Nous examinons un article qui avait été heureusement supprimé par l'Assemblée en première lecture, et que le Sénat a malheureusement rétabli.
Lors de l'intermède que nous a offert M. Montebourg – et je ne l'en remercie pas –, j'ai eu l'occasion de redécouvrir les splendides décorations d'un des salons, celles que l'on appelle des trompe-l'oeil. Elles sont magnifiques. Pour moi, l'article 12 est de leur niveau : c'est un magnifique trompe-l'oeil, un travail d'artiste. Pourquoi dis-je cela ? Pour trois raisons.
Tout d'abord, on parle de « résolution », mais le mot signifie que l'on est résolu : résolu à agir, à construire, à faire. Or nous, nous disposons de l'outil de la loi pour agir et pour faire. Pourquoi alors nous contenterions-nous de parler, d'émettre des voeux ?
« Résolution » renvoie aussi à l'idée de résoudre un problème, et nous avons, là aussi, la loi pour résoudre les problèmes de notre pays. Mais non, nous préférerions parler !
Certes, la première lecture au Sénat a apporté une limitation de l'utilisation de la résolution. En effet, tout le monde savait que la résolution présentait un danger pour le Gouvernement : celui de le mettre en porte-à-faux par rapport à l'Assemblée. Ainsi, s'agissant des affaires étrangères, si nous avions voté une résolution très hostile à la Chine au moment de la traversée de Paris par la flamme olympique, cela aurait mis en difficulté le Président de la République. C'est pourquoi l'on nous enjoint de faire attention à ne pas engager par ce biais la responsabilité de l'exécutif ou du Gouvernement.
La résolution nous est donc revenue mais tout à fait anesthésiée, sans possibilité d'avoir une place importante. Habib-Deloncle, en 1959, disait que la résolution, au fond, était une immixtion du législatif dans l'exécutif ; aujourd'hui, j'ajoute que ce serait une immixtion couronnée d'impuissance.
Enfin, certes, nous continuons ici notre mission tribunicienne évoquée par la commission Balladur et enrichie au long de l'histoire. Les tribuns du peuple, à Rome, n'avaient pratiquement qu'un seul pouvoir : celui de parler – même si cette parole était protégée –, tandis que nous, nous avons le pouvoir de faire la loi ; mais nous possédions aussi le pouvoir d'intervenir pour les autres : l'intercession. Or nous allons perdre l'intercession au profit de celui qui va être le médiateur de la République élargie, et nous replier sur le seul pouvoir de la parole.
Je réaffirme que l'article 12 va transformer ce temple de la République en un temple dans lequel l'on entonnera des voeux pieux. Je ne pense pas que la République laïque ait vocation à émettre de tels voeux ! Cet article va à l'encontre de l'esprit même de la réforme, qui est de rendre le Parlement plus opérationnel et plus productif pour qu'il élabore la loi après en avoir évalué l'impact, et, ensuite, en contrôle l'exécution.