Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Michel Mercier

Réunion du 20 février 2012 à 21h30
Exécution des peines — Discussion en nouvelle lecture d'un projet de loi de programmation

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

De même, l'automaticité de l'aménagement des peines inférieures à trois mois est contraire au principe fondamental d'individualisation des peines dans notre droit pénal.

Ce sont, en effet, la personnalité, le profil et la qualité du projet du condamné qui doivent fonder la décision d'aménagement de peine, laquelle ne saurait être conçue comme un moyen de lutter contre la surpopulation carcérale. Elle doit au contraire être envisagée comme une préparation à la réinsertion de la personne condamnée. En la matière, l'automaticité serait un contresens.

Elle serait d'autant moins justifiée que le Gouvernement a beaucoup oeuvré pour l'exécution des peines.

J'ai ainsi lancé un plan national d'exécution des peines qui fixait des objectifs aux juridictions ayant accumulé le plus de retard et, dans ce cadre, renforçait leurs moyens. Le nombre de peines en attente d'exécution a ainsi baissé d'environ 15 000 entre la fin de l'année 2010 et le milieu de l'année 2011. De surcroît, les délais de mise à exécution ont été raccourcis : deux tiers des peines d'emprisonnement ferme prononcées sont désormais exécutées, en moyenne, dans les six mois de leur prononcé.

Par ailleurs, la recherche d'un équilibre entre l'incarcération et l'aménagement de la peine est au coeur de notre politique pénitentiaire et pénale. Ce Gouvernement, rappelons-le, a agi avec détermination pour développer les aménagements de peines. Aujourd'hui 10 700 condamnés bénéficient d'un aménagement de peine sous écrou, sous forme de surveillance électronique, de semi-liberté ou de placement extérieur, soit 125 % de plus qu'en mai 2007 !

Le texte, tel que rétabli par la commission des lois, permettra de poursuivre les efforts engagés et de les inscrire dans la durée.

Le projet de loi de programmation, tel que rétabli par la commission des lois, répond à un principe de réalité mais aussi à un principe de responsabilité assumé : nous devons remédier au surencombrement de nos prisons et garantir durablement que les peines prononcées par la justice seront suivies d'une exécution effective et rapide.

Le premier objectif du projet de loi de programmation est d'élargir notre parc pénitentiaire à 80 000 places d'ici fin 2017, ce qui représente 23 000 places nettes supplémentaires.

Cela permettra de mettre fin au surpeuplement actuel des prisons – plus de 65 000 détenus pour 57 000 places –, et d'offrir à tous les détenus des conditions dignes et adaptées de détention pour favoriser un véritable travail de réinsertion.

Il s'agira enfin de résorber durablement le stock des peines en attente d'exécution.

Compte tenu du nombre de ces peines, il est bien évident que notre choix n'est pas celui du tout carcéral : à côté des peines de prison décidées par le juge se déploient d'autres modes d'exécution des peines. Rappelons que toute peine aménagée est une peine exécutée.

Nous devons nous donner tous les moyens pour que soient respectées les exigences fondamentales que ce Gouvernement et le Parlement ont inscrites dans la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.

Aujourd'hui, le taux de surencombrement de nos prisons est en moyenne de 114,8 % et atteint 136 % dans les maisons d'arrêt. Augmenter la capacité du parc carcéral, ce n'est pas mettre en place une politique du « tout carcéral » mais simplement répondre à la réalité des besoins actuels.

Quant à l'objectif de réinsertion, les nouveaux établissements tripleront la surface consacrée aux activités des détenus, afin d'atteindre l'objectif de cinq heures d'activité par jour et par détenu.

La diversification de nos établissements pénitentiaires, que votre commission des lois a rétablie, est une nécessité non moins pressante.

Actuellement, les personnes condamnées à de courtes peines sont généralement hébergées, par défaut, dans les maisons d'arrêt déjà surpeuplées, alors que des conditions d'incarcération moins lourdes seraient mieux adaptées et plus efficaces dans une démarche de réinsertion. Nous avons donc choisi d'affiner la classification entre maisons d'arrêt et établissements pour peine en introduisant quatre niveaux de sécurité en fonction des profils des détenus.

Par ailleurs, sur les 85 000 peines d'emprisonnement ferme qui sont aujourd'hui en attente d'exécution, plus de la moitié ont une durée inférieure ou égale à trois mois. Toutes ces peines ne sont pas éligibles à un aménagement, alors même que, comme vous le souligniez, monsieur le rapporteur, les établissements pour courtes peines nous font cruellement défaut. Le Gouvernement a donc prévu de créer 6 000 places dédiées aux courtes peines, ce que votre commission des lois a approuvé.

Favoriser une exécution rapide des peines passe également par un renforcement des services de l'application et de l'exécution des peines des juridictions. Le projet de loi de programmation leur a ainsi affecté des moyens humains supplémentaires, notamment en juges d'application des peines.

Depuis 2007, les effectifs des services pénitentiaires d'insertion et de probation – les SPIP – se sont accrus de plus de 1 100 postes et ils comptent aujourd'hui près de 4 100 fonctionnaires. Cette croissance a été plus forte que celle du nombre de personnes placées sous main de justice, ce qui a permis d'améliorer la qualité du suivi réalisé par les conseillers d'insertion et de probation, même s'il faut poursuivre l'effort.

En prévoyant de constituer des équipes mobiles dans les SPIP, ainsi que de déléguer au secteur associatif habilité les enquêtes pré-sentencielles, ce projet poursuit l'effort engagé depuis 2007 de sorte que les personnels des SPIP puissent recentrer leur action sur le suivi et la réinsertion des condamnés.

Avec le projet de loi de programmation, 132 conseillers seront réaffectés sur le suivi post-sentenciel des condamnés, 88 postes de conseillers d'insertion et de probation mobiles seront créés et 103 psychologues seront recrutés pour mettre en place la pluridisciplinarité dans les services – soit au total plus de 300 équivalents temps plein supplémentaires.

Depuis 2007, nous avons mis en oeuvre une politique volontariste en matière de réinsertion et de prévention de la récidive. Le projet de loi de programmation poursuit cet effort en développant les outils d'évaluation de la dangerosité, les soins en détention et l'échange d'information.

Là encore, deux visions s'opposent : en supprimant les dispositions relatives à l'évaluation de la dangerosité criminologique, pourtant cruciale dans notre politique de prévention de la récidive, la majorité sénatoriale a pris le risque de priver les acteurs de la chaîne pénale d'outils indispensables à la poursuite de leurs missions.

Dès lors, le Gouvernement ne peut que se féliciter que votre commission des lois ait rétabli la généralisation du diagnostic à visée criminologique – le DAVC.

Grâce à cet outil, chaque condamné fera systématiquement l'objet d'une évaluation pluridisciplinaire qui déterminera un parcours d'exécution de la peine orienté vers la prévention de la récidive et permettra de suivre la personne condamnée en milieu ouvert. Il s'agit d'un véritable outil de partage d'information.

Le projet de loi prévoit par ailleurs de créer trois nouveaux centres d'évaluation. Ils permettront de développer l'évaluation des condamnés à de longues peines qui présentent un plus grand degré de dangerosité. Le nombre de condamnés pouvant être évalués annuellement sera ainsi porté à 1 600.

Cette mesure s'inscrit dans le prolongement de la loi du 10 août 2011 qui a étendu le passage obligatoire par le centre national d'évaluation aux détenus condamnés à dix ans au moins pour les faits les plus graves, lorsqu'ils sollicitent leur libération conditionnelle.

Monsieur le rapporteur, à votre instigation, l'Assemblée nationale a renforcé les dispositifs inscrits dans le texte du Gouvernement, en favorisant l'intégration progressive des méthodes actuarielles dans le travail des praticiens. Une nouvelle impulsion est ainsi donnée à l'enseignement de la criminologie, tant au sein des universités que des écoles des métiers de la justice. De même, les bénéficiaires de la bourse, prévue par le projet de loi pour inciter les futurs psychiatres à exercer les fonctions d'expert psychiatre ou de médecin coordonnateur, devront suivre une formation spécifique en sciences criminelles ou légales.

Quant aux dispositions relatives au partage de l'information, votre commission des lois les a rétablies dans leur intégralité.

On sait, en effet, l'importance de ces échanges d'information entre la justice et le médecin dans le cadre d'une obligation de soins ou d'une injonction de soins. Ils sont également déterminants entre l'institution judiciaire et les responsables d'établissements scolaires ou les personnes qui accueillent des mineurs placés sous contrôle judiciaire, pour des crimes ou délits violents ou de nature sexuelle. L'actualité récente a cruellement montré la nécessité de revoir nos règles en la matière et mis en évidence les risques que fait courir à nos concitoyens toute discontinuité dans la chaîne d'information.

Enfin, la meilleure prise en charge des mineurs délinquants constitue, vous le savez, un objectif prioritaire de ce Gouvernement. Le projet de loi de programmation permet de franchir un pas supplémentaire dans ce sens.

Ce Gouvernement n'a eu de cesse d'offrir de nouveaux outils au juge pour une prise en charge adaptée à la diversité des profils. La création du dossier unique de personnalité ou encore l'élargissement des conditions de placement en centre éducatif fermé sont des avancées en ce domaine, que la loi de programmation entend prolonger.

Le Gouvernement souhaite ainsi renforcer la capacité d'accueil des centres éducatifs fermés en créant vingt établissements supplémentaires qui s'ajouteront aux quarante-cinq existants. La capacité d'accueil des centres éducatifs fermés sera ainsi portée à près de 800 places. La création de quatre-vingt dix emplois supplémentaires accompagne d'ailleurs cette mesure. L'article 8, que je remercie votre commission des lois d'avoir rétabli, et qui exonère la direction de la protection judiciaire de la jeunesse de la procédure d'appel à projet pour créer les établissements de placement qu'elle gère en régie, lui permettra d'ouvrir, dès la fin de cette année, cinq nouveaux centres.

En écoutant le candidat socialiste à l'élection présidentielle, j'avais cru comprendre que les centres éducatifs fermés faisaient désormais partie, pour tous, de l'arsenal dont devaient disposer les magistrats amenés à prendre des décisions concernant les mineurs. Quelle surprise, dès lors, de voir ces dispositions supprimées par la majorité sénatoriale ! Les centres éducatifs fermés proposent en effet une prise en charge adaptée qui a fait la preuve de son efficacité pour les mineurs les plus ancrés dans la délinquance. En outre, grâce à ces structures, qui sont de véritables alternatives à l'incarcération, le Gouvernement a diminué le nombre de mineurs placés en établissement pénitentiaire, ce qui est un progrès. Ces centres répondent parfaitement au principe fondamental, consacré par le Conseil constitutionnel à maintes reprises et encore en août dernier, de la primauté de l'éducatif sur le répressif en matière de justice des mineurs. Consciente de l'apport de ces structures, votre assemblée avait d'ailleurs choisi d'en renforcer les moyens, notamment en matière de suivi pédopsychiatrique, afin d'offrir une prise en charge parfaitement adaptée des mineurs présentant des troubles du comportement, qui sont nombreux dans ces établissements.

Il est par ailleurs absolument essentiel, pour qu'elle garde tout son sens, qu'une mesure judiciaire prononcée à l'encontre d'un mineur soit exécutée dans un temps très proche de la commission des faits. Aussi, imposer un délai maximum de cinq jours entre la date du jugement et la première convocation du mineur et de ses parents devant le service éducatif constitue une avancée incontestable. Cette mesure est accompagnée des moyens nécessaires, puisque nous prévoyons la création de 120 postes d'éducateurs.

Mesdames et messieurs les députés, le respect dû aux lois votées par le Parlement et au travail des magistrats et la crédibilité de la justice exigent une attention constante aux délais d'exécution des décisions de justice. Ils exigent aussi que nous veillions, avec la plus grande attention, à ce que l'ensemble des principes qui président à nos politiques pénale et pénitentiaire, tels que définis par la loi du 24 novembre 2009, soient toujours plus efficacement mis en oeuvre.

En adoptant le projet de loi de programmation, dans la version issue des travaux de votre commission des lois, vous acterez le renforcement des moyens de la justice, si attendu par nos concitoyens comme par les acteurs judiciaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion