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Séance en hémicycle du 9 juillet 2008 à 16h30

Résumé de la séance

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  • mandat

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

J'informe l'Assemblée que le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche a fait opposition à la discussion selon la procédure d'examen simplifiée du projet de loi adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines et traitements inhumains ou dégradants.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République (nos 993, 1009).

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Hier soir, l'Assemblée a commencé l'examen des articles, s'arrêtant à l'article 10.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 10.

La parole est à M. Jacques Myard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Si vous le permettez, monsieur le président, je profiterai de mon intervention pour défendre mes amendements nos 90 et 91 , car je devrai ensuite m'absenter brièvement, et je m'en excuse, mais vous ne vous en plaindrez pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

L'article 10 est loin d'être secondaire.

Lorsqu'on relit la rédaction actuelle de l'article 25 de la Constitution, on est frappé par la légèreté du style et la concision des termes : « Une loi organique fixe la durée des pouvoirs de chaque assemblée, le nombre de ses membres, leur indemnité… ». Et l'on nous dit aujourd'hui qu'il faut compléter cet article par la création d'une commission, « dont la loi fixe la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement », qui aura pour objet de se prononcer « par un avis public sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ». Une telle commission, qui relève de la loi organique, n'est pas du niveau de la Constitution. Il n'est donc pas utile d'alourdir le texte de celle-ci, qui doit poser les grands principes et veiller à l'équilibre des pouvoirs. Je sais du reste ne pas être le seul à le penser, puisque d'autres députés présenteront sur le sujet des amendements similaires.

En matière d'équilibre des pouvoirs, l'article 10 comporte une disposition qui ne peut que nuire à la bonne marche de nos institutions, puisqu'elle prévoit que les députés devenus ministres pourront retrouver leur siège en quittant le Gouvernement. Regardons les choses en face : si chacune des dispositions de ce projet apporte peu de changements, permettre à des députés de retrouver leur siège après un passage au Gouvernement, c'est revenir aux errements de la IVe République et à ses vieux démons. Chacun sait en effet que c'est à travers cette possibilité pour les ministres de retrouver immédiatement leur siège que l'on a instauré l'instabilité ministérielle de la IVe République. J'ajoute que cette disposition jouera dans les deux sens cette possibilité : ou elle incitera un ministre, en désaccord avec la politique menée, à « l'ouvrir », alors qu'on sait qu'un ministre doit être solidaire du Gouvernement, même si ce n'est pas toujours simple – c'est M. Chevènement qui a rappelé qu'un ministre doit la « fermer » …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

…ou démissionner –, ou, plus subtilement, elle permettra à un chef du Gouvernement, voire à un Président de la République, de promettre à un député de devenir ministre pour six mois – il en acquerra ainsi le titre à vie –, puis de retrouver son siège, en vue d'instrumentaliser le législateur. Je suis intimement convaincu qu'il s'agit d'une très mauvaise disposition. C'est la raison pour laquelle mon amendement n° 90 tend à supprimer l'article 10 – essentiellement en raison du premier alinéa – et que mon amendement n° 91 , en position de retrait, vise, en vue d'alléger le texte, à en supprimer le second alinéa relatif à la création d'une commission indépendante qui relève de la loi organique et d'elle seule.

Tel est l'objet de mes deux amendements, nos 90 et 91 , ma préférence allant évidemment à la suppression pure et simple de l'article 10, en vue d'empêcher le déséquilibre institutionnel qu'il risque d'occasionner.

Debut de section - PermalienPhoto de Bertrand Pancher

J'apprécie beaucoup Jacques Myard, mais je ne suis pas d'accord avec son analyse, estimant au contraire que l'article 10 est particulièrement important, moins par son premier alinéa que par le second qui crée une commission indépendante qui nous aidera à délimiter, en toute transparence, les circonscriptions pour l'élection des députés.

Nous avons entendu dire beaucoup de choses sur le sujet ces derniers jours ! Des liens curieux ont même été établis entre la réforme du Sénat, que nous pouvons tous appeler progressivement de nos voeux, et celle de la carte électorale pour les élections législatives. On a parlé de « bidouillage » et évoqué une décision prise dans une absence totale de transparence. L'article 10, mes chers collègues, permettra de prendre des décisions dans des conditions évidentes de transparence.

Je tiens à rappeler que si, à l'instar de tous les autres découpages électoraux, c'est le Président de la République qui choisira par voie d'ordonnance, une loi d'habilitation fixant le champ et la durée d'action du Gouvernement, deux autres mesures accompagneront la révision de la carte électorale : une loi organique devra arrêter la création de douze sièges pour les Français à l'étranger – c'était une promesse électorale qu'il est normal de tenir – et un collège devra se prononcer « par avis public sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs » – c'est une grande nouveauté du projet de réforme de la Constitution.

Si la réforme des institutions est retoquée, il sera beaucoup plus difficile de graver dans le marbre ce principe qui est important, d'autant que personne ne saurait s'opposer au redécoupage des circonscriptions : dois-je rappeler qu'un député peut représenter 34 000 habitants dans la deuxième circonscription de la Lozère, la moins peuplée, et 188 200 habitants dans la deuxième circonscription du Val-d'Oise ?

Si ni la Constitution ni la loi n'obligent le législateur à réviser la carte législative à intervalles réguliers, le Conseil constitutionnel a, à maintes reprises, pointé la nécessité d'un remodelage au nom du principe d'égalité des citoyens devant le suffrage. Je rappellerai également que le comité Balladur sur la réforme des institutions avait repris le flambeau, préconisant dans le rapport qu'il a remis au Président de la République en octobre 2007 « un redécoupage transparent, impartial et périodique des circonscriptions électorales ».

Debut de section - PermalienPhoto de Bertrand Pancher

Grâce à la réforme de la Constitution, la transparence sera gravée dans le marbre.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 90 et 143 , tendant à supprimer l'article 10.

L'amendement n° 90 a déjà été défendu.

La parole est à M. Hervé de Charette, pour soutenir l'amendement n° 143 .

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé de Charette

J'en profiterai pour faire une observation de caractère général sur l'article 10.

Je médite à l'infini sur le concept de « commission indépendante ». Apparemment, il est désormais établi qu'une « commission indépendante », cela existe ! On a même remplacé la responsabilité personnelle des ministres, qui prennent leur décision devant nous, par ce concept de « commission indépendante » : c'est formidable ! Quel progrès ! L'anonymat garantit l'indépendance ! Comme, de surcroît, c'est la loi, c'est-à-dire la majorité, qui fixe la composition et les règles de fonctionnement de cette commission indépendante, l'indépendance de celle-ci me fait rêver. Vous me permettrez, monsieur le président, d'exprimer le scepticisme le plus grand sur de telles dispositions, qui donnent de fausses garanties sur lesquelles chacun pourra s'endormir.

Mon amendement concerne le premier alinéa, à savoir le système permettant aux ministres congédiés ou ayant démissionné de revenir automatiquement sur les bancs de l'Assemblée. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une bonne mesure parce qu'elle affaiblit doublement les ministres. Hier, un député faisait observer à juste titre que, compte tenu du fonctionnement actuel de nos institutions, en face des ministres existaient désormais des personnes très importantes s'exprimant autant qu'eux : les conseillers du Président de la République. Cette évolution est liée à la conception que le Président de la République actuel a de nos institutions. Son successeur n'aura peut-être pas la même – ses prédécesseurs en avaient une autre. Je m'accoutume à une situation qui est liée aux circonstances. Il n'en reste pas moins que désormais les ministres seront plus fragiles que les collaborateurs du président, la possibilité de les congédier en leur assurant qu'ils reprendront leur place à l'Assemblée ou au Sénat facilitant cette évolution. Cette disposition, sous couvert de protéger les parlementaires et de donner des garanties aux ministres, affaiblit en réalité le Gouvernement en réduisant son autorité et en diminuant sa nécessaire solidarité sous l'autorité du Premier ministre. Le système n'est pas bon, je le répète. Il s'agit d'une sorte d'américanisation de nos institutions, que je ne crois pas bonne pour le pays. Telle est la raison pour laquelle je propose la suppression de l'article 10.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 90 et 143 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

La commission souhaite le maintien de l'article 10 dans la rédaction du Sénat. Elle sera donc défavorable à tous les amendements déposés sur cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement sur ces amendements.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Défavorable. Je rappellerai les éléments suivants, issus de la première lecture du texte au Sénat.

S'agissant de la commission indépendante sur la délimitation des circonscriptions, le principe même de son intervention a toute sa place dans la Constitution, car nous souhaitons constitutionnaliser l'impartialité des redécoupages électoraux, qui ont posé tant de problèmes dans les années 1986 ou 1988 !

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Il est important, par ailleurs, de procéder régulièrement au redécoupage électoral afin que l'égalité du suffrage soit respectée malgré les évolutions démographiques. Il s'agit, en effet, d'éviter les deux écueils auxquels nous nous sommes heurtés en 1986.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Le Gouvernement, quel qu'il soit, aura désormais les moyens de mettre à jour régulièrement le découpage des circonscriptions sans que cela pose de difficultés particulières.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Ce dispositif sera-t-il rétroactif ? (Sourires.)

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

La disposition prévoyant le retour des anciens ministres au Parlement, quant à elle, se justifie pleinement pour une raison simple. Je rappelle que la réforme avait été envisagée en 1974 et rejetée à quelques voix près. Nous souhaitons qu'un ministre qui quitte le Gouvernement puisse récupérer son siège au Parlement car, quand les électeurs votent, ils choisissent un député pour la totalité de la durée du mandat. Or, aujourd'hui, quand un ministre souhaite revenir au Parlement, il doit se présenter à une élection partielle. Souvent, les électeurs ne comprennent pas pourquoi ils doivent de nouveau voter pour la même personne en cours de mandat.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Vous noterez que toutes les élections partielles sont caractérisées par des taux d'abstention record. La disposition que nous proposons permettra donc également de réconcilier les électeurs avec le mandat de député. Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

L'article 10 comprend deux parties. Je ne reviens pas sur la première, plusieurs orateurs siégeant sur les bancs de la droite ayant déjà expliqué leur opposition, justifiée, à cet article. J'insisterai sur la seconde partie qui concerne le redécoupage des circonscriptions. Nous avons le sentiment de nous trouver dans une situation totalement schizophrénique. En 2008, l'un de nos collègues députés, spécialiste à l'UMP des questions électorales, a rejoint le ministère de l'intérieur – il s'agit de M. Marleix – pour procéder à un redécoupage électoral suivant les principes de l'un de ses prédécesseurs, pourquoi ne pas dire l'un de ses parrains, M. Pasqua (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…qui avait procédé à un redécoupage en 1986 à partir du recensement de 1982.

Nous savons que, depuis longtemps, le Conseil constitutionnel souhaite un redécoupage des circonscriptions conforme à l'évolution de la population française, et voilà que le Gouvernement a décidé d'y procéder par ordonnances.

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Il paraît que M. Marleix reçoit, à droite comme à gauche, d'ailleurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

En première lecture, nous étions un certain nombre sur les bancs de la gauche à protester contre ce procédé contradictoire avec la garantie des libertés publiques fondamentales qui doit être accordée au citoyen.

Désormais, dans ce projet de réforme qui n'est qu'un leurre, vous nous proposez la constitution d'une commission. Vous dites qu'elle sera indépendante alors que nous ne savons rien de sa composition…

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Elle sera indépendante parce qu'elle sera secrète !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…et vous nous renvoyez à une loi sans nous dire s'il s'agira d'une loi ordinaire ou d'une loi organique. Nous pensons, pour notre part, qu'il ne peut s'agir que d'une loi organique.

De la même manière, si j'ai bonne mémoire, vous nous avez expliqué hier soir que devait figurer dans la Constitution le nombre de députés et celui de sénateurs. Usant d'arguments totalement aberrants, vous nous avez ensuite expliqué qu'on ne pouvait pas fixer dans la Constitution la disposition selon laquelle un dixième des députés seraient élus au scrutin proportionnel.

Puisque vous estimez que le nombre de députés et de sénateurs devrait y figurer, vous pourriez décider que la Constitution prévoie un redécoupage non pas régulier, comme l'a dit Mme la garde des sceaux, mais tous les dix ans. Cela serait conforme à l'évolution de notre pays, protégerait l'égalité démocratique et donc garantirait les principes fondamentaux des citoyens en matière de libertés publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame la ministre, il faut vous reconnaître un vrai talent parce que, sans rire, vous avez parlé d'impartialité des découpages électoraux. (Rires sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Or, on sait bien que dans les coulisses on « ajuste » sec, si j'ose dire, et, madame la ministre, vous savez ce qu'il en est en réalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous savez bien que les membres du Gouvernement, le mercredi, tremblent toutes et tous parce qu'ils craignent de déplaire à Sa Majesté Impériale et de tomber en disgrâce. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous avons entendu Jacques Myard et Hervé de Charette. Vous reconnaîtrez que ni l'un ni l'autre ne sont des gauchistes, ce dont nous nous serions rendus compte, depuis le temps. (Sourires.) Encore que, monsieur de Charette, « Être gauchiste en Vendée » pourrait être le sujet d'un séminaire, si j'ose dire…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Brard, restons-en comme d'habitude aux arguments de fond !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

M. de Charette et M. Myard sont tous deux des hommes d'expérience et des exégètes de qualité. Ils ont disséqué votre texte, madame la ministre. Mieux, ils l'ont passé à l'IRM !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Grâce à leurs explications, on voit tout ! Madame la garde des sceaux, avec tout le respect que je vous dois, vous et vos collègues du Gouvernement n'êtes plus que les secrétaires de Sa Majesté Impériale. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Deflesselles

Vous affaiblissez votre raisonnement, monsieur Brard !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Avec ce texte, en fin de compte, on fait de la Constitution une sorte d'annexe au texte qui définit l'ANPE, c'est-à-dire une sorte d'ANPE pour les ministres qui ont été congédiés sans préavis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Voilà pourquoi, comme quand il s'agit de choses très importantes pour le pays, on peut transgresser les lignes de partage entre droite et gauche, n'est-ce pas, monsieur de Charette ? Ainsi peut-on reconnaître que ces amendements de suppression sont tout à fait pertinents.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Si vous le voulez bien, quittons l'Empire pour revenir dans la République !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Avec Naboléon, vous allez avoir du mal, monsieur Chartier !

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

M. Chartier parle sans doute de république bananière !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Pas plus que les membres du groupe auquel j'appartiens, je ne me reconnais dans vos propos, monsieur Brard, et le moins que l'on doive reconnaître est que le Président de la République a été élu au suffrage universel. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Aussi lui devons-nous notre respect, quand bien même nous ne serions pas d'accord avec lui. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Convenons de la nécessité du dispositif contenu dans la première partie de l'article dans la mesure où il apporte une certaine souplesse. L'idée de M. Brard selon laquelle tout le monde tremble en attendant l'onction du Président a vécu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Aujourd'hui, les ministres sont là pour remplir une responsabilité et l'espèce d'imbroglio auquel on assiste dès lors qu'on doit procéder à une élection partielle, suscitant l'incompréhension des électeurs de la circonscription concernée, justifie pleinement cette première disposition. Mettons donc un terme à ces situations aberrantes et revenons à un rythme plus régulier de consultation des électeurs ! Finissons-en avec ces partielles qui n'ont vraiment plus lieu d'être ! Je rappelle qu'en 1978 une disposition de ce type avait déjà été examinée par les deux chambres sans aller jusqu'au Congrès. Il ne peut s'agir d'un mauvais principe puisque nos prédécesseurs l'avaient estimé nécessaire.

Ensuite, en ce qui concerne la commission, il est vrai que nous fixons non pas sa composition, mais seulement le principe de son indépendance. Ainsi, pour la première fois sous la Ve République, nous aurons un redécoupage majeur alors que c'est le scrutin uninominal qui est en vigueur. Je rappelle qu'en 1987 nous étions partis d'un scrutin proportionnel départemental pour rétablir un scrutin uninominal par circonscription, ce qui était nettement plus aisé.

Dans le cas présent, nous allons redécouper avec des ciseaux romains circonscription par circonscription. Cette opération va être d'une extrême complexité. Chacun, naturellement, va vouloir exprimer son point de vue personnel. Si nous parvenons – c'est important – à prendre du recul et à considérer cette question à l'aune du recensement, des logiques territoriales, ainsi que le préconise le Conseil constitutionnel, alors, sans doute, accomplirons-nous une oeuvre utile et parviendrons-nous à garder cette distance qui permet de privilégier l'intérêt général. C'est ce que nous demandent les Français et nos électeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Voilà qui ne risque pas de vous arriver, monsieur Brard !

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Nous critiquons cette disposition et avons nous-mêmes déposé un amendement de suppression du premier alinéa de l'article 10. La critique faite par les défenseurs du temple de la Ve République rejoint partiellement la nôtre, mais en d'autres termes.

Le fait qu'un ministre quittant ses fonctions puisse retrouver son siège de parlementaire a des effets pervers qui ont été dénoncés à juste titre par les fondateurs de la Ve République et par les partis politiques de l'époque qui, eux-mêmes, dénonçaient le régime du tourniquet où les postes passaient de l'un à l'autre sans aucun risque pour personne.

Imaginons les effets pervers d'un tel dispositif sur le système politique tel qu'il fonctionne aujourd'hui. C'est en ce sens que notre critique diffère de la vôtre. Jean-Jacques Urvoas y reviendra en défendant l'amendement de suppression de l'alinéa 1 de l'article.

En effet, nous pensons que par le biais de cette disposition le Président de la République augmente son pouvoir sur le Gouvernement. Le système actuel, dans lequel les ministres disposent de la plénitude de leurs compétences définies par décret, leur donne la force de résister à certains arbitrages, d'exprimer leur mécontentement dans le cadre de la collégialité gouvernementale. Tout cela risque de disparaître, car augmentera de fait le poids de l'Élysée, celui des collaborateurs du Président, celui du secrétaire général qui n'a pas de statut constitutionnel et qui pourtant exerce une sorte le pouvoir ministériel.

C'est donc bien de la destruction lente des pouvoirs du Gouvernement qu'il s'agit. La conséquence n'en est pas mince pour nous qui voulons contrôler le Gouvernement. En effet, de plus en plus de ministres devront justifier devant nous des décisions qu'ils n'auront pas prises !

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Cet article impliquera un affaiblissement du système parlementaire et une augmentation de la surpuissance du pouvoir présidentiel…

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

…sans aucune contrepartie en termes de responsabilité. C'est la raison pour laquelle nous condamnons ce premier alinéa et rejoignons, d'une certaine manière, une fois n'est pas coutume, les gardiens du temple.

Quant à la commission de redécoupage, Noël Mamère a tout dit. Nous savons que le charcutier électoral, M. Marleix, qui opère dans ses arrière-cuisines, a déjà sorti ses outils, à tel point que l'intéressé lui-même s'en vante, se prend pour un cardinal en allant voir tel ou tel député. L'un des vôtres, Jean-Pierre Grand, de l'Hérault, a même déclaré à l'Agence France Presse qu'il s'agissait ainsi d'exercer une pression sur les députés de la majorité pour obtenir des votes, notamment sur ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Nous savons à quel point le redécoupage est un outil de pression contre la représentation nationale !

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Nous savons à quel point l'usage de cette pression est irrésistible et nous ne voyons pas comment cette commission dite indépendante, qui ne présente aucune espèce de garantie, pourrait diminuer l'intensité de cette pression à laquelle vous succomberez et dont nous serons, nous qui défendons la liberté du parlementaire, les victimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 90 et 143 .

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis saisi d'un amendement n° 214 .

La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

M. Myard s'en va sauver sa circonscription ! (M. Myard quitte l'hémicycle.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

C'est le peuple souverain qui avance ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je mets aux voix l'amendement n° 214 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 91 , 124 rectifié et 249 .

L'amendement n° 91 a déjà été défendu par M. Myard.

La parole est à M. Bernard Debré, pour soutenir l'amendement n° 124 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

Cet amendement vise à supprimer l'alinéa 2 de l'article 10. Il serait dangereux d'introduire dans la Constitution une disposition qui, immanquablement, aurait pour effet de mettre à mal la cohésion gouvernementale. Si les députés devenant ministres étaient assurés de retrouver automatiquement leur siège à leur départ du Gouvernement, ils n'hésiteraient pas à démissionner, sans état d'âme, ou pourraient être renvoyés plus facilement.

Mais c'est également en raison de la notion de remplacement « temporaire » qu'il convient de rejeter la modification proposée. Outre l'instabilité gouvernementale, dont on a parlé tout à l'heure, cette disposition introduirait à l'Assemblée une catégorie de députés qui seraient « temporaires », en raison non de l'élection ou de leur volonté propre, mais de la durée du détachement ministériel du titulaire du siège. Cette notion de remplacement « temporaire » introduit le principe de révocation possible du député « remplaçant », ce qui est contraire à la tradition républicaine et au statut des autres députés.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Sur le vote des amendements identiques, nos 91 , 124 rectifié et 249 , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l'amendement n° 249 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Nous avons déjà eu ce débat en première lecture. Nous avions alors interrogé le Gouvernement pour qu'il nous explique en quoi cet article permettait de revaloriser le Parlement. On a beau le prendre sous ses aspects, on n'y voit qu'une disposition concernant le Gouvernement. D'ailleurs, c'est si vrai que le rapport Balladur, quand il suggérait d'adopter cette disposition – elle avait déjà été proposée en 1974, mais la procédure de révision n'était pas allée jusqu'au Congrès, le Président de la République de l'époque n'ayant pas la majorité qu'il souhaitait –, la justifiait en affirmant qu'elle permettrait, « sans mettre à mal la solidarité gouvernementale, de renforcer l'autorité des ministres ». On voit donc bien qu'il n'est pas question ici de ce que le Gouvernement nous dit être l'essentiel, à savoir la revalorisation du Parlement.

Autre aspect de cette disposition, elle va dans le sens d'un renforcement du pouvoir du Président de la République, comme l'a excellemment dit notre collègue Montebourg il y a un instant, transformant les ministres, un peu plus qu'ils ne le sont déjà, en collaborateurs du Président qui passeraient d'un poste ministériel à un mandat parlementaire et vice versa. Voilà pourquoi il faut supprimer cet alinéa.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur les amendements identiques, nos 91 , 124 rectifié et 249 .

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 86

Nombre de suffrages exprimés 86

Majorité absolue 44

Pour l'adoption 28

Contre 58

Ces amendements ne sont pas adoptés.

Je suis saisi d'un amendement n° 215 .

La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je mets aux voix l'amendement n° 215 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis saisi d'un amendement n° 159 .

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je sais que c'est l'heure de la sieste, mais les réponses de la commission et du Gouvernement sont quand même lapidaires !

Madame la ministre, la création d'une commission pourrait, après tout, aller dans le bon sens. Mais nous déplorons, une fois encore, de ne pas avoir été écoutés s'agissant des points que nous avions soulevés en première lecture, tant est grande l'imprécision du texte, lequel ne peut, pour cette raison, être accepté en l'état.

Le redécoupage des circonscriptions électorales est devenu une réelle nécessité, tant elles sont disparates entre elles et ne correspondent plus à la réalité démographique du pays. Je pense que nous sommes tous d'accord sur ce point. Mais nous vous avons posé un certain nombre de questions en première lecture, ainsi que, pendant cette deuxième lecture, durant la discussion générale. Et à cette heure, nous sommes toujours sans réponses.

Que vont devenir les auditions auxquelles procède M. Marleix, place Beauvau, dans son cabinet noir ? Quid de la composition de cette commission ? À vous en croire, madame la garde des sceaux, elle sera composée d' « experts » ? Voulez-vous bien nous définir ce qu'est un « expert » ? Est-ce quelqu'un qui a appris son métier dans une chambre de dissection ou dans un bloc opératoire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Benoist Apparu

Vous ne voulez pas essayer d'élever un peu le débat ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Oh, monsieur Apparu, pour élever le débat, il faudrait déjà que vous preniez votre envol !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Pourriez-vous, monsieur Brard, en rester au fond de vos arguments ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il est bien connu, madame la ministre, que les « experts » auxquels vous pensez sont apolitiques, qu'ils ne réfléchissent pas en termes politiques. Ils sont, pour tout dire, objectifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Que M. Deflesselles acquiesce me conforte dans l'opinion que nous sommes bien là dans la dérision.

Il est nécessaire et urgent d'encadrer ce redécoupage, afin qu'il réponde à l'évolution démographique des circonscriptions, à la cohérence locale des territoires et à bien d'autres critères qui ne devraient pas être politiques, et encore moins politiciens. L'une des manières objectives d'y parvenir serait donc d'y associer les parlementaires, représentés dans toute leur diversité au sein même de cette commission.

C'est à l'aune de vos réponses que nous pourrons juger de la profondeur de votre sincérité, madame la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Le groupe Nouveau Centre avait déposé un amendement similaire en première lecture.

On voit bien, à travers les différentes interventions qui ont eu lieu sur les amendements précédents, combien, à l'évidence, un redécoupage électoral est toujours sensible, non pas individuellement, pour chacun d'entre nous, mais pour les formations politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Surtout à Drancy et à Bobigny, vous avez raison, monsieur Brard ! Cette circonscription avait été découpée pour être éternellement communiste, au service de M. Jean-Claude Gayssot, lequel était, à l'époque, programmé pour devenir votre secrétaire général. Vous avez fort bien fait de le rappeler.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Celui du parti communiste !

Il y a toujours des soupçons. Et cela s'est entendu dans les propos qui ont été tenus. Nous gagnerions à ce que les groupes politiques puissent au moins observer comment travaillera cette commission. En effet, comme le disait M. de Charette, l'indépendance ne se décrète pas, ne se proclame pas. Elle ne peut que se constater.

Nous éviterions ainsi l'écueil qui est nécessairement devant nous. Nous éviterions ce soupçon permanent de tripatouillage électoral si les groupes parlementaires ici représentés avaient la capacité de constater comment cette commission travaille, à partir de quels critères, et donc avec quels résultats. Les avis rendus publics ne suffiront pas. Il serait utile d'observer la méthodologie. Nous voterons donc cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La commission et le Gouvernement sont défavorables à l'amendement n° 159 .

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je vous confirme que l'un et l'autre se sont prononcés défavorablement, hors micro.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Mais nous ne sommes pas à la SNCF, ici : ça ne fonctionne pas par signaux optiques !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Que voulez-vous, c'est ce qu'on appelle le respect du Parlement !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je mets aux voix l'amendement n° 159 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis saisi d'un amendement n° 72 .

La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Cet amendement va dans le même sens. Comme j'ai eu l'occasion de l'expliquer tout à l'heure, des éclaircissements sur la composition de cette commission sont nécessaires. Nous proposons que ce soit une loi organique, et non une loi ordinaire, qui en fixe la composition et les règles d'organisation.

Par ailleurs, quand on nous dit qu'elle sera composée d'« experts », nous sommes en droit de nous inquiéter. Nous savons en effet qu'aujourd'hui, il faut le répéter ici, est en train de se préparer un mauvais coup dans les cabinets noirs du ministère de l'intérieur, la droite disposant pour cela d'un spécialiste du découpage électoral.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

J'ajoute que, avec la question des députés des Français de l'étranger – qui a d'ailleurs été l'objet d'une discussion intense, hier soir –, c'est un mauvais coup de plus qui est assené à la pluralité démocratique. Car en fait, derrière ce projet de réforme se dissimule non pas seulement la tentation, mais le projet de votre gouvernement, de votre clan (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), de se maintenir au pouvoir quel que soit l'avis des Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Chaque fois que vous prenez la parole, monsieur Mamère, c'est pour vous livrer à des caricatures !

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je mets aux voix l'amendement n° 72 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis saisi d'un amendement n° 190 .

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Nous avons, tout à l'heure, entendu les protestations du groupe UMP quand a été posée la question du caractère indépendant de la fameuse commission chargée de limiter les risques d'excès, de la part du Gouvernement, en matière de redécoupage. Nous proposons ici de garantir cette indépendance dans le texte constitutionnel en prévoyant que la loi fixant la composition de cette commission devra être adoptée à la majorité des trois cinquièmes, ce qui impliquera qu'elle fasse l'objet d'un consensus entre majorité et opposition.

C'est le meilleur moyen, mes chers collègues, de donner de la consistance à nos protestations lorsque nous disons que cette commission proclamée indépendante ne l'est pas et n'offre aucune des garanties que nous réclamons. Voilà pourquoi je vous de demande de voter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Défavorable. C'est la commission des lois elle-même qui, en première lecture, a introduit dans le texte cette disposition prévoyant que la composition de la commission est fixée par la loi, et ce afin que le Conseil constitutionnel, s'il est saisi, puisse exercer son contrôle.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis que la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je mets aux voix l'amendement n° 190 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis saisi de deux amendements, nos 244 et 73 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour soutenir l'amendement n° 244 .

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement n° 73 .

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je mets aux voix l'amendement n° 244 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je mets aux voix l'amendement n° 73 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis saisi d'un amendement n° 245 .

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La commission et le Gouvernement sont défavorables à cet amendement.

Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis saisi de cinq amendements, nos 247 , 246 , 160 , 248 et 212 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l'amendement n° 247 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Nous abordons là un sujet rituel, qui impose de souvent remettre l'ouvrage sur le métier, et qui fait partie des délices, ou des poisons, de la vie politique. Je veux parler du cumul des mandats. (« Montebourg ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Sur cette question du cumul, je crains de ne pas avoir d'arguments supplémentaires à apporter, mais ceux que j'ai avancés en première lecture n'ont pas été entendus : nous allons donc, ma collègue Filippetti et moi-même, y revenir.

En ce domaine, notre pays fait figure d'exception. La France est le seul pays où l'on peut ainsi cumuler les mandats en nombre et dans le temps. Pourtant, quand, en 1982, notre pays s'est doté de la décentralisation, il était évident que celle-ci allait à l'encontre du cumul des mandats. Il était logique que ceux qui avaient des pouvoirs supplémentaires au niveau local s'investissent pleinement dans ce travail, et que ceux chargés de représenter la nation soient concentrés sur cette fonction.

Les mesures prises par la suite n'ont pas fait reculer la pratique du cumul des mandats. C'est pourquoi il nous faut parvenir à la constitutionnalisation du non-cumul. C'est, nous semble-t-il, une mesure nécessaire à la revalorisation du Parlement. C'est à la fois le moteur de la restauration du Parlement et sa conséquence.

On nous avait dit que la « niche parlementaire » allait revaloriser le rôle du Parlement. Le passage de deux sessions annuelles à une session unique devait permettre une plus grande présence des parlementaires dans l'hémicycle. Nous constatons que ce n'est pas le cas. Si les parlementaires n'avaient qu'un seul mandat, ils disposeraient d'un poids supplémentaire face au pouvoir exécutif, car leur présence serait continue, organisée.

À la fin de la première année de législature, nous constatons que nous avons travaillé beaucoup trop et beaucoup trop vite. En effet, 99 lois ont été adoptées. Il n'y a pas de séance le lundi, ou rarement, pas plus que le vendredi. On avance à marche forcée, on travaille jusqu'aux petites heures du matin. Ce ne sont pas les meilleures conditions pour adopter une loi qui changera la vie quotidienne de nos concitoyens.

Avec le mandat unique, les parlementaires auraient plus de temps à consacrer au vote de la loi et au contrôle de l'action du Gouvernement. On nous rétorque : « Ça n'a rien à voir ! Nous avons tout essayé ! » Tout, sauf la constitutionnalisation du cumul des mandats ! Tentons d'empêcher le cumul des mandats. Nous verrons si cela ne fait pas avancer l'image du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. –Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour défendre l'amendement n° 246 .

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Nous ne sommes pas nombreux à pouvoir défendre ce type d'amendement, mais nous le faisons avec plaisir, car on ne peut s'en remettre à la vertu de chacun d'entre nous (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), même si elle est grande.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Nous devons inscrire le principe du non-cumul des mandats dans la Constitution, dans le respect le plus élémentaire des électeurs. Nous devons consacrer tout notre temps à notre mandat d'élu de la nation. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Chers collègues, c'est un débat important. Il ne faut pas le méconnaître ! Veuillez laisser parler Mme Filippetti.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

En effet, nos concitoyens y attachent une grande importance !

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Ils sont favorables à la limitation du cumul des mandats. Tous les sondages et les enquêtes d'opinion le montrent. La concentration du travail parlementaire sur deux jours, le mardi et le mercredi,…

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

…a entraîné une surcharge de notre emploi du temps. Les réunions se multiplient et tout cela est néfaste au bon suivi des textes. Nos concitoyens nous font remarquer régulièrement que nos bancs sont souvent déserts. Nous n'y sommes pour rien, car des réunions de commission, de groupe, ont lieu en même temps que les séance publiques. La limitation du cumul des mandats permettrait de remédier, pour une large part, à cette surabondance de l'activité des députés sur trois jours.

Le renouvellement du personnel politique me semble également un argument important. Au moment où l'on parle de revivifier le Parlement, de restaurer son image auprès de nos concitoyens, les Français se sentiraient davantage concernés par ce qui s'y passe si la France était représentée dans sa diversité. Pour parvenir à renouveler le personnel politique, il faut éviter que certains élus ne concentrent tous les mandats entre leurs mains. La diversité, la parité, le fait que toutes les générations puissent s'exprimer au sein de notre assemblée sont des éléments importants.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour défendre l'amendement n° 160 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

On ne peut pas demander à chacun, individuellement, d'être vertueux si le non-cumul des mandats n'est pas inscrit dans la loi fondamentale. En effet, pour conquérir un siège, les formations politiques sont conduites à présenter le candidat qu'elles estiment, à tort ou à raison, le mieux placé. Et souvent, le mieux placé est celui qui détient déjà un mandat, car la notoriété joue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je ne parle pas des candidats parjures, qui se sont engagés avant l'élection à ne pas cumuler et qui, visités par la grâce, dès lors que l'élection a eu lieu, changent subitement d'avis. (« Voynet ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce sont évidemment des élus auxquels leurs électeurs ne peuvent pas faire confiance.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Des noms !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Le cumul des mandats ne s'est jamais aussi bien porté dans notre assemblée, comme au Sénat. Les élections municipales et cantonales récentes ont confirmé, voire amplifié, à droite comme à gauche, la pratique du cumul entre un mandat de député ou de sénateur et celui de maire ou de président de conseil général. Même les opposants les plus déterminés à cette pratique unique en Europe d'exercer les fonctions électives ont rendu les armes, y compris pour les raisons que j'ai évoquées au début de mon intervention.

Le cumul des mandats est, en effet, une plaie du système politique français. Il favorise l'absentéisme des députés et des sénateurs, même s'il faut souligner que ceux qui sont le plus souvent absents ne sont pas nécessairement les plus occupés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je prendrai l'exemple à gauche de notre collègue Jean-Marc Ayrault – je choisis à dessein un autre groupe politique pour éviter d'être accusé de subjectivité !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je suis instituteur de formation, dont j'explique !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Certains de nos collègues de droite sont frappés d'autisme.

Je pourrais prendre d'autres exemples dans la majorité. Notre collègue Jean-Christophe Lagarde est, lui aussi, souvent présent. D'autres critiquent aujourd'hui l'absentéisme parlementaire, alors que lorsqu'ils étaient députés, ils n'étaient jamais présents dans l'hémicycle. Je pense à Nicolas Sarkozy.

Il est donc important de suivre les recommandations de la commission Balladur qui proposait l'interdiction de tout cumul entre un mandat parlementaire et une fonction exécutive. La France doit s'engager sur la voie du parlementaire unique, avec un mandat unique exercé à plein temps.

Il ne serait pas raisonnable d'imposer cette règle aux maires de petites communes. C'est pourquoi nous proposons de fixer le seuil à 20 000 habitants. Chacun aura compris que si nous n'inscrivons pas le non-cumul des mandats dans la loi fondamentale, il ne sera pas appliqué, même à Paris, madame la ministre, puisque ceux qui ne sont pas encore député aspirent à le devenir, y compris quand ils ne seront plus ministres.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour défendre l'amendement n° 248 .

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement n° 212 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

La majorité des parlementaires qui siègent dans cet hémicycle sont titulaires de plusieurs mandats. Cela nous empêche-t-il de nous projeter dans l'avenir pour renforcer les pouvoirs du Parlement ?

En limitant strictement le cumul des mandats, nous séparerons nettement les fonctions exécutives locales de la fonction de législateur. Comme l'a souligné Jean-Jacques Urvoas, c'est encore une exception française que de pouvoir cumuler ces fonctions. Du point de vue de l'État de droit, ce n'est pas un progrès. C'est une forme de statu quo qui existe depuis longtemps et peut conduire à une régression.

Par ailleurs, comme l'a souligné Aurélie Filippetti, la limitation stricte du cumul des mandats peut contribuer au renouvellement démocratique du personnel politique. Cette revendication de la stricte limitation du cumul des mandats ne nous permettra de sortir du populisme pour entrer dans une véritable proposition constitutionnelle qu'à partir du moment où l'on acceptera d'inscrire dans la Constitution le fait qu'un dixième des députés puisse être élu à la proportionnelle, ce que vous ne voulez pas faire. Pourtant, la vitalité démocratique en serait renforcée.

Il faut associer la limitation stricte du cumul des mandats non seulement à la proportionnelle, mais à une réforme du statut de l'élu, qui n'a pas été évoquée ici – mais peut-être n'était-ce pas sa place. Nous sommes dans un pays où l'ombre portée de l'extrême droite est toujours là. En effet, nombre de Français estiment que les hommes politiques s'en mettent plein les poches et que ce sont tous des pourris. Quelle victoire quasi posthume pour M. Le Pen !

Il faut expliquer aux Français que la démocratie a un coût. Consacrer une partie de sa vie au service du bien public doit être indemnisé. Sinon, les politiques, hommes ou femmes, chercheront à cumuler des mandats pour vivre dans des conditions à peu près décentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

C'est aussi la porte ouverte à la corruption. Si l'on avait payé le prix de la démocratie, il n'y aurait pas eu toutes ces affaires de marchés publics, les valises et autres turpitudes. Il faut donc inscrire cette limitation stricte du cumul des mandats dans la Constitution, à condition de l'accompagner d'une dose de proportionnelle et d'une réforme du statut de l'élu.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Sur le vote de l'amendement n° 247 , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis de la commission ?

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

J'ai été très intéressé par les arguments de Mme Filippetti. On ne peut compter sur la vertu de l'homme, les textes doivent encadrer ses comportements, nous dit-elle. Elle prétend être un modèle de vertu, puisqu'elle ne cumule pas de mandats. J'avais pourtant cru comprendre qu'au mois de mars dernier, elle avait été candidate aux élections cantonales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Il serait dommage qu'elle quitte l'Assemblée !

Certes, le système actuel peut surprendre. Mais serait-il pour autant vertueux de mettre fin au cumul des mandats ? Si l'on regarde la carte électorale de notre pays, on note que la plupart des circonscriptions conservent la même coloration politique pendant des décennies, voire des siècles. Le non-cumul des mandats aboutirait, en fait, à renforcer le pouvoir des partis politiques dans la désignation de leurs candidats, leurs apparatchiks parachutés depuis Paris…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

… afin de mieux contrôler ce qui se passe à l'Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Ensuite, vous suggérez de laisser aux maires des petites communes la possibilité de cumuler un mandat parlementaire et un mandat exécutif local. C'est méconnaître la fonction de maire d'une petite commune. Celui-ci ne dispose que d'une petite administration et, bien souvent, il fait lui-même ce que le maire d'une grande commune fait faire par son administration, par des cadres qualifiés. En fait, la charge de travail des maires des petites communes est au moins aussi importante que celle des maires des grandes communes qui ont de nombreux adjoints et une administration sur laquelle s'appuyer.

J'entends aussi que l'on ne pourrait débattre sereinement dans cet hémicycle. Je ne peux laisser dire cela ! Sur les quatre-vingt-dix-neuf lois adoptées par le Parlement, à peine 30 % deviennent applicables. Cela signifie que nous légiférons beaucoup trop. En fait, nous souffrons d'une mauvaise organisation de nos travaux et tous les gouvernements successifs, depuis vingt ans, portent une responsabilité en la matière. Si nous en sommes là, c'est parce que notre ordre du jour est sous la pression constante des gouvernements.

Enfin, on nous dit que le non-cumul permettrait le renouvellement du personnel politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Il y a vingt ans, il n'y avait pas de règle sur le cumul des mandats. Nombreux étaient ceux – peut-être siègent-ils encore – qui cumulaient trois, quatre, voire cinq mandats – conseiller général, régional, maire, député. Depuis que la loi sur la limitation à deux mandats a été adoptée, pensez-vous vraiment que les Français ont eu l'impression que la classe politique s'est renouvelée ? Pour ma part, je ne le crois pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour une brève mise au point.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Contrairement à ce qu'à dit M. Lagarde, je n'ai pas été candidate aux élections cantonales.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à ne pas mettre en cause vos collègues. Nous sommes ici pour légiférer et non pour évoquer des questions personnelles. Cela vaut aussi pour vous, monsieur Brard !

La parole est à M. Christian Vanneste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Au risque de choquer quelques oreilles laïques, je voudrais dire que sur la question du cumul des mandats, je suis croyant mais non pratiquant ! (Sourires .) Je ne pratique pas le cumul, mais je crois profondément en ses vertus. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Deux religions s'opposent dans cet hémicycle : d'une part, la religion du vote au scrutin uninominal où des personnes, sur un territoire donné, élisent un homme ou une femme –le Président de la République, les députés et les conseillers généraux – ; d'autre part, la religion du vote à la proportionnelle. Et je suis d'accord avec M. Mamère : il y a manifestement un lien entre un mandat national et un mandat local. Le cumul permet d'être nourri au quotidien, dans son travail de parlementaire, par les problèmes que l'on rencontre sur le terrain dans sa circonscription en tant qu'élu local. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Dans la religion du vote à la proportionnelle, c'est un parti qui décide et compose la liste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Les électeurs voteront de façon abstraite et anonyme en fonction de l'étiquette politique de cette liste. Et c'est là, pardonnez-moi de vous contredire, monsieur Lagarde, que vous trouvez les apparatchiks. Avec un tel système, ce n'est pas l'électeur qui choisit son candidat ; c'est le parti qui décide. Je considère que notre système est plus sain parce qu'il repose sur le vote uninominal, et le cumul des mandats est une condition de son équilibre.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Mais je suis d'accord avec vous sur un point, monsieur Lagarde. Si nous allions vraiment vers l'objectif annoncé, nous disposerions d'un temps beaucoup plus long pour approfondir notre travail de législateur et notre travail local.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Pour créer un véritable équilibre, je souhaite que nous adoptions une organisation fondée sur moins de présence dans l'hémicycle et plus de travail en commission. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Il n'y a pas deux catégories de députés : les bons et les mauvais, ceux qui ne cumulent pas et ceux qui cumulent. Il n'y a pas non plus ceux qui sont désignés par les appareils et les autres. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ne réagissez pas ainsi, chers collègues de la majorité ! Je suppose que vous avez tous été bien heureux d'avoir obtenu le soutien de votre parti politique pour mener votre campagne électorale. Heureusement que le parti était là, excepté, il est vrai, pour M. Debré. Cessons de traiter les uns de cumulards et les autres d'apparatchik.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Il s'agit avant tout d'une question politique. Quel type d'assemblée voulons-nous et quels moyens lui donnons-nous pour lui permettre de travailler ? Nous sommes ici un certain nombre à nous appliquer la règle du non-cumul. Pour ma part, je n'ai pas cumulé de mandat pendant dix ans. Mais la logique du système veut qu'à un moment, vos électeurs vous demandent pourquoi certains maires siègent à l'Assemblée nationale et pas vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Les électeurs savent qu'en siégeant à l'Assemblée nationale, leur représentant peut faire avancer les dossiers locaux plus rapidement. Nous ne pourrons avancer sur ce sujet qu'à partir du moment où la règle sera la même pour tout le monde. Si la règle est fixée, chacun s'y pliera et il faudra l'assumer devant l'opinion publique. Philippe Séguin reconnaissait lui-même que les moyens alloués aux députés étaient insuffisants pour qu'ils puissent avoir ce dialogue permanent avec la population sur le terrain. Nous prenons, en effet, sur nos crédits collaborateurs pour publier, péniblement et irrégulièrement, la « lettre du député ». Il y a une inégalité entre ceux qui ne cumulent pas et ceux qui cumulent et ont une organisation à leur disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Ceux qui ne cumulent pas financent cette publication en puisant dans leurs indemnités. Si nous votions aujourd'hui la règle du non-cumul des mandats, nous donnerions tout son sens à la réforme constitutionnelle. Voilà l'occasion, monsieur Karoutchi, puisque vous cherchez une majorité des trois cinquièmes, de pratiquer l'ouverture en acceptant notre amendement. Ce serait faire oeuvre utile pour le bon fonctionnement de nos institutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'amendement n° 247 .

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 108

Nombre de suffrages exprimés 108

Majorité absolue 55

Pour l'adoption 24

Contre 84

L'amendement n° 247 n'est pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 246 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je mets aux voix l'amendement n° 160 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je mets aux voix l'amendement n° 248 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je mets aux voix l'amendement n° 212 rectifié .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je mets aux voix l'article 10.

(L'article 10 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Le Sénat a supprimé l'article 10 bis.

Je suis saisi de six amendements, nos 62 , 132 , 131 , 216 , 243 et 217 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements n°s 131 , 216 et 243 sont identiques.

La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l'amendement n° 62 .

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde pour soutenir l'amendement n° 132 .

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La commission et le Gouvernement sont défavorables à cet amendement.

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement n° 131 .

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La commission et le Gouvernement sont défavorables à ces trois amendements identiques.

L'amendement n° 217 est-il défendu, monsieur Mamère ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La commission et le Gouvernement sont défavorables à cet amendement.

Je mets aux voix l'amendement n° 62 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je mets aux voix l'amendement n° 132 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 131 , 216 et 243 .

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je mets aux voix l'amendement n° 217 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Hervé de Charette, inscrit sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé de Charette

Cet article est relatif à l'article 34 de la Constitution qui est, sans doute, l'un de ceux qui sont le moins appliqués. Il a été conçu, comme l'article 37, afin que le Parlement limite son travail à la définition des principes et des règles dans un certain nombre de domaines, les principes pour certains sujets, les règles pour les sujets plus fondamentaux, autorisant le Parlement à entrer davantage dans les détails. En tout état de cause, le dispositif constitutionnel est destiné à limiter le travail parlementaire et à transférer au Gouvernement la responsabilité de prendre les dispositions d'application par voie de décret ou d'arrêté. Je ne peux que constater que l'article 34 est pratiquement tombé en désuétude. Nous sommes, par nos propres amendements, les responsables de cette situation. Nous le sommes aussi parce que nous laissons les gouvernements successifs déposer des projets de loi qui constituent des violations caractérisées de la distinction entre la loi et le règlement. Je profite de ce débat pour en parler parce que nous avons rarement l'occasion d'aborder ces sujets. Je le dis solennellement au Gouvernement : il est absolument essentiel de revenir à cet élément de base de notre Constitution.

Nous avons tous notre part de responsabilité. Nous devrions faire preuve de plus d'exigence dans ce partage des compétences. Si nous siégeons nuit et jour, si, malgré l'allongement de la session parlementaire, nous sommes toujours autant accablés de projets du Gouvernement, si le nombre de pages du Journal officiel dédiées à la publication des lois a triplé en vingt ans, c'est à cause de la dégradation de la distinction entre la loi et le règlement. Je tiens donc à affirmer avec force que le rétablissement de cette distinction est une nécessité pour le bon fonctionnement du travail législatif.

Enfin, monsieur le président, se pose aussi dans cet article la question de la distinction des ordres juridictionnels. Je connais les combats qui les opposent depuis l'origine – je suis issu de l'un d'eux – mais je ne crois pas que ce soit au hasard d'un tel débat qu'il convienne de discuter sérieusement du bien-fondé de l'existence dans notre pays, à l'inverse des pays de droit anglo-saxon, d'une juridiction administrative différente de la juridiction judiciaire. La disposition proposée dans l'article 11 est assassine : elle annonce comment le judiciaire entend l'emporter sur l'administratif. Le sujet mérite discussion, je ne le conteste pas, et je veux bien qu'elle soit ouverte, mais au grand jour et non à l'occasion d'un amendement glissé dans le projet de loi constitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis saisi d'un amendement n° 133 , deuxième rectification.

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Avec votre autorisation, monsieur le président, je présenterai en même temps l'amendement n° 134 , deuxième rectification. En effet, ces deux amendements entendent inscrire dans la Constitution le principe de non-rétroactivité de la loi. En droit pénal, ce principe est respecté, mais dans les autres domaines législatifs, il est régulièrement bafoué par les projets et propositions de loi que le Parlement vote. Or le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel eux-mêmes nous demandent depuis des années de clarifier la situation.

En première lecture – notre rapporteur l'a souligné dans son rapport –, notre assemblée avait adopté un amendement introduisant le principe de non-rétroactivité de la loi dans la Constitution afin de garantir une stabilité juridique des carrières professionnelles, des situations fiscales et des contrats qui sont toujours exposés au risque d'être bouleversés par les lois que nous adoptons. Le comité Balladur lui-même s'est montré sensible à l'instabilité juridique qui résulte trop souvent de la rétroactivité.

La loi doit pouvoir avoir des effets rétroactifs mais seulement quand des motifs d'intérêt général l'imposent et non en toutes circonstances comme c'est souvent le cas aujourd'hui. À cet égard, nous savons tous que le prochain projet de loi de finances, comme les précédents, comportera des dispositions rétroactives.

Le Conseil constitutionnel a clairement établi dans sa décision du 18 décembre 1998 que le « principe de non-rétroactivité des lois n'a valeur constitutionnelle, en vertu de l'article VIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qu'en matière répressive », autrement dit, en matière pénale. « Néanmoins, si le législateur a la faculté d'adopter des dispositions fiscales rétroactives, il ne peut le faire qu'en considération d'un motif d'intérêt général suffisant » a-t-il encore indiqué.

Nous souhaitons donc inscrire ce principe dans la Constitution pour mettre fin aux abus de législations rétroactives dans notre pays, qui sont régulièrement dénoncés. Le Conseil d'État, souvent saisi à ce sujet, souhaitait que nous puissions clarifier notre position dans le texte constitutionnel.

Le Sénat n'a pas voulu maintenir cette disposition, au motif qu'elle affaiblirait les possibilités d'agir du législateur et qu'elle serait contradictoire avec les principes applicables en matière pénale. Or ce n'est pas le cas.

Le rapporteur me répondra, reprenant les arguments exposés dans son rapport, que les juridictions assurent déjà une protection contre les lois rétroactives. Non, elles ne le font pas ! Le rapport précise par ailleurs qu'il pouvait être d'autant plus satisfaisant d'inscrire clairement le principe général de non-rétroactivité de la loi assortie d'une réserve précise dans notre Constitution que, demain, possibilité serait offerte au citoyen, par le biais de l'exception d'inconstitutionnalité, de saisir le Conseil constitutionnel à propos d'une loi rétroactive. Mais cela revient à accepter que des lois rétroactives soient renvoyées devant les tribunaux alors même que nous aurions pu les éviter en inscrivant le principe de non-rétroactivité dans la Constitution.

Toujours selon le rapport, « il convient de reconnaître que la protection apportée tant par le Conseil constitutionnel que par les juridictions ordinaires et la Cour européenne des droits de l'homme assure un niveau satisfaisant de sécurité juridique, les situations les plus aberrantes pouvant être sanctionnées ». Pour ma part, chers collègues législateurs et constituants, j'estime que notre rôle n'est pas de laisser les juridictions sanctionner les situations les plus aberrantes, car les moins aberrantes sont tout aussi inadmissibles. La loi, par sa rétroactivité, ne doit pas être à l'origine d'une instabilité juridique dans les contrats, les carrières ou dans le droit fiscal.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Quel est l'avis de la commission sur les amendements n° 133 , deuxième rectification et n° 134, deuxième rectification ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

M. Lagarde le sait bien, j'avais écouté avec beaucoup d'attention son argumentation en première lecture et l'Assemblée avait adopté une disposition en ce sens.

Il ne serait toutefois pas exact de dire – d'ailleurs, il ne le dit pas – que le principe de non-rétroactivité n'est pas d'ores et déjà protégé. Il est établi de manière absolue depuis la Déclaration des droits de l'homme pour la loi pénale la plus sévère. De plus, selon la jurisprudence fondée sur la convention européenne des droits de l'homme, les dispositions rétroactives ne sauraient être admises que « pour d'impérieux motifs d'intérêt général ». Par ailleurs, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 18 décembre 1998, a jugé que le législateur ne peut prendre des dispositions fiscales rétroactives « qu'en considération d'un motif d'intérêt général suffisant ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

La question se pose de savoir s'il est opportun de renforcer cette jurisprudence en interdisant totalement la rétroactivité. Mais il faut savoir que l'équité et l'efficacité peuvent, dans certains cas, conduire le législateur à avoir recours à des dispositions rétroactives.

En tout état de cause, comme vous le savez, nous devons construire une révision constitutionnelle susceptible d'être acceptée par les deux assemblées. Or la Haute assemblée est très soucieuse de préserver la marge de manoeuvre dont dispose actuellement le législateur en ce domaine.

Pour toutes ces raisons, la commission des lois a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le président, j'aimerais soutenir les amendements présentés par nos collègues du Nouveau Centre, guidés par le souci d'impartialité qu'impose la Constitution. Si le principe de non-rétroactivité est remis en cause, comme l'un des amendements du Gouvernement le propose, …

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Aucun amendement du Gouvernement ne porte sur ce sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…le Conseil constitutionnel sera incité à faire preuve d'encore plus de dureté.

Une autre disposition de l'article 11 nous paraît particulièrement dangereuse : comme Hervé de Charrette l'a très justement indiqué, il s'agit de la possibilité pour le législateur de répartir les compétences entre les juridictions administratives et les juridictions judiciaires, au motif que le juge administratif serait moins impartial que le juge judiciaire, possibilité à laquelle nous nous étions déjà fermement opposés en commission.

La distinction des ordres juridictionnels fait partie du bloc de constitutionnalité. Le juge judiciaire a compétence sur les libertés, ce qui n'est pas le cas du juge administratif.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Or ce qui se cache derrière l'amendement qui va nous être présenté par…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

J'interviens sur les dispositions contenues dans l'article 11 !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le rapporteur, je ne vais pas découper cet article en tranches : il contient bien la disposition dont je parle, c'est même vous qui l'aviez proposée.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Ce qui se cache derrière l'amendement que vous allez présenter, monsieur le rapporteur, c'est la volonté de transférer certaines compétences du juge administratif au juge judiciaire, en particulier celles relatives au droit des étrangers.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements en discussion ?

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Tout d'abord, monsieur Mamère, je précise que les amendements du Gouvernement ne sont pas cause.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Avec l'amendement n° 133 , deuxième rectification, vous souhaitez, monsieur Lagarde, que soit rétablie la mention du principe de non-rétroactivité que l'Assemblée avait inscrit, en première lecture, à l'article 34 de la Constitution. Le Gouvernement émet des réserves sur la rédaction que vous avez retenue car elle fait peser sur le législateur une contrainte excessive. Aucune rétroactivité ne serait plus admise, sauf en matière pénale – la loi pénale la plus douce est d'application immédiate. Or dans certaines hypothèses, une rétroactivité limitée est nécessaire dans l'intérêt général, le Conseil constitutionnel l'a confirmé dans la décision que vous avez citée. Je pense, par exemple, à l'annulation de certains actes, comme l'extension des conventions collectives, qui nécessite des dispositions rétroactives pour éviter les imbroglios juridiques. Mieux vaut donc en rester à la situation actuelle. Avis défavorable donc.

La disposition proposée dans l'amendement n° 134 , deuxième rectification, soulève une difficulté. En première lecture, il avait été établi qu'elle ne remettait pas en cause le principe de l'application immédiate de la loi pénale la plus douce. Mais lors des débats au Sénat, un problème d'articulation avec l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme a été invoqué, ce qui a jeté le trouble sur son maintien. Nous y sommes donc défavorables.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Perben

Je comprends bien le raisonnement qui sous-tend les amendements présentés par M. Lagarde mais il me paraît inutile et dangereux d'aller trop loin dans l'interdiction de la rétroactivité.

En matière pénale, les choses sont claires : la non-rétroactivité est un principe général du droit parfaitement respecté, dont l'application est contrôlée par le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel.

En matière économique et fiscale, il importe de laisser au législateur la faculté d'introduire de la rétroactivité, à condition que l'intérêt général soit respecté. Elle est indispensable à l'efficacité de l'action gouvernementale et il ne faudrait pas que la Constitution, allant trop loin dans le détail, limite les capacités d'action du législateur. Soyons prudents.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Monsieur le président, je retire l'amendement n° 133 , deuxième rectification. Le Sénat a fait une erreur globale d'interprétation en invoquant un problème avec le droit pénal. Mais, madame la garde des sceaux, comme vous venez de le rappeler et comme vous l'aviez indiqué le 3 juin dernier, la non-rétroactivité en matière pénale ne pose aucun problème. Je reconnais donc que cet amendement est inutile.

En revanche, l'amendement n° 134 , deuxième rectification, me paraît indispensable. Cette disposition a été adoptée en première lecture et elle n'a soulevé aucune difficulté. Elle prévoit, comme le demandent le Conseil constitutionnel, le Conseil d'État et la Cour européenne des droits de l'homme, que « sauf motif déterminant d'intérêt général, la loi ne dispose que pour l'avenir ».

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Lagarde, vous avez déjà défendu cet amendement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La seule raison à l'avis défavorable dont elle fait l'objet, je le dis pour que mes collègues en aient bien conscience, c'est que le Sénat n'en a pas voulu. Nous qui sommes les représentants des citoyens, nous nous devons de les défendre contre la rétroactivité excessive de certaines des lois que nous votons.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'amendement n° 133 , deuxième rectifié, est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 134 , deuxième rectification.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis saisi d'un amendement n° 9 , qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 301 .

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 9 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Notre pays compte deux ordres de juridictions : l'ordre administratif et l'ordre judiciaire. Les règles de délimitation des compétences entre les deux ordres se sont rigidifiées au fil des années, au point que le législateur n'a quasiment plus aucune compétence, ou uniquement à la marge, pour répartir les contentieux entre ces deux ordres. Voilà pourquoi, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture un amendement, qui avait d'ailleurs été adopté à l'unanimité en commission des lois, visant à donner compétence au législateur pour définir ces contentieux, dans un souci de bonne administration de la justice, du travail de simplification et de lisibilité pour les justiciables. Ce n'est pas parce qu'une limitation entre l'ordre judiciaire et l'ordre administratif a été décidée il y a vingt ans, cinquante ans ou plus, qu'elle doit s'imposer dans les années à venir.

Cet amendement a suscité certaines inquiétudes de la part des juges administratifs au motif qu'il permettrait peut-être au législateur de supprimer à l'avenir l'ordre administratif. Et, comme vous l'avez remarqué, le Sénat, dans sa rédaction de l'article relatif au Conseil supérieur de la magistrature, prévoit de faire entrer dans la Constitution l'existence des deux ordres en matière de juridictions.

L'amendement n° 9 va totalement dans le sens de l'intérêt général de notre pays et de la justice. Cependant, comme je fais partie de ceux qui, comme vous, monsieur le président, aiment notre parlement et souhaitent par-dessus tout que cette révision constitutionnelle soit adoptée, j'ai compris, dans les propos du Premier ministre, que le Sénat en faisait un cas de blocage pour des raisons que j'espère être d'un intérêt général suffisant. Voilà pourquoi, je fais un nouvel effort : je retire cet amendement, même si je pense que l'intérêt général aurait été de l'adopter. Je souhaite que cet effort soit suivi de beaucoup d'autres, afin que cette révision puisse trouver son aboutissement, dans l'intérêt du Parlement, à Versailles, le 21 juillet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Monsieur Montebourg, entendez la clameur de ceux qui pensent dans le Parlement ! Faites un geste !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'amendement n° 9 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 75 .

La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Mon amendement revient sur la question douloureuse de l'indépendance des médias, qu'il vise à préciser. Faut-il rappeler l'offensive qui a été lancée par le Président de la République, par un coup politicien, pour mettre la gauche dans l'embarras en annonçant tout de go la suppression de la publicité sur le service public, offrant cette manne publicitaire à ses amis des grandes chaînes privées, également propriétaires de grandes entreprises qui répondent à des commandes publiques ? C'est une exception française que d'avoir des grandes entreprises qui répondent à des commandes publiques et qui sont aussi majoritaires dans le capital de chaînes privées, lesquelles détiennent plus de 45 % de parts de marché.

Me tenant à la règle que vous avez fixée, monsieur le président, je ne donnerai pas le nom de chaînes ni de propriétaires de chaînes.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Disons qu'il s'agit d'une grande entreprise de bâtiment et de travaux publics qui est le propriétaire majoritaire dans le capital d'une grande chaîne dont l'acronyme se termine par « 1 ».

Il se trouve que cette entreprise répond aussi à des marchés à l'étranger, comme au Maroc où la démocratie n'est pas la vertu la mieux partagée. Mes chers collègues, je vous mets au défi de pouvoir suivre sur cette chaîne, dont le nom commence par « T » et se termine par « 1 », des reportages critiques sur ce pays et sur les pays où cette entreprise a des intérêts.

Un problème de pluralisme démocratique, et même de conflit d'intérêts, se pose dès lors qu'une grande entreprise, qui répond à des commandes publiques, est majoritaire dans le capital d'une chaîne privée.

Je regrette que la gauche n'ait pas eu le courage d'aller jusqu'au bout lors de l'examen du texte sur l'audiovisuel et qu'elle n'ait pas proposé qu'une entreprise qui répond à des commandes publiques ne puisse pas détenir la majorité du capital d'une chaîne privée.

J'ajoute que le cadeau qui a été fait par le Président de la République à ses amis – ceux qu'il considère comme « ses frères » et qui sont aussi marchands d'armes et propriétaires de grands organes de presse –, sur le yacht desquels il est allé passer quelques jours (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Mamère, je vous rappelle que le règlement prévoit que vous devez en rester au texte et que les remarques sur des personnalités ne sont pas admises !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le président, je me suis déjà fait rappeler à l'ordre pour avoir cité le nom du Président de la République avec une connotation négative. Ce n'était pas alors un président de droite, mais de gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Et je me permets de répéter que l'actuel Président de la République, qui rend la monnaie à ceux qui lui ont permis d'accéder aux plus hautes marches du pouvoir, est en train de tuer le service public pour renforcer la position dominante des chaînes privées. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

D'ailleurs, l'un de ses fidèles ici n'a-t-il pas présenté, lors de la discussion du projet de loi de modernisation de l'économie, un amendement visant à relever le seuil de concentration pour ces chaînes afin de leur permettre d'être diffusées sur la TNT alors que, par une erreur très stratégique, elles avaient refusé d'entrer dans ce système ?

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je suis d'accord avec l'amendement déposé par M. Bayrou et j'espère que les députés de l'opposition voteront le mien parce qu'il est nécessaire pour introduire une égalité démocratique dans le traitement de l'information et dans les médias français.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Mamère, je me vois contraint de vous rappeler l'article 73 de notre règlement, et j'espère ne pas avoir à le refaire !

Quel est l'avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Je soutiens cet amendement.

Pour qu'un pays soit une vraie démocratie, il doit remplir plusieurs critères incontournables, dont la liberté, l'indépendance et le pluralisme de la presse. Du reste, c'est l'une des grandes victoires de la Révolution que d'avoir adopté un système de presse et de communication le plus libre et indépendant possible.

Or, comme vient de le rappeler M. Mamère, il est clair que tout cela est mis à mal par les liens troubles qu'entretiennent quelques grands groupes privés liés à des marchés publics et le monde des médias. En outre, la volonté affichée par le Président de la République dans ses dernières déclarations de désigner lui-même les dirigeants des chaînes publiques est très inquiétante, et les liens qu'il entretient avec les entreprises privées le sont encore plus.

Dans un débat qui dépasse le clivage gauche-droite, qui est un débat de démocratie et de République, nous devrions être extrêmement attentifs à ces dérives, et l'exemple du Maroc est à cet égard significatif. L'Assemblée nationale s'honorerait donc à voter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Je le dis avec gravité, nous sommes confrontés à une situation exceptionnelle.

Exceptionnelle, parce que, derrière de prétendues évidences, c'est le combat pour la liberté et l'indépendance de la presse, que nombre d'entre nous mènent d'ailleurs, qui est aujourd'hui en cause.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Les accusations vont peut-être choquer, mais elles sont graves et elles nécessitent que notre assemblée soit éclairée.

Lorsqu'un présentateur d'une grande chaîne de télévision annonce que son licenciement n'est pas lié à un choix de son entreprise, mais qu'on « a eu sa tête », lorsque dans certaines rédactions des journalistes annoncent qu'ils sont sur une liste et qu'on a décidé, dans le cadre d'une restructuration, « d'avoir leur tête »...

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Vous pouvez plaisanter, mais cette affaire-là ne s'arrêtera pas...

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

..parce que nous sommes dans une situation d'une exceptionnelle gravité.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Non, monsieur, je dis simplement que nous sommes dans une situation que nous n'avons jamais connue. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Certains rêvent peut-être d'en revenir à des chaînes au service d'une majorité politique.

Puisque vous vous énervez en considérant que vous êtes mis en cause...

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

..donnez une preuve de votre volonté de préserver l'indépendance de la presse en votant cet amendement.

Par ailleurs, le Président de la République a annoncé la tenue d'états généraux de la presse à l'automne.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Et il a même ajouté qu'il serait au coeur de cette réflexion.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Voilà qui est inquiétant, car ce n'est pas son rôle.

Nous demandons que le Parlement se saisisse de cette question et qu'il crée une commission d'enquête sur l'ensemble des restructurations qui ont lieu en ce moment dans la presse écrite et la presse télévisée. Cela permettrait à l'ensemble des responsables des chaînes de donner les informations nécessaires afin de lever les doutes. Et cela vous donnerait l'occasion d'apporter la preuve que des présentateurs n'ont pas été licenciés pour des raisons strictement politiques.

Je le dis solennellement au nom du groupe socialiste et de tous les parlementaires qui sont attachés à l'indépendance et à la liberté de la presse, il est nécessaire que la démocratie se saisisse de cette question. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je rappelle que le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 75 .

Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis saisi d'un amendement n° 10 .

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Le Sénat a cru bon d'introduire la recherche dans les matières dont la loi fixe les principes fondamentaux – c'est l'article 34 de notre Constitution. Cela ne nous semble pas nécessaire. Nous proposons donc d'en rester au droit actuel et de supprimer l'alinéa 7 de l'article 11.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je mets aux voix l'amendement n° 10 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis saisi d'un amendement n° 84 .

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Monsieur le président, je vais retirer cet amendement qui proposait de donner plus de cohérence dans l'examen et la gouvernance de nos finances publiques en rapprochant les parties recettes de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale.

La commission des finances et celle des affaires culturelles, familiales et sociales ont décidé de mener une mission d'information commune sur les relations financières entre l'État et la sécurité sociale. Nous aurons donc l'occasion de revenir sur ce sujet.

En première lecture, j'ai pu voir que la question mûrissait, tant au Sénat qu'ici. J'espère que nous pourrons aboutir dans le cadre de cette législature.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'amendement n° 84 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 11 .

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Le Sénat a introduit des dispositions prévoyant que lorsque des mesures de réduction ou d'exonération d'impôts ou de cotisations sociales venaient à être votées dans une loi, elles ne pouvaient entrer en vigueur que lorsqu'elles étaient validées, soit par une loi de finances, soit par une loi de financement de la sécurité sociale.

Sur le fond, je peux comprendre les raisons qui ont poussé les auteurs de cet amendement à le présenter, dans la mesure où nous partageons tous, je crois, leurs inquiétudes sur l'état de nos finances publiques et sur le manque d'études d'impact s'agissant de certaines dispositions que nous votons.

Néanmoins, il me semble que les mesures qu'ils proposent ne sont pas compatibles avec le principe de l'égalité entre les lois. Il n'existe pas de loi qui soit supérieure à une autre. Or, adopter ces dispositions reviendrait à reconnaître à la loi de finances ou à la loi de financement de la sécurité sociale une primauté sur les autres textes.

Le second argument est d'efficacité. Quand, après les élections présidentielle et législative, le Gouvernement nous a présenté le projet de loi TEPA, il a pu faire voter les dispositifs correspondant à sa politique. Et si, dans le premier semestre 2009, le marché de l'immobilier connaissait une crise, peut-être le Gouvernement désirerait-il nous soumettre immédiatement des mesures de nature à le relancer, sans attendre la loi de finances, afin qu'elles puissent entrer en vigueur rapidement.

Peut-être me répondrez-vous que, si les dispositions du Sénat étaient appliquées, le Gouvernement pourrait les contourner, en déposant un collectif budgétaire en même temps qu'une loi sur le logement. Certes, mais cela alourdirait considérablement la procédure et contrarierait le principe de l'égalité des lois.

Pour tout dire, mes chers collègues, s'il suffisait d'ajouter deux lignes à la Constitution pour rétablir les finances publiques, je vous proposerais de lui adjoindre deux tomes ! Hélas, quelques lignes supplémentaires ne changeraient rien. C'est pourquoi la commission des lois propose, par l'amendement n° 11 , de supprimer les alinéas introduits par le Sénat.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Il ne se passe pas de semaine sans que le Premier ministre…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

…ne nous rappelle l'absolue nécessité de maîtriser mieux la dépense publique. Il donne deux puissants arguments à l'appui de ses dires : qu'on ne restaurera pas la confiance dans l'avenir du pays si les finances publiques ne sont pas rétablies, et qu'il n'y a pas de solidarité possible si nous faisons supporter aux générations futures le poids d'un endettement aussi élevé.

Je comprends les arguments de Jean-Luc Warsmann, sur lesquels nous reviendrons. Cependant, je voudrais que l'on mesure bien, dans les projets à venir, l'avalanche – je pèse mes mots – de nouvelles déductions fiscales ou de réductions de cotisations sociales : qu'il s'agisse du logement, de la culture ou de l'environnement, de nombreuses baisses de recettes supplémentaires sont projetées.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Comme il n'y a plus de subventions, on diminue les recettes !

Il y a péril en la demeure, je vous le dis. Vu le nombre élevé de projets de loi et de ministres, pourra-t-on arrêter un jour cette course aux difficultés financières ?

Avec Didier Migaud, Gilles Carrez et Yves Bur, nous proposons donc un autre amendement, n° 63 . Certes, il retarde de quelques mois l'application d'une disposition, mais les décrets aussi repoussent souvent de quelques mois la mise en oeuvre des textes. Voilà pourquoi je pense que nous devons réagir dès maintenant.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Je voudrais à mon tour faire part de ma très grande inquiétude sur la multiplication de ce qu'on appelle les « niches fiscales ». Sur le seul budget de l'État, on en compte actuellement près de cinq cents ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Il faut que ce soit inscrit dans le compte rendu !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Elles ont progressé de 20 % au cours des trois ou quatre dernières années, pour atteindre aujourd'hui plus de 70 milliards d'euros, contre 250 milliards de recettes.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Afin de maîtriser ce phénomène, nous cherchons à nous doter de règles de bonne gouvernance publique. J'espère en convaincre le président et rapporteur de la commission des lois, personne dans cet hémicycle n'ayant oublié que c'est à son initiative que nous avons adopté, il y a trois ans, une règle similaire à propos de la dette de la CADES.

Notre idée est toute simple : il s'agit de récapituler et de valider par un vote, lors de l'examen du projet de loi de finances ou du projet de loi de financement de la sécurité sociale, l'ensemble des dépenses fiscales et des exonérations de cotisations sociales ayant été décidées, dans le cadre de différents textes, au cours de l'année.

Jean-Luc Warsmann a raison de dire que la rédaction du Sénat, que la commission des lois propose de supprimer, pose deux problèmes. D'une part, elle introduit une sorte de supériorité des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale sur les lois « normales », puisque ces dernières ne peuvent entrer en vigueur qu'à condition qu'une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale les ait validées. D'autre part, en cas d'urgence, par exemple pour le texte sur les heures supplémentaires, il faut que la loi puisse s'appliquer rapidement, sans attendre l'adoption d'un PLF, d'un PLFSS ou d'un collectif budgétaire.

Notre amendement n° 63 , qui va bientôt être examiné, répond à ces deux inquiétudes : des dérogations fiscales ou des exonérations de cotisations sociales pourront être incluses dans une loi « normale » et entrer en vigueur immédiatement – sans donc qu'il y ait une « supériorité » des textes budgétaires ou de financement de la sécurité sociale ; en revanche, pour que ces dispositions continuent à s'appliquer au-delà du 31 décembre, il faudra qu'elles soient reprises par le PLF ou par le PLFSS. Cela enclenchera un processus vertueux, qui permettra de canaliser et de consolider ces différentes dépenses fiscales et sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Je termine, monsieur le président.

Nous avons mis en place un dispositif de régulation de la dépense qui, année après année, donne satisfaction. Notre principal souci, aujourd'hui, est de faire en sorte que nos recettes fiscales et sociales ne soient pas minées, mitées, trouées par toutes sortes de dispositions qui ne font l'objet d'aucune évaluation, ni préalable ni a posteriori, ce qui contrarie fortement le nécessaire retour à l'équilibre de nos finances publiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

J'entends bien les objections du président et rapporteur de la commission des lois. La rédaction du Sénat pose problème, car elle peut donner le sentiment qu'il existerait plusieurs types de lois, en sus de la différence entre loi organique et loi ordinaire, et je comprends que des députés appartenant à d'autres commissions jugent cela inacceptable.

Cependant, l'amendement que nous avons déposé répond à ces objections, dès lors que nous ne demandons qu'un récapitulatif dans le cadre du PLF ou du PLFSS, ce qui ne retarderait nullement l'application de la mesure, mais soumettrait à confirmation sa prolongation dans le temps, après la fin de l'année. Cela irait dans le sens de la reconnaissance des pouvoirs du Parlement.

J'ai bien noté le coup de patte du président de la commission des lois, quand il a dit qu'il ne suffisait pas de modifier un texte pour que la situation de nos comptes publics s'améliore. C'est une remarque de bon sens ! Toutefois, des textes de bonne gouvernance peuvent contribuer à améliorer la gestion des finances publiques. C'est l'objet de l'amendement n° 63 .

Je crois qu'il respecte la possibilité, pour chacun d'entre nous, de faire des propositions en matière fiscale et de cotisations sociales. Loin de remettre en cause le droit des parlementaires, il nous permet d'avoir une meilleure connaissance de la situation de nos finances publiques dans son ensemble, et donc de mieux la prendre en compte.

Je me permets donc de demander à Jean-Luc Warsmann de retirer son amendement, parce que s'il ne le faisait pas, notre amendement tomberait. Or il serait dommage de se contenter de supprimer la rédaction du Sénat, sans chercher un compromis et un équilibre, comme le propose notre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Benoist Apparu

Je crois que nous partageons tous les analyses de Didier Migaud, Gilles Carrez et Pierre Méhaignerie. En revanche, je ne suis pas convaincu par la solution qu'ils proposent et qui consiste, pour résumer, à valider une loi par une autre loi. Ils nous soutiennent que, contrairement à la rédaction du Sénat, leur amendement n'introduit pas de hiérarchie entre les lois. Pourtant, dès lors qu'une loi votée dans cet hémicycle pourra être invalidée, six mois après, par la loi de finances, on introduit une différence hiérarchique entre la loi classique, la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale. Nous sommes assez grands pour assumer ce que nous votons, y compris lorsque nous engageons des dépenses fiscales ! Il n'est donc pas nécessaire qu'une loi revienne sur ce qu'une autre loi a fait.

Par ailleurs, c'est au Gouvernement de prendre ses responsabilités, et au Premier ministre, lorsqu'il valide, avec le Président de la République, un texte présenté en Conseil des ministres, de s'assurer que les niches fiscales qu'il inclut sont compatibles avec l'équilibre de nos finances publiques. Voilà, me semble-t-il, la vraie solution, et non celle que nous proposent nos collègues – même si je suis au regret d'être sur ce point, une fois n'est pas coutume, en désaccord avec le président de la commission des affaires culturelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est un sujet important. Pierre Méhaignerie, qui a longtemps présidé, avec talent, la commission des finances, ne saurait être insensible à la logique que nous avons suivie et au consensus auquel nous sommes parvenus – et je sais qu'il est très sensible au consensus. Ce consensus s'est construit, au fil des ans, sur des sujets extrêmement importants. La LOLF en est un bon exemple, et ce que nous évoquons n'est d'ailleurs pas complètement étranger à son esprit.

Une loi de finances peut remettre en cause n'importe quelle imposition, puisqu'elle décide de l'impôt. L'argumentation de notre collègue Apparu n'est donc pas totalement satisfaisante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, j'attire votre attention sur le fait qu'il serait dommage qu'on ne tienne pas compte de ce que viennent de dire Gilles Carrez et Didier Migaud, et que l'on ne préserve pas le consensus construit au sein de la commission des finances – ce que nous parvenons parfois à faire, Pierre Méhaignerie le sait bien. La raison voudrait donc que M. le rapporteur retire son amendement. Il ne s'agit pas d'imposer la loi d'airain de la commission des finances, mais de respecter le travail que nous avons accompli et l'esprit qui nous a animés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Sauf erreur de ma part, monsieur le président, l'adoption de l'amendement n° 11 ne ferait pas tomber l'amendement n° 63 – d'ailleurs ils ne sont pas en discussion commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Cela étant, soyons clairs sur le fond. Le Sénat nous dit que si, dans une loi, nous votons une exonération de charges sociales ou une réduction d'impôts, par exemple en matière de logement, cela ne s'appliquera que lorsqu'une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale sera adoptée.

Dans cette logique, si une mesure fiscale d'un coût de 150 millions d'euros est adoptée hors loi de finances, le Gouvernement se trouvera dans l'obligation, par exemple, à l'occasion de l'examen d'un collectif budgétaire, soit de faire voter une recette de 150 millions d'euros, soit de reconnaître qu'il aggrave le déficit public de cette même somme.

L'amendement n° 63 relève d'une autre logique. S'il était adopté, une nouvelle exonération de charges sociales ou une réduction d'impôt votée par le Parlement ne s'appliquerait plus que jusqu'au 31 décembre de l'année en cours. Au-delà de cette date, il faudrait qu'une loi de finances ou de financement de la sécurité sociale en permette la prolongation.

La commission des lois est défavorable à la logique du Sénat, mais plus encore à celle de l'amendement n° 63 . En effet, l'adoption d'une telle disposition enlèverait, j'en ai peur, toute utilité à une mesure d'exonération ou de baisse d'impôt qu'aurait fait voter le Gouvernement. Alors que ce dernier voudrait inciter nos concitoyens à modifier leur comportement – par exemple, à acheter un logement grâce à une réduction d'impôt –, annoncer que la mesure pourrait ne pas être confirmée le 31 décembre suivant les pousserait forcément à attendre la fin de l'année pour réagir.

Même si la commission des lois a déposé un amendement de suppression du texte adopté par le Sénat, celui-ci me semble encore préférable à une situation dans laquelle nous serions obligés de vivre chaque année jusqu'au 31 décembre dans l'insécurité générale pour finir, à cette date, par lancer les dés afin de savoir si des mesures fiscales sont reconduites ou pas.

Par ailleurs, dans les deux cas, se pose le problème de la hiérarchie des normes.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 11 de la commission.

L'amendement n° 63 propose que les règles relatives aux impôts et aux cotisations sociales ne s'appliquent, au-delà du 31 décembre, que si une loi de finances ou de financement de la sécurité sociale le prévoit.

Ce mécanisme me semble intéressant, notamment en termes d'équilibre budgétaire, mais le Gouvernement craint les conséquences d'un tel dispositif pour la sécurité juridique des particuliers comme pour celle des entreprises. Ils ne pourront plus prévoir le montant de l'imposition ou la durée de l'exonération tant que la loi de finances ou la loi de financement de la sécurité sociale ne seront pas votées. Si une loi est adoptée en février, comme la loi pour le pouvoir d'achat, et qu'elle ne peut s'appliquer que jusqu'au 31 décembre, les citoyens ne seront plus en mesure de calculer leur budget personnel, et les entreprises seront dans l'incapacité de faire des prévisions.

Nous sommes, en conséquence, défavorable à l'amendement n° 63 . D'autres moyens existent peut-être pour avoir une vision globale des finances publiques. Les lois sont aussi faites pour rassurer le citoyen et les entreprises, et leur permettre d'anticiper leur activité, à court et moyen terme.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

L'amendement n° 63 rejoint la proposition n° 22 du rapport d'information que la mission d'information commune sur les exonérations de cotisations sociales a déposé il y a quinze jours.

Les études d'impact qui nous sont actuellement fournies avec les projets de lois sont souvent largement insuffisantes. Certaines exonérations, générales ou ciblées, ont montré leur inefficacité – particulièrement les exonérations ciblées –, et rien n'est prévu pour les évaluer. Attendre le vote de la loi de finances ou de la loi de financement de la sécurité sociale permettrait d'examiner plus sérieusement l'utilité de ces mesures.

Notre responsabilité de parlementaires devrait pouvoir s'exercer, nous dit-on, sans inscrire une telle contrainte dans la Constitution. Mais, monsieur Warsmann, vous savez très bien quel impact a eu l'amendement que nous avons voté, à votre initiative, en 2005, dans la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale : il fut considérable ! Si cette loi n'avait pas été votée, la porte de la caisse d'amortissement de la dette sociale serait ouverte en permanence.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Le cadenas financier avec lequel vous avez verrouillé la CADES montre bien qu'il est nécessaire de prendre des mesures face à la dette.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Le dispositif prévu par l'amendement n° 63 serait contraignant mais, comme la loi organique que vous avez fait voter, il ne manquerait pas de responsabiliser le Gouvernement ainsi que le Parlement.

L'argument de l'insécurité juridique ne tient pas non plus. En effet, l'expérience le montre largement, il faut souvent plusieurs mois après le vote d'une loi pour qu'elle soit appliquée et que sortent les décrets la concernant. Les lois de finances et de financement de la sécurité sociale valideront les décisions que nous aurons prises lors de l'examen de projets de loi qui n'auront rien de financier. Ainsi, l'administration sera dans l'obligation de mieux préparer l'ensemble des décrets et circulaires d'application de la loi. Trop de dispositions législatives ont été adoptées dans la hâte et n'ont pu ensuite, parce que l'administration n'était pas prête, bénéficier sur le terrain aux particuliers ou aux entreprises. L'amendement n° 63 défend donc en réalité une position à la fois responsable et réaliste.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Je comprends que la rédaction du Sénat pose problème, et je n'ai donc rien contre l'amendement n° 11 de la commission des lois, à condition toutefois, qu'il ne fasse pas tomber l'amendement n° 63 .

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Pour éclairer le débat, je vous précise, chers collègues, que l'adoption de l'amendement n° 11 ferait effectivement tomber l'amendement n° 63 .

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Il serait donc préférable de ne pas adopter l'amendement n° 11 !

L'amendement n° 63 n'empêche pas de proposer des dispositions en matière fiscale ou d'exonération de cotisations sociales dans une loi ordinaire – peu importe le terme d'ailleurs. En conséquence, l'argument selon lequel l'amendement n° 63 établirait une hiérarchie entre les lois ne tient pas.

En revanche, je veux bien entendre l'argument relatif à l'insécurité juridique. En effet, en matière fiscale comme en matière d'exonération de cotisations sociales, il est essentiel d'avoir de la lisibilité et la visibilité. Toutefois, l'expérience nous montre que lorsque nous votons une disposition fiscale, nous sommes très souvent obligés de la compléter dans la loi de finances ou de financement de la sécurité sociale qui suit, parce que le dispositif de cette mesure n'a pas été suffisamment étudié en amont. Ainsi, après son adoption, la loi TEPA n'a pratiquement pas été appliquée, pour certaines de ses dispositions, parce son dispositif est apparu comme trop complexe et incompréhensible. Nous avons dû la modifier quelques semaines plus tard, ce qui montre bien que ce type de mesure doit parfois pouvoir évoluer ultérieurement.

Faisons-nous confiance ! L'argument du président de la commission des lois marque un terrible manque de confiance dans la capacité du Parlement à prolonger une décision qu'il a lui-même votée quelques mois auparavant. Pourquoi laisser entendre que les parlementaires sont désordonnés et irresponsables ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Mais non !

Debut de section - PermalienPhoto de Benoist Apparu

C'est votre amendement qui estime que nous sommes tellement peu responsables qu'il nous faut voter une seconde fois les mesures que nous prenons.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Je suis toujours surpris de voir ainsi des députés manquer de confiance en eux-mêmes et limiter les pouvoirs qui sont les leurs.

L'amendement n° 63 ne propose pas de limiter les pouvoirs du Parlement. Au contraire, en l'adoptant, nous pourrions bénéficier des études d'impact préalables qui sont nécessaires pour que la loi fiscale offre une visibilité encore meilleure.

Manifestement, tous nos collègues ne sont pas convaincus et il faudra que la question mûrisse. Le président du groupe UMP, ancien ministre du budget est sur le point de s'exprimer contre notre amendement. C'est presque le monde à l'envers : j'aimerais le renvoyer deux ans en arrière, car je suis persuadé que le ministre du budget qu'il était aurait défendu l'amendement n° 63 ! Et il l'aurait fait non en raison de sa charge ministérielle, mais parce qu'il était toujours attentif à l'équilibre entre le Gouvernement et le Parlement, et à l'exercice par ce dernier de sa pleine responsabilité.

Si l'idée proposée par notre amendement a besoin de mûrir, laissons-la évoluer. Seulement, nous ne révisons pas la Constitution tous les jours et cette mesure pourrait être utile à la fois pour les pouvoirs du Parlement, pour un meilleur équilibre entre le Gouvernement et le Parlement et pour une bonne gouvernance de nos finances publiques. (Applaudissements sur divers bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Monsieur Migaud, j'ai écouté votre intervention avec beaucoup d'intérêt et un certain plaisir.

Je voudrais, sur le fond, vous répondre sur les trois points que vous avez évoqués : la hiérarchie des normes, la sécurité juridique et puis la confiance – je garde cela pour la fin, parce que c'est le meilleur !

Pour ce qui concerne la hiérarchie des normes, je serai d'autant plus bref que, sur ce sujet, Benoist Apparu s'est brillamment exprimé, ainsi que d'autres de mes collègues. Le seul fait de conditionner l'application d'une disposition fiscale prise dans une loi ordinaire à sa validation dans une loi de finances fait dépendre la première de la seconde, et introduit, de fait, une hiérarchie des normes entre la loi de finances et la loi ordinaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Ce n'est pas une conditionnalité, lisez notre amendement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Cela n'est pas acceptable. Cette question n'a pas fait l'objet d'un consensus entre nous et le débat n'a jamais eu lieu. Il y a déjà suffisamment de degrés hiérarchiques entre les lois que nous votons – constitutionnelles, organiques ou ordinaires – pour ne pas en rajouter un nouveau qui serait juridiquement incompréhensible et poserait d'énormes problèmes, aussi bien aux gouvernements futurs qu'au Parlement.

En matière de sécurité juridique, vous avez donné l'exemple du texte TEPA qui ne tient pas la route un instant. Quand une disposition fiscale est prise dans l'année hors loi de finances, si les agents économiques savent qu'elle n'aura pas de traduction concrète avant son vote en loi de finances, ils ne l'utiliseront pas. Les effets positifs recherchés seraient alors retardés d'autant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Votre interprétation, monsieur Migaud, constitue donc un contresens majeur, je me permets de le dire au président de la commission de finances qui, peut-être, un jour – demain ? – pourrait devenir ministre des finances, soit dans un gouvernement socialiste, ce qui arrivera, je le souhaite, le plus tard possible, soit dans un gouvernement d'ouverture. (Murmures sur divers bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

N'insultez pas l'avenir ! Regardez comme nous sommes zen en ce domaine. Maintenant, nous sommes habitués. Nous sommes très pragmatiques.

Dans tous les cas de figure, monsieur Migaud, ne vous y trompez pas, un gouvernement quel qu'il soit, ne peut pas se couper un bras en menant une politique de conjoncture qui serait freinée par une norme juridique dans l'esprit de votre amendement.

Ce dernier a, par ailleurs, de nombreuses vertus. Sur des sujets que j'ai mille fois abordés avec Gilles Carrez, Pierre Méhaignerie, un certain nombre de mes amis de la commission des finances, et avec vous-même, monsieur Migaud, nous sommes les uns et les autres d'accord sur le fait qu'existe un problème de fond que votre amendement, sympathique par ailleurs, ne résout pas, concernant le comportement des gouvernements successifs à l'égard du Parlement sur les questions fiscales.

Les niches fiscales et les crédits d'impôt sont trop nombreux et trop dispersés et leur lisibilité mérite d'être revue de fond en comble. Votre amendement, qui ne peut en aucun cas être adopté, doit donc être considéré comme un amendement d'appel. Nous avons d'ailleurs fait appel au Premier ministre qui, avec beaucoup de sagesse, s'est engagé lors de la réunion du groupe UMP – il est même à votre disposition pour en parler si vous le souhaitez, il me l'a dit – à mettre de l'ordre dans la politique des niches fiscales, des crédits d'impôts et plus généralement dans la politique fiscale de notre pays pour assurer un maximum de lisibilité.

Enfin, Didier Migaud, j'ai adoré le passage dans lequel vous nous avez parlé de confiance. J'ai eu presque la larme à l'oeil (Sourires), quand vous avez demandé, en désespoir de cause, à Jean-Luc Warsmann de faire confiance aux parlementaires et de ne pas s'inquiéter d'un éventuel accroissement des pouvoirs du Parlement. Je me suis dit alors que, si vous regardiez, non plus ce petit amendement sympathique d'appel, mais l'ensemble du texte proposé, dans lequel s'inscrivent à tous les étages des pouvoirs supplémentaires pour le Parlement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), vous seriez peut-être celui qui, au sein du groupe socialiste, entraînant peut-être quelques autres qui ne disent rien mais n'en pensent pas moins, oublierait les consignes, lirait et voterait ce texte qui donne tant de pouvoirs et de confiance au Parlement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Vous vous êtes exprimé pour dire que vous ne vouliez pas faire de concessions ! Ne nous donnez pas de leçons, monsieur Copé !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Pardon de vous déranger, monsieur Le Guen, je ne voulais pas gâcher cette fin d'après-midi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Vous êtes un incendiaire ! Vous fermez les portes, monsieur Copé !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Quand vous vous exprimez, monsieur Le Guen, je bois vos paroles, alors ayez au moins la courtoisie de me laisser finir mes phrases !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

J'appelle donc naturellement le groupe UMP à adopter l'amendement de la commission des lois pour les raisons que je viens d'expliquer. Enfin, et surtout, je saisis cette nouvelle occasion pour inviter les uns et les autres à réfléchir à ce texte constitutionnel qui donnera tant de pouvoirs nouveaux au Parlement pour une démocratie modernisée ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, pour une brève intervention.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Je reconnais les qualités d'avocat de notre président de groupe ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Cela mérite un rappel au règlement ou un fait personnel ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Pour ma part, après trente ans de vie parlementaire, j'essaie d'être le plus concret et le plus pragmatique possible. Le danger dont ont fait état Benoist Apparu, Jean-Luc Warsmann et Jean-François Copé est purement théorique. En effet, le Gouvernement, connaissant ce risque, engagera une discussion avec le Parlement avant la préparation des lois. C'est là, cher Jean-François Copé, un formidable moyen de faire de la coproduction législative !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Vous êtes trop fort ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Lorsqu'un gouvernement introduira des niches fiscales ou des déductions de cotisations sociales, il sera conduit, connaissant ce risque, à réaliser une étude d'impact préalable. Nous présentons depuis des années des amendements d'appel qui ne sont pas suivis par les ministres, à quelque majorité qu'ils appartiennent. Réfléchissons : il y aura un vrai débat contradictoire entre le Parlement et le Gouvernement lors de la préparation des textes. Nous ne nous trouverons donc pas, au dernier moment, dans l'impossibilité de faire marche arrière parce que le texte aura été négocié avec les différents partenaires sociaux.

Voilà la raison pour laquelle je pense qu'il n'y a aucun risque à adopter notre amendement. N'oubliez pas que, pendant ce temps, l'Allemagne inscrit dans sa Constitution la nécessité de l'équilibre budgétaire ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'Assemblée est suffisamment informée. Nous allons donc passer au vote sur l'amendement n° 11 de la commission…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Migaud, il y a eu un nombre important d'interventions. Vous vous êtes déjà exprimé deux fois sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

J'ai demandé la parole, mais vous n'avez pas voulu me voir, monsieur le président ! Je ferai donc un rappel au règlement !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je vous la donne pour un mot, car le vote était quasiment commencé !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Pierre Méhaignerie mériterait également d'être inscrit au Barreau, compte tenu de la qualité de son argumentation ! (Sourires.)

Monsieur Jean-François Copé, il faut effectivement considérer un texte dans sa globalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Je ne suis pas sûr que celui qui nous est soumis représente des progrès significatifs pour le Parlement. Je vous donnerai deux ou trois exemples.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Mais cela tiendra en peu de mots.

Ce qui a été décidé concernant le Sénat et les députés représentant les Français de l'étranger, ce qui peut l'être s'agissant du droit d'amendements avec en germe – je sais que vous y êtes attentif, monsieur le président – la possibilité de remettre celui-ci en cause, non plus dans la Constitution, mais par une simple loi organique ou les règlements des assemblées, constituerait un très grand recul des pouvoirs du Parlement et de l'opposition. Nous savons, en effet, ce que peut cacher un tel dispositif !

Ce n'est pas aussi simple que vous le dites, Jean-François Copé. Un certain nombre de pouvoirs peuvent paraître intéressants, mais d'autres mesures peuvent représenter un recul. Lorsque l'on compare les avantages et les inconvénients de ce texte, on constate malheureusement que les inconvénients sont plus nombreux que les avantages ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je mets aux voix l'amendement n° 11 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Lors de ce vote dénué de toute passion, on a vu ceux qui ont une véritable volonté de maîtrise des comptes publics et les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Havard

C'est vrai que, pour les 35 heures, cela a été votre grand souci !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

J'espère que, lors des prochaines discussions, nos collègues ne nous lanceront plus d'anathèmes ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est bien sur ces bancs précisément que l'on a refusé les mécanismes de maîtrise des comptes publics ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Votre intervention n'était pas vraiment – du moins n'était-ce pas évident – un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

C'était très près du règlement, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis saisi d'un amendement n° 258 .

La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Giacobbi

Nous sortons d'une discussion sur des dispositions importantes et normatives. Cet amendement tend, quant à lui, à supprimer une mesure dénuée de toute portée normative et qui, de surcroît, a l'inconvénient d'être extrêmement mal rédigée.

Les lois de programmation, je l'ai déjà souligné, ont pour caractéristique qu'elles n'intéressent ni ceux qui les proposent, qui les oublient aussitôt, ni ceux qui les votent, qui les ont oubliées avant même de les avoirs votées, ni le public qui s'en moque éperdument pour la bonne et simple raison qu'elles n'ont aucune portée. Les magistrats n'auront pas à en connaître, puisqu'ils n'auront jamais l'occasion de les appliquer. Par conséquent, leur utilité ne me paraît pas évidente.

Le texte est extrêmement mal rédigé et très troublant sur le plan constitutionnel. Qu'entend-on par « objectifs de l'action de l'État » ? S'il s'agit de ceux du Gouvernement, c'est le programme du Gouvernement, donc le discours de politique générale. Tout cela existe déjà depuis longtemps sans avoir besoin de s'appeler « loi ». Jusqu'à présent, le Parlement n'a pas d'objectif d'action, il légifère, ce qui est profondément différent sur le plan constitutionnel.

Dans un pays qui passe son temps à faire trop de lois et à ne pas appliquer celles qui ont une portée normative, je me demande, en conséquence, s'il est vraiment utile de définir dans la Constitution les lois de programmation qui ne peuvent en aucun cas déterminer les objectifs de l'action de l'État.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Défavorable !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je mets aux voix l'amendement n° 258 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis saisi d'un amendement n° 262 .

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La commission et le Gouvernement y sont défavorables.

Je mets aux voix l'amendement n° 262 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je mets aux voix l'article 11, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 11, ainsi modifié, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Monsieur le président, je suis amené à faire un rappel au règlement suite à une lettre que vous avez adressée aujourd'hui au président de notre groupe, M. Jean-Marc Ayrault – ainsi, je le suppose, qu'à d'autres présidents de groupe –, dans laquelle vous indiquez vouloir réunir un groupe pluraliste pour établir un nouveau règlement intérieur dans lequel figureraient des revendications que nous défendons dans ce débat depuis maintenant plusieurs semaines, pour ne pas dire des mois : droit de tirage pour les groupes parlementaires permettant d'obtenir la création de commissions d'enquête parlementaires…

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

…fixation du temps de parole à égalité entre majorité et opposition pour les activités de contrôle du Gouvernement…

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

…et pour les questions au Gouvernement, attribution aux groupes d'opposition d'un temps de parole plus important dans le cadre de l'adoption d'une réforme du règlement,…

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

…droit de réplique pour les questions au Gouvernement, attribution de la présidence d'une commission permanente à l'opposition inscrite dans le règlement de l'Assemblée nationale – qui est actuellement de fait et non de droit –, attribution du poste de président ou de rapporteur d'une mission d'information à un membre d'un groupe d'opposition, comme c'est le cas dans certaines commissions d'enquête parlementaires, attribution aux groupes minoritaires de moyens proportionnellement plus importants. Vous nous dites que vous souhaitez ainsi faire progresser les termes du débat.

Je voudrais donc m'adresser solennellement à vous, monsieur le président de l'Assemblée nationale, et vous remercier tout d'abord de nous avoir fait parvenir cette lettre avant la fin des débats. Nous avons longtemps attendu des progrès concrets : la commission des lois a procédé à votre audition ; elle s'est réunie au titre de l'article 88, ce texte a été examiné en première lecture par notre assemblée, puis par le Sénat. Il est vrai que nous préférons recevoir une telle lettre avant la fin des travaux plutôt que de devoir nous contenter d'un certain nombre de déclarations apaisantes de votre part ou de celle des ministres.

Cependant, nous voudrions avoir des éléments de réponse. Même si vous prévoyez une réforme pluraliste du règlement intérieur, rassemblant l'ensemble des groupes de l'Assemblée nationale, y a-t-il dans la majorité la même volonté que celle que vous exprimez aimablement dans votre courrier ? Cette question est importante et nous souhaiterions que des déclarations convergentes nous permettent d'évoluer.

La commission des lois, lors d'une réunion ouverte au public, a également entendu M. Copé exprimer le souhait de disposer de lois organiques « à la virgule près ». Depuis le début de nos travaux, nous renvoyons l'essentiel de nos revendications à des règlements intérieurs hypothétiques, à des réformes des lois organiques, dans lesquelles d'ailleurs le Sénat met systématiquement son nez alors qu'il n'a rien à y faire. Tout cela nous amène à nous interroger sur la force et la portée des promesses qui nous sont faites.

Nous avons là un écrit. Pourquoi n'avons-nous pas profité du temps pendant lequel nous avons travaillé d'arrache-pied sur cette modernisation des institutions pour parvenir finalement à un consensus sur l'ensemble de ces points avant que le débat n'arrive à son terme, donc à la fin du mois de juillet ?

Il est important, monsieur le président, que vous répondiez à cette question avant la clôture de nos débats dans cet hémicycle.

Je souhaite également que M. Copé, ou toute personne dûment mandatée, nous fasse connaître la position du groupe UMP sur ces promesses et sur les conditions dans lesquelles un règlement intérieur pourrait oui ou non être approuvé.

Depuis l'ouverture de cette discussion, nous avons toujours jugé aux actes. Nous avons une feuille de papier avec des propositions reprenant un grand nombre des amendements que nous avons déposés. Il est parfaitement possible de les adopter dans les heures qui vont suivre. Cette lettre si importante, décisive même, nous pourrions tout de suite en graver le contenu dans le marbre. D'ailleurs, si elle était arrivée plus tôt, nous aurions peut-être pu nous en contenter.

Vous voyez dans quelle situation nous sommes en raison du caractère tardif de la démarche, bien que nous en appréciions le contenu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Intéressant point de vue, qui devrait éclairer les débats. Ça, c'est un rappel au règlement ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Vous avez raison, monsieur Le Guen. C'est donc tout à fait consciemment que vos propos de tout à l'heure n'avaient aucun rapport avec le contenu du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Je vous promets que je ne le referai pas ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Il n'est pas coutumier que le président de séance s'exprime. Toutefois, je veux apporter quelques précisions sur le contenu de ce courrier qui a été adressé aux présidents de groupe et qui reprend des dispositions de portée réglementaire.

Il ne faut pas confondre ce qui relève de la Constitution et ce qui est de nature réglementaire. Dans ce courrier j'ai rappelé mes positions dont certaines répondent aux attentes des groupes de l'opposition. Elles ne sont pas de portée constitutionnelle, mais elles pourraient très bien, dans le consensus, faire l'objet d'une modification du règlement. Je ne peux pas en dire plus à ce stade.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Depuis les premières auditions en commission des lois, nous avons essayé d'avancer. J'ai ainsi pris un engagement au cours de la première lecture, en mon nom et en celui du président de l'Assemblée, en matière de droit de tirage. Lorsque le texte est revenu du Sénat, certains d'entre vous ont eu l'impression que nous avions reculé sur divers sujets. Je crois cependant que les amendements ont montré que nous revenions à l'architecture que nous avions voulue en première lecture.

Lors des débats au sein la commission, monsieur Montebourg, vous m'avez dit, quand je vous parlais de ces avancées, que vous vouliez non pas des paroles, mais du concret.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Je vous avais répondu que nous allions matérialiser les engagements pris.

Comme l'a très bien expliqué le président de l'Assemblée, on ne peut pas faire remonter dans la Constitution tout ce qui relève du règlement. Le grand intérêt de ce courrier est de constituer un engagement très clair envers chacune et chacun d'entre nous sur ce que nous avons appelé le statut de l'opposition. Nous étions bloqués par une décision du Conseil constitutionnel qui date de la dernière législature. Nous allons lever cet obstacle par la révision constitutionnelle, et le courrier du président contient des engagements concrets à ce sujet.

Il s'agit d'une avancée qui permet à chacune et à chacun de voir concrètement comment pourrait travailler le Parlement dans les prochaines années. Cela se situe dans la droite ligne des pas que nous avons faits les uns et les autres au fil des discussions en commission et dans l'hémicycle.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Le Gouvernement n'aura bien sûr pas à intervenir dans le groupe de travail que vous mettrez en place, monsieur le président, mais, je le dis clairement au groupe socialiste, il est favorable à l'initiative que vous avez prise. C'est l'article 51-1 qui permettra d'adapter le règlement intérieur.

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Je reconnais les efforts accomplis par M. Karoutchi depuis l'ouverture du débat et sa volonté de trouver le consensus le plus large, mais je suis assez choqué par l'intervention du président du groupe UMP, marquée au fond par une forme de cynisme.

Hier encore, il nous a dit très clairement que, pour régler les problèmes internes à son groupe sur un certain nombre de sujets, notamment sur la Turquie, il refermait toutes les portes à l'opposition dans la recherche d'un compromis indispensable pour réformer notre constitution.

Les droits de l'opposition relèvent, certes, du règlement intérieur mais, si l'on regarde objectivement les articles et les amendements qui ont été adoptés depuis le début de notre discussion, on constate que l'on pourrait parfaitement intégrer un certain nombre d'éléments dans la Constitution.

Vous aviez été auditionné par la commission des lois sur ce sujet il y a quelques semaines, monsieur le président, et c'est uniquement à la fin de la deuxième lecture que vient cette lettre fort intéressante. Nous vous croyons et vous prenez un certain nombre de garanties, mais, honnêtement, cela vient bien tard.

Le redécoupage électoral ne doit évidemment pas figurer non plus dans la Constitution, mais nous avons un débat sur le fonctionnement de notre démocratie et, en la matière, il n'y a absolument aucune garantie.

Vous parlez du temps de parole de la majorité et de l'opposition dans votre courrier. À cet égard, vous nous aviez annoncé diverses initiatives. Julien Dray, Arnaud Montebourg et moi-même sommes revenus sur le sujet hier dans la discussion générale. Nous attendions des propositions précises, claires, pour intégrer le temps de parole du Président de la République à celui de la majorité quand il s'exprime en tant que chef de la majorité, comme cela a encore été le cas il y a quelques jours, à l'occasion du conseil national de l'UMP.

Sur tous ces sujets, les portes se sont fermées ; il n'y a pas eu de réponse, juste une initiative bien tardive.

Nous attendons des actes concrets pour accompagner les supplications qui sont adressées au groupe socialiste afin qu'il se comporte de manière moderne quand il s'agit des institutions de la République. Certains de nos amendements auraient donc dû être intégrés.

Sans vous mettre en cause, monsieur le président, parce que ce courrier est évidemment important, nous attendons des actes beaucoup plus concrets pour nous convaincre de votre bonne foi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Monsieur le président, votre initiative correspond, vous le savez, à des attentes réelles sur nos bancs, et peut-être plus largement, parce que nous savons très bien à quel point les propositions que vous faites sont déterminantes si nous voulons donner du pouvoir au Parlement.

Objectivement, vous aviez déjà eu l'occasion d'expliquer à plusieurs d'entre nous, et publiquement, votre pensée réelle sur ce sujet. Nous avons donc simplement aujourd'hui la matérialisation de cet engagement, mais s'agit-il véritablement d'un engagement, ou s'agit-il d'une intention, et par qui est-elle partagée ?

Nous entendons le Gouvernement, mais ce n'est pas lui qui décide pour le règlement. C'est pourquoi il serait important de connaître la position du président Copé sur le courrier que vous avez envoyé. Votre position institutionnelle est évidemment d'écouter tous les groupes, dont ceux de l'opposition, mais nous savons aussi que, pour que le règlement soit adopté, il faut l'accord du groupe majoritaire. S'il le donnait, ce serait tout de même un élément important.

Vous savez que nous nous posons aussi beaucoup de questions sur le temps de parole. Avouez franchement que le contexte dans lequel nous évoluons aujourd'hui en ce qui concerne les relations entre le pouvoir et les médias n'est pas de nature spontanément à nous rassurer. Vous vous êtes exprimé sur cette question,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

…M. Balladur s'est exprimé, ainsi que plusieurs de nos collègues. Nous attendons une expression beaucoup plus solennelle, notamment de la part du Président de la République, qui est tout de même le premier directement concerné.

Comment voulez-vous que nous puissions véritablement avancer ? Vous nous faites des propositions dont certaines sont tout à fait positives, mais elles ne sont pas matérialisées. Par contre, il a été intégré dans le texte des dispositions qui nous paraissent extrêmement dangereuses.

L'argument selon lequel une partie d'entre elles – je pense à ces fameux douze députés – viendraient d'un document du parti socialiste ne suffit pas à nous rassurer. (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Je le dis comme je le pense et comme le pense la grande majorité des députés socialistes, voire le bureau national du parti socialiste. Vous voyez où nous en sommes ! (Rires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Nous voulons une déclaration de François Hollande sur le sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

C'est pour vous dire que nous sommes très objectifs et qu'il ne suffit pas que des choses soient écrites pour qu'on les vote puisque nous ne voulons pas de ce que nous avons écrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Sur ces questions, nous demandons des propos plus explicites. Nous voulons des engagements plus forts. Cela est vraiment au coeur de la discussion que nous pouvons avoir.

Bref, monsieur le président, nous aimerions vraiment que, sur ces sujets, le groupe majoritaire s'exprime. S'il fallait une petite suspension de séance pour permettre au président Copé de revenir, nous serions tout à fait disposés à attendre quelques instants ; ce n'est pas un problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le président, nous avons tous lu la lettre que vous avez fait parvenir aux présidents de groupe. Au risque de vous contrarier, et même si je crois à votre sincérité, cela ressemble fort à une opération séduction, à une dernière tentative pour séduire les députés de gauche qui pourraient éventuellement s'abstenir ou même voter pour ce projet de réforme, il ne me semble pas sain d'indexer un projet de réforme qui se veut ambitieux sur le règlement de l'Assemblée nationale.

Par ailleurs, si les propositions que vous formulez vont dans le sens d'un meilleur traitement de l'opposition, d'un rééquilibrage des capacités données aux groupes parlementaires dans cette assemblée, cela ne peut pas occulter le fait que le Gouvernement et notre rapporteur ont refusé un certain nombre d'amendements que nous considérions comme indispensables pour nous permettre de valider une réforme des institutions. Or ils ont été éliminés d'un revers de main.

Ce n'est donc pas cette tentative de la dernière heure, nous proposant un règlement de l'Assemblée nationale donnant une meilleure place à l'opposition qui peut séduire ceux qui auraient été tentés par cette sorte de mirage.

Que vous décidiez d'améliorer notablement le règlement, monsieur le président – et nous vous en sommes reconnaissants – relève de la responsabilité du président de l'Assemblée nationale d'assurer la bonne marche de l'Assemblée. Néanmoins ce n'est qu'une toute petite partie d'une réforme des institutions qui doit aller beaucoup plus loin.

Pour l'instant le compte n'y est pas et, dans cette mesure, nous ne pouvons pas nous laisser séduire par cette initiative de dernière heure, quelle que soit la sincérité de son auteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Mamère, M. le Guen, ainsi que Mme Billard, qui vous représentait au sein du groupe de travail réuni dès les premiers jours de la législature, peuvent en témoigner : tout ce qui est dans cette lettre y a été évoqué. En fait, cette lettre est une synthèse de toutes les perspectives de réforme du règlement évoquées à l'époque, et rien de plus. Les quatre groupes politiques, qui étaient tous représentés au sein de ce groupe de travail, les connaissaient donc.

Quant au courrier auquel vous faites allusion, il ne fait que rappeler à tous les présidents de groupe tous ces éléments. C'est un point important, puisqu'il s'agit des prérogatives des groupes minoritaires et de l'opposition, auxquelles nous sommes tous attachés.

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

À ce stade, monsieur le président, votre lettre, fruit d'un travail que vous aviez annoncé dès le début de nos discussions, marque une avancée importante, notamment en matière de temps de parole, d'initiative, de commissions d'enquête, de missions d'information, droits qui sont aujourd'hui répartis de façon insuffisamment équitable, même pour les parlementaires agissant à titre individuel.

Si le Nouveau Centre est favorable à certaines de ces évolutions, nous souhaitons qu'elles aient lieu dans le cadre de la réforme constitutionnelle, car elle seule rendra possible l'introduction de droits différenciés dans notre règlement, lequel sera évidemment soumis au contrôle de constitutionnalité.

Par ailleurs, monsieur le président, une fois cette réforme adoptée, dans l'esprit de consensus que vous invoquez dans votre courrier, nous souhaitons que l'esprit de l'article 51, qui a fait l'objet d'une discussion puis d'une écriture très fine, soit respecté. Vous avez commencé à le faire en évoquant les moyens mis à la disposition des groupes minoritaires, qu'ils soient dans la majorité ou dans l'opposition ; il faudra qu'il en aille de même en matière de répartition du temps de parole, pour ne prendre que cet exemple. En effet la répartition égalitaire, auquel nous sommes favorables, du temps de parole entre majorité et opposition sur un certain nombre de sujets réduira le temps alloué à la majorité et, a fortiori, celui alloué aux groupes minoritaire de la majorité.

Je voulais prendre acte de cet élément, pour que la réforme du règlement à venir soit constructive, si et seulement si, chers collègues, la réforme constitutionnelle va à son terme et est adoptée à Versailles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Je demande une suspension de séance de quelques minutes, monsieur le président.

Rappels au règlement

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures trente.)

Rappels au règlement

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-François Copé, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Monsieur le président, je souhaite apporter quelques éléments de précision à propos du courrier que vous avez adressé à chaque président de groupe et dont j'ai été destinataire comme l'ensemble de mes collègues.

Vos propositions me paraissent très intéressantes et je les examinerai au nom du groupe UMP – avec sans doute, le moment venu, l'ensemble de mes collègues présidents des autres groupes – dans un authentique esprit d'ouverture.

De fait, dès lors que nous nous situons dans l'hypothèse que nous adopterons la révision constitutionnelle et donc que, dans les faits, le mode de fonctionnement du Parlement sera profondément transformé, avec des pouvoirs renforcés pour les parlementaires, il est tout à fait légitime que nous ayons, dans la foulée, une réflexion et une discussion sur les modalités du travail que nous effectuons ensemble.

Il nous faudra donc évidemment regarder de près les ouvertures que vous proposez pour ce qui concerne le règlement intérieur, lesquelles correspondent aux souhaits de l'opposition.

Je tiens à affirmer, car je crois que l'opposition s'émeut de la situation, que les députés de l'UMP seront tout à fait ouverts à la discussion sur les différents points que vous avez évoqués, voire pour en évoquer d'autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Les grandes manoeuvres ont commencé ! Il était temps !

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

M. le président du groupe UMP a bien voulu revenir dans l'hémicycle pour répondre aux questions que nous nous posons, comme vous l'avez fait tout à l'heure, monsieur le président de l'Assemblée nationale.

Il nous dit qu'il est « ouvert » ; nous voulons d'abord être sûrs qu'il ne s'agit pas d'une fausse ouverture, car le mot a subi, ces derniers temps, une certaine dégradation. Je voudrais que, au-delà d'une « ouverture », il prenne des engagements, que nous n'avons pas reçus.

Il est temps, monsieur Copé, de dire si, oui ou non, vous approuvez les propositions du président de l'Assemblée nationale. En effet, comme vient de l'indiquer Jean-Marie Le Guen, si les engagements sont partagés, la démarche a un sens ; en revanche s'il ne s'agit que d'un sentiment d'ouverture à l'égard des propositions du président de l'Assemblée nationale – qui est notre président autant que le vôtre –, cela n'augure rien de bon quant à la sincérité et à la force de cette lettre.

En deuxième lieu, puisque vous vous dites « ouvert » – et si je vous prends au mot – les propositions contenues dans cette lettre ne pourraient-elles pas, somme toute, être mises en oeuvre indépendamment du résultat de la modification de la Constitution ?

Ainsi, le droit de tirage pour les groupes parlementaires en qui concerne la création de commissions d'enquête ne relève-t-il pas d'une ordonnance organique de 1959, prise par le général de Gaulle, qui organise et réglemente les commissions d'enquête ? Nous pourrions donc nous mettre immédiatement au travail, indépendamment de cette réforme institutionnelle.

Pour ce qui est de fixer un temps de parole égal pour la majorité et l'opposition, nous pouvons immédiatement décider de le faire.

Pour ce qui est du droit de réplique durant les questions au Gouvernement, qui revient à la pratique de 1981, vous considérez vous-même qu'il existait avant même que la réforme constitutionnelle fût engagée.

Quant à l'attribution de la présidence d'une commission permanente à l'opposition, c'est fait, nous l'avons !

N'y aurait-il pas là, peut-être, le début du commencement d'un chantage ? (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Le mot est vilain, mais la pratique l'est encore plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Voudriez-vous échanger un leurre contre une demande qui arrive d'ailleurs bien tard ?

Nous avions demandé, comme l'avez fait vous-même, devant la commission des lois – je me souviens de vos propos, que nous avions d'ailleurs approuvés et que Jean-Marc Ayrault et moi-même avions repris – à connaître à la virgule près ce que seraient les lois organiques et le règlement intérieur qui les accompagne. Où sont-elles, ces lois organiques, qui pourraient fixer le cadre de la confiance dans lequel des occasions de rencontres eussent été possibles ?

Au lieu de cela arrive cette lettre. Certes vous faites preuve d'ouverture mais nous mesurons que beaucoup de choses auraient déjà pu être faites. Qui voulez-vous emmener dans ce bateau, monsieur Copé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Monsieur Montebourg, pourriez-vous retirer le mot « chantage » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Oui, je le retire volontiers. Ma parole a dépassé ma pensée. Néanmoins faisons tous attention à la façon de présenter les choses !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Il est bon que vous le retiriez, sans quoi je n'aurais pas résisté à la tentation de vous l'appliquer.

Monsieur Montebourg, vient un moment où il faut se parler franchement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

On m'a demandé, du côté gauche de cet échiquier politique, de me prononcer sur la lettre du président de l'Assemblée. Pour ce qui me concerne, je vous ai dit sans détour que je suis tout à fait ouvert au fait d'en discuter ; c'est d'ailleurs une conséquence normale de l'adoption de la Constitution, et non pas l'inverse. On ne peut pas faire plus à ce stade.

Nous sommes très ouverts ; il y a, dans ces propositions, des éléments qui vont tout à fait dans le sens de ce que nous souhaitons. Si cela ne vous suffit pas ou ne vous convient pas, je ne vois pas ce que je peux faire de plus, sinon penser que si vous ne prenez pas mes propos comme argent comptant ou comme une main que je vous tends, c'est que vous n'avez vraiment pas envie de voter cette Constitution.

Je le regrette pour la France, mais je souhaite de tout coeur, malgré tout, que ce message d'ouverture que je vous ai adressé avec un ton pondéré et sans qu'à aucun moment ma parole n'ai dépassé ma pensée, soit au moins pour vous un gage de la volonté que nous avons de moderniser ensemble le Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Ueberschlag

Alors que l'ordre du jour qui nous réunit aujourd'hui est l'examen en deuxième lecture d'un projet de loi consacré à la modernisation de nos institutions, j'ai l'impression que nous sommes tout à fait hors sujet. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Sur le plan de la procédure, M. Ueberschlag a tout à fait raison.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Ueberschlag

Nous discutons d'une lettre que la plupart d'entre nous n'ont pas vue.

Devant la volonté du groupe socialiste de faire de l'obstruction et des digressions sur des sujets qui ne sont pas en rapport avec l'ordre du jour, je propose que nous revenions à celui-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'intervention de M. Ueberschlag est parfaitement légitime sur le fond.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Aucun de nos collègues ne peut penser une seconde que le débat que nous avons en ce moment n'aurait pas un rapport direct avec le débat sur le texte de réforme de la Constitution. Nous sommes au coeur du sujet, même si nous y sommes tardivement, compte tenu du fait que nous le demandions depuis des semaines.

Lorsque nous avons posé des questions à ce sujet il nous a été répondu que cela ne relevait pas de la Constitution, et qu'on verrait plus tard. Nous avons demandé des engagements, que nous avons attendus longtemps. Nous les avons aujourd'hui mais, entre le moment où nous les avons demandés et celui où ils arrivent, nous avons délibéré.

En outre, au-delà même du contenu des engagements, les propos du président du groupe UMP ne sont à l'évidence pas de nature à rassurer qui que ce soit sur la crédibilité d'une volonté partagée de faire évoluer le fonctionnement de nos institutions : c'est une promesse, et rien d'autre.

Qui plus est, notre collègue Jean Ueberschlag lui-même déclare qu'il ne voit pas le rapport. Visiblement nous n'avons pas la même approche des rapports constitutionnels.

Depuis maintenant plusieurs semaines, le débat qui avait commencé comme un dialogue entre l'opposition et la majorité, s'est déplacé pour devenir un débat entre la majorité du Sénat et celle de l'Assemblée nationale. Ce n'est donc pas seulement sur les engagements, mais sur toute la psychologie et la dynamique politiques que porte ce débat. Nous voyons donc arriver aujourd'hui un peu tardivement – c'est une litote –…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

…un texte dont les propositions ne sont pas véritablement portées par la majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Monsieur le président, pour l'essentiel, les propositions que contient le document que vous avez adressé aux présidents de groupe peuvent être mises en oeuvre indépendamment du débat que nous avons sur la révision de la Constitution. Vous avez d'ailleurs déclaré – et personne ne remet en doute votre sincérité – que vous aviez évoqué cette question dès le début de la législature.

Si nous pouvons faire évoluer le règlement de l'Assemblée nationale pour trouver un meilleur équilibre entre la majorité et l'opposition et permettre que le Parlement retrouve la plénitude de sa représentativité, tout le monde y travaillera. Un bon règlement de l'Assemblée nationale est en effet celui dont les modifications sont adoptées par consensus. C'est la tradition, et je ne doute pas que vous aurez à coeur de la respecter. Nous pourrons ainsi avancer.

Une interrogation légitime s'impose toutefois.

Vous avez en effet pris la responsabilité – et je comprends votre volonté – de procéder à cette réforme constitutionnelle et vous avez choisi de nous adresser cette lettre en ce moment, en vous disant qu'elle pourrait peut-être engager une réflexion nouvelle. Je comprends ceux de mes amis qui se sont particulièrement investis dans ce débat, qui ont beaucoup siégé et qui ont essayé d'échanger, avec l'espoir sincère d'aboutir.

Pourquoi cependant cette lettre arrive-t-elle soudainement et quel est l'effet recherché ? L'interrogation désagréable qui surgit est de savoir si l'on tente – je ne veux pas employer les grands mots de « marchandage » ou de « chantage » – de faire évoluer un vote en promettant quelque chose qui n'a pas de sens à ce stade, car cela n'a rien à voir avec le texte en cause.

Nous travaillerons donc à modifier ce règlement en permettant de meilleurs équilibres. Arnaud Montebourg ne vous en a pas moins légitimement saisis en demandant quel était le sens de cette démarche et pourquoi elle n'avait pas été faite plus tôt. Il était en effet nécessaire d'interpeller la majorité, compte tenu de tout ce que nous avons entendu et lu quant aux engagements des uns et des autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bertrand Pancher, inscrit sur l'article 12.

Debut de section - PermalienPhoto de Bertrand Pancher

Je tiens à souligner l'importance du principe des résolutions, réintroduit par la sagesse du Sénat, qui est revenu sur la suppression de cet article.

La résolution, c'est l'affirmation collective d'un point de vue, une invitation à agir ou à changer ; c'est, par conséquent, un outil supplémentaire à la disposition du Parlement. Il s'agit donc d'une avancée d'autant plus importante pour les droits de l'Assemblée que nous ne disposons aujourd'hui que de très peu de tels outils. Si la majorité dispose en effet d'outils radicaux – l'arme atomique, la vitrification du Gouvernement –, la possibilité de renverser le Gouvernement est une procédure qu'une majorité manie d'une main tremblante. Quant aux possibilités d'intervention plus réduites, le choix est entre l'arme atomique et le pistolet à eau, c'est-à-dire la possibilité de modifier à la marge les textes présentés par le Gouvernement.

Ajoutons à cela que nous n'avons pas la maîtrise de notre ordre du jour, ni le temps disponible de réfléchir ou d'échanger sur les textes, deux points que va modifier cette transformation de la Constitution.

Dès lors, il ne faut évidemment pas s'étonner que l'on soit confronté à un hémicycle régulièrement vide et à un absentéisme considérable. Le droit de résolution est donc une disposition essentielle.

Le Sénat, dans sa grande sagesse, est revenu sur la suppression de cet article, disais-je. J'ajoute qu'il a amélioré le texte d'une façon importante.

Il en va de même pour d'autres articles, où il a donné satisfaction à ce que réclamaient beaucoup de personnes de bon sens, notamment celles qui plaident pour une bonne gouvernance environnementale. Le Sénat a ainsi prévu que soit sollicité l'avis des grands acteurs regroupés dans un conseil économique et social, désormais également environnemental. Quelle avancée pour les projets de loi organique !

De plus, ces dispositions vont nous permettre de tenir les promesses faites à Nicolas Hulot par ceux qui se bousculaient pour être à côté de lui devant les médias, y compris à TF1, jurant leurs grands dieux, pendant la campagne présidentielle, qu'on allait tenir compte de tous ses souhaits. Pas de réforme de la Constitution signifierait, par exemple, pas de résolution permettant de faire le point sur la stratégie nationale du développement durable, pas de création de la commission « Environnement », pas de concertation organisée avec les acteurs environnementaux, pas non plus de création d'un conseil économique, social et environnemental, ni de référendum populaire !

Que diront à Nicolas Hulot ceux d'entre vous qui se sont autant précipités pour soutenir l'ensemble de ses projets, s'ils ne votaient pas pas cette modernisation de nos institutions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous en arrivons aux amendements à l'article 12.

La parole est à M. Christian Vanneste, pour soutenir l'amendement n° 56 qui tend à supprimer l'article 12.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Nous examinons un article qui avait été heureusement supprimé par l'Assemblée en première lecture, et que le Sénat a malheureusement rétabli.

Lors de l'intermède que nous a offert M. Montebourg – et je ne l'en remercie pas –, j'ai eu l'occasion de redécouvrir les splendides décorations d'un des salons, celles que l'on appelle des trompe-l'oeil. Elles sont magnifiques. Pour moi, l'article 12 est de leur niveau : c'est un magnifique trompe-l'oeil, un travail d'artiste. Pourquoi dis-je cela ? Pour trois raisons.

Tout d'abord, on parle de « résolution », mais le mot signifie que l'on est résolu : résolu à agir, à construire, à faire. Or nous, nous disposons de l'outil de la loi pour agir et pour faire. Pourquoi alors nous contenterions-nous de parler, d'émettre des voeux ?

« Résolution » renvoie aussi à l'idée de résoudre un problème, et nous avons, là aussi, la loi pour résoudre les problèmes de notre pays. Mais non, nous préférerions parler !

Certes, la première lecture au Sénat a apporté une limitation de l'utilisation de la résolution. En effet, tout le monde savait que la résolution présentait un danger pour le Gouvernement : celui de le mettre en porte-à-faux par rapport à l'Assemblée. Ainsi, s'agissant des affaires étrangères, si nous avions voté une résolution très hostile à la Chine au moment de la traversée de Paris par la flamme olympique, cela aurait mis en difficulté le Président de la République. C'est pourquoi l'on nous enjoint de faire attention à ne pas engager par ce biais la responsabilité de l'exécutif ou du Gouvernement.

La résolution nous est donc revenue mais tout à fait anesthésiée, sans possibilité d'avoir une place importante. Habib-Deloncle, en 1959, disait que la résolution, au fond, était une immixtion du législatif dans l'exécutif ; aujourd'hui, j'ajoute que ce serait une immixtion couronnée d'impuissance.

Enfin, certes, nous continuons ici notre mission tribunicienne évoquée par la commission Balladur et enrichie au long de l'histoire. Les tribuns du peuple, à Rome, n'avaient pratiquement qu'un seul pouvoir : celui de parler – même si cette parole était protégée –, tandis que nous, nous avons le pouvoir de faire la loi ; mais nous possédions aussi le pouvoir d'intervenir pour les autres : l'intercession. Or nous allons perdre l'intercession au profit de celui qui va être le médiateur de la République élargie, et nous replier sur le seul pouvoir de la parole.

Je réaffirme que l'article 12 va transformer ce temple de la République en un temple dans lequel l'on entonnera des voeux pieux. Je ne pense pas que la République laïque ait vocation à émettre de tels voeux ! Cet article va à l'encontre de l'esprit même de la réforme, qui est de rendre le Parlement plus opérationnel et plus productif pour qu'il élabore la loi après en avoir évalué l'impact, et, ensuite, en contrôle l'exécution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Chacun connaît mes très grandes réticences en ce qui concerne l'introduction du droit de résolution, parce que la revalorisation du rôle du Parlement passe d'abord par le développement de son action d'évaluation et de contrôle. Je pense que c'est grâce à cela que le Parlement se revalorisera. Introduire un droit de résolution sans limitation ou insuffisamment limité pourrait amener un grand nombre de dérapages, semblables à ceux qui n'honorent pas certains parlements dans le monde.

J'ai déjà eu l'occasion de souligne combien je craignais qu'un tel dispositif ne conduise à une nouvelle forme de mise en cause de la responsabilité du Gouvernement ou, pire encore, de celle d'un ministre. Ainsi, un ministre réformateur pourrait être politiquement rendu inefficace par le vote d'une résolution mettant en cause sa responsabilité.

Nous sommes en deuxième lecture, et je crois que l'Assemblée nationale a encore beaucoup de progrès à faire.

La commission des lois a examiné l'amendement gouvernemental qui introduit un certain nombre de limitations, notamment en prévoyant qu'une résolution ne pourra contenir une injonction au Gouvernement, ni mettre en cause sa responsabilité ou celle d'un ministre, et que si une résolution enfreignait ces limites, le Gouvernement pourrait la déclarer irrecevable.

Compte tenu de cet ajout, la commission a considéré que la procédure des résolutions était suffisamment encadré. Son avis est donc défavorable à l'amendement de suppression n° 56, et il sera favorable à l'amendement n° 306 , du Gouvernement, qui encadre les propositions de résolution.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur le président, je vais, en même temps, présenter l'amendement n° 306 .

Monsieur Vanneste, le Gouvernement a souhaité, en prévoyant le vote de résolutions, combler ce qui était apparu comme une lacune dans les modes d'expression du Parlement français. En effet, la plupart des parlements étrangers disposent de ce droit. C'est un mode d'expression politique assez classique dans les parlements européens. Ce sera aussi un moyen de décharger nos lois de dispositions qui n'ont pas de portée normative.

Pour autant, des craintes quant aux abus ont été exprimées ici même, et le vote de l'Assemblée s'en est suivi ; puis un nouveau débat a eu lieu au Sénat.

Le Gouvernement est sensible aux craintes de certains. Si nous présentons l'amendement n° 306 , c'est pour proposer une rédaction qui rétablisse les résolutions, mais encadrées. Il ne s'agira plus du tout des mêmes possibilités que dans le texte initial, possibilités qui avaient, j'en suis bien conscient, entraîné critiques et commentaires d'un certain nombre de parlementaires, craignant le retour à un système de type IVe République. En effet, il faut tout de même que la voix, la portée et la responsabilité du Gouvernement, ou de chacun des ministres sur une politique donnée, ne puissent pas être mises en cause à n'importe quelle condition.

Cette rédaction encadrée du droit de résolution est une solution qui permettra l'expression nouvelle du Parlement tout en évitant les dérapages anciens de la IVe République.

C'est pourquoi l'avis du Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 56 ainsi qu'aux deux sous-amendements, nos 329 et 330 , visant à le modifier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Pour le groupe Nouveau Centre, la possibilité ouverte à notre assemblée et au Sénat de débattre, puis de rejeter ou d'adopter des résolutions, est une disposition essentielle. Nous avions non seulement regretté, mais même trouvé incompréhensible qu'en première lecture l'Assemblée ait rejetée cette possibilité au motif qu'elle n'était pas encadrée ; nous nous réjouissons que le Sénat l'ait réintroduite, et que le Gouvernement en vienne à une position de compromis qui nous permettra de nous exprimer par des résolutions.

En effet, je le rappelle à tous ceux qui parlent constamment du contrôle de l'action gouvernementale, il y a non seulement le caractère normatif de la loi, mais aussi la possibilité, par des résolutions, d'essayer d'influer sur cette action. Il y aurait aussi la possibilité, pour un gouvernement, pour un chef d'État qui se rend au G8, d'être soutenu par une assemblée marquant ainsi une volonté qui ne serait pas celle du seul exécutif. Bref, cette disposition est un plus.

En outre, comme vient de le souligner M. le secrétaire d'État, une telle possibilité existe dans la plupart des parlements des démocraties occidentales. Qu'elle soit encadrée pour ne pas entraîner des dérives comme notre pays en a connues il y a une cinquantaine d'années, fort bien ; mais, pour nous, cette disposition est fondamentale.

Si le droit de résolution n'était pas maintenu, et si l'amendement n° 306 , que nous soutenons, n'était pas adopté, on ne pourrait plus parler de revalorisation du rôle du Parlement ni de capacités plus grandes données aux parlementaires pour négocier, discuter et influer sur l'exécutif.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

S'agissant de la volonté gouvernementale de rétablir le droit du Parlement de prendre des résolutions, nous considérons que c'est un progrès. La loi ne peut en effet tout faire, et les résolutions peuvent pourvoir à certaines déclarations politiques dans lesquelles tous les groupes peuvent se situer ou se reconnaître.

Toutefois notre groupe est au regret de dire, après tous les différents débats que nous avons eus en commission, que si, en effet, la résolution ne saurait se substituer à la mise en cause de la responsabilité gouvernementale, il réfute l'idée que le Gouvernement en serait le seul juge. Si le Gouvernement estime qu'une résolution le mettrait directement ou indirectement en cause, il pourrait fermer le « robinet à paroles » du Parlement ! Il déciderait et le Parlement se verrait obligé de s'exécuter ! Ce sont là des méthodes qui n'ont rien à voir avec la revalorisation du rôle du Parlement. Si l'on crée un droit, il faut qu'il soit objectif, et apprécié objectivement par une instance qui transcende tant les intérêts dudit parlement qui voudrait l'exercer que ceux du gouvernement qui voudrait l'en empêcher.

C'est la raison pour laquelle le sous-amendement que nous défendrons avec force, et je demande par avance le soutien du rapporteur, qui nous l'avait accordé verbalement en commission – était-ce une promesse en l'air ? –, est celui qui renvoie au Conseil constitutionnel – ou à la Cour constitutionnelle si cette nouvelle appellation est adoptée – le soin de décider s'il y a mise en cause directe ou indirecte de la responsabilité. Il est impossible de laisser le Gouvernement seul juge de l'exercice d'un droit par le Parlement. Ce serait une violation de la séparation des pouvoirs, et nous ne l'acceptons pas. Si notre sous-amendement n° 330 n'était pas adopté, nous voterions donc contre l'amendement gouvernemental.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je mets aux voix l'amendement n° 56 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République (nos 993, 1009).

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma