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Intervention de Dominique Raimbourg

Réunion du 20 février 2012 à 21h30
Exécution des peines — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Raimbourg :

Dans sa sagesse, le peuple tranchera aux mois d'avril, mai et juin prochains, mais vous pouvez déjà apercevoir les prémices de cette politique différente en prenant connaissance des amendements adoptés au Sénat.

Cet autre politique vise en partie à remplacer l'enfermement par le contrôle. Examinons les chiffres dont nous disposons. Au 1er janvier 2001, on comptait 47 837 détenus écroués dans les prisons françaises. Le taux d'incarcération en France, rapport du nombre de détenus à la population, s'élevait, en conséquence, à 75,6 pour cent mille. Le 1er janvier 2011, les détenus étaient au nombre de 60 544 et le taux d'incarcération s'élevait à 93,1 pour cent mille. Aujourd'hui, le nombre de détenus s'élève à 65 699 et le taux d'incarcération frôle les 100 pour cent mille. Autrement dit, en dix ans, le nombre de détenus a progressé de 25 % sans que cela ait de véritable effet sur la sécurité. Nous n'avons pas trouvé de modèle pénal qui garantisse une amélioration de la sécurité.

Aujourd'hui, dans tous les domaines, il est de bon ton de se pencher sur l'exemple de notre voisin allemand : nous sommes censés tirer de la réussite de son économie des enseignements qu'il conviendrait d'importer dans notre pays. Qu'en est-il dans le domaine qui nous intéresse ce soir ? Les Allemands ont fait de la déflation carcérale. Le nombre de détenus a baissé en Allemagne : le 1er janvier 2001, ils étaient 78 707, soit un taux d'incarcération de 95 pour cent mille ; le 1er janvier 2009, ils étaient 73 263 et le taux d'incarcération était passé à 88 pour 100 000. Cette évolution à la baisse s'est produite sans qu'il y ait une montée de l'insécurité en Allemagne ni que soient enregistrées des difficultés particulières. Je pense qu'il s'agit de pistes que nous devrions explorer.

Vous le faites d'ailleurs partiellement – nous le mettons à votre crédit et nous vous incitons à poursuivre cette politique –, puisque le nombre d'aménagements de peine pour les personnes sous écrou a crû de 23,9 % en une année. Au 1er février 2012, 11 314 personnes effectuent leur peine sous écrou à l'extérieur des murs. Cela se fait à la satisfaction générale – même si je ne prétends pas qu'il n'y a jamais d'incidents, mais il y en a également en détention. J'ajoute que les coûts générés par cette méthode d'exécution des peines sont bien inférieurs à ceux de l'enfermement.

C'est le sens des aménagements proposés par le Sénat.

À ce titre, le numerus clausus est un mode intéressant de gestion de la détention qui permet de lutter contre la surpopulation. Il ne retarde jamais l'incarcération puisque, en cas de surpopulation, dans les deux mois, les détenus les plus proches de la fin de leur peine, qui justifient des conditions permettant un aménagement de peine, exécutent le reste de celle-ci à l'extérieur. C'est donc un mécanisme de régulation, qui ne retarde pas l'exécution des peines.

C'est également le sens du mécanisme qui permet une libération conditionnelle quasi-automatique, sauf avis contraire du juge d'application des peines, et j'insiste sur ce dernier élément.

Il y a encore l'idée, dont les parlementaires socialistes ne sont pas à l'origine puisqu'elle vient d'un sénateur UMP, consistant à prévoir une réduction de peine pour les personnes présentant une altération du discernement. Celle-ci n'est jamais prise en compte, car on considère malheureusement que les malades mentaux qui ne sont pas totalement irresponsables pénalement sont particulièrement dangereux. Je crois qu'il s'agit d'une injustice.

Vous consentez certains efforts qui sont importants, mais si l'on compare le volet de votre texte consacré à l'incarcération à celui qui est consacré au suivi, on constate une fantastique disproportion des moyens accordés. D'un côté, vous annoncez la création de 132 postes dans les SPIP et, de l'autre, celle de 24 000 places de prison brutes. Ce rapport semble quelque peu déraisonnable.

Vous tentez de résoudre le problème des collaborateurs de justice, notamment celui du manque criant de psychiatres. Cette question est ancienne ; elle est aussi budgétaire. Il faudra avancer, car certains collaborateurs de justice travaillent dans des conditions totalement dérogatoires au droit du travail. Malgré un décret qui date, je crois, de juin 2000, les cotisations sociales de ces personnels ne sont pas réglées, et la régularisation qui devait avoir lieu tarde toujours à venir.

Puisque nos politiques pénales s'opposent et que nous sommes à deux mois et demi d'une échéance électorale qui déterminera l'orientation de la politique de notre pays, la sagesse commande de renvoyer ces questions au lendemain de l'élection présidentielle.

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