La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de programmation relatif aux moyens nécessaires à la mise en oeuvre de la loi pénitentiaire 2009-1436 du 24 novembre 2009. ( nos 4300, 4352).
La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Le projet de loi de programmation relatif à l'exécution des peines revient devant votre assemblée, la commission mixte paritaire n'étant pas parvenue à accorder les positions trop éloignées de l'Assemblée nationale et du Sénat.
En effet, le projet de loi, tel qu'adopté par votre assemblée, fixait des objectifs ambitieux et nécessaires en matière d'exécution des peines : garantir la célérité et l'effectivité de l'exécution des peines, renforcer nos capacités de prévention de la récidive, améliorer la prise en charge des mineurs délinquants. Le texte donnait au Gouvernement les moyens de mettre en oeuvre ces objectifs.
Le Sénat a, quant à lui, élaboré un texte radicalement différent, tant dans la philosophie qui l'inspire que dans ses principales orientations. C'est pourquoi je me félicite que votre commission des lois ait rétabli le texte adopté en première lecture par votre assemblée et j'en remercie votre rapporteur, Jean-Paul Garraud, qui a poursuivi le travail remarquable qu'il avait engagé en première lecture.
Deux conceptions s'opposent : celle, réaliste et pragmatique, qui consiste à permettre une exécution rapide et effective des peines, et celle du Sénat, qui présente à mon sens des risques incontestables.
Depuis le début du quinquennat, le Gouvernement et sa majorité ont mené une politique pénitentiaire et une politique d'exécution des peines cohérentes. La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a fixé les grands principes que ce projet de loi permet de mettre en application.
Nous reconnaissons tous, dans cet hémicycle, la nécessité de garantir des conditions dignes de détention. La loi pénitentiaire poursuit d'ailleurs cet objectif. En revanche, nous ne sommes absolument pas d'accord sur les moyens d'y parvenir.
Le numerus clausus que le Sénat souhaite instaurer dans les prisons est une fausse bonne idée. Elle est en outre contraire à l'engagement pris par le candidat socialiste à l'élection présidentielle, selon lequel « les peines prononcées seront toutes effectivement exécutées et les prisons seront conformes à nos principes de dignité ». Voilà une excellente règle que M. Raimbourg aura certainement à coeur de rappeler dans sa motion de renvoi. Dès lors le groupe socialiste ne pourra qu'adhérer au texte rétabli par la commission des lois. (Sourires.)
De même, l'automaticité de l'aménagement des peines inférieures à trois mois est contraire au principe fondamental d'individualisation des peines dans notre droit pénal.
Ce sont, en effet, la personnalité, le profil et la qualité du projet du condamné qui doivent fonder la décision d'aménagement de peine, laquelle ne saurait être conçue comme un moyen de lutter contre la surpopulation carcérale. Elle doit au contraire être envisagée comme une préparation à la réinsertion de la personne condamnée. En la matière, l'automaticité serait un contresens.
Elle serait d'autant moins justifiée que le Gouvernement a beaucoup oeuvré pour l'exécution des peines.
J'ai ainsi lancé un plan national d'exécution des peines qui fixait des objectifs aux juridictions ayant accumulé le plus de retard et, dans ce cadre, renforçait leurs moyens. Le nombre de peines en attente d'exécution a ainsi baissé d'environ 15 000 entre la fin de l'année 2010 et le milieu de l'année 2011. De surcroît, les délais de mise à exécution ont été raccourcis : deux tiers des peines d'emprisonnement ferme prononcées sont désormais exécutées, en moyenne, dans les six mois de leur prononcé.
Par ailleurs, la recherche d'un équilibre entre l'incarcération et l'aménagement de la peine est au coeur de notre politique pénitentiaire et pénale. Ce Gouvernement, rappelons-le, a agi avec détermination pour développer les aménagements de peines. Aujourd'hui 10 700 condamnés bénéficient d'un aménagement de peine sous écrou, sous forme de surveillance électronique, de semi-liberté ou de placement extérieur, soit 125 % de plus qu'en mai 2007 !
Le texte, tel que rétabli par la commission des lois, permettra de poursuivre les efforts engagés et de les inscrire dans la durée.
Le projet de loi de programmation, tel que rétabli par la commission des lois, répond à un principe de réalité mais aussi à un principe de responsabilité assumé : nous devons remédier au surencombrement de nos prisons et garantir durablement que les peines prononcées par la justice seront suivies d'une exécution effective et rapide.
Le premier objectif du projet de loi de programmation est d'élargir notre parc pénitentiaire à 80 000 places d'ici fin 2017, ce qui représente 23 000 places nettes supplémentaires.
Cela permettra de mettre fin au surpeuplement actuel des prisons – plus de 65 000 détenus pour 57 000 places –, et d'offrir à tous les détenus des conditions dignes et adaptées de détention pour favoriser un véritable travail de réinsertion.
Il s'agira enfin de résorber durablement le stock des peines en attente d'exécution.
Compte tenu du nombre de ces peines, il est bien évident que notre choix n'est pas celui du tout carcéral : à côté des peines de prison décidées par le juge se déploient d'autres modes d'exécution des peines. Rappelons que toute peine aménagée est une peine exécutée.
Nous devons nous donner tous les moyens pour que soient respectées les exigences fondamentales que ce Gouvernement et le Parlement ont inscrites dans la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.
Aujourd'hui, le taux de surencombrement de nos prisons est en moyenne de 114,8 % et atteint 136 % dans les maisons d'arrêt. Augmenter la capacité du parc carcéral, ce n'est pas mettre en place une politique du « tout carcéral » mais simplement répondre à la réalité des besoins actuels.
Quant à l'objectif de réinsertion, les nouveaux établissements tripleront la surface consacrée aux activités des détenus, afin d'atteindre l'objectif de cinq heures d'activité par jour et par détenu.
La diversification de nos établissements pénitentiaires, que votre commission des lois a rétablie, est une nécessité non moins pressante.
Actuellement, les personnes condamnées à de courtes peines sont généralement hébergées, par défaut, dans les maisons d'arrêt déjà surpeuplées, alors que des conditions d'incarcération moins lourdes seraient mieux adaptées et plus efficaces dans une démarche de réinsertion. Nous avons donc choisi d'affiner la classification entre maisons d'arrêt et établissements pour peine en introduisant quatre niveaux de sécurité en fonction des profils des détenus.
Par ailleurs, sur les 85 000 peines d'emprisonnement ferme qui sont aujourd'hui en attente d'exécution, plus de la moitié ont une durée inférieure ou égale à trois mois. Toutes ces peines ne sont pas éligibles à un aménagement, alors même que, comme vous le souligniez, monsieur le rapporteur, les établissements pour courtes peines nous font cruellement défaut. Le Gouvernement a donc prévu de créer 6 000 places dédiées aux courtes peines, ce que votre commission des lois a approuvé.
Favoriser une exécution rapide des peines passe également par un renforcement des services de l'application et de l'exécution des peines des juridictions. Le projet de loi de programmation leur a ainsi affecté des moyens humains supplémentaires, notamment en juges d'application des peines.
Depuis 2007, les effectifs des services pénitentiaires d'insertion et de probation – les SPIP – se sont accrus de plus de 1 100 postes et ils comptent aujourd'hui près de 4 100 fonctionnaires. Cette croissance a été plus forte que celle du nombre de personnes placées sous main de justice, ce qui a permis d'améliorer la qualité du suivi réalisé par les conseillers d'insertion et de probation, même s'il faut poursuivre l'effort.
En prévoyant de constituer des équipes mobiles dans les SPIP, ainsi que de déléguer au secteur associatif habilité les enquêtes pré-sentencielles, ce projet poursuit l'effort engagé depuis 2007 de sorte que les personnels des SPIP puissent recentrer leur action sur le suivi et la réinsertion des condamnés.
Avec le projet de loi de programmation, 132 conseillers seront réaffectés sur le suivi post-sentenciel des condamnés, 88 postes de conseillers d'insertion et de probation mobiles seront créés et 103 psychologues seront recrutés pour mettre en place la pluridisciplinarité dans les services – soit au total plus de 300 équivalents temps plein supplémentaires.
Depuis 2007, nous avons mis en oeuvre une politique volontariste en matière de réinsertion et de prévention de la récidive. Le projet de loi de programmation poursuit cet effort en développant les outils d'évaluation de la dangerosité, les soins en détention et l'échange d'information.
Là encore, deux visions s'opposent : en supprimant les dispositions relatives à l'évaluation de la dangerosité criminologique, pourtant cruciale dans notre politique de prévention de la récidive, la majorité sénatoriale a pris le risque de priver les acteurs de la chaîne pénale d'outils indispensables à la poursuite de leurs missions.
Dès lors, le Gouvernement ne peut que se féliciter que votre commission des lois ait rétabli la généralisation du diagnostic à visée criminologique – le DAVC.
Grâce à cet outil, chaque condamné fera systématiquement l'objet d'une évaluation pluridisciplinaire qui déterminera un parcours d'exécution de la peine orienté vers la prévention de la récidive et permettra de suivre la personne condamnée en milieu ouvert. Il s'agit d'un véritable outil de partage d'information.
Le projet de loi prévoit par ailleurs de créer trois nouveaux centres d'évaluation. Ils permettront de développer l'évaluation des condamnés à de longues peines qui présentent un plus grand degré de dangerosité. Le nombre de condamnés pouvant être évalués annuellement sera ainsi porté à 1 600.
Cette mesure s'inscrit dans le prolongement de la loi du 10 août 2011 qui a étendu le passage obligatoire par le centre national d'évaluation aux détenus condamnés à dix ans au moins pour les faits les plus graves, lorsqu'ils sollicitent leur libération conditionnelle.
Monsieur le rapporteur, à votre instigation, l'Assemblée nationale a renforcé les dispositifs inscrits dans le texte du Gouvernement, en favorisant l'intégration progressive des méthodes actuarielles dans le travail des praticiens. Une nouvelle impulsion est ainsi donnée à l'enseignement de la criminologie, tant au sein des universités que des écoles des métiers de la justice. De même, les bénéficiaires de la bourse, prévue par le projet de loi pour inciter les futurs psychiatres à exercer les fonctions d'expert psychiatre ou de médecin coordonnateur, devront suivre une formation spécifique en sciences criminelles ou légales.
Quant aux dispositions relatives au partage de l'information, votre commission des lois les a rétablies dans leur intégralité.
On sait, en effet, l'importance de ces échanges d'information entre la justice et le médecin dans le cadre d'une obligation de soins ou d'une injonction de soins. Ils sont également déterminants entre l'institution judiciaire et les responsables d'établissements scolaires ou les personnes qui accueillent des mineurs placés sous contrôle judiciaire, pour des crimes ou délits violents ou de nature sexuelle. L'actualité récente a cruellement montré la nécessité de revoir nos règles en la matière et mis en évidence les risques que fait courir à nos concitoyens toute discontinuité dans la chaîne d'information.
Enfin, la meilleure prise en charge des mineurs délinquants constitue, vous le savez, un objectif prioritaire de ce Gouvernement. Le projet de loi de programmation permet de franchir un pas supplémentaire dans ce sens.
Ce Gouvernement n'a eu de cesse d'offrir de nouveaux outils au juge pour une prise en charge adaptée à la diversité des profils. La création du dossier unique de personnalité ou encore l'élargissement des conditions de placement en centre éducatif fermé sont des avancées en ce domaine, que la loi de programmation entend prolonger.
Le Gouvernement souhaite ainsi renforcer la capacité d'accueil des centres éducatifs fermés en créant vingt établissements supplémentaires qui s'ajouteront aux quarante-cinq existants. La capacité d'accueil des centres éducatifs fermés sera ainsi portée à près de 800 places. La création de quatre-vingt dix emplois supplémentaires accompagne d'ailleurs cette mesure. L'article 8, que je remercie votre commission des lois d'avoir rétabli, et qui exonère la direction de la protection judiciaire de la jeunesse de la procédure d'appel à projet pour créer les établissements de placement qu'elle gère en régie, lui permettra d'ouvrir, dès la fin de cette année, cinq nouveaux centres.
En écoutant le candidat socialiste à l'élection présidentielle, j'avais cru comprendre que les centres éducatifs fermés faisaient désormais partie, pour tous, de l'arsenal dont devaient disposer les magistrats amenés à prendre des décisions concernant les mineurs. Quelle surprise, dès lors, de voir ces dispositions supprimées par la majorité sénatoriale ! Les centres éducatifs fermés proposent en effet une prise en charge adaptée qui a fait la preuve de son efficacité pour les mineurs les plus ancrés dans la délinquance. En outre, grâce à ces structures, qui sont de véritables alternatives à l'incarcération, le Gouvernement a diminué le nombre de mineurs placés en établissement pénitentiaire, ce qui est un progrès. Ces centres répondent parfaitement au principe fondamental, consacré par le Conseil constitutionnel à maintes reprises et encore en août dernier, de la primauté de l'éducatif sur le répressif en matière de justice des mineurs. Consciente de l'apport de ces structures, votre assemblée avait d'ailleurs choisi d'en renforcer les moyens, notamment en matière de suivi pédopsychiatrique, afin d'offrir une prise en charge parfaitement adaptée des mineurs présentant des troubles du comportement, qui sont nombreux dans ces établissements.
Il est par ailleurs absolument essentiel, pour qu'elle garde tout son sens, qu'une mesure judiciaire prononcée à l'encontre d'un mineur soit exécutée dans un temps très proche de la commission des faits. Aussi, imposer un délai maximum de cinq jours entre la date du jugement et la première convocation du mineur et de ses parents devant le service éducatif constitue une avancée incontestable. Cette mesure est accompagnée des moyens nécessaires, puisque nous prévoyons la création de 120 postes d'éducateurs.
Mesdames et messieurs les députés, le respect dû aux lois votées par le Parlement et au travail des magistrats et la crédibilité de la justice exigent une attention constante aux délais d'exécution des décisions de justice. Ils exigent aussi que nous veillions, avec la plus grande attention, à ce que l'ensemble des principes qui président à nos politiques pénale et pénitentiaire, tels que définis par la loi du 24 novembre 2009, soient toujours plus efficacement mis en oeuvre.
En adoptant le projet de loi de programmation, dans la version issue des travaux de votre commission des lois, vous acterez le renforcement des moyens de la justice, si attendu par nos concitoyens comme par les acteurs judiciaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Paul Garraud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le Président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre assemblée est saisie, en nouvelle lecture, du projet de loi de programmation relatif à l'exécution des peines, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion sur ce projet de loi, réunie le 14 février dernier, n'étant pas parvenue à un accord.
Ce projet de loi, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 23 novembre 2011, a été adopté par elle le 17 janvier 2012, puis l'a été par le Sénat, en première lecture, le 1er février dernier.
Tel qu'adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, il comprenait 21 articles et se donnait pour objectif, dans la continuité des réformes engagées depuis 2002, de renforcer de manière décisive l'effectivité de la réponse pénale, suivant trois axes.
En premier lieu, il partait du constat que, compte tenu de l'augmentation du nombre de peines privatives de liberté et de peines en attente d'exécution, de nouvelles avancées étaient nécessaires pour que l'effectivité et la promptitude de la sanction deviennent une réalité.
Dans cette perspective, la programmation que nous avions adoptée prévoyait, d'une part, de porter la capacité d'accueil du parc carcéral à 80 000 places à l'horizon 2017, d'autre part, de renforcer les services de l'application et de l'exécution des peines.
En deuxième lieu, l'efficacité des dispositifs de prévention de la récidive apparaît intimement liée à la qualité, d'une part, de l'évaluation de la dangerosité criminologique des personnes condamnées et, d'autre part, du suivi de ces mêmes personnes, en particulier sur les plans sanitaire, psychologique et psychiatrique.
Dans le texte qu'avait adopté l'Assemblée nationale, tant le rapport annexé que les dispositions normatives du projet de loi de programmation répondaient à cette préoccupation majeure.
En troisième lieu, le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture comprenait un volet consacré à l'amélioration de l'exécution des peines pour les mineurs placés sous main de justice.
En effet, alors que le nombre de mineurs mis en cause progresse et que les infractions commises par ces derniers tendent à s'aggraver, le projet de loi comportait plusieurs dispositions destinées à accélérer la mise à exécution des mesures prononcées à l'encontre des mineurs délinquants.
Si les cinq articles relatifs à l'exécution des peines de confiscation, issus d'amendements du président Warsmann, ont été, en première lecture, adoptés conformes par les deux chambres, la commission mixte paritaire n'a pu s'accorder sur un texte commun en raison des choix opérés par le Sénat.
En effet, ce dernier a adopté un projet de loi ne présentant plus qu'un lointain rapport avec le texte de l'Assemblée nationale. Tout d'abord, il a rejeté la plupart des articles du projet de loi que celle-ci avait adoptés ; ensuite, il a totalement dénaturé les rares dispositions qu'il n'a pas supprimées ; enfin, il a complété le projet par des articles incompatibles avec ses objectifs initiaux.
Dans ces conditions, le texte adopté par le Sénat relevait d'une philosophie de l'exécution des peines totalement incompatible avec celle qui animait le projet de loi adopté par notre assemblée en première lecture.
Pour cette raison, à mon initiative, la commission des lois a supprimé les ajouts du Sénat et rétabli le projet de loi dans le texte qu'avait adopté l'Assemblée en première lecture.
De ce fait, je m'opposerai aux amendements que présenteront certains de nos collègues pour réintroduire certains des ajouts du Sénat.
Le Sénat a tout d'abord, rejeté la plupart des articles du projet de loi…
….qu'avait adoptés l'Assemblée nationale. Sur les vingt et un articles, il en avait supprimé onze, soit plus de la moitié, marquant son opposition très nette aux objectifs poursuivis par le projet.
Opposition, en premier lieu, à une politique d'exécution des peines ambitieuse et réaliste, reposant sur la création, entre 2013 et 2017, de plus de 24 000 places brutes et permettant ainsi de porter la capacité d'accueil du parc carcéral français à 80 000 places en 2017.
En raison de cette opposition de principe, le Sénat avait supprimé les articles 2 et 3 qui dotent l'État des outils juridiques nécessaires à la construction et à l'ouverture de nouveaux établissements. Or, sans ces instruments juridiques, l'objectif de 80 000 places de prisons en 2017 ne pourrait pas être atteint.
Opposition, ensuite, au renforcement du suivi des condamnés présentant un risque élevé de récidive, notamment des auteurs d'infractions à caractère sexuel. Ainsi avait-il supprimé les articles 4 bis, 5 et 7, qui prévoient, respectivement, un renforcement de l'information délivrée au médecin traitant dans le cadre d'une injonction ou obligation de soins, un renforcement de l'incitation aux soins pour les personnes détenues, et la création d'un contrat à l'attention des internes en psychiatrie destiné à inciter les futurs psychiatres à exercer les fonctions d'expert judiciaire et de médecin coordonnateur.
Le Sénat avait également supprimé l'article 9 bis C, qui permet d'améliorer l'effectivité de la mise en place du régime de justification mensuelle d'adresse pour les personnes inscrites au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes.
Opposition, enfin, à l'amélioration de l'exécution des peines prononcées à l'encontre des mineurs. Le Sénat avait ainsi supprimé l'article 8 qui vise à faciliter la construction de centres éducatifs fermés, et l'article 9 qui instaure, à compter du 1er janvier 2014, un délai maximal de cinq jours ouvrables pour la convocation, par le service de la PJJ, d'un mineur à l'encontre duquel est prononcée une mesure ou une sanction éducative.
Le Sénat a, ensuite, dénaturé les quelques articles du projet de loi qu'il n'a pas rejetés.
Il n'a adopté que quatre articles du texte adopté par notre assemblée, mais en leur apportant des modifications qui les dénaturaient.
Il en était ainsi pour l'article 1er et le rapport qui lui est annexé. Ce dernier, adopté en première lecture par notre assemblée et rétabli par elle en nouvelle lecture, consacre, de manière solennelle et ambitieuse, les engagements pris conjointement par le Gouvernement et le Parlement en matière d'exécution des peines pour les cinq prochaines années, soulignant ainsi le caractère prioritaire de l'action qui s'engage pour les années 2013 à 2017.
A l'inverse de l'ambition affichée par notre assemblée, le Sénat avait réduit la portée de ces engagements au simple rappel des « conditions d'une application effective de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 ».
Or cette loi est pleinement appliquée, puisque tous les décrets, à l'exception d'un seul, ont été publiés et que ses dispositions destinées à améliorer les droits des détenus prennent progressivement leur plein essor en modifiant les pratiques professionnelles des agents et la vie quotidienne des détenus.
Je tiens à rappeler avec force que, depuis 2002, l'exécution des peines a été une préoccupation constante du Gouvernement et du Parlement, qui ont mis en oeuvre des évolutions juridiques majeures et mobilisé d'importants moyens financiers pour améliorer l'effectivité, la célérité et la qualité de l'exécution des peines.
A la lumière des réformes mises en oeuvre depuis dix ans pour améliorer l'exécution des décisions de justice, la réduction de cette politique à la seule application effective de la loi pénitentiaire témoigne à tout le moins du manque d'ambition et de pragmatisme de la Haute assemblée en ce domaine.
L'absence de vision stratégique de nos collègues sénateurs pour donner à la politique d'exécution des peines une impulsion décisive s'observe dans toutes les modifications que le Sénat a apportées au rapport annexé. Sans revenir sur chacune de ces divergences, je présenterai les trois principales d'entre elles.
En premier lieu, le refus du Sénat de porter à 80 000 places la capacité d'accueil du parc carcéral français témoigne d'un certain biais dans la perception de la réalité de l'exécution des peines en France : d'abord, une augmentation du nombre de places de prison disponibles est nécessaire, ne serait-ce que pour mettre fin au phénomène de surpopulation carcérale dénoncé avec constance par tous les parlementaires depuis de nombreuses années ; ensuite il est aussi nécessaire d'anticiper les besoins de demain.
En deuxième lieu, le Sénat s'est opposé à la mise en place de structures adaptées à l'exécution des courtes peines, au motif que la création de telles structures serait incompatible avec le principe d'aménagement des peines posé par la loi pénitentiaire. Une telle affirmation dénote une certaine méconnaissance des réalités juridiques et pratiques en matière d'exécution des peines.
En effet, le Sénat méconnaît la portée effective de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, alors qu'il prétend pourtant lui donner les moyens nécessaires à sa mise en oeuvre. Il y a là une certaine incohérence.
La loi pénitentiaire n'a en aucun cas rendu automatiques les aménagements de peines pour toutes les peines d'emprisonnement inférieures ou égales à deux ans : elle a seulement entendu limiter autant que possible l'incarcération d'une personne en lui substituant des mesures de contrôle en milieu ouvert, lorsque cela est possible au regard de la situation de l'intéressé.
Malgré cela, certaines courtes peines doivent s'exécuter en prison. Refuser d'admettre que notre pays manque de structures adaptées aux courtes peines, c'est s'interdire d'apporter des solutions adaptées pour permettre la mise à exécution de ces courtes peines qui ne peuvent pas être aménagées mais qu'il faut bien exécuter.
En troisième lieu, le Sénat a rejeté la création de vingt nouveaux centres éducatifs fermés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Cette opposition au projet d'extension du dispositif des centres éducatifs fermés, pourtant prônée par le candidat socialiste à l'élection présidentielle, est d'autant plus injustifiée que ces derniers ont largement atteint les deux objectifs qui leur étaient assignés, à savoir proposer aux magistrats une alternative à l'incarcération en vue de réduire la détention provisoire des mineurs, et offrir un outil efficace de lutte contre la récidive.
Enfin, le Sénat a complété le projet de loi par neuf nouveaux articles qui, à l'exception de l'article 7 ter, sont totalement incompatibles avec la philosophie et les objectifs du projet.
Tel est le cas, en premier lieu, des articles qui, en prévoyant des modalités déraisonnables d'aménagement de certaines peines et des remises ou réductions de peine injustifiées, témoignent d'une conception de l'exécution des peines empreinte d'angélisme (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) et marquée par un inquiétant désintérêt pour la sécurité de nos concitoyens.
Ainsi, l'article 4 A, qui prévoyait l'aménagement systématique de toutes les peines d'emprisonnement d'une durée inférieure à trois mois, présentait un réel danger pour la sécurité publique en interdisant de façon absolue la mise à exécution immédiate de peines d'emprisonnement qui, bien qu'étant prononcées pour une durée courte, peuvent être nécessaires, notamment pour mettre fin à un trouble à l'ordre public.
L'article 4 B, qui instaurait une règle d'interdiction de dépassement de la capacité maximale d'accueil des établissements pénitentiaires, le fameux numerus clausus, aurait abouti à permettre à certains condamnés de bénéficier de remises de peines non justifiées par leurs efforts de réinsertion, et à anticiper certaines libérations, au risque de placer les personnes libérées elles-mêmes dans des situations précaires et propices à la commission de nouvelles infractions.
Enfin, l'article 4 E, qui prévoyait que les personnes atteintes d'un trouble mental ayant altéré leur discernement au moment des faits bénéficient d'une réduction d'un tiers de la peine maximale encourue, méconnaissait la diversité des troubles mentaux et la nécessité de permettre aux juridictions d'individualiser la peine en fonction des circonstances.
D'autres articles ajoutés par le Sénat apparaissent incompatibles avec la philosophie du projet de loi.
Ils méconnaissent en effet la nécessité de prendre en compte, tant au stade du prononcé de la peine qu'à celui de son exécution, la dangerosité de la personne.
Ainsi, l'article 4 D, qui supprime les peines minimales prévues par le code pénal à l'encontre des récidivistes et des auteurs de violences aggravées, témoigne de l'indifférence du Sénat face à la gravité tant de la récidive que des violences aux personnes ainsi que de son refus d'adapter les réponses pénales apportées aux récidivistes et aux auteurs de violences graves.
Pour conclure, je souhaite insister à nouveau sur le fait que ce programme en faveur de l'exécution des peines, tel qu'il a été adopté par notre assemblée en première lecture et tel qu'il a été rétabli par la commission des lois saisie en nouvelle lecture, vient parachever l'ensemble du dispositif législatif et budgétaire mis en place par le Gouvernement et le Parlement depuis près de dix ans.
Les attentes de nos concitoyens en matière d'exécution des peines sont si fortes que nous nous devons, à l'inverse de nos collègues sénateurs, de poursuivre notre mobilisation sur ce sujet.
Pour toutes ces raisons, je ne peux que vous inviter à confirmer le vote de notre assemblée en première lecture, et à voter le projet de loi dans le texte adopté en nouvelle lecture par la commission des lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mon cher collègue, merci de n'avoir que très modérément dépassé votre temps de parole ! (Sourires.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Monsieur le ministre, par nature, par culture, ou peut-être en raison de mon histoire personnelle, j'ai un goût prononcé pour la fantaisie. (Sourires.) Je dois dire qu'il est totalement comblé par le projet de loi que vous nous présentez.
Qu'on en juge un peu ! Il est question de construire 24 000 places de prisons brutes pour des prisonniers qui n'existent pas, en élevant des murs que l'on ne paie pas, en reportant les coûts sur des loyers que l'on ne comptabilise pas, tout cela étant confié à un prestataire que l'on ne connaît pas, et à qui l'on demandera des prestations que l'on ne mesure pas.
Vous avez raison : c'est fantaisiste et cela s'apparente même à de la magie. Malheureusement, nous sommes à l'Assemblée nationale et nous traitons de sujets tout à fait sérieux.
Monsieur le ministre, vous aviez raison de dire que nous sommes très attachés à l'exécution des peines et à la construction d'une chaîne pénale efficace et rapide qui fait défaut aujourd'hui. Cette chaîne doit fonctionner sans accroc depuis l'interpellation jusqu'à l'exécution de la peine qui peut se faire, au choix, soit derrière des murs, soit en peine aménagée. Une peine aménagée est aussi une peine exécutée ; sur ce plan, nous proposons une philosophie de la peine qui est totalement différente de la vôtre.
J'ai parlé de prisonniers qui n'existent pas. Je pensais aux 80 000 peines prétendument en attente que vous évoquez. Ces peines ne sont pas tout à fait non exécutées ; elles sont en attente. Pour la plus grande partie d'entre elles, elles peuvent être aménagées : il est donc possible qu'elles soient exécutées autrement qu'en procédant à des incarcérations.
Nous avons affaire en outre à un projet de loi de dernière minute. L'idée de créer 24 000 places de prison supplémentaire est apparue le 13 septembre 2011, à Réau, dans le discours du Président la République. Ce projet n'existait pas auparavant, il n'avait fait l'objet d'aucun travail préalable, et nous en étions restés – avec une relative sagesse, je dois le dire – au projet de terminer la construction de 13 000 nouvelles places, ce qui aurait porté notre parc total à 65 000 places, sachant que l'on compte à l'heure actuelle 65 000 détenus.
Pour justifier le fait qu'il faille porter le nombre de places de notre parc pénitentiaire à 80 000 à l'horizon 2017, on est allé chercher 24 000 peines prétendument non exécutées dans un rapport de l'inspection des services judiciaires. Ces peines n'existent pas vraiment ; elles font partie du stock ordinaire des peines devant être exécutées parmi les 120 000 peines de prison ferme prononcées chaque année.
Les murs que l'on ne paie pas, ai-je dit. Je pensais à la procédure de partenariat public-privé. Le projet de loi ne précise pas le nombre de peines qui seront confiées au privé. Il prévoit seulement que 3,5 milliards d'euros seront affectés à ce programme pénitentiaire. Or nous savons que cette somme représente la moitié du budget annuel de l'administration pénitentiaire.
Je constate qu'à deux mois d'une élection présidentielle majeure, qui permettra de trancher sur ces questions de philosophie pénale, vous nous demandez d'engager notre pays pour cinq ans. Cela ne me semble pas bien sérieux.
Il y a aussi les loyers que l'on ne comptabilise pas. Aujourd'hui, leur montant reste inconnu. Quel coût cela aura-t-il de confier un certain nombre de ces 24 000 nouvelles places à des partenaires privés ? Ces derniers devront construire les prisons, mais ils seront aussi chargés de la maintenance immobilière – électricité, plomberie, gestion des malfaçons… – et de l'hôtellerie, c'est-à-dire de toutes les prestations à l'exception de la surveillance. Sans que l'on sache combien cela coûtera, on est certain que ce sera cher. On ne sait pas non plus comment cela sera gérable à l'horizon 2017. D'autant que les concessionnaires s'engagent sur une longue durée, comme les concessionnaires d'autoroutes, et qu'ils attendent évidemment un retour sur investissement dont nous ne savons absolument pas s'il sera compatible avec la politique pénitentiaire ou avec la politique pénale qui sera en vigueur dans plusieurs années. Nous n'avons aucune réponse à cette question essentielle.
J'ai encore évoqué les prestataires que nous ne connaissons pas. Nous ne savons pas qui sera contacté ; nous subodorons qu'il s'agira des trois grands groupes de BTP ayant des filiales spécialisées susceptibles de répondre à ce type de demande. Eiffage, Vinci et Bouygues se trouvent, en quelque sorte, en situation d'oligopole sur ce marché. Ces groupes ne sont évidemment pas encore désignés, ils le seront au terme d'une procédure, mais on peut se demander si nous avons intérêt à nous mettre entièrement entre leurs mains et à les laisser devenir les gestionnaires de la totalité de la politique pénale.
J'ai enfin parlé de prestations que l'on ne mesure pas aujourd'hui. Les concessionnaires qui seront chargés de l'hôtellerie devront également fournir un certain nombre de prestations. Pour citer deux exemples, ils procureront du travail aux détenus ou ils interviendront en matière d'enseignement, même si cela relève des services pénitentiaires d'insertion et de probation, les SPIP. Or, à ce jour, aucun détail ne nous a été communiqué sur des sujets aussi essentiels. Décidément, il s'agit d'engagements bien trop importants pour que nous nous lancions ainsi dans une telle aventure.
Nous sommes d'accord avec M. le rapporteur sur un point, et sur un seul. Comme lui, nous disons qu'une autre politique est possible.
Ça, c'est de la fantaisie !
Dans sa sagesse, le peuple tranchera aux mois d'avril, mai et juin prochains, mais vous pouvez déjà apercevoir les prémices de cette politique différente en prenant connaissance des amendements adoptés au Sénat.
Cet autre politique vise en partie à remplacer l'enfermement par le contrôle. Examinons les chiffres dont nous disposons. Au 1er janvier 2001, on comptait 47 837 détenus écroués dans les prisons françaises. Le taux d'incarcération en France, rapport du nombre de détenus à la population, s'élevait, en conséquence, à 75,6 pour cent mille. Le 1er janvier 2011, les détenus étaient au nombre de 60 544 et le taux d'incarcération s'élevait à 93,1 pour cent mille. Aujourd'hui, le nombre de détenus s'élève à 65 699 et le taux d'incarcération frôle les 100 pour cent mille. Autrement dit, en dix ans, le nombre de détenus a progressé de 25 % sans que cela ait de véritable effet sur la sécurité. Nous n'avons pas trouvé de modèle pénal qui garantisse une amélioration de la sécurité.
Aujourd'hui, dans tous les domaines, il est de bon ton de se pencher sur l'exemple de notre voisin allemand : nous sommes censés tirer de la réussite de son économie des enseignements qu'il conviendrait d'importer dans notre pays. Qu'en est-il dans le domaine qui nous intéresse ce soir ? Les Allemands ont fait de la déflation carcérale. Le nombre de détenus a baissé en Allemagne : le 1er janvier 2001, ils étaient 78 707, soit un taux d'incarcération de 95 pour cent mille ; le 1er janvier 2009, ils étaient 73 263 et le taux d'incarcération était passé à 88 pour 100 000. Cette évolution à la baisse s'est produite sans qu'il y ait une montée de l'insécurité en Allemagne ni que soient enregistrées des difficultés particulières. Je pense qu'il s'agit de pistes que nous devrions explorer.
Vous le faites d'ailleurs partiellement – nous le mettons à votre crédit et nous vous incitons à poursuivre cette politique –, puisque le nombre d'aménagements de peine pour les personnes sous écrou a crû de 23,9 % en une année. Au 1er février 2012, 11 314 personnes effectuent leur peine sous écrou à l'extérieur des murs. Cela se fait à la satisfaction générale – même si je ne prétends pas qu'il n'y a jamais d'incidents, mais il y en a également en détention. J'ajoute que les coûts générés par cette méthode d'exécution des peines sont bien inférieurs à ceux de l'enfermement.
C'est le sens des aménagements proposés par le Sénat.
À ce titre, le numerus clausus est un mode intéressant de gestion de la détention qui permet de lutter contre la surpopulation. Il ne retarde jamais l'incarcération puisque, en cas de surpopulation, dans les deux mois, les détenus les plus proches de la fin de leur peine, qui justifient des conditions permettant un aménagement de peine, exécutent le reste de celle-ci à l'extérieur. C'est donc un mécanisme de régulation, qui ne retarde pas l'exécution des peines.
C'est également le sens du mécanisme qui permet une libération conditionnelle quasi-automatique, sauf avis contraire du juge d'application des peines, et j'insiste sur ce dernier élément.
Il y a encore l'idée, dont les parlementaires socialistes ne sont pas à l'origine puisqu'elle vient d'un sénateur UMP, consistant à prévoir une réduction de peine pour les personnes présentant une altération du discernement. Celle-ci n'est jamais prise en compte, car on considère malheureusement que les malades mentaux qui ne sont pas totalement irresponsables pénalement sont particulièrement dangereux. Je crois qu'il s'agit d'une injustice.
Vous consentez certains efforts qui sont importants, mais si l'on compare le volet de votre texte consacré à l'incarcération à celui qui est consacré au suivi, on constate une fantastique disproportion des moyens accordés. D'un côté, vous annoncez la création de 132 postes dans les SPIP et, de l'autre, celle de 24 000 places de prison brutes. Ce rapport semble quelque peu déraisonnable.
Vous tentez de résoudre le problème des collaborateurs de justice, notamment celui du manque criant de psychiatres. Cette question est ancienne ; elle est aussi budgétaire. Il faudra avancer, car certains collaborateurs de justice travaillent dans des conditions totalement dérogatoires au droit du travail. Malgré un décret qui date, je crois, de juin 2000, les cotisations sociales de ces personnels ne sont pas réglées, et la régularisation qui devait avoir lieu tarde toujours à venir.
Puisque nos politiques pénales s'opposent et que nous sommes à deux mois et demi d'une échéance électorale qui déterminera l'orientation de la politique de notre pays, la sagesse commande de renvoyer ces questions au lendemain de l'élection présidentielle.
Et la délinquance, faut-il la renvoyer aussi au lendemain des élections ?
C'est pourquoi nous demandons le rejet de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur Raimbourg, il est un point sur lequel je peux être d'accord avec vous : nous n'avons, en effet, pas du tout la même vision de la politique pénale,…
…puisque vous réclamez la suppression de l'ensemble des apports de ce projet de loi de programmation très ambitieux et qui n'est en rien fantaisiste.
À l'instar de ce que nous avons fait en 2002 en votant une loi de programmation prévoyant la création de 13 200 places de prison, nous nous engageons à créer, d'ici à 2017, 24 000 places de prison supplémentaires. Mais nous nous engageons sur bien d'autres sujets. Le texte vise également à faciliter la création de nouveaux centres éducatifs fermés. Las, le Sénat a supprimé ces dispositions, ce qui est totalement incohérent. En effet, les centres éducatifs fermés donnent de si bons résultats que, lors de certains meetings, votre candidat a déclaré qu'il fallait absolument les conserver, voire accélérer leur construction. Comment peut-on tenir des discours si différents selon les enceintes où on les prononce ?
Par ailleurs, en souhaitant rendre systématiques un certain nombre d'aménagements de peine, vous niez finalement le pouvoir d'appréciation des juges. Vous estimez qu'il n'est pas nécessaire de créer ces 24 000 places de prison parce que les détenus censés les occuper n'existent pas. Mais nous savons bien que le nombre des détenus va augmenter ; nous analysons la situation depuis des années. Et ne dites pas qu'une telle augmentation est due à la politique particulièrement répressive que nous menons ; ce serait, là encore, faire fi du pouvoir d'appréciation des juges.
Notre ambition a été de donner aux magistrats des outils juridiques plus nombreux et plus complets : à eux de les choisir et de les utiliser. Il est vrai que les magistrats, qu'ils siègent dans une juridiction de jugement, d'application des peines ou au parquet, disposent de beaucoup plus de moyens juridiques qu'il y a dix ans. Pourquoi vouloir les remettre en cause ? Encore une fois, c'est aux magistrats de choisir d'utiliser ces outils ou non. Au demeurant, je rappelle qu'ils peuvent même prononcer des peines inférieures aux peines dites plancher créées par la loi de 2007, à condition de motiver leur décision – mais quoi de plus normal, pour un magistrat, que de motiver une décision ?
Vous estimez – comme le suggère le titre retenu par le Sénat pour le projet de loi – qu'il convient uniquement d'appliquer la loi pénitentiaire. Or, cette loi, dont j'étais le rapporteur et qui a permis de nombreuses avancées, notamment en matière d'aménagement des peines, est déjà appliquée : les moyens nécessaires ont été alloués et il ne manque qu'un décret, qui doit encore être publié. En réalité, ce n'est pas l'application de la loi pénitentiaire que vous réclamez, mais la mise en oeuvre d'une nouvelle politique pénale qui consiste, finalement, à nier l'existence du crime. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Hélas ! nous ne vivons pas dans un monde parfait. Un certain nombre de peines de prison ne peuvent pas être aménagées, notamment lorsque les condamnés sont reconnus dangereux. À ce propos, je suis très heureux d'avoir contribué à introduire dans le droit pénal français l'évaluation de la dangerosité, qui fait également l'objet de certaines dispositions du présent projet de loi sur lesquelles vous voulez, là encore, revenir. Vous remettez ainsi en cause tout ce qui relève de l'évaluation de la dangerosité et du suivi des personnes qui peuvent être dangereuses, y compris, sous certaines conditions, leur suivi médical.
Au fond, vous nous proposez de tirer un trait sur le texte et de ne rien faire. C'est cet immobilisme qui est fantaisiste, et je le regrette.
Ce projet de loi de programmation n'est évidemment pas un texte de circonstance, comme vous avez voulu le faire accroire. Il est, au contraire, parfaitement cohérent avec le chantier que nous avons lancé il y a dix ans. Le programme de création de 13 200 places de prison est aujourd'hui achevé, mais nous savons qu'il nous faut en créer encore de nouvelles, ne serait-ce que pour permettre l'application des décisions de justice dans des délais brefs. J'ai entendu dire que vous souhaitiez que les peines soient exécutées rapidement, mais elles ne peuvent pas l'être si l'on ne donne pas à la justice les moyens nécessaires et si l'on ne crée pas de nouvelles places de prison.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous demande de repousser la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Raimbourg a été très honnête puisqu'il nous a indiqué, dès le début de son propos, qu'il allait faire une présentation fantaisiste du texte et il a parfaitement réussi, probablement au-delà de ses espérances.
C'est votre présentation qui l'était.
Des lois pénales ont été votées par le Parlement, les magistrats les appliquent fort honnêtement et un certain nombre de personnes sont ainsi condamnées définitivement. Or, on évalue à environ 80 000 le nombre de peines d'emprisonnement en attente d'exécution. Il est donc normal que nous cherchions à exécuter les décisions du juge. C'est ainsi que l'on respecte la justice et les magistrats, et non en proclamant que l'on veut une magistrature indépendante : celle-ci est libre et le démontre tous les jours. Il est inutile de la menacer de je ne sais quoi ; les magistrats sont nommés dans des conditions tout à fait respectables : si l'avis du CSM n'est pas favorable, le ministre ne propose pas leur nomination.
Cela existe depuis très longtemps.
C'était en d'autres temps. Le cas auquel, probablement, vous pensez s'est rencontré sous le mandat d'un autre Président.
C'est précisément ce que je voulais vous faire dire, monsieur Urvoas : il a été nommé sous un autre mandat présidentiel.
Nous sommes bien d'accord. Je vous remercie d'en donner acte au Président de la République.
Actuellement, disais-je, nous comptons 80 000 personnes définitivement condamnées dont les peines doivent être exécutées. Divers modes d'exécution sont possibles, bien entendu, parmi lesquels l'emprisonnement. Toutefois, celui-ci doit se faire dans le respect de la loi pénitentiaire, qui a prévu un encellulement individuel. Il faut donc poursuivre la construction de places de prison supplémentaires. Actuellement, on compte 66 000 détenus pour 57 000 places disponibles : il y a donc 9 000 détenus de plus que le nombre de places disponibles. Il nous faut donc déjà construire ces 9 000 places si l'on veut respecter la loi pénitentiaire.
Mais le Gouvernement n'a jamais prétendu vouloir mettre en prison ces 80 000 personnes définitivement condamnées : nous réservons 14 000 nouvelles places – 23 000 moins 9 000 – pour l'exécution de leurs peines. Je vous demande au moins de nous donner acte sur ce point. J'ai tout à fait conscience qu'il ne faut pas confondre le flux et le stock, et je ne les ai jamais confondus. Mais il faut bien faire en sorte que les décisions de justice soient exécutées.
Elles doivent l'être par tous les moyens possibles et imaginables, nous dites-vous. C'est vrai. C'est pourquoi, au début de cette année, j'ai relancé les travaux d'intérêt général ; j'espère que nous aurons, en ce domaine, plus de succès que par le passé. Actuellement, un peu plus de 11 000 personnes exécutent leur peine en dehors du système carcéral, et c'est tant mieux. Mais il faut savoir que leur nombre est forcément limité, car il n'est pas aussi facile qu'on le dit de suivre une personne placée sous surveillance électronique. Tout d'abord, elles doivent pouvoir être toutes suivies, y compris outre-mer, alors que le centre se situe à Fresnes, ce qui crée quelques difficultés. Ensuite, les systèmes électroniques tombent parfois en panne, ce qui pose de graves problèmes. On ne pourra donc pas placer 80 000 personnes sous surveillance électronique. Le projet de loi qui vous est soumis est équilibré : il prévoit le recours à l'incarcération individuelle lorsque celle-ci est nécessaire et l'utilisation de tous les autres procédés de placement lorsqu'ils sont adaptés.
S'agissant de la construction des établissements pénitentiaires, la loi prévoit expressément que l'on ne pourra pas recourir aux partenariats public-privé pour plus de la moitié des places, car nous avons parfaitement conscience qu'il faut utiliser tous les systèmes. De la même façon, j'examinerai quels sont les établissements existants qui peuvent être encore utilisés, en y réalisant les aménagements nécessaires. Très souvent – cela peut paraître bizarre, mais j'ai pu le vérifier en visitant de très nombreux établissements –, les détenus sont attachés à la prison dans laquelle ils sont incarcérés.
Monsieur Urvoas, je vous remercie beaucoup de cette intervention extrêmement intéressante à ce moment de la discussion…
À Aurillac, par exemple, des détenus m'ont indiqué qu'ils souhaitaient rester dans l'établissement où ils se trouvaient. Nous allons donc conserver les prisons existantes qui devaient être détruites, afin qu'elles contribuent à la création des 24 000 nouvelles places, car nous n'avons pas forcément les moyens financiers de construire celles-ci rapidement. Or, nous voulons aller vite.
Nos concitoyens sont très attachés à l'exécution des peines et leur dire, de façon un peu caricaturale, que, pour mettre une personne en prison, il faut qu'une autre en sorte, ce n'est pas une bonne méthode, et vous le savez parfaitement. Vous pouvez évoquer cette chimère tant que vous ne serez pas contraints de l'appliquer, car elle ne peut pas l'être. À cet égard, l'adoption d'un numerus clausus par le Sénat est tout à fait condamnable. Tous les esprits attachés à l'idée simple selon laquelle la peine est une période de reconstruction de l'individu, qui doit le détourner de la récidive et l'aider à retrouver sa place dans le concert social, auront à coeur de voter ce texte. C'est la raison pour laquelle je vous demande de repousser la motion de rejet préalable défendue par M. Raimbourg. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Dans les explications de vote, la parole est à Mme Marie-Hélène Amiable, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, ce projet de loi s'inscrit dans la lignée des textes, toujours plus répressifs, que le Gouvernement et sa majorité font adopter depuis cinq ans.
Ce texte sur l'exécution des peines est un énième texte censé, selon vous, faire de la lutte contre l'insécurité et la récidive une priorité absolue. Pourtant, il y a tout lieu d'en douter au regard de l'échec à répétition de votre politique sécuritaire qui, loin d'avoir produit des résultats notables sur le taux de récidive, n'a eu pour conséquence, depuis cinq ans, que de renforcer l'engorgement des établissements pénitentiaires.
Abordée à la veille des élections et sans concertation avec les professionnels, cette grave question mérite, à notre sens, beaucoup mieux. L'agitation, les effets d'annonce jamais suivis de résultats lassent les citoyens et ne peuvent masquer votre mauvais bilan. Les députés communistes, républicains, citoyens et du Parti de gauche rejettent ce projet de loi orienté vers le tout-carcéral, empreint d'une logique purement gestionnaire, faisant la part belle au privé sans aucune garantie, poursuivant l'entreprise de déconstruction de l'ordonnance de 1945 et, ce qui est extrêmement grave, refusant de donner de véritables moyens matériels et humains aux professionnels de la justice.
Vous l'aurez compris, notre groupe soutiendra la motion de rejet préalable présentée par nos collègues du groupe SRC.
Le groupe UMP est, bien sûr, totalement opposé à cette motion de rejet préalable. Vous n'avez pas su, monsieur Raimbourg, vous démarquer, comme on aurait pu l'espérer, des positions archaïques, démagogiques et sectaires adoptées par les sénateurs socialistes sur le sujet extrêmement important traité par ce projet de loi.
Seul un goût prononcé pour la fantaisie – goût que vous avez revendiqué au début de votre intervention et dont, au demeurant, personne ne songe à vous faire grief – peut expliquer votre refus de voir que l'exécution des peines constitue bel et bien un problème majeur, qui nourrit un sentiment de défiance à l'égard de la justice de notre pays. Il est évident qu'une peine prononcée par un tribunal au nom du peuple français doit être exécutée ! Pourtant, et ceci est révélateur de la position du parti socialiste, vous n'avez pas craint d'affirmer que « les peines non exécutées ne sont pas réellement non exécutées : elles sont seulement en attente »… C'est là une position extrêmement originale, comme le sont les positions adoptées par le Sénat – ainsi l'idée de numerus clausus, contraire, j'en suis convaincu, à notre Constitution, qui voudrait que, dans l'hypothèse où la capacité maximale d'accueil des établissements pénitentiaires, déterminée on ne sait selon quels critères, est atteinte, toute nouvelle incarcération soit obligatoirement précédée de la libération anticipée d'un détenu. Cette proposition, qui revient à contingenter la justice, constitue, à mon sens, un acte de défiance majeur à l'égard des magistrats et de leur capacité à individualiser les peines.
Que dire, par ailleurs, du principe que vous défendez, consistant à rendre obligatoire et systématique l'aménagement de peine pour toutes les peines de moins de trois mois qui seraient prononcées ? Vous allez, là encore, à l'encontre des principes fondamentaux régissant notre justice. Si je ne craignais de forcer le trait, je dirais que vous apportez une réponse définitive au problème de l'exécution des peines… en supprimant les peines ; C'est une logique qui m'échappe, mais à laquelle semblent obéir toutes les modifications apportées au projet de loi par vos amis du Sénat !
Pour ces raisons et pour celles exposées avec brio par M. le rapporteur ainsi que par M. le ministre, nous souhaitons que ce texte extrêmement important soit adopté avant la fin de la mandature. Constituant une avancée majeure pour notre justice, il prévoit, avec une visibilité sur le long terme, les moyens matériels et les effectifs nécessaires à tous les niveaux pour permettre une fluidification de la chaîne de l'exécution des peines. Je ne comprends pas ce qui peut justifier un rejet de votre part de ce texte essentiel, si ce n'est pour des raisons idéologiques, relevant d'une forme de dogmatisme, d'un refus de tenir compte de la réalité des problèmes de sécurité dans notre pays.
On entend votre candidat à l'élection présidentielle prôner une meilleure exécution des peines et une meilleure prise en compte de la délinquance des mineurs par la création de centres éducatifs fermés supplémentaires. J'invite les personnes qui pourraient encore croire à ce discours à lire le compte rendu des débats qui ont eu lieu au Sénat : cela devrait leur ouvrir les yeux. Clemenceau disait : « On ne ment jamais autant qu'avant les élections, pendant la guerre et après la chasse. » Alors que nous nous trouvons en période préélectorale, je trouve que votre candidat fait preuve d'une remarquable aptitude à mentir aux Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Le groupe SRC va, naturellement, voter la motion de rejet préalable que vient de défendre notre collègue Dominique Raimbourg, avec l'esprit de synthèse et la capacité à aller à l'essentiel dont il aura fait preuve durant toute cette législature.
Il y a quelque chose d'assez baroque à débattre d'une loi de programmation à quelques semaines de la fin d'une législature et dans un hémicycle quasiment vide – nous sommes à peine une vingtaine ce soir. Certes, il est rassurant de se dire que ce qu'une loi a fait, une autre pourra le défaire, et que cette loi de programmation ne survivra sans doute pas à cette législature, ce que ne sauraient regretter ceux qui, parmi nous, sont soucieux d'une bonne justice.
Je vous admire, monsieur le garde des sceaux, pour votre volonté opiniâtre de donner de la cohérence à un projet de loi totalement chaotique, en un plaidoyer que tous vos efforts ne suffisent cependant pas, je suis navré de vous le dire, à rendre convaincant. Comme toutes les lois que vous avez soumises au Parlement, ce projet a été inspiré par un fait divers malheureux – le drame de Chambon-sur-Lignon…
…et présenté en grande hâte en conseil des ministres, alors que nul n'en avait entendu parler auparavant. Ce texte fait de bric et de broc tourne résolument le dos à la loi pénitentiaire – dont, pourtant, vous revendiquez constamment la paternité –, laquelle était basée sur le principe que le tout-carcéral ne doit pas être l'unique réponse à toutes les politiques publiques. Or le texte que nous examinons ce soir n'est rien d'autre, en réalité, qu'une fuite en avant vers ce tout-carcéral, niant l'aménagement des peines.
Comme nous avons eu l'occasion de le dire la semaine dernière, monsieur le rapporteur, la loi n'est pas appliquée : certes, les textes prévoyant qu'elle puisse l'être sont publiés, mais ce n'est pas tout à fait la même chose ! Sur les 22 décrets qui devaient être pris, vous en avez d'ailleurs omis un, qui, nous l'espérons, finira par sortir…
…celui relatif à l'observatoire sur les taux de récidive et de suicide dans les établissements pénitentiaires.
Un autre décret est bafoué, celui sur les fouilles intégrales systématiques prévues par les règlements intérieurs de certains établissements, dont nous avons parlé en première lecture : j'espère que le Conseil d'État saura rétablir le droit pour mettre fin à une pratique parfaitement arbitraire, que nous condamnons à nouveau.
Parce que cette loi de programmation tourne le dos à la loi pénitentiaire ; parce que, négligeant les solutions que sont la probation ou le milieu ouvert, elle ne connaît que le tout-carcéral, alors que l'incarcération devrait constituer la sanction ultime, nous allons voter la motion de rejet préalable présentée par notre collègue Dominique Raimbourg.
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous regrettons que la commission des lois de notre assemblée n'ait pas adopté le projet de loi modifié par le Sénat. Cela nous aurait permis de débattre, dans notre hémicycle, d'un projet de loi aux orientations diamétralement opposées à celles choisies par le Gouvernement.
À cet égard, les députés communistes, républicains, citoyens et du Parti de gauche se félicitent que la commission des lois du Sénat se soit ralliée à la position défendue par la rapporteure, Mme Nicole Borvo, consistant à récrire complètement le projet de loi relatif à l'exécution des peines. Si le texte adopté par le Sénat améliorait grandement le texte initial, il était encore perfectible et ne prétendait pas à l'exhaustivité. D'abord parce que les parlementaires n'ont pas la possibilité d'engager des dépenses supplémentaires, ensuite, parce que ce sujet mérite une réflexion approfondie – ce que, de toute évidence, ne permet pas la procédure d'urgence imposée, de façon injustifiée, pour la discussion de ce texte.
Reste que le projet de loi, modifié par le Sénat à rebours de la politique du Gouvernement, entendait mettre un terme à l'accroissement continu du parc pénitentiaire, en abrogeant des dispositions relatives aux peines planchers, en posant le principe de l'aménagement systématique des peines d'emprisonnement d'une durée égale ou inférieure à trois mois, en intégrant un mécanisme destiné à prévenir la surpopulation pénale et en posant le principe de l'atténuation de la responsabilité pénale des auteurs d'infractions dont le discernement est altéré au moment des faits.
L'esprit qui animait ce texte résidait dans la conviction que, dans l'intérêt de tous, la peine d'emprisonnement ne doit se concevoir que comme une sanction de dernier recours. Il s'agissait d'un texte progressiste et respectueux des droits des personnes détenues, qui prenait le contre-pied du projet de loi du Gouvernement que nous réexaminons aujourd'hui.
En première lecture, mon collègue Marc Dolez avait dénoncé un projet de loi imprégné d'une logique sécuritaire inefficace. Je rappellerai nos principales objections. Tout d'abord, la réalisation d'un parc pénitentiaire de 80 000 places traduit une priorité donnée à l'incarcération par rapport aux aménagements de peine. Les raisons que vous avez avancées sont, d'une part, la nécessité de résorber le « stock » de peines d'emprisonnement en attente d'exécution et, d'autre part, l'augmentation régulière du nombre des condamnations à des peines privatives de liberté.
Pour ce qui est du problème de l'inexécution des peines d'emprisonnement ferme, une double ambiguïté doit être levée quant au stock : les peines d'emprisonnement ferme ne doivent pas nécessairement, ni même principalement, donner lieu à une détention effective. Sur ce stock, 95 % des peines sont aménageables – les peines inférieures à deux ans, ou à un an en cas de récidive – par le juge de l'application des peines. Or, une peine aménagée est bien une peine exécutée. Les retards dans l'exécution des peines n'ont donc pas nécessairement de lien avec les disponibilités du parc pénitentiaire, mais résultent de la conjonction de plusieurs facteurs, qu'il s'agisse du manque d'effectifs à l'exécution des peines ou encore de retards aux différents maillons de la chaîne pénale.
En ce qui concerne l'augmentation supposée de la population pénitentiaire, les projections du Gouvernement se fondent sur des bases de calcul choisies de manière arbitraire. Ainsi, le Gouvernement prend comme unique référence le nombre des condamnations à des peines d'emprisonnement. D'autres chiffres auraient tout aussi bien pu être pris en compte sur les années 2003-2011, notamment celui du nombre des poursuites, celui des entrées en détention ou encore celui des personnes écrouées. Chacun de ces chiffres aurait donné lieu à des prévisions différentes, et souvent inférieures à celles retenues par l'étude d'impact.
En outre, force est de constater que, durant la période 2003-2011, prise pour référence, le nombre de peines privatives n'a pas augmenté de manière continue. Si ce nombre a bien augmenté entre 2003 et 2007, il a connu ensuite un infléchissement – moins 2,5 % en 2009 par rapport à 2008 et moins 1,8 % en 2010 par rapport à 2009 – avant de remonter en 2010. Construire une moyenne sur une évolution aussi disparate paraît pour le moins hasardeux !
Vous ne pouvez feindre d'ignorer que le taux de détention résulte de plusieurs facteurs, parmi lesquels les choix de législation pénale, la longueur des peines prononcées, ou encore les alternatives à l'emprisonnement. Ces facteurs sont, vous le savez, largement plus décisifs que la capacité du parc pénitentiaire.
Pour notre part, si nous considérons nécessaire d'augmenter le nombre de cellules individuelles et d'améliorer les conditions matérielles de détention, nous contestons, en revanche, votre obsession visant à l'accroissement constant des places de prison. Nous y sommes d'autant plus opposés que vous faites peu de cas des conditions de détention, donc de la réinsertion. Pour vous, le rôle de l'État en matière pénitentiaire consiste à gérer des flux et des stocks, et c'est encore selon cette logique gestionnaire que votre texte propose une diversification du parc carcéral.
Or, la mise en place de structures spécifiques pour les courtes peines n'est pas compatible avec le principe de l'aménagement des peines inférieures ou égales à deux ans d'emprisonnement, principe posé par la loi pénitentiaire de 2009.
Comme le souligne l'OIP dans une lettre ouverte aux parlementaires datée du 2 décembre dernier, si des condamnés ne présentent pas de dangerosité particulière, il est permis de se demander pour quelles raisons ils doivent nécessairement purger leur peine en prison. Toutes les études montrent qu'il est préférable, pour mieux prévenir la récidive, d'exécuter ces peines en milieu ouvert.
Par ailleurs, nous réfutons le choix de mener le programme de construction en partenariat public-privé. Ce choix reporte le poids de la dépense sur le moyen terme et conduit au paiement obligé de loyers sur de longues périodes, rigidifiant de manière structurelle le budget du ministère de la justice, avec le risque d'entraîner un effet d'éviction sur les autres dépenses, notamment celles de fonctionnement. Ce choix traduit la logique managériale du Gouvernement, qui n'hésite pas à recourir à des procédures dérogatoires pour « stocker » la population carcérale.
La trilogie efficacité, efficience et performance devient ainsi la nouvelle légitimation de l'institution carcérale, qu'elle soit promue par le secteur privé ou par le secteur public. Or, en traitant le secteur carcéral comme n'importe quel service public privatisable, vous méconnaissez l'objectif spécifique de la prison.
S'agissant de la lutte contre la récidive, qui constitue le deuxième volet du projet de loi, elle risque de demeurer, une fois plus, sans effet. Les effectifs des conseillers d'insertion et de probation demeurent inchangés, alors que leurs missions n'ont cessé de croître et que les efforts minimes consentis se concentrent sur les seuls emplois de surveillants pour les nouveaux établissements pénitentiaires.
Enfin, le volet sur la prise en charge des mineurs délinquants se focalise une fois encore sur le pénal. L'accroissement du nombre de centres éducatifs fermés au détriment des autres structures d'hébergement risque pourtant de diminuer significativement l'éventail de solutions dont disposent les juges des enfants pour adapter la réponse pénale à la personnalité de chaque mineur délinquant. Nous considérons au contraire que les centres éducatifs fermés ne doivent pas être banalisés et qu'ils ne peuvent constituer la seule réponse au problème de la prise en charge des mineurs délinquants.
De même, ce n'est pas la prise en charge par le service éducatif dans un délai impératif de cinq jours à compter de la date de jugement qui permettra de diminuer les délais entre les jugements prononcés et leur exécution. Seule une augmentation significative du nombre d'éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse…
…et des moyens matériels conséquents permettraient d'y parvenir. Or ce secteur est aujourd'hui exsangue.
Pour conclure, le groupe GDR conteste ce projet de loi, qui s'inscrit, comme les précédents, dans une logique répressive, une logique du tout-carcéral. Ce texte, adopté à la va-vite, sans concertation préalable ni prise en compte de l'avis des magistrats, des éducateurs et des surveillants pénitentiaires, refuse de donner aux professionnels de la justice les moyens humains et matériels nécessaires à l'accomplissement de leurs missions. Notre groupe votera donc résolument contre.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne peux que regretter que le texte qui nous a été transmis par le Sénat n'ait, il faut bien l'admettre, plus grand-chose à voir avec le projet de loi que nous avons voté le 17 janvier dernier dans cet hémicycle. Les sénateurs de gauche sont allés jusqu'à en changer le titre ! Ce texte est ainsi devenu un « projet de loi de programmation relatif aux moyens nécessaires à la mise en oeuvre de la loi […] pénitentiaire ». Hors sujet, pourrait-on dire.
Pourtant, pour la première fois, un texte inscrivait dans la durée les moyens nécessaires pour assurer l'exécution effective des peines, objectif qui devrait tous nous réunir et faire l'objet d'un large consensus de la part de tous ceux qui sont attachés à une bonne exécution de la justice.
Monsieur Urvoas, ce texte n'a naturellement pas été déposé après le drame du Chambon-sur-Lignon. Il a été souhaité par le Président de la République au mois de juin dernier,…
…après que je lui ai remis un rapport qu'il m'avait demandé sur l'exécution des peines. Il en a lui-même décidé dans une réunion interministérielle qu'il présidait.
Le fait que le Sénat ait décidé de dénaturer et de vider totalement de son contenu le projet de loi de programmation relatif à l'exécution des peines – à l'exception, il est vrai importante, comme l'a rappelé le rapporteur, de la partie sur les saisies et les confiscations, introduite par le président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann – est non seulement regrettable, mais surtout tout à fait révélateur de l'attitude irresponsable et, il faut bien le dire, sectaire de la majorité sénatoriale.
Cette attitude, mes chers collègues, a cependant un mérite : celui d'éclairer nos concitoyens sur la réalité des propositions du parti socialiste et de son candidat en matière de réponse pénale face à la délinquance.
Le Sénat s'est érigé depuis quelques mois en un petit laboratoire des catastrophes qui pourraient tomber sur la France si par malheur vous arriviez aux responsabilités au printemps prochain. (Rires ironiques sur les bancs du groupe SRC.)
Les discours prônent le réalisme ; les actes témoignent de l'archaïsme. Il est utile, à cet égard, de s'attarder sur les dispositions votées par les sénateurs socialistes.
D'abord, en ce qui concerne le nombre de places de prison. Le chiffre a été rappelé : avec 65 699 personnes incarcérées au 1er février 2012, le nombre de détenus a atteint un nouveau record, alors que nous disposons de 58 000 places de prison – 7 000 de plus au cours de cette législature – et que le nombre de peines en attente d'exécution dépasse les 80 000.
Face à cette situation, deux solutions très opposées se dégagent. Une solution, pragmatique et de bon sens, consiste à augmenter les capacités du parc carcéral et à diversifier les établissements pour répondre aux besoins réels ; c'est la nôtre. Une autre consiste à se réfugier dans une forme de déni de réalité visant à ignorer les besoins du parc pénitentiaire, à supprimer les peines et à imposer le numerus clausus que vous prônez afin de vider les prisons et faire ainsi en sorte que les peines ne soient pas prononcées. C'est votre solution.
Imposer un numerus clausus dans les prisons reviendrait à empêcher toute incarcération décidée par la justice, au motif qu'il n'y aurait pas de places suffisantes en détention. Cette idée est profondément choquante, comme l'a rappelé tout à l'heure le garde des sceaux, car elle ferait dépendre la décision de chaque magistrat jugeant au nom du peuple français du nombre de places de prison disponibles. Le numerus clausus est tout simplement une proposition insensée.
En clair, cela signifie que les socialistes veulent que beaucoup de condamnés à de la prison ferme demeurent en liberté, c'est-à-dire bénéficient d'une impunité totale.
On retrouve ici, certes, une forme de logique, dans la continuité de la proposition qu'avait formulée Mme Lebranchu. En effet, malgré les dénégations qu'elle a faites ici même, je tiens à sa disposition l'article de Libération, qui est devenu quasiment le Journal officiel du parti socialiste… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
…qui relate ses affirmations. Le 1er mars 2011, dans un colloque qui se tenait ici même, à l'Assemblée nationale, elle proposait de limiter le nombre de places de prison à 43 000, soit 15 000 places de moins par rapport à la situation actuelle et 37 000 de moins par rapport aux objectifs que nous nous fixons dans ce projet de loi.
Continuons le catalogue des mesures pour le moins originales proposées par les sénateurs socialistes. Parmi elles, figure celle qui consiste à aménager automatiquement, systématiquement et obligatoirement toutes les peines d'emprisonnement inférieures à trois mois. Cela va à l'encontre de principes constitutionnels comme le pouvoir d'appréciation du juge et l'individualisation de la sanction. Pour la majorité sénatoriale, les peines courtes ne doivent jamais être exécutées en détention. Là encore, c'est pour le moins inédit et original.
Cela a au moins le mérite de révéler aux Français la vérité de la position socialiste. En forçant un peu le trait, on pourrait dire que votre position se résume assez simplement : pour mieux exécuter les peines, il suffit de les supprimer. Il fallait y penser ; vous l'avez osé !
Enfin, les sénateurs socialistes ont souhaité supprimer les peines planchers sous prétexte qu'elles limiteraient la liberté d'appréciation du juge, alors que d'un autre côté ils ont voté, comme je le disais à l'instant, pour l'automaticité de la libération conditionnelle et des aménagements de peines inférieures à trois mois. Où se trouvent la logique et la cohérence dans ce raisonnement ?
Face à ces positions, il faut bien le reconnaître, idéologiques et dogmatiques, le texte initialement voté par notre assemblée a fixé un cap très clair pour les cinq prochaines années en formant un ensemble cohérent et ambitieux pour améliorer notre système judiciaire. Il a le mérite de cibler concrètement les principaux dysfonctionnements de la justice, dont l'origine est principalement liée à l'insuffisance des capacités carcérales, comme je l'avais établi dans mon rapport sur l'exécution des peines.
Au total, des moyens considérables seront mis à la disposition de la justice de 2013 à 2017, avec une loi de programmation très précise et ambitieuse : 3,5 milliards de crédits d'engagement et 7 000 emplois créés, dont 200 magistrats, 120 éducateurs et près d'une centaine de greffiers. Ces moyens matériels et humains permettront de mettre en oeuvre de nouveaux dispositifs indispensables pour prévenir la récidive, fluidifier la chaîne pénale, favoriser l'exécution des peines et mieux combattre la délinquance des mineurs.
Il s'agira de porter à 80 000 le nombre de places de prison d'ici 2017 ; renforcer et réorganiser les services d'insertion et de probation ; généraliser les bureaux d'aide aux victimes et les bureaux d'exécution des peines ; construire des structures spécifiques pour les courtes peines ; renforcer l'évaluation des personnes présentant un risque de récidive, avec notamment la généralisation du diagnostic à visée criminologique ; ou encore créer de nouveaux centres éducatifs fermés et mieux prendre en charge les mineurs délinquants, notamment par le développement d'un suivi pédopsychiatrique.
Le texte, dans sa version votée à l'Assemblée nationale, a également le mérite de permettre de sortir d'une certaine forme d'hypocrisie qui a consisté trop longtemps à légitimer des aménagements de peine systématiques pour compenser la faiblesse de nos capacités carcérales.
En conclusion, le groupe UMP veillera à rétablir, comme l'a fait opportunément le rapporteur en commission des lois, un texte conforme à l'objectif du Gouvernement, c'est-à-dire assurer de bonnes conditions d'exécution des peines prononcées par les tribunaux, au service d'une justice plus efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, nos collègues de l'UMP ont à ce point intégré la perspective de quitter le confort de la majorité pour rejoindre les rivages âpres et durs de l'opposition…
Quelle arrogance ! D'autres, qui s'y voyaient déjà, se sont retrouvés à la rue !
…qu'ils ont trouvé le moyen, même sur ce texte, de parler de François Hollande et de son projet, inscrivant sa possible victoire au rang de la onzième plaie d'Égypte, après les eaux qui se gorgent de sang, l'invasion des sauterelles et autres calamités !
Au risque de lasser, je vais en venir à l'objet de notre discussion de ce soir, c'est-à-dire une loi de programmation, qui n'est d'ailleurs, en réalité, qu'une loi de construction.
Pour la seconde fois, en effet, nous débattons d'un texte qui, moins que de l'exécution des peines, nous parle surtout de la façon d'organiser et d'encourager la passation de futurs marchés de travaux publics.
Le seul point concret de ce projet, monsieur le ministre, est d'acter et d'accélérer un programme de construction des prisons en privilégiant une seule forme de contrat administratif, le partenariat public-privé, qui sera le coeur de mon propos.
Vous ne pouvez pourtant pas ignorer les travers d'un tel outil.
Dès janvier 2006, un rapport thématique de la Cour des comptes, intitulé « Garde et réinsertion : la gestion des prisons », alertait sur le risque d'impéritie budgétaire contenu par essence dans le partenariat public-privé.
En juillet 2008, c'est un référé au garde des sceaux, consécutif au contrôle de l'Agence de la maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice, qui pointait le coût élevé des prestataires extérieurs recrutés par l'agence pour mener les négociations relatives à la conclusion des partenariats public-privé.
Deux ans plus tard, en juin 2010, la juridiction financière répétait ses alertes dans un second rapport public intitulé « Le service public pénitentiaire : prévenir la récidive, gérer la vie carcérale ». Les conclusions étaient les mêmes qu'en 2006, les magistrats mettant en évidence les lacunes relatives à la comparaison des coûts entre gestion publique et gestion privée des prisons.
Je peux encore citer les notes sur l'exécution du budget de la mission « Justice » pour les exercices 2007 à 2010, qui soulignent la rigidité croissante du budget de l'administration pénitentiaire.
En octobre 2011, la Cour des comptes, dans un rapport consacré aux partenariats public-privé pénitentiaires, revient à la charge et se livre à une critique aussi virulente que détaillée puisqu'elle estime qu'en euros constants, les dépenses de loyers correspondant aux investissements passeront de 35 millions d'euros en 2010 à plus de 263 millions en 2017.
L'inquiétude des conseillers ne se limite pas à ce point puisqu'ils évoquent la soutenabilité budgétaire de ces loyers cumulés pour des décennies, qui vont passer de 95 millions d'euros en 2010 à 567 millions en 2017, asséchant ainsi les crédits publics.
Enfin, dans cet hémicycle, le 2 février dernier, à l'initiative du groupe GDR, était organisé un débat sur le même sujet. Avec d'autres, ce fut pour moi l'occasion de dénoncer la dérive à laquelle nous assistons depuis la loi du 28 juillet 2008 sur les partenariats public-privé.
Sur le principe, l'appel au partenariat public-privé, contrat dérogatoire du droit commun, doit être exceptionnel. Or, depuis la loi de 2008, l'État ne cesse de le considérer comme un moyen habituel de construction, ce qui est un détournement de la loi.
En sus, et sans doute est-ce encore plus grave, le PPP constitue, sur le plan budgétaire, un choix particulièrement nocif pour les finances publiques. En effet, l'intérêt de passer par cette formule de manière quasi systématique n'est pas démontré par rapport au recours à la maîtrise d'ouvrage publique. Rien d'ailleurs dans l'étude d'impact que vous avez délivrée à l'Assemblée nationale et au Sénat ne vient étayer ce recours au partenariat public-privé.
Chacun sait en outre que sa principale caractéristique, dangereuse, est de reporter le poids de la dépense sur le moyen terme. Comme le dit la commission des lois du Sénat, le partenariat public-privé conduit au paiement obligé de loyers sur de longues périodes, rigidifiant de manière structurelle le budget du ministère de la justice, avec le risque d'entraîner un effet d'éviction sur les autres dépenses, notamment celles de fonctionnement.
Quand on lit toutes ces alertes depuis 2006 jusqu'à cette année, comment comprendre l'entêtement du Gouvernement ?
Vous ne vous placez d'ailleurs pas pour le justifier sur le terrain financier, et vous cherchez d'abord à nous expliquer que le partenariat public-privé est indispensable en raison de la surpopulation pénale. Personne ne nie cette réalité, mais la Cour des comptes vous répond par anticipation : « Si l'insuffisante capacité d'accueil des prisons est une difficulté majeure, la démonstration que cette difficulté soit le résultat d'une incapacité de l'administration à la résoudre sans le recours aux PPP ne paraît pas avérée ».
Ensuite, vous arguez de la complexité des projets mais, là encore, la Cour fait mouche quand elle relève que, « face à la complexité réelle et croissante des projets pénitentiaires, l'administration a privilégié la solution de facilité qui consiste à externaliser cette complexité, sans préjudice du coût de cette prestation ».
Vous avancez, autre argument plus étonnant, la qualité du service rendu grâce au partenariat public-privé. Vous êtes un connaisseur de la chose judiciaire, monsieur le garde des sceaux, et l'argument est cocasse, si l'on veut bien se rappeler les malfaçons de la prison de Roanne, construite par le groupe Eiffage, celles de la prison de Mont-de-Marsan, 64 millions d'euros, construite par le groupe Bouygues, ou celles de la prison Saint-Denis de la Réunion. Affirmer que le PPP garantit la qualité de service, c'est se moquer de ceux qui doivent travailler dans ces équipements.
Vous finissez alors par arriver à l'argument financier, évidemment le plus contestable. D'ailleurs, la Cour des comptes en fait litière, titrant même l'un de ses paragraphes, page 68, sur le fait que le « postulat de surcoût de la gestion publique ne résiste pas à l'examen ».
On sait par contre avec précision le poids que va représenter pour les finances publiques le fait qu'au 1er janvier 2011, sur 189 prisons, quarante-cinq étaient déjà en gestion déléguée sous diverses formes. Ce poids est de plus en plus lourd puisque la place de détenu, si l'on peut parler ainsi, coûtait en 2008 145 500 euros en gestion déléguée, contre 108 300 euros en simple contrat de conception-réalisation. De 2009 à aujourd'hui, le coût des loyers a augmenté de 86 %. Les loyers sont passés de 80 millions de crédits de paiement en 2011 à 114 millions en 2012, soit une augmentation de 42 % en un an. Pour la gestion déléguée, ils passeront de 291 à 295 millions en 2012, soit 14 % de l'ensemble des crédits de paiement de l'administration pénitentiaire.
Ces simples rappels comptables devraient suffire à doucher les enthousiasmes. Ils démontrent en effet que le recours intensif aux PPP est une fuite en avant. Ils devraient donc conduire le Gouvernement à faire preuve de plus de tempérance, plus de sobriété, d'autant qu'avec les décisions prises pour la fin de cette année, les dépenses seront encore plus lourdes puisque 51 % des places de prison seront peu ou prou gérées par un partenaire privé, mais je doute que cet appel à la modération soit entendu et que le voeu soit exaucé.
Je souhaite alors attirer votre attention sur le fait que construire de nouvelles prisons sous le régime du partenariat public-privé est aussi un choix dangereux humainement, dangereux pour la qualité du travail des personnels pénitentiaires, dont il faut rappeler l'utilité sociale indéniable de leur tâche, dangereux aussi pour les personnes en détention.
Les prisons dites modernes sont en réalité des usines carcérales dans lesquelles la présence humaine disparaît au profit d'une sécurité dite passive, dont la vidéo est l'élément central. Écoutez les alertes des organisations syndicales et, notamment, de la CGT pénitentiaire. À l'isolement des personnels s'ajoute leur enclavement dans des couloirs immenses, fermés par des grilles.
Ce choix architectural n'est pas neutre pour les personnes détenues ainsi que pour les personnes qui y travaillent. Ces usines carcérales de 700 ou 800 places ne permettent pas un suivi des parcours de détention. La taille des établissements, dénoncée par le contrôleur général des lieux de privation de liberté, anonymise et déshumanise la détention. Les personnels ne peuvent plus se voir bien souvent, voire ne se parlent plus. Ils ne peuvent plus s'entraider rapidement en cas de problème. C'est d'ailleurs ce que montre avec précision le documentaire « Le déménagement », dont l'administration pénitentiaire, avec votre assentiment, s'évertue à vouloir interdire la diffusion. Il met en lumière bien mieux que ne saurait le faire un rapport parlementaire que la taille des nouvelles prisons et la fuite en avant technologique qui les caractérise ne constituent en rien un progrès ou une avancée vers une détention plus utile.
En réalité, ces nouvelles prisons n'ont rien de moderne : elles dégradent les conditions de travail des personnels tout autant que les conditions de détention des personnes incarcérées.
Monsieur le ministre, notre groupe est opposé à ce vaste programme de construction de places de prison, qui va peser lourdement sur les finances publiques, et en particulier sur celles, pourtant objectivement très faibles, du ministère de la justice, pour un coût social encore plus élevé.
Ce n'est pas en soi une condamnation du PPP que nous prononçons. Il est bon que de tels outils existent pour des circonstances exceptionnelles, mais il n'est pas opportun que leur utilisation soit généralisée au point de devenir en quelque sorte le droit commun de la commande publique.
Continuer à privatiser les établissements pénitentiaires ne peut que nous inquiéter, s'agissant de domaines où doivent primer le respect des droits de l'homme et la fonction de réinsertion de la peine, bien loin de considérations mercantiles.
Monsieur le garde des sceaux, le projet de loi de programmation qui nous réunit pour la seconde fois vise à assurer l'exécution des décisions de justice, principe essentiel de notre système judiciaire. J'avais la naïveté de croire que, dans cet hémicycle, cet objectif était partagé.
La mise en exécution des peines prononcées se doit d'être rapide, effective, lisible. En dépend non seulement la crédibilité des institutions judiciaires mais aussi, on le sait, la confiance de nos concitoyens. C'est un ciment essentiel de la cohésion nationale, qui peut se trouver fragilisé lorsque surviennent des drames que chacun a encore en mémoire.
Nous devons toujours légiférer dans la sérénité, loin de l'émotion, mais certains événements nous interrogent sur nos obligations, comme celle de faire exécuter les peines, obligation qui incombe à l'exécutif mais aussi aux parlementaires que nous sommes.
L'examen de ce texte, vous en conviendrez, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, peut être aussi l'occasion de revenir sur le bilan de ce qui a été fait au cours cette treizième législature.
La loi pénitentiaire avait été réclamée sur tous les bancs de cette assemblée. Nous sommes d'ailleurs un certain nombre à avoir participé à la commission d'enquête parlementaire que présidait à l'époque le président Fabius. Nous avions réclamé un certain nombre de textes, et le Conseil de l'Europe nous a montré la voie. La loi pénitentiaire devait prévoir des conditions de dignité pour les détenus et des peines alternatives pour éviter le tout carcéral.
Je parle sous votre contrôle, monsieur le garde des sceaux, et celui de mes collègues qui se sont intéressés à ces questions, sur tous les bancs : tel a bien été l'objectif, et nous avons été plus loin en créant un contrôleur général des lieux privatifs de liberté, dont la compétence et l'indépendance ne sont mises en cause par personne et qui, chaque année, devant la commission des lois, vient expliquer quels sont les obstacles à la réalisation des objectifs. Il ne faut pas oublier, lorsque l'on parle de l'exécution des peines, la dignité des prisonniers.
Cela dit, il y a une lacune : l'exécution des peines doit être améliorée. Monsieur Urvoas, pouvez-vous au moins reconnaître qu'il y a un vrai problème de crédibilité quand, sur 100 000 peines d'enfermement prononcées, 70 000 ne sont jamais exécutées ?
La loi pénitentiaire permet à tous les condamnés à deux ans d'emprisonnement de bénéficier d'une mesure alternative à l'emprisonnement, mais plusieurs dizaines de milliers de peines prononcées ne sont pourtant jamais exécutées. Il y a donc bien un problème de crédibilité.
Le texte, le rapporteur l'a excellemment rappelé, tend à remédier à l'insuffisance de nos capacités carcérales. Je ne vais pas faire le procès de l'un de nos collègues qui n'est pas dans l'hémicycle, ancien garde des sceaux. Il semblerait qu'il n'ait pas tout à fait tenu certains propos qu'on lui a prêtés. Je ne polémiquerai donc pas projet contre projet, c'est le rôle des deux principaux candidats. Pour autant, il faut bien se poser la question de la capacité de notre parc pénitentiaire. Nous avons eu un débat en première lecture : 80 000 places, est-ce trop pour la population française ? Nous sommes en dessous de la moyenne européenne, c'est la réalité des chiffres.
Le numerus clausus n'est pas une question anodine. C'est une formule pratiquée dans un certain nombre de pays d'Europe, mais pas dans l'optique de ce qui a été voté par le Sénat. Même quand il y a un numerus clausus, celui qui a commis un crime va en prison. On hiérarchise les délits en privilégiant pour les petits délits un placement sous bracelet électronique.
Pour autant, il faut augmenter le nombre de places, non pas uniquement pour faire du chiffre, mais pour tendre à l'objectif de l'enfermement individuel généralisé.
Avec le coût des PPP, notre collègue Jean-Jacques Urvoas pose une vraie question. Il a eu raison de rappeler qu'à l'initiative du groupe GDR, nous avons eu dans cet hémicycle, il y a quinze jours, un débat juridique, en présence de M. Besson, sur le partenariat public-privé. Il existe deux écoles. Au nom de mon groupe, j'ai essayé de proposer des pistes.
Je crois que le PPP est une bonne formule lorsqu'il y a complexité et urgence. En l'occurrence, il y a bien une certaine urgence ; pour autant, au regard du coût annuel des loyers, est-ce une bonne solution ?
Je vais vous faire une proposition, monsieur le garde des sceaux, pour maintenir les PPP. Je l'ai déjà faite à Éric Besson, qui, répondant qu'il ne faisait pas sienne cette suggestion du groupe centriste, l'a balayée d'un revers de main. L'État a des moyens : il a créé le Fonds stratégique d'investissement, il a la Caisse des dépôts. Il joue le rôle d'État actionnaire. Au lieu de laisser des pans entiers de l'investissement au privé, dans le cadre de missions qui, telles que la justice et l'administration pénitentiaire, relèvent selon moi des fonctions régaliennes de l'État, pourquoi ne pas utiliser les leviers de l'État actionnaire, par le biais de la Caisse des dépôts et du Fonds stratégique, pour faire un partenariat public-privé institutionnalisé, un « PPPI » ? Sur ses missions régaliennes, l'État récupérerait ainsi une part de ses investissements.
Vous ferez ce que vous voudrez de cette suggestion, monsieur le garde des sceaux, mais je crois que, dans l'optique, qui nous est commune, que l'État ne se décharge pas de ses obligations sur le privé, c'est une voie à explorer, et je suis certain que vous y prêterez attention.
Sur la prévention de la récidive, il faut attacher la plus grande importance à l'évaluation de la dangerosité des personnes condamnées et à leur suivi. Les textes n'auront aucune portée en l'absence de moyens humains et financiers pour accompagner les détenus, surtout s'ils ont été condamnés pour crimes ou délits sexuels. L'enfermement n'exonère pas d'un tel suivi. Il s'agit d'un besoin récurrent et je sais, monsieur le garde des sceaux, que c'est l'une de vos priorités.
Enfin, puisque le traitement de la délinquance des mineurs est un autre sujet de divergence entre la majorité et l'opposition, il me paraît indispensable d'adapter les outils juridiques et les centres pour mineurs. Ces derniers sont de jeunes adultes, dont la dangerosité, pour un certain nombre d'entre eux, est connue.
Ce texte est peut-être pour moi la dernière occasion de la législature de m'exprimer sur les questions de justice. J'ai essayé d'apporter la contribution de mon groupe parlementaire, que j'ai l'honneur de représenter en la matière, sur les moyens de concilier une exigence de fermeté, car on ne dira jamais assez que la sécurité est avant tout la liberté des plus vulnérables, et des exigences d'humanité et de conformité aux textes européens.
De nombreux textes ont été votés, et l'opposition a été très sévère sur ce qui a été fait. Or ces textes, et les moyens mis en place, répondent à des objectifs partagés. Je regrette donc une opposition systématique, car il me semble que nous sommes parvenus à un équilibre. Le nombre de prisons qu'il nous est aujourd'hui proposé est dans la moyenne européenne. C'est pourquoi, monsieur le garde des sceaux, nous vous apportons notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Serge Blisko, dernier orateur inscrit dans la discussion générale.
Monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dernier inscrit, je vais essayer de ne pas répéter ce qui a déjà été dit, en particulier par mes collègues Dominique Raimbourg et Jean-Jacques Urvoas. Je m'appuierai toutefois sur les propos que vient de tenir M. Hunault, qui a montré certaines contradictions du projet de loi.
Je ne reviens pas sur le chiffre de 80 000 places nécessaires – il a été fait litière de ce prétendu besoin estimé de manière quelque peu électoraliste –, mais je partage pleinement tout ce qu'a dit M. Urvoas dans son implacable démonstration sur les impasses du PPP.
Au moment où nous connaissons une crise des finances publiques et où nous avons le devoir de ne pas laisser à nos enfants, voire à nos petits-enfants, des dettes disproportionnées par rapport à nos capacités productives, on est en train de nous infliger 3,5 milliards de nouvelles dettes publiques. Il vaudrait mieux, au contraire, ne pas alourdir la dette et éviter que la rigidification des loyers conduise à l'étranglement du budget de la Chancellerie, alors que des besoins existent partout, dans les domaines de l'allègement des peines, de l'insertion, de la revalorisation du personnel, du recrutement, notamment de conseillers d'insertion et de probation, dont le rôle est essentiel. Il ne faut jamais oublier qu'aux 65 000 personnes enfermées s'ajoutent 180 000 personnes en milieu ouvert, qui sont aussi sous main de justice et qui, même si elles coûtent moins cher, nécessitent une attention peut-être plus grande encore pour ne pas tomber dans la récidive.
Plusieurs points du projet de loi ont été assez peu évoqués. Tout d'abord, je fais mienne la demande de revoir sérieusement les alternatives aux petites peines. Nous avions fait, je le dis volontiers, un pas en avant avec la loi pénitentiaire. J'ai suivi attentivement ces travaux et j'ai regretté de ne pas pouvoir voter le texte. Si je ne l'ai pu, c'est que, par rapport au Sénat, qui avait alors une autre couleur politique, la majorité de l'Assemblée nationale, trop frileuse, était revenue sur certaines avancées.
Dès le stade du COR, c'est-à-dire dès la préparation du projet de loi au sein du Comité d'orientation restreint, nous avions beaucoup discuté de l'alternative à l'emprisonnement, et nous étions parvenus à émettre collectivement des propositions de bon sens, qui s'inscrivent dans la pratique des démocraties européennes aujourd'hui. L'idée était qu'il ne fallait pas que l'emprisonnement soit la règle unique, ni que la peine s'effectue nécessairement entre quatre murs, car elle doit représenter un moment de reconstruction des personnes. Cela concerne soit des primo-délinquants soit des gens dont le délit est d'importance moyenne ou minime. Ce serait une caricature, monsieur le rapporteur – et je ne pense pas que vous iriez jusque-là –, d'affirmer que l'actuelle opposition a envie de voir de grands criminels en liberté : ce n'est pas du tout le cas !
Cela nous ramène au concept de dangerosité. Je regrette qu'après la période glorieuse du Centre national d'observation, suivie, ces dernières années, d'une certaine période d'endormissement, nous soyons passés à des notions plus quantitatives, avec les échelles actuarielles. Avons-nous le recul nécessaire pour pouvoir dire qu'il s'agit là de la panacée ? Ne faudrait-il pas expérimenter certaines de ces conceptions, qui, même si elles sont québécoises, donc facilement adaptables du point de vue linguistique, sont tout à fait étrangères à nos conceptions, plus psychologisantes, de l'observation des personnes condamnées en vue de déterminer leurs parcours pénitentiaires et d'insertion ? J'aurais souhaité plus de prudence et moins de lyrisme dans cette apologie du « tout actuariel ».
Par ailleurs, regardez votre impasse sur le PPP. Notre collègue Michel Hunault en est à demander, avec réalisme, l'intervention de la CDC ou du Fonds stratégique d'investissement. Au moment où l'industrie française est en train, passez-moi l'expression, de se casser la figure, où nous avons besoin d'injecter des fonds importants pour revitaliser les régions, développer nos laboratoires de recherche, être présent dans l'économie de demain, faut-il mobiliser la Caisse des dépôts pour la construction de places de prison ? Je pense que ce serait passer totalement à côté de ce qu'il faut faire.
Il me semble, monsieur le rapporteur, que vos propos ont dépassé votre pensée – sinon cela m'inquiéterait – au sujet de l'article 122-1, deuxième alinéa, du code pénal concernant les personnes au jugement altéré. Pourquoi vous étonner qu'un sénateur, M. Lecerf, ait proposé dans son rapport de mettre en place une sorte de quantum de peine diminuée ? Si une personne présente une altération du jugement, cela n'empêche pas qu'elle soit jugée, mais il faut tenir compte de son état. Or il est apparu, selon le rapport de M. Lecerf, qu'en raison du mauvais suivi ou de manque de suivi de ces personnes en prison, d'une mauvaise application des mesures psychologiques de rééducation, ces personnes étaient, en moyenne, condamnées plus lourdement que les personnes jouissant de tout leur esprit au moment de la commission des faits. Je trouve paradoxal que des personnes malades au point de vue psychiatrique, même si elles ne sont pas totalement malades et totalement irresponsables, soient plus sévèrement condamnées. C'est un réflexe de peur. Il faut lutter contre ce réflexe, et la proposition de M. Lecerf à cet égard me paraît juste.
Le secret partagé, entre l'autorité judiciaire, l'autorité psychiatrique, les autorités médicales, est un sujet difficile, et l'exemple de Chambon-sur-Lignon a bien montré qu'une régulation était nécessaire. Je considère que l'extension au niveau de l'éducation nationale est un peu rapide ; nous gagnerions à prendre plus de temps.
C'est au fond ce que je reproche à ce texte de circonstance : il a été trop vite. Il résout de manière extrêmement rapide, et même légère, des questions essentielles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La discussion générale est close.
La parole est à M. le garde des sceaux.
Je répondrai quelques mots aux orateurs qui se sont succédé dans la discussion générale, et cela vaudra aussi réponse aux amendements.
Tout d'abord, j'ai relevé une certaine contradiction dans le discours de Mme Amiable. D'un côté, elle affirme que nous avons eu seulement à l'esprit la gestion de flux et de stocks et, de l'autre, elle propose, pour faire autrement, des aménagements automatiques et un numerus clausus, c'est-à-dire uniquement une gestion des flux et des stocks. Cette contradiction est un peu trop voyante pour donner crédit au reste de son discours.
Je remercie M. Ciotti pour l'enthousiasme avec lequel il a soutenu le texte, dont il a d'ailleurs été l'un des principaux inspirateurs.
Parfaitement averti, il était donc à l'aise pour le défendre.
M. Urvoas a centré son propos uniquement sur le PPP. C'est son droit, mais il a donné l'impression qu'il n'y avait rien d'autre dans le texte. C'est excessif. Je n'irais pas jusqu'à dire, comme le plus illustre habitant de Valençay, dans l'Indre, que « tout ce qui est excessif est insignifiant », mais, monsieur Urvoas, vous êtes allé un peu loin. En réalité, pas plus de la moitié des constructions se feront en PPP. Je reconnais d'ailleurs le risque qu'il y aurait à ne procéder qu'avec des partenariats public-privé. Ce que nous faisons aujourd'hui, nous le payerons demain. Il faut équilibrer les divers modes opératoires pour créer des établissements.
Par ailleurs, je regrette beaucoup, alors que le texte propose des mesures qui tendent à faciliter la procédure de conception-réalisation, que vous demandiez leur suppression par voie d'amendement. En effet, elles répondent exactement à votre demande de ne pas prévoir que du PPP. Je regrette que, lorsque l'on vous propose autre chose, vous nous répondiez par la négative ! »
Je comprends bien que la période puisse conduire à défendre des positions dans l'absolu, comme vous le faites à propos des PPP, mais nous n'avons pas voulu utiliser que ce dispositif. Pour autant, il y a au moins une chose qui marche bien avec le partenariat public-privé : c'est probablement dans les établissements pénitentiaires concernés que l'on offre la plus grande quantité de travail aux détenus. C'est un point qui mérite d'être souligné ; C'est même l'un des aspects essentiels de la loi pénitentiaire…
… dont M. Blisko a justement parlé.
Monsieur Hunault, je vous remercie pour vos propos. Vous avez en effet essayé, tout au long de l'examen des textes que j'ai eu l'honneur de défendre devant l'Assemblée nationale, de tenir une position modérée en veillant à l'équilibre de deux droits aussi fondamentaux l'un que l'autre, celui du respect dû aux victimes, dont il faut bien assurer la protection, et celui des auteurs des actes délictueux à retrouver leur place dans la société civile. Vous avez su défendre cet équilibre tout au long de nos discussions.
S'agissant de la présence de la Caisse des dépôts dans le financement, je n'ai pas d'opposition de principe. Cela relève de la liberté du montage des opérations par les différents candidats. Je signale néanmoins que le Fonds stratégique d'investissement, le FSI, est déjà actionnaire d'Eiffage à hauteur de 20 %, et que vous avez donc satisfaction.
Monsieur Blisko, je vous remercie – eh oui ! – car vous avez à l'évidence démontré que la politique menée par le Gouvernement n'est pas le tout carcéral. Vous avez en effet rappelé que pour soixante-cinq mille personnes détenues dans les établissements, il y en a cent quatre-vingt mille à l'extérieur, ajoutant qu'il convenait de veiller à ce qu'elles puissent se réinsérer au plus vite. C'est exactement pourquoi le Gouvernement soutient le texte. Je comprends bien que vous soyez un peu gêné,…
…mais c'est normal. Cela étant, vous avez dit la vérité, et je voulais le souligner parce que ce n'est pas toujours le cas. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)
Le projet de loi ne fait donc pas dans le tout carcéral. Il tend à une prise en compte globale du problème de l'exécution des peines, que ce soit au sein des établissements pénitentiaires ou par d'autres méthodes. Et que vous l'affirmiez, c'est encore mieux que quand c'est moi ! Pour autant, je ne suis pas sûr que vous ayez convaincu vos deux collègues…
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi de programmation.
Sur le rapport annexé à l'article 1er, je suis saisi de plusieurs amendements.
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour soutenir l'amendement n° 1 .
Il est défendu.
(L'amendement n° 1 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Défendu.
(L'amendement n° 39 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Défendu.
(L'amendement n° 36 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Défendu.
(L'amendement n° 53 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Défendu.
(L'amendement n° 37 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 52 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le soutenir.
Cet amendement vise à supprimer les alinéas 11 et 12 de l'annexe à l'article 1er.
(L'amendement n° 52 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour soutenir l'amendement n° 38 rectifié .
Cet amendement vise à préciser qu'une peine d'emprisonnement d'un an est une peine très courte puisque les courtes peines vont jusqu'à deux ans.
(L'amendement n° 38 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 43 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
L'amendement tend à supprimer les alinéas 41 à 57 car il n'est pas possible de se lancer dans un programme de construction aussi important et de façon aussi rapide sans avoir de précisions sur le nombre de places nécessaires.
Avis défavorable. Cet amendement vise à remettre en cause tous les objectifs du projet de loi. Je précise d'ailleurs à mes collègues que tous les amendements présentés par l'opposition ont été repoussés par la commission. Le débat a déjà eu lieu en première lecture, où déjà ces amendements ont été rejetés. Le Sénat les ayant pour sa part insérés dans le texte, j'ai donc demandé en commission de rétablir celui que nous avions voté en première lecture. Les députés de l'opposition ne cherchent ce soir qu'à faire passer des amendements qu'ils n'ont pas réussi à faire adopter auparavant à l'Assemblée.
Nous avons clairement indiqué nos priorités, et ce ne sont manifestement pas les mêmes que celles de l'opposition. J'émettrai donc un avis défavorable à tous les amendements qu'elle présentera.
Défavorable.
(L'amendement n° 43 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 24 .
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
L'argumentation du rapporteur n'est pas vraiment étonnante puisque cela fait cinq ans que, sur les textes qu'il rapporte, il est toujours défavorable aux arguments de l'opposition. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Ce n'est donc pas une nouveauté en soi, mais nous sommes maintenant passés dans le systématisme, ce qui est assez original.
Dans le cas d'espèce, l'amendement porte sur la classification des lieux de détention. Si une distinction existe dans le code de procédure pénale entre les maisons d'arrêt et les établissements pour peines, le rapport annexe instaure en effet une nouvelle classification selon leurs niveaux de sécurité. Cette perspective inquiète les députés du groupe SRC puisqu'il n'y a ni définition par le législateur de critères sur lesquels sera instituée cette différenciation entre les établissements, ni de précision sur les critères d'affectation des détenus dans les établissements ainsi différenciés, ni, surtout, de garantie d'une possibilité de recours juridictionnels concernant les décisions d'affectation initiale ou ultérieure dans telle ou telle catégorie d'établissements.
Au-delà des intentions annoncées par le garde des sceaux en première lecture, aucune raison impérieuse n'est avancée pour justifier ou du moins expliciter la pertinence et l'opportunité d'une superposition de cette classification des établissements, selon des critères de sûreté pénitentiaire, à la différenciation instituée par la loi pénitentiaire.
Nous proposons donc de supprimer les alinéas 46 à 53 de l'annexe, dans laquelle est énoncée la classification des lieux de détention.
Avis défavorable. La loi définit deux catégories d'établissements pénitentiaires : les maisons d'arrêt et les établissements pour peines. L'idée, ainsi que nous l'avons expliqué en première lecture, est de mettre en place un système complémentaire qui corresponde à des niveaux de sécurité, définis par voie réglementaire. Les choses sont donc très claires. Il est indispensable, afin de prendre en compte le développement des quartiers ou établissements pour courtes peines dont la sécurité sera allégée, de prévoir la mise en place d'une nouvelle typologie des établissements pénitentiaires permettant de mieux tenir compte de leur niveau de sécurité.
Avec la loi pénitentiaire, à laquelle vous et vos collègues faites souvent référence, monsieur Urvoas, un régime d'individualisation en cours de détention a été mis en place, prenant en compte les questions de sécurité, de dangerosité et de suivi individualisé.
(L'amendement n° 24 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 25 .
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le défendre.
Au-delà du fait que, lors de l'examen de la loi pénitentiaire, nous étions déjà contre la classification des établissements selon leurs niveaux de sécurité, M. le rapporteur vient de rappeler que les modalités d'évaluation de cette classification se feront par voie réglementaire. Nous en contestons le principe puisque, au titre de l'article 34 de la Constitution, toute mesure restrictive de liberté relève de la loi.
La décision du Conseil constitutionnel du 19 novembre 2009 a ainsi confirmé qu'il appartient « au législateur, compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant le droit pénal et la procédure pénale, de déterminer les conditions et les modalités d'exécution des peines privatives de liberté dans le respect de la dignité de la personne ».
Au regard de cette décision, il nous semble logique que les critères sur lesquels repose la classification des établissements selon leur niveau de sécurité soient définis par la loi. Tel est le fondement de notre amendement.
Avis défavorable à cet amendement qui est la suite du précédent.
Les critères d'affectation au régime de détention ont été définis par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Votre amendement, mon cher collègue, est donc satisfait sur ce point.
S'agissant, ensuite, des conditions de sécurité, des précisions ont été apportées en première lecture. À cet égard, les critères de répartition des établissements en fonction de leurs niveaux de sécurité exigent de préciser non seulement ce que sont les niveaux de sécurité, mais également sur quoi porte cette sécurité : il peut ainsi s'agir, par exemple, de la hauteur des murs, du nombre de miradors, de l'existence d'un chemin de ronde ou encore de la distance par rapport aux habitations proches.
Chacun comprend que de telles questions de sécurité relèvent du domaine réglementaire et non pas du domaine législatif ; Étant spécifiques à chaque établissement pénitentiaire, il est naturel qu'elles soient définies par le règlement.
Même avis défavorable.
Notre collègue Garraud nous parle de l'administration pénitentiaire, mais c'est une administration qui a l'habitude de prendre des libertés avec le droit.
Oh !
Notre conviction, depuis le début de cette législature, est qu'il faut faire entrer le droit en prison. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nous n'avons pas voté la loi pénitentiaire. En effet, monsieur le garde des sceaux, de multiples décisions des tribunaux administratifs condamnent les pratiques arbitraires de l'administration pénitentiaire. Si justement les contraintes étaient fixées par la loi, les difficultés seraient moindres que si l'on en restait à des bases décrétales. Je maintiens donc l'amendement.
Je tiens à réagir car je suis très choqué, monsieur Urvoas, de ce que vous venez de dire à propos de l'administration pénitentiaire. La question de la sécurité en prison est une vraie question,...
…et cet amendement ne serait pas sans incidence sur la sécurité des gardiens.
Il ne s'agit en tout cas pas de faire dire au texte ce qu'il ne dit pas. Selon vous, la loi pénitentiaire a défini les sujets renvoyés au domaine réglementaire. Mais le rapporteur, qui a aussi été celui de la loi de 2009 et qui connaît donc bien le dossier,...
..l'a rappelé : la loi pénitentiaire s'impose à l'administration pénitentiaire.
Je saisis d'ailleurs l'occasion, monsieur le garde des sceaux, pour revenir sur une discussion que nous avions eue à l'époque concernant la sécurité en prison, je veux parler de l'instauration des caméras. Un bilan de l'application de ce dispositif serait en effet nécessaire car c'est, je crois, l'un des éléments qui contribuent à la sécurité dans les prisons.
La parole est libre dans cette enceinte et chacun peut défendre l'avis qu'il souhaite, mais, monsieur Urvoas, vous vous trompez. Vous le faites d'ailleurs sciemment parce que vous connaissez trop bien le sujet pour ne pas savoir que les fonctionnaires de l'administration pénitentiaire appliquent la règle de droit, même si c'est parfois difficile, notamment dans certains établissements anciens. L'application de la loi pénitentiaire progresse en tout cas dans l'ensemble des établissements.
Vous ajoutez, pour prouver que cette application n'est pas la règle, que les tribunaux administratifs et le Conseil d'État condamnent assez souvent l'administration pénitentiaire. Mais c'est un réel progrès qu'en cas de manquements, l'administration pénitentiaire soit soumise au juge ! Je note d'ailleurs avec intérêt que vous soutenez, dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, que le juge administratif est un excellent défenseur de la liberté individuelle,…
…ce dont je suis, pour ma part, convaincu depuis longtemps. Cela augure bien de l'avenir.
(L'amendement n° 25 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour défendre l'amendement n° 26
Justement parce que je crois à la force du droit, il me semble bon que la décision d'affectation initiale des détenus de même que les changements intervenant par la suite puissent faire l'objet de recours juridictionnels.
Vous me répondrez que, s'agissant d'actes administratifs, ils sont susceptibles de recours. Certes, et la direction de l'administration pénitentiaire applique évidemment la loi – je n'ai pas dit le contraire. Le problème qui fonde ma critique, c'est que la loi comporte des zones grises qui laissent la place à l'interprétation.
Monsieur le garde des sceaux, vous savez comme moi que le droit n'est pas une affaire de connaissances, mais d'interprétation. Pour faciliter le travail de l'administration pénitentiaire, je souhaite donc que la loi soit la plus précise possible, de façon à éviter toute source de difficulté dans l'exercice d'une activité qui est déjà compliquée puisque les personnels vivent autant que les détenus les tensions et les troubles dus à la surpopulation carcérale.
L'amendement n° 26 propose donc d'insérer après l'alinéa 53 deux alinéas prévoyant que les décisions d'affectation doivent être susceptibles de recours et donc motivés.
Avis défavorable. L'amendement repose sur une confusion entre régime de détention et niveau de sécurité des établissements pénitentiaires.
(L'amendement n° 26 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour défendre l'amendement n° 41 .
Ces trois amendements visent à rendre plus transparente la procédure de conception-réalisation à laquelle nous ne sommes pas formellement opposés, en prévoyant une publicité, une information des élus concernés et le versement au dossier de leurs éventuelles observations. Ils tendent aussi à ne pas proroger la période exceptionnelle durant laquelle la procédure d'expropriation est simplifiée, car la procédure normale est protectrice à l'égard des expropriés et que l'urgence n'est pas telle – le programme s'étalant sur cinq ans – que nous ayons besoin d'y mettre fin.
Avis défavorable. Ces trois amendements ne sont destinés qu'à empêcher de créer, au moyen des procédures prévues dans le projet de loi, 24 000 places de prison supplémentaires.
S'agissant du caractère public et transparent de la procédure, les amendements sont pleinement satisfaits – je ne rappellerai pas l'article 1er du code des marchés publics.
Enfin, concernant le caractère exceptionnel du recours à ces marchés de conception-réalisation ainsi étendus, le premier des amendements est sans objet, sauf à vouloir contraindre complètement l'administration pénitentiaire.
Les procédures mises en place respectent parfaitement les nécessités de transparence. Nous avons d'ailleurs eu ce débat lors de la première lecture.
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour défendre l'amendement n° 55 .
Compte tenu de l'ampleur du programme, nous souhaitons que le renforcement des personnels ne soit pas prévu « par ailleurs » et »temporairement », mais qu'il soit accompagné dans la durée du fait de l'accroissement du plan de chargé résultant de la programmation.
La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements. Rappelons que ce projet de loi prévoit la construction de 24 000 places de prison supplémentaires, portant la capacité du parc carcéral à 80 000 places en 2017. Ce très important effort de construction nécessite de renforcer, temporairement et pour la seule durée de la programmation 2013-2017, les effectifs de l'Agence publique pour l'immobilier de la justice.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour défendre l'amendement n° 29 .
Cet amendement tend à l'instauration d'un règlement intérieur type par catégorie d'établissements.
La caractéristique de notre système carcéral est en effet que les règlements intérieurs sont établis par les établissements, ce qui signifie qu'il en existe autant que ces derniers. C'est là une source d'inégalité entre les détenus puisque les variations peuvent être assez importantes d'une prison à l'autre.
Pour éviter un tel travers, il importe qu'un règlement intérieur type soit établi pour chacune des catégories résultant de la classification des établissements pénitentiaires selon leur niveau de sécurité.
(L'amendement n° 29 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Défendu.
(L'amendement n° 30 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour défendre l'amendement n° 27 .
Cet amendement porte sur les procédures de recours référés que les détenus peuvent engager mais qui sont souvent rejetées par le juge administratif pour défaut d'urgence, sans aucun contrôle de la légalité et des motifs des décisions litigieuses.
Cette politique jurisprudentielle va à l'encontre du droit à un recours effectif qui, pour la Cour européenne, impose au juge de « statuer sur le bien-fondé et les motivations » des décisions et doit permettre d'en « contester aussi bien la forme que le fond, donc les motifs. »
Mon amendement vise à garantir l'effectivité des procédures de référés visées par le législateur, en inscrivant dans la loi que les décisions de placement en quartier disciplinaire, en confinement ou à l'isolement, font naître une présomption d'urgence qui imposera au juge des référés de se prononcer sur leur légalité.
Cet amendement a été repoussé par la commission. Je me souviens parfaitement que le même amendement avait été soutenu par l'opposition lors du débat sur la loi pénitentiaire, ce qui montre bien que l'on veut refaire tout ce débat, et c'est sans objet aujourd'hui.
En ce qui concerne la saisine du juge des référés, c'est le juge lui-même qui apprécie souverainement le caractère d'urgence. C'est d'ailleurs la compétence propre d'un juge des référés.
(L'amendement n° 27 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour défendre l'amendement n° 31 .
La majorité et le Gouvernement se louent généralement de leur cohérence dans la succession de leurs multiples textes qui découlent de drames. La majorité et le Gouvernement concéderont donc à l'opposition la même cohérence dans la défense de leurs amendements. Nous n'ignorons évidemment pas que nous avions défendu ces idées au moment de l'examen de la loi pénitentiaire !
La force de la conviction étant fondée sur la répétition, je reviens sur ces questions de cellules disciplinaires, avec l'espérance de vous faire entendre raison un jour.
En l'occurrence, dans un nouveau rapport, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, ou CPT, estime que la durée maximale de placement en quartier disciplinaire « ne devrait pas excéder quatorze jours. »
Nous en avions débattu au moment de l'adoption de la loi pénitentiaire qui a réduit la durée en question de quarante-cinq à trente jours, mais le CPT, suite à sa dernière visite, a souligné dans ses observations préliminaires que ce laps de temps était encore très éloigné des pratiques des autres pays. C'est pourquoi je propose d'abaisser la durée maximale de placement en quartier disciplinaire à quatorze jours.
(L'amendement n° 31 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour défendre l'amendement n° 21 .
Là encore, je m'inspire des travaux du CPT qui suggère aux États membres l'introduction d'une limitation substantielle du champ des sanctions susceptibles de placement en cellule disciplinaire.
L'amendement propose ainsi de limiter la possibilité d'un tel placement aux fautes disciplinaires des premier et deuxième degrés en ce qui concerne les personnes majeures et aux fautes disciplinaires du premier degré en ce qui concerne les personnes mineures. Dans cette logique, il convient également de limiter le champ des sanctions susceptibles de placement préventif en cellule disciplinaire.
(L'amendement n° 21 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour défendre l'amendement n° 28 .
Cet amendement est l'occasion d'interpeller le Gouvernement sur une opacité préjudiciable à la bonne observation du monde carcéral par le Parlement.
Après sa dernière visite périodique en France effectuée du 28 novembre au 10 décembre 2010, le CPT a fait part de ses observations préliminaires au Gouvernement courant juillet 2011, c'est-à-dire six mois plus tard. Vous avez alors eu, monsieur le garde des sceaux, la possibilité de faire part de vos observations puisque tout État membre dispose d'un délai de six mois pour réagir à un rapport du Comité pour la prévention de la torture. J'imagine que vous l'avez saisie. Or, à ce jour, ni les observations préliminaires, ni le rapport du CPT, ni la réponse du Gouvernement n'ont été rendus publics par le Comité.
Cet amendement tend justement à ce que le Gouvernement pallie cette carence en rendant publics tous ces documents, dès réception pour ceux du CPT, de façon à assurer une transparence totale en ce qui concerne la situation de nos établissements.
Avis défavorable. Rappelons que les rapports sont d'ores et déjà mis en ligne sur le site Internet du CPT où ils sont consultables.
Je ne parle pas de la réponse du Gouvernement, mais des rapports du CPT.
M. Urvoas le sait parfaitement, les travaux du Comité ne concernent pas seulement le ministère de la justice, mais bien d'autres départements ministériels. Il ne nous semble donc pas très opportun de mentionner dans la loi une telle publication. En tout cas, si tous les départements ministériels concernés doivent répondre au rapport du CPT, le ministère de la justice l'a, pour sa part, déjà fait.
C'est une bonne nouvelle que d'apprendre que le Gouvernement a répondu aux observations du CPT !
J'entends bien que le rapport de ce dernier ne concerne pas que le ministère de la justice mais, pour le coup, ce dernier pourrait publier les réponses ou les observations qu'il a faites sur la situation carcérale. Nous aurions déjà fait un pas et l'esprit de mon amendement serait satisfait.
(L'amendement n° 28 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 16 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le défendre.
Cet amendement peut paraître de pure forme : il a pour objet de substituer le mot « notamment » aux mots « plus particulièrement ». Mais alors que le texte précise qu'il faut porter une attention plus particulière à l'effectivité de l'exécution des peines d'emprisonnement qui sanctionnent les faits les plus graves, nous estimons qu'il faut être attentif à l'exécution de toutes les peines. Toutes doivent être exécutées.
Par principe, le Gouvernement est défavorable à l'adverbe « notamment ».
(L'amendement n° 45 n'est pas adopté.)
Il est défendu.
(L'amendement n° 34 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Défendu.
(L'amendement n° 51 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 46 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le soutenir.
L'amendement traite de la question de l'inscription des internes sur les listes d'experts judiciaires et, surtout, des premières expertises qu'ils effectuent.
Devant le manque criant de médecins psychiatres, l'idée de faire intervenir des internes en psychiatrie n'est acceptable que si ces derniers sont encadrés. Nous proposons donc que les débutants dans la pratique de l'expertise en réalisent tout d'abord vingt sous le tutorat d'un médecin plus expérimenté en la matière, avant de pouvoir devenir eux-mêmes des experts.
Avis défavorable. Les auteurs de l'amendement demandent que les experts judiciaires « seniors » soient accompagnés par le médecin psychiatre intéressé par un stage. Nous proposons au contraire que ce soit ce dernier, que l'on peut qualifier de « junior » qui, lors de ses vingt premières expertises, soit accompagné par un expert psychiatre plus expérimenté.
Même avis.
Le projet de loi ne prévoit nullement que les étudiants en psychiatrie qui auront bénéficié d'une bourse seront systématiquement inscrits comme experts ou désignés comme médecins coordonnateurs. La décision appartiendra à l'autorité judiciaire. La seule obligation sera de demander une telle inscription.
M. Raimbourg pourrait donc retirer son amendement, car il est satisfait.
Je le maintiens pour ce qui concerne les vingt expertises, mais pas pour ce qui a trait à l'inscription sur les listes d'experts judiciaires !
Défendu.
(L'amendement n° 32 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Défendu.
(L'amendement n° 49 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 50 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Il convient d'offrir une certaine souplesse au juge de l'application des peines en lui donnant la possibilité de ne pas forcément confier au secteur associatif habilité les expertises et donc de pouvoir s'adresser aux services pénitentiaires d'insertion et de probation, ou SPIP.
Cet amendement est d'ores et déjà pleinement satisfait et a été repoussé par la commission.
Comme je l'avais demandé, le rapport annexé a été modifié et le dispositif précisé afin de confier, sauf en cas d'impossibilité matérielle, les enquêtes pré-sentencielles au secteur associatif habilité.
En prévoyant le cas d'impossibilité matérielle, l'article 4 laisse moins de place à des interprétations divergentes pour déterminer les situations dans lesquelles il est possible de confier des enquêtes pré-sentencielles au service pénitentiaire d'insertion et de probation.
Si M. Raimbourg ne retire pas son amendement, le Gouvernement émet un avis défavorable.
La notion d'impossibilité matérielle est beaucoup plus restrictive que l'amendement que je propose.
Le terme « prioritairement » n'est pas très normatif !
Peut-être, mais c'est volontairement qu'il a été choisi, pour laisser un choix au juge de l'application des peines.
(L'amendement n° 50 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 35 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le défendre.
Cet amendement participe du même esprit. Il s'agit de permettre à un membre du SPIP de continuer une enquête lorsqu'il a déjà été chargé d'une enquête pré-sentencielle qui concerne la même personne.
(L'amendement n° 35 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Défendu.
(L'amendement n° 47 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 20 .
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
Le 20 janvier 2010, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a adopté une recommandation sur les règles relatives à la probation. Cette recommandation s'adresse aux autorités nationales chargées de garantir la base juridique et pratique nécessaire pour favoriser l'exercice d'un travail de probation de qualité. L'amendement n° 20 vise à garantir que le Gouvernement en tiendra compte.
Cet amendement a été repoussé par la commission car il est pleinement satisfait sur le fond. La recherche scientifique en matière de probation est réalisée, et ce, il faut le dire, de manière remarquable, par des chercheurs de l'université ainsi que par l'école nationale d'administration pénitentiaire, laquelle dispose d'un centre interdisciplinaire de recherche appliquée au champ pénitentiaire.
Défavorable.
(L'amendement n° 20 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 44 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le défendre.
Il s'agit d'insister sur la continuité juridique de la prise en charge des mineurs.
(L'amendement n° 44 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 48 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le soutenir.
Cet amendement vise à rappeler que, bien qu'ils aient donné satisfaction, les centres éducatifs fermés ne sont pas les seuls lieux de traitement des mineurs ; il y a aussi des foyers. Les centres éducatifs fermés doivent recevoir le moins possible de primo-délinquants.
(L'amendement n° 48 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 1er et le rapport annexé, modifiés, sont adoptés.)
La commission a supprimé l'article 1er bis.
Je suis saisi d'un amendement n° 4 tendant à le rétablir.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Défendu.
(L'amendement n° 4 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 2 tendant à supprimer l'article 2.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Nous revenons à la question des partenariats public-privé.
Il nous paraît particulièrement dangereux de confier à un seul opérateur à la fois la construction, la maintenance et l'exploitation d'établissements pénitentiaires. Étendre à l'exploitation et à la maintenance la procédure de conception-réalisation, revient à s'abandonner entre ses mains, et ce de manière durable. Lui accorder une telle sorte de concession nous paraît très dangereux.
(L'amendement n° 2 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 2 est adopté.)
Défendu.
(L'amendement n° 3 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 3 est adopté.)
La commission a supprimé l'article 4 A.
Je suis saisi d'un amendement n° 15 tendant à le rétablir.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Monsieur le président, je retire cet amendement. Je partage en effet l'avis du rapporteur et du ministre, selon qui rien de ce qui est de l'ordre des mesures automatiques ne peut fonctionner. Il peut être nécessaire de prononcer de courtes peines d'emprisonnement, par exemple en cas de conduite en état d'ivresse avec récidive. Cela peut parfois être la seule solution.
M. le garde des sceaux et M. le rapporteur seront moins enclins à récuser par la suite la notion d'automaticité à propos des peines planchers, mais je les prie d'ores et déjà de noter la cohérence qu'est la nôtre.
(L'amendement n° 15 est retiré.)
La commission a supprimé l'article 4 B.
Je suis saisi d'un amendement n° 16 tendant à le rétablir.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Cet amendement tend à rétablir la procédure de numerus clausus, laquelle n'est pas du tout laxiste. Elle vise à éviter toutes les sorties sèches et à faire en sorte que chaque personne qui sort de prison bénéficie d'un suivi, mais également d'un contrôle.
Une telle disposition devrait bien sûr s'accompagner d'un raffermissement de ce contrôle ainsi peut-être que du renforcement des effectifs qui en sont chargés, en leur associant la police et éventuellement d'autres partenaires, tels les maires. Mais il y a là toute une philosophie pénale différente qui pourrait peut-être nous éviter de nous lancer dans la construction très onéreuse de nombreuses places de prison et qui apporterait sans doute plus de sécurité et plus de sérénité.
Ce mécanisme dit de numerus clausus n'interdit pas l'incarcération. Au contraire, il la facilite, et lui permet de se dérouler dans de bonnes conditions.
Cet amendement a été repoussé par la commission.
Je ne veux pas reprendre l'ensemble de la discussion sur ce fameux numerus clausus ; elle a déjà eu lieu.
L'instauration d'un tel numerus clausus est d'abord inutile. Les dispositifs existants d'aménagement de peine permettent d'individualiser l'ensemble du traitement pénal et de limiter le recours à la prison aux cas où celui-ci est strictement nécessaire.
Ensuite, il est inadapté à l'enjeu. La bonne réponse à la surpopulation pénitentiaire, ce n'est pas de renoncer à l'exécution de peines prononcées par les tribunaux. C'est plutôt de donner à notre pays les moyens matériels pour que ces peines soient véritablement exécutées. Tel est d'ailleurs l'objet du projet de loi.
En outre, ce numerus clausus me paraît même contraire à la Constitution, car il porte atteinte au principe d'égalité. Si tel établissement pénitentiaire applique le numerus clausus et pas tel autre, quid dans ces conditions du principe d'égalité consacré par la Constitution ?
Enfin, le principe est tout bonnement dangereux. Sur le plan de la prévention de la récidive, l'anticipation de la sortie de certains détenus risque de fragiliser leur projet de sortie. Si, par exemple, ils n'ont pas d'hébergement prévu, le risque qu'ils commettent de nouvelles infractions sera accru.
Le numerus clausus est donc inutile, inadapté à l'enjeu, inconstitutionnel et dangereux. Je suis désolé, mon cher collègue, car je sais que vous y tenez beaucoup – vous avez d'ailleurs déposé une proposition de loi à ce propos – mais j'y suis farouchement opposé.
Comme vient de le montrer le rapporteur, cet amendement est funeste. Je suis sûr que vous en êtes vous-même persuadé, monsieur Raimbourg.
Vous nous avez expliqué, il y a quelques instants, que toute mesure présentant un caractère d'automaticité n'était pas bonne. Or voilà que vous proposez l'automaticité d'un dispositif !
Le risque d'inconstitutionnalité de ce mécanisme doit d'ailleurs être étudié avec soin. Aujourd'hui, certains établissements pénitentiaires ne sont pas pleins quand d'autres connaissent une assez forte surpopulation. Il y aura donc, ici, des détenus qui seront libérés parce que de nombreux condamnés attendent et, là, d'autres détenus qui purgeront leur peine jusqu'à son terme parce que personne n'attend la place.
Aucune considération de place ne saurait justifier la libération anticipée de tel ou tel détenu, même si la libération anticipée est assortie – ce que je conçois très bien – de mesures de contrôle judiciaire.
Enfin, donner un caractère automatique à la mesure me paraît nier le rôle du juge. Nous pensons, au contraire, qu'il appartient dans tous les cas au juge d'apprécier si la personne détenue peut bénéficier d'une libération anticipée.
Une mesure automatique ne tient pas compte de la personnalité du détenu et est donc contraire aux principes mêmes de notre droit pénal, tel qu'il existe depuis 1789.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous invite à retirer votre amendement, auquel, sans cela, nous serions hostiles.
Je maintiens l'amendement. Il ne s'agit pas d'automaticité, dans la mesure où le juge n'a pas l'obligation de statuer sur un cas précis, mais a celle d'aménager une peine parmi toutes celles qui pourraient être aménagées au profit de l'ensemble des détenus qui sont à quelques semaines de leur libération.
Quant à l'argument d'inconstitutionnalité, je doute de sa pertinence. D'une part, je ne crois pas qu'il existe beaucoup de maisons d'arrêt qui ne soient pas surpeuplées, la surpopulation se concentrant précisément dans les maisons d'arrêt. D'autre part, la rupture de l'égalité a déjà lieu, car ce n'est pas du tout la même chose de purger sa peine dans un établissement où il y a une place pour un homme, et de l'effectuer, par exemple, à la maison d'arrêt de La Roche-sur-Yon, où la surpopulation dépasse les 200 %, puisqu'on y compte cent détenus pour quarante places.
(L'amendement n° 16 n'est pas adopté.)
La commission a supprimé l'article 4 CA.
Je suis saisi d'un amendement n° 19 tendant à le rétablir.
Défendu.
(L'amendement n° 19 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La commission a supprimé l'article 4 D. L'amendement n° 18 tend à le rétablir.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Nous avons retiré tout à l'heure l'amendement concernant l'aménagement automatique des peines de moins de trois mois. Logiquement, et par cohérence, nous sollicitons la suppression des peines plancher, en raison de leur automaticité.
C'est un avis très défavorable. Il n'y a pas d'automaticité en ce qui concerne le système des peines plancher. Certes, le seuil de peine est obligatoire, mais le juge peut y déroger. Dès lors qu'il peut apprécier au cas par cas, il n'y a aucun caractère d'automaticité.
Je voudrais appuyer ce que vient de dire le rapporteur. Les peines plancher sont un bon système : elles représentent un avertissement très net à celui qui récidive et, en même temps, le juge reste tout à fait libre. Les statistiques montrent en effet que la peine plancher est appliquée dans un cas sur deux : on ne peut donc parler d'automaticité.
Aussi, j'invite son auteur à retirer cet amendement et à soutenir le maintien des peines plancher.
Cet amendement me paraît tout à fait révélateur des positions du groupe socialiste sur une question essentielle, liée à la politique de lutte contre la délinquance. Le rapporteur a exposé l'argumentation juridique qui motive notre opposition, mais il faut encore rappeler l'efficacité et la pertinence des peines plancher instaurées en 2007 : plus de 30 000 ont été prononcées et, conformément à la Constitution, le juge garde la capacité d'individualiser les peines.
Non seulement l'amendement n'est pas pertinent du point de vue juridique, mais il est extrêmement dangereux. Après le numerus clausus que voulait instaurer le parti socialiste, voici la suppression des peines plancher ! Nous savons bien quelles conséquences aurait sur la sécurité la mise en oeuvre de telles dispositions.
Je soutiens naturellement l'amendement de mon collègue Raimbourg contre les peines plancher.
N'est-il pas surprenant d'entendre Éric Ciotti proclamer que le bilan du Gouvernement en matière de lutte contre la délinquance est positif ? Je ne doute pas que ceux qui liront le compte rendu de nos débats auront à cet endroit un sourire crispé. On connaît les chiffres : les agressions sur les personnes physiques n'ont cessé d'augmenter depuis 2007.
(L'amendement n° 18 n'est pas adopté.)
La commission a supprimé l'article 4 E. Un amendement n° 17 tend à le rétablir.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Il convient de rétablir l'article prévoyant une diminution de peine en cas d'altération – et non pas d'abolition – du discernement. Je veux bien concéder à M. le rapporteur et à M. le garde de sceaux que ce mécanisme n'est pas parfait. Il présente une certaine automaticité, mais elle est limitée dans son quantum. Pour l'heure, on n'a pas trouvé d'autre mécanisme qui permette de protéger un peu les gens atteints d'une affection psychiatrique.
La nouvelle rédaction du code pénal a abouti à ce que, finalement, les personnes ayant été atteintes d'une altération du discernement sont finalement presque plus condamnées que celles qui ont tout leur discernement. Compte tenu des difficultés de prise en charge par la psychiatrie publique, et par une sorte de réflexe de défense à l'encontre de personnes qui font un peu peur, on se dit que, puisque leur discernement est en partie altéré, il convient de prononcer des peines relativement sévères. Par conséquent, un grand nombre de malades mentaux se trouvent incarcérés : certes, ils ont commis des délits, mais ils auraient dû bénéficier d'un traitement plutôt que d'être incarcérés. L'administration pénitentiaire a bien du mal à prendre en charge des gens qui sont de plus en plus perturbés, car elle n'a pas de compétences psychiatriques et n'est d'ailleurs pas du tout faite pour cela.
Notons que ce mécanisme n'est pas sorti de l'imagination du groupe SRC : sauf erreur de ma part, c'est un sénateur UMP qui, le premier, l'a proposé.
Ça fait deux gros défauts ! (Sourires.)
Je vous laisse la responsabilité de cette appréciation, monsieur le ministre.
Cette mesure n'est donc pas forcément marquée du sceau idéologique. L'amendement vise à trouver une solution pour des situations qui sont parfois dramatiques.
La commission a repoussé cet amendement, qui prévoit la réduction d'un tiers de la peine encourue par les personnes dont le discernement était altéré par un trouble mental. Il est vrai que, tout à l'heure, Dominique Raimbourg avait affiché une certaine cohérence à l'encontre de tout ce qui était automatique. Là, cette cohérence se perd, puisque la mesure comporte une certaine automaticité.
L'exposé des motifs explique que les juridictions sont plus sévères envers des personnes dont le discernement est altéré par un trouble d'ordre mental n'entraînant pas pour autant une irresponsabilité pénale. Tout cela ne repose sur aucune statistique particulière, sur aucun élément concret.
Je rappelle cependant que le juge apprécie au cas par cas. Je ne vois pas pourquoi ils seraient plus sévères envers des gens qui n'ont pas tout leur discernement.
Monsieur Raimbourg, le Gouvernement est très hostile à cette disposition. L'actuel article 122-1 – élaboré par M. Badinter et adopté en 1992 – du code pénal distingue deux hypothèses. En cas de trouble mental supprimant totalement le discernement, la personne est pénalement irresponsable ; en cas de trouble mental qui altère simplement le discernement, la personne est pénalement responsable et demeure punissable ; toutefois, le juge doit tenir compte de cette circonstance lorsqu'il « détermine la peine et en fixe le régime ».
Le code pénal confie donc au juge – pouvoir certes important, mais il en a bien d'autres – le soin d'apprécier si l'altération du discernement doit conduire à une peine qui est plus lourde ou moins lourde que celle qu'il prononcerait dans d'autres cas. En raison de son caractère général et systématique, un amendement prévoyant que la peine est automatiquement réduite du tiers, quelles que soient les circonstances, me paraît dès lors juridiquement très contestable et en pratique particulièrement inopportun. Encore faudrait-il pouvoir mesurer le degré d'altération du discernement, ce qui est extrêmement difficile.
Le Gouvernement, je le répète, émet donc un avis défavorable, à moins d'un éventuel retrait de l'amendement – espérance qui sera probablement déçue.
(L'amendement n° 17 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 14 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Je suis prêt à retirer cet amendement, après quelques explications.
Il tend à confier les enquêtes pré-sentencielles ou le suivi à une personne morale. Il a été introduit à la requête de diverses associations agréées, qui vivent assez mal la concurrence qui leur est faite par des personnes physiques, tout aussi agréées et compétentes, mais qui sont parfois payées sur des frais de justice. Cela ne fait l'objet d'aucune déclaration fiscale ou sociale, ce qui entraîne une distorsion de concurrence entre des associations qui paient leurs salariés et qui cotisent à l'URSSAF et déclarent aux impôts, et le ministère qui, depuis 2000, n'a pas régularisé la situation.
Je comprends que la prise en charge des collaborateurs occasionnels pose un problème, mais nous sommes en 2012, et cela va faire douze ans que la situation perdure. Convenons qu'il est anormal qu'il y ait, au sein d'un ministère, du personnel qui travaille sans déclaration sociale ni fiscale. Il ne s'agit pas d'une niche fiscale : cela s'explique par la nécessité où l'on s'est trouvé, à un moment donné, de faire appel à des personnels nouveaux parce qu'il y avait des modes de traitement nouveaux. En attendant, des gens sont employés au mépris du droit du travail, et il est temps de trouver une solution, car, si cette anomalie a pu se concevoir pendant un temps de rodage et de mise en place, elle ne doit plus être tolérée.
Oui, monsieur le président. Il aurait pour conséquence de mettre de nombreuses personnes en difficulté. Il voulait simplement appeler l'attention sur la nécessité d'une régularisation de ce personnel.
Je suis saisi d'un amendement n° 12 , tendant à supprimer l'article 4 bis.
Défendu.
(L'amendement n° 12 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 4 bis est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 13 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
L'article 4 ter concerne la transmission au chef d'établissement scolaire d'informations sur une personne qu'elle accueille et qui est placée sous le contrôle du juge de l'application des peines. À la demande d'un certain nombre de syndicats d'enseignants et de directeurs d'établissement, il est proposé que l'autorité académique – quand il y en a une – soit aussi destinataire de cette information, et que ce soit elle qui prenne les dispositions nécessaires, de façon que toute la chaîne hiérarchique de l'éducation nationale – dans le cas d'établissements publics – soit au coeur du dispositif. Le chef d'établissement ne doit pas rester seul, mais doit pouvoir s'appuyer sur son autorité académique.
Cet amendement vise en effet à limiter le partage d'informations entre l'autorité judiciaire et les chefs d'établissement aux seuls cas des condamnés, en excluant les prévenus sous contrôle judiciaire.
Je tiens à saluer le fait que cet amendement, qui reprend l'article qu'avait adopté le Sénat, ne rejette pas en bloc toute idée de partage d'informations entre l'autorité judiciaire et les chefs d'établissement accueillant des élèves susceptibles d'être dangereux. Je considère toutefois que la rédaction proposée limite le champ de l'article aux seules personnes condamnées, excluant les prévenus placés sous contrôle judiciaire. Or on se souvient d'une affaire tragique impliquant une personne placée sous contrôle judiciaire. Face à l'enjeu de la prévention du renouvellement d'infractions particulièrement graves, cette rédaction est très insuffisante.
En revanche, l'article 4 ter, tel qu'il avait été adopté par notre assemblée en première lecture et rétabli par la commission en nouvelle lecture, apparaît beaucoup plus pertinent et équilibré pour répondre à cet enjeu.
Le dispositif, tel qu'il a été prévu, est très encadré et prévoit précisément les conditions dans lesquelles les chefs d'établissement sont autorisés à faire état des informations qu'ils ont reçues sur un élève, et les catégories de personnel auxquels les informations peuvent être transmises.
Ce dispositif concilie de façon particulièrement satisfaisante la protection des informations couvertes par le secret professionnel et la protection de la sécurité des élèves lorsqu'un jeune mis en examen ou condamné pour des faits graves est susceptible de les côtoyer dans l'établissement scolaire qu'ils fréquentent.
Enfin, ce dispositif concilie les chances de réinsertion des mineurs auteurs de faits graves.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.
Monsieur Raimbourg, j'ai noté une différence entre le texte de l'amendement et les arguments que vous avez avancés pour le défendre.
S'agissant de l'argument que vous avez développé oralement, vous avez pleinement satisfaction. L'autorité académique est saisie dans tous les cas et le directeur de l'établissement est naturellement prévenu, y compris s'il s'agit d'un établissement privé qui ne relève pas, dans ce domaine, de l'autorité académique.
La seule différence, à laquelle vous n'avez pas fait allusion, c'est que le texte relatif au partage d'informations vise les prévenus ainsi que les condamnés. Certains prévenus sont en effet placés en liberté sous condition et il est bon que l'inspecteur d'académie et le directeur de l'établissement, c'est-à-dire la personne qui reçoit le mineur, soient avertis.
Aussi, je vous demande de retirer votre amendement.
Défendu.
(L'amendement n° 11 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 5 est adopté.)
Défendu.
(L'amendement n° 10 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 6 est adopté.)
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour soutenir l'amendement n° 5 , qui vise à supprimer l'article 7.
Défendu.
(L'amendement n° 5 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 7 est adopté.)
Défendu.
(L'amendement n° 8 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 9 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 7 , tendant à supprimer l'article 9 bis C.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
L'article 9 bis C prévoit une automaticité de la présentation mensuelle pour tous les récidivistes inscrits au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes.
Nous estimons que c'est au parquet de requérir et au juge de trancher. Ici encore, l'automaticité n'est pas une bonne chose, parce qu'elle ne répond pas à la diversité des cas qui peuvent se présenter.
(L'amendement n° 7 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 9 bis C est adopté.)
Défendu.
(L'amendement n° 6 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 11 est adopté.)
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi de programmation, j'indique à l'Assemblée que la commission a ainsi rédigé le titre : « Projet de loi de programmation relatif à l'exécution des peines ».
Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des articles du projet de loi.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, chers collègues, je serai bref, car beaucoup a été dit.
Il s'agit, avec cette loi de programmation pénitentiaire, d'un texte qui obère l'avenir puisqu'il prévoit la construction sur cinq ans de 24 000 places de prison, pour un montant de 3,5 milliards, ce qui équivaut au montant annuel du budget de l'administration pénitentiaire. À deux mois de l'élection présidentielle, il nous semble trop tard pour engager un tel programme et, finalement, pour lancer une politique pénale de grande ampleur.
En conséquence, nous appelons à voter contre ce texte.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je serai également très bref.
Nous sommes, comme vient de le rappeler Dominique Raimbourg, à deux mois de l'échéance présidentielle. Or justement, à entendre ce soir l'opposition combattre la construction de places de prison et s'élever contre des mesures qui déclinent une exigence de fermeté, je ne peux que m'inquiéter.
Nous sommes peu nombreux dans cet hémicycle, mais nos concitoyens, au moins par la voie de la télévision parlementaire, ont ainsi l'occasion de se rendre compte que deux visions de la sécurité et de la justice s'affrontent. Ainsi, alors que nous avons l'exigence, s'agissant de la sécurité, de construire des places de prison et de donner les moyens de l'exécution des peines, l'opposition aura refusé pendant cinq ans de voter tous les textes répondant à cette exigence et rejeté tous les budgets de la justice. Ce soir, fidèle à sa ligne de conduite, elle continue de s'opposer.
Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le garde des sceaux, a une autre exigence : il dépasse les clivages traditionnels pour assurer la sécurité des Français. C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre le votera.
La parole est à M. Éric Ciotti, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Le groupe UMP votera ce texte avec beaucoup de détermination, car il va considérablement améliorer le fonctionnement de notre chaîne pénale et apporter de vraies réponses, pertinentes et concrètes, au problème majeur de la mauvaise exécution des peines.
Ce débat aura permis à notre assemblée de rétablir l'esprit originel du texte déposé par le Gouvernement en réparant les dégâts commis par le Sénat.
Il aura également permis d'éclairer nos concitoyens sur les positions du parti socialiste et de mettre en exergue le fossé entre les discours prétendument réalistes du candidat du parti socialiste et les amendements défendus les uns après les autres par les députés socialistes après avoir été votés par les sénateurs socialistes. Je pense à cette idée ahurissante, totalement insensée, d'un numerus clausus qui n'autoriserait l'incarcération d'une personne condamnée par la justice que si une autre sortait simultanément de prison, mais je pense aussi à l'aménagement automatique et systématique de toutes les peines inférieures à trois mois de prison, ou encore à la suppression des peines planchers.
Ces propositions dessinent un paysage judiciaire et une politique en matière de sécurité qui ne peuvent manquer de nous inquiéter et qui conduiraient à une explosion de la délinquance dans notre pays si, par malheur, elles devaient être appliquées.
M. Urvoas a cité des chiffres en parlant du pseudo-échec de notre majorité. Celle-ci défendra son bilan car les mesures prises ont permis d'améliorer considérablement la sécurité dans notre pays.
Certes, il peut y avoir encore des domaines où l'on peut améliorer les choses, notamment en ce qui concerne les atteintes aux personnes, mais nous sommes parvenus, cette année, à une stabilisation en la matière. Dois-je rappeler, en réponse aux chiffres que l'opposition a cités, que, de 1997 à 2002, les atteintes aux personnes avaient augmenté de 70 % et la délinquance générale de 17 % ? Sa conception de l'échec est vraiment très particulière puisque, pour elle, l'échec, c'est faire diminuer la délinquance de 17 % là où elle l'avait fait augmenter dans la même proportion !
Les Français disposeront par ailleurs de tous les éléments d'appréciation pour juge, mais ce débat contribuera, j'en suis sûr, à les éclairer de façon pertinente.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi de programmation.
(L'ensemble du projet de loi de programmation est adopté.)
Prochaine séance, mardi 21 février à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Vote solennel sur le projet de loi de finances rectificative pour 2012 ;
Discussion du projet de loi autorisant la modification du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et du projet de loi autorisant le mécanisme européen de stabilité ;
Projet de loi relatif à la majoration des droits à construire.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 22 février 2012, à zéro heure quarante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron