Cet article permet, au-delà de la ponction d'un milliard d'euros sur le chiffre d'affaires « santé » des organismes complémentaires, de poser la question de l'accès aux soins.
La ponction d'un milliard d'euros a-t-elle été négociée ? Il semble que cela ait été le cas avec une partie des organismes ou qu'il y ait eu, sinon négociation, du moins marchandage portant sur la signature d'une convention avec la fédération nationale de la mutualité française, mais pas avec les IP ou les sociétés d'assurance. Il semble que vous ayez agi ainsi de crainte que les mutuelles ne constituent un matelas excédant largement les règles prudentielles auxquelles elles sont soumises.
Cela étant, madame la ministre, vous affectez cette somme au fonds de financement de la CMU complémentaire, non pas en surcroît de recettes mais en diminuant certaines recettes, pour les réaffecter, c'est-à-dire que ce prélèvement d'un milliard d'euros sur le chiffre d'affaires des mutuelles n'est pas destiné à diminuer le nombre de personnes dépourvues de mutuelles pour des raisons financières. Or on sait qu'une majorité des 8 à 10 % de familles françaises dépourvues de mutuelle le sont pour des motifs financiers.
Nous eussions compris que cette ponction servît, par exemple, à améliorer l'aide à l'acquisition d'une mutuelle, opération très lourde pour un ménage. Le taux d'effort pour l'acquisition d'une mutuelle est en effet de 10 % pour un quotient familial situé entre 800 et 1 000 euros. Encore ces 10 % concernent-ils un contrat de base, lequel est inférieur à 3 % lorsque l'on se situe dans le décile supérieur. Cela signifie que plus on est riche, moins l'effort pour acquérir une mutuelle est important et, qui plus est, pour acquérir une mutuelle assurant une meilleure couverture !
Voilà pourquoi, madame la ministre, si l'on en juge par vos arguments et par ceux de M. Bur concernant la délégation par certaines mutuelles de la gestion du risque et de la liquidation, vous auriez été mieux inspirée de proposer, dans le contexte social actuel, une amélioration de l'accès aux soins.
La récente enquête du secours populaire, publiée dans la livraison d'octobre de la revue Convergence « Alerte Pauvreté », ne révèle-t-elle pas que 17 % des Français ont déjà renoncé à au moins un soin chez un médecin et qu'il ne s'agit pas seulement de soins optiques ou dentaires, comme on serait tenté de l'affirmer pour mieux évacuer le problème ? Entre autres données, notons que 24 % des patients interrogés ont renoncé, à cause de son coût, à une consultation chez un spécialiste ; 23 % à consulter un dentiste ; 19 % un ophtalmologiste ; 18 % n'ont pas pu acheter de médicaments ; enfin, 14 % n'ont pas été en mesure de se rendre chez un médecin généraliste.
Aussi la difficulté de l'accès aux soins ne concerne-t-elle pas seulement les secteurs optique et dentaire, mais également la médecine générale. Voilà pourquoi, madame la ministre, nous voterons contre cet article, en attendant que vous modifiiez, par la suite, l'affectation du produit de l'augmentation de la taxe en améliorant l'accès à une mutuelle pour les catégories les plus pauvres et qui sont au-dessus du plafond de la CMU.