La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
Hier soir, l'Assemblée s'est arrêtée après l'examen de l'article 8 et a adopté l'ensemble de la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
Nous abordons l'examen de la troisième partie du projet de loi, concernant les dispositions relatives aux recettes et à l'équilibre général pour 2009.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 9.
La parole est à M. Jean-Luc Préel.
Madame la présidente, monsieur le ministre du budget, madame la ministre de la santé, mes chers collègues, l'article 9 traite des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses pour les quatre prochaines années 2009-2012.
Cet exercice de prévision est nécessaire pour se fixer des objectifs, c'est l'un des apports importants de la nouvelle loi organique. Toutefois comme l'a dit un humoriste : « Il n'y a rien de plus difficile que de prévoir l'avenir ». (Sourires.) Cela est d'autant plus vrai, aujourd'hui, compte tenu de la crise économique, nous sommes en plein brouillard.
Les hypothèses d'augmentation de l'ONDAM à 3,3 % et de l'inflation à 2 %, puis 1,75 %, peuvent être considérées comme réalistes et sérieuses. En revanche, les hypothèses de croissance – 1 % en 2009, puis 2,5 % à partir de 2010 – et de la masse salariale – 3,5 % en 2009 et 4,6 % à partir de 2010 – sont sans doute malheureusement optimistes. Or elles conditionnent les recettes, puisque 1 % de la masse salariale équivaut à 2 milliards de recettes.
Sur ces bases, le régime général serait équilibré en 2012, mais l'ensemble des régimes obligatoires de base présenterait encore un déficit de 1,7 milliard. Le déficit cumulé 2009-2012 se monterait à 22,6 milliards, qu'il faudra bien financer en augmentant les recettes de la CADES et certainement, à mon avis, le CRDS.
Je souhaite bien entendu que les données concernant les recettes se réalisent – ce serait un très bon signe pour notre économie et pour le pays – et que nous allions vers l'équilibre des comptes de la branche vieillesse et de la branche maladie. Cependant nous n'y arriverons qu'en responsabilisant les acteurs, certes par un effort de pédagogie, mais, surtout, en les associant à la gestion d'un régime universel de retraite par point et dans des conseils régionaux de santé gérant des ORDAM.
La parole est à M. Gérard Bapt.
Je pense qu'il est inutile de trop insister sur les propos très justes tenus par M. Préel sur le caractère aléatoire des prévisions inscrites avant le déclenchement de la crise du capitalisme financier.
Auparavant, elles étaient déjà aléatoires. Mme la ministre de l'économie avait reconnu que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 devait être adopté pour les dépenses, car on n'y dérogerait pas et que l'on reverrait ensuite, courant novembre, les équilibres et peut-être les recettes.
Monsieur le ministre, vous expliquiez récemment dans Le Quotidien du médecin – journal très ciblé – que, s'il fallait resserrer toutes les vis pour les dépenses, il n'y aurait pas, pour les recettes, de nouvelles pistes dans la situation actuelle.
Certes, nous comprenons qu'il serait difficile d'alourdir la CSG et la CRDS par les temps qui courent, même si vous en remettrez une petite louche, en 2009, pour les retraites. En revanche d'autres pistes de recettes sont possibles. Nous les avons recensées et les avons indiquées au cours de la discussion générale.
Nous pouvons faire plus sur les niches sociales, commencer à diminuer la charge de l'État en ce qui concerne les allégements généraux de cotisations sociales je pense à la tranche entre 1,5 et 1,6 fois le SMIC ; lutter contre la fraude, non en nous astreignant à rechercher la petite fraude, mais en considérant, par exemple pour la branche ATMP, le côté abusif des pertes infligées à notre protection sociale par les cabinets conseils, qui prélèvent 30 à 50 % d'honoraires, soit 200 millions d'euros pour chasser les contentieux.
Monsieur le ministre, vous nous reprochez de ne pas faire de propositions, mais nous aurons l'occasion d'en présenter au cours de l'examen des articles sur le chapitre des recettes.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
Monsieur le ministre, par cet article, vous nous demandez d'approuver les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche pour les quatre prochaines années de 2009 à 2012. C'est un exercice complexe et, dans la situation actuelle, il nous est impossible de soutenir ce que vous nous proposez. Force est de constater que les prédictions – je n'ose même pas parler de prévisions – sur lesquelles se fonde ce rapport ne sont absolument pas crédibles. Je me demande si vous y croyez vous-même.
Ainsi, vous prévoyez un taux d'inflation de 2 % pour 2009, puis 1,75 % par an jusqu'à 2012, alors qu'il a atteint 3 % lors des douze derniers mois et que la BCE s'apprête à baisser les taux directeurs.
Dans le monde que vous décrivez, le taux de croissance devrait atteindre 1 % en 2009, puis 2,5 % par an jusqu'en 2012, alors que l'on entre dans une phase de récession qui pourrait durer plusieurs années.
Vous allez jusqu'à parier sur une baisse du chômage pour diminuer les cotisations, en en transférant une part vers l'assurance vieillesse, alors que le chômage repart à la hausse, tout le monde le sait.
Le rebond de croissance que vous espérez dès 2010 repose – je cite le rapport – sur « l'hypothèse d'un retour de l'environnement international sur un sentier de croissance moyen ». Il est loin le temps où le Président de la République prétendait « aller chercher la croissance avec les dents », en s'appuyant sur la loi TEPA.
Vous en êtes finalement réduits à vous soumettre aux aléas dus aux diverses causes extérieures, ce qui confirme l'inutilité du fameux paquet fiscal, qui devait nous sortir de l'ornière.
Quant à la prévision d'une assurance-maladie excédentaire en 2012, elle a, à nos yeux, la même crédibilité que la promesse, formulée en son temps par M. Douste-Blazy, d'un retour à l'équilibre en 2007, d'autant que, pour résoudre ce déficit structurel résultant d'un manque de recettes, vous vous en tenez à des mesures conjoncturelles.
J'ai lu également le journal cité par M. Bapt et j'ai noté avec surprise que vous n'étiez pas en quête de nouvelles recettes. Vous précisiez que vous vous réserviez la possibilité de prendre, au fil de l'eau, toutes les mesures d'ajustement nécessaires pour tenir votre objectif de rétablissement de l'équilibre, ce qui, vous en conviendrez, relativise singulièrement l'intérêt des débats et des décisions que nous prenons.
Pour résumer : il n'y a aucune nouvelle recette, un déficit qui, du fait des prévisions irréalistes, ne manquera pas de s'aggraver. Pour y remédier, vous ne prévoyez finalement pas grand-chose, si ce n'est des mesures autoritaires prises par-dessus la tête des députés, si nécessaire.
Compte tenu de tous ces éléments, nous proposerons de supprimer l'article 9.
La parole est à M. Jean Mallot.
Je souhaite intervenir sur l'annexe B, car il s'agit d'un bon résumé de tout ce que nous pouvons dire sur le PLFSS.
« Le scénario économique retenu dans le cadre de la programmation pluriannuelle des finances publiques repose sur un rebond de croissance de 1 % en 2009, puis 2,5 % par an à partir de 2010. Le rebond de croissance repose sur l'hypothèse conventionnelle d'un retour de l'environnement international sur un sentier de croissance moyen… » Tout a été dit sur le sujet.
Ensuite, on voit comment se met en place et s'articule l'usine à gaz et les différents transferts qui, de séance en séance, tentent de nous faire oublier que tout cela se fait à somme nulle.
« Cet objectif impose tout d'abord que les ressources actuelles soient réparties au mieux entre les fonctions sociales et qu'elles soient notamment redéployées en direction de l'assurance vieillesse pour faire face au vieillissement de la population. »
Certes ! La description des transferts est très intéressante. Le seul moment où il y a une sorte d'ouverture est celui où vous évoquez dans l'annexe B l'amélioration de la situation financière de l'assurance chômage. On voit ce qu'il advient lorsque l'on considère les statistiques du chômage depuis le mois d'août et les perspectives.
Cette prétendue amélioration hypothétique de la situation financière de l'assurance chômage devrait permettre de réorienter les ressources correspondantes, notamment vers l'assurance vieillesse. Or vous savez comme moi que, si les ressources de l'UNEDIC se sont améliorées, il subsistait un déficit de 9,7 milliards d'euros fin 2007. Avant de redéployer de très hypothétiques excédents – compte tenu de la situation actuelle et des prévisions – de l'UNEDIC, peut-être faudrait-il commencer par rembourser les dettes en cours.
Je veux enfin évoquer la conclusion de cette annexe B.
Vous décrivez, après avoir constaté que vous étiez incapable de prévoir et d'asseoir vos propositions sur des prévisions économiques solides – d'invraisemblables tuyauteries d'usines à gaz qui ne produisent finalement aucune ressource supplémentaire – vous vous rabattez sur les fraudeurs. Vous utilisez la formule « une meilleure maîtrise du développement des "niches" sociales », sans jamais expliquer ce que vous voulez faire ni, surtout, sans jamais passer à l'acte.
J'ai déposé cet amendement, qui partait d'un légitime souci, compte tenu des scénarii exposés dans le PLFSS. Les excellentes réponses fournies par M. le ministre, hier, m'ont convaincu. Je retire donc l'amendement. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Tian vient de passer au Nouveau Centre !
(L'amendement n° 295 est retiré.)
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour défendre l'amendement n° 329 .
Les réponses du Gouvernement ne m'ont pas donné satisfaction. Je ne retire donc pas l'amendement (Sourires.), mais estime l'avoir soutenu lors de mon intervention.
La parole est à M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l'équilibre général, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 329 .
La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 329 .
Avis défavorable.
Monsieur Tian, je vous remercie d'avoir retiré l'amendement. Nous nous sommes beaucoup expliqués sur les prévisions. Nous ne pouvons pas supprimer cet article, obligatoire.
Je pense que, sur le fond, les prévisions sont suffisamment pragmatiques et précises dans ce monde incertain. Vous avez dit, monsieur Mallot : « puisque vous êtes incapable de prévoir ». Comme s'il y avait une seule personne dans le monde capable de prévoir ce qui va se passer dans les trois, les six mois ou l'année qui vient !
Le Président de la République est capable de mener un combat, c'est déjà beaucoup…
…et d'organiser le combat. C'est déjà extraordinaire, car beaucoup de gens en sont incapables. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Qui est capable de prévoir exactement et de chiffrer la sortie de crise, la croissance ?
Si vous en êtes capables, dites-le.
Vous nous dites : « Puisque vous êtes incapable de prévoir dans un monde aussi incertain, vous vous rabattez sur les fraudeurs. » Je trouve cet argument extraordinaire.
Je vais inscrire cela sur le fronton de ma cheminée. C'est une parole politique très forte.
Les prévisions sont ce qu'elles sont. Dans un monde aussi incertain, elles sont plus difficiles. Nous expliquons comment nous répondons à cette situation. Nous avons mis les choses sur la table, vous pouvez les contester, mais cela a le mérite de la clarté.
La parole est à M. Roland Muzeau.
L'intervention de M. le ministre est d'autant plus intéressante qu'elle en totale contradiction avec les propos qu'il a tenus ce matin, sur France Info.
En effet, mais les propos ont été repris par France Info.
Quoi qu'il en soit, le ministre a déclaré que nous nous acheminons vers une croissance inférieure à 0,5 % comme le laissent déjà entendre les spécialistes, et que nous sommes donc en pleine récession.
C'est l'OFCE qui le dit !
L'OFCE, ce n'est pas n'importe qui ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je vous ai bien entendu, monsieur le ministre : vous avez déclaré que si vous laissiez filer le déficit, c'est parce que les recettes ne seraient pas au rendez-vous.
Nous en prenons acte d'autant que nous le craignons et cet avis est largement partagé, et pas seulement à gauche de cet hémicycle, même si M. Tian a subi des pressions pour retirer son amendement.
Bien sûr que si, monsieur Tian ! Un jour, vous l'avouerez ! (Sourires.)
En tout état de cause, personne – pas même les rapporteurs du projet de loi – ne croit sérieusement aux prévisions contenues dans l'annexe B. C'est pourquoi l'intervention de M. le ministre à la radio ce matin ne manquait pas de sel !
La parole est à M. Gérard Bapt.
Je précise d'abord que quand j'ai parlé d'incapacité, tout le monde était visé. C'est bien pourquoi nous avons opposé la question préalable car cela nous aurait donné du temps et permis d'attendre le moment où nous serons davantage « capables ». C'est du reste, ce que vous faites, monsieur le ministre, puisque vous avez annoncé que vous nous présenterez, dans le courant du mois de novembre, de nouvelles données.
Par ailleurs, monsieur le ministre, à aucun moment, je n'ai dit que vous vous « rabattiez » sur les fraudeurs. Je n'ai fait que rapporter vos propos publiés dans Le Quotidien du médecin sous le titre « Fraudes : les sanctions seront plus dissuasives ». À la question « L'une de vos priorités est la lutte contre les fraudes aux prestations sociales, qu'attendez-vous des nouvelle peines plancher ? » vous répondez : « L'objectif est d'être plus rapide, donc plus efficace et plus dissuasif. On appliquait avec retard les sanctions administratives et financières faibles, il fallait attendre le pénal. Avec ces nouveaux textes, les sanctions seront plus rapides, plus dissuasives ».
Il y a longtemps que nous nous élevons contre le fait qu'il n'y jamais de sanctions que contre les petits fraudeurs, les demandeurs d'emploi et les Rmistes ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Or, lorsqu'il y a des plaintes, notamment en cas de dépassements abusifs d'honoraires, de refus de soins, le Conseil de l'ordre ne répond jamais ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous plaidons pour que les sanctions s'appliquent à tous, non seulement aux fraudeurs mais aussi aux prescripteurs et aux responsables de tels comportements tout à fait anormaux. Cela étant nous vous soumettons d'autres pistes d'économies à explorer concernant les détournements.
Malgré tout, aucune véritable avancée n'est à noter sur le fond. Pourtant Mme la ministre propose de bonnes pistes pour progresser en la matière. Elle reprend, du reste, des idées que nous avions proposées lors de la réforme de l'assurance maladie en 2004 sur l'évolution du mode d'exercice et de rémunération, sur la régulation démographique et la répartition des praticiens sur le territoire.
Or nous avons été très déçus, madame la ministre, à la lecture du compte rendu de votre intervention devant la Fédération des médecins de France, lundi 20 octobre. Vous avez rappelé votre attachement à la liberté d'installation ; vous avez ouvert la voie à des avancées sur la politique de rémunération des médecins – ce qui ne sera pas sans conséquence sur les dépenses – ; vous avez déclaré que vous n'aviez pas l'intention de supprimer le secteur 2, ni d'encadrer de manière drastique les dépassements d'honoraires.
C'est pourquoi nous pensons que vous devriez être aussi volontariste en matière de réforme des structures que de lutte contre la fraude ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
(L'amendement n° 329 n'est pas adopté.)
Les amendements nos 661 rectifié , 662 rectifié , 663 rectifié et 664 rectifié de M. Yves Bur sont de précision.
(Ces amendements, acceptés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
(L'article 9, amendé, est adopté.)
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 10.
La parole est à M. Jean-Luc Préel.
L'article 10 concerne la reprise de la dette. Après les réformes de la retraite et de l'assurance maladie, l'équilibre était prévu pour 2007 ; le déficit pour 2008-2009 n'était pas financé. Il n'est pas concevable de poursuivre sur la voie suivie par les gouvernements précédents, en 1997 et en 2004, et de reporter le déficit sur les générations futures, c'est-à-dire de prolonger la durée de vie de la CADES de trois ans par année de déficit comme l'avait fait Martine Aubry.
À ce régime, nos petits-enfants auraient de bonnes raisons de se souvenir de nous ! Or c'est à chaque génération d'assumer ses propres dépenses. Je salue donc le transfert de 27 milliards d'euros représentant les déficits non financés du régime général et du FSV à la CADES, permettant au régime général d'éviter des frais financiers à hauteur de 1,1 milliard d'euros.
Néanmoins, deux questions demeurent.
La première concerne le mode de financement du déficit. Jusqu'ici, le financement de la dette était, chose exceptionnelle dans notre législation, d'une clarté biblique, car il reposait sur la seule CRDS, créée à cet effet. Il nous est aujourd'hui proposé un transfert de 0,2 % de CSG du FSV vers la CADES. Je crains qu'il ne s'agisse d'une « tuyauterie »,…
Comme usine à gaz, vous aviez fait fort avec le FOREC, chers collègues !
Les bases de la CSG et de la CRDS étant quasiment identiques, le plus simple serait d'augmenter la CRDS de 0,2 % et de diminuer la CSG de 0,2 %. Ainsi, la feuille de paie – donc le pouvoir d'achat – serait inchangée. J'ai déposé un amendement en ce sens, identique à celui du rapporteur pour les recettes et l'équilibre général. J'ai donc de bonnes raisons de penser qu'il sera adopté.
Il n'en demeure pas moins que vous creusez, à nouveau, les pertes du FSV dont le déficit cumulé s'établit à 5 milliards d'euros. La logique consisterait à ne diminuer la CSG que de 0,1 % pour ne pas creuser un trou pour en combler un autre. Là encore, j'ai déposé un amendement en ce sens.
Deuxièmement, vos prévisions de dépenses et de recettes pour la période 2009-2012 – que nous venons de voter – calculées sur des données économiques optimistes laissent apparaître un nouveau déficit cumulé de 22,6 milliards d'euros qui serait sans doute transféré à la CADES. Pourra-t-on les financer sans accroître la CRDS ?
La parole est à M. Gérard Bapt.
Concernant le gaspillage de frais financiers pourquoi n'avoir pas agi plus tôt ? 600 millions l'an dernier, un milliard, voire davantage, cette année !
Qu'en est-il du devenir du traitement de la dette sociale ? La perspective de suppression de la CADES – dont on a parlé lors de la préparation du PLFSS pour 2008 l'an dernier – afin de réintégrer la dette sociale dans la dette de l'État pourrait être envisagée. Selon les tenants de cette piste, l'agence France Trésor est mieux placée que la CADES pour gérer la dette et cela générerait 100 à 150 millions d'euros d'économies. Confirmez-vous ces chiffres contestés par les gestionnaires de la CADES ?
Nous en venons aux amendements à l'article 10.
La parole est à M. Jean Mallot pour soutenir l'amendement n° 277 .
Cet amendement vise à supprimer l'article 10 qui nous emmène droit dans le mur.
Selon le rapport, pour ce qui est de la branche vieillesse, les déficits antérieurs à 1997 ont été apurés par les reprises de dette de la CADES en 1996 et 1998. Les excédents constatés entre 1998 et 2004 ont, eux, été affectés au fonds de réserve des retraites : merci Lionel Jospin !
Qui est-ce ?
J'en reviens à cette usine à gaz à la tuyauterie complexe.
On déplace des recettes d'un tuyau à l'autre. Or, au bout du compte, cela revient à transférer les dettes sur les générations futures. La politique qui consiste à laisser filer les déficits sans prendre aucune mesure en attendant d'y voir un peu plus clair ne laisse pas de nous inquiéter.
(L'amendement n° 277 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l'amendement n° 53 .
Le transfert des déficits des branches, du FSV notamment, pour un montant de 26,5 milliards d'euros exige, dans le respect des recommandations de la LOLF votée en 2005, la mise en place d'une recette à même de financer la charge de cette nouvelle dette transférée afin de ne pas allonger la durée de vie de la dette dont l'extinction peut être envisagée entre 2020 et 2021.
Selon nos informations, ce transfert est prévu, monsieur le ministre, en trois étapes : 10 milliards d'euros seront transférés à la CADES autour du 15 janvier 2009 ; puis encore 10 milliards le 6 février ; quant au solde – environ 7 milliards – il sera transféré le 6 mars.
Les besoins de trésorerie des branches seront ramenés de 35 milliards d'euros à 17 milliards. L'économie entraînée par ce transfert est de 1,150 milliard pour les branches concernées par les déficits : je ne comprends donc pas l'attitude de l'opposition !
Il subsiste cependant un problème, monsieur le ministre.
Vous nous proposez en effet de financer cette reprise de dette par un transfert de 0,2 point de CSG du FSV vers la CADES. Je comprends bien le souci du Gouvernement, dans ces périodes difficiles, de ne pas donner l'impression que l'on augmente les prélèvements. C'est une position tout à fait légitime qui nous contraint cependant à être beaucoup plus exigeants en termes de maîtrise des dépenses. Malheureusement, ce choix ne me semble pas judicieux, car l'affectation de la CSG à la CADES remet en cause la simplicité et la lisibilité du financement de la dette. Depuis sa création, la CADES a une recette et une seule : la CRDS. Remettre en cause cette lisibilité ne me semble pas opportun.
Je souhaite, par cet amendement, que nous en revenions au mécanisme de financement initial de la CADES par la CRDS. Les simulations réalisées par la CADES montrent que, pour 10 milliards d'euros de reprise de dette, il est nécessaire de majorer la CADES de 0,07 point. Pour 27 milliards d'euros, il faudrait – l'assiette du prélèvement de la CRDS étant légèrement plus large que celle de la CSG – prélever 0,189 point.
Les salariés comprendront parfaitement cette opération, puisqu'ils verront, sur la même feuille de paye, le taux de la CRDS augmenter de 0,19 point et celui de la CSG diminuer de 0,2 point. Pour les Français, il s'agira donc d'une opération blanche.
Pour ces raisons, vos inquiétudes me paraissent excessives. En ce qui me concerne, je milite en faveur de la clarté et de la lisibilité du financement de la CADES par la CRDS.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Je suis moi aussi un militant de la clarté…
… mais pour qui cela sera-t-il clair ? Prenons garde : le sujet et la période sont particulièrement sensibles.
Quant au fond, je n'ai rien à redire à votre amendement : il est en effet préférable d'affecter entièrement le même type de recettes au même type d'organisme.
Vous proposez une opération neutre, la diminution du taux de la CSG compensant l'augmentation de celui de la CRDS. Cependant l'assiette des deux contributions n'est pas tout à fait la même…
…puisque, vous le savez, les prestations familiales, par exemple, sont intégrées à la CRDS. Elles seraient donc concernées par l'augmentation de 0,19 ou 0,20 point – selon les amendements – du taux de cette dernière. Ne négligeons pas cette conséquence.
Ensuite, prenons garde aux implications du dispositif. Les personnes concernées – qui sont nombreuses, puisque les assiettes sont larges – risquent de n'en retenir que l'augmentation du taux de la CRDS, et non la diminution de celui de la CSG. Il en va toujours ainsi.
Ainsi, pour la beauté du geste – que je ne conteste pas –, on risque de ne parvenir qu'à une clarté comptable, le dispositif restant opaque pour l'opinion publique.
Sans remettre en cause la qualité des propositions de MM. Bur et Préel, je vous propose donc d'en rester à celle du Gouvernement. S'il vous plaît, n'augmentons pas la CRDS : l'impression d'accroissement des prélèvements obligatoires serait contraire au message politique que le Gouvernement entend délivrer.
Je souhaite évidemment régler les problèmes…
… mais ce qui compte, dans le dispositif proposé par le texte, c'est son objectif. Pendant combien d'heures en avons-nous débattu l'année dernière ! Il s'agit de réduire la dette de la sécurité sociale, ou, du moins, de l'ACOSS, où elle est logée de manière indue et transitoire – donc mal financée, puisque financée à court terme –, et de la transférer à la CADES.
Monsieur Bapt, les modalités de financement de la CADES seront tout à fait comparables aux modalités de financement de l'État.
La CADES bénéficie du reste de certains revenus supplémentaires, par exemple ceux de cessions immobilières, qui ne sont pas très élevés, mais excluent un mono-financement.
Utilisons donc le dispositif qui permet de régler la dette sociale en la transférant à la CADES et d'affecter à celle-ci une ressource durable – c'est là l'essentiel – qui lui permette d'y faire face sans que l'on prolonge sa durée de vie ; soulageons l'ACOSS du poids de la dette et évitons ainsi aux régimes 1,1 milliard d'intérêts supplémentaires. Nous pouvons résoudre le problème de cette manière, mais ne donnez pas le signal d'une augmentation des prélèvements obligatoires, car le sujet est beaucoup trop sensible.
La parole est à Mme. la rapporteure pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
Mon intervention s'apparente plutôt à une explication de vote.
Mes chers collègues, votre commission des finances est particulièrement sensible à l'argumentation du ministre, même si, quant au fond, nous comprenons bien sûr parfaitement celle de M. Bur. Les deux dispositions sont équivalentes, puisqu'elles produisent presque le même effet ; mais, d'un point de vue optique, nos compatriotes ne doivent pas voir varier le taux de la CRDS.
La parole est à M. Gérard Bapt.
Monsieur Bur, si nous présentons parfois des amendements de suppression, vous savez bien que c'est afin d'intervenir dans le débat. En revanche, votre amendement nous intéresse vivement, et nous l'avons voté – minoritairement – en commission des finances. Je note du reste le désaccord entre les deux rapporteurs.
Monsieur le ministre, vous prônez la transparence, la clarté et la netteté. J'ai pu constater, lors du match organisé au profit de l'association France Alzheimer, que vous étiez un excellent footballeur (Sourires.).
Vous aussi !
Ce n'est pas mon cas. Cela étant je remarque qu'en ce moment, entre Toulouse et Paris, il n'y a pas photo, en football comme en rugby : c'est clair et net ! La voilà, la transparence ! (Rires et exclamations sur divers bancs.)
Ne nous refusons pas de petits plaisirs de bon matin !
Nous aimerions simplement que les recettes de la protection sociale bénéficient de la même transparence.
C'est un tacle !
Seul M. Bapt a la parole.
En effet, M. Laporte pourrait nous départager ! Il assistait au match, je l'ai vu dans les tribunes.
C'est moi qui suis ministre des sports, monsieur Bapt ! (Rires.)
Pas de dialogue, je vous prie.
Je ne pensais pas susciter de telles réactions et révéler autant de contradictions au sein du Gouvernement ! (Sourires.)
Pour en revenir au débat, si les choses doivent être claires, c'est aussi pour les assurés sociaux qui cotisent. Or chacun sait que le taux de CRDS qui figure sur sa feuille de paye est destiné à rembourser la dette sociale.
Vraiment ?
En mêlant des recettes de la CADES issues de plusieurs sources, on renonce à cette transparence. Or notre génération doit faire savoir clairement aux assurés sociaux qui atteignent aujourd'hui l'âge de cotiser que la CRDS est destinée au remboursement de la dette sociale, c'est-à-dire des déficits que nous – ou nos parents – n'avons pas eu le courage de résorber et que nous leur transmettons alors qu'ils n'y ont éventuellement contribué que dans leur toute petite enfance, ce dont on ne saurait leur tenir rigueur.
Lors des débats sur la réforme de l'assurance maladie, en 2004, la majorité ne cessait de répéter qu'il fallait fixer une échéance pour ne pas transmettre la dette aux générations futures. Appliquons donc l'exigence de transparence à cette échéance et au niveau de remboursement de la dette : ils doivent être clairs pour les salariés et pour tous ceux qui cotisent.
La parole est à Mme Martine Billard.
Si j'ai bien compris M. le ministre et Mme Montchamp, M. Préel et M. Bur ont parfaitement raison, et il faudrait appliquer leurs propositions.
Pour notre part, nous sommes favorables à ces amendements ; nous les avons votés en commission ; nous assumons notre position et nous allons de nouveau les voter.
M. le ministre, tout en saluant leur pertinence, vous suppliait presque, mesdames et messieurs de la majorité, de ne pas les adopter, au prétexte qu'ils poseraient problème d'un point de vue optique, pour reprendre le sens du propos de Mme Montchamp.
Quelle confiance en l'avenir, monsieur le ministre ! Vous nous reprochez de critiquer vos prévisions, car bien malin qui pourrait dire ce qui se passera en 2009, mais vous suppliez la majorité de ne pas voter ces amendements difficiles à expliquer à nos concitoyens dans une situation particulièrement critique.
Ce n'est pas de la prévision !
Ce matin, sur les ondes, on a appris la fermeture de plusieurs usines Arcelor en France, après la mise au chômage technique des salariés de plusieurs usines automobiles…
…, après la CAMIF, La Redoute, après d'autres entreprises dont parle la presse locale, à défaut de la presse nationale…
…, et après de nombreuses annonces de licenciements massifs. Malgré l'optimisme affiché par le ministre, la situation est mauvaise, et son intervention sur les amendements de MM. Préel et Bur laissait percevoir qu'il en est conscient.
On a dit que le FOREC était une usine à gaz – ce qui n'est pas faux – ; pourtant, vous refusez d'assumer devant nos concitoyens le fait non de toucher aux prélèvements, mais de maintenir la ligne de conduite arrêtée d'emblée, qui consiste à ne pas reproduire les erreurs du passé et à cibler les contributions – la CRDS allant à la dette, la CSG et les autres contributions au financement de la sécurité sociale.
Vous approuvez ce raisonnement, mais refusez de l'appliquer de peur d'effrayer nos concitoyens ; vous renoncez donc à la clarté. En revanche, vous n'avez pas peur de ne pas être clairs lorsque vous prenez un milliard aux complémentaires : vous espérez faire croire à nos concitoyens qu'on peut piquer du fric aux complémentaires sans la moindre conséquence sur le montant des adhésions des assurés !
Monsieur Bur, maintenez-vous votre amendement ?
La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir l'amendement n° 257 .
Je ne reprendrai pas les explications déjà fournies, le vote qui vient d'avoir lieu montrant que la majorité souhaite maintenir le texte du Gouvernement.
Je regrette toutefois, monsieur le ministre, que l'on renonce à une clarté essentielle. J'ai la faiblesse de croire nos concitoyens intelligents et capables de comprendre la réalité si nous faisons preuve d'un peu de pédagogie. La position du Gouvernement et les propos de Mme Montchamp pourraient laisser penser que vous préférez au contraire dissimuler la réalité plutôt que l'expliquer clairement.
Monsieur le ministre, alors même que, dès cette année, le déficit ne sera pas financé, vous prévoyez 26 milliards de déficit supplémentaire pour 2012. L'année prochaine, faute de pouvoir creuser davantage le déficit du FSV, vous nous proposerez donc sans doute d'utiliser une partie du produit de la taxe sur l'alcool ou le tabac pour financer le transfert à la CADES du déficit de 2009. Je crois qu'Yves Bur partage mon point de vue : n'ajoutons pas des tuyauteries qui rendraient incompréhensible le financement de la CADES.
La parole est à Mme Catherine Génisson.
J'ajoute aux excellents arguments de M. Bapt que, dans la situation très difficile que nous connaissons – même s'il n'est pas question de dramatiser pour ne pas semer la panique –, il est essentiel de conclure un contrat de confiance avec nos concitoyens. Cela implique de faire preuve de clarté, de transparence, de dire la vérité et toute la vérité, et de prendre les mesures qui s'imposent.
Comme le disait très clairement Mme Billard, la CADES sert à rembourser la dette et la CSG à payer les soins.
Absolument !
(L'amendement n° 257 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l'amendement n° 605 .
La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour défendre l'amendement n° 258 .
Le transfert neutre de la part de CRDS et la suppression de la fraction de CSG risquent de creuser cette année le déficit du Fonds de solidarité vieillesse. Une diminution modérée, de 0,1 %, de la part de CSG permettrait de maintenir à flots le FSV, ce que nous souhaitons tous.
Cela dit, je retire cet amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
J'appelle l'amendement n° 54 rectifié .
Je le retire également, madame la présidente.
(L'amendement n° 54 rectifié est retiré.)
(L'article 10 est adopté.)
Nous en venons à plusieurs amendements portant articles additionnels avant l'article 11.
La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre l'amendement no 319 .
Je défendrai en même temps l'amendement n° 320 , car ces deux amendements visent à créer de nouvelles recettes pour financer la sécurité sociale en augmentant les prélèvements sur les revenus financiers.
Il faut savoir que, entre 1998 et 2005, les revenus des capitaux mobiliers ont progressé de 30,7 % tandis que les salaires n'augmentaient que de 5,3 %. Les foyers les plus riches, qui représentent 0,01% des contribuables, soit 3 500, ont vu leurs revenus croître de 42,6 % ; or ce sont précisément ceux qui détiennent la part la plus importante de revenus mobiliers.
Dans le même temps, les revenus des 5 % des foyers les moins riches ne se sont accrus que de 4,6 % pour la bonne raison qu'ils sont principalement issus du travail ou de la solidarité nationale. De surcroît, les dispositifs mis en place dans la loi TEPA, notamment le bouclier fiscal, ont contribué à favoriser encore plus les 0,01% de foyers ayant les revenus les plus élevés ou même les 0,1 %, qui sont donc gagnants sur toute la ligne, pourrait-on dire. Les revenus des ménages ont d'autant plus progressé qu'ils sont élevés.
On assiste aussi à une diminution de la part des salaires dans la valeur ajoutée des entreprises : de 66,5 % en 1982, elle est passée à 57,2 % en 2006, soit 9,3 % de moins. Mieux vaut être actionnaire que salarié de nos jours !
Ce n'est pas sûr !
Cette évolution est telle que certaines entreprises, dont les bénéfices sont inférieurs aux dividendes distribués, sont obligées d'emprunter pour rémunérer les actionnaires, compte tenu des taux de rentabilité – 14 % voire 15 % – qu'ils exigent.
Depuis 2002, toutes vos politiques ont abouti à réduire la taxation des revenus mobiliers, même si, depuis l'an dernier, on observe un infléchissement avec le scandale des stock-options. La Cour des comptes a même proposé de les soumettre à une cotisation qui permettrait de dégager 3 milliards de recettes pour le budget de la nation, recettes qui pourraient être encore augmentées par la taxation accrue d'autres revenus mobiliers.
Tout à l'heure, monsieur le ministre, vous avez redouté que l'adoption de certains amendements ne donne une mauvaise image. Si vous en êtes à des problèmes d'image, vous devriez considérer la taxation des revenus mobiliers, dont l'augmentation ces dix dernières années est, je le rappelle, dix fois supérieure à celle des revenus du travail.
Votre gouvernement n'a que la revalorisation du travail à la bouche, mais il ferait bien de nous démontrer que le travail n'est pas plus taxé que le non-travail. La bulle née de la spéculation a causé des dommages à l'économie dans son ensemble : dans la crise actuelle, ceux qui paient les pots cassés, ce ne sont pas seulement ceux qui ont spéculé, ce sont aussi les salariés, bientôt victimes des fermetures d'entreprise et des plans de licenciement.
Aux yeux de nos concitoyens, la justice sociale reprendrait quelques couleurs si vous acceptiez d'augmenter les prélèvements sur l'ensemble des revenus mobiliers. Même si leur produit serait moindre qu'avant la crise financière, ce serait un changement appréciable par rapport à la politique que vous menez depuis 2002.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
Madame Billard, il faut vous reconnaître une qualité, c'est la persévérance.
L'an dernier déjà, vous aviez défendu un amendement analogue et la commission l'avait repoussé, …
…considérant qu'il ne serait pas opportun de taxer les revenus financiers des entreprises alors que celles-ci sont déjà assujetties à l'impôt sur les sociétés. Cette année, nous avons l'argument supplémentaire qu'elles sont mises à mal par la crise.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Avis défavorable.
Pourquoi faudrait-il systématiquement jeter l'opprobre sur les revenus financiers ? N'oublions pas que les assurances-vie en représentent une grande part.
Par ailleurs, les revenus du travail sont soumis à des cotisations ouvrant des droits, comme la retraite, qui constituent un revenu différé, alors que ce n'est pas le cas pour les revenus financiers. Il est donc assez naturel qu'il y ait une différence de contribution.
Cela étant je rappelle que cet écart s'est réduit. Ainsi pour le financement du RSA, nous avons décidé d'une cotisation supplémentaire de 1,1 % sur les revenus du capital.
Très souvent, les revenus financiers sont attachés à l'épargne constituée par les salariés. Pourquoi feraient-ils l'objet d'une double taxation ?
Votre amendement ne prend pas en compte ces données, me semble-t-il.
La parole est à M. Gérard Bapt.
Il est vrai que vous avez mis en place une petite taxation des revenus financiers pour financer le RSA, mais avouez que cette mesure a été difficile à obtenir ; cela a été un véritable accouchement aux forceps !
Un ministre a même été obligé, paraît-il, de mettre sa démission dans la balance. Et encore cette taxation a-t-elle été acceptée sous conditions : elle est appelée à être supprimée.
En matière de revenus financiers, se pose un problème général qui n'est pas uniquement national. Nous savons bien que c'est toujours pour accroître l'attractivité et la compétitivité, et cela pour enrayer la fuite des cerveaux et des fortunes que l'on veut baisser des impôts et des charges, mais on en arrive à des aberrations comme cette crise du capitalisme financier.
M. Kerviel est mis en accusation, alors que, au fond, il n'a fait que se conformer, en forçant un peu le trait, à la façon dont le bon M. Bouton se comporte à la Société générale. Et il en va de même pour la Caisse d'épargne.
Quand on sait que les investissements étrangers en Chine proviennent davantage des Îles Vierges que des États-Unis, on est forcé de se dire que notre économie internationale est confrontée à un problème financier majeur.
Alors que les inégalités de revenus et de patrimoine se sont aggravées, en partie du fait de votre politique du bouclier fiscal et d'exonérations de droits de succession, nos compatriotes ne comprennent pas que, lorsqu'il s'agit de sauver le système bancaire, on trouve les ressources nécessaires, mais qu'elles manquent lorsqu'il s'agit d'améliorer l'aide à l'acquisition d'un contrat de base de couverture maladie complémentaire.
Voilà pourquoi nous sommes favorables à une taxation des revenus financiers et cela ne date pas de la crise du capitalisme.
Je sais que vous travaillez à la refondation du capitalisme car j'ai reçu, sans doute par erreur, une invitation pour un débat organisé hier par le groupe UMP autour de ce thème. Eh bien, après la théorie, passez donc aux travaux pratiques. Faites participer les revenus financiers à hauteur des revenus du travail !
La parole est à Mme Martine Billard.
Je veux revenir sur la réponse du ministre, qui s'est contenté d'évoquer les salariés détenant un plan d'épargne en actions ou une assurance-vie.
D'abord, je rappelle que les assurances-vie ne sont pas toutes composées d'actions ; beaucoup de nos compatriotes ayant de petits revenus ont choisi, par prudence, des investissements en obligations.
Ensuite, il s'est bien gardé d'évoquer les contribuables les plus riches dont les revenus ont augmenté de 42,6 % en moins de dix ans. Ce ne sont pas ceux qui ont des contrats d'assurance-vie ; ce sont ceux qui spéculent en bourse.
Et puis, si certaines entreprises redistribuent leurs bénéfices aux salariés ou les réinvestissent, il y a aussi des entreprises financières dont le rôle a été déterminant dans la crise. Ce sont elles que mes amendements visent. Il est anormal que des actionnaires recherchent des rendements toujours plus importants, que des dirigeants d'entreprise s'octroient des retraites chapeau ou des parachutes dorés – à juste titre scandaleux aux yeux de l'opinion publique – et que l'on reste les bras croisés sans rien faire ou qu'on les laisse continuer, en instituant un bouclier fiscal.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, il est vrai que j'avais déposé le même amendement l'an dernier, mais cela a eu des conséquences puisque vous-même avez proposé l'an dernier d'assujettir les stock-options à un prélèvement même minime, nous paraît constituer une avancée, et que cette année vous avez déposé un amendement instaurant une taxation des parachutes dorés, sur laquelle nous espérons que vous accepterez d'aller plus loin qu'en commission.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 371 .
Puisque l'heure est à la refondation du capitalisme, je veux apporter à mon tour ma contribution au débat.
Le développement des alliances industrielles et la valorisation boursière de la plupart des grandes entreprises, jointe aux exportations de capitaux, ont été obtenus au prix de gains de productivité du travail considérables et d'une diminution de la part des salaires dans la valeur ajoutée, en même temps qu'un gonflement sans précédent de la masse des capitaux détenus et placés par les entreprises, au coeur de la crise actuelle. Le volume de ces placements se mesure aujourd'hui en milliers de milliards d'euros au détriment de la masse salariale qui, au cours de ces vingt dernières années, n'a cessé de diminuer.
Je vais donc vous soumettre quelques propositions de nature à réformer le financement de notre protection sociale, mais aussi à corriger certains dysfonctionnements graves de notre société.
Cet amendement propose une modulation des taux de cotisations des entreprises en fonction de la variation de leur masse salariale dans la valeur ajoutée. Sans doute M. Bur me dira-t-il que je fais, moi aussi, preuve de beaucoup de persévérance car j'ai présenté cette disposition lors de chaque débat sur le financement de la sécurité sociale. J'aurai l'audace de lui répondre que, si elle avait été adoptée et appliquée, nous n'en serions probablement pas là où nous en sommes aujourd'hui en ce qui concerne le financement de la sécurité sociale et la crise financière.
Je vous demande vraiment de bien écouter nos propositions qui sont réalistes et qui visent à aménager le capitalisme ambiant.
Il s'agit de réduire l'écart, injuste en matière de cotisations sociales, entre les contributions issues du travail que vous avez appelé « économie réelle » et celles issues des revenus financiers qui sont fictives et, surtout, nuisibles.
Cette réforme permettrait de favoriser les entreprises à fort taux de main-d'oeuvre et les PME, d'augmenter la contribution des entreprises hautement capitalistiques qui, de surcroît, ont les moyens. Cette nouvelle et juste contribution permettrait de soutenir, au sein des entreprises, l'innovation et le développement économique basé sur le développement des ressources humaines plutôt que sur la croissance financière débridée et l'appauvrissement massif des salariés.
Le calcul du rapport entre le salaire et la valeur ajoutée permettrait d'obtenir un ratio qui, associé à un coefficient fixé par décret permettant l'équilibre des comptes des organismes de sécurité sociale et de l'assurance chômage, déterminerait les taux des cotisations des entreprises.
Dans un souci de développement de la démocratie sociale et pour garantir la sincérité des données, il importe d'associer les comités d'entreprise et les délégués du personnel au contrôle de ce ratio.
Vous le voyez, cette réforme présente plusieurs avantages extrêmement importants : apporter des ressources pérennes à la sécurité sociale, favoriser la création d'emplois, inciter les entreprises à se sortir du piège des marchés financiers et à rechercher une croissance réelle. Elle ne pèserait pas sur les 1,5 million de petites et moyennes entreprises qui ont peu ou pas du tout à voir avec les placements financiers et ne grèverait pas non plus la productivité de nos secteurs marchands et industriels qui repose sur la croissance réelle et sur la force de travail.
Ce sont de vraies propositions qui ne coûteraient rien à l'État, peu aux entreprises concernées, permettraient d'assurer un financement pérenne du régime général et contribueraient opportunément à résorber son déficit, préoccupation qui est partagée dans cet hémicycle. Réfléchissez bien à toutes ces propositions car je pense qu'elles sont utiles à la nation.
Quel est l'avis de la commission ?
Comme Mme Billard, Mme Fraysse montre la même constance puisqu'elle a présenté le même amendement l'an dernier. Pour sa part, la commission a émis le même avis défavorable.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Les nombreux rapports qui ont été réalisés sur ce sujet ont tous conclu à l'inefficacité de ce type de proposition.
Le rapport entre le salaire et la valeur ajoutée est très volatil. Ce n'est donc pas une bonne manière d'assurer un financement pérenne de la sécurité sociale. Aussi le Gouvernement est-il défavorable à cet amendement.
(L'amendement n° 271 n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Marisol Touraine pour défendre l'amendement n° 272 rectifié .
Nous proposons une autre piste pour sécuriser davantage les ressources de la sécurité sociale et, en même temps, inciter les entreprises à s'engager véritablement dans des négociations sur les salaires et, si possible, à conclure des accords salariaux.
Afin d'inciter les entreprises à négocier et à conclure des accords sur les salaires, comme le prévoit le code du travail, cet amendement vise à conditionner les exonérations de cotisations sociales à l'existence d'un accord salarial. En cas d'absence d'accord de moins de deux ans, il y aurait une réduction de 10 % des exonérations de cotisations.
À plusieurs reprises, le président Méhaignerie a indiqué, reprenant en cela une recommandation de Jacques Delors, qu'il fallait favoriser le salaire résultant directement du travail plutôt que les allocations qui venaient compléter ce salaire de base. Avec cet amendement, il nous semble que nous allons précisément dans ce sens puisqu'il s'agit de lutter contre les entreprises qui ne veulent pas s'engager dans des négociations salariales, certaines faisant preuve en la matière de beaucoup de mauvaise foi en invoquant des charges ou la compétitivité, motifs qui n'ont pas lieu d'être. Les petites entreprises prétextent souvent qu'elles sont inquiètes face à un environnement particulièrement instable aujourd'hui.
Il nous semble important que l'État envoie un signal et fasse pression pour que des négociations s'engagent et qu'elles aboutissent à des accords salariaux.
La modulation des exonérations de cotisations en fonction du comportement salarial des entreprises est une disposition qui serait à la fois favorable à la sécurité sociale et à la revalorisation des salaires qui doit être une priorité pour nous tous en cette période.
Quel est l'avis de la commission ?
La commission a repoussé l'amendement n° 272 rectifié pour deux raisons.
D'une part, la question soulevée par Mme Touraine est étudiée actuellement dans le cadre du projet de loi en faveur des revenus du travail dont le Sénat vient d'achever l'examen, la commission mixte paritaire se réunissant mardi prochain.
D'autre part, la commission considère qu'en tout état de cause la manière de répondre à la question n'est pas bonne, rejoignant en cela d'ailleurs les conclusions de la mission que Gérard Bapt et moi-même avons conduite.
Du reste, vous avez bien présidé cette mission, monsieur Bapt.
La mission avait conclu en effet qu'il n'était pas opportun de conditionner les exonérations de cotisations à la conclusion d'un accord, car cela changerait complètement les conditions mêmes de déroulement de ces négociations.
Il y a donc dans cet amendement, madame Touraine, une logique coercitive à l'opposé de l'approche incitative du projet de loi en faveur des revenus du travail et des conclusions de la mission.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Madame Touraine, les allégements de charges, qui s'élèvent à 23 milliards d'euros, sont issus de l'ensemble des lois Aubry. La conditionnalité a même été votée puisqu'elle fonctionnera en fonction d'accords salariaux. Si les entreprises n'en concluent pas, au bout d'un certain temps il y a diminution de l'allégement des charges de 10 %...
En général, on parle d'allégements de charges, pas de cotisations, mais on vise la même chose !
Au-delà de la sémantique (Murmures sur les bancs du groupe SRC.), regardons le fond : il y a bien allégement de charges dès lors qu'il y a négociations salariales
En effet, comme l'a rappelé le rapporteur, le projet de loi en faveur des revenus du travail prévoit bien, en l'absence de négociations salariales dans l'entreprise, une réduction des allégements de charge pouvant aller de 10 % jusqu'à leur suppression totale lorsque l'employeur ne remplit pas cette obligation pour la troisième ou la quatrième année constitutive. Votre amendement est donc en partie satisfait.
La parole est à M. Gérard Bapt.
Monsieur le ministre, il me semble important d'établir une distinction entre les termes « charges » et « cotisations ». On entend par charges ce qui alourdit, handicape, empêche d'être en tête. Les cotisations représentent un salaire différé qui sert à financer la protection sociale, singulièrement le régime général de la sécurité sociale.
Si je puis me permettre de m'immiscer dans le débat qui concerne actuellement le groupe UMP – ce serait une sorte d'amendement dans la discussion sur la refondation du capitalisme ! – il faudrait essayer d'éviter le mot « charges » au profit de celui de « cotisations », car on sait que le capitalisme financier ne parle que des charges et ne pense qu'à les diminuer, voire les fuir en allant dans des pays à low cost où les intéressés peuvent être assurés d'une rentabilité maximale du capital.
M. Bur a fait remarquer que la disposition prévue dans l'amendement ne faisait pas partie des propositions de la mission d'information commune sur les exonérations de cotisations sociales. Cela est certes exact, mais il s'agissait d'une des propositions des députés socialistes ; M. Issindou et M. Gorce peuvent en témoigner.
Nous estimions qu'il fallait inciter les entreprises à augmenter les salaires directs dans le cas où, au bout d'un délai raisonnable, il y a eu engagement mais pas conclusion de négociations. Du reste, telle est la préoccupation de M. Méhaignerie qui est malheureusement absent.
(L'amendement n° 272 rectifié n'est pas adopté.)
La parole est à M. Gérard Bapt pour soutenir l'amendement n° 273 rectifié .
Nous souhaitons que le Parlement soit le mieux informé possible sur l'efficacité des dispositifs ciblés d'exonérations de cotisations de sécurité sociale avant l'examen de chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale.
La Cour des comptes a donné sur ce point des informations très intéressantes, mais la législation évolue. Voilà pourquoi nous demandons que le Parlement dispose de l'ensemble des informations sur ces sujets extrêmement importants en termes de masse budgétaire mobilisée.
Quel est l'avis de la commission ?
Cet amendement va naturellement dans le sens des propositions de la mission d'information commune sur les exonérations de cotisations sociales que vous avez présidée, monsieur Bapt.
Le rapport de la mission intitulé « Vers une révision générale des exonérations de cotisations sociales » propose d'adopter une démarche systématique d'évaluation de ces dispositifs, notamment de ces exonérations ciblées trop éparpillées dont l'efficacité est souvent trop peu prouvée. Je note que, dans le projet de loi de finances pour 2009, le Gouvernement se propose d'ajuster quelques-unes de ces exonérations ciblées, comme celles relatives aux zones franches urbaines ou à l'outre-mer.
Après la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 qui avait réduit l'exonération spécifique aux organismes d'intérêt général en zones de revitalisation rurale, c'est assurément un nouveau pas dans la bonne direction, mais nous irons beaucoup plus loin grâce au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012. En effet, son article 11 prévoit que, chaque année et au plus tard le 15 octobre de l'année qui précède, le Gouvernement présentera au Parlement l'objectif annuel de coût pour les réductions, exonérations et abattements retenus pour l'exercice à venir et en cours, ainsi que le montant du coût constaté pour le dernier exercice clos de ces réductions, exonérations et abattements.
À cette occasion, il présentera également un bilan des créations, modifications et suppressions de ces mesures adoptées dans les douze mois qui précèdent ou qui sont prévues par le PLF ou le PLFSS afférents à l'année suivante. En outre dans les trois ans suivant l'entrée en vigueur de toute mesure de réduction, d'abattement ou d'exonération, le Gouvernement présentera au Parlement une évaluation de son efficacité et de son coût. »
C'est ce que la mission commune avait demandé. La première évaluation sera présentée le 30 juin 2011.
Je considère donc que l'amendement n° 273 rectifié est déjà satisfait par l'engagement du Gouvernement.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Même avis que la commission.
Deux orateurs sont inscrits sur l'article 11.
La parole est à M. Jean-Luc Préel.
Madame la présidente, je me permettrai de défendre en même temps l'amendement n° 254 qui tend à supprimer l'article 11.
Je vous en prie, monsieur le député.
L'article 11 prévoit la modification de l'affectation des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placement.
Il s'agit du prélèvement social de 2 % qui rapporte quelque 3 milliards d'euros et dont le produit est réparti de la façon suivante : 65 % pour le FRR, 20 % pour le FSV et 15 % pour la CNAV.
La majoration des pensions pour enfants est ainsi peu à peu transférée de la branche vieillesse à la branche famille, transfert commencé en son temps par le Gouvernement socialiste. Or Bernard Accoyer, François Goulard et moi-même,…
…nous nous étions battus contre ce transfert, soulignant qu'il s'agissait d'un avantage vieillesse et que ce n'était pas à la branche famille de le financer. Si celle-ci était en excédent, il fallait en profiter pour améliorer les prestations pour la garde des enfants, par exemple en instituant des prestations dès le premier enfant.
Vous poursuivez dans une voie que je déplore en modifiant la répartition entre le FRR, le FSV et la CNAV. Je m'étonne, là encore, d'une tuyauterie inutilement complexe puisque la CNAF verse 60 % du montant de la majoration pour enfant au FSV, lequel reverse la totalité à la CNAV. Monsieur le ministre, simplifions si c'est possible !
L'amendement de suppression n° 254 se situe donc dans la continuité des positions que je défends depuis plusieurs années. Dois-je rappeler le combat de plusieurs heures que Bernard Accoyer, devenu depuis le président de notre assemblée,…
…François Goulard et moi-même avons mené contre ce transfert, que les socialistes avaient entamé et que nous dénoncions déjà à l'époque ?
La parole est à M. Pascal Terrasse.
Jean-Luc Préel nous a rappelé à juste titre les bons moments que nous avons vécus, lorsque nous étions dans la majorité, avec Bernard Accoyer et François Goulard, alors dans l'opposition. Il est vrai que nous passions des journées et des nuits entières dans cet hémicycle et, s'il faut comparer, l'opposition me paraît aujourd'hui plutôt sage et respectueuse de la majorité !
Je me rappelle les propos tenus alors par celui qui préside aujourd'hui notre assemblée, comme par celui qui a été entre-temps ministre et par Jean-Luc Préel. Quel décalage entre leurs arguments de l'époque et la situation actuelle !
Vous souhaitez, à travers l'article 11, modifier l'affectation du prélèvement social de 2 % qui, d'après les estimations actuelles, devrait rapporter un peu moins en 2009 qu'en 2008 : 2,9 milliards d'euros pour 2008 estimés 2,7 milliards d'euros en 2007.
Selon les conclusions de la commission des comptes en ce qui concerne les modalités de placements et les véhicules financiers, il s'agit, pour l'essentiel, de placements à taux longs qui ne seraient pas immédiatement impactés sur le rendement affecté à ce compte. Quant aux engagements au titre des plus-values à taux marginal, ils sont minimisés par rapport aux taux longs. Il n'en demeure évidemment pas moins que l'assiette de ces placements, prélevée à la source, sera impactée dès l'année 2008 et, pour partie, en 2009. Je crois savoir que c'est déjà le cas.
Quant à l'assiette des revenus du patrimoine, elle correspond aussi à un prélèvement par voie de rôle. Compte tenu de la crise immobilière que connaît aujourd'hui notre pays, cela aura immanquablement un impact sur le montant de cette dotation en 2009. Les objectifs de 2,7 milliards d'euros me paraissent donc fort optimistes.
La vérité est que le changement d'affectation est un mauvais coup porté au Fonds social vieillesse, notamment en raison du fait que le montant passera de 20 % à 5 %, alors même qu'un article précédent du projet de loi a retiré au FSV l'affectation de 0,2 % de CSG. Les conséquences de ces mesures sur l'équilibre financier du FSV seront très lourdes. Ne nous cachons pas la vérité : le FSV prévu par le plan pluriannuel des comptes sociaux sera beaucoup plus dégradé que ce que vous nous expliquez, en raison, notamment, de la baisse, que j'ai évoquée, de ces deux affectations.
Enfin, je fais partie de ceux qui considèrent que, dans le cadre de la réforme des retraites, le problème des droits non contributifs doit être posé. Il ne me paraît pas, en effet, inconséquent de souligner que la caisse d'assurance vieillesse a pour mission de financer des retraites et qu'il existe par ailleurs différents droits non contributifs. En revanche, je m'étonne que vous vouliez faire prendre en charge le dispositif par une autre caisse alors même qu'un débat sur le sujet existe au sein du conseil d'orientation des retraites ; Denis Jacquat est plein placé pour en parler.
Pourquoi prendre maintenant une décision en la matière, alors que le conseil d'orientation des retraites n'a pas encore rendu ses conclusions et que les partenaires sociaux ne se sont pas encore mis autour de la table pour distinguer ce qui relève des droits contributifs et ce qui peut être pris en compte dans le cadre des majorations pour enfant ?
Nous avons le sentiment que vous conduisez une politique de Gribouille, mêlant droits propres et droits dérivés, alors même qu'on ne saurait, au gré d'un simple article de loi du PLFSS, revoir l'ensemble du dispositif sans prendre en compte tous les éléments qui contribuent à améliorer le sort des retraités.
Défavorable.
L'article 11 doit en effet être apprécié à la lumière de l'article 70, qui achève le processus de transfert vers la branche famille de la prise en charge des majorations de pensions.
Ce transfert a débuté dans le cadre du PLFSS pour 2001 –M. Préel s'en souvient –, le Gouvernement défendant ainsi sa position : « Personne ne peut nier que les majorations de pensions concernées sont liées aux charges de famille, qu'il s'agit donc bien de prestations familiales différées dans le temps. Dès lors il n'est pas incohérent de les mettre à la charge de la branche famille et par là même de les consolider. Le transfert correspond à une clarification des comptes : nul ne peut le nier. Il s'agit bien d'un avantage familial différé qui a quelque chose à voir aussi avec la solidarité entre les générations. ».
Tels furent les propos de la ministre déléguée à la famille et à l'enfance de l'époque : Mme Ségolène Royal.
Il faut cependant rendre hommage à la persévérance et à la constance de Jean-Luc Préel, ainsi qu'à celles du groupe communiste, lequel, à l'époque, s'était déjà opposé à ce transfert. Je comprends la discrétion de nos collègues socialistes aujourd'hui. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) D'autres s'étaient également opposés à ce transfert.
Toutefois, je le répète, cette évolution est justifiée parce qu'elle fait partie, monsieur Préel, des nombreuses clarifications que ce PLFSS propose et dont je me félicite. J'y reviendrai à l'article 70 : il ne peut s'agir, à mon sens, que d'une première étape. Lorsque le transfert aura été achevé – passages à 70 %, à 85 % puis, à terme, à 100 % en 2011 –, il conviendra d'aller plus loin dans la clarification et de réfléchir à la façon de faire correspondre les recettes des branches aux flux financiers, là encore, dans un souci de simplification.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Évidemment tout aussi défavorable que celui du rapporteur, dont je reprends l'argumentation.
En effet, comme il s'agit clairement d'un avantage familial, il doit être supporté par la branche famille. Dans ces temps difficiles, chaque branche de la sécurité sociale doit assumer ses propres responsabilités en termes de financement. Il me paraît naturel que, peu à peu, la Caisse nationale d'assurance familiale assure le financement des avantages familiaux.
La majorité de l'époque avait commencé à rééquilibrer la situation dès le PLFSS pour 2002 voté en 2001. Nous continuons sur le même chemin.
Vous pouvez le constater, mesdames et messieurs de l'opposition, lorsque vous tracez un bon chemin, nous le poursuivons. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Chacun ses responsabilités !
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
Je défendrai notre amendement, n° 321 , tendant à supprimer l'article 11, en soulignant que celui-ci ne pose pas seulement la question de la clarification et de l'assainissement des comptes : il soulève également celle des moyens globaux.
Je ne reviens pas sur toutes les tuyauteries et autres transvasements divers et multiples déjà évoqués : en voici un nouvel exemple, qui risque de déséquilibrer les comptes du FSV. Plutôt que de déshabiller Pierre pour habiller Paul et de faire, d'année en année, de nouveaux transvasements, il conviendrait plutôt de s'attaquer au problème de fond et de moyens, qui concerne toutes les banches. La réponse consiste non en des transferts mais dans une révision de l'assiette de financement de la sécurité sociale. C'est la raison pour laquelle nous ne soutiendrons pas le bricolage qui nous est proposé.
La parole est à M. Jean-Luc Préel.
Je comprends votre raisonnement, monsieur le ministre. Toutefois pour avoir dénoncé cette démarche lorsqu'elle a été entamée, comme l'a souligné Yves Bur, je persévère.
Il s'agit en effet pour moi d'un avantage vieillesse puisqu'il vise à financer la retraite. Les trimestres non cotisés pour chômage doivent-ils être financés par l'UNEDIC ?
Pour moi, il appartient à la branche retraite de financer des avantages retraite !
La parole est à Mme Catherine Génisson.
Le premier problème est assurément celui du manque d'abondement des branches, y compris de la branche famille. C'est pourquoi je suis Mme Fraysse lorsqu'elle rappelle que nous ne pouvons pas aujourd'hui développer des politiques d'accompagnement familial, ce qu'a excellemment souligné Hervé Féron dans son rapport sur la famille.
Monsieur le ministre, nous ne sommes pas discrets, nous sommes cohérents avec nous-mêmes ! C'est pourquoi nous voterons cet article dans la mesure où nous avions entamé cette démarche avec le souci de clarifier les responsabilités de chacun.
J'insiste sur le fait que nous avions été traités, à l'époque, de dangereux idéologues,…
…alors même que nous faisions des propositions. Nous continuons à en faire et nous sommes cohérents avec nous-mêmes. Nous nous montrons des politiques responsables.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 12.
La parole est à M. Jean-Luc Préel.
Cet article prévoit une augmentation du taux de la taxe sur le chiffre d'affaires « santé » des organismes complémentaires, qui passerait de 2,5 % à 5,9 %.
Cette disposition devrait rapporter un milliard d'euros qui seront affectés à la CMU complémentaire.
Il s'agit donc de ponctionner les organismes complémentaires qui ont des réserves liées notamment aux affections de longue durée et pour lesquelles elles ne remboursent rien, Roselyne Bachelot l'a souligné, puisque l'assurance maladie de base y pourvoit à hauteur de 100 %. Soit ! Seulement, l'augmentation de cette taxe a-t-elle été négociée avec l'ensemble des organismes complémentaires ?
Il semble plutôt que seule la fédération nationale des mutuelles ait été consultée si l'on en juge par les réactions des assureurs des institutions de prévoyance, et les difficultés de fonctionnement de l'UNOCAM aujourd'hui.
Ensuite, l'augmentation de cette taxe est-elle exceptionnelle ou sera-t-elle pérenne ?
Encore que pour les laboratoires il s'agit d'une mesure exceptionnelle renouvelée chaque année !
On peut donc me répondre qu'il s'agit également, dans le cas présent, d'une mesure exceptionnelle vouée à être renouvelée chaque année ; ce peut être une solution. J'aimerais néanmoins que le Gouvernement nous indique si son objectif est de rendre cette disposition pérenne, auquel cas le risque est grand que cette augmentation se répercute sur les cotisations et pèse donc in fine sur le pouvoir d'achat des ménages. Dès lors, cette augmentation, supportée par les mutuelles qui disposent de réserves importantes, ne mettra-t-elle pas en difficulté les petites mutuelles aux réserves limitées ?
J'appelle par ailleurs votre attention, madame la ministre, sur un point qui me tient à coeur : j'ai déposé un amendement, accepté par la commission des affaires sociales mais qui ne semble pas avoir franchi l'obstacle de la commission des finances. Il visait à améliorer la transparence et à permettre une meilleure information de nos concitoyens adhérents à une complémentaire. Il prévoyait que les contrats indiquent clairement le montant du remboursement en euros avec le plafond correspondant. En effet, préciser, comme c'est le cas aujourd'hui, qu'une complémentaire rembourse 100 %, 200 % ou 300 % de la prise en charge du régime de base ne signifie rien ; en effet 300 % de zéro font toujours zéro ! C'est le cas des soins dentaires et optiques.
Je souhaite donc que le Gouvernement, dans ses discussions avec les organismes complémentaires, obtienne cette mesure de clarté et de transparence très utile pour nos concitoyens.
Cet article permet, au-delà de la ponction d'un milliard d'euros sur le chiffre d'affaires « santé » des organismes complémentaires, de poser la question de l'accès aux soins.
La ponction d'un milliard d'euros a-t-elle été négociée ? Il semble que cela ait été le cas avec une partie des organismes ou qu'il y ait eu, sinon négociation, du moins marchandage portant sur la signature d'une convention avec la fédération nationale de la mutualité française, mais pas avec les IP ou les sociétés d'assurance. Il semble que vous ayez agi ainsi de crainte que les mutuelles ne constituent un matelas excédant largement les règles prudentielles auxquelles elles sont soumises.
Cela étant, madame la ministre, vous affectez cette somme au fonds de financement de la CMU complémentaire, non pas en surcroît de recettes mais en diminuant certaines recettes, pour les réaffecter, c'est-à-dire que ce prélèvement d'un milliard d'euros sur le chiffre d'affaires des mutuelles n'est pas destiné à diminuer le nombre de personnes dépourvues de mutuelles pour des raisons financières. Or on sait qu'une majorité des 8 à 10 % de familles françaises dépourvues de mutuelle le sont pour des motifs financiers.
Nous eussions compris que cette ponction servît, par exemple, à améliorer l'aide à l'acquisition d'une mutuelle, opération très lourde pour un ménage. Le taux d'effort pour l'acquisition d'une mutuelle est en effet de 10 % pour un quotient familial situé entre 800 et 1 000 euros. Encore ces 10 % concernent-ils un contrat de base, lequel est inférieur à 3 % lorsque l'on se situe dans le décile supérieur. Cela signifie que plus on est riche, moins l'effort pour acquérir une mutuelle est important et, qui plus est, pour acquérir une mutuelle assurant une meilleure couverture !
Voilà pourquoi, madame la ministre, si l'on en juge par vos arguments et par ceux de M. Bur concernant la délégation par certaines mutuelles de la gestion du risque et de la liquidation, vous auriez été mieux inspirée de proposer, dans le contexte social actuel, une amélioration de l'accès aux soins.
La récente enquête du secours populaire, publiée dans la livraison d'octobre de la revue Convergence « Alerte Pauvreté », ne révèle-t-elle pas que 17 % des Français ont déjà renoncé à au moins un soin chez un médecin et qu'il ne s'agit pas seulement de soins optiques ou dentaires, comme on serait tenté de l'affirmer pour mieux évacuer le problème ? Entre autres données, notons que 24 % des patients interrogés ont renoncé, à cause de son coût, à une consultation chez un spécialiste ; 23 % à consulter un dentiste ; 19 % un ophtalmologiste ; 18 % n'ont pas pu acheter de médicaments ; enfin, 14 % n'ont pas été en mesure de se rendre chez un médecin généraliste.
Aussi la difficulté de l'accès aux soins ne concerne-t-elle pas seulement les secteurs optique et dentaire, mais également la médecine générale. Voilà pourquoi, madame la ministre, nous voterons contre cet article, en attendant que vous modifiiez, par la suite, l'affectation du produit de l'augmentation de la taxe en améliorant l'accès à une mutuelle pour les catégories les plus pauvres et qui sont au-dessus du plafond de la CMU.
Cet article est sans doute l'un des plus symboliques du projet. Il résulterait de son adoption soit que l'augmentation du prix des assurances complémentaires rendrait plus difficile leur souscription, soit, s'il n'augmentait pas, que les prestations diminueraient.
Il ne s'agit pas d'affirmer – et tel n'est pas notre discours – que la question de la contribution et de la participation au système de santé publique des organismes complémentaires ne doit pas être posée ; au contraire même, compte tenu de l'organisation de notre système, fondé sur la coexistence d'un régime de base de la sécurité sociale et d'assurances complémentaires : mutuelles, assurances privées ou instituts de prévoyance. Il convient néanmoins d'aborder le sujet différemment que vous ne le faites, de telle sorte que la contribution de ces organismes soit une contribution de santé publique et non pas une contribution à un déficit qui se répercutera inévitablement sur les patients.
Je ne reviens pas sur les données rappelées par Gérard Bapt. Toutefois, il convient d'insister sur le fait qu'une partie non négligeable de nos concitoyens, même si elle est minoritaire – 7 % environ –, ne peuvent pas accéder aujourd'hui à des assurances complémentaires pour des raisons financières.
Non, le chiffre n'est pas de 7 % !
Il faut ajouter qu'ils hésitent d'autant plus à se faire soigner qu'ils ne sont pas couverts par une assurance complémentaire. On voit donc bien la spirale infernale dans laquelle sont pris les ménages les plus pauvres.
J'ai bien entendu, madame la ministre, votre réponse à l'exception d'irrecevabilité que j'ai présentée. Selon vous, les organismes complémentaires se trouvent « allégés » du coût des ALD puisque celles-ci restent prises en charge à 100 % par la sécurité sociale. Cet argument a été repris ce matin sur les ondes par M. Woerth. La réalité est sans doute plus complexe puisque, d'une part, les organismes complémentaires font valoir que la prise en charge des ALD joue de façon très différenciée dans le temps et puisque, d'autre part, les pressions auxquelles sont soumis ces organismes ne concernaient pas uniquement les ALD.
Vous avez vous-même noté qu'existe, pour une part minoritaire de médecins, une pression inflationniste sur les tarifs médicaux appliqués. Or ces dépassements d'honoraires sont pris en charge de façon croissante – à 40 % en moyenne – par les organismes complémentaires. La pression accrue sur les tarifs se répercute nécessairement sur le prix des complémentaires. Il est donc naturel de constater qu'une partie de leurs ressources doit y être affectée.
On pourrait faire le même raisonnement pour les soins dentaires et optiques, encore très mal pris en charge par la sécurité sociale, en tout cas pour ce qui concerne les adultes. Là encore, ce sont les organismes complémentaires qui sont systématiquement invités à rembourser ces soins.
La pression existe et il ne nous semble pas de bonne politique, non pas pour les organismes complémentaires mais pour les patients eux-mêmes, que des charges supplémentaires soient répercutées sur les assurés sociaux.
Vous ne nous convainquez pas, madame la ministre, lorsque vous mettez en avant le fait que cette nouvelle ressource abondera le fonds CMU-c, comme si nous devions espérer une implication accrue de ce fonds en termes de santé publique. Si la création d'une ressource nouvelle est indéniable, on constate par ailleurs que des recettes perçues antérieurement par le fonds CMU-c, seront affectées à la CNAMTS.
Tel est par exemple le cas de la contribution sur les alcools – pour un montant, tout de même, de 480 millions d'euros en 2007 –, mais aussi d'une partie des droits perçus sur la consommation de tabac – pour 411 millions d'euros en 2007 –, qui affluent donc désormais vers la CNAMTS.
Il s'agit bien d'un tour manifeste de prestidigitation.
Ce que vous faites entrer d'un côté, vous le faites sortir de l'autre. On peut donc s'interroger sur le sens de cette nouvelle contribution qui, loin d'avoir une visée de santé publique, n'a d'autre objectif que de tenter de combler un déficit.
Mme Touraine l'a souligné, le système français se caractérise par l'existence concomitante d'un régime général et de régimes complémentaires. Dans la part prise par les mutuelles dans le système de protection sociale, nous avons une responsabilité partagée. Il est donc important d'ouvrir un débat sur la question. Il est en revanche inacceptable de l'envisager, comme vous le faites, de manière purement comptable.
Ainsi que Mme Touraine vient de le rappeler, un milliard d'euros est affecté au fonds CMU-c alors que, dans le même temps, vous retirez des sommes importantes pour les affecter au régime général. On ne peut accepter un tel tour de passe-passe.
Par ailleurs, alors que le président de la Mutualité française s'est engagé à ne pas trop augmenter, cette année, le tarif des mutuelles – il n'est d'ailleurs pas suivi par tous les mutualistes en ce sens –, nous craignons comme lui que cet article ne se traduise, soit par une augmentation des cotisations, soit par une baisse des prestations.
Notre collègue Gérard Bapt a eu raison de souligner que le poids de la cotisation à une mutuelle n'est pas du tout le même selon les revenus des uns et des autres. Avant de penser à prendre de l'argent aux mutuelles, il eût peut-être été plus intéressant de négocier avec elles un accroissement des prestations pour les uns et une diminution de cotisations pour les autres, en sachant d'ailleurs que les contrats individuels sont toujours plus lourds à supporter pour les ménages que les contrats collectifs, en particulier quand ceux-ci sont en partie supportés par les entreprises.
Ce qui est extrêmement désagréable, c'est que le problème est envisagé d'un point de vue uniquement comptable, alors qu'il aurait pu l'être de façon beaucoup plus profonde et intéressante. Il importe au demeurant de souligner que c'est tout de même autour du régime général que doit s'articuler notre politique en matière d'assurance maladie. C'est d'ailleurs l'objet même du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Nous dénonçons très fortement ce tour de passe-passe, étant entendu que, par ailleurs, comme l'ont souligné plusieurs collègues, plus de 8 % de la population n'a pas de couverture mutuelle. En particulier, parmi les deux millions d'enfants qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté, un million n'ont pas de couverture mutuelle.
Je ne m'attarderai pas sur une proposition que défendra notre collègue Jean-Marie Le Guen, mais il serait sans doute beaucoup plus utile, plutôt que de procéder à ce tour de passe-passe, de consacrer ces sommes à la mise en place d'une couverture mutuelle pour ceux qui ne sont pas couverts, en particulier les enfants de moins de 16 ans. En ce qui concerne l'audition, la vision, la dentition, il important de pouvoir suivre les jeunes.
Ce sont là des enjeux de santé publique, et avec cet article 12, nous en sommes très loin.
La parole est à M. Roland Muzeau.
L'article 12 prévoit une augmentation de 2,5 à 5,9 % de la taxe sur le chiffre d'affaires des organismes complémentaires qui couvrira à elle seule le financement du fonds CMU-C. Si le principe de la clarification est peut-être louable, il n'en reste pas moins que l'option choisie est cynique, génératrice d'inégalités pour nos concitoyens, et potentiellement très dangereuse.
Cette mesure est, tout d'abord, cynique et génératrice d'inégalités.
La première erreur commise à travers cette solution est de ne pas faire la différence entre assureurs privés et organismes mutualistes. En taxant indifféremment assurances et mutuelles, vous fragilisez le mouvement mutualiste, qui porte, comme la sécurité sociale qu'il complète, des valeurs d'universalité et de solidarité.
Le prétexte à cette nouvelle taxe résulte de la polémique alimentée par votre gouvernement autour des excédents des organismes mutualistes. Rappelons que ces réserves de trésorerie appartiennent aux adhérents – contrairement aux bénéfices réalisés par les assureurs – et qu'elles répondent en partie aux obligations prudentielles des organismes mutualistes. L'argent des mutuelles, c'est celui des mutualistes. Vous leur faites les poches.
Ajoutons que ces organismes mutualistes investissent une partie du reste de leur « matelas » dans des réalisations sanitaires et sociales, des crèches, des maisons pour personnes âgées, des programmes de prévention à l'échelle nationale, notamment en direction des jeunes. Autant de réalisations que le Gouvernement rechigne à mettre en place.
Or, le premier effet pervers à court terme de cette disposition réside dans l'augmentation inévitable des cotisations, quoique le Gouvernement puisse affirmer : certaines mutuelles que nous avons reçues nous ont d'ores et déjà avertis que cette augmentation de plus de 100 % de leur contribution pèsera trop lourdement sur leur trésorerie, et qu'elles ne pourront faire autrement que d'équilibrer ces nouvelles charges, au risque de se retrouver en péril.
Après les franchises médicales. Voilà donc la taxe sur les complémentaires ! Or, la part de la sécurité sociale dans le remboursement des frais de santé décroît chaque année…
C'est faux !
…du fait de l'explosion des dépassements d'honoraires, des déremboursements et de la hausse des forfaits hospitaliers. Dans ce contexte, la couverture complémentaire est devenue indispensable pour l'accès aux soins.
Rappelons que 8 % des Français renoncent à souscrire une complémentaire santé, principalement pour des raisons financières,…
…et que cette proportion grimpe à 22 % parmi les populations les plus modestes. Sur les 2,5 millions de personnes concernées, seules 330 000 bénéficiaient, fin 2007, de l'aide de la complémentaire.
Par ailleurs, en septembre 2008, un baromètre IPSOS-Secours populaire français révélait que 39 % des Français ont renoncé à un acte de soin ou l'ont retardé en raison de son coût, que 31 % ont renoncé ou différé l'achat de leur prothèse dentaire, que 29 % ont renoncé à des soins d'optique, que 24 % ont renoncé à une consultation chez un spécialiste, et 14 % chez un médecin généraliste.
La taxation des mutuelles creusera un peu plus ces inégalités dans l'accès à une couverture complémentaire, et donc, mécaniquement, aux soins que les complémentaires prennent en charge.
L'option que vous avez choisie est également dangereuse. Car au-delà des conséquences pour le mouvement mutualistes, cette disposition signe la privatisation du financement du fonds CMU-C et achève le désengagement de l'État.
Je crains par ailleurs, derrière cette évolution, un danger concernant le contrôle des assurés, dans la mesure où l'accès libre aux données personnelles de santé des Français afin de mieux « gérer le risque» constitue déjà une demande récurrente des organismes complémentaires.
Par contre, le Gouvernement est particulièrement aimable et précautionneux avec l'industrie pharmaceutique, qui n'a, loin s'en faut, aucun problème d'ordre financier !
Les chiffres sont là, encore éclairants. Les données du LEEM mises à jour en juin 2008 font apparaître qu'en 2007, l'industrie pharmaceutique a réalisé près de 45 milliards de chiffre d'affaires, en progression de 4,1 % par rapport à 2006, ce qui représente rien moins qu'un doublement sur dix ans.
En 2006, la valeur ajoutée de l'industrie du médicament représentait 5,8 % de la valeur ajoutée de l'industrie, contre 2,1 % en 1990 et 0,8 % en 1980.
L'industrie du médicament s'enorgueillit à bon droit d'un taux d'investissement, en pourcentage de la valeur ajoutée, de 6,5 %, comparable à celui des industries françaises les plus intensives en capital, faisant de la France le premier pays producteur de médicaments en Europe.
Le LEEM se targue par ailleurs du fait que « la période récente montre plus que jamais le lien entre localisation des activités et attractivité commerciale du pays ». Dit autrement, cela signifie que dans d'autres pays européens, la rationalisation des productions industrielles a déjà joué et les industries pharmaceutiques ont massivement délocalisé en raison de leur « manque d'attractivité commerciale ». Le prix trop bas des médicaments pratiqués chez nos partenaires imposait la délocalisation.
Ce n'est pas le cas en France, où les médicaments remboursables représentaient 74 % du chiffre d'affaires France de l'industrie du médicament en 2007, et où les prix des médicaments non remboursables et des médicaments vendus aux hôpitaux sont librement fixés par les fabricants.
A la lumière de ces chiffres, la taxe exceptionnelle et non revalorisée de 1 % – c'est l'objet de l'article 14 – sur le chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique, qui fait ses choux gras en France en partie grâce à la sécurité sociale, celle-ci remboursant à prix d'or des nouvelles molécules à l'efficacité parfois douteuse mais aux prix exorbitants, apparaît donc comme profondément injuste comparée à la saignée des complémentaires santé, et notamment, je le répète, des mutuelles.
Pour toutes ces raisons, avec mes amies Jacqueline Fraysse et Martine Billard, nous avons déposé plusieurs amendements, dont un de suppression de cet article 12.
La parole est à M. Pascal Terrasse.
Quelques éléments de diagnostic. La proportion des assurés bénéficiant d'une assurance maladie complémentaire est passée de 84 % en 1997 à 93 % en 2006. Cette évolution positive, vous le savez, est notamment due à la mise en place de la couverture maladie universelle. Cet engagement pris par les gouvernements de gauche était donc plutôt une bonne mesure.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Une très bonne mesure !
Néanmoins, la croissance de la couverture par des organismes complémentaires masque toute une série de problèmes.
D'une part, on constate une forte hausse de la participation des assurés sociaux, liée notamment à des augmentations de leur couverture de soins. L'ensemble des dispositions qui ont été décidées au cours des dernières années – hausse du tarif journalier dans les hôpitaux, du ticket modérateur, déremboursements et franchises de toutes sortes – ont fait peser sur les organismes complémentaires une augmentation des coûts.
Gérard Bapt, Marisol Touraine et d'autres ont rappelé à juste titre que la cotisation à un organisme complémentaire peut représenter moins de 3 % des revenus pour ceux qui ont de l'argent, et 10 % des revenus pour ceux qui sont dans une situation plus précaire. Il y a là une inégalité dans l'accès aux soins.
Par ailleurs, depuis maintenant un certain nombre d'années, on assiste à une baisse de la prise en charge des régimes obligatoires. Nous devons nous interroger sur le fameux reste à charge.
C'est faux !
Il était de 8,3 % il y a trois ans, et de 8,5 % en 2007. C'est la Cour des comptes qui le dit. Je vous renvoie à son rapport.
Par conséquent, ne dites que je raconte des histoires : c'est dans le rapport qui nous a été présenté.
J'en viens à présent au problème posé par cette taxation, à hauteur d'1 milliard d'euros, sur le chiffre d'affaires des organismes d'assurance complémentaire.
Indéniablement, cela aura un impact sur le coût des assurances complémentaires.
Certaines d'entre elles ont en effet des réserves et des provisions, qui sont d'ailleurs, pour une grande part, obligatoires, notamment en application des directives européennes.
De plus, on aurait pu imaginer que cette taxation s'inscrive dans le cadre d'une relation contractuelle avec les organismes complémentaires. Je rappelle qu'ils ne participent pas aux politiques conventionnelles. Or, il y a des décisions prises par l'État qui impactent, indéniablement, les organismes complémentaires. Rien n'est fait dans le cadre de discussions tripartites. Pourquoi ?
Les dépassements d'honoraires sont de plus en plus importants. On voit bien qu'il y a un report vers les assurances complémentaires.
En réalité, derrière cet article 12 se cache une option politique, dont le but est de pouvoir afficher, demain, une baisse des prélèvements obligatoires, puisque les cotisations aux organismes d'assurance complémentaire n'entrent pas dans les prélèvements obligatoires, à la différence des cotisations de sécurité sociale. Il s'agit pour le Gouvernement de nous entraîner petit à petit dans une privatisation du système d'accès en soins. Ce sont les assurances et les mutuelles qui prendront en charge la couverture maladie, et non pas le régime obligatoire.
Il y a là un tour de passe-passe qui ne profitera pas, bien évidemment, à l'ensemble de nos concitoyens, puisque, on le voit, les inégalités se creusent du fait des mécanismes qui sont proposés.
S'agissant de la sélection du risque par certains organismes mutualistes, il y a beaucoup de questions à se poser. Pourquoi celui qui a plus de 60 ans va-t-il payer plus cher, pourquoi celui qui a moins de 40 ans va-t-il payer moins cher ? Il y a des sélections du risque qui sont inadmissibles en matière de prise en charge des soins.
La parole est à M. Michel Issindou.
Au risque d'en rajouter dans le même registre (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…
Eh oui, chers collègues, on a besoin de répéter les choses en permanence !
Après les franchises l'an dernier, vous avez trouvé cette année une autre recette, le prélèvement sur le chiffre d'affaires des mutuelles et des complémentaires.
Bien sûr, nous sommes contre cette mesure. D'abord, il faudra nous dire si elle s'appliquera seulement cette année ou si elle perdurera. Nous sommes dubitatifs, car les comptes de l'année prochaine pourraient être exécrables, et vous serez sans doute fortement tentés de reproduire ce dispositif.
Ce matin, il a souvent été question de tuyauterie . La taxe sur les alcools et les tabacs sera désormais affectée à la CNAM, ainsi que les excédents de la CMU. Cette mesure nous inquiète. C'est pourquoi nous vous demandons de supprimer l'article 12, qui prévoit d'augmenter le prélèvement sur le chiffre d'affaires des organismes complémentaires. Il faudrait être naïf pour penser que les mutuelles ne répercuteront pas ce manque à gagner. Cela ne se produira peut-être pas l'an prochain, mais à n'en pas douter les années suivantes, sauf à dire qu'aujourd'hui, elles sont mal gérées. Qui aurait l'envie ou le courage de dire qu'elles font des excédents et de la mauvaise graisse sur notre dos ? Je pense que tel n'est pas le cas, ou alors, il faudra le leur dire avec force. Nous avons reçu plusieurs mutuelles, qui déclarent gérer correctement leurs fonds.
Ce dispositif va donc augmenter la charge des assurés et réduire l'accès aux soins pour certains de nos concitoyens. Pourtant, dans nos permanences, nous rencontrons de plus en plus de gens contraints de faire un choix entre une mutuelle et des besoins plus immédiats.
Cet article prévoit aussi le transfert de l'aide à la complémentaire santé dans le fonds CMU. Rappelons que cette aide est aujourd'hui sous-utilisée en raison de l'absence de volonté réelle des pouvoirs publics. Ceux-ci ne semblent pas vouloir oeuvrer en faveur de ceux qui n'ont pas de couverture complémentaire, soit 7 à 8 % de la population qui, aujourd'hui, souffrent d'une absence de soins. Divers sondages et enquêtes, ainsi que la presse, rapportent que 32 % des personnes non protégées déclarent renoncer à des soins. Mais les plus à plaindre sont ceux qui n'ont pas de complémentaire. En fin de compte, les bénéficiaires de la CMU se soignent mieux. La pire situation est celle des personnes qui n'ont aucune protection et qui n'ont pas de solution de remplacement.
Nous souhaitons également supprimer la disposition prévoyant d'affecter les excédents du fonds CMU à la CNAM. Une telle mesure est en contradiction avec la volonté affichée du Gouvernement de clarifier le financement de notre système de protection sociale. Cette année, vous jouez à une sorte de jeu de bonneteau : vous sortez des fonds d'un côté, vous en rajoutez ailleurs. Et on ne sait plus où on en est ! Bref, vous êtes en train d'opacifier et de complexifier un domaine déjà particulièrement compliqué.
Par ailleurs, ce fonds, qui a vocation à financer la CMU, mais aussi l'aide à la complémentaire, désormais appelée « chèque santé », montre une montée en charge très insuffisante. Cela prouve, une fois de plus, votre manque de volonté de faciliter l'accès à cette aide aux personnes qui en ont besoin. Il convient d'en développer l'accès et de ne pas priver ce fonds de ses excédents.
Aujourd'hui, un million d'enfants vivent dans la pauvreté et n'ont pas accès à la CMU. C'est un chiffre catastrophique, et cet état de fait a des répercussions sur leur santé. Ils ne vont pas chez le dentiste, le plus tard possible chez l'ophtalmologiste, et des problèmes d'audition se révèlent parfois à l'école. Avec ces mesures, vous supprimez l'accès aux soins des catégories les plus défavorisées. Si je ne suis pas très inquiet pour les autres, je le suis vraiment pour celles-ci.
Pour conclure, je ferai deux observations. D'abord, le seuil de la CMU mériterait d'être revisité. Ensuite, l'ACS est un échec, en raison d'un manque de volonté politique. Vous avez de grandes ambitions pour la santé. Essayez déjà de régler ces problèmes, ce sera de nature à satisfaire les plus démunis d'entre nous !
La parole est à M. Jean Mallot.
L'article 12 est un point clef du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En réalité, je ne parlerai pas de réforme à propos de la loi de 2004, puisqu'une réforme est censée améliorer la situation et que cette loi a échoué. Le Gouvernement cherche en effet des ressources pour financer l'assurance maladie.
Quelle aubaine il y a précisément dans les régimes complémentaires, des disponibilités, des réserves, ce qui est très tentant ! Le Gouvernement opère donc un prélèvement à destination de la caisse nationale d'assurance maladie et du régime général. Il ne s'agit, via le fonds CMU, que d'un habillage – certes élégant –, une sorte de tableau dans lequel le régime obligatoire se débrouille et les complémentaires financent les complémentaires, pour la CMU complémentaire.
En réalité, les choses sont beaucoup plus complexes. La clarification n'est qu'apparente et une première question se pose. Ou bien ce prélèvement est opéré une seule fois, à hauteur d'un milliard d'euros, et le problème reste devant nous, car il faudra trouver des ressources pour 2009, 2010, 2011 et 2012. Ou bien ce flux est pérennisé et le coût sera, à l'évidence, répercuté sur les assurés. En l'occurrence, il s'agit bien d'une augmentation de prélèvements.
Au-delà de ces remarques, je voudrais élargir le débat. On voit bien comment, par glissements progressifs, la distinction entre régime obligatoire et régime complémentaire devient difficile à voir. D'abord, certaines dépenses de soins sont prises en charge essentiellement par les complémentaires, comme les soins dentaires ou les soins d'optique. À l'article 31, le Gouvernement propose ensuite, avec des intentions tout à fait respectables…
…d'associer plus encore les régimes complémentaires, notamment à l'élaboration et au suivi des conventions médicales. Nous aurons ce débat lorsque nous aborderons l'examen de cet article. Mais vous apportez de l'eau à mon moulin : finalement, le rapprochement entre régime obligatoire et régime complémentaire s'opère, dans une sorte de fusion vers un régime unique. Dès lors que vous persévérez dans cette démarche par glissements progressifs, la question se pose de savoir quel rôle nous donnons aux complémentaires dans notre système. Nous devons donc définir précisément le rôle que nous voulons attribuer aux régimes complémentaires. Il nous faudra sans doute ouvrir aussi un espace pour d'autres régimes effectivement complémentaire. Faute de quoi, on n'y verra plus rien…
C'est le même problème pour les retraites !
Ces tuyauteries n'ont pour effet que d'habiller cette fusion problématique et de laisser devant nous les difficultés, en répercutant sur les assurés le coût d'un prélèvement qui, malgré l'habillage, sera bien réel pour eux.
La parole est à M. Patrick Roy.
Semaine après semaine et mois après mois, nous constatons que ce gouvernement est celui des mauvais coups. Pas pour tout le monde, il est vrai ! Mais des mauvais coups pour des millions de Français qui souffrent, et ce, de plus en plus.
L'an dernier, il nous a déjà assené un coup funeste, un véritable coup de butoir, avec l'installation des franchises médicales, dont l'objectif est de responsabiliser les malades. Depuis un an, je dénonce ces franchises, qui s'appliquent aussi aux victimes de l'amiante dont on nous dit qu'ainsi, elles seront plus responsables. Quel cynisme !
Madame la ministre, monsieur le ministre, savez-vous que des millions de Français souffrent chaque jour ? Je reçois dans ma permanence des gens qui n'ont plus de toit ou vivent dans un logement totalement dégradé, ce qui met leur santé en jeu. Le quinze du mois, leur frigo est vide parce qu'ils n'ont plus d'argent. L'hiver arrive et ils ne peuvent pas se chauffer. Tout cela ne date pas du siècle dernier, c'est ce que j'entends chaque jour dans ma circonscription. Et maintenant, il y a de plus en plus de Français qui ne peuvent plus accéder aux soins et qui ne se soignent plus parce que la charge financière est trop importante.
Pour « améliorer » le système, madame la ministre, vous projetez aujourd'hui de taxer les complémentaires. Beaucoup de Français ne peuvent déjà pas s'en offrir une et ne se soignent plus. En les taxant, vous allez inévitablement provoquer, cette année ou l'an prochain – en fonction de la réserve propre des mutuelles – une augmentation des cotisations. Par conséquent, l'accès aux soins sera encore plus difficile et la souffrance sociale encore plus forte.
Pour terminer, je rebondis sur ce que disait hier M. Woerth. Soit il est de mauvaise foi, soit il est sourd, mais, comme d'habitude, il nous a reproché de ne pas faire de propositions, sur les bancs de gauche. Or à chaque fois que nous défendons un amendement, monsieur le ministre, vous le refusez. Au lieu de prendre des mesures qui ne feront qu'alourdir la souffrance sociale, regardez donc du côté de vos amis, de ceux qui vont bien : taxez les parachutes dorés, et l'industrie pharmaceutique, qui fait des profits auxquels vous ne voulez pas toucher. Tout ira mieux et il y aura plus d'équité !
La parole est à Mme Catherine Lemorton.
Nous avons déjà abordé cette question dans le cadre de la MECSS : je voudrais que l'on fasse une photographie de l'accès aux mutuelles dans notre pays. Car le chiffre selon lequel 8 % de nos concitoyens n'ont pas accès à une complémentaire reflète bien la réalité. Mais j'aimerais que l'on cherche à savoir quel type de contrat ont souscrit les 92 % de Français qui y ont accès. Il existe en effet des contrats minimum, qui ne permettent même pas de bénéficier du tiers payant. Aujourd'hui, les Français sont obligés de faire l'avance à tous les niveaux de soins.
Vous nous dites souvent que le régime obligatoire assure encore en moyenne 76 % des remboursements. Dès lors qu'il y a une montée en charge du 100 % affections de longue durée, ceux qui n'en bénéficient pas ont forcément un reste à charge de plus en plus important, et donc, de plus en plus de difficulté à trouver des contrats de mutuelle leur offrant une couverture correcte.
Seulement 12,6 % des bénéficiaires de couvertures complémentaires privées refusent des soins, contre 19,1 % pour ceux de la CMU-C et 32 % pour ceux qui ne sont bénéficiaires ni d'une couverture complémentaire privée ni de la CMU-C. Or pour la plupart, ces derniers paient les franchises médicales. Cela revient à dire qu'ils refusent ou retardent des soins, retardant ainsi leur accès à la prévention, avec toutes les conséquences que cela implique.
Même si ce n'est pas le sujet aujourd'hui, j'aimerais, madame la ministre, que soit lancée une étude sur l'accès de nos concitoyens à une complémentaire. Il ne suffit pas de constater que 14 % des retraités n'ont pas de complémentaire. Quand quelqu'un prend sa retraite, il sort généralement des contrats de groupe de son entreprise et les complémentaires lui proposent des contrats beaucoup plus chers, car à soixante ou soixante-cinq ans, on a plus de cholestérol et d'hypertension qu'à vingt-cinq ans.
De surcroît, les assurés en ALD pris en charge à 100 % se verront opposer un contrat beaucoup plus cher. Il est, par conséquent, nécessaire de se pencher sur l'accès aux complémentaires santé de tous nos concitoyens, surtout des retraités qui perçoivent de faibles revenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
Comme il faut toujours voir les choses de façon positive, je dirai que cet article 12 me fait penser à un tableau de de La Tour « Les joueurs de cartes ». On pourrait voir Mme la ministre jouer avec un représentant d'un organisme complémentaire, un assuré social les regarderait pendant que quelqu'un retirerait quelques sous de la bourse qui serait dans sa poche.
Vous n'avez en réalité aucune garantie politique, madame la ministre, sur le fait que les organismes complémentaires n'augmenteront pas leurs tarifs. D'ailleurs, cet article 12 est, d'un certain point de vue, incomplet puisque la contrepartie du troc politique passé cet été n'y figure pas. Vous ne disposez, de plus, d'aucun moyen juridique pour lutter contre une telle augmentation. Il y aura donc une répercussion sur les tarifs. Et cela dépasse votre propre responsabilité parce que le système des organismes complémentaires a atteint ses limites. En effet, la concurrence s'avérant fort relative, ces organismes peuvent très aisément fixer leurs prix. Vous avez d'ailleurs dénoncé leurs réserves très importantes. Cela prouve donc parfaitement que la concurrence, d'une part, et l'autorité politique ou étatique, d'autre part, sont impuissantes face à la fixation des tarifs. Aussi, il se passera l'année prochaine et les suivantes ce qui s'est toujours passé : les organismes complémentaires augmenteront leurs tarifs au moins à concurrence de votre taxation.
Il faut donc mettre fin au discours purement formel du Gouvernement selon lequel rien ne sera pris dans la poche des Français. Si ! Tous ceux qui ont un contrat d'assurance complémentaire vont donner un milliard d'euros. Cela représente donc un nouveau transfert sur les ménages. Vous ne pourrez jamais démontrer le contraire, car vous n'en avez ni les moyens politiques ni les moyens juridiques.
Par ailleurs, le Gouvernement s'est mis dans une situation complexe pour deux raisons. Tout d'abord, les liens entre l'obligatoire et le complémentaire sont de plus en plus compliqués. Nous connaissons l'échec pratique de l'aide à la complémentaire ; en effet, à peine 10 % de ceux qui devraient pouvoir y prétendre en bénéficient réellement, parce que le gap qu'il faut franchir est de toute façon trop important. Ensuite, les « contrats responsables » dans le cadre de la loi de 2004 et de la convention qui a suivi, sont, eux-mêmes, une forme d'organisation finalement assez complexe de la protection sociale complémentaire, donc de la protection sociale de nos concitoyens.
Nous avons ainsi toutes les raisons de craindre que, dans les périodes de crise économique et sociale très dures que nous allons malheureusement sans doute connaître dans quelques semaines ou quelques mois, la tendance à la démutualisation ne s'accroisse puisque les familles auront de moins en moins de ressources, alors que les contrats ne cesseront d'augmenter.
Par un amendement, rejeté au titre de l'article 40, nous avions proposé, madame la ministre, la gratuité des soins pour les enfants de moins de seize ans.
Je me permets d'appeler votre attention sur ce sujet.
Le ticket modérateur a théoriquement pour objet initial de modérer la consommation des soins. Peut-on vraiment penser aujourd'hui qu'il y a une surconsommation de soins chez les enfants ? Peu d'entre nous le croient véritablement. En revanche, nous savons que cet âge est déterminant dans l'acquisition du capital santé. Je pense notamment aux soins optiques ou dentaires. Je n'évoquerai pas ici la dyslexie et toutes les pathologies qui pèsent lourdement sur l'avenir social individuel de l'enfant, mais aussi sur le capital humain dont bénéficie notre pays. N'est-il pas temps de mener une action volontariste quand on sait – et c'est ce à quoi faisait référence Catherine Génisson – que, sur deux millions d'enfants pauvres, un million est couvert par la CMU, mais un autre, qui se situe entre le seuil de la CMU et le RMI, ne bénéficie d'aucune couverture complémentaire ?
Nous devons donc avoir le courage de faire bouger les lignes, y compris en matière de couverture complémentaire. Le Gouvernement devrait étudier cette piste. Sans vouloir être cruel, je rappellerai que M. Raffarin, alors Premier ministre, avait assuré, lors de l'examen du projet de loi de 2004, que ce million d'enfants pauvre serait pris en charge.
Mais je ne cherche pas la polémique, je veux simplement interpeller notre assemblée sur ce point.
Ces contrats étant des contrats familiaux, ce sont les familles qui supportent leur coût élevé. Si l'on retirait les enfants de la couverture, les contrats seraient d'autant moins chers. Plutôt que de privilégier la complémentaire, qui ne marche pas bien, il serait donc préférable de financer la gratuité du ticket modérateur pour les enfants. Cela aurait un effet report sur les tarifs des complémentaires.
Les contrats d'assurance complémentaire représentent également pour les personnes âgées une charge très lourde proportionnellement à leur bourse. Ce problème devrait être réglé dans une réforme de la loi de 1991 relative à l'organisation de la couverture complémentaire. On pourrait alors donner davantage de poids à l'obligation viagère des complémentaires sur les actifs.
Veuillez conclure, monsieur Le Guen.
Ce serait une avancée sociale. De plus, le partage des responsabilités entre le complémentaire et l'obligatoire en matière de couverture sociale serait plus net.
La parole est à Mme Aurélie Filippetti.
Cette taxe sur les mutuelles sera évidemment très rapidement reportée sur nos concitoyens et pèsera donc sur les revenus des ménages. Or, on le sait, les primes d'assurance ne sont pas proportionnelles au revenu, comme le montre très bien l'enquête sur la santé et la protection sociale de l'IRDES d'avril 2008. Ce prélèvement régressif aura pour conséquence que les pauvres paieront pour les riches et les plus modestes pour les moins modestes. Cette disposition est donc d'une injustice sociale criante.
La parole est à Mme Martine Martinel.
Le dispositif de la couverture médicale universelle complémentaire et de l'aide à l'acquisition d'une couverture santé complémentaire nous préoccupe. Nous soulignons notamment l'absence de couverture complémentaire d'une partie de la population française. Derrière cette inquiétude, on perçoit sans difficulté le souci de permettre à tous l'accès à un large panier de soins. La CMU-C relève très clairement de cette logique et est, de ce point de vue, un succès indéniable, même si la discrimination observée à l'encontre des bénéficiaires tempère le diagnostic.
Peut-on continuer à demander aux organismes complémentaires d'assurance maladie de jouer le rôle de soupape de sécurité d'un système de dépenses socialisé ? Peut-on les considérer comme des partenaires accommodants et vertueux de l'assurance maladie ? Ce sera certainement de plus en plus difficile. Il est probable que la concentration de secteurs en oeuvre aujourd'hui conduira à une tension sans cesse plus grande entre le rôle implicitement dévolu aux OCAM par l'assurance maladie et les impératifs de la concurrence et de la création de valeurs d'un secteur d'activité devenu comme un autre.
Finalement, est-il souhaitable de changer en profondeur le système d'assurance maladie pour lever ces contradictions ? Est-il préférable de vivre avec et d'en atténuer les tensions pour continuer à se donner l'illusion d'être à la fois universel, parcimonieux et performant ?
Vous avez précisé, madame la ministre, que ces sujets étaient l'objet d'une réflexion. Quel est aujourd'hui votre sentiment ? Qu'envisagez-vous pour l'avenir ?
La parole est à Mme Martine Pinville.
Cet article a donc pour objet de taxer plus fortement les mutuelles complémentaires. Le déremboursement des médicaments plus important d'année en année, les franchises médicales en 2008, et la taxation supplémentaire des complémentaires prévue par le PLFSS pour 2009 pénaliseront très fortement le pouvoir d'achat des ménages. Les salaires, les pensions et les minima sociaux n'augmentent pas. Un grand nombre de nos concitoyens ne pourra donc plus accéder à une complémentaire de santé et, de ce fait, ne se soignera plus correctement. Il ne faut pas hésiter, grâce à une politique ambitieuse, à privilégier l'accès aux mutuelles.
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 322 et 509 .
Sur le vote de ces amendements, j'indique, d'ores et déjà, que je suis saisie par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 322 .
Le Gouvernement justifie l'augmentation de la contribution des complémentaires par le fait que le transfert à 100% vers l'assurance maladie des malades en ALD permettrait à ces complémentaires de réaliser une économie de 600 millions d'euros. Mais quid de la différence de 400 millions ? En outre, ces 600 millions nous laissent dubitatifs. Vous avez, en effet, décidé de recentrer la prise en charge des ALD, notamment avec la réutilisation des ordonnances bizones mais aussi en prévoyant que, dorénavant, l'assurance maladie ne prendrait plus en charge à 100 % les pathologies ou les examens qui n'entreraient pas dans le cadre des ALD en tant que telles. Des lors, ces frais ainsi que les forfaits et dépassements d'honoraires pèseront sur les complémentaires.
Par ailleurs, et même si vous semblez avoir reculé dans ce domaine, on voit en filigrane votre volonté de transférer aux complémentaires des nouvelles charges telles que les frais d'optique, les frais dentaires et les frais de cures thermales, dont la prise en charge par l'assurance maladie devrait être diminuée dans ce PLFSS. D'où une augmentation des charges pour les complémentaires.
Dernier point, évoqué par Roland Muzeau, c'est la différence entre les mutuelles et les assurances. Quand on est mutualiste, l'argent qu'on verse va dans un pot commun. Les mutuelles ne font pas de bénéfices, ne rémunèrent pas d'actionnaires.
Qu'il y ait des problèmes de fonctionnement, nous le pensons effectivement. Que, comme les assurances, les mutuelles soient entrées dans le système des contrats différenciés selon l'âge ou le montant versé, permettant d'avoir une couverture plus ou moins large, nous le regrettons. C'est vrai que c'est l'une des conséquences de la législation européenne qui a aligné les complémentaires sur les assurances. Les mutuelles ne pourraient pas ne prendre en charge que des assurés très malades ayant besoin de nombreux remboursements alors que les autres pourraient soit se passer de complémentaires soit aller chez les assurances pour payer moins cher. Le principe de solidarité de la mutuelle explique certaines choses.
S'il doit y avoir discussion avec les complémentaires sur l'utilisation des réserves, nous sommes d'accord. Un grand nombre de pistes ont été ouvertes. On pourrait travailler avec les complémentaires sur le développement de centres de santé ou l'aide aux centres de santé mutualistes, sur le renforcement de la prévention, ce qui est vraiment nécessaire, même si mutuelles le font déjà, et sur une prise en charge peut-être encore plus solidaire de ceux qui n'ont pas les moyens.
En tout cas, il nous semble injuste et incorrect que la ponction soit augmentée d'autant cette année et les années à venir puisque, elles le disent elles-mêmes, les assurances relèveront les cotisations dès 2009 et les mutuelles dès 2010.
Vous avez refusé tout à l'heure la proposition de M. Bur et de M. Préel, monsieur le ministre, parce que vous aviez peur de l'affichage alors que cela n'augmentait pas les prélèvements. En l'occurrence, vous avez l'air de penser que vous le maîtriserez mieux. Pourtant, ce que vous introduisez avec cet article, c'est une augmentation à terme des cotisations des complémentaires.
Peut-on considérer que l'amendement n° 509 a été défendu ?
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
Après toutes ces interventions, je voudrais faire un certain nombre de mises au point pour apaiser vos inquiétudes.
Vous ne cessez de dire que, dès lors qu'il y a un nouveau prélèvement, il y aura forcément une augmentation des cotisations.
Je suis quant à moi convaincu que les organismes complémentaires sont à même de supporter cette nouvelle charge, d'abord parce que, chaque année, le transfert à 100 % à l'assurance maladie des malades chroniques en ALD leur fait économiser 600 millions, mais aussi parce que leur situation financière le leur permet.
Le montant des cotisations représente aujourd'hui environ 28 milliards d'euros. Elles ont augmenté de 56 % depuis 2001. Dans le même temps, les dépenses de santé ont augmenté d'environ 30 %. Dans les différentes sections de l'assurance complémentaire, chacun reconnaît que les années 2001 à 2007 ont été bénéfiques parce qu'on a anticipé une évolution très rapide des dépenses de santé à la charge des complémentaires santé, ce qui n'a pas été le cas. Un certain nombre de transferts que l'on pouvait attendre à la suite de la réforme de 2004 n'ont pas eu lieu, en effet. Ce sont autant d'économies pour l'ensemble du monde de la santé complémentaire.
Ce débat n'est pas nouveau. Au moment de la mise en place de la CMU, le gouvernement de l'époque avait demandé à M. Jean-Claude Boulard de rédiger un rapport. Ce rapport, dont je vous recommande la lecture, évaluait les différentes hypothèses pour mettre les complémentaires santé à contribution pour financer la CMU.
On peut y lire qu'un financement de la CMU, notamment par l'affectation d'une partie des fonds libres dont disposent les acteurs au-delà de leurs réserves obligatoires, est envisageable. S'agissant des mutuelles, une analyse sur plusieurs années montre que les mutuelles complémentaires sont structurellement excédentaires.
En dehors des règles prudentielles, les fonds libres de la mutualité se montaient déjà à l'époque, en 1994, à 8,2 milliards de francs.
Concernant l'ensemble du monde des institutions de prévoyance, il y avait, selon le rapport Boulard, les réserves nécessaires pour participer au financement de la CMU. Bien évidemment, les assureurs privés devaient trouver les moyens de finaliser cette participation.
Je me suis renseigné sur l'état des fonds propres de l'ensemble du monde complémentaire. Cela a été difficile. Je me suis référé au rapport de la Cour des comptes, au rapport du fonds CMU, et j'ai interrogé l'autorité de contrôle des assurances et des mutuelles.
Cette autorité a mis beaucoup de temps à me répondre. J'ai eu une réponse ce matin même.
Pour l'ensemble des assurances dommages corporels, au sein desquelles se situe le risque santé, les fonds propres comptables en 2007 sont de 71 milliards d'euros pour les assureurs, de 10,4 milliards d'euros pour les institutions de prévoyance et de 12,4 milliards d'euros pour les mutuelles.
Les chiffres que j'avançais pour dire que l'ensemble du monde de la complémentaire santé avait des réserves en fonds propres, au-delà des règles prudentielles en vigueur, d'un montant de 17 milliards d'euros, sont donc vérifiés.
Il y a 8 milliards à mettre au compte de la mutualité, 5 au compte des assureurs privés et 4 à celui des institutions de prévoyance.
Je ne porte pas de jugement, je constate simplement, et je me dis qu'avec ces fonds propres, on aurait peut-être pu rembourser mieux, proposer des contrats de meilleure qualité, comme le disait Mme Lemorton tout à l'heure. Selon un rapport de la DRESS, deux tiers des complémentaires santé sont des complémentaires a minima.Notamment de la part de la mutualité, on aurait pu imaginer de meilleurs remboursements, une prise en charge plus adaptée ou alors une diminution des primes.
Voilà la raison pour laquelle je dis que le monde de la complémentaire santé peut prendre en charge sans dommages cette contribution supplémentaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Je suis un peu abasourdi par le débat que nous avons. Que vous défendiez autant le monde complémentaire et aussi peu l'assurance maladie (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), cela me surprend. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Il y a de grands anciens dans cette assemblée. Je vous rappelle que c'est Martine Aubry qui a créé la taxe sur le chiffre d'affaires des complémentaires. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je suis donc très surpris que vous ne poursuiviez pas dans la ligne de ce brillant passé.
De quoi s'agit-il exactement ? Lisez les rapports du HCAM. Il s'agit tout simplement de regarder combien coûte en plus à l'assurance maladie la prise en charge à 100 % des personnes en affection de longue durée – 200 000 à 300 000 personnes supplémentaires chaque année – et combien cela coûte en moins au secteur des complémentaires, c'est-à-dire les assurances, les institutions de prévoyance et les mutuelles. Cela représente 600 millions d'euros.
Nous avons décidé, d'un commun accord d'ailleurs, après avoir rencontré longuement la mutualité, de procéder à une sorte de compensation, à hauteur d'un milliard d'euros, de ce transfert. Ce n'est ni plus ni moins. Il n'y a pas de raison particulière que l'assurance maladie ait à faire face à de plus en plus de charges et que les complémentaires en supportent de moins en moins.
Certains, dites-vous, ne seront plus pris en charge par des complémentaires, les cotisations vont augmenter. Vous nous avez décrit un monde à la Zola. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je vous ferai remarquer, monsieur, que nous sommes élus comme vous. Vous n'avez pas le monopole du réalisme. (Protestations sur les bancs du groupe SRC. - Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Aujourd'hui, 93 % des Français sont couverts par une complémentaire au titre de la CMU-C, c'est-à-dire de la solidarité nationale, ou à titre privé. Les 6 ou 7 % qui restent, ce ne sont pas nécessairement des gens qui ne peuvent pas être assurés par une complémentaire, une partie d'entre eux font des calculs et ne souhaitent pas en bénéficier. Il reste donc 3 à 4 % de Français, pour lesquels, évidemment, la solidarité doit jouer.
Quand vous êtes gravement malade, vous êtes en ALD à hauteur de 100 %. Quand vous êtes à l'hôpital, vous êtes pris en charge à 100 % dans la plupart des cas.
J'ai l'impression que vous ne vivez pas toujours la vie réelle. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Plutôt que de tenir des discours totalement surréalistes, allez dans une pharmacie ! Vous verrez bien combien de gens bénéficient du tiers-payant.
Vous vivez dans un monde décalé par rapport à la réalité. La France s'honore d'avoir un système social aussi développé. Plutôt que de le caricaturer et de le décrier sans arrêt, vous devriez au contraire le mettre en avant.
Ce que nous proposons est parfaitement juste et protecteur pour l'assurance maladie publique. Que vous vous érigiez en défenseur des organismes complémentaires me surprend beaucoup !
Nous pensons simplement que nous devons protéger l'assurance maladie et que, s'il y a des charges supplémentaires à la charge de l'assurance maladie en raison de la prise en charge à 100 % des ALD, ce doit être neutralisé. C'est ce que nous faisons et nous avons bien raison de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé.
On ne peut effectivement qu'être interpellé par la bonne santé financière des organismes complémentaires. Yves Bur a donné des chiffres extrêmement éclairants, qui contrastent avec les difficultés des régimes obligatoires.
Il était donc normal, et moral, dirai-je, d'appeler à une contribution, très partielle, des organismes complémentaires au profit de l'assurance maladie.
Cette bonne santé financière est en effet due principalement à la prise en charge croissante par l'assurance maladie obligatoire d'un certain nombre de dépenses. Par ailleurs, depuis 2001, selon le Haut conseil de l'assurance maladie, le taux de profitabilité des organismes complémentaires est passé de 13 à 27 %.
Des questions m'ont été posées concernant le mécanisme. À cet égard, je préfère le terme de « clarification » dont a usé M. Muzeau, à l'expression « tour de passe-passe » employée par Mme Génisson. Le produit de l'augmentation en question sera intégralement affecté au fonds CMU-C, qui perçoit déjà les 2,5 % de la taxe inaugurée par Mme Aubry. En contrepartie de l'affectation au fonds CMU-C de la taxe sur les organismes complémentaires, les autres recettes propres du fonds CMU, à savoir la contribution sur les alcools de plus de 25 degrés et la fraction d'un peu plus de 4 % des droits de consommation sur les tabacs, seront transférées à la CNAMTS. Au total, 800 millions d'euros viendront abonder en 2009 les recettes de cette dernière.
Ce surcroît de ressources au fonds CMU-C permettra de clarifier le financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie. Il paraît en effet opportun de mettre en cohérence le rôle et le financement du fonds CMU-C et de la CNAMTS.
En ce qui concerne la protection maladie complémentaire, la CMU-C et l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé, l'ACS, laquelle est aujourd'hui financée par les régimes d'assurance maladie obligatoire, seraient ainsi financées par le seul fonds CMU-C, alimenté uniquement par un prélèvement sur le chiffre d'affaires des organismes complémentaires. La CNAMTS se consacrerait alors à son rôle fondamental, qui est d'assurer et de financer la protection maladie de base. Chacun dans son rôle, avec des financements clairement identifiés : il n'y a aucun tour de passe-passe, mais au contraire, pour reprendre le terme de M. Muzeau, une clarification.
L'article prévoit également une revalorisation pour tous les organismes gestionnaires du forfait de base, à savoir une augmentation de 7,50 euros par bénéficiaire et par trimestre, soit une hausse de 9 %, ce qui permettra de mieux prendre en compte la dépense effective supportée par les gestionnaires, notamment par la CNAMTS.
Enfin, il est prévu que les excédents du fonds CMU-C soient chaque année affectés à la CNAMTS, ce qui devrait représenter 100 millions d'euros en 2009.
Vous m'avez interpellé, plus globalement, sur les questions d'accès aux soins. Oui, il existe en la matière une triple inégalité. Cette inégalité est d'abord financière. Tout ce que nous proposons vise à la réduire.
C'est le sens de la lutte que nous menons contre le refus de soins ou pour le meilleur accès à la complémentaire santé – qui a permis de réduire de 13 % le nombre de non-bénéficiaires depuis le début de l'année –, ou encore contre les dépassements d'honoraires.
La question des inégalités causées par les difficultés financières est un élément véritablement crucial de notre politique de santé.
Il s'agit également d'une inégalité géographique. Tout ce que nous vous avons proposé dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 et tout ce que nous allons vous proposer dans le présent PLFSS et dans la loi « hôpital, santé, patients, territoires » aura pour but de remédier à ces inégalités géographiques.
Enfin, il s'agit d'une inégalité d'information et de formation, consécutives parfois à certaines difficultés culturelles. Aujourd'hui s'achève le mois consacré à la promotion du dépistage du cancer du sein. Alors que le dépistage est, dans ce cadre, entièrement gratuit, sans ticket modérateur, les plus modestes d'entre nous ne se font pas dépister.
Nous avons donc un travail à mener sur cet aspect. C'est pourquoi nous avons édité des brochures dans les langues étrangères les plus répandues dans notre pays, que nous avons établi des structures de dépistage mobiles pour aller vers les plus défavorisés, et qu'il faut travailler sur l'environnement social. C'est tout cela que j'ai voulu faire à travers ce nouveau mois de dépistage du cancer du sein.
Toute ma politique vise à améliorer l'accès aux soins et à lutter contre les inégalités de santé, et je ne m'arrêterai pas en chemin. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Catherine Génisson. (« Non ! » sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Le règlement m'autorise à donner la parole à un orateur pour répondre à la commission et au Gouvernement.
Je vais être brève, mes chers collègues. (« Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Personne ne conteste la bonne santé des mutuelles. Pour autant, cette bonne santé ne les a pas empêchées de relever leurs tarifs de 56 % en sept ou huit ans sans augmenter parallèlement la qualité des prestations offertes à nos concitoyens. Sans parler du déséquilibre entre les plus aisés, pour lesquels le coût d'une cotisation est inférieur à 2,5 %, et les moins aisés, pour lesquels il est de 10 %, alors que les prestations sont de moindre qualité pour eux.
Le Gouvernement ne peut rien faire sur ce sujet. Quand vous nous assurez que le coût de cotisation des mutuelles n'augmentera pas alors même que le président de la Mutualité française dit l'inverse,…
…, nous sommes extrêmement dubitatifs. Le Gouvernement n'a aucune marge de manoeuvre pour empêcher les mutuelles d'augmenter le coût de cotisation à la suite de ce transfert vers la CMU-C.
Au passage, ce transfert n'est pas de un milliard. Vous avez très clairement dit, madame la ministre, qu'il était de 200 millions, puisque vous transférez, dans un souci de clarification, nous dites-vous, 800 millions de taxes tabacs et alcools vers le régime général.
Monsieur le ministre du budget, vous prétendez que nous ne serions pas respectueux du régime général. Or vous êtes dans une logique purement comptable, alors même qu'il existe un vrai sujet de complémentarité, d'ailleurs spécifique à la France, entre le régime général et le régime des complémentaires, et que cela mériterait autre chose qu'un débat comptable. C'est, du reste, ce qu'atteste la contrepartie que vous accordez aux mutuelles, qui pourront participer à la négociation sur le système conventionnel et recevoir des informations dont elles ne disposaient pas jusqu'à présent. Si ce n'est pas forcément contestable, cela entraîne tout de même un flou extrême entre la fonction du régime de base et celle des complémentaires. Tout cela est abordé de façon beaucoup trop rapide, à l'occasion de cet article.
La parole est à M. Bernard Debré.
Cette discussion est absolument psychanalytique ! Je voudrais simplement rappeler que, lorsque les socialistes étaient au pouvoir, et que l'organe de presse Le Matin de Paris s'est retrouvé en cessation de paiement, la Mutualité française tenta de le renflouer. Personne n'a rien dit à ce moment-là ! Il vaut mieux que cet argent aille à la sécurité sociale plutôt qu'à un hypothétique journal dirigé par les socialistes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 131
Nombre de suffrages exprimés 131
Majorité absolue 66
Pour l'adoption 44
Contre 87
Je suis saisie d'un amendement n° 323 .
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
Il s'agit d'un amendement de repli. Je voudrais donner un exemple concret des risques posés par cet article. Le Gouvernement affirmant que ce prélèvement n'aura pas d'effet sur les cotisations, je vous lis le courrier que viennent de recevoir certains étudiants : « Votre cotisation personnelle 2009 n'augmentera que de 1,8 %. Cette faible augmentation est à apprécier au regard de l'évolution nationale des dépenses de santé estimées à 4,5 % et de l'augmentation de la taxe imposée par le Gouvernement à l'ensemble des complémentaires santé. »
Certes, l'augmentation envisagée est très modeste, mais elle donne l'orientation – et je ne parle pas de ce que ce sera pour les assurances privées.
Madame et monsieur les ministres, vous avez reproché à l'opposition de ne pas défendre l'assurance maladie. Je ne sais pas si vous vous adressiez aussi au groupe GDR, mais si c'est le cas, je ne peux pas vous laisser dire cela, car nous formulons des propositions de financement de la sécurité sociale et de l'assurance maladie, dont nous considérons qu'elles devraient être universelles. S'il y a autant de discussions autour des complémentaires, c'est parce que la prise en charge par la sécurité sociale de base n'a cessé de diminuer au fil des ans et que, du coup, les complémentaires sont devenues indispensables, alors même que tous nos concitoyens ne peuvent s'en offrir une. En outre, nous nous dirigeons vers un système dans lequel les assurances privées deviendront à leur tour indispensables.
En tout état de cause, le fait que ces complémentaires aient des moyens n'autorise pas le Gouvernement à les leur prendre, même si je pense qu'il faut inviter les mutuelles à modérer leurs cotisations et à utiliser leur argent au service de leurs assurés.
C'est ce que nous faisons ! Merci.
Quel est l'avis de la commission ?
Cet amendement vise à supprimer le transfert à la CNAM de la cotisation sur les alcools affectée jusqu'alors au fonds CMU. Dans le schéma proposé par le présent PLFSS, le fonds CMU n'est nullement privé de recettes, bien au contraire. La contribution des organismes complémentaires représente une assiette bien plus dynamique que les droits sur les tabacs et alcools, qui font l'objet d'une politique de santé publique très active. La mesure que nous prenons permet en outre une simplification des circuits de financement. La commission a donc rejeté cet amendement.
(L'amendement n° 323 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement no 606 .
La parole est à M. le rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.
L'amendement vise à faire bénéficier de recettes plus dynamiques le régime des non-salariés agricoles tout en simplifiant l'affectation des droits sur les tabacs et sur les alcools. Dans ce nouveau schéma, dont la mise en place sera poursuivie lorsque nous examinerons les articles 15 et 16, tous les droits sur les alcools sont transférés au régime des non-salariés agricoles ; seul le financement de la branche maladie de ce régime est complété par une fraction du produit du droit de consommation sur les tabacs.
Les actuels bénéficiaires des droits sur les alcools, c'est-à-dire la CNAM et le panier fiscal – en compensation des allégements généraux de cotisations sociales –, se verront, quant à eux, affectés à due concurrence une fraction du droit sur les tabacs.
Le présent amendement supprime donc l'affectation à la CNAM de la cotisation sur les alcools de plus de vingt-cinq degrés dont bénéficiait jusqu'alors le fonds CMU. Comme l'ensemble des droits sur les alcools, le produit de cette cotisation sera désormais affecté à la branche maladie du régime des non-salariés agricoles.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
C'est une mesure de simplification qui réaffecte certains produits fiscaux. Elle nécessitera une coordination avec le PLF. Nous y procéderons. Avis favorable.
(L'amendement n° 606 est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 324 .
La parole est à Mme Martine Billard.
Le rapporteur vient de nous dire que les taxes sur les alcools étaient peu dynamiques, mais la proposition de Mme la ministre concernant l'autorisation de la publicité sur Internet pour les alcools devrait les rendre plus dynamiques !
Madame la ministre, monsieur le ministre, il ne s'agit pas pour nous de défendre mordicus les complémentaires. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Nous l'avons dit ! Que ce soit les communistes ou les Verts, nous avons tous dit que nous avions des critiques à faire aux complémentaires, y compris aux mutuelles. Nous considérons en effet que la multiplication des contrats diversifiés, avec des clauses d'âge et des montants de cotisations élevés pour obtenir une couverture suffisante, pose problème. Nous souhaiterions que les réserves dont disposent ces organismes soient affectées à la baisse du prix des contrats et à une meilleure couverture de ceux qui n'ont pas aujourd'hui les moyens de se les payer. Ce serait préférable à ce que vous nous proposez parce que les cotisations à ces organismes sont volontaires. Personne n'est obligé d'avoir une complémentaire. Parmi les 8 % de nos compatriotes qui n'en ont pas, certains n'en veulent pas.
La moitié.
En général, il s'agit de jeunes, qui ne sont pas malades et qui se demandent pourquoi il devrait payer des cotisations supplémentaires puisqu'ils sont en bonne santé – le plus souvent, quand ils commencent à vieillir, ils raisonnent différemment. Au passage, je signale que certaines complémentaires font même de la publicité, notamment en direction des jeunes, des étudiants, sur le thème : « Si vous n'allez pas voir de l'année le médecin, nous vous remboursons votre cotisation ». C'est une atteinte à la prévention. Or nous avons intérêt, que ce soit en termes de santé physique ou psychique, à ce que les jeunes fassent une visite de prévention annuelle.
On sait qu'aujourd'hui, chez les jeunes, il y a parfois des problèmes d'addiction à l'alcool ou à des drogues. Certains ont une mauvaise santé, je pense notamment aux étudiants dotés de peu de moyens et qui doivent mener de front études et vie professionnelle. Madame la ministre, que comptez-vous faire vis-à-vis des complémentaires qui font ce type de propositions ?
La parole est à Mme la ministre de la santé.
Avis défavorable sur l'amendement. Mais, madame Billard, je tiens à vous affirmer très clairement que je suis totalement opposée à ce genre de communication de la part d'un organisme complémentaire. C'est en contradiction absolue avec la politique que je mène puisque, vous le savez, dans le cadre de mon plan « Santé-jeunesse », j'ai établi une consultation gratuite par an pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans. Ce type de publicité, c'est véritablement l'inverse de ce qu'il faut faire.
Quel est l'avis de la commission ?
La commission a émis un avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles qui ont été données à Mme Fraysse.
(L'amendement n° 324 n'est pas adopté.)
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 325 et 510 rectifié .
La parole est à Mme Billard pour soutenir l'amendement n° 325 .
L'amendement n° 510 rectifié est-il également défendu ?
Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 325 et 510 rectifié ?
La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements parce qu'ils visent à supprimer l'affectation d'éventuels excédents du fonds CMU à la CNAM. Or, dans le schéma proposé par le PLFSS, il est logique d'affecter ces éventuels excédents à la CNAM puisque c'est sur l'assurance maladie obligatoire que pèse le déport de croissance du nombre de malades en affection longue durée.
En outre, pour l'assurance maladie obligatoire, le coût par bénéficiaire de la CMU-C est supérieur à celui de sa prise en charge par les organismes complémentaires. En effet, c'est bien l'assurance maladie qui couvre les publics les plus fragiles, les gens les plus en difficulté. Il n'est donc pas anormal de compenser ce différentiel de coût au détriment de l'assurance obligatoire à travers l'affectation d'éventuels excédents.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Même avis que la commission.
(Les amendements identiques nos 325 et 510 rectifié ne sont pas adoptés.)
Je suis saisie d'un amendement n° 55 rectifié .
La parole est à M. le rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Avis favorable.
(L'amendement n° 55 rectifié est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 326 .
La parole est à M. Roland Muzeau.
L'amendement limite à une seule année le prélèvement sur les complémentaires. Il complète le II de l'alinéa 14 par une phrase ainsi rédigée : « Pour l'année 2009, le taux est porté à 5,9 %. »
À quoi doivent servir les mutuelles – les complémentaires, comme on les appelle de plus en souvent aujourd'hui ? Ont-elles un caractère de prévention, permettent-elles de couvrir une dépense, ou doivent-elles donner lieu à des ponctions en faveur de la sécurité sociale parce qu'elles ont des excédents ? Pour redéfinir le rôle des complémentaires, il faut savoir de quoi on parle. Si l'on ne veut pas que se renouvelle l'année prochaine le débat, long et difficile, auquel a donné lieu la décision du Gouvernement de les ponctionner d'un milliard, il est nécessaire de prendre en commun l'engagement de rediscuter de la politique de santé avant de débattre à nouveau des questions financières. En effet, le but est d'améliorer la santé des gens et leur protection sociale, et non pas, a priori, celui de trouver de l'argent à tout prix là où il existe. Il nous paraît important de clarifier les moyens de parvenir à une meilleure utilisation des fonds des complémentaires en vue de la préparation du PLFSS pour 2010, une perspective qui, aujourd'hui, ne peut que nous inquiéter.
Quel est l'avis de la commission ?
L'amendement défendu par M. Muzeau poursuit le même objectif que les amendements nos 296 et 259 , que nous allons bientôt examiner : ils visent tous à limiter à l'année 2009 l'augmentation de la contribution sur les organismes complémentaires. Or le fonds CMU a besoin de cette ressource puisque, dans le cadre de la clarification de son financement, celle-ci devient sa ressource exclusive pour financer la CMU-C. J'ai déjà rappelé que les fonds propres de l'ensemble du secteur de l'assurance santé complémentaire lui permettent de supporter cette majoration de prélèvement. Au passage, je précise que la Cour des comptes a souligné l'extrême importance des frais de gestion dans l'ensemble de ce secteur. Certes, ils sont plus importants pour les assureurs privés, mais ils atteignent tout de même un niveau élevé dans les instituts de prévoyance et dans la mutualité. Que chacun balaye devant sa porte, et fasse le ménage chez lui pour essayer d'être plus efficace. À titre de comparaison, je rappelle que les frais de gestion de l'assurance maladie se situent aux environs de 5 %, loin des 10 % ou 15 %, voire des 40 %,…
…atteints chez les assureurs complémentaires.
En outre, un amendement adopté par la commission propose que soit transmises chaque année, au Parlement, des informations sur la situation financière des organismes complémentaires. Ces informations nous permettront d'ajuster, si nécessaire, le taux de la contribution. J'ai eu en effet beaucoup de difficultés à obtenir, de la part de l'autorité de contrôle des assureurs et des mutuelles, les renseignements que je demandais, alors qu'on peut tout à la fois être une autorité indépendante et donner suite aux demandes d'information du Parlement.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement en discussion ?
L'article 12 majore non une taxe, mais, soyons précis, une contribution. Son non-renouvellement après 2010 impliquerait qu'elle ait un caractère exceptionnel. Or il faut tenir compte de deux éléments qui ne sont pas exceptionnels. Tout d'abord, le partenariat, « l'association », comme a dit Roselyne Bachelot-Narquin, qui doit exister entre l'assurance maladie et les organismes complémentaires s'agissant de la gestion de certains risques, car, à partir du moment où ceux-ci payent, il est bien normal qu'ils participent à cette gestion. Ensuite, le financement lui-même du fonds CMU, dont le mécanisme n'est pas non plus exceptionnel. On verra bien, en fonction des prochains PLFSS, comment faire évoluer ce rapport financier pour pérenniser un équilibre entre, d'un côté, les organismes complémentaires, et, de l'autre, l'assurance maladie. Je ne suis donc pas favorable à inscrire dans la loi le caractère exceptionnel du dispositif car ce n'est pas dans la logique de cet article.
La parole est à M. Bernard Debré.
Je suis effaré par l'attitude des mutuelles. De nombreuses maladies sont prises en charge à 100 %, et les mutuelles ne sont pas concernées : c'est à la sécurité sociale que cela incombe. Pourtant, les malades payent leurs cotisations. Il est tout de même anormal de cotiser pour une mutuelle qui ne remboursera pas. (« Mais si, elles remboursent ! » sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Par ailleurs, j'ai sous les yeux un texte du directeur général de la Mutualité française dans lequel celui-ci estime que la prise en charge contractuelle des dépassements d'honoraires devrait s'accompagner, à terme, de la disparition du secteur 2 ! Nous sommes dans un pays formidable : tout va être payé par la sécurité sociale, tandis que les mutuelles engrangent et ne veulent plus rembourser. C'est d'ailleurs pourquoi elles font tant de bénéfices… Il est temps qu'elles contribuent au financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur de nombreux bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Gérard Bapt.
Monsieur Debré, je crois qu'il faut revoir vos notes parce que les organismes complémentaires prennent en charge les malades en ALD. J'en veux pour preuve l'exposé sommaire de l'amendement n° 296 , présenté par M. Tian. Il développe l'argumentation de la Fédération française des sociétés d'assurances qui soutient qu'un malade en ALD coûte plus à un assureur complémentaire qu'un autre malade. Expliquez-vous avec M. Tian.
Cela étant, je voulais intervenir sur deux autres points. Le premier porte sur l'hommage rendu à la gestion publique qui fait peut-être partie de la réflexion sur la refondation du capitalisme engagée dans la majorité.
C'est vrai ! La grande révolution marxiste ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)
Hommage est donc rendu à la gestion publique de l'assurance de base, comparée à celle des mutuelles et, plus encore, à celle des sociétés d'assurance.
Je l'ai toujours rendu, cet hommage !
M. le ministre des comptes publics le fait aussi, c'est encore mieux quand on sait que les choses dépendent de la bourse, en l'occurrence de celle de Bercy !
S'agissant du financement du fonds CMU que vous avez évoqué tout à l'heure, madame la ministre de la santé : un milliard vient des organismes complémentaires, 800 millions repartent vers la CNAM, il reste donc 200 millions d'euros. Vous nous annoncez une augmentation du forfait de prise en charge du contrat de base pour les organismes complémentaires qui voudront bien le passer avec le patient. Cependant, vous oubliez de préciser qu'au passage l'État réalise 50 millions d'euros d'économies, puisque sa subvention au fonds CMU sera de zéro dans le budget pour 2009. Plutôt que de faire cette économie, l'État ferait mieux d'aider les personnes qui ne parviennent pas à prendre ce contrat pour des raisons financières.
Je suis saisie d'un amendement n° 296 .
La parole est à M. Dominique Tian.
Non parce que l'amendement de M. Préel est meilleur que le mien ! Si vous aviez bien lu mon amendement, vous auriez compris que j'attribue l'augmentation du nombre d'ALD au vieillissement de la population – c'est un effet mathématique – et que je cite largement la Mutualité française – j'ai diversifié mes sources, chers collègues.
(L'amendement n° 296 est retiré.)
Je suis saisie d'un amendement n° 259 .
La parole est à M. Jean-Luc Préel.
Effectivement, les organismes complémentaires peuvent faire des économies sur les affections de longues durées qui sont prises en charge à 100 % par le régime de base. Qu'elles soient taxées à hauteur d'un milliard d'euros, pourquoi pas ? Cependant, cette mesure pose des problèmes à certaines petites mutuelles comme celle que j'ai cité dans l'exposé sommaire de mon amendement : la mutuelle indépendante Saint-Martin qui se heurtera à des difficultés parce qu'elle n'a pas de réserves. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)
Effectivement, se pose la question de leur indépendance, mais c'est un autre débat.
En réalité, cette taxe sera pérenne puisqu'elle finance le fonds CMU-C. L'année prochaine, elle existera encore, augmentée ou diminuée. J'en profite pour vous poser deux questions, madame la ministre de la santé. Lorsque la CMU avait été créée, avec nos collègues du RPR – et Pierre Morange s'en souvient très bien – nous avions essayé de remédier à l'effet de seuil regrettable et déresponsabilisant qu'elle induit, en proposant l'aide personnalisée à la santé.
Sur le modèle de l'APL, cette aide serait inversement proportionnelle au revenu et permettrait à chacun de financer la complémentaire de son choix. Ainsi, l'effet de seuil disparaîtrait et la personne serait responsabilisée. À l'heure où l'on constate le mauvais fonctionnement de l'aide à la complémentaire, j'aimerais que l'on envisage cette aide personnalisée à la santé comme une solution.
Vous n'avez pas non plus répondu, madame la ministre de la santé, à ma question sur les complémentaires dont les contrats sont très peu lisibles et compréhensibles pour leurs adhérents. Elles annoncent, par exemple, qu'elles remboursent 100 %, 200 % ou 300 % du régime de base. Or 300 % de zéro fait toujours zéro, pour forcer le trait.
J'avais déposé un amendement – rejeté en vertu de l'article 40, à mon étonnement – visant à ce que les contrats précisent les montants et les plafonds des remboursements. Ainsi, tout serait plus clair.
Quel est l'avis de la commission ?
Avis défavorable, même si je comprends bien la préoccupation de M. Préel. Un tel amendement, en cavalier social, subirait les foudres de la commission des finances.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Je suis défavorable à l'amendement de M. Préel, pour des raisons que développera Eric Woerth, mais je retiens sa préconisation d'une meilleure lisibilité des contrats d'assurance complémentaire. Nous y travaillons avec les différents types d'organismes complémentaires. Excellente observation.
(L'amendement n° 259 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 57 .
La parole est à M. le rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.
Dans les faits, mes chers collègues, c'est auprès de l'assurance maladie que sont affiliés non seulement la très grande majorité des bénéficiaires de la CMU complémentaire – plus de 500 000 personnes – mais aussi les plus défavorisés.
Pour l'assurance maladie, la dépense moyenne par bénéficiaire s'élève à 422 euros par an, une somme significativement supérieur à celle des organismes complémentaires dont le forfait annuel est porté à 370 euros dans ce PLFFS. Pour la CNAM, le surcoût est proche de 30 millions d'euros par an. En outre, le remboursement de la CNAM au coût réel était pratiqué jusqu'en 2004. La commission a adopté cet amendement pour faire en sorte que l'assurance maladie soit indemnisée des dépenses qu'elle engage au profit de ces publics les plus défavorisés.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement…
…mais je comprends la préoccupation du rapporteur. C'est vrai que la CNAM supporte un coût par bénéficiaire plus important que les autres organismes. Cela résulte non pas d'une mauvaise gestion, mais du profil de celles et ceux qui profitent de ses services – des personnes plus fragiles sur le plan social que les adhérents des mutuelles.
J'en suis conscient et nous avons pris des mesures. Le forfait va être relevé de 30 euros pour passer à 370 euros par an en 2009, ce qui va apporter 100 millions d'euros supplémentaires à la CNAM. Nous allons aussi mettre à la charge du fonds CMU, les dépenses imputables à l'aide à la complémentaire santé qui était financée par la CNAM jusqu'en 2008, année où elle a coûté 78 millions d'euros. Enfin, l'excédent cumulé du fonds CMU sera affecté à la CNAM.
Je reste attaché à un système de remboursement forfaitaire. D'une part, il est responsabilisant pour les organismes auquel l'État a confié la gestion de la CMU complémentaire ; il incite à mieux maîtriser la dépense. D'autre part, il existe des ajustements précis comme les trois que je viens de citer.
(L'amendement n° 57 est adopté.)
Heureusement que nous sommes là pour voter les amendements de la commission, monsieur Bur !
Je suis saisie d'un amendement n° 56 rectifié .
La parole est à M. le rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.
, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général. L'élément central qui nous permettra de déterminer le montant à venir du taux de contribution des organismes complémentaires d'assurance maladie sera la connaissance précise de leur situation financière, et plus particulièrement de leurs fonds propres.
J'ai rencontré les plus grandes difficultés à obtenir ces informations de la part de l'autorité de contrôle des assurances et des mutuelles. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement avec Jean-Pierre Door. Il s'agit simplement de demander à l'autorité de contrôle et au fonds CMU de nous communiquer, tous les ans avant le 15 septembre, les principaux éléments nous permettant d'apprécier l'évolution de la situation des organismes complémentaires. Munis de ces éléments de transparence, nous pourrons juger de manière objective la situation des assureurs complémentaires.
Excellent !
Il s'agit non pas de stigmatiser les uns ou les autres, mais simplement d'y voir clair. Chacun en tirera les conséquences.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Favorable.
La parole est à M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance maladie et les accidents du travail.
Je voulais apporter un appui supplémentaire à cet amendement que j'ai co-signé avec Yves Bur.
Ce matin, nous avons entendu des propos un peu contradictoires au sujet de l'augmentation possible des primes, des cotisations. Lors de la MECSS, nous avons aussi entendu des déclarations unilatérales de la part des organismes complémentaires sur les ALD dont je suis le rapporteur. Nous n'avons pu qu'en prendre acte, sans avoir de preuves.
Il est donc certain que ce contrôle annuel par l'intermédiaire de l'autorité de régulation des mutuelles est indispensable à la meilleure transparence possible des primes, des cotisations, et des sommes effectivement engagées par les complémentaires.
La parole est à M. Pascal Terrasse.
Nous surtout !
En l'occurrence, disposer ici, au sein du Parlement, des comptes consolidés de l'ensemble des organismes de complémentaire maladie n'est pas inutile. Cependant, cela mérite quelques précisions. S'agit-il uniquement des mutuelles ? Les organismes de prévoyance et les sociétés assurantielles sont-elles aussi concernées ? Les mutuelles sont codifiées dans le code de la santé, mais on pourrait nous reprocher une forme d'ingérence en ce qui concerne la partie assurantielle.
D'un point de vue constitutionnel, je ne suis pas certain que des sociétés purement privées, bien que disposant de ressources socialisées, soient capables de fournir ces données au Parlement, malgré le dispositif législatif proposé. Je m'interroge sur la validité juridique de cet amendement même si, d'un point de vue moral, je pense qu'il n'est pas inutile que le Parlement dispose de ces informations. D'ailleurs, au regard de la crise systémique que notre pays vit depuis quelques semaines, on pourrait imaginer que nous disposions bientôt du même type d'informations sur les banques et les assurances en général.
La parole est à M. le rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.
Monsieur Terrasse, je voudrais qu'on ne relaie pas des rumeurs selon lesquelles nous voudrions stigmatiser tel ou tel secteur de l'assurance complémentaire santé. J'ai bien précisé que tous les organismes de complémentaire santé étaient visés par notre amendement : les assureurs privés, les institutions de prévoyance et la mutualité.
Nous cherchons non pas à connaître le montant des fonds propres de telle mutuelle ou de tel assureur, mais à appréhender la situation globale. Je ne veux pas d'une approche contraignante, mais il me semble nécessaire que nous ayons ces informations remises, par les assureurs, à l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles que nous avons créée pour nous conformer à la directive européenne sur les assurances.
Bref, les informations sont disponibles. Je les ai demandées il y a trois mois en recevant les responsables, lesquels m'ont donné le sentiment qu'ils n'avaient pas à mes les fournir, ce que j'ai trouvé inacceptable.
Le plus simple est de préciser que le Parlement a droit à ces informations, afin d'exploiter les données dont bénéficie l'ACAM. La transparence évitera les faux débats.
(L'amendement n° 56 rectifié est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 327 .
La parole est à Mme Martine Billard.
Quel est l'avis de la commission ?
Quel est l'avis du Gouvernement ?
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma