'ai été vendeuse pendant six ans, et je sais de quoi je parle. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Ce texte prend le problème dans le mauvais sens. Comme l'ont dit plusieurs de mes collègues, il aurait mieux valu commencer par augmenter le SMIC et donner à nos concitoyens les moyens de vivre et non simplement de survivre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous avons déjà évoqué certains des éléments qui nous conduisent à demander la suppression de cet article. Je note, monsieur le ministre, que vous n'avez toujours pas répondu aux questions qui vous ont été posées.
L'article 1er prévoit le versement d'une prime d'intéressement de 1 500 euros, laquelle fait en réalité suite à une prime de 1 000 euros, prévue par la loi de décembre 2007, et à une autre encore, d'un montant comparable, créée par le précédent gouvernement. Or, ces dispositifs n'ont toujours pas été évalués. Je vous repose donc la question : combien de primes ont été versées au titre de la loi de décembre 2007 ? Combien de salariés en ont bénéficié ? Quel a été le montant moyen perçu ? Avez-vous des services capables de répondre ? Nous avons également posé la question de l'évaluation.
Je vous rappelle en outre que cette prime est exonérée de charges sociales – sans l'être, cependant, de l'impôt sur le revenu, dans le cadre de la loi de 2007 –, et qu'il n'est pas prévu que l'État compense le manque à gagner pour les régimes sociaux.
D'expédient en expédient, comme le disait notre collègue Pierre-Alain Muet, vous reconduisez chaque année un dispositif exceptionnel accréditant l'idée que ces mesures sont destinées à compenser l'absence d'augmentation des salaires, qui devrait pourtant être le fil conducteur d'une politique en faveur du pouvoir d'achat.
Enfin, pouvez-vous sérieusement, à quelques semaines de la présentation des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, envisager une mesure dont l'impact sur les recettes de la sécurité sociale devrait, selon une étude réalisée par un cabinet d'audit extérieur et évoquée en annexe, s'élever à un milliard d'euros ?
C'est en parfaite contradiction avec les propos tenus, entre autres, par le président de notre commission des affaires sociales, selon qui ces niches fiscales et sociales méritent pour le moins d'être toilettées.
Pour toutes ces raisons, et pour d'autres encore que mes collègues vont évoquer, nous vous demandons de supprimer l'article 1er, qui ne répond en aucun cas à une préoccupation durable du maintien du pouvoir d'achat. Or c'est ce que les Français attendent, et non pas une prétendue dynamisation – vous avez abandonné le mot « modernisation » – des revenus du travail.
Je veux répondre maintenant, monsieur le président !
Monsieur Mallot, vous avez demandé la parole. Mais je crois que tout a été dit sur ces amendements identiques.
Monsieur le président, il me revient de vous montrer que tout n'a pas été dit.
En écho à ce que nous disions hier soir, au cours de la discussion générale – à laquelle un grand nombre de nos collègues de l'UMP n'ont pas daigné participer – je vais démontrer pourquoi il faut supprimer l'article 1er. Tel est l'objet de l'amendement n° 316 que je présente.
En effet, cet article est le premier d'un ensemble, court en nombre mais grave en importance, qui conduirait à ce que les salaires ne soient plus la contrepartie essentielle du travail, mais deviennent la portion congrue de la rémunération des salariés.
Hier, plusieurs d'entre nous ont évoqué un moment important de notre histoire : la Résistance, la fin de la guerre, notamment le Conseil national de la Résistance. Celui-ci a permis la reconstruction du pays sur des bases que les gaullistes qui siègent encore parmi vous – s'il en reste – (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…
…évoquent comme nous avec émotion.
Monsieur Ollier, puisque vous vous réclamez de cet héritage, je vais vous ramener au texte fondateur lui-même. Je ne vais pas avoir la cruauté de trop développer devant le ministre le point du programme du Conseil national de la Résistance : la mise en place d'un plan complet de sécurité social visant à assurer à tous les citoyens des moyens d'existence dans tous les cas où ils auraient été incapables de se les procurer par le travail.
Mais je voudrais en souligner un des points, et qui est totalement dans le débat d'aujourd'hui. Sur le plan social, le programme du CNR prescrivait de travailler à « un rajustement important des salaires et à la garantie d'un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d'une vie pleinement humaine ».
Un autre point de ce programme fait aussi écho à ce que nous avons évoqué ce matin, et nous permettra de clarifier des notions que vous avez essayé de mélanger, monsieur Ollier, mais aussi vous, monsieur Bertrand. Ce matin, quand vous nous a parlé des dividendes de la co-gestion, vous avez soigneusement évité de poser la question du pouvoir dans l'entreprise, à savoir : qui décide dans l'entreprise. Alain Vidalies vous a d'ailleurs remis au carré sur ce point. Reprenez le texte fondateur. Il préconise, pour promouvoir les réformes indispensables, d'instaurer « le droit d'accès, dans le cadre de l'entreprise, aux fonctions de direction et d'administration pour les ouvriers possédant les qualifications nécessaires, ainsi que la participation des travailleurs à la direction de l'économie ». En effet, quand on combine l'accent mis sur le salaire comme élément fondamental de la rémunération du travail avec la question, traitée dans ce programme, du pouvoir des salariés dans l'entreprise pour la piloter, on peut alors avancer dans une voie que vous évitez bien d'emprunter, mais qu'il nous intéresserait de développer.
L'article 1er non seulement ne répond pas aux attentes immédiates des salariés en matière de pouvoir d'achat, mais nous emmène sur une mauvaise voie. Voilà pourquoi nous souhaitons que vous ayez la sagesse de le supprimer, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Alain Vidalies, puis, l'Assemblée étant suffisamment éclairée, je demanderai l'avis de la commission et du Gouvernement sur ces amendements identiques.
J'ai déjà répondu avant.
Monsieur le président, nous entendons pouvoir défendre tous les amendements dont nous sommes signataires, l'un après l'autre. Cela n'exclut pas, bien entendu, que le Gouvernement puisse intervenir à tout moment. Pour ma part, je défends l'amendement n° 307 .
Le problème de fond, c'est que le projet de loi mentionne la « dynamisation des revenus du travail ». Or il y a une véritable tromperie sur la qualité de la marchandise parce que chacun, lisant ce titre, pense que cela concerne sinon l'ensemble des personnes vivant de leur travail, au moins l'ensemble des salariés. Comme à chaque fois, voilà un texte qui ne vise qu'une partie de la population :…
…ceux qui bénéficient de l'intéressement ou de la participation. Et de quelle entreprise s'agit-il ? C'est tout de même un problème majeur : vous venez devant nous en disant que l'on fait un texte sur la redynamisation des revenus du travail, alors que nous lisons, dans les rapports des commissions, qu'en réalité, 91 % des bénéficiaires de ces formes de rémunération se trouvent dans les entreprises de plus de cinquante salariés. Qu'en est-il des autres salariés ? N'y a-t-il pas de message pour eux ? Il valait mieux choisir le titre suivant : « Dynamisation des revenus du travail de certains salariés ».
En outre, vous choisissez, monsieur le ministre, d'encourager le développement de l'intéressement et de la participation.
S'agissant de l'intéressement, objet de l'article 1er, les rapporteurs écrivent tous qu'il y a deux difficultés.
La première, c'est que les chiffres montrent que, avec vos lois successives – car à chaque fois, c'est la seule réponse que vous trouvez devant les attentes des salariés ! –, vous dites aux gens : « L'argent dont vous bénéficiez déjà, au titre de la participation ou de l'intéressement, on vous permet d'en accélérer le paiement » ; mais avec un tel système, ce type de revenu augmente plus vite que la masse salariale. Les rapporteurs ont mis en évidence que, pour la seule année 2007 – mais c'est aussi vrai sur de plus longues périodes –, les revenus au titre de l'épargne salariale ont augmenté de 5,6 %, tandis que le total de la masse salariale ne s'est accru que de 4,4 %. Votre texte ne vise donc qu'une partie des salariés, et, en plus, les primes augmentent davantage que les autres revenus salariaux. Le résultat est clair : ceux qui ne bénéficient pas des revenus de l'épargne salariale sont aujourd'hui les plus en difficulté parce que vous les ignorez totalement.
Seconde difficulté, cerise sur le gâteau, au moment où nous examinons ce texte, qui dispose à l'article 1er que les entreprises auront un abattement fiscal si elles font un effort sur l'intéressement ou si elles en créent un, le même Gouvernement a mis dans le circuit un texte qui prévoit d'élargir l'assiette du financement de la sécurité sociale et d'imposer ces sommes aux cotisations sociales. Je n'invente rien ! La presse s'en est fait l'écho. Même la CGPME a réagi en se demandant ce qu'est cette politique de gribouille, cette politique contradictoire. Mais il faudrait ne rien dire et continuer comme si de rien était. Ça n'a aucun sens ! Si vous voulez dynamiser les revenus du travail, adressez vous donc à tous les salariés, pas seulement à quelques-uns, en plus, pas uniquement à ceux qui sont dans les grandes entreprises. Lorsque vous dynamisez l'intéressement ou la participation, prenez au moins la précaution que les autres salaires augmentent au même rythme pour qu'il n'y ait pas d'effet de substitution.
Je termine par une citation tout à fait importante du rapport de M. Giscard d'Estaing.
Si c'est moi qui le disais, on ne me croirait pas ! Voici ce qu'écrit M. Giscard d'Estaing dans son rapport, page 25 : « […] ces dispositifs participent tous de la rémunération globale du travail et la comparaison de la dynamique de ces dispositifs avec la croissance de la masse salariale suggère que la substituabilité entre les deux n'est pas nulle. » C'est un rapporteur membre de l'UMP qui constate que ce qui a été fait depuis quelques années a consisté à transférer une partie de l'augmentation des salaires vers ce type de rémunération. Le résultat est nul puisque vous donnez d'une main ce que vous reprenez de l'autre.
Cette politique n'a strictement aucun sens. C'est pourquoi il faut supprimer cet article. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
J'ai une crainte : que la multiplication des interventions redondantes ne fasse perdre le fil à cet hémicycle, au détriment des questions posées par M. Eckert, qui me semble le porte-parole du groupe socialiste sur ce texte.
À questions claires, réponses claires : les primes exceptionnelles de bonus en 2006 ont représenté 640 millions d'euros versés par 28 000 entreprises, qui employaient un million de salariés ; le montant moyen de ces primes se montait à 640 euros ; cela a représenté 300 millions d'euros si l'on compte les exonérations de charges sociales.
S'agissant de la prime qu'il est possible de verser depuis le texte que vous avez voté au printemps, un sondage effectué par l'ACOSS, en mai-juin 2008, a montré qu'une entreprise sur dix avait déjà signé un accord portant sur cette prime exceptionnelle parce que c'est un dispositif qui vient en complément des autres dispositions déjà adoptées par la majorité.
Pour que les choses soient claires, je rappelle aux députés de l'opposition qu'ils défendent des amendements de suppression de l'article. (« Oui ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Mais méditez bien les chiffres suivants : 4 300 000 salariés en France touchent de l'intéressement, pour un montant total de 6,5 milliards d'euros. Pour cette majorité et pour ce gouvernement, les choses sont claires : nous voulons qu'ils perçoivent plus de 6,5 milliards d'euros par an, et que plus de salariés qui bénéficient de l'intéressement. Vous, vous ne le voulez pas. Au moins, c'est clair. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur Bertrand, vous dites que nous avons perdu le fil de ce texte, mais je lis le titre du projet tel qu'il nous a été présenté : « Projet de loi en faveur des revenus du travail ». Or je vois le titre des fascicules des commissions qui nous ont été présentés : « Dynamisation des revenus du travail ». Vous voyez que l'on ne sait plus sur quel texte nous devons voter. C'est peut-être une extension du droit d'amendement du Parlement qui nous permet de discuter d'un texte avant même que son titre ne soit connu ! Probablement un amendement rédactionnel qui nous aura échappé !
Je veux revenir sur certains points.
Vous venez d'indiquer, monsieur le ministre, que 4 300 000 salariés avaient pu toucher 6,5 milliards de primes, mais je vous rappelle qu'il existe environ 16 millions de salariés. Nous sommes donc en droit de vous demander ce qui va se passer pour les 12 millions de salariés qui ne seront pas concernés par ce dispositif.
Bref, vous allez créer une nouvelle niche fiscale et dépenser des fonds publics en faveur de ceux qui ont de l'argent, alors même que vous avez mille misères à boucler votre budget 2009. Monsieur le ministre, pour ce simple motif, la sagesse serait de ne pas créer une nouvelle niche fiscale qui va coûter près d'un milliard d'euros à l'État.
Deuxièmement, je l'ai dit ce matin et je tiens à le répéter : les Français n'ont pas besoin de belles paroles sur la revalorisation de la notion de travail, mais d'actes concrets pour que le travail ait de la valeur. C'est la valeur du travail qui importe, et elle se mesure d'abord en salaire. Si vous souhaitez vraiment répondre à la question posée sur les revenus salariaux – et notamment les plus modestes –, alors il faut supprimer cet article 1er.
Au lieu de bavasser pour savoir si le SMIC va augmenter le 1er juillet ou le 1er janvier, il vaudrait mieux l'augmenter réellement. Voilà la vraie réponse à la question posée. C'est pourquoi nous rejetons cet article 1er qui ne va pas au fond des choses, qui ne règle le problème que pour quelques salariés privilégiés. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous appelle à voter la suppression de cet article 1er.
Je crois qu'il n'est jamais inutile de répéter puisque la répétition a des vertus pédagogiques quand les arguments ne sont pas entendus. Monsieur le ministre, l'ensemble des bricolages que vous avez élaborés avec vos collègues du Gouvernement, au cours de la précédente mandature et de celle-ci, n'ont rien apporté de neuf ni de positif en ce qui concerne le pouvoir d'achat des salariés.
Ma collègue Françoise Olivier-Coupeau soulignait un peu plus tôt que les heures supplémentaires sont toujours utilisées à la discrétion de l'employeur et non en fonction des besoins du salarié – c'est d'une logique imparable, d'une évidence incontestable. Ces faits démontrent que la rémunération versée en contrepartie d'un travail rendu doit être le salaire. Plus vous l'amoindrissez, plus vous avez recours à des bricolages, des bidouillages, à cette politique de gribouille décrite par mon collègue socialiste tout à l'heure. Cela n'apportera strictement rien.
Je vous donne simplement une information : dans quelques jours, après son adoption par la majorité UMP, votre texte disparaîtra dans les limbes, son effet sera complètement nul et le pouvoir d'achat restera en baisse. Rappelons que, selon les services de la DARES, le pouvoir d'achat des salariés français a diminué de 0,4 % – il s'agit d'un fait incontestable et non pas de chiffres partisans.
Alors, la création d'une nouvelle niche fiscale – la 487e, chers collègues ! – pour stimuler l'intéressement est complète contradiction avec les grandes déclarations de principe sur la nécessité d'encadrer rigoureusement les dépenses fiscales. Les fameuses niches vont atteindre 73 milliards d'euros en 2008, et le Gouvernement passe par pertes et profits le rapport de six membres de la commission des finances, des députés de toutes sensibilités, déposé le 5 juin dernier.
Cette nouvelle dépense fiscale a vocation à avoir un grand nombre de bénéficiaires, car, comme l'écrit Louis Giscard d'Estaing dans son rapport souvent cité au cours de nos débats – probablement parce qu'il est bon – :…
… « Le champ retenu pour cette mesure fiscale est très large. » Il précise : « L'impact d'un tel dispositif sur les finances publiques n'est pas négligeable. » L'euphémisme est délicieux puisque le même auteur indique : « Sur la base d'un doublement des sommes versées au titre de l'intéressement en quatre ans, le Gouvernement estime à un milliard d'euros par année, le coût, en régime de croisière, de cette mesure incitative. »
Cela va en faire l'une des plus grosses niches fiscales s'appliquant à l'impôt sur les sociétés, mais il est vrai que les sociétés sont, avec les contribuables les plus riches, les destinataires habituels de vos largesses fiscales. Pour couronner le tout, le rapporteur indique : « Pour évaluer ce coût, le ministre des relations du travail a indiqué que ses services avaient eu recours à un cabinet spécialisé qui s'est lui-même appuyé sur un panel d'entreprises. » Bref rappel : j'ai appris hier, à la lecture de la presse, que le Gouvernement a l'habitude de recourir à des cabinets ou des banques spécialisés quand il y a des affaires à réaliser. Quand il s'est agi de préparer la privatisation de Gaz de France, le Gouvernement a fait appel à une banque que chacun connaît désormais : Lheman Brothers, la quatrième banque des États-Unis, qui a disparu du circuit, liquidée lors des mouvements financiers internationaux récents. Le Gouvernement devrait regarder de plus près ces cabinets spécialisés : de vrais petits génies !
Tout en maniant encore l'euphémisme, le rapporteur conclut : « En l'absence d'étude d'impact préalable au dépôt de ce projet de loi, il est difficile à votre rapporteur pour avis d'apprécier la pertinence de ces estimations, mais cette méthode par sondage ne lui apparaît pas entièrement suffisante. » C'est le moins que l'on puisse dire ! Cela est proprement inacceptable au moment où le refrain présidentiel et gouvernemental porte sur la revalorisation du rôle du Parlement.
Pour ces motifs et pour ceux développés dans l'intervention de mon ami Jean-Pierre Brard tout à l'heure, nous vous proposons d'adopter cet amendement de suppression.
C'est un débat assez surréaliste que nous sommes en train de vivre. (Vives exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous sommes sur un texte concernant le droit du travail et nous constatons le silence prégnant de la majorité sur le sujet.
Les élus de la majorité n'ont rien à dire sur le sujet (« Vous faites de l'obstruction ! » sur les bancs du groupe UMP), et se contentent d'écouter les élus de l'opposition leur expliquer qu'ils sont en train de s'enfoncer petit à petit, régulièrement, et ce depuis des années.
Nous sommes nombreux à être élus locaux ; quelques-uns d'entre nous sont premiers magistrats. Il y a quelques années, je me souviens que certains salariés de ma commune laissaient entendre qu'ils auraient volontiers fait des heures supplémentaires et qu'il était injuste que certains en fassent et d'autres pas. Après quelques vérifications, j'avais effectivement constaté que les mêmes salariés bénéficiaient toujours des heures supplémentaires pendant que d'autres, semblait-il, ne pouvaient pas en bénéficier.
J'ai donc pris des dispositions, en maire désireux de rétablir un peu d'équité, pour que tout le monde puisse effectuer des heures supplémentaires. Quelle ne fut pas ma surprise ! Malgré ces directives nouvelles, les mêmes salariés ont continué à faire des heures supplémentaires et aucun autre n'en a fait. J'en ai donc tiré la conclusion qu'en définitive le système n'était pas si mauvais que ça et qu'il ne fallait pas forcément le rendre plus incitatif.
Il y a un an environ, j'ai refait le point. Malheureusement – et ce fut pour moi une surprise –, j'ai constaté que les salariés devaient faire des heures supplémentaires parce que ne disposant plus de ressources suffisantes pour vivre dans une société où l'inflation a redémarré, où le pouvoir d'achat est en chute libre, où le coût de l'énergie et des transports mais aussi celui des produits de premières nécessité ne cesse de s'accroître. J'ai constaté que certains en arrivaient non pas à vouloir faire des heures supplémentaires, mais à devoir en faire pour survivre tout simplement : payer leur loyer, leurs dettes, et rester dignes dans leur fonction de salarié.
En réalité, vous nous proposez la même chose que depuis des années – nous sommes quelques-uns à siéger sur ces bancs depuis assez longtemps. Chaque année à peu près, nous avons un rendez-vous au sein de cet hémicycle pour, petit à petit, démanteler le droit du travail, rajouter des systèmes d'incitation au travail, accroître le nombre d'heures supplémentaires possibles, essayer de développer des formules d'intéressement, de participation. En revanche, à aucun moment nous n'avons débattu du niveau des salaires au sein de cette assemblée.
Ce n'est pas le lieu ! Ce débat est vraiment surréaliste !
C'est précisément cette philosophie qui nous conduit – et aussi nombreux – à nous opposer avec autant de force et de virulence à ce texte. Si nous sommes nombreux, c'est parce que nous avons conscience que ces mesures, qui ne concernent que quatre millions de personnes, ne sont pas de natures à résoudre les difficultés de pouvoir d'achat des plus défavorisés, voire des classes moyennes, mais sont uniquement destinées à aider ceux qui bénéficient déjà des salaires les plus importants. L'objectif de l'opposition…
… n'est pas de défendre ceux qui, déjà, s'en sortent plutôt bien.
Nous aurions pu commencer par le RSA, car, si vous nous proposez ce texte en urgence, c'est parce que vous avez constaté que, parallèlement à ces quatre millions de personnes qui bénéficient de l'intéressement, il y a quatre autres millions de personnes qui s'enfoncent dans la précarité et la pauvreté. À ceux-là, on ne propose que de continuer à bénéficier des minima sociaux – ce qui n'est pas satisfaisant pour la dignité et la vie quotidienne – en leur annonçant qu'en outre ils devront travailler pour gagner un peu plus, sans leur promettre de trouver un emploi définitif.
C'est là la marque de fabrique de votre Gouvernement. En réalité, année après année, vous construisez une usine à gaz où les plus défavorisés, et maintenant même une partie des classes moyennes désormais, sont obligés de bénéficier des minima sociaux bientôt regroupés en un seul – sans que l'on sache ce qu'il adviendra des jeunes, des seniors et de ceux qui seront exclus de ces dispositifs. En tout état de cause, nous constatons que le pouvoir d'achat ne cesse de diminuer, que vous n'avez à proposer que des solutions de bouts de chandelle, que vous suggérez aux uns et aux autres, aux collectivités en particulier, de faire l'apport : tous ces gens en difficulté vont se retrouver dans les centres communaux d'action sociale, vous le savez très bien. Jusqu'à présent, nous avions une solution à leur proposer : un emploi aidé qui pouvait assurer la jonction entre une période d'inactivité et un emploi définitif. Même ces emplois aidés, vous les avez supprimés…
Nous sommes nombreux à faire ce constat. Vous le regrettez peut-être, mais nous ne sommes que l'expression de la société, qui vit de plus en plus mal cet écart entre les ressources, en diminution, et les prix, qui ne cessent d'augmenter.
Les amendements de suppression ont été défendus. Quel est l'avis de la commission ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
En fait, ces amendements vont à l'encontre de l'objectif poursuivi par le projet de loi : encourager les revenus du travail, et tout particulièrement l'intéressement, dans les plus petites entreprises, qui, souvent sont dépourvues de ce mécanisme. Moins de 10 % des salariés des entreprises de moins de cinquante salariés bénéficient actuellement d'un dispositif d'intéressement,…
…alors que ce taux atteint 70 % dans les entreprises de plus de 1 000 salariés, et avoisine 60 % dans celles de 500 à 1 000 salariés. En fait, 43,7 % des salariés français – soit huit millions de salariés – ne perçoivent ni intéressement ni participation. M. Muzeau considère le dispositif prévu comme un bricolage. Pour notre part, nous considérons qu'il est extrêmement important de s'occuper de ces huit de Français et de leur donner une possibilité d'intéressement. C'est la raison pour laquelle la commission est contre ces amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Même avis.
Je voudrais faire un rappel au règlement sur le déroulement de nos débats.
Un certain nombre d'amendements déposés n'ont pas pu être défendus. Marisol Touraine et Geneviève Fioraso sont signataires d'amendements répertoriés dans la liasse qui nous a été distribuée ce matin. Je voudrais indiquer à mes collègues que la liasse distribuée cet après-midi est différente, puisqu'elle ne reprend pas la liste des amendements – en l'occurrence, nos 306 à 326 – signés individuellement pour la suppression de cet article 1er. Aussi est-il anormal que la parole leur soit refusée. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, compte tenu de ce constat et pour être éclairé sur le fait que la liasse de ce matin n'est pas la même que la liasse de cet après-midi, au nom de mon groupe, je vous demande une suspension de séance d'un quart d'heure. (Mêmes mouvements.)
Je demande qu'une nouvelle liasse soit distribuée dès à présent : votre voeu sera ainsi satisfait.
La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
Un mot avant la suspension.
Je ne voudrais pas, monsieur Eckert, que ceux qui nous écoutent pensent que la majorité essaie d'empêcher le débat, comme vous l'avez dit. Chacun doit en être éclairé : avec les vingt et un amendements, identiques à la virgule près, que vous avez déposés pour supprimer l'article, c'est vous qui tentez de retarder le débat. (« Tout à fait ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Vous prétendez, monsieur Eckert, que Mme Touraine n'a pas pu défendre son amendement. Mais le même a déjà été défendu par six orateurs qui ont tous répété la même chose !
La majorité peut-elle enfin espérer un débat démocratique et constructif ? Allez vous continuer longtemps cette manoeuvre d'obstruction visant à empêcher tout débat sur le texte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Souhaitez-vous lever votre demande de suspension de séance, monsieur Vidalies ?
Rappel au règlement, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Tout cela figurera au compte rendu.
À ce stade de nos débats, je veux rappeler que le droit d'amendement est constitutionnel.
Je l'ai dit avant vous !
Un certain nombre d'amendements identiques ont été déposés et signés individuellement : la Constitution ne l'interdit pas.
Or plusieurs amendements n'ont pas été soumis à la discussion.
Tout le monde est désormais informé des manoeuvres du parti socialiste !
Nous donnerons à ce problème, dans lequel nous ne sommes pour rien (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP), la suite qu'il mérite.
Plusieurs d'entre vous n'étaient pas là ce matin et se sont fait tirer les oreilles : on a même été obligé de cacher le ministre à la buvette pour retarder l'examen de l'article ! Voilà la pitrerie à laquelle on a assisté ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Et vous arrivez en séance cet après-midi pour nous donner des leçons ?
Nous souhaitons parler des revenus du travail. Ce n'est pas notre faute si nous sommes convoqués en session extraordinaire pour discuter d'un texte mal ficelé, mal préparé, et sur lequel les rapporteurs eux-mêmes s'interrogent ! M. le rapporteur de la commission saisie au fond pose ainsi, au sujet de l'article, une série de questions fiscales qui auraient au moins mérité son intervention en séance.
J'ajoute que ce texte, auquel personne ne comprend rien, ne concerne qu'une partie des Français. Nous voulons parler des revenus et du pouvoir d'achat de l'ensemble d'entre eux : nous prendrons donc le temps qu'il faut pour ce faire. Nous ne vous laisserons pas faire votre coup de communication, même si cela vous gêne ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, nous sommes insultés ! La police de l'Assemblée, c'est vous !
La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
Ce débat ne fait honneur ni à l'Assemblée ni à l'opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Chers collègues de l'opposition, vous avez assisté aux travaux de la commission. Vous auriez pu alors travailler utilement, mais vous n'avez presque rien proposé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Vous faites maintenant tout un cinéma en séance : ce n'est pas à votre honneur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Rappel au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze.)
J'espère que nous allons reprendre ces débats importants dans un climat plus serein. Il y va en effet du pouvoir d'achat de nos concitoyens.
Je suis un peu étonnée, monsieur le ministre, de vos observations, que la commission a d'ailleurs implicitement reprises à son compte. Vous avez expliqué qu'en voulant supprimer l'article 1er, nous souhaitions en finir avec l'intéressement et l'octroi d'un pouvoir d'achat supplémentaire aux Français.
Vous ne voulez pas l'étendre !
Sur la base de tels raisonnements, on pourrait nous dire que, dès lors que nous votons contre le budget de l'État, dont les orientations ne nous satisfont pas, nous sommes opposés au versement du traitement des fonctionnaires. Certes, ces faux syllogismes s'inscrivent dans la dialectique du rapport entre l'opposition et la majorité, mais ils révèlent surtout les faiblesses…
De votre argumentation !
…de votre position. En définitive, d'après vous, si nous désapprouvons vos propositions, c'est parce que nous sommes en désaccord profond avec l'idée selon laquelle il faut revaloriser le pouvoir d'achat des Français. Nous disons, au contraire, que cette revalorisation est absolument nécessaire mais qu'elle ne peut pas passer par des dispositifs qui contournent systématiquement l'idée de revalorisation des salaires et de rémunération du travail.
Tout cela s'inscrit, hélas, dans la continuité de la politique que votre Gouvernement a engagée depuis un an, avec les heures supplémentaires, la non-revalorisation des retraites, le crédit d'impôt et le refus systématique et assumé d'augmenter les revenus du travail. Nous relevons là une contradiction fondamentale, qui ne nous étonne pas. Votre discours se veut un discours de valorisation du travail : il n'est en vérité qu'un discours de dénigrement du travail, puisque ceux qui travaillent ne sont pas correctement payés. Vous leur demandez en fait de travailler et d'accepter des salaires de plus en plus bas, qui ne sont pas revalorisés ; s'ils veulent vivre dignement, les salariés n'ont qu'à effectuer des heures supplémentaires, entrer dans une entreprise qui versera de l'intéressement, accéder à des catégories sociales leur permettant de bénéficier de niches fiscales. Cela va évidemment à l'encontre des positions que nous défendons.
Si nous souhaitons la suppression de cet article, ce n'est évidemment pas parce que nous refusons que les Français bénéficient de revenus complémentaires, mais parce que nous considérons que les revenus auxquels ils ont droit sont d'abord ceux liés à leur travail.
Monsieur le ministre, vous avez, tout à l'heure, prétendu apporter une réponse précise à ma question. Ce n'est pas parce que nous nous faisons traiter de « guignols » par des députés de la majorité que nous n'avons pas travaillé nos dossiers. Je vous avais demandé très précisément si avait été réalisée une évaluation des primes versées au titre de la loi de décembre 2007. Vous m'avez parlé de la prime instaurée et versée en 2006. Je connaissais déjà cette réponse, qui figure dans le rapport de M. Chartier, et vous m'avez, comme lui, parlé des 1 million de salariés travaillant dans 28 000 entreprises. Mais ma question ne portait pas sur cette prime. Elle visait celle de 1 000 euros au maximum par salarié prévue à l'article 3 de la précédente loi sur le pouvoir d'achat, qui pouvait être versée dans les entreprises de moins de cinquante salariés avant le 30 juin 2008. Nous sommes aujourd'hui à la fin de septembre 2008 : vos services sont-ils en mesure de nous dire combien de salariés ont bénéficié de cette prime qui, d'ailleurs, fait un peu double emploi avec celle que crée ce projet de loi ?
Nous aurons l'occasion, lorsque nous aborderons d'autres amendements, de redire combien il aurait été nécessaire de supprimer l'article 1er. Ce n'est pas que nous soyons contre l'intéressement, même si, avec votre habileté parfois un peu arrogante, vous nous avez attribué de telles pensées. Ma question reste pendante. Combien de salariés ont bénéficié de la prime instaurée en décembre 2007 ? Pour quel montant ? Et quel coût l'exonération de charges sociales a-t-elle représenté ?
Quand on nous pose une question précise, nous tâchons d'y répondre avec précision, mais quand on nous inflige des digressions sémantiques, nous les prenons pour ce qu'elles sont. Je vous ai dit en commission et redit tout à l'heure que nous avons procédé par sondages. Ne soyez pas impatients de disposer des chiffres précis. Il faudra attendre que les entreprises aient rempli leur déclaration annuelle des salaires en janvier 2009, pour avoir tous les chiffres de l'année 2008. Quant à la loi en question, monsieur Eckert, elle ne date pas de décembre 2007, mais du 8 février 2008. Voilà pourquoi, pour l'instant, nous ne pouvons faire état que des sondages de l'ACOSS. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
(Les amendements identiques nos 306 à 326 et 1498 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1784 .
La parole est à Mme Geneviève Fioraso.
De multiples voix se sont élevées, ce matin, pour dénoncer l'absence de vision à long terme qui caractérise une loi prise en urgence pour essayer de résoudre le problème crucial du pouvoir d'achat. Cela ne fait pas la maille. Il s'agit d'une loi à courte vue, qui ressemble davantage à un leurre qu'à un texte traduisant une vraie vision économique de l'ensemble de la chaîne de l'emploi, de l'insertion à l'emploi qualifié en passant par la formation professionnelle et l'accès des jeunes à l'emploi. Petit à petit, au contraire, cette espèce de reconnaissance du travail se dilue dans la dégradation de la notion même de salaire et de salariat.
Nous sommes dans l'opposition. Nous n'avons malheureusement pas pu être majoritaires, même si cela a failli se faire étant donné certaines défections, à droite, sur les bancs de l'Assemblée.
Mais l'amendement que je défends devrait permettre de corriger cette courte vue. Le problème du pouvoir d'achat des salariés est sérieux, et il faut le traiter par des solutions sérieuses, globales. Cela justifie nos interventions : nous ne nous écartions pas du sujet. Le point de vue de la majorité paraît complètement archaïque, car la modernité veut que la cohésion sociale, le développement social, la formation, l'accès à l'emploi, la revalorisation des salaires aillent avec le dynamisme économique. Il est vrai que c'est un peu dialectique, un peu compliqué à comprendre pour qui a des schémas très cloisonnés. Dans un monde qui bouge, la modernité, c'est bien cela.
Puisque nous n'avons pas pu faire triompher notre point de vue, je voudrais défendre le point de vue très spécifique des start-up. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
En français, on les appelle des « jeunes pousses ». Vous aurez au moins appris quelque chose, vous n'aurez pas perdu votre après-midi !
Essayons de nous exprimer en français, ma chère collègue. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Il me semble pourtant avoir entendu plusieurs mots anglais ce matin. Nous dirons donc « jeunes pousses », bien que cela traduise imparfaitement le terme anglais.
Il est préférable de parler dans un climat apaisé, monsieur le président, et les interruptions n'y aident pas.
Je voudrais donc défendre une vision de plus long terme, qui fasse place à l'innovation, ce dont ne se soucient ni la loi de modernisation de l'économie ni cette petite mesure sur l'intéressement. Il conviendrait, au moins, de faire valoir l'intérêt que représente l'intéressement pour les jeunes pousses innovantes, puisqu'elles emploient des salariés extrêmement qualifiés et que l'expertise fait partie de la valeur de l'entreprise. Ce serait une façon d'envisager l'avenir, ce que ne fait pas cette loi, pleine de mesurettes et de leurres.
Cet amendement est restrictif. La loi permet de développer l'intéressement dans toutes les entreprises. Pourquoi nommer dans la loi certaines catégories d'entreprises ? Cela reviendrait à exclure celles qui ne figureraient pas dans la liste. L'objectif de ce texte est bien d'inciter et d'ouvrir au maximum.
Même avis.
(L'amendement n° 1784 n'est pas adopté.)
Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 1536 à 1557 .
La parole est à M. Christian Eckert.
Nous l'avons vu avec les expédients que vous reconduisez d'année en année – ces primes qui sont tantôt de 1 000, tantôt de 1 500 euros –, au coeur de ce débat figure le risque de voir tous ces compléments de revenus se substituer au salaire, qui, normalement, est la contrepartie du travail. Pour essayer de sécuriser le dispositif, notre groupe propose de compléter l'alinéa 2 en ouvrant le dispositif prévu à l'article 1er et en le conditionnant au fait que, dans l'entreprise, un accord salarial « ait été signé dans une période de trois années à compter du dernier accord salarial signé dans l'entreprise en vertu de l'article L. 2242-8 du code du travail ». On a bien vu que les sommes versées au titre de l'intéressement et de la participation évoluent plus vite que la masse salariale. Cela prouve que le risque est bien réel. Nous ne citerons pas une fois de plus la phrase de M. Louis Giscard d'Estaing dans son avis de la commission des finances, mais nous vous proposons de prendre une sécurité supplémentaire.
Je veux bien qu'on fasse l'impasse sur les questions qui sont posées dans le rapport, mais sa page 60 en formule quelques-unes qui paraissent fort justifiées et qui montrent bien la qualité du travail qui nous est soumis. Le rapporteur lui-même est obligé de s'interroger sur le champ d'application de la loi et sur les mesures fiscales qu'elle contient. Le Gouvernement pourrait-il se dispenser d'y répondre pendant tout le cours de nos débats ? Les députés de la majorité n'éprouveraient-ils pas la moindre inquiétude à ce sujet ?
À propos des « entreprises imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées sous certaines conditions », le rapporteur considère que, dans la mesure où l'on ignore de quoi il s'agit exactement, « il reviendra à une instruction fiscale de préciser ce qu'il faut entendre par “entreprises imposées d'après leur bénéfice réel” ». Suit une série de questions bien légitimes qui se terminent par cette phrase du rapporteur – qui, parvenu à cette conclusion, aurait dû soit poser la question que je pose, soit ne pas soutenir son rapport : « En tout état de cause, il serait opportun que le Gouvernement puisse confirmer, à l'occasion de la séance publique, la teneur de l'instruction fiscale qui sera prise en application du présent article afin que soit défini sans ambiguïtés le champ des entreprises concernées par le dispositif. » Voilà qui est formidablement écrit. Ainsi, le rapporteur lui-même estime qu'il s'agit là d'un projet de Gribouille, plein d'ambiguïtés. Je ne reprends pas les termes qui, dans le rapport de M. Giscard d'Estaing, allaient, quoique polis, dans le même sens. On ne sait pas exactement ce qui s'appliquera en matière fiscale, on ne sait pas exactement quelle entreprise cela concernera, le rapporteur le soulignait lui-même, mais cela ne fait rien, personne n'aurait rien à dire. Et il faudrait continuer ainsi ? C'est nous qui ferions de l'obstruction ? Je laisse à chacun le soin d'apprécier le sérieux de l'élaboration du travail législatif. Il est assez peu d'exemples d'un travail aussi bâclé.
Permettez-moi de rappeler les questions posées au ministre par le rapporteur, celles-ci étant restées sans réponse.
S'agissant de cet amendement, et nous aurons l'occasion d'y revenir au cours de ce débat, la seule façon d'échapper aux difficultés – signalées dans les trois rapports – est de créer un lien fonctionnel entre l'existence d'un accord salarial et l'existence de l'abondement au titre de l'intéressement, de façon à disposer d'un filet de sécurité et à éviter l'instauration d'un mécanisme de substitution. L'intéressement doit constituer un complément de salaire. Nous aurons ainsi surmonté cette difficulté majeure, liée depuis toujours à la question de l'intéressement. Elle ne viendra plus perturber nos débats et laissera à votre initiative toute sa lisibilité.
Nous sommes en présence d'un amendement que M. Louis Giscard d'Estaing ne va pas manquer de voter puisqu'il l'a appelé de ses voeux dans son rapport. Ce n'est d'ailleurs pas le seul amendement que la logique devrait le conduire à voter.
Les dispositifs que vous prétendez nous faire adopter ne doivent pas aboutir à un effet de substitution de l'intéressement au salaire. Comme l'a dit Alain Vidalies, les éléments sur ce sujet figurent dans le rapport de M. Cherpion, lequel mériterait d'être lu par le Gouvernement et par les députés du groupe UMP, qui, manifestement, ne s'en sont pas donné la peine !
Revenons aux fondamentaux de l'intéressement, que M. Cherpion rappelle à la page 17 de son rapport : « Créé en 1959, l'intéressement, contrairement à la participation » – nous y reviendrons à l'article 2 – « présente un caractère facultatif », contrairement aux salaires. M. Cherpion rappelle également que l'intéressement traduit la volonté du législateur de l'époque de permettre aux employeurs de motiver à court terme leurs salariés.
Outre le caractère facultatif de l'intéressement, nous devons garder présent à l'esprit un second élément. Le rapporteur souligne que, comme la participation, l'intéressement présente un caractère collectif, contrairement au salaire, qui, lui, est individuel. Il convient que nous nous prémunissions contre ce risque de dérive dans les mécanismes de rémunération du travail.
Dans le droit-fil de l'intervention d'Alain Vidalies sur les pages 60 et 61 du rapport, permettez-moi de dire qu'en instaurant une nouvelle niche fiscale – le crédit d'impôt – à l'article 1er, vous donnez un avantage aux entreprises, à l'exception de celles dont le rapporteur nous rappelle qu'elles en sont exclues. Mais certaines d'entre elles bénéficient d'une double niche. Pour les entreprises exonérées totalement ou partiellement de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu par application d'un abattement sur les bénéfices réalisés, le projet de loi précise expressément qu'elles pourront, dans le même temps, bénéficier aussi du crédit d'impôt. Ce double avantage aura un double coût pour les finances publiques. Nous souhaiterions connaître l'estimation qu'en fait le Gouvernement, étant aussi soucieux que vous de nos finances publiques. Il s'agit là d'un aspect particulièrement regrettable de ce projet de loi, qui vise simplement, pour la rémunération du travail, à substituer l'État, par le biais du crédit d'impôt, des niches fiscales et sociales en général, à l'entreprise qui devrait normalement – je crois savoir que vous êtes partisan d'une économie libérale – rémunérer le travail de ses salariés.
J'irai dans le sens de M. Mallot, mais j'ajouterai un mot sur le petit incident qui s'est produit tout à l'heure concernant les starts up.
Nous regrettons que vous n'ayez pas cru bon de renvoyer l'examen de ce mauvais article 1er en commission. Pour autant, nous essayons d'améliorer le texte, qui pourrait l'être à deux conditions : la première, c'est que l'on cible mieux les entreprises concernées, comme le propose cet amendement ; la deuxième, c'est que l'on vise, si possible, à réduire la part de l'intéressement et de la participation par rapport au salaire. Nous pourrions être favorables à ces formules, à condition toutefois que celles-ci ne se substituent pas progressivement au salaire. À l'instant T, cela ne revêt pas une importance particulière, puisque les gens auront reçu de l'argent. Mais, en réalité, les salariés auront des carrières de plus en plus longues et, du fait du déficit des régimes sociaux, auront de plus en plus de difficulté à se constituer une retraite correcte. Ils devront soit souscrire une retraite complémentaire plus importante, soit accepter une diminution de leur revenu lorsqu'ils seront à la retraite, soit repousser l'âge à laquelle ils prendront leur retraite pour pouvoir continuer à vivre décemment.
C'est la raison pour laquelle nous sonnons le signal d'alarme : vous avez déjà, à maintes reprises, permis à l'intéressement et à la participation de se développer. Nous pensons aujourd'hui qu'il faut mettre le holà. Le système anglais, que l'un de nos collègues critiquait tout à l'heure à demi-mot, ce système libéral qui a fait tant de dégâts outre-atlantique et en Angleterre, vous le dénoncez à travers l'utilisation de termes anglais. Nous voudrions que vous le dénonciez véritablement en tant que système. Ce serait sans doute plus efficace pour les salariés français.
Pour conclure sur cet incident, si vous me le permettez, monsieur le président, je crois que la surprise de Mme la députée n'a pas permis de vous répondre, mais il suffit de regarder le rapport de M. Ollier concernant la position de M. Sarkozy et de M. Fillon sur le problème bancaire actuel. Il est bien précisé qu'ils ne sont pas responsables de la crise des subprimes. Ce n'est pas non plus un mot français. Pour autant, il est, pour des raisons liées à l'actualité, entré dans notre vocabulaire. De la même façon, j'ai cru entendre M. Eckert employer tout à l'heure l'expression « in extenso », laquelle, bien que d'origine latine, a sa place dans le dictionnaire français.
Je soutiens ces amendements qui visent à ce que les dispositions concernant l'intéressement soient conditionnées à un accord salarial. Ce qui prime dans la rémunération du travail, c'est le salaire. Par conséquent, avant d'élaborer des accords d'intéressement, il faudrait s'assurer qu'il y a eu des accords d'augmentation des salaires.
Par ailleurs, il me semble nécessaire de souligner que l'intéressement fonctionne bien de lui-même. Je rappelle les statistiques qui ont déjà été énoncées : les sommes versées sont passées de 1,1 % lors de l'exercice 2000 à 1,9 % six ans plus tard, soit une croissance extrêmement forte des primes d'intéressement. Il n'est donc nul besoin de mettre en place des dispositifs particuliers pour que l'intéressement fonctionne correctement.
Le rapport de la commission indique que le projet de loi choisit de centrer le crédit d'impôt sur la situation des entreprises pratiquant l'intéressement et non la participation. Or nombre d'entre vous sur les bancs de la majorité sont pour la participation. Pour autant, on supprime peu à peu les articles de loi qui organisent la participation ou, à défaut, la favorisent.
Je rappelle également que l'intéressement, tel qu'il est versé, est une exonération. Si tant est que ce soit une rémunération du travail, c'est une exonération de cotisations sociales, et cela est grave pour le financement de la sécurité sociale. Il nous importe que ces cotisations sociales soient prises en compte.
C'est pourquoi, sans remettre en cause le dispositif de l'intéressement tel qu'il est proposé, même si nous n'y sommes pas très favorables, nous souhaitons que ces accords soient conditionnés à des accords d'augmentation des salaires.
M. Vidalies connaît suffisamment le travail parlementaire pour savoir que les questions qui se posent en séance publique sur des modalités d'application de nature réglementaire, en l'occurrence d'instruction fiscale, révèlent plutôt un travail législatif de qualité. Nous ne sommes pas dans l'improvisation, mais dans une démarche d'anticipation afférente au travail législatif, aussi efficace que possible, et c'est tout à fait légitime.
Le dispositif que vous proposez dans ces amendements va à l'encontre du but recherché, comme il va à l'encontre de ce que vous avez dit tout à l'heure. En réalité, il mêle les négociations sur l'intéressement et sur les salaires. C'est un mélange des genres qui est de nature à favoriser les effets de substitution.
Il est préférable, d'une part, de favoriser les négociations salariales, et c'est ce qui vous est proposé par le projet de loi, en particulier dans l'article 4, d'autre part, de prévoir des dispositifs de non-substitution, qui existent dans le projet de loi pour l'intéressement, s'agissant notamment de la prime exceptionnelle.
La commission est défavorable à ces amendements.
M. le rapporteur a raison. Le groupe SRC commet une erreur, puisqu'il ne veut pas qu'il y ait de substitution, et, en cela, il nous rejoint. Il ne faut pas créer de confusion.
Je ne reviendrai pas sur les propos tenus sur le texte et je ne voudrais pas être contraint de dire que la position du groupe SRC peut revêtir le même qualificatif. Je ne me souviens plus de l'adjectif que vous avez employé tout à l'heure…
Pour répondre à M. Vidalies, il s'agit des entreprises qui versent de l'intéressement et qui sont assujetties soit à l'IS soit à l'IRPP. C'est très clair, comme l'est le texte lui-même.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.
Vous pouvez constater que l'opposition est utile puisqu'il a fallu que je reprenne la question posée par le rapporteur pour obtenir, comme nous le souhaitions, une réponse du ministre en séance publique.
Il s'agit d'un vrai débat de fond qui ne doit pas, à ce stade, être minimisé. C'est le problème de l'oeuf et de la poule. Monsieur le ministre, lorsque vous liez l'existence d'un accord salarial à la possibilité de mettre en place l'intéressement, vous faites l'inverse de ce que vous souhaitez puisque vous ne voulez pas qu'il y ait de substitution de l'un à l'autre.
Le problème est que la substitution existe déjà. Les rapporteurs eux-mêmes le disent et tous les commentateurs en font le constat.
Aujourd'hui, et c'est de bon sens, entre une rémunération avec cotisations et une rémunération devenue possible sans cotisations, on voit bien quelle est la marge d'arrangement qui peut exister au niveau des entreprises sur la mise en oeuvre des accords d'intéressement comme étant des éléments de substitution. Or ce n'est pas l'esprit de l'intéressement, et encore moins celui de la participation.
Je comprends votre observation, monsieur le ministre. Mais, aujourd'hui, l'absence de lien entre les deux aboutit à un constat, que vous avez fait vous-même, ainsi que les trois rapporteurs : il y a une substitution. Or vous ne proposez aucune solution pour sortir de cette situation. Au contraire, vous encouragez encore davantage l'intéressement. La substitution deviendra de plus en plus importante, ce qui aura des conséquences sur le nombre de salariés qui n'en bénéficient pas, sans parler du manque à gagner en matière de cotisations pour notre système de protection collective.
C'est un problème politique majeur. Après analyse, nous considérons que la seule façon d'éviter la substitution, tout en préservant le rôle spécifique de l'intéressement et de la participation, est de lier les deux. Puisqu'on explique, sur un plan conceptuel, que ce sont deux choses différentes, pourquoi les chefs d'entreprise et les syndicats ne parviendraient-ils pas, en s'intégrant dans cet environnement conceptuel, à dégager ce qui relève de l'intéressement et de la participation et ce qui relève de la négociation annuelle ? C'est une vraie divergence de fond que nous avons sur cette question, je vous en donne acte.
Je ne partage, en revanche, évidemment pas votre vocabulaire lorsque vous nous dites que nous sommes à contre-emploi avec cette proposition. Non, c'est bien un raisonnement à partir d'un constat qui, lui, est partagé. La substitution existe déjà aujourd'hui, comme le dénoncent en tout cas les rapporteurs de la majorité.
Je me bornerai à ajouter à ce qu'a dit mon collègue Alain Vidalies deux observations.
La première s'adresse à M. Gérard Cherpion. Ce n'est pas parce que des dispositions relèvent du domaine réglementaire que cela rend impossible le dialogue avec un certain nombre de nos instances, notamment de nos commissions. Il n'est pas rare – et M. Bertrand ne nous a pas répondu sur ce point – que des ministres, lors de la discussion d'un projet de loi, s'engagent à ce que le projet de décret nous soit communiqué au préalable.
Je le fais à chaque fois !
Je vous donne acte que vous l'avez déjà fait, mais ne dites pas que vous le faites à chaque fois.
Si !
Pourquoi ne prenez-vous pas l'engagement sur ce point de nous communiquer le projet de circulaire ? Nous pourrions alors éventuellement en discuter.
Le second point que je veux soulever – Alain Vidalies a cependant déjà fort bien développé ce sujet – intéresse la question de la chronologie, s'agissant de la négociation salariale et de l'accord d'intéressement. Tel est l'objet de cet amendement. Nos collègues de la majorité, qui pourraient d'ailleurs de temps en temps s'exprimer, pourraient le voter puisqu'on subordonne en fait la mise en oeuvre du dispositif prévu dans l'article 1er, donc l'intéressement, à l'existence d'un accord salarial préalable.
(Les amendements identiques nos 1536 à 1557 ne sont pas adoptés.)
Cet amendement est rédactionnel.
(L'amendement n° 16 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Amendement de précision.
(L'amendement n° 17 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 327 à 347 .
La parole est à M. Alain Vidalies.
Je voudrais dire notre étonnement. En effet, le parcours préalable à la séance publique de ce texte avait donné lieu à quelques commentaires sur des initiatives majeures émanant du groupe UMP.
J'avais lu avec grand intérêt l'amendement de M. Frédéric Lefebvre, porte-parole de son groupe en la matière, semble-t-il. Cet amendement était probablement l'un des plus « conséquents » par sa longueur et des plus inconséquents quant au fond.
J'attendais un débat sur cet amendement, surtout avec M. Ollier. La création d'un dividende du travail, dont nous avons pris connaissance dans la presse, est tout de même une idée originale sur le contenu de laquelle nous nous sommes interrogés, mais il en a déjà été débattu à votre initiative, monsieur le président Ollier, voici deux ans dans cet hémicycle. Peut-être votre collègue l'ignorait-il. Cela me paraissait néanmoins être un rendez-vous important que celui qui nous découvrirait le fruit de la réflexion de l'UMP sur ce texte. Il est donc bien dommage que nous n'ayons pas eu la possibilité d'examiner cet amendement.
L'amendement n° 327 tend à supprimer la prime exceptionnelle d'intéressement et pose la question des rémunérations, s'agissant en particulier des salariés les plus modestes. Quelle est l'alternative à la politique que vous nous proposez aujourd'hui ? Le Gouvernement ne peut apporter que deux réponses au problème du pouvoir d'achat. Il peut, d'une part, essayer de limiter la hausse des prix dans un certain nombre de secteurs, et, d'autre part, agir sur les salaires, ce qui dans une économie qui n'est pas une économie administrée – en tous les cas dans la nôtre – ne peut se faire qu'en agissant sur le levier du SMIC, ce qui relève d'une décision politique, ou en incitant à la conclusion d'accords salariaux dans les entreprises.
S'agissant du SMIC, vous êtes un spectateur très timide et vous refusez absolument d'envisager une augmentation des salaires. Dès lors, il ne vous reste d'autre solution que de lier les abattements de cotisations à l'existence d'accords salariaux. Il s'agit d'une incitation à la négociation, d'une incitation à l'accord sur le montant des salaires et non d'une fixation par les pouvoirs publics. Telle est la politique alternative – mais de cela, vous ne voulez absolument pas entendre parler.
Ne continuez pas de dire que nous ne faisons pas de propositions. J'ai déjà constaté tout à l'heure une divergence de fond importante : en voilà une seconde. Nous souhaitons que la démocratie sociale fonctionne à plein. Nous ne voulons pas nous substituer aux partenaires sociaux. Mais, pour le pouvoir politique, le fil rouge dans ses relations avec les partenaires sociaux doit être celui-ci : encourager à la conclusion d'accords, y compris dans le cadre de la négociation annuelle sur les salaires. Cette autre politique serait concrétisée par l'adoption de cet amendement.
Nous demandons la suppression du énième dispositif de prime exceptionnelle. En effet, un autre gouvernement en avait déjà instauré un. Vous en avez, quant à vous, introduit un nouveau dans la loi dont vous dites, monsieur le ministre, qu'elle date de février. Probablement s'agit-il de sa publication au Journal officiel. Le rapport auquel je faisais allusion tout à l'heure remonte, quant à lui, au mois de décembre. Et voilà que « déboule » avec ce texte une troisième prime.
Si nous sommes aussi virulents sur ce sujet, c'est que nous ne pouvons pas admettre que l'on recoure à répétition à des dispositifs exceptionnels pour essayer de compenser les diminutions de pouvoir d'achat. Pourquoi sommes-nous aussi obstinés à ce point ? Imaginez, monsieur le ministre, un salarié modeste qui va voir son banquier. Compte tenu de la situation du marché des capitaux, celui-ci lui demandera de faire état de ses revenus. Acceptera-t-il d'intégrer dans ces derniers la prime exceptionnelle qui a été versée une année, deux au mieux ? Acceptera-t-il, au titre de la loi qui lui impose de respecter un ratio d'endettement pour chacune et chacun d'entre nous égal à un tiers des revenus, d'intégrer l'intéressement ? Les réponses, vous les connaissez, sont évidemment « non ». Vous parliez de simplicité et de clarté. Nous devons donc tout faire pour que les choses soient simples et claires et que chaque salarié puisse disposer d'un revenu en contrepartie de son travail. Je prends acte, monsieur le ministre, de votre engagement de nous communiquer le nombre de primes versées au titre de la loi de février 2008 et leur valeur moyenne, mais vous comprenez bien qu'un salarié ne peut pas se contenter de dispositifs par essence variables, exceptionnels. Il en va bien évidemment de même de l'intéressement qui ne peut être versé qu'en fonction du résultat de l'entreprise.
Nous vous demandons donc – et je pense que c'est la sagesse – de supprimer les alinéas 16 à 22 de l'article 1er.
Ce n'est pas la sagesse !
Nous sommes aussi intéressés que vous par le pouvoir d'achat, mais, pour ce qui nous concerne, par celui de tous les Français (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP) et nous le sommes aussi par la « dynamisation » de la négociation entre les partenaires sociaux.
Puisque les effets de l'intéressement ne semblent pas vous parler, monsieur le ministre, je vous citerai l'exemple, que j'ai déjà pris au mois de juillet, de la société SFR.
C'est tout de même téléphoné !
Le 23 mai 2007, 3 000 salariés de la société SFR apprennent par mail – le procédé est délicat de la part de la direction – qu'ils sont externalisés chez Infomobile. Ces salariés avaient, chez SFR, un salaire de base, comme tout un chacun, auquel s'ajoutaient des primes d'intéressement qui n'existent pas chez Infomobile. Le 1er août 2007, leur pouvoir d'achat a diminué, du jour au lendemain, de 25 %. Voilà quel glissement prépare ce projet : une subsitution des primes d'intéressement au salaire !
Nous vous demandons donc la suppression des alinéas 16 à 22 pour éviter que l'on ne s'enfonce encore plus dans l'erreur. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Pourquoi souhaitons-nous effectivement supprimer les alinéas 16 à 22 qui créent cette prime exceptionnelle ? Considérons tout d'abord le vocabulaire employé depuis le début de ce débat. On a parlé du dividende du travail, on a presque parlé de dividende salarial, pour ne pas prononcer le mot « salaire ». On va progressivement évoquer les rémunérations de personnes qui travaillent, mais on n'emploiera plus dans les textes de loi le mot « salaire » qui deviendrait un terme grossier. Ce n'est pas normal.
Examinons ces primes exceptionnelles instituées ces dernières années. L'article 17 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 avait déjà autorisé les employeurs à verser une prime de 1 000 euros par salarié, prime exonérée de cotisations sociales. À l'époque, il était nécessaire que soit conclu un accord salarial. On parlait encore de salaire. Une prime exceptionnelle de 1 000 euros par salarié a été créée par la loi pour le pouvoir d'achat du 8 février 2008. Il avait alors été précisé que ce serait soumis à un accord collectif. On ne parlait déjà plus de salaire. Aujourd'hui, non seulement on ne parle pas de salaire, mais on ne parle plus d'accord collectif. Nous sommes face à un glissement inacceptable dans les relations entre employeurs et salariés. Il serait tout à fait inadmissible que l'on supprime, petit à petit, la notion de salaire dans nos débats et surtout dans les relations entre employeurs et salariés.
M. Eckert a évoqué les difficultés sérieuses auxquelles peuvent se voir confrontés les ménages cherchant actuellement à souscrire des emprunts, du fait du caractère aléatoire de leurs revenus. Il ne s'agit pas d'un simple soupçon, puisque cela figure noir sur blanc dans le rapport de M. Ollier, qui précise que « le dispositif prévu est de durée limitée : il s'appliquera pendant six ans » – or, chacun sait que des investissements de long terme ne peuvent être financés par un emprunt sur six ans –, « soit pour deux vagues d'accords, les accords d'intéressement présentant une durée de validité triennale. Un rapport d'évaluation du dispositif sera présenté au Parlement en 2014, et un premier bilan d'étape sera réalisé en 2010. » C'est dire à quel point le système proposé va encore accroître le caractère aléatoire des ressources des personnes concernées ! À court terme, elles peuvent espérer gagner plus – cela n'ayant toutefois rien de certain –, mais au bout de deux, quatre ou six ans, elles verront leur salaire revenir à son niveau initial. C'est pourquoi nous estimons préférable d'inciter à la négociation salariale, qui peut porter à la fois sur le salaire, contrepartie essentielle du travail effectué, et sur un éventuel intéressement.
Mes collègues viennent d'exposer les multiples raisons justifiant que l'on vote cet amendement de suppression des alinéas 16 à 22 de l'article 1er : accroissement des niches fiscales et sociales – que l'on prétend combattre par ailleurs, conformément à ce que recommandent aussi bien le rapport d'information sur les niches fiscales rendu par le président de la commission des finances et le rapporteur général que la mission d'information sur les exonérations de cotisations sociales commune à la commission des finances et à la commission des affaires sociales –, effet de substitution – que le rapport de M. Giscard d'Estaing met clairement en évidence.
À tout cela, il convient d'ajouter les effets pervers que peut comporter pour les salariés modestes le versement d'une prime exceptionnelle d'intéressement. Il faudrait que chaque salarié puisse s'adjoindre les services d'un expert-comptable pour mesurer précisément les effets de seuil par rapport à l'ensemble des impositions et prestations sociales qui lui sont propres ! Ainsi, cette prime exceptionnelle sera éligible à l'impôt sur le revenu. Cela pourra-t-il avoir pour effet de rendre imposable un salarié qui ne l'était pas jusqu'alors, ou de lui faire perdre le bénéfice de l'abattement sur la taxe d'habitation auquel il pouvait précédemment prétendre ? Le versement de la prime exceptionnelle pourra-t-il avoir une conséquence sur le droit à percevoir la prime pour l'emploi, ou les prestations sociales versées par les collectivités locales, notamment les aides correspondant à la prise en charge des frais de crèche, de cantine scolaire ou de centre de loisirs ?
La proposition que vous nous faites, monsieur le ministre, est une proposition d'opportunité visant à répondre dans la précipitation à l'angoisse qui monte au sein de plusieurs couches de la société. Elle risque d'avoir pour les salariés modestes des effets contraires à ceux recherchés – effets qu'il est difficile d'évaluer et de chercher à éviter, dans la mesure où le dispositif proposé n'a pas été précédé d'une étude d'impact. C'est pourquoi je soutiens également cet amendement de suppression.
Comme l'a dit M. Vidalies, cette prime exceptionnelle d'intéressement n'est pas de même nature que celles qui ont été distribuées jusqu'à présent. Il est bien indiqué à l'alinéa 16 de l'article 1er du projet de loi que, « dans les entreprises ayant conclu un accord d'intéressement, ou un avenant à un accord en cours répondant aux conditions prévues au V, à compter de la publication de la présente loi et au plus tard le 30 juin 2009 et applicable dès cette même année, l'employeur peut verser à l'ensemble de ses salariés une prime exceptionnelle. » La prime exceptionnelle dont il est question ne fait donc que précéder l'accord collectif d'intéressement qui va courir à partir de 2010. Elle présente l'intérêt de se traduire par un accroissement immédiat du pouvoir d'achat des salariés des entreprises concernées. C'est la raison pour laquelle la commission a repoussé cet amendement de suppression.
Défavorable, monsieur le président.
Il est dommage que M. le ministre se borne à émettre un avis laconique en s'abstenant de répondre aux questions qui ont été posées. Selon le rapport déposé en juin dernier par la mission d'information commune sur les exonérations de cotisations sociales présidée par notre collègue Gérard Bapt – un rapport présenté par Yves Bur –, la prime versée en 2006 s'est traduite pour les régimes sociaux par une perte de recettes d'un montant de 176 millions d'euros, auquel s'est ajouté un montant résiduel de 22 millions d'euros en 2008, soit près de 200 millions d'euros au total. C'est là une niche sociale loin d'être négligeable ! En outre, alors que certaines exonérations de cotisations sociales sont compensées par l'État, celle-ci ne l'est pas, comme le précise Jérôme Chartier dans son rapport : « L'exonération de cotisations ne sera pas compensée par l'État à la sécurité sociale, par dérogation à l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, en raison de son caractère exceptionnel ». Le problème, c'est que l'exceptionnel ne l'est plus, lorsqu'il se reproduit tous les ans !
Vous qui êtes partisan du « service après vote », monsieur le ministre, vous n'aurez pas grand-chose à faire pour populariser cette mesure : tous les experts-comptables et les conseillers fiscaux auprès des entreprises auront noté qu'il s'agit là d'un simple transfert de rémunération, dont nos régimes sociaux devront faire les frais.
Par ailleurs, la Cour des comptes et son président ont rappelé que ces exonérations sur l'intéressement et la participation représentent plus de 8 milliards d'euros. Mes chers collègues de la majorité, vous qui stigmatisez sans cesse les déficits des régimes sociaux et mettez en oeuvre des déremboursements, des franchises médicales et des taxes sur les malades, vous devez être bien conscients qu'en votant cette disposition, non seulement vous ne faites rien pour combattre ces déficits, mais vous aggravez encore le manque à gagner en instaurant tous les ans une nouvelle prime exonérée de charges sociales.
Je ferai trois observations, monsieur le président. Premièrement, nous sommes en désaccord avec M. le rapporteur, qui fait référence à la préexistence d'un accord collectif portant sur l'intéressement lui-même, alors que notre amendement vise à la mise en oeuvre d'un accord collectif salarial.
Deuxièmement, je m'étonne que M. le rapporteur pour avis de la commission des finances n'ait pas jugé bon d'apporter des réponses aux questions qui ont été posées par M. Bapt.
Troisièmement, enfin, le rapport qui a été déposé par M. Cherpion renvoyait, sur plusieurs points, à la séance publique. Or, personne ne se donne la peine de nous fournir les explications attendues ! Ainsi, en ce qui concerne l'alinéa 7 de l'article 1er, il est dit à la page 65 du rapport qu'« il conviendra de préciser, par voie réglementaire, les modalités de mise en oeuvre de ce régime, difficile à appréhender aux termes de ce seul alinéa. » En d'autres termes, il sera nécessaire de préciser ce que la lecture de cet alinéa ne permet pas de comprendre.
Pour ce qui est de l'alinéa 8, le rapporteur indique : « Ce décret devrait avoir un objet plus large encore et il lui reviendra sans doute de définir d'autres règles relatives aux modalités de détermination et d'imputation du crédit d'impôt. Sur cette question, des explications du Gouvernement au cours de la séance publique seront bienvenues. » Malheureusement, nous avons attendu en vain lesdites explications ! Alors que nous sommes en train de faire la loi de la république, et que le rapporteur lui-même reconnaît que les dispositions proposées sont ambiguës, complexes, et nécessiteront des explications, vous persistez à garder le silence.
Ce sont pourtant des extraits de son rapport que je viens de citer ! Et je peux vous en donner d'autres : en ce qui concerne les alinéas 11 et 12, il est indiqué à la page 68 du même rapport que, « même si cette précision relèvera sans doute des instructions fiscales prises pour l'application de cet article, il serait utile que la discussion en séance publique permette d'apporter de premiers éléments de réponse. »
Alors que, sur trois alinéas différents, le rapporteur reconnaît que le texte comporte des ambiguïtés qu'il serait bon de lever, personne n'estime utile de donner la moindre explication ! Je plains les Français qui auront à supporter les conséquences d'un travail bâclé car accompli dans la précipitation d'une session extraordinaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
(Les amendements identiques nos 327 à 347 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 18 de la commission des affaires culturelles.
La parole est à M. le rapporteur.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
(L'amendement n° 18 est adopté.)
Rappel au règlement
Je vous ai demandé la parole en vertu de l'article 58-1 de notre règlement, monsieur le président. Certes, notre débat devient plus serein au moment où nous commençons à aborder ce qui en constitue l'essentiel. Toutefois, nous avons posé des questions fondamentales – qui, pour certaines d'entre elles, ne faisaient que relayer les interrogations du rapporteur –, auxquelles nous n'avons obtenu aucune réponse jusqu'à présent. Compte tenu de l'absence des éclaircissements que nous estimons nécessaires pour pallier l'insuffisance de ce texte à l'évidence mal préparé, je demande une suspension de séance d'un quart d'heure afin de permettre à M. le ministre de préparer les réponses que nous attendons.
Permettez-moi, cher collègue, de vous faire part de mon étonnement. En effet, nous nous trouvons dans la situation où nous a placés votre attitude, qui résulte d'une logique avec laquelle nous sommes en désaccord : celle de faire en sorte de prolonger systématiquement le débat, alors que vous avez déjà les réponses que vous prétendez attendre ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
J'entends en permanence parler de substitution. Or, il me semble que les explications données par le ministre et par les rapporteurs auraient dû vous permettre de comprendre que nous défendons deux logiques totalement contradictoires. Pour notre part, nous sommes en faveur de l'association capital-travail et, considérant que les primes d'intéressement ne se substituent pas au salaire, nous estimons nécessaire que s'engagent des discussions sur les salaires. Je vous le dis les yeux dans les yeux, monsieur Vidalies !
Quant à vous, votre logique va vous conduire à nous répéter en permanence qu'il y a substitution, ce qui est faux et qui ne constitue pas une contribution constructive du groupe socialiste au débat.
Et, monsieur Eckert, en demandant une nouvelle suspension de séance, vous démontrez que vous êtes dans une logique d'obstruction, ce que je dénonce, au nom de la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Nous voulons avancer pour obtenir des progrès tandis que, sans proposition, vous passez votre temps à retarder la discussion du projet de loi. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je présume, monsieur Eckert, que tout le monde est de bonne foi dans cette assemblée. (Approbation sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Dans ce cas, gagnons un quart d'heure. La réponse à votre question se trouve en effet à la page 68 du rapport, où il est indiqué que, « dans tous les cas, sans doute l'imputation se fera-t-elle, en pratique, au moment du paiement du solde de l'impôt ».
Je vous enlève le « sans doute » et vous répète ce que je vous ai dit en commission : si vous avez un accord d'intéressement en 2009, les sommes seront versées au début de l'année 2010 et seront donc imputées sur l'exercice 2010. Et puisque nous sommes de bonne foi, poursuivons donc cette discussion des articles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Personne ne semble avoir lu ce rapport ! Monsieur le ministre, pensez-vous réellement que vos propos répondent aux trois observations concernant les alinéas 6, 7 et 11 ? Je rêve ! Reprenons donc, mais cela risque de prendre un certain temps, car il s'agit de points très techniques qui concernent les entreprises et leurs salariés. Or, alors que le rapporteur souligne que le projet est ambigu et difficile à comprendre, le ministre choisit de ne répondre en une phrase qu'à une seule des quatre questions posées par un rapport, par ailleurs très bien fait et fort précis. Pour le reste, circulez, il n'y a rien à voir ! Si vous vous contentez de cela, soit, mais ce n'est pas une façon sérieuse de faire la loi !
Quant à vous, monsieur le président de la commission, on a le droit de ne pas être d'accord et vous avez fort bien compris la dimension politique de la question. Vous pouvez sans doute penser qu'il n'y a pas substitution et nous savons que, depuis l'origine, votre conception de la participation exclut cette substitution. Je ne remets pas en cause vos convictions. Mais le problème n'est pas de savoir ce que vous voulez ou refusez. La question est de savoir si, dans les faits, il y a ou non substitution. Or ce n'est pas le groupe socialiste avec sa prétendue mauvaise foi qui le dit mais les rapporteurs qui l'écrivent : dans les faits, il y a substitution.
Il ne s'agit donc pas de vos désirs mais de la réalité, et de ce constat se déduisent deux logiques politiques. En ignorant cette réalité, vous allez aggraver la substitution. Nous vous proposons une autre méthode, c'est une question de divergence politique, non de mauvaise foi.
Rappel au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures trente.)
La séance est reprise.
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 348 à 368 .
La parole est à M. Alain Vidalies.
Je m'incline devant la décision du président ! (Sourires)
Nous proposons, par cet amendement, de modifier les conditions d'attribution de la prime exceptionnelle. En l'état actuel du texte, la décision de l'employeur peut être unilatérale : « l'employeur peut verser à l'ensemble de ses salariés une prime exceptionnelle ». Il y a peut-être là une divergence politique ; la logique de l'intéressement, de la participation, l'idée même de ces mécanismes, ne sont pas respectées.
Je rappelle que, contrairement à ce qui est parfois allégué ici ou là, nous n'avons guère modifié ces textes. Ces outils sont parfois anciens – certains datent des années 1950, le texte sur le principe de la participation date de 1967 ; nous les avons utilisés, parfois enrichis. Notre contribution à l'état du droit positif sur ces questions n'est pas négligeable, qu'il s'agisse des textes sur le plan d'épargne retraite collectif, ou qu'il s'agisse de la participation comme élément de préservation ou de constitution de fonds propres des entreprises – nous y reviendrons.
Ces mécanismes appartiennent à un patrimoine politique commun : nous n'y sommes en rien hostiles, mais il faut améliorer les choses, comme les rapporteurs l'ont aussi constaté.
Deux problèmes se posent. D'une part, la prime est aléatoire. Non seulement ce texte de loi, censé agir en faveur des revenus du travail, ne concerne pas l'ensemble des salariés – d'où l'observation sur le nombre de salariés concernés par ces accords d'intéressement – mais cette prime exceptionnelle elle-même, que vous inventez pour tenter d'améliorer le pouvoir d'achat, est suspendue à la décision unilatérale, discrétionnaire, de l'employeur. Ce n'est pas un droit ; comme au Loto, tout le monde peut participer mais seuls quelques-uns gagneront. Ce n'est pas une bonne chose : une politique doit concerner l'ensemble des citoyens.
D'autre part, à supposer qu'une entreprise s'inscrive dans cette démarche, aucun mécanisme de consultation n'est prévu. Notre amendement ne devrait pas provoquer de conflit ; il précise simplement que cette décision doit intervenir après information et consultation des institutions représentatives du personnel de l'entreprise. C'est un amendement de cohérence : l'ensemble des mécanismes instituant l'intéressement et la participation suppose des accords collectifs. Pourquoi, sur cet aspect certes assez marginal, mais nouveau, mettrait-on de côté l'information et la consultation ? S'il s'agit d'associer capital et travail, il faut garantir, sinon la négociation, du moins l'information, et non laisser prendre une décision unilatérale.
Cet amendement est parfaitement fondé et je vous demande de le retenir.
Monsieur le Ministre, vous avez tout à l'heure refusé un amendement qui subordonnait le versement de la prime à l'existence d'un accord salarial récent dans l'entreprise. Dont acte.
Vous prônez le dialogue social, vous dites lui faire confiance, vous voulez le relancer, l'encourager. Nous y reviendrons. Mais le groupe socialiste vous offre ici l'occasion de promouvoir des décisions qui ne soient pas unilatérales – nous nous sommes déjà affrontés sur ce point, il n'y a pas si longtemps. La disposition que nous souhaitons inscrire dans la loi est minimale : à défaut d'obliger à un accord, il faut au moins que soient informées et consultées les institutions représentatives du personnel de l'entreprise.
Un tel dispositif peut recueillir un accord unanime : il n'a ni coût fiscal, ni coût social. Le bon sens consiste à permettre à chacun de s'exprimer sur ce point crucial. Je ne vois d'ailleurs pas ce qui empêche nos collègues de la majorité de s'exprimer sur ces points : ont-ils réfléchi, ont-ils lu, ont-ils des améliorations à proposer ?
Il y a là, monsieur le ministre, une occasion à saisir.
Nous sommes très satisfaits du travail du Gouvernement comme des rapporteurs !
Je rappelais il y a quelques instants que les dispositions comparables adoptées précédemment l'avaient été dans le cadre d'accords négociés avec les salariés. Ici, nous nous trouvons face à une disposition que l'on pourrait qualifier d'arbitraire : seul le chef d'entreprise prend cette décision, sans consultation, sans débat avec les salariés.
Certains de nos collègues cherchent à réconcilier le capital et le travail : l'un des moyens de cette réconciliation, c'est l'information, le débat, la discussion. Il importe que les salariés soient consultés et qu'ils puissent s'exprimer, par l'intermédiaire de leurs représentants.
Tout à l'heure, le risque d'une substitution de l'intéressement aux salaires – et aux cotisations qui les accompagnent – a été évoquée. Afin de pouvoir exercer toute leur vigilance, les premiers intéressés, c'est-à-dire les salariés, doivent naturellement être informés et pouvoir, par leurs représentants, s'exprimer, débattre avec le chef d'entreprise.
Nos craintes sont grandes. Cet amendement est de repli ; dans un esprit de compréhension entre la droite et la gauche, nous faisons un pas vers vous : au lieu de supprimer la prime exceptionnelle, nous proposons de corriger et de compléter ce dispositif. La prise en compte de cet élément de confiance entre le chef d'entreprise et les représentants des salariés serait utile et intéressante. Ces décisions doivent se prendre dans la transparence.
Notre amendement mentionne les institutions représentatives du personnel dans l'entreprise : en effet, la représentation du personnel peut prendre des aspects très divers selon l'importance de l'entreprise et le taux de syndicalisation.
Il faut trouver au sein de l'entreprise les voies du dialogue, du débat, de la discussion, de la compréhension. Une telle décision peut être prise, mais pas sans l'accord, ou tout au moins pas sans l'information des salariés, donc pas sans débat.
C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.
M. Xavier Bertrand disait hier soir, à cette tribune, faire confiance à la démocratie sociale. Il s'agit ici de passer des paroles aux actes.
Cet amendement permet de garantir que l'entreprise s'inscrit dans la dynamique de négociation salariale que nous entendons promouvoir. Pour cela, nous nous appuyons sur les organisations syndicales représentatives qui ont pu négocier, auparavant, l'accord d'intéressement dans l'entreprise et bien sûr les accords salariaux qui nous sont chers.
Je cite le rapport de M. Gérard Cherpion, page 61 : « Ce choix est justifié notamment par la souplesse que permet la mise en oeuvre des accords d'intéressement, en particulier par la latitude laissée dans le choix de la formule de calcul et la prise en compte de critères permettant d'apprécier les performances ou les résultats de l'entreprise concernée. » Voilà qui reste bien flou : une clarification s'impose.
Pour que la démocratie sociale fonctionne de façon satisfaisante, le chef d'entreprise et le personnel doivent être parties prenantes. Vous dites avoir découvert la démocratie sociale, mais vous la mettez parfois à mal –comme l'a montré le projet de loi que vous avez présenté au mois de juillet.
Je vous demande donc, chers collègues, d'adopter cet amendement.
J'ai déjà appelé l'attention du Gouvernement et du rapporteur pour avis de la commission des finances sur l'effet éventuellement pervers, voire négatif, des divers systèmes de seuil qui peuvent exister : les ménages fiscaux risquent d'être pénalisés à travers divers impôts, taxes, ou prestations sociales telle que l'allocation logement.
Quant à l'amendement lui-même, je considère que le fait d'informer, et même de consulter, les organisations syndicales qui ont négocié un accord d'intéressement ne mange pas de pain. Je ne vois pas très bien pourquoi il y aurait une opposition de principe à informer les salariés sur les effets dont je faisais état à l'instant et qui risquent de gommer la progression de pouvoir d'achat que pourrait amener un surcroît de prime d'intéressement. Il serait intéressant également que les organisations syndicales soient tenues au courant pour pouvoir organiser l'information des salariés, puisque ma proposition d'appeler un expert-comptable à la rescousse afin d'évaluer pour le compte des salariés modestes les effets de la prise en compte d'une nouvelle prime d'intéressement n'a pas été retenue.
Question subsidiaire : au cas où le salarié constaterait que le versement de la prime exceptionnelle aurait au bout du compte un effet négatif sur son pouvoir d'achat, pourrait-il la refuser, sachant que celle-ci figurera sur son bulletin de salaire et donc sera prise en compte dans son revenu fiscal même s'il la rembourse ? La question mérite d'être posée.
Pour qu'il y ait versement de la prime, il faut absolument qu'il y ait eu conclusion d'un accord d'intéressement. Et pour qu'il y ait conclusion d'un accord d'intéressement, il faut qu'il y ait eu une négociation entre les salariés et le patron de l'entreprise. Votre demande est donc, de fait, satisfaite.
Mais si, puisque l'octroi de la prime exceptionnelle peut être décidé soit par le patron, soit lors de la négociation d'un accord d'intéressement.
Par ailleurs, si ces amendements étaient adoptés, que se passerait-il dans les petites et très petites entreprises, dans lesquelles les représentants des institutions que vous voulez consulter ne sont présents ? Une nouvelle fois, vous écartez les petites entreprises du dispositif.
Mais non, dans ces entreprises, il existe un rapport direct aux salariés.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a repoussé ces amendements.
Je pense – mais ce n'est qu'un jugement, que vous pouvez contester si vous le voulez – que lorsque les interventions sont moins nombreuses, on comprend mieux le fond du raisonnement. Il est vrai que la substitution, au-delà de vos déclamations de tout à l'heure, pose une question de fond. Mais l'article L. 2323-27 du code du travail précise que « Le comité d'entreprise est informé et consulté sur les problèmes généraux intéressant les conditions de travail résultant de l'organisation du travail, de la technologie, des conditions d'emploi, de l'organisation du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération. » Cela signifie que les institutions représentatives, comités d'entreprise ou IRP, seront consultées chaque fois que se posera cette question de la substitution. Comment imaginer que les partenaires sociaux pourraient alors être complices d'une substitution au détriment des salaires ? Je connais la réalité du monde des entreprises, je puis vous assurer que la négociation annuelle obligatoire constitue un verrou très sûr. En outre, l'article 4, sur lequel reviendra en détail Laurent Wauquiez, apporte des réponses qui, honnêtement, en dehors de tout esprit polémique, sont attendues depuis bien longtemps, sur la question de savoir comment on oblige les entreprises à négocier.
Vous craignez que la rédaction de cet article 1er n'introduise un risque de substitution. Cette idée est dans tous les esprits, aussi bien chez vous que chez nous. Voilà pourquoi nous avons voulu que ce texte soit global.
Nous apportons ainsi la réponse à la question. Notre rôle en effet, ce n'est pas de laisser les questions en suspens, c'est d'apporter des réponses aux questions.
Vous pouvez ne pas être d'accord avec ces réponses. En tout cas nous, nous considérons que l'article du code du travail que j'ai cité apporte la réponse à votre question et que donc vos amendements sont satisfaits. Le verrou de la consultation des partenaires sociaux permettra d'éviter tout risque de substitution. Si vous avez la liberté de déposer des amendements, les syndicats ont, eux, vous les connaissez assez pour le savoir, une liberté de parole dont ils savent user.
Monsieur le rapporteur, il y a un accord d'intéressement et ensuite il y a une décision – en mathématiques, on parlerait de données discrètes, non continues – et, dès lors, nécessité de consulter le personnel pour que cette décision puisse être prise en pleine cohérence avec la politique de relations sociales de l'entreprise.
Par ailleurs, si vous pensez que nos amendements ne visent que les entreprises plutôt importantes, rien ne vous empêche de déposer un sous-amendement pour corriger cela.
M. le ministre a rappelé un article du code du travail. J'en prends acte. Mais alors pourquoi le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 précisait-il que la prime de 1 000 euros devait être versée après un accord salarial, pourquoi le projet de loi du 8 février 2008 relatif au pouvoir d'achat prévoyait-il, dans son article 7, que la prime exceptionnelle devait obligatoirement faire l'objet d'un accord collectif ? Tout simplement parce que ce genre de dispositions à caractère exceptionnel doit faire l'objet au préalable d'une négociation avec les salariés.
Ce n'est pas la même chose.
C'est vrai, ce n'est pas la même chose : avant, la prime était de 1 000 euros ; maintenant, elle est de 1 500 euros.
Non, c'est, d'un côté, une prime salariale, de l'autre, une prime d'intéressement.
Nous sommes d'accord sur le fait que l'article du code du travail que vous avez rappelé vaut pour tout élément concernant les rémunérations. Toutefois, ma question est opportune, parce que nous constatons qu'alors qu'il vous a semblé utile, à deux reprises, de bien préciser les choses, et même si, entre 2006 et 2008, la notion d'accord s'est quelque peu distendue, aujourd'hui vous paraissez considérer qu'il n'y a plus besoin d'accord ni même de consultation, ce qui est quand même dommageable.
Je souhaite donc que la commission et le Gouvernement revoient leur position sur ces amendements ; leur adoption ne changerait pas fondamentalement les dispositions auxquelles vous tenez tant. Faites un pas vers nous comme nous faisons un pas vers vous.
Je voudrais faire deux observations sur cet alinéa 16. Le rapporteur pose dans son rapport un certain nombre de questions fort judicieuses, auxquelles personne ne fait allusion. Ses remarques ne s'adressent pas simplement à l'opposition ou à la majorité, elles sont destinées également à engager à un dialogue avec le Gouvernement.
Donc quand le rapporteur au fond pose des questions et nous renvoie à la séance publique, vous comprenez que nous attendions des réponses, surtout s'il s'agit de sujets essentiels. J'en donnerai un septième exemple, à la page 75 du rapport – je ne connais pas la position du Gouvernement sur ce point, mais il intéresse quelques centaines de milliers de salariés puisqu'il s'agit de l'application du dispositif aux entreprises publiques. Je cite : « Les dispositions relatives à l'intéressement sont applicables de plein droit aux établissements publics à caractère administratif et commercial et aux établissements publics administratifs lorsqu'ils emploient du personnel de droit privé, en application de l'article L.3311-1 du code du travail. Il serait utile que le Gouvernement puisse éclairer la représentation nationale sur cette question au cours du débat. » Ce n'est pas rien quand même : le rapporteur pose la question de savoir si on applique ce texte aux établissements publics qui emploient du personnel de droit privé.
Je n'étais pas en commission.
Si je comprends bien, la disposition concernerait tous les EPIC, en tout cas tous les établissements publics qui emploient du personnel de droit privé, puisque c'est le seul cas où cela peut s'appliquer, mais la question nécessite une réponse. Et si la question est posée par le rapporteur dans son rapport, c'est-à-dire après les travaux de la commission, c'est qu'il n'a pas la réponse, ou alors je ne comprends pas le rapport.
La réponse est oui.
Je prends acte de votre réponse affirmative, monsieur le ministre. Cela prouve que l'opposition joue un rôle utile.
Moi, je lis le rapport. S'il ne donne pas la réponse…
Toujours page 75, le rapporteur pose toute une série de questions plus techniques, également très opportunes, faisant ressortir la complexité du dispositif, et pour lesquelles nous n'avons pas de réponse pour le moment.
Monsieur le ministre, vous nous avez indiqué que, dès lors qu'il s'agissait d'une rémunération au sens large, c'était l'article générique du code du travail qui s'appliquait pour organiser la consultation des institutions représentatives, et cette consultation sera naturellement de droit puisqu'il n'y a pas d'exception, contrairement à ce que laissait supposer votre amendement. Nous sommes dans le droit commun, et la consultation telle qu'elle est prévue par le code aura forcément lieu, dites-vous. Je considère que nous avons sur ce point satisfaction et que votre réponse sera interprétative. Dans ces conditions, nous retirons nos amendements.
(Les amendements nos 348 à 368 sont retirés.)
Évidemment, ces amendements avaient un lien avec les amendements précédents.
Deux systèmes étaient possibles en effet : soit la décision revenait à l'employeur, soit on suivait une démarche normale, qui renvoyait au contenu des accords ou à des discussions avec les représentants du personnel dans le cadre de la consultation. Nous aurions préféré inscrire cette deuxième option dans la loi mais vous nous dites que cette précision est inutile, et ceux qui s'interrogeront sur ce point se rapporteront à nos débats.
L'objectif des amendements 369 à 389 était de prévoir que la prime serait uniforme pour l'ensemble des salariés au cas où la concertation n'aurait pas lieu et où l'on s'en tiendrait à une décision de l'employeur, ce qui correspondrait à une lecture stricte de ce projet de loi. Cela dit, monsieur le ministre, nous essayons d'être logiques et cohérents : soit le législateur donne la réponse parce qu'il y a une décision unilatérale de l'employeur, soit nous sommes dans une procédure de concertation et d'information. Nous préférons évidemment le dialogue social, et le législateur n'a pas à se substituer aux partenaires sociaux ! Dans la mesure où nous serons dans un contexte de négociation, ces amendements n'ont plus de fondement. C'est pourquoi je les retire.
(Les amendements nos 369 à 389 sont retirés.)
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 390 à 410 .
La parole est à M. Christian Eckert.
Compte tenu de ce qui a été dit, il faut considérer ces amendements comme des amendements de précision. Il semble dans l'esprit du Gouvernement que le dispositif s'applique à tous les salariés, mais nous aurions préféré qu'il soit précisé, dans la première phrase de l'alinéa 17, «, y compris les salariés à temps partiel, en contrat de travail à durée déterminée, en contrat de travail temporaire au prorata temporis, ». Cela nous paraît cohérent et logique. Nous avons bien sûr gagé ces amendements.
Je vais être très précis, monsieur Eckert. Tous les salariés d'une entreprise liés par un contrat de travail, en vertu du lien de subordination, sont bien sûr éligibles à cette prime d'intéressement. Dans l'entreprise d'intérim, c'est la même logique qui s'applique et tous les intérimaires y sont éligibles à la prime parce que c'est là qu'il y a le lien de subordination, mais vous comprendrez que, dans l'entreprise utilisatrice, il ne puisse en être de même parce qu'ils y ont un contrat de mission, et non un contrat de travail. Pour résumer : dès qu'il y a un contrat de travail, la prime s'applique à tout le monde sans exception ; quant aux intérimaires, ils profitent de l'intéressement dans leur entreprise d'intérim. Telle est la précision que je voulais apporter. J'ai donc tendance à croire que ces amendements sont satisfaits.
Le Gouvernement nous a effectivement donné des précisions sur deux points. Tous les salariés présents dans l'entreprise auront droit à cette prime, ce qui veut dire que l'employeur ne pourra pas exclure une partie d'entre eux du bénéfice de cette disposition. C'est une précision importante qui méritait d'être donnée.
S'agissant des salariés de travail temporaire, votre réponse, monsieur le ministre, est fondée juridiquement, puisque le lien de subordination existe au niveau des entreprises de travail temporaire, non des entreprises utilisatrices, mais il s'agissait là pour nous d'appeler l'attention sur ce qui se passe du côté des premières, car il faut qu'elles s'emparent de ces propositions. En effet, trop souvent, les salariés qui travaillent en intérim ne sont pas les premiers servis. Il est vrai que ces entreprises de travail temporaire ont fait des progrès, notamment en matière de participation et d'intéressement,…
De formation aussi !
…mais elles éprouvent de grandes difficultés et doivent souvent rechercher leurs anciens salariés pour procéder à la répartition.
Nous prenons donc acte que tous les salariés sont concernés – nos amendements sont satisfaits de ce point de vue – et nous souhaitons que les entreprises de travail temporaire s'approprient les initiatives qui sont prises, même si nous ne les approuvons pas, ce dans un souci d'égalité entre les salariés. Il faut que ceux qui sont aujourd'hui dans la précarité – c'est le cas des salariés à travail temporaire – puissent accéder à ces rémunérations complémentaires. Au bénéfice de ces explications et de la réponse de M. le ministre, nous pouvons considérer que ces amendements sont satisfaits.
(Les amendements nos 390 à 410 sont retirés.)
Favorable.
(L'amendement n° 19 est adopté.)
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 411 à 431 .
La parole est à M. Christian Eckert.
Ce projet de loi est examiné quelques semaines avant le projet de loi de finances alors qu'il aura des conséquences fiscales non négligeables, et avant le PLFSS sur lequel il aura aussi sans doute d'énormes conséquences puisque les exonérations de cotisations sociales sont évaluées à plusieurs milliards. Vous additionnez les mesures sans fournir d'estimations fiables et multipliez les niches. Nous ne nous y retrouvons donc pas. Nous l'avons d'ailleurs bien vu tout à l'heure : la prime de 1 000 euros vient percuter celle de 1 500 euros, et vous avez dû faire de la pédagogie pour expliquer que l'une ne remplace pas l'autre. Le groupe socialiste, dont vous pouvez mesurer la sagesse, demande donc simplement que le Gouvernement établisse et transmette au Parlement une étude d'impact sur le coût budgétaire envisagé pour ce crédit d'impôt, ce avant l'examen de chaque loi de finances. Cela me semble particulièrement raisonnable et je ne comprendrais pas, monsieur le ministre, que vous ne puissiez satisfaire cette légitime demande. Nous avons souvent le sentiment en commission que majorité et opposition sont d'accord pour progresser sur ces questions.
Outre le fait que des décisions ponctuelles peuvent avoir une incidence sur le projet de loi de finances ou sur le PLFSS, il y a interpénétration entre les deux systèmes et l'on ne s'y retrouve pas toujours. Voilà pourquoi il me semble utile de défendre ces excellents amendements nos 411 à 431 , n'en déplaise à M. Karoutchi dont je viens de lire qu'il était « affligé » ! Vous voyez bien le caractère constructif de nos propositions.
Je vais vous faire une proposition. Nous allons avoir un débat similaire sur l'amendement n° 5 de la commission des finances, que va présenter Louis Giscard d'Estaing, et l'on peut avoir une vision extensive de l'évaluation, d'autant que l'impact est prévu au PLF. Le Gouvernement étant prêt à donner un avis favorable à cet amendement, vous serez alors satisfait, monsieur Eckert.
Au bénéfice de ces explications, retirez-vous vos amendements, monsieur Eckert ?
Oui, monsieur le président !
(Les amendements nos 411 à 431 sont retirés.)
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 1278 à 1299 .
La parole est à M. Alain Vidalies.
Nous abordons là les conséquences qu'aura l'utilisation de cette possibilité de versement de la prime annuelle sur les rapports entre les partenaires sociaux au sein de l'entreprise. Le projet de loi indique que c'est l'employeur qui prendra cette décision. M. le ministre a rappelé que l'article générique du code du travail obligeant à informer le comité d'entreprise, s'agissant d'une rémunération, s'appliquerait naturellement. Nous avons donc retiré nos amendements, mais ceux que je vous présente sont d'une autre nature. Ils disposent que, si cette procédure résultant de nos échanges est mise en oeuvre, une négociation, au sens des négociations sur les accords d'intéressement, devra obligatoirement être ouverte dans l'entreprise, dans les trois mois suivant l'accord ou la décision de l'employeur.
Nous sommes devant une procédure un peu exceptionnelle – elle n'est d'ailleurs pas destinée à être pérennisée – qui s'appuie sur l'accord existant, puisque c'est un préalable, et qui s'accompagne d'une information du comité d'entreprise, mais qui va aussi modifier la nature des accords existants. Nous souhaitons aller au bout de cette logique en indiquant que, dans cette situation et au terme de cette procédure, il doit y avoir une renégociation dans l'entreprise, et pas simplement une information. Il est en effet nécessaire, et important pour les partenaires sociaux, d'avoir un accord actualisé sur la question du rôle de cette prime, de sa prise en considération ou non, les années suivantes, s'agissant d'apprécier l'effort que l'employeur va consentir, et ce l'est aussi au regard du risque de substitution comme au regard de la négociation annuelle sur les salaires, qu'il importe de préserver.
Nous avons retiré les amendements présentant un caractère trop interventionniste puisque vous nous avez assuré qu'il y aurait une négociation, mais il faut aller jusqu'au bout de la logique et, après l'intervention de cette procédure un peu exceptionnelle, même assortie d'une information, il faut qu'il y ait une renégociation sur l'ensemble des paramètres pour arriver à une sorte d'accord d'intéressement actualisé.
Votre amendement évoque un « accord de participation ». Ne s'agirait-il pas plutôt d'un accord d'intéressement ?
Vous avez raison de le signaler, monsieur le ministre, il s'agit d'un accord d'intéressement, non de participation, et je rectifierai l'amendement en ce sens !
Je reviendrai cependant sur un point. Il est important que la prime que l'on décide d'accorder donne lieu ultérieurement à une discussion plus large sur les rémunérations versées par l'entreprise. Une telle décision intervient en effet de manière unilatérale. Le ministre a indiqué dans quelles formes. Mais nous voyons dans cette gratification une occasion supplémentaire d'alimenter le dialogue social au sein de l'entreprise. C'est pourquoi nous tenons à ce que, dans un délai raisonnable après le versement de la prime – nous proposons celui de trois mois, mais nous pouvons en envisager un autre –, une nouvelle négociation intervienne dans l'entreprise, qui prenne en compte cet élément nouveau. Nous avons en effet intérêt à doter les salariés d'un matériel législatif sur lesquels ils puissent s'appuyer pour défendre leur salaire.
Au reste, il peut y avoir à la fois intéressement et participation. C'est d'ailleurs ce qui nous a amenés à confondre les deux termes dans la rédaction de ces amendements. Si vous le voulez bien, monsieur le président, il faut effectivement lire : « cette négociation vise à la mise en place d'un accord d'intéressement » et non « de participation ».
S'il s'agit bien d'un accord d'intéressement et non de participation, les amendements sont satisfaits. En effet, plutôt qu'un accord signé dans les trois mois, le dispositif prévoit – je vous renvoie à la page 10 du projet de loi, article 1er, VI, alinéa 16 – que « dans les entreprises ayant conclu un accord d'intéressement, ou un avenant […], l'employeur peut verser à l'ensemble de ses salariés une prime exceptionnelle. » Un accord d'intéressement précède donc le versement de la prime.
Au bénéfice de ces explications, souhaitez-vous retirer votre amendement, monsieur Rogemont ?
Je souhaite surtout répondre au ministre. Nous avons déjà discuté de cet alinéa 16. La question est de savoir si l'accord est préalable ou non à la décision de verser la prime. En d'autres termes, le versement de la prime change-t-il la nature de l'accord initial ?
Dans le cas d'un accord d'intéressement,…
Il va de soi que nous sommes dans le cas d'un accord d'intéressement, car, dans le cas inverse, il ne peut pas y avoir de versement.
…il faut bien qu'un accord soit négocié pour que la prime soit versée !
Cela ne figure pas dans le texte. Nous aurions gagné beaucoup de temps si vous nous l'aviez dit tout de suite !
Le texte contient tout de même l'idée d'avenant.
J'enregistre ce que vous dites. Les dispositions prévues à l'alinéa 16, que vous avez citées, permettent qu'une discussion préalable au versement de la prime soit engagée avec les salariés. Dès lors que vous nous assurez que la décision de l'employeur n'est pas unilatérale, mais qu'elle a été concertée avec les représentants des salariés, dans des formes adaptées, en fonction de l'importance des entreprises, nous acceptons de retirer nos amendements.
Je vous l'assure.
Le ministre ayant confirmé ce point, les amendements nos 1278 à 1299 sont retirés.
Je suis saisi d'un amendement n° 5 .
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
Cet amendement vise à compléter le texte sur un point. L'exposé des motifs du projet de loi annonce clairement l'intention du Gouvernement d'évaluer l'efficacité du dispositif prévu par l'article 1er pour diffuser l'intéressement, particulièrement dans les petites entreprises. Une telle évaluation est d'autant plus nécessaire que, comme nous avons eu l'occasion de l'indiquer au début du débat, une étude d'impact n'a pas pu être réalisée avant la rédaction du texte.
La date butoir, pour procéder à l'évaluation, a été fixée au 30 juin 2014, soit six mois avant que prenne fin le crédit d'impôt que nous proposons de mettre en place. Cette date nous semble judicieuse pour que le Parlement puisse disposer de tous les critères d'appréciation pour se prononcer sur l'opportunité de prolonger une telle mesure fiscale.
Il serait souhaitable de donner à une telle évaluation un caractère obligatoire, en l'inscrivant dans la loi, au lieu de se contenter d'y faire référence dans l'exposé des motifs. En outre, il paraît logique de tirer toutes les conséquences de la récente révision constitutionnelle, en laissant au Parlement le soin d'organiser cette évaluation, même s'il reste possible de demander des rapports au Gouvernement, ce à quoi tendent d'ailleurs deux amendements qui seront appelés dans un instant.
Je profite de l'occasion pour remercier certains de nos collègues d'avoir cité à de multiples reprises le rapport de Gérard Cherpion et le mien. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.) J'y suis sensible. Ces mentions prouvent en effet que les rapports sont complets et qu'ils recouvrent l'ensemble des questions soulevées par ces dispositifs.
Vous me permettrez donc de proposer l'idée d'un intéressement sous forme de droits d'auteur. (Sourires.)
Avis favorable. De son côté la commission a adopté un amendement n° 22 qui prévoit, dans la logique du projet de loi, que le Gouvernement établisse un bilan de diffusion de l'intéressement dans les petites entreprises, avant de décider de reconduire ou non le dispositif. L'amendement n° 5 prend en compte l'apport de la révision constitutionnelle et complète utilement le dispositif adopté par la commission, auquel il donne un fondement juridique.
Avis favorable. Non seulement l'amendement va dans le sens de la réforme de la Constitution, mais il correspond à un engagement que nous avions pris envers Louis Giscard d'Estaing. C'est en ce sens que nous voulons travailler, en adoptant une vision assez large de l'évaluation.
Je proposerais volontiers de sous-amender cet amendement. Nous avons, en effet, accepté tout à l'heure de retirer certains amendements au motif qu'ils étaient satisfaits par l'amendement n° 5 . Mais cet amendement et les nôtres n'ont pas nécessairement le même but. Je souhaitais que nous disposions d'une évaluation du coût fiscal et social du dispositif, alors que le rapporteur pour avis, qui défend à juste titre l'amendement n° 5 , a relevé que cette évaluation serait utile pour savoir s'il y a lieu de prolonger, ou non, le dispositif. Nos objectifs ne sont donc pas les mêmes.
Si la date du 30 juin 2014 répond aux préoccupations du rapporteur pour avis, il nous semblerait excessif d'attendre 2014 pour disposer d'une évaluation portant sur le coût du dispositif. Je propose donc un sous-amendement tendant à substituer, à la date du 30 juin 2014, celle du 30 juin 2011, qui me semble ni trop proche ni trop lointaine, pour mesurer la manière dont le dispositif s'applique et dont il a évolué.
Quel est l'avis de la commission saisie pour avis sur ce sous-amendement ?
Monsieur Eckert, je vous invite à relire l'amendement n° 5 . Celui-ci propose que l'évaluation du dispositif soit organisée par le Parlement, dans les conditions définies aux articles 24, 47-2 et 48 de la Constitution, avant le 30 juin 2014, rien ne nous empêchant de décider annuellement, au moment de la loi de finances, d'évaluer le dispositif. Je considère par conséquent que le sous-amendement proposé est satisfait.
Je confirme les propos de M. Giscard d'Estaing. Rien n'empêche d'entreprendre une évaluation chaque année. Au 30 juin 2010, nous disposerons d'un bilan consolidé sur la prime exceptionnelle, ce qui nous permettra d'y voir plus clair. Mais mon voeu n'est pas d'attendre 2014 pour être pleinement informé sur le dispositif. Il importe de mesurer sa montée en puissance année après année. D'ailleurs, le montant fiscal est évalué cette année dans le PLF. Quant au montant social, il est prévu, depuis la réforme de la loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale, qu'il figure dans les annexes, puisqu'il s'agit d'une exonération de charges.
Enfin, monsieur Eckert, bien que l'évaluation soit laissée à l'initiative du Parlement, si vous souhaitez que le Gouvernement fasse une présentation consolidée, je n'y suis pas opposé.
Les précisions qui viennent d'être données par le rapporteur pour avis étaient nécessaires à la compréhension du dispositif. Une lecture un peu hâtive laissait croire, en effet, qu'aucune évaluation n'interviendrait avant 2014. Diable – mais celui-ci rien à faire dans notre hémicycle ! –, nous savons que certains d'entre nous ne seront plus dans cette enceinte à une telle date.
Pourquoi me regardez-vous en disant cela ?
Vous ne serez certainement plus au banc du Gouvernement en 2014, monsieur le ministre, cela dit sans méchanceté ! Quoi qu'il en soit, il est important que le Parlement puisse mesurer les évitements fiscaux qui sont votés à travers tel ou tel dispositif. C'est pourquoi je me rallie à la proposition de M. Giscard d'Estaing et je l'en remercie. Les dispositions évaluatives doivent en effet intervenir non seulement bien avant 2014, mais même à chaque loi de financement initiale.
Je n'ai pas compris si le rapporteur pour avis et le ministre acceptaient explicitement le sous-amendement deM. Christian Eckert. Si tel n'est pas le cas, nous restons dans le champ des bonnes paroles, et Dieu sait que le Gouvernement n'en est pas avare ! Si 2011 me semble préférable à 2014, c'est qu'il est clair que M. le ministre ne sera plus au banc du Gouvernement en 2014. À cette période, sera-t-il en train de traverser le désert ?
Que de bons sentiments à mon endroit !
Mais non, je reste très objectif ! Avant l'échéance de 2012, monsieur le ministre, il faut que vous soyez en position de rendre compte des effets nocifs de votre texte. C'est ce qui donne toute son importance au sous-amendement deM. Christian Eckert. Il est en effet dans la nature des choses que les responsables politiques rendent des comptes devant le peuple.
Il est prévu qu'un bilan intervienne chaque année !
Mais il faut que cette précision figure dans le texte, qu'elle soit gravée dans le marbre de la loi. Car on sait ce que valent vos bonnes paroles, monsieur le ministre… Vous me faites penser au sacristain de l'église de Montreuil.
C'est un compliment ?
Comme lui, vous avez toujours des paroles de consolation, mais je ne vous ai encore jamais vu procéder à la multiplication des pains et des poissons.
Ne me tentez pas ! (Sourires.)
C'est pourquoi je préfère que les dispositions auxquelles nous tenons figurent dans le texte, si du moins le rapporteur pour avis est d'accord. Mais je rappelle qu'il ne s'est toujours pas prononcé sur le sujet.
S'il s'est exprimé en faveur du sous-amendement, je suis favorable à l'amendement ; dans le cas inverse, j'y suis défavorable.
Je rejoins l'avis de Jean-Pierre Brard. Il faut que les choses soient claires. Qui peut le plus peut le moins : le rapporteur pour avis propose une évaluation avant 2014 ; 2011 nous paraît une date convenable. Je maintiens donc mon sous-amendement et je demande qu'il soit mis aux voix. Nous verrons bien s'il est adopté ou non.
Avant de procéder au scrutin, je rappelle que nous allons d'abord voter sur un sous-amendement, qui prendra le n° 1810, proposant de substituer, à la date du 30 juin 2014, celle du 30 juin 2011. Ce sous-amendement a reçu un avis défavorable de la commission saisie pour avis,…
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 1366 à 1387 .
La parole est à M. Christian Eckert.
D'abord, j'observe que, précédemment, on nous a fait retirer un amendement intéressant que nous présentions sur l'évaluation du dispositif, au motif qu'il était satisfait par l'amendement n° 5 . À l'instant, nous proposions de sous-amender ce dernier en avançant la date de remise du rapport à 2011. Finalement, on ne nous a pas donné satisfaction, et c'est quelque peu discourtois.
L'évaluation sera faite chaque année.
C'est discourtois. Après la tempête qui semblait se lever ce matin, les débats sont constructifs, nous faisons preuve d'ouverture, et M. Karoutchi n'a vraiment pas lieu d'être « affligé », comme nous l'annonce une dépêche.
L'amendement n° 1366 conforte notre rôle d'évaluation en demandant au Gouvernement, qui semblait tout à fait disposé à le faire, de nous présenter un rapport avant le 30 juin 2010. L'amendement n° 22 de la commission, qui fixe la date de remise à 2014, ne peut donc le satisfaire. On additionne des dispositifs concernant le pouvoir d'achat – nous y reviendrons encore à l'article 3 – qui ont forcément des répercussions les uns sur les autres. Nous voulons donc que le Gouvernement, dans lequel nous avons une confiance mesurée,…
Par cet amendement, il s'agit de forcer le Gouvernement à porter à la connaissance de notre assemblée les conséquences de ses décisions. J'ai bien entendu M. Giscard d'Estaing, mais il importe de savoir si l'intéressement, qui concerne particulièrement les grandes entreprises, va aussi se développer dans les PME. C'est là la vraie question. C'est un peu différent de ce que proposait M. Giscard d'Estaing. Nous ne visons qu'à améliorer le texte.
On peut sous-amender l'amendement proposé. Le ministre a dit très clairement que le Gouvernement se proposait de présenter au Parlement chaque année un rapport portant sur l'application de l'article 1er. Si l'on rectifie en ce sens, l'amendement 22 de la commission deviendra caduc. J'allais cependant, en présentant cet amendement, souligner qu'à l'occasion du rapport d'évaluation, il pourrait être opportun d'analyser divers points et par exemple, comme le propose M. Lefebvre dans son amendement n° 1787 rectifié , comment est appliqué le dividende salarial versé par l'employeur à l'ensemble de ses salariés.
Sur cette proposition de remplacer « avant le 30 juin 2010 » par « chaque année », quel est votre sentiment, monsieur Eckert ?
Je souhaite d'abord revenir sur un autre point. Mme Lagarde nous a rejoints – sans doute la tempête financière s'est-elle calmée…
Nous avons demandé à plusieurs reprises si le Gouvernement comptait introduire dans le PLFSS une taxation des revenus liés à l'intéressement. Ce point est en rapport direct avec l'article 1er. Ni hier soir, ni ce matin, nous n'avons obtenu de réponse. On parle ici ou là de 1,5 % à 2 % ; M. Bur, dans son rapport pour la mission d'information, proposait une taxe forfaitaire de 5 %. Nous n'en savons pas plus. Alors que nous parvenons à la fin de la discussion sur l'article 1er, il me paraît utile de poser à nouveau la question. À question précise, réponse précise, a dit M. Bertrand. Que le Gouvernement nous dise donc précisément quelles sont ses intentions sur la contribution sociale sur les revenus de l'intéressement.
Pour en revenir à l'amendement, la proposition de le modifier pour indiquer que le Gouvernement présentera un rapport chaque année nous convient.
Monsieur le rapporteur, vous nous aidez à sortir de la confusion, et c'est heureux. En effet, on peut toujours avancer que le ministre a tenu tel ou tel propos ; tant que ce n'est pas inscrit en toutes lettres dans le texte, c'est nul et non avenu.
Reste un problème. M. Giscard d'Estaing l'a dit, dans son langage policé – ou du moins l'a-t-il écrit dans son rapport : vous n'avez pas bien préparé ce projet. Il n'y a pas eu d'études d'impact préalables. Madame Lagarde, rappelez-vous ce qu'il en était du projet TEPA : ni étude d'impact, ni évaluation a posteriori. Le seul qui a procédé à une évaluation qui, évidemment, ne vous plaît pas car elle ne va pas dans le sens que vous souhaitez, c'est M. Séguin, le premier Président de la Cour des comptes. Selon lui, on ne peut pas dire clairement à quoi ont servi les mesures que vous avez prises dans ce projet. Gilles Carrez, rapporteur général, s'est exprimé en des termes très voisins. On ne peut pas faire confiance à vos déclarations, car elles ne font que masquer les objectifs idéologiques que vous poursuivez.
Pour ma part, je suis d'accord pour voter l'amendement modifié, si l'on retient comme formule « le Gouvernement présente au Parlement, avant le 30 juin de chaque année, …».
Non, avant le 30 juin, afin que ce rapport serve à la préparation du projet de loi de finances et qu'à cette occasion on mette en pleine lumière les conséquences de vos turpitudes.
Oui, cela va dans le sens de ce que nous avons évoqué. Mon amendement n° 5 spécifiait bien que l'évaluation du dispositif est organisée par le Parlement. M. Brard ne se sent peut-être pas concerné par la révision de la Constitution, mais pour notre part, nous voulons en voir les effets pratiques, et c'en est un.
D'autre part, les déclarations de fin d'année des entreprises étant disponibles fin janvier, il paraît plausible que le rapport d'évaluation les utilisant soit rédigé pour le 30 juin.
Sans vouloir compromettre M. Brard, le Gouvernement est favorable au sous-amendement qu'il soutient.
(Le sous-amendement n° 1811 est adopté.)
(Les amendements identiques nos 1366 à 1387 , modifiés par le sous-amendement n° 1811 , sont adoptés.)
En conséquence, l'amendement n° 22 tombe.
(L'article 1er, modifié par les amendements adoptés, est adopté.)
Rappel au règlement
J'avais cru entendre le ministre nous dire “à question précise, réponse précise”. Mais je constate une fois de plus qu'il ne m'a pas répondu alors que j'avais le sentiment qu'il s'apprêtait à le faire. Il est de bon ton de tenir ses engagements. J'ai dit que nous avions dans le Gouvernement une confiance mesurée. Elle diminue encore au fil du temps. Je répète donc ma question : Y aura-t-il taxation de l'intéressement ? Y aura-t-il une franchise, quel sera le niveau de la contribution ?
Vous le saurez bientôt.
Il est quand même incroyable qu'au moment où nous légiférons sur le doublement de la prime d'intéressement, vous ne soyez pas capable de nous dire si, dans le PLFSS, figurera une disposition sur la taxation de ces sommes qui ne sont pas négligeables.
Vous le saurez lundi.
J'attends donc votre réponse, même si vous laissez entendre qu'elle ne viendra pas ce soir.
En second lieu, nous découvrons un certain nombre d'amendements additionnels après l'article 1er, notamment un amendement de M. Lefebvre qu'il ne me semble pas avoir vu examiner lors de la réunion de la commission au titre de l'article 88, entre 14 heures et 14 heures 20. Au nom de mon groupe, je demande donc une suspension de quinze minutes pour pouvoir examiner ces amendements.
Rappel au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)
La séance est reprise.
Nous en venons à plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 1er.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 1786 , 6 et 1344 rectifié à 1365 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1344 rectifié à 1365 rectifié sont identiques.
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l'amendement n° 1786 .
Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche m'a fait beaucoup d'honneur en demandant une suspension de séance au sujet d'un amendement à la fois important et symbolique pour l'UMP.
Chacun se souvient en effet que le Président de la République avait pris l'engagement devant les Français, pendant la campagne électorale, de réformer le mode de fonctionnement des entreprises pour ce qui concerne la rémunération de leurs dirigeants – notamment celle versée aux salariés au titre de leur performance individuelle et les stock-options.
Nous avons employé la formule « stock-options pour tous » qui a été beaucoup critiquée. Il y a à peine quelques mois, je me souviens ainsi avoir assisté dans cet hémicycle à un véritable concours Lépine pour trouver la meilleure formule afin de taxer les stock-options et leur faire perdre leur intérêt. À l'époque, j'étais intervenu en commission des finances – M. Balligand peut en témoigner – pour affirmer qu'il valait mieux rendre accessibles à tous les salariés les stock-options et les rémunérations liées à la performance, plutôt que de chercher à tout prix à les supprimer.
C'est l'objet de l'amendement n° 1786 , qui propose d'instaurer un système de rémunération « donnant-donnant » entre la rémunération variable octroyée aux dirigeants des entreprises et celle versée aux salariés au titre de leur performance individuelle. Il s'agit de conditionner tout octroi de bonus, de stock-options ou d'autres formes de rémunération variable aux dirigeants à la distribution de l'intéressement à l'ensemble des salariés.
Nous pouvons, je crois, nous mettre d'accord, les uns et les autres, sur ce sujet.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement n° 6 .
Je vais laisser M. Balligand défendre l'amendement n° 6 , adopté par la commission des finances à son initiative.
Deux points méritent toutefois de retenir notre attention et d'être précisés : l'un concerne le périmètre du champ des rémunérations concernées – qu'il faut comparer à celui retenu par l'amendement de M. Lefebvre –, l'autre l'application du dispositif aux seules entreprises créées depuis moins de cinq ans.
Depuis cinq ans, nous déposons un amendement similaire que j'avais donc déjà tenté de faire adopter, lors de la précédente législature, à plusieurs occasions.
À l'époque, plusieurs collègues avaient bien voulu considérer que l'idée n'était pas totalement idiote. Ce fut même le cas de certains députés de droite, RPR ou UDF – c'était avant la naissance de l'UMP et l'éclosion de M. Lefebvre comme parlementaire ! Cependant, nous n'avions jamais réussi à faire voter le dispositif proposé aujourd'hui par l'amendement n° 6 .
L'air du temps et les pratiques qui ont cours dans les entreprises auront probablement interpellé un certain nombre de nos collègues.
Le champ de l'amendement que nous avions déposé en commission était beaucoup plus large, mais Mme Grosskost, qui a participé à la discussion, a souhaité le restreindre pour tenir compte des pratiques des mandataires sociaux.
L'amendement tel qu'il a été adopté par la commission vise donc à conditionner la distribution de stock-options dans l'entreprise à la conclusion préalable d'un accord d'intéressement concernant tous les salariés. Compte tenu de ce qui se passe dans ce domaine, on ne peut pas dire que cet amendement soit révolutionnaire : il faudrait faire beaucoup plus. Il s'agit simplement d'un amendement moralisateur, qui a pour objet de permettre à tous les salariés de profiter de la prospérité de l'entreprise via l'accord d'intéressement et son renouvellement, en subordonnant à la conclusion d'un tel accord la distribution de stock-options, lesquelles obéissent d'ailleurs à un autre dispositif.
Cet amendement est donc le résultat du compromis auquel nous avons abouti au sein de la commission des finances, et je tenais à en rappeler la genèse. Encore une fois, il s'agit d'un amendement de moralisation. Si nous pouvons aller plus loin ce soir, tant mieux ; le ministre nous le dira. Mais, je le répète, nous avons accepté de restreindre le champ de notre amendement pour qu'il puisse être adopté par la commission et qu'au moins les stock-options entrent dans ce premier dispositif.
Il ne s'agit pas, ici, de discuter du bien-fondé des stock-options ; c'est un débat d'une autre nature. Nous sommes d'ailleurs un certain nombre à considérer qu'elles devraient retrouver leur fonction originelle et être réservées aux jeunes entreprises, où la rémunération immédiate est impossible et dans lesquelles les chefs d'entreprise ont investi, au lieu de servir à verser des rémunérations démesurées à des personnes embauchées dans des entreprises anciennes. Mais nous aurons ce débat de fond à une autre occasion.
Néanmoins, les amendements en discussion sont importants, car ils ont pour objet d'établir un lien entre l'intéressement et ces formes de rémunération, qui posent problème à beaucoup de nos concitoyens. M. Balligand a rappelé la genèse du débat qui a eu lieu en commission des finances et qui a abouti à l'adoption de l'amendement n° 6 . Le champ d'application de l'amendement de M. Lefebvre est, quant à lui, plus large, puisque les modes de rémunération visés ne se limitent pas aux stock-options. Sa rédaction nous paraît donc préférable.
Toutefois, je m'interroge sur le choix technique de M. Lefebvre. Tout d'abord, je ne suis pas certain qu'insérer cet amendement après le 2° de l'article L. 3311-1, qui définit le champ d'application de l'intéressement, soit la meilleure solution. Par ailleurs, dans le premier alinéa de son amendement, M. Lefebvre limite le dispositif aux entreprises de plus de cinquante salariés, c'est-à-dire celles qui sont soumises à la participation, et cela me semble logique. En revanche, l'expression : « dès lors qu'un accord visé au premier alinéa n'aura pas été conclu » me paraît nuire à la compréhension de l'amendement. Il serait, me semble-t-il, préférable de la remplacer par les mots : « dès lors qu'un accord visé à l'article L. 3312-2 n'aura pas été conclu », dans la mesure où, si j'ai bien compris, vous visez les accords d'intéressement.
Sous cette réserve, nous serions prêts à voter l'amendement n° 1786 , puisque son champ d'application est plus large que celui de nos amendements et qu'il partage le même objectif que celui que nous avions déposé, à l'origine, en commission des finances.
Ces amendements proposent une modalité d'établissement d'un lien entre intéressement et stock-options.
Or il a semblé à la commission que ces deux sujets devaient rester distincts, en tout cas à ce stade. Elle a donc repoussé l'ensemble de ces amendements.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Il me semble que la logique dans laquelle s'inscrivent ces amendements conforte un système qui n'est pas bon – je pense à la manière dont les stock-options sont organisées.
Je suis d'accord avec vous : parlons plutôt d'options.
Peut-être est-ce là l'occasion de mener une réflexion qui permettrait de prendre en compte, non pas l'intéressement, mais l'actionnariat salarié. En effet, dès lors qu'il s'agit d'options ouvrant droit à la souscription d'actions, le parallélisme des formes exige que, pour récompenser les salariés d'une entreprise structurée par actions, on recoure à l'actionnariat salarié plutôt qu'à l'intéressement. Mais c'est une réflexion que je fais à voix haute, n'ayant pas participé à la réunion de la commission des finances.
En tout état de cause, il me paraît compliqué de proposer, comme le font ces amendements, de brancher un système sur l'autre. Non seulement on conforterait ainsi un système – celui des options – dont chacun estime qu'il est mal organisé, mais on le connecterait à un autre dispositif, celui de l'intéressement. Si nous voulons véritablement faire oeuvre positive, il me semble que nous devons remettre ce débat à plus tard. Nous pourrions, par exemple, créer une mission d'information,…
…qui permettrait à la commission des finances de faire des propositions. En tout état de cause, je ne pense pas que nous puissions prendre, ce soir, une décision dans ce domaine. Je souhaite donc le rejet de ces amendements qui, encore une fois, s'inscrivent dans une logique qui ne me semble pas la bonne pour l'avenir.
Ces amendements m'intéressent, car la question de la rémunération des dirigeants d'entreprise intéresse tous les Français, à un moment où le capitalisme doit être remis sur ses pieds.
Il doit, bien évidemment, y avoir une régulation ; le rôle de l'État, ça compte. Les choses ne peuvent pas continuer ainsi. L'actualité financière le démontre, mais ce sujet avait déjà été abordé lors de la campagne présidentielle par le Président de la République, et nous n'avons pas oublié ce qui a été dit l'an dernier.
Permettez-moi de vous rappeler les dispositions de la loi TEPA concernant les parachutes dorés et la taxation des stock-options dans le PLFSS pour 2008. Mais cela ne va pas assez loin, et ces mesures doivent être complétées. Se posent en effet également la question des accessoires de rémunération, celle des parachutes dorés, celle des retraites chapeau et celle du cumul des fonctions de mandataires sociaux avec des contrats de travail.
Encore faut-il définir une méthode. Nous avons clairement indiqué aux responsables patronaux que s'ils ne réglaient pas, enfin, ces problèmes, nous le ferions nous-mêmes. Actuellement, la commission « éthique » du MEDEF se réunit chaque semaine.
Des propositions doivent être faites prochainement. Soit elles conviennent, et chacun les assumera. Soit elles ne conviennent pas, et il sera de notre responsabilité politique d'agir. Et, croyez-moi, vous n'attendrez pas cinq ans, monsieur Balligand. Je pense que vous n'attendrez même pas cinq semaines pour connaître les propositions qui seront faites et ce que nous déciderons.
Les stock-options doivent obéir à trois critères : la performance – que l'on profite de la réussite de son entreprise ne me dérange pas : l'honneur d'un chef d'entreprise est de prendre des risques, mais il doit aussi les assumer –, la transparence et la démocratisation. Sur ce dernier point, vos amendements m'intéressent. Mais une question se pose : faut-il opter pour des stock-options pour tous, pour des attributions d'actions gratuites ou pour un plan d'intéressement ? Honnêtement, je n'ai pas la réponse ce soir. En effet, je ne suis pas certain que des options pour tous conviennent dès lors que les salariés n'ont pas forcément le même niveau d'attachement au management de l'entreprise. En revanche, la démocratisation doit s'imposer dans toutes les entreprises.
Je ne sais donc pas, ce soir, lequel des amendements proposés choisir. J'ai besoin de savoir comment les responsables patronaux entendent prendre leurs responsabilités, quelles mesures ils proposent et la manière dont ils s'assureront qu'elles seront respectées.
Je veux dire à M. Balligand, à M. Giscard d'Estaing, au président Ollier et à M. Lefebvre, que, sur ce sujet, nous ne cherchons pas à gagner du temps : tout cela n'a que trop duré. Mais il nous faut prendre les bonnes décisions et entendre les responsables patronaux le plus vite possible, pour que cela aille le plus loin possible. C'est ainsi que nous continuerons à réconcilier les Français avec la réussite, avec la valeur travail et avec l'entreprise. J'aime les chefs d'entreprise qui s'augmentent lorsqu'ils augmentent également leurs salariés, car je crois à l'exemplarité. Sur tous ces sujets, il nous faut, enfin, avancer.
Encore une fois, ce débat est intéressant et il doit être mené sans tarder, mais ces amendements sont prématurés, car ils ne vont pas dans le sens de la responsabilisation des dirigeants patronaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Dire de Xavier Bertrand qu'il est habile, c'est quasiment un pléonasme ! Je pourrais comprendre, monsieur le ministre, que vous jugiez le dispositif trop complexe si son champ d'application était plus large. Mais le projet de loi propose bien la généralisation de l'intéressement, voire l'alignement de la participation sur celui-ci.
L'amendement adopté par la commission des finances vise à moraliser les pratiques, en proposant, si l'intéressement doit être généralisé, que les options ouvrant droit à actions, c'est-à-dire les stock-options, soient assujetties à la conclusion préalable d'un accord d'intéressement dans l'entreprise. C'est le minimum minimorum, puisque nous avions proposé, au départ, une mesure plus large. Ce n'est pas cette disposition qui va modifier la réflexion du MEDEF. Cet amendement est d'une modestie sans nom.
Sur le fond, vous pensez peut-être que le capitalisme est encore capable de s'autoréguler. L'autorégulation, c'est le maître mot de l'ultralibéralisme depuis Mme Thatcher et M. Reagan. Cela fait trente ans qu'on nous fait entendre cette musique qu'il n'est pas question que le pouvoir politique régule, que les entreprises sont assez grandes pour faire elles-mêmes la police sur ces questions. M. Bébéar a écrit des choses formidables qui, pour un grand nombre d'entre vous, ont constitué une bible.
Le résultat est foudroyant pour le monde de la banque, y compris de la nôtre – parce que Tchernobyl ne s'arrête pas à Wall Street –, pour AIG, Lehman Brothers etc. Il faut arrêter !
Si le pouvoir politique n'est pas capable, par des actes symboliques, ridicules en termes d'impact mais susceptibles au moins d'éclairer la décision et l'orientation, de dire qu'on ne distribue pas de stock-options dans les entreprises sans un accord préalable sur l'intéressement, si la représentation nationale, alors qu'un tel dispositif a été voté en commission des finances – et nous n'étions pas cinq ou six, UMP comme Nouveau Centre et socialistes et communistes –, n'est pas capable d'envoyer un message, y compris au monde de l'entreprise, pour lui dire de ne pas exagérer, vous pourrez faire toutes la gymnastique que vous voulez, on ne légiférera jamais sérieusement sur ces questions.
Nous avons un débat particulièrement intéressant et je suis d'accord à peu près sur tous les points avec ce que vous venez de dire, monsieur Balligand, notamment qu'il est indispensable de moraliser le capitalisme. Et le Président de la République, qui s'exprimait à l'ONU, vient de faire des déclarations importantes en demandant qu'il y ait une réunion des chefs d'État. Je suis donc tout à fait d'accord sur le fait que nous devons nous arrêter un moment sur cette question.
Cela dit, dans les propos que vous venez de tenir, avec le talent que l'on vous connaît, il y avait une contradiction : on ne peut pas dire en même temps que le moment est important et qu'il faut moraliser, et retenir la solution minimale.
L'intéressement et les actions gratuites pour les salariés, c'est une partie de la question mais, si l'on s'intéresse à la seconde et aux stock-options, il faut regarder les autres formes de rémunération et de bonus. C'est là où il y a un vrai sujet majeur. Si l'on se fait plaisir une fois de plus mais que l'on se limite à l'une des formes de rémunération ou de bonus, on aura le sentiment d'avoir réglé le problème et on fera de l'affichage mais on passera à côté de ce qu'on veut faire.
Selon moi, il y a deux solutions. Soit nous arrivons à nous mettre d'accord sur une forme la plus large possible, soit nous prenons la décision de nous retrouver dans les semaines qui viennent. Il y a suffisamment de textes, y compris financiers, qui vont très rapidement venir en discussion pour que nous puissions avoir la certitude que le débat pourra aboutir. Mais il faut que le ministre nous confirme que l'idée est bien de regarder, du côté des salariés, les différents supports mais aussi, du côté des dirigeants, les différentes rémunérations.
Ce que je ne veux pas en tout cas, c'est qu'on envoie le signal qu'on bricole quelque chose et qu'on pense avoir réglé le problème alors qu'on passe à côté.
Il ne faut pas se tromper de débat. Nous sommes en plein dans le texte, qui porte sur l'intéressement.
M. Lefebvre ne propose pas de faire la révolution, il ne discute pas du nombre de stock-options distribuées, du nombre de bonus attribués, du régime fiscal de ces rémunérations complémentaires, du fait de savoir s'il y a taxation et contributions sociales ou pas, il ne dit pas si elles seront versées en actions ou en numéraire ou placées sur un compte bloqué. Son amendement, je le répète, n'est pas révolutionnaire. Il dit simplement que, s'il n'y a pas d'accord d'intéressement, il ne peut pas y avoir de bonus ou de stock-options.
Nous ne pouvons qu'être d'accord avec cet amendement qui n'obère en rien la capacité de notre assemblée à se prononcer dans un prochain texte sur des questions au moins aussi importantes comme celles de savoir comment sont répartis les bonus, qui peut les toucher, comment ils sont fiscalement considérés, s'ils sont assujettis à contributions sociales ou autres. Ce sont des questions que nous avons évidemment présentes à l'esprit mais, si nous les avions évoquées, vous nous auriez dit qu'elles n'avaient pas leur place dans ce texte et nous aurions compris.
En l'occurrence, il s'agit de parler de l'intéressement. M. Lefebvre propose que, s'il n'y a pas d'accord d'intéressement, il ne puisse pas y avoir de rémunération complémentaire pour les mandataires sociaux. Cela me paraît constituer un pas en avant. Nous pouvons faire un cadeau à la majorité, qui pourra se prévaloir d'avoir fait adopter par notre assemblée, peut-être même à l'unanimité, une première mesure même si ce n'est peut-être qu'une mesurette par rapport à tout le travail qui reste à faire sur les thématiques que je viens d'évoquer et que nous souhaiterions voir aborder dans un prochain texte.
Je suis donc prêt à reprendre l'amendement de M. Lefebvre, si tant est qu'il l'abandonne, ou à le soutenir, à condition qu'on le rectifie comme l'a demandé tout à l'heure Alain Vidalies afin que la rédaction ne soit pas bancale. Je crois que tout le monde était d'accord.
Franchement, nous avons là une opportunité intéressante de faire un petit pas en avant, sachant que nous mesurons tous le travail qui reste à faire.
Ce que vient de dire au nom de notre groupe M. Eckert est très clair et important à ce moment du débat.
C'est vrai que l'on nous répond toujours que l'on veut traiter le problème dans sa globalité, ce qui est tout de même, monsieur le ministre, on le sait bien, la façon générale de toujours renvoyer à demain les travaux qu'il est possible de faire aujourd'hui.
Nous avions déposé des amendements. M. Lefebvre en a déposé un qui a le mérite de la clarté et qui, surtout, permet de faire un lien, politique, surtout par les temps qui courent, entre le mécanisme de l'intéressement, c'est-à-dire une forme de rémunération spécifique dans l'entreprise avec un accord, et les errements, que de nombreux Français trouvent choquants, à propos des stock-options et autres formes de rémunération.
Je ne veux pas entrer dans le fond du débat, mais l'étude du cabinet Hay Group qui a été remise en juin 2007 sur les formes de rémunération dans les entreprises françaises est tout de même assez édifiante sur l'importance comparative de ces formes de rémunération. La France se situe au premier rang en pourcentage pour les mandataires sociaux par rapport aux autres pays. Il y a donc non seulement une situation globale mais également une situation spécifiquement française. J'ai ici les conclusions de ce rapport, nous en avions déjà débattu à l'époque.
Je n'en ai jamais débattu. C'est la première fois que j'en parle !
J'ai retrouvé les notes. Votre réponse à l'époque, qui était peut-être justifiée puisque le document venait d'être déposé, était exactement la même que celle que vous nous faites aujourd'hui.
L'amendement de M. Lefebvre a le mérite d'être clair et de faire au moins un lien entre les deux modes de rémunération, ce qui n'a jamais été fait. Sous réserve de la rectification technique que je vous propose, je crois qu'il serait utile et intéressant de mettre de côté ce qui peut nous opposer sur l'approche fiscale et de faire au moins ce lien. Vous êtes la majorité, cet amendement vient de vos rangs, nous sommes prêts à le soutenir.
Nous, nous sommes des adeptes du renforcement du pouvoir des salariés dans les entreprises, aussi bien pour le partage des richesses créées dans le travail que pour les choix qui doivent être faits dans les entreprises. Il faut bien dire que nous en sommes aujourd'hui à la préhistoire de ce qui est pourtant nécessaire.
Jean-Pierre Balligand se rappellera certainement la discussion qu'il y eut du temps du gouvernement Jospin sur l'épargne salariale, avec un travail méticuleux, difficile, avec les organisations syndicales.
Qu'ont fait les gouvernements depuis 2002 ? Ils ont vidé l'épargne salariale de son contenu. Pourquoi ?
Jean Jaurès, que le Président de la République cite souvent, certainement sans l'avoir lu, disait dans La Dépêche de Toulouse, le 11 novembre 1888 – vous allez voir l'actualité, la modernité, comme diraient les jargonneux, de Jaurès – : « Il y a la haute finance et la haute banque, qui veulent pouvoir à leur aise dévorer l'épargne, piller et rançonner le travail, et qui essaient de se sauver à la fois par la réaction, qui abaisse le travail, et par la corruption, qui abaisse les consciences. » Cela reste d'une cruelle actualité.
Tout à l'heure, M. Bertrand parlait du comité d'éthique du MEDEF. C'est à mourir de rire : comme si « éthique » et « MEDEF » pouvaient cohabiter ! C'est par nature contradictoire, les marxistes parleraient même d'une contradiction antagonique.
Il nous parlait aussi de la rémunération des dirigeants. Je pense que, dans les cocktails en ville, c'est un sujet de plaisanterie. Je vous vois bien, monsieur Bertrand, disserter sur ce que vous allez dire ou ce que vous avez dit à l'Assemblée nationale, en finissant par ce commentaire : on amuse la galerie avec tout ça mais, rassurez-vous, dormez tranquilles, on n'a rien fait et on ne fera rien.
Vous parliez également de la loi TEPA et des parachutes dorés, mais vous avez oublié de parler du bouclier fiscal. Votre loi était évidemment totalement immorale.
Nous avons donc des discours lénifiants, mais n'oublions pas M. Forgeard, Mme Russo, M. Tchuruk, après M. Bon, M. Messier et M. Ghosn, qui, en ce moment, gagne d'autant plus qu'il supprime des emplois et hypothèque l'avenir de l'entreprise.
Évidemment, vous ne faites rien ! Or, vous pourriez faire quelque chose, puisque l'État possède une partie du capital.
Quant à moraliser le capitalisme, on aura décidément tout entendu ! Je vois bien Nicolas Sarkozy essayer de moraliser Bouygues et Bolloré ! Ou bien il a des talents de magicien que je ne lui connaissais pas et une conviction enfouie au fond de son être qu'il ignorait certainement lui-même, ou bien on est encore dans le théâtre.
Ce que nous souhaitons, c'est une augmentation du salaire direct négociée collectivement ainsi que davantage de pouvoir pour les salariés dans les entreprises – y compris dans les conseils d'administration –, tant sur la question des rémunérations que sur les choix de gestion. Vos propositions sont à des années lumière de cela !
Tout ce qui moralise ne fût-ce qu'un peu est toujours bon à prendre. Que M. Lefebvre ait copié une proposition de M. Balligand en la présentant comme étant UMP pour se donner un cachet social, ne change rien à l'affaire. M. Lefebvre, qui est tenancier d'un magasin de farces et attrapes, (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR) ne saurait tromper personne !
Sur le vote des amendements nos 1786 , 6 et 1344 à 1365 rectifié , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Bien que nous ayons déjà beaucoup échangé sur ces questions, je donnerai encore la parole à M. Rogemont et à Mme Grosskost.
La parole est à M. Marcel Rogemont.
Je le serai.
M. Balligand et les membres du groupe socialiste avaient soumis à la commission des finances un amendement que la commission a souhaité amender et qu'elle présente aujourd'hui sous une forme très différente, avec l'amendement n° 6 , qui ne concerne que les options ouvrant droit à la souscription d'actions. La proposition de M. Balligand visait, quant à elle, à ratisser large, en portant sur l'ensemble des dispositifs d'intéressement.
Je suis un peu inquiet car, alors que nous essayons de nous rejoindre sur un amendement commun, le ministre a fait une réponse dilatoire. Nous ne pouvons accepter de suspendre notre vote au prétexte que, demain, des propositions seraient éventuellement formulées au sujet des options ouvrant droit à la souscription d'actions.
Nous pouvons peut-être attendre du MEDEF de telles propositions. Convenons cependant qu'alors même que l'affaire Vinci remonte déjà à plusieurs années de cela, rien n'a été fait sur la question des rémunérations excessives des dirigeants d'entreprise, dans les cas, surtout, où ces entreprises enregistrent des pertes.
Il convient, selon moi, de voter la proposition de M. Balligand, telle que reprise par M. Lefebvre, parce que c'est celle qui ratisse le plus large en prenant en compte la totalité des rémunérations variables. Ce n'est que par défaut que nous voterions les autres amendements.
Je serai très pragmatique. La commission des finances s'est opposée à l'amendement de M. Balligand, repris à présent par M. Lefebvre, pour des raisons très pratiques. Ce texte évoque toutes les « formes de rémunération variable au profit des mandataires sociaux ». Savez-vous comment est fixée la rémunération des mandataires sociaux dans les entreprises, quelle que soit la taille de celles-ci ? Puisqu'il a été question de la moralisation du capitalisme, sachez que la rémunération d'un dirigeant d'entreprise comporte une partie fixe, qui peut être très faible, et une partie variable, basée sur la performance.
L'amendement ôterait toute possibilité à un chef d'entreprise – encore une fois, quelle que soit la taille de celle-ci – de s'octroyer une rémunération fixe de faible ampleur en la complétant sur les bénéfices qu'il permet à l'entreprise de réaliser. Laissons la porte ouverte à une rémunération modulée de cette sorte !
Je rejoindrai cependant la position du ministre : nous avons peut-être agi de manière un peu précipitée. Puisque nous souhaitons aller plus loin que la proposition de la commission des finances, prenons le temps de réfléchir à une formule qui nous le permettrait.
On voit que le débat n'est pas si simple, et je remercie le groupe socialiste car un vote à l'unanimité sur ce sujet serait un moment important.
En même temps, je suis sensible à ce qu'ont dit les uns et les autres. J'ai bien compris que le président Ollier posait la question en insistant davantage sur les salariés et l'intéressement, mais le débat ne se situe pas seulement sur ce versant.
Le texte sur lequel la commission des finances a abouti n'est pas suffisant, car nous savons parfaitement qu'il existe de nombreuses formes de bonus, et en limitant le dispositif aux seules stock-options, nous ferions croire que nous réglons la question, alors que tel ne serait pas le cas.
Dès lors, à partir du moment où le ministre nous assure d'un proche rendez-vous, il me paraîtrait plus raisonnable que nous cherchions à mener un véritable travail législatif pour aboutir à la solution la plus équilibrée. C'est la raison pour laquelle je retire l'amendement, compte tenu de l'engagement du ministre.
Il suffit que les socialistes soient d'accord pour que l'amendement soit retiré !
Après avoir tâtonné plusieurs heures, nous avançons dans ce débat, puisque nous parvenons à un consensus sur une question qui est, depuis des années, extrêmement sensible. L'amendement dit « de M. Lefebvre » n'est pas seulement de notre collègue, mais aussi d'une partie de l'opposition et de l'ensemble de l'UMP. Cependant, après avoir écouté le ministre, je pense que le voter ne serait pas, en l'état actuel, de bonne méthode.
Tout d'abord, la question est plus complexe que ce que l'amendement laisse croire. En outre, le ministre a fixé un délai de cinq semaines pour laisser le temps au MEDEF de formuler des propositions. M. Balligand a dit tout à l'heure que la question était en débat depuis des années ; il ne s'agit plus à présent que de quelques semaines. À défaut de propositions à ce terme, l'Assemblée légifèrera, mais il faut se donner le temps de traiter le fond du sujet.
Ce délai représente une pression très forte pour que des propositions sortent. Si cela ne se produit pas, la majorité saura prendre ses responsabilités. Le moment n'est donc pas venu, mais il est très proche ; c'est en tout cas le souhait de la majorité UMP dans son ensemble.
Monsieur Balligand, pour vous dire les choses en toute franchise, je pense que votre amendement ne va pas assez loin. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)
Aujourd'hui, les start-up n'ont ni la vitalité ni l'actualité qu'elles avaient il y a quelques années. Ce sont donc les très grosses entreprises, dans lesquelles il existe des accords d'intéressement, qui distribuent des stock-options. Or votre amendement ne vise pas les attributions d'options gratuites, parce qu'on est sur l'accord d'intéressement. La logique des plans d'épargne d'entreprise n'est pas non plus prévue à proprement parler. Comme l'ont dit Mme Grosskost et MM. Lefebvre et Cornut-Gentille, nous ne connaissons pas aujourd'hui la solution qui permette d'aller suffisamment loin.
Monsieur Eckert, je vous remercie de la franchise dont vous avez fait preuve lorsque vous avez dit que cet amendement était un petit pas en avant. En réalité, si nous l'adoptons, le dossier sera clos, et nous n'y reviendrons pas !
Dans ce cas, lâchez l'amendement ! Nous avons pris un engagement solennel, parce que, sur ce sujet, nous ne pouvons plus nous contenter de grandes déclarations, des acteurs politiques comme patronaux. C'est une exigence morale : il est de l'intérêt de tous que le capitalisme soit remis sur ses jambes. Ne refermons pas un dossier comme celui-ci avec un seul amendement ! C'est pourquoi je salue la sagesse de M. Lefebvre. Je peux vous garantir que vous n'aurez pas à attendre encore longtemps.
La parole est à M. Christian Eckert, à qui je demanderai de bien vouloir être bref, car l'Assemblée est à présent suffisamment éclairée.
Je serai bref, monsieur le président, mais au moment où je me suis exprimé tout à l'heure, M. Lefebvre n'avait pas encore décidé de retirer courageusement son amendement ! J'avais indiqué que, dans une telle hypothèse, j'étais prêt à reprendre l'amendement, dont je rappelle qu'il provient d'une proposition de M. Balligand. Je le reprends donc.
Le ministre essaie, avec son habileté coutumière, de retourner le problème. Cet amendement n'interdit pas les stock-options ou les bonus ; il dispose que le versement de telles rémunérations doit avoir pour préalable un accord d'intéressement. Les seules entreprises visées sont celles assujetties à l'obligation de la participation. Je serais d'ailleurs curieux de savoir combien sont concernées. Elles sont probablement assez peu nombreuses, puisqu'il s'agit d'entreprises de grosse taille, qui possèdent déjà, pour la plupart, un régime d'intéressement.
Nous dire qu'adopter l'amendement no 1786 refermerait le dossier, cela revient à considérer que l'on ne bougera jamais. Pourtant, j'ai bien signalé que les rémunérations variables ou complémentaires destinées aux mandataires sociaux soulevaient un paquet de problèmes. C'est donc pourquoi je reprends cet amendement auquel, je pense, tout le monde est favorable. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas faire un pas aujourd'hui, sachant évidemment qu'il nous reste beaucoup d'étapes à franchir.
Nous allons maintenant procéder au premier des scrutins qui ont été annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 1786 , compte tenu de la rectification proposée par M. Alain Vidalies.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 110
Nombre de suffrages exprimés 106
Majorité absolue 54
Pour l'adoption 20
Contre 86
(L'amendement n° 1786 est rejeté.)
Nous allons maintenant procéder au deuxième des scrutins précédemment annoncés.
Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 6 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 112
Nombre de suffrages exprimés 109
Majorité absolue 55
Pour l'adoption 22
Contre 87
(L'amendement n° 6 est rejeté.)
Enfin, nous allons procéder au troisième des scrutins précédemment annoncés.
Je vais donc mettre aux voix les amendements identiques n°s 1344 à 1365 rectifié .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 113
Nombre de suffrages exprimés 110
Majorité absolue 56
Pour l'adoption 22
Contre 88
(Les amendements identiques nos 1344 à 1365 rectifié sont rejetés.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi en faveur des revenus du travail.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma