La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Mes chers collègues, un séisme et un tsunami dévastateurs ont frappé, vendredi dernier, le Japon.
Je tiens, en votre nom à tous, à exprimer notre émotion face à cette catastrophe et à assurer de notre entière solidarité le peuple japonais. Je vous invite à observer une minute de silence. (Mmes et MM. les députés et membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.)
Je vous indique que les quatre premières questions porteront sur la situation au Japon, que nous venons d'évoquer, et sur les conséquences de la catastrophe qui a frappé l'archipel.
Le Premier ministre répondra aux orateurs.
La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe Nouveau Centre.
Monsieur le président, sur les bancs de cette assemblée, nous partageons tous l'émotion que vous venez d'exprimer, à la suite du drame qui a frappé le Japon.
Vendredi, ce pays a vécu un drame sans précédent dans son histoire : des milliers de morts, plus de 40 000 personnes dont nous sommes actuellement sans nouvelles, plus de 600 villages et villes balayés par la vague meurtrière du tsunami.
Depuis quelques heures, le Japon est aussi frappé par un accident nucléaire consécutif au tsunami, qualifié de très grave par les autorités et dont on ne connaît pas encore toute l'ampleur ni les conséquences sur la zone concernée.
Avant toute chose et comme vous l'avez fait, monsieur le président et monsieur le Premier ministre, je veux saluer la dignité des Japonais qui vivent des heures particulièrement difficiles. Avec Philippe Folliot, vice-président du groupe d'amitié France-Japon – mais je crois que c'est un sentiment partagé par tous –, je souhaite aussi les assurer de notre solidarité.
Face à cette catastrophe, monsieur le Premier ministre, la première urgence est bien d'apporter notre soutien humanitaire et de participer à la mobilisation internationale pour apporter des solutions concrètes, notamment face à ce risque sanitaire lié au problème du nucléaire.
À tous nos collègues je dis qu'il faut éviter de jouer sur les peurs (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) et les craintes légitimes que peut susciter la situation au Japon, pour alimenter des questions dont nous aurons le temps de débattre dans notre pays (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes NC et UMP.)
Le temps du débat sur l'avenir du nucléaire français viendra. Pour l'instant nous avons une urgence : faire face à la situation au Japon. Nous devons tous être solidaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
L'heure est à la solidarité, à l'action de terrain.
Avec le Président de la République, vous avez suivi heure par heure la situation et ses conséquences, monsieur le Premier ministre. Vous avez réuni ce matin, à douze heures trente, tous les ministres concernés. Comme tous mes collègues, membres de la représentation nationale, je souhaite que vous nous fassiez part de votre analyse. Pourriez-vous nous indiquer les conditions dans lesquelles nous allons nous engager ?
J'ai une pensée pour les hommes et les femmes qui sont déjà arrivés de France pour apporter leur concours au Japon. Monsieur le Premier ministre, j'aimerais connaître les décisions que vous avez d'ores et déjà prises au nom de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, les Japonais vivent des heures tragiques. En quelques jours, des secousses sismiques à répétition, un violent tsunami et de graves dégradations affectant plusieurs réacteurs nucléaires ont plongé le Japon dans le chaos. Notre premier souci doit être une entière solidarité avec le Japon et les Japonais.
Cette solidarité s'accompagne d'une grande inquiétude devant les accidents qui affectent plusieurs réacteurs nucléaires. Tout fait craindre une catastrophe de grande ampleur. En France, comme dans le monde, tous les enseignements doivent en être tirés.
Notre pays dispose de cinquante-huit réacteurs nucléaires. Cette réalité justifie que, loin des polémiques politiciennes, un véritable dispositif d'information en direction de tous nos compatriotes soit mis en place dans la plus grande transparence et pas seulement autour des centrales. C'est un député de Normandie qui vous parle.
Cette réalité justifie que les dispositifs de sécurité de nos centrales et de leurs réacteurs fassent l'objet d'un audit analysant toutes les éventualités d'accidents et de catastrophes naturelles qui pourraient les affecter. Nous demandons que cet audit soit rendu public, que le Parlement soit saisi et les mises à niveau effectuées.
L'inquiétude se nourrit aussi des logiques de rentabilité qui affectent le secteur nucléaire : elles pèsent sur la sécurité et sur la sûreté, sur les hommes et sur les installations.
C'est pourquoi les députés communistes demandent que l'énergie sorte de la vision à court terme de la rentabilité financière et que cessent les politiques de privatisation et de déréglementation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Une réunion est prévue à Bruxelles : la France pourrait et devrait porter cette demande.
Au-delà, tout confirme l'urgence d'un débat public et citoyen sur les enjeux et les choix de la politique énergétique à venir. Renforcement de la sécurité nucléaire, totale maîtrise publique, investissements massifs dans les énergies renouvelables, remplacement des sources carbonées, telles sont des orientations que notre pays pourrait porter ici chez nous, comme en Europe et dans le monde.
Êtes-vous prêt, monsieur le Premier ministre, à aller dans ce sens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur divers bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, au nom de l'ensemble du groupe UMP, je souhaite, à mon tour, faire part au peuple japonais de notre profonde émotion devant le drame effroyable qui les touche. Comme l'ensemble de nos concitoyens, nous avons été profondément choqués par ce séisme sans précédent, suivi d'un tsunami d'une violence inouïe. Nous rendons également hommage à la fois au sang-froid, au courage et à la grande dignité du peuple japonais que les éléments n'ont pas épargné.
La France a immédiatement proposé son appui et son aide au gouvernement japonais, afin de porter assistance aux populations sinistrées qui sont en situation d'urgence humanitaire. Pouvez-vous nous dire, monsieur le Premier ministre, en quoi consiste concrètement cette coopération sur le terrain, au plus près des victimes ?
Cette catastrophe naturelle majeure se double d'une catastrophe nucléaire qui nous fait craindre le pire. Le Japon a demandé l'aide de l'Agence internationale de l'énergie atomique. Dans cette phase extrêmement critique, sous quelle forme notre pays peut-il apporter son aide et son expertise au Japon ?
La France possède une filière nucléaire qui fait référence dans le monde entier. Elle nous permet une réelle indépendance et est parfaitement cohérente avec le mix énergétique que nous soutenons.
Elle possède également, avec l'Autorité de sûreté nucléaire, un système à la fois indépendant et transparent. Si besoin en est, et à la lumière des événements japonais, quels enseignements compte tirer le Gouvernement afin d'améliorer et de renforcer encore notre système de sûreté nucléaire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Mes premiers mots sont des mots d'amitié et de solidarité vis-à-vis du peuple japonais qui connaît un malheur immense et traverse cette épreuve avec une dignité qui force l'admiration du monde entier.
À l'heure où nous parlons, une catastrophe nucléaire est, hélas, probable. Nous devons éviter toute polémique sur un sujet qui alimente les inquiétudes de l'ensemble des nations. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur quelques bancs du groupe SRC.)
Nos compatriotes s'interrogent. Une catastrophe est-elle possible dans notre pays ? Depuis soixante ans, les majorités successives ont partagé le choix du nucléaire. C'est ainsi que nous avons réduit notre dépendance énergétique et développé une filière industrielle d'excellence qui a nourri la croissance et créé des millions d'emplois. Mais le maintien de la confiance repose sur plusieurs conditions.
La première est la transparence. Nous souhaitons que le rapport Roussely sur la nouvelle architecture de la filière nucléaire, actuellement classé secret défense, soit immédiatement rendu public. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La seconde condition est la sécurité, qui passe par la maîtrise à 100 % du nucléaire par le secteur public. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Les enjeux sont trop lourds pour abandonner le secteur à la recherche du profit. Nous vous demandons donc, monsieur le Premier ministre, de reconsidérer votre autorisation d'implantation du réacteur ATMEA qui ne satisfait pas ces conditions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La sécurité passe également par l'adoption de normes internationales. Les risques de dumping peuvent se révéler criminels. Nos exportations devraient aussi être contrôlées. Je pense, par exemple, au projet heureusement inabouti de vente d'une centrale nucléaire à la Libye.
Dans l'attente d'un retour des leçons à tirer sur ces accidents tragiques au Japon, nous demandons un moratoire, non pas sur la recherche, mais sur le développement de capacités nucléaires supplémentaires en France. Nous demandons également un audit public sur la sécurité de chacune de nos centrales et de chacun de nos réacteurs et sur la prolongation éventuelle de leur durée de vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Enfin, monsieur le Premier ministre, je demande que soit organisé dans notre pays, sans oublier la dimension européenne, un grand débat national sur la politique énergétique.
Sur tout cela, il est important que notre pays puisse débattre de façon responsable et lucide et en transparence pour assurer la confiance de nos concitoyens dans l'avenir de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. François Fillon, Premier ministre. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, messieurs les présidents de groupe, le Japon vient de subir l'un des quatre plus puissants tremblements de terre de l'histoire humaine, suivi d'un tsunami d'une violence extrême, qui a sans doute causé des dizaines de milliers de morts. Cinq cent mille personnes vivent actuellement dans des refuges provisoires, manquent d'eau, de nourriture, de médicaments. C'est tout un pays qui tente de surmonter la pire tragédie de son histoire depuis 1945.
Je veux d'abord adresser, au nom de la France tout entière, un message de solidarité, d'affection et de fraternité à la nation japonaise. (Applaudissements sur tous les bancs.) La France salue le courage du peuple japonais, qui se tient debout avec une dignité et un sang-froid qui forcent notre respect.
L'urgence est d'abord humanitaire. Cent quatorze personnels de la sécurité civile française sont sur place pour appuyer les secours. À la demande des autorités japonaises, nous préparons, depuis ce matin, l'envoi des équipements nécessaires à l'assistance aux personnes sans abri. La France, qui préside le G20, prendra, dans les prochaines heures, sous l'autorité du Président de la République, des initiatives pour venir en aide au Japon.
Cependant, vous l'avez souligné, l'urgence est maintenant aussi nucléaire. L'Autorité de sûreté nucléaire française vient de classer l'accident de Fukushima au niveau 6 sur une échelle qui en compte sept. L'enceinte de confinement d'un des réacteurs de Fukushima semble bien avoir été endommagée. Les piscines de stockage de combustible usé sont également vulnérables. La radioactivité sur le site rend très difficiles et très dangereux les travaux nécessaires à la reprise en main de la situation. Le relâchement de gaz radioactifs dans l'atmosphère, jusqu'alors volontaire pour gérer les surpressions dans les réacteurs, pourrait prendre des proportions beaucoup plus importantes. Les vents soufflent désormais vers le sud, et Tokyo se trouve déjà exposé à une augmentation anormale de la radioactivité, même si les données ne sont pas encore inquiétantes.
Notre premier devoir est celui de la solidarité avec le Japon. Des spécialistes de radioprotection partiront pour Tokyo dans les heures qui viennent. Nous avons proposé au gouvernement japonais des matériels de secours et d'assistance, et des experts de la sécurité nucléaire sont disponibles pour apporter leur concours à leurs homologues japonais.
Notre deuxième obligation est envers nos compatriotes vivant au Japon. Il y en a, en temps normal, près de 5 000 dans l'agglomération de Tokyo, sans doute un peu plus de 2 000 aujourd'hui : 280 parmi les personnes prioritaires, notamment les enfants, vont rentrer avec l'avion qui transportait les agents de la sécurité civile et les 10 000 pastilles d'iode destinées à nos ressortissants au cas où la situation justifierait leur emploi.
Nous avons proposé à ceux de nos compatriotes qui ne sont pas astreints à rester à Tokyo de rentrer en France ou de partir vers le sud du Japon dès maintenant. Le Gouvernement a demandé à Air France de mobiliser des avions se trouvant en Asie pour répondre sans délai à la demande de nos ressortissants.
Enfin, nous avons renforcé la surveillance des retombées radioactives outre-mer et sur le territoire métropolitain. Toutes les balises de détection et de mesure de l'IRSN sont activées, et j'indique à nos concitoyens que les résultats en sont disponibles en continu sur le site internet de l'IRSN. Enfin, l'Agence internationale pour l'énergie atomique mutualisera les informations utiles.
La situation au Japon suscite un débat sur notre politique nucléaire. Alors que les Japonais se battent contre la catastrophe, j'en appelle à la responsabilité et à la retenue. Il y a un temps pour chaque chose : aujourd'hui, c'est le temps du soutien et de la solidarité avec le peuple japonais. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, et sur de nombreux bancs des groupes SRC et GDR.) Il y aura ensuite le temps du retour d'expérience. Nous devrons tirer tous les enseignements de cette catastrophe pour renforcer la sécurité de notre parc nucléaire. C'est l'un des plus sûrs, c'est l'un des plus vérifiés, c'est l'un des plus transparents.
Il est tout aussi absurde d'affirmer que le nucléaire est condamné par cet accident que d'affirmer qu'il ne nous concerne pas. Nous n'éluderons aucune des questions posées par cette catastrophe. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, et sur quelques bancs des groupes SRC et GDR.)
Que s'est-il passé au Japon ? Deux catastrophes naturelles coup sur coup : un tremblement de terre d'une puissance inégalée, plus un tsunami. Si les centrales ont résisté au tremblement de terre, le tsunami a eu raison des systèmes de refroidissement. Nous devons tenir compte de ce qui s'est passé au Japon. À quelle force de tremblement de terre peut résister chacune de nos centrales ? À quel niveau d'inondation peuvent-elles faire face ? Nous allons contrôler tout cela et nous le ferons en toute transparence. Comme vous venez de le demander, les démonstrations de sûreté de chaque centrale en France seront contrôlées à la lumière des enseignements tirés de la catastrophe de Fukushima, et les résultats de ces contrôles seront rendus intégralement publics. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, et sur divers bancs des groupes SRC et GDR.)
Mesdames et messieurs les députés, la catastrophe de Fukushima nous rappelle à l'exigence d'une gestion toujours plus professionnelle de nos risques industriels et à celle d'une totale transparence dans leur gestion, mais elle nous rappelle aussi à une solidarité humaine qui transcende les frontières. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, NC, SRC et sur de nombreux bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Patrick Roy, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.)
Pour cette séance très particulière pour moi – j'y reviendrai en fin de question –, je souhaite d'abord évoquer avec M. le ministre de la culture et de la communication la diversité culturelle, et plus particulièrement musicale.
Monsieur le ministre, vous le savez, il y a encore beaucoup de chemin à faire pour que chaque style musical soit respecté. Je pense non seulement au rap, au jazz, mais aussi au rock métal injustement méprisé par les médias, dont – c'est plus grave – l'audiovisuel public.
Pourtant, cette musique est forte et inspirée, monsieur le ministre. En France, je vous conseille d'écouter Gojira, Adagio, Mass Hysteria, Dagoba et Manigance. Ailleurs dans le monde, outre l'inévitable Metallica, penchez-vous sur Opeth, Dream Theater, Therion ou encore Stratovarius et Rammstein.
Cette musique attire des centaines de milliers d'amateurs qui se pressent dans de grands festivals comme le RaimesFest, les Métallurgicales ou encore l'impressionnant Hellfest, à Clisson près de Nantes, que connaît bien Jean-Marc Ayrault. Le rock métal a une presse spécialisée dynamique : Rock Hard, Metallian, Hard Rock Magazine.
J'ai donc écrit au président de France Télévisions pour lui demander un rendez-vous, que j'ai obtenu, et lui parler de la création d'un magazine de rock métal. Il n'y a aujourd'hui aucun créneau sur le service public. Ma question est simple. Êtes-vous à mes côtés dans ce combat pour la diversité culturelle ?
Avant de vous écouter, monsieur le ministre, je voudrais dire quelques mots à l'ensemble de l'hémicycle. Vous le savez, je viens de traverser, je traverse, une période difficile de ma vie d'homme. Dans ce combat contre la mort, j'ai été bouleversé par le soutien de mes collègues de gauche et du groupe socialiste. Exemplaires autour du président Jean-Marc Ayrault et de Martine Aubry, ces soutiens tellement humains m'ont permis de garder, toujours, un moral de vainqueur. Merci, merci à toutes et à tous.
Je dois dire aussi que j'ai été autant bouleversé par le soutien tout aussi humaniste du Gouvernement, de vous, collègues de droite, de vous, monsieur le président. Je ne l'oublierai jamais. Alors que je vous vilipende à longueur de séances (Sourires),…
Je continuerai demain !
Alors que je vous vilipende à longueur de séances, vous avez été à mes côtés, sans faille, toujours. Combien de fois j'ai pleuré d'émotion en vous lisant, en vous écoutant, en vous recevant ! Aujourd'hui, je suis très fier d'appartenir à cette belle démocratie française.
Face à la mort redoutée, il y a la vie espérée. Ce souffle, vous me l'avez tous donné, tous, à gauche, à droite, au Gouvernement. Jamais, jamais je n'oublierai.
Ce souffle, il faut aussi le donner aux millions de victimes qui, comme moi, luttent pour la vie. La vie est tellement belle. Ces victimes, aimez-les, aimons-les, entourez-les, entourons-les. Le coeur accomplit des miracles.
Dès demain, je redeviens un opposant farouche (Sourires), mais je vais vous le redire : je vous aime toutes et tous. La vie est belle ! (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.)
Patrick Roy, je vous remercie pour votre témoignage. Il est un message d'espérance pour tous nos compatriotes et pour leurs familles qui, comme vous, luttent avec un courage admirable contre la maladie.
La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le député, cher Patrick Roy, oui, vous avez raison : la vie est belle. Au-delà des conflits légitimes et des débats parfois passionnés qui peuvent nous opposer, le fait de le rappeler nous ramène à l'essentiel. Permettez-moi, au nom du Gouvernement, d'exprimer la profonde émotion et la grande joie de vous retrouver aujourd'hui sur les bancs de l'Assemblée. Nous nous sommes tous inclinés devant votre courage et votre détermination à lutter contre la maladie. Dans ces moments de vérité que vous avez traversés, chacun d'entre nous était à vos côtés. Le respect rassemble et entraîne à des sentiments que nous sommes tous fiers d'avoir pu éprouver à votre endroit : l'élan vers l'autre, l'admiration, l'amitié qui peut se manifester sereinement.
J'en viens maintenant à votre question sur la diversité musicale sur les antennes de France Télévisions et, cette fois encore, je salue votre engagement pour la culture à travers ce premier acte de votre retour parmi nous.
Comme vous le savez, le Gouvernement n'intervient pas dans l'élaboration détaillée des grilles de programme, qui relève de la direction et des dirigeants des chaînes, sous le contrôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Le rôle de l'État consiste à fixer les missions de service public, et le cahier des charges de France Télévisions prévoit explicitement que celle-ci diffuse régulièrement des émissions à caractère musical. De fait, cette mission peut paraître encore aujourd'hui insuffisamment remplie quand la musique, quand toutes les musiques sont l'un des vecteurs essentiels du lien social, comme en atteste d'ailleurs le succès persistant des concerts que vous avez évoqués et de la Fête de la musique ou la réussite du Grand Ramdam, organisé par mon ministère l'été dernier au Parc de la Villette.
France 4 diffuse chaque semaine, le mardi, en seconde partie de soirée, le magazine musical de référence Taratata ; cette émission est effectivement le reflet de toutes les musiques. France Télévisions entend poursuivre et développer cette programmation riche et éclectique qui offre une exposition à tous les genres musicaux, y compris le rock métal. De retour, à l'instant même, des États-Unis, j'ai pu mesurer à quel point nos formations les plus pointues dans ce domaine participent au rayonnement de notre pays. Nous discutons actuellement du futur contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions. M. Pflimlin, président de France Télévisions, vous recevra prochainement. Ses équipes et lui-même sont particulièrement sensibles aux enjeux de la diversité musicale qui manifeste la puissance de création remarquable de notre société. Votre question traduit une attente qu'il convient de ne pas laisser sans réponse. Cher Patrick Roy, nous irons encore ensemble au concert. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Franck Reynier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Je veux tout d'abord, bien naturellement, m'associer aux messages de solidarité qui ont été adressés au peuple japonais.
Madame la ministre, cette catastrophe a ravivé dans notre pays les inquiétudes vis-à-vis du nucléaire. La France, tout en poursuivant le développement de ses énergies renouvelables, produit, avec de très faibles rejets de CO2 une énergie qui est aujourd'hui 40 % moins chère que les autres énergies produites par les pays européens, nous garantit une indépendance énergétique et est un atout compétitif pour notre économie. Toutefois, le nucléaire impose la plus grande transparence. C'est pourquoi la France a instauré, en 2009, un haut comité pour la transparence nucléaire. Les attentes nourries par la population à l'égard des élus n'en sont pas moins nombreuses, et je peux mesurer au quotidien, sur le territoire de ma circonscription où se trouve le site du Tricastin, combien ces sujets sont importants.
Consciente de ces impératifs de sécurité, la France a décidé de développer un réacteur de troisième génération, l'EPR, qui intègre les leçons des catastrophes de Three Mile Island ou de Tchernobyl. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe GDR.) Alors, madame la ministre, au vu de cette catastrophe majeure que connaît le Japon, pouvez-vous nous informer des mesures prises par le gouvernement français pour prévenir ce type de situation dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
La sûreté, monsieur le député Franck Reynier, c'est d'abord la transparence totale, et le Gouvernement la pratique depuis le début de cette crise.
C'est la raison pour laquelle nous avons d'abord évoqué – jusqu'à hier, c'était le scénario privilégié en fonction des informations dont nous disposions – un accident très grave, avec des rejets radioactifs dans l'atmosphère, des rejets intentionnels mais un accident qui restait confiné. Depuis ce matin, malheureusement, les informations – le Premier ministre l'a redit – sont différentes : on parle d'un déconfinement, et l'accident très grave pourrait tourner à la catastrophe.
La transparence, c'est aussi celle que nous pratiquons au quotidien, à propos de notre propre parc nucléaire. En France, la transparence est organisée par la loi de 2006 autour d'une autorité de sûreté nucléaire, véritable gendarme du nucléaire, en charge du contrôle des sites, qui peut aller jusqu'à la fermeture d'un site si les prescriptions ne sont pas respectées. L'expertise s'organise, elle, autour de l'IRSN, cet institut qui, par exemple, entretient les balises et organise la radioprotection du territoire. Dans ce contexte, le moindre incident survenant en France doit être signalé.
La sûreté, c'est aussi à l'origine, dès la conception, la prise en compte des risques majeurs. Les centrales sont dimensionnées pour résister à certains types de risques auxquels elles peuvent être exposées en fonction de l'histoire des régions sur le territoire desquelles elles sont situées.
Cette sûreté est perpétuellement réévaluée en fonction des événements. Ainsi, après la tempête de 1999, il était apparu, à la centrale du Blayais, que les vagues pouvaient être d'un niveau plus élevé que prévu. Cela nous avait amené à rehausser les digues et à revoir l'ensemble de la sûreté des centrales face au risque inondation. Toute crise, tout accident est l'occasion de revoir la sûreté de nos centrales. L'accident – peut-être la catastrophe – de Fukushima sera l'occasion d'un retour d'expérience. Le Premier ministre l'a dit : nous reverrons toutes les centrales, une à une, pour que chacune puisse intégrer les enseignements de Fukushima.
Monsieur le président, mes chers collègues, cette séance est particulière. D'abord, je veux souligner combien nous avons tous été émus par les propos de notre collègue Patrick Roy. Ensuite, et je m'exprime en tant que vice-président du groupe d'amitié France-Japon, l'actualité, avec les événements survenus au Japon, nous donne un sujet particulier d'inquiétude pour tous nos concitoyens.
Comme cela a été justement rappelé par le président de notre groupe, François Sauvadet, la France et le Japon sont deux pays amis, aux liens forts et ancestraux. Dans cette catastrophe naturelle d'une exceptionnelle intensité, aux conséquences humaines, avec des dizaines de milliers de victimes, environnementales et économiques incommensurables, on ne peut que saluer, quels que soient les bancs de cette assemblée, le courage, la dignité et l'union nationale du peuple japonais dans de si tragiques circonstances.
Aujourd'hui, nous sommes tous quelque peu japonais. Je pense que nous pourrions parfois prendre exemple sur eux plutôt que de lancer à chaud, sous le coup de l'émotion, même légitime, des débats inutilement polémiques.
Alors qu'ils sont parfois injustement décriés, je tiens ici aussi à saluer nos diplomates, plus particulièrement l'ambassadeur de France au Japon, M. Philippe Faure, et son équipe, pour la façon exemplaire dont ils se sont démenés pour créer une cellule de crise afin d'informer, aider, rassurer et secourir nos 9 000 compatriotes installés au Japon. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs des groupes UMP et SRC.)
Pouvez-vous, madame la ministre de l'écologie, nous préciser si, à ce jour, il y a des victimes ou des disparus français et les mesures que compte prendre le Gouvernement pour aider à la protection et au rapatriement de nos concitoyens qui en exprimeraient le souhait ?
Le Japon, ce n'est pas, pour la France, que l'autre bout de la planète, mais aussi un peuple voisin de nos territoires du Pacifique que sont la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie Française, Wallis-et-Futuna.
Quelles sont, madame la ministre, les mesures spécifiques et conservatoires que compte prendre le Gouvernement pour nos collectivités et compatriotes ultramarins du Pacifique si une catastrophe nucléaire de grande ampleur, tant redoutée, avait lieu ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Monsieur le député, dans le contexte de risque de catastrophe nucléaire auquel doit faire face le Japon, et pour ne pas charger davantage les autorités japonaises qui doivent affronter cette crise, nous recommandons à tous les Français qui n'ont pas de bonnes raisons de rester à Tokyo de quitter la ville par avion ou de se diriger vers le sud du Japon. Nous avons demandé à Air France d'augmenter son nombre de rotations sur Tokyo et, surtout, sur Osaka pour rapatrier nos compatriotes qui le souhaiteraient.
Ceux qui resteront sur place devront se conformer aux prescriptions des autorités japonaises, c'est-à-dire envisager de rester confinés et, surtout, ne pas sortir en cas de pluie. Pour eux, des dispositifs sont prévus, comme l'acheminement d'une équipe de spécialistes de l'IRSN – l'institut de radioprotection et de sûreté nucléaire – auprès de l'ambassade de France pour conforter nos équipes sur place.
Vous l'avez signalé, monsieur le député, nous avons aussi des territoires d'outre-mer qui sont les territoires français les plus proches du Japon et de cette catastrophe. Nous avons d'abord activé, conforté notre réseau de surveillance. Il existe une balise à Tahiti et nous suivons de très près l'évolution de la situation en matière de radioprotection dans nos territoires. Aujourd'hui, il n'y a pas de risque majeur. La suite dépendra, d'une part, de l'ampleur des rejets au Japon, d'autre part, des déplacements atmosphériques. Les courants atmosphériques passent relativement peu facilement d'un hémisphère à l'autre. En conséquence et même si cela peut paraître curieux, si certains de nos territoires devaient être exposés, ce serait plus probablement Saint-Pierre-et-Miquelon que ceux du Pacifique.
Pour autant, compte tenu des rejets massifs attendus, l'IRSN commence d'ores et déjà à modéliser le nuage pour prévoir son déplacement. Bien sûr, nous anticiperons son éventuelle arrivée si cela s'avérait, avec des mesures de prévention dans nos territoires du Pacifique.
La parole est à M. Apeleto Albert Likuvalu, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, mes chers collègues, je tiens à exprimer personnellement toute ma solidarité et toute mon émotion aux Japonais qui font preuve de beaucoup de sang-froid et de dignité en ces moments douloureux et difficiles.
Madame la ministre de l'écologie, la double catastrophe naturelle, tremblement de terre, puis tsunami, qui a touché vendredi dernier le pays du soleil levant, à laquelle s'ajoute le risque nucléaire de plus en plus menaçant, montrent la fragilité de l'homme face aux forces de la nature.
Alors même qu'il est l'un des pays les plus en pointe en matière de dispositifs antisismiques, le Japon connaît, du fait des effets du séisme, la plus grave crise depuis la Seconde guerre mondiale.
Carrefour de zones de subduction de plusieurs plaques de croûte terrestre, l'océan Pacifique, tant dans sa zone nord qu'au sud, concentre à juste titre les craintes de séismes à forte magnitude.
Installés au coeur de cette zone, nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis – et-Futuna, souvent oubliés, surveillent avec inquiétude l'évolution préoccupante, heure par heure, de la situation au Japon.
Au-delà du drame récent actuel du Japon, cette préoccupation concerne l'ensemble des outre-mer, comme Saint-Pierre-et-Miquelon que vous venez de citer, madame la ministre, ainsi que la métropole. Le séisme du 12 janvier 2010 à Haïti avait touché nos compatriotes des Caraïbes et celui de décembre 2004, dans l'océan Indien, nos compatriotes Réunionnais. Il en est de même du séisme de mai 2003 à Alger qui avait été ressenti jusque dans le sud de la France.
À l'heure actuelle, madame la ministre, à l'aune des informations dont vous disposez, que pouvez-vous indiquer à la représentation nationale et à nos concitoyens sur la réalité des risques, particulièrement dans le Pacifique ?
Quelles mesures concrètes envisagez-vous pour y faire face ? Quels moyens efficaces de prévention… (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Monsieur le député, dans le contexte de crise nationale, de catastrophe naturelle, puis de risque de catastrophe nucléaire que connaît le Japon, nous attachons une attention prioritaire à nos territoires d'outre-mer et à ceux du Pacifique. Cela a été le cas dès l'arrivée du tsunami. À travers l'histoire, presque 60 % des tsunamis recensés ont eu lieu dans le Pacifique. Nous avons des outils de détection et de modélisation des tsunamis extrêmement développés dans le Pacifique.
Nous avons pu ainsi, dès vendredi, dès l'arrivée du tsunami au Japon, modéliser, prédire le niveau de la vague, l'heure d'arrivée dans les territoires d'outre-mer, à Wallis-et-Futuna, à Tahiti, et protéger les populations.
Nous essayons de développer cette anticipation, avec les limites que pose l'information dont nous disposons sur le risque de catastrophe nucléaire.
Aujourd'hui, il n'y a pas de risque majeur pour les territoires d'outre-mer. Cependant, compte tenu des rejets massifs attendus, nous commençons d'ores et déjà à modéliser le nuage radioactif qui pourrait se former et à étudier sa circulation en fonction des courants atmosphériques afin d'anticiper une éventuelle arrivée de particules radioactives sur nos territoires. Naturellement, toutes les mesures de précautions seront prêtes et actionnées.
La parole est à M. Pierre Lequiller, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre chargé des affaires européennes, le Conseil européen extraordinaire, réuni vendredi dernier à l'initiative du Président de la République et du Premier ministre britannique, a été largement consacré à la situation dramatique en Libye. Les forces du colonel Kadhafi regagnent rapidement du terrain, au prix de massacres et de bombardements de la population civile à coups d'artillerie lourde et de raids aériens. Nous n'avons pas le droit de rester inertes face à la folie d'un dictateur sanguinaire. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Je salue la position du Président de la République et du Gouvernement qui, avec la Grande-Bretagne, ont été en initiative en prônant la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne ou de frappes aériennes ciblées. Il y a un risque que la ville de Benghazi tombe dans les prochains jours. Nous n'aurons les moyens militaires pour l'empêcher que si la communauté internationale décide de s'en doter.
Nous avons été le premier pays à reconnaître le Conseil national de transition en Libye. La France s'efforce de convaincre ses partenaires d'accélérer le vote d'une résolution par le Conseil de sécurité de l'ONU autorisant une action militaire. L'envoyé spécial de l'ONU pour la Libye a réclamé lundi l'arrêt de la violence et un accès pour les organisations humanitaires. Les ministres du G8 se sont réunis hier soir et ce matin encore. La Ligue arabe, et c'est sans doute le progrès le plus important, a lancé un appel pour l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne.
Monsieur le ministre, alors que l'Égypte et la Tunisie voisines peuvent connaître des progrès démocratiques historiques, que peut-on espérer des négociations en cours pour tenter de mettre un terme à la répression monstrueuse exercée par Kadhafi contre son propre peuple ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes.
Monsieur le président Lequiller, permettez-moi d'abord de vous demander d'excuser Alain Juppé, en ce moment même en réunion avec son homologue japonais.
Nous avons tous suivi la situation en Libye qui évolue dans un sens extrêmement préoccupant. Les forces de Kadhafi reprennent du terrain sur l'opposition. Elles avancent vers Benghazi. Un certain nombre de raids aériens ont été menés. Aujourd'hui plus qu'hier, les menaces sur la population civile sont particulièrement importantes.
Vous l'avez souligné, la diplomatie française n'épargne, dans ce cadre, aucun effort. Nous sommes convaincus qu'il faut agir vite et que toute la communauté internationale doit se mobiliser. Kadhafi doit quitter le pouvoir et nous devons protéger les populations civiles contre cette folie. Dans ce cadre, les efforts de la diplomatie française ont été sur tous les fronts. Elle a, tout d'abord, accompagné la décision de la Ligue arabe qui, vous l'avez souligné, a pris une position extrêmement courageuse sur un sujet aussi difficile. Ensuite, Alain Juppé a obtenu une déclaration des ministres du G8 qui appellent très clairement le Conseil de sécurité à intensifier ses efforts. Le Conseil des droits de l'homme des Nations unies a également décidé d'envoyer une mission sur le terrain pour observer les violations qui ont été faites par le régime de Kadhafi.
Aujourd'hui, nos efforts doivent être concentrés sur le Conseil de sécurité pour obtenir une résolution, avec des mesures concrètes et opérationnelles, nous permettant, le plus vite possible, de protéger les populations civiles actuellement menacées. Ce n'est pas facile, car il faut convaincre la communauté internationale. Mais nous n'avons pas le droit de baisser les bras. Nous ne pouvons pas rester inertes et nous ne le resterons pas. Le message de la diplomatie française est simple : Kadhafi doit partir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Delphine Batho, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, chers collègues, la montée de la violence atteint chaque jour dans notre pays un niveau insupportable. Ce mal frappe en particulier les plus fragiles, et d'abord les femmes, les habitants des quartiers populaires, les jeunes dans les établissements scolaires, ainsi que les serviteurs de l'État – je pense aux policiers et gendarmes. Personne, je dis bien personne, ne se réjouit de l'échec du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C'est pourquoi ma question s'adresse au ministre de l'intérieur. Quand cesserez-vous de faire des lois au lieu d'agir ? (Exclamations sur les mêmes bancs.) Le Conseil constitutionnel vient, en rejetant treize articles de la LOPPSI 2, dix-septième loi sur la sécurité depuis 2002, de vous infliger une des plus sévères censures sous la Ve République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) La politique de sécurité n'a pas besoin d'insécurité juridique ; elle a besoin du respect de l'État de droit et de l'application sans faille des lois existantes. Pouvez-vous vous engager à ne pas représenter au Parlement une nouvelle mouture des dispositions censurées qui, pour bon nombre d'entre elles, proviennent du discours de Grenoble du Président de la République ?
Monsieur le ministre, le Conseil constitutionnel a également rappelé, par sa décision sur la vidéosurveillance et sur les polices municipales, que la sécurité dans notre République est une mission régalienne qui appartient à l'État et à lui seul. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Allez vous mettre fin à la logique de privatisation rampante qui caractérise toute votre politique ? Et, surtout, donnerez-vous aux forces de l'ordre les moyens qu'elles vous réclament pour faire leur travail ? Je rappelle que vous avez supprimé 9 564 postes de policiers et gendarmes en trois ans ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Allez-vous, enfin, mettre un coup d'arrêt à l'application de la révision générale des politiques publiques et créer une véritable police de quartier ? (Mêmes mouvements.) Monsieur le ministre, les Français n'attendent plus de vous des discours, des statistiques, des lois ; ils attendent des actes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Madame Batho, vous m'obligez à me répéter, car je vous ai déjà rappelé, la semaine dernière, que, pendant les cinq dernières années du gouvernement socialiste en France, la délinquance avait augmenté de 15 %...
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est faux !
…alors que, depuis 2002, elle a baissé de 17 %. Je ne sais pas où est l'échec, mais, pour quelqu'un de normalement constitué, il est bien de votre côté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Par ailleurs, s'agissant des moyens, je me permets de vous rappeler également que, par les 35 heures que vous avez décidé de mettre en place sans compensation, vous avez supprimé illico 8 000 emplois dans la police ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Nous avons, pour notre part, apporté ces compensations !
S'agissant de la décision du Conseil constitutionnel, il est exact que celui-ci a censuré treize des 142 dispositions, ce qui revient à dire qu'il en a validé 129 ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Le verre est plus qu'à moitié plein ! Ces dispositions sont très importantes.
Dans le domaine pénal, par exemple, le Conseil constitutionnel a validé une disposition permettant l'application de peines plancher à des auteurs de violences aggravées. En matière de prévention ou d'enquêtes, il a permis le blocage des appareils téléphoniques dérobés, rendant les vols sans intérêt. La police nationale et la gendarmerie nationale ont également plus facilement accès aux images de vidéosurveillance. Le Conseil constitutionnel a également permis de bloquer l'accès à des sites pédopornographiques. Tout cela est très important.
Ainsi, madame la députée, le Gouvernement et sa majorité ont, une fois de plus, mis à la disposition des magistrats, des policiers et des gendarmes des éléments majeurs pour lutter contre l'insécurité des Français et ils l'ont fait contre vous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Huées sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Claude Bouchet, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie et du développement durable. (Murmures.)
Hier, le Président de la République française a reçu les dirigeants de huit organisations non gouvernementales fondatrices du Grenelle de l'environnement afin d'évoquer avec leurs représentants les axes de travail de la présidence française du G8 et du G20 dans le domaine de l'environnement.
Le Japon est confronté à la menace d'une catastrophe nucléaire majeure après le tremblement de terre et le tsunami de vendredi dernier, qui a endommagé plusieurs de ses réacteurs. Ces événements relancent dans le monde, en particulier en Europe, le débat sur la pertinence de l'énergie nucléaire.
Nos collègues écologistes demandent un référendum sur cette question, alors même que les socialistes n'y sont pas favorables, estimant que c'est une réponse politicienne qui n'est pas du tout adaptée.
Dois-je vous rappeler, mes chers collègues, que nous n'avons pas attendu des catastrophes de ce type pour engager une révolution majeure en matière d'écologie en France avec le Grenelle de l'environnement ?
Dois-je vous rappeler que le Grenelle 2 détaille les grands engagements pris dans le Grenelle 1 sur l'isolation des bâtiments, l'agriculture biologique, la mobilité urbaine ou encore la protection des espèces et des écosystèmes ?
Dois-je vous rappeler enfin que c'est notre majorité qui a été à l'origine de ces projets majeurs pour l'avenir énergétique et écologique de notre pays ?
Madame la ministre, alors que la catastrophe nucléaire au Japon nous interpelle tous, pouvez-nous rappeler l'engagement plein et entier du Gouvernement dans les questions environnementales et nous détailler la place que prendra l'écologie dans la présidence du G8 et du G20 ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
En cette période particulièrement difficile, monsieur le député, nous sommes d'abord mobilisés pour faire face à la crise aux côtés des Japonais, aux côtés des Français qui résident au Japon et dans les territoires d'outre-mer, mais notre responsabilité est aussi d'anticiper les crises et d'en tirer toutes les conséquences pour notre propre système de production énergétique, notre propre économie, nos ambitions.
Nous n'attendons pas les crises pour réfléchir à la sûreté de nos centrales et les dimensionner en fonction des risques naturels, mais nous en tirons tous les enseignements. J'ai déjà cité la tempête de 1999 ; j'aurais pu citer aussi la tempête Xynthia. Nous tirons des enseignements de toutes les crises. Ainsi que le Premier ministre l'a répété, nous tirerons tous les enseignements de la crise nucléaire majeure en cours au Japon pour améliorer, dans la plus grande transparence, le niveau de sûreté de nos centrales.
La France est par ailleurs engagée dans un grand mouvement de transformation de son économie qui intègre naturellement la question de l'énergie. Nous nous sommes engagés à avoir 23 % d'énergies renouvelables en 2020 dans notre système de production énergétique et nous tiendrons cet engagement.
Un tel mouvement s'intègre dans le cadre plus global du Grenelle de l'environnement, dont l'année 2011 est bien celle de la mise en oeuvre.
Après les lois que vous avez votées, nous attendons 200 décrets d'application, dont 135 en Conseil d'État. Un certain nombre de ces décrets et beaucoup d'investissements concernent les énergies renouvelables, la transformation de notre système de production, dans le respect de notre vision globale d'un dispositif nucléaire fondé sur la sûreté et la transparence, avec, en parallèle, une diversification qui nous permette d'être présents sur tous les marchés du monde.
La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ce matin, à Épinay-sur-Seine, monsieur le ministre de l'éducation nationale, rejoints par de nombreux parents de Seine-Saint-Denis, des parents d'élèves en colère et inquiets ont décidé de saisir la HALDE pour discrimination concernant l'éducation de leurs enfants. Je les comprends : depuis le début de l'année, ce sont plusieurs milliers de demi-journées d'absence qui n'ont pas été remplacées ; depuis le début de l'année, des enfants n'ont parfois pas eu d'enseignants devant eux pendant trois semaines consécutives.
Cette situation n'est malheureusement, pas propre à la Seine-Saint-Denis. Elle est la simple conséquence de la saignée irresponsable que vous avez opérée depuis 2007 dans les moyens de l'éducation nationale. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Alors que vous n'êtes plus – les parents d'élèves le démontrent jour après jour en décomptant les absences – en situation d'assurer un droit véritable à l'éducation sur tout le territoire, vous voulez encore supprimer 16 000 postes en 2011. Pour ces parents, cela relève de la provocation.
Ma question est simple : comment allez-vous faire pour que, dès demain, ces enfants puissent avoir un enseignant devant eux et avoir classe normalement, afin que leur droit à l'éducation soit assuré ? Allez-vous enfin renoncer à la suppression de 16 000 postes en 2011 ? Êtes-vous prêt à maintenir les 250 millions d'euros nécessaires – c'est peu par rapport aux 4 milliards que représente la suppression de l'impôt sur la fortune (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) – pour affecter des moyens supplémentaires en faveur de ces enfants qui n'ont plus d'enseignant depuis plusieurs semaines ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
Monsieur Le Roux, vos propos sont inexacts et caricaturaux. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Le département de la Seine-Saint-Denis dont vous êtes un élu est le département de France qui a le taux le plus élevé d'absentéisme chez les enseignants (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.) – entre 15 et 17 % – et la vraie question est de savoir pourquoi.
À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle, et le département de Seine-Saint-Denis est celui qui a le taux de remplaçants le plus élevé de France. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Alors que la moyenne est d'environ 8 %, nous sommes au-delà de 10 %, et l'inspecteur d'académie a prévu de renforcer encore les moyens à la prochaine rentrée : davantage d'enseignants remplaçants et mise en place d'un système de mutualisation du remplacement avec le département voisin des Hauts-de-Seine. Quand vous parlez de discrimination en Seine-Saint-Denis, je suis désolé de vous dire que c'est plutôt de la discrimination positive ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Regardons maintenant la situation d'Épinay-sur-Seine.
Hier, lundi 14 mars, sur 276 classes, il y en avait deux dont le professeur n'était pas remplacé. Certes, ce sont deux classes de trop et vous avez raison de vous indigner, et le service public de l'éducation nationale doit s'améliorer, mais, lorsque vous annoncez qu'il y aurait 630 jours d'absence de cours depuis le début de l'année…
…vous oubliez de les rapporter aux 24 000 jours de cours d'enseignement dans ces 276 classes. Cela représente seulement 2,7 % de l'ensemble des enseignements. L'enseignement s'est donc tenu dans 97 % des cas. Assez de caricatures et de polémiques politiciennes.
Nous avons plutôt besoin de discuter avec vous pour savoir… (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. André Schneider, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre chargé des affaires européennes, vendredi dernier, à la veille du Conseil européen, les grandes lignes du prochain « pacte pour l'euro » ont été fixées par les dix-sept chefs d'État et de gouvernement de la zone euro afin d'atteindre les objectifs de convergence en termes de compétitivité, d'emploi, d'équilibre budgétaire et de stabilité financière.
Ébranlée par le krach financier de 2008, puis menacée par les faillites de la Grèce et de l'Irlande, l'Union, contrainte de surmonter toutes ces crises à rebonds, a apporté la preuve de sa capacité à retrouver un nouveau souffle. En effet, le climat politique change en Europe, mais, bien plus important encore, l'idée d'une politique économique commune s'impose lentement. Ainsi, doucement mais sûrement, l'Union européenne avance.
Cependant, qu'il me soit permis, en tant que député de Strasbourg, de m'insurger contre le récent vote du Parlement européen concernant la tenue de ses sessions plénières. En effet, pour réduire le temps de présence dans la capitale alsacienne, une coalition de parlementaires européens, menée essentiellement par des Britanniques et des Scandinaves,…
…a rogné, grâce à une astuce permettant de contourner les traités, le calendrier des sessions tenues à Strasbourg.
Face à ce vote, je tiens à réaffirmer ici avec force que nous ne voulons pas d'une Europe uniforme, tout entière concentrée à Bruxelles !
Oui, Strasbourg, c'est l'endroit – pour reprendre vos paroles, monsieur le ministre – « où le Parlement européen peut respirer. C'est l'endroit où il est loin des lobbies ».
Oui, Strasbourg est et demeure le symbole de la réconciliation franco-allemande. Oui, Strasbourg symbolise « l'acte de naissance de cette grande idée qui est devenue l'Union européenne ».
Monsieur le ministre, pouvez-vous rappeler devant la représentation nationale l'engagement de la France, d'une part, quant au siège du Parlement européen et, d'autre part, quant à la mise en oeuvre de ce pacte économique européen ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes.
Monsieur le député André Schneider, nous avons vécu la semaine dernière un moment décisif dans la construction européenne et, surtout, dans sa gouvernance économique. Il faut voir d'où nous venons.
Il y a un an, parler de gouvernement économique était impossible. Il y a un an, nous n'avions aucun moyen de défendre l'euro. Il y a un an, le rapprochement de la fiscalité européenne était un sujet tabou.
Lors de ce Conseil de vendredi, des avancées majeures ont été obtenues, comme vous l'avez souligné. D'abord, le gouvernement économique est en marche. Ensuite, grâce aux efforts réalisés par Christine Lagarde, nous nous sommes dotés d'un moyen de défendre notre monnaie commune. Enfin, nous avons pu promouvoir un pacte équilibré qui permet à la fois de faire des efforts sur la baisse de nos déficits, ce qui est indispensable, et en même temps de poursuivre les investissements dans nos infrastructures, la recherche, l'innovation, le tout en associant les partenaires sociaux.
De ce point de vue, l'Europe a démenti les Cassandre, qui prédisaient un recul, une incapacité à agir ensemble.
Ce résultat ne provient pas de nulle part. C'est le fruit – et chez vous cela prend une dimension toute particulière – de la relation franco-allemande ainsi que du travail accompli entre le Président de la République et la Chancelière Angela Merkel.
S'agissant du second volet de votre question, monsieur le député – le siège du Parlement européen –, il n'y a aucune ambiguïté de notre part et j'ai réagi immédiatement après le vote d'un certain nombre de parlementaires européens. Le siège du Parlement européen, c'est Strasbourg. Ce siège est défendu et précisé dans le cadre des traités, et il est hors de question que la France accepte la moindre remise en cause sur ce volet.
Nous avons donc décidé de saisir la Cour de justice pour faire valoir notre droit. Nous le faisons – et je tiens à vous en remercier – avec le soutien de tous les élus alsaciens, quel que soit leur bord, et tous particulièrement des parlementaires : vous avez été les premiers à vous exprimer sur le sujet. Nous le faisons avec le soutien d'une très grande majorité de la représentation nationale. Le Parlement européen, c'est Strasbourg ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Union européenne : pacte économique et siège du Parlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)
Dans les explications de vote, la parole est à M. Éric Diard, pour le groupe UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, mes chers collègues, après avoir été voté en première lecture à l'Assemblée nationale cet automne, puis modifié par le Sénat en février, le projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité est aujourd'hui soumis à nos votes.
L'immigration est un sujet complexe avec un principe clé : rechercher l'intégration des étrangers en situation légale et lutter contre l'immigration illégale. Ce projet de loi, fidèle à ce principe, s'inscrit bien évidemment dans la continuité et adapte la législation existante aux évolutions européennes et sociétales. Il transcrit dans le droit français une partie du Pacte européen sur l'immigration et l'asile, conclu le 16 octobre 2008, à l'unanimité des vingt-sept États membres. Il pose la première pierre d'une politique européenne de l'intégration, avec la transposition de trois directives qui participent à la construction de l'espace européen de sécurité.
Mener une politique migratoire cohérente au sein de notre pays, c'est tout d'abord lui laisser le droit de choisir, comme tous les pays du monde, qui il veut et qui il peut accueillir sur son territoire ; c'est aussi donner aux étrangers en situation régulière les mêmes droits économiques et sociaux qu'aux Français. Mais c'est également reconduire tout étranger en situation irrégulière dans son pays d'origine, sauf bien entendu pour des situations exceptionnelles, d'ordre politique, humanitaire, sanitaire ou encore social, qui exigent un examen individualisé de la demande. Nos collègues de gauche continuent à essayer de faire croire que la France peut accueillir tout le monde.
Ils ont à maintes reprises, lors du débat, évoqué les expulsions de l'été dernier. Ils oublient cependant de préciser que les mesures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, quelles que soient leurs origines ethniques ou leur nationalité, sont toujours prises sur une base individuelle, en application de la loi, et sous le contrôle des juges judiciaire et administratif. La France accueille les étrangers et facilite leur intégration, mais réaffirme sa fermeté dans sa lutte déterminée contre l'immigration clandestine. Les étrangers en situation irrégulière n'ont en effet pas vocation à rester en France. Ce texte permettra à la France non seulement de mieux faire face à la situation exceptionnelle actuelle, mais plus généralement de disposer d'outils à la fois simples et efficaces pour faire face aux difficultés quotidiennes dans la lutte contre l'immigration clandestine.
Il réaffirme également le renforcement du dialogue avec les pays d'origine et la nécessité d'une action commune avec les partenaires européens. Lorsque l'on regarde la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Italie, la Grèce ou les Pays-Bas, on constate que toutes les forces politiques, qu'elles soient de droite, de centre-droit, de centre-gauche ou de gauche, ont admis la nécessité de réguler les flux migratoires et de lutter fermement contre l'immigration irrégulière et clandestine. La politique migratoire menée par la France est comprise par l'Union européenne : elle est soutenue, partagée et encouragée par les pays membres.
Parmi les apports essentiels de ce texte à la politique menée par le Gouvernement, je citerai tout d'abord l'allongement de la durée maximale de rétention de trente-deux à quarante-cinq jours, la limite actuelle constituant un frein à la conclusion de certains accords de réadmission. En outre, l'allongement de la durée maximale de rétention administrative doit permettre d'accroître le nombre de délivrances de laissez-passer consulaires. En effet, le délai nécessaire à l'obtention de ces laissez-passer est souvent supérieur à trente-deux jours. Enfin, je tiens à souligner que cet allongement est très raisonnable puisqu'en passant à quarante-cinq jours, la France conservera la durée de rétention la plus faible d'Europe. Ainsi, l'année dernière, l'Espagne a porté la durée maximale à soixante jours...
Par ailleurs, la commission des lois de l'Assemblée nationale est revenue sur un certain nombre de dispositions supprimées par le Sénat. Ainsi, la pénalisation des mariages gris, les conditions de délivrance d'un titre de séjour accordé à un étranger malade et l'accès à l'aide juridictionnelle devant la Cour nationale du droit d'asile sont des dispositions importantes qui ont été réintégrées dans le projet de loi.
Enfin, la réforme du contentieux de l'éloignement est une mesure particulièrement importante. Le projet de loi prévoit de reporter à cinq jours le délai d'intervention du juge des libertés et de la détention. En effet, la situation actuelle entremêle les interventions de deux juges : le juge judiciaire et le juge administratif. L'instauration d'un délai de cinq jours permettra au juge administratif de statuer sur le fond concernant la mesure d'éloignement avant que le juge judiciaire ne se prononce sur la prolongation de rétention.
Ce texte est fidèle à la politique menée par le Gouvernement et cohérent avec la réalité de notre société. Il va fournir les outils nécessaires à la réalisation des objectifs fixés en matière d'immigration en France et en Europe. Son grand projet est donc d'apporter un nouveau modèle pour l'immigration sur le territoire national, dans la continuité de la politique gouvernementale, tout en adaptant les dispositifs existants aux évolutions européennes et sociétales.
Mes chers collègues, vous l'aurez compris : au vu des enjeux que je viens d'évoquer, je vous invite à voter le projet de loi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, mes chers collègues, monsieur le ministre, jeudi dernier, alors que nous achevions l'examen, en seconde lecture, de ce projet de loi, le Conseil constitutionnel a prononcé à l'encontre de la loi LOPPSI II la plus lourde censure de son histoire. Quant au projet de loi « Immigration, intégration et nationalité », nous avions souligné, dès la première lecture, qu'il comportait d'emblée bien des dispositions anticonstitutionnelles, sans rapport d'ailleurs avec les directives qu'il prétendait transposer. Les sénateurs ont partagé notre analyse, mais vous avez balayé toutes leurs avancées.
L'introduction en seconde lecture de dispositions nouvelles, en particulier sur la nationalité, vous expose encore davantage à la censure et au rappel cinglant de quelques évidences sur ce qui fonde notre socle de droits et celui que nous avons en partage dans cet espace politique et démocratique unique au monde qu'estt l'Europe.
Il en va ainsi du principe de nécessité et de proportionnalité des peines garanti, depuis l'avènement de la République, par l'article 8 de la Déclaration des droits de 1789 qui dispose que : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires […] ». Or ce n'est bien sûr pas le cas pour l'essentiel du texte, tel l'infâme article 21 ter sur les mariages dits gris, qui punit de sept ans d'emprisonnement, c'est-à-dire autant que pour la traite des êtres humains, un nouveau délit : l'insincérité des intentions matrimoniales. Délit impossible à établir, qui n'est créé que pour instiller toujours le même poison de la suspicion sur les mariages mixtes.
Même chose pour l'insupportable peine administrative automatique de bannissement prévue à l'article 24, alors que la jurisprudence du Conseil constitutionnel est constante depuis 1993, date à laquelle il avait précisé que « tout arrêté de reconduite à la frontière entraînant automatiquement une sanction d'interdiction du territoire (...) ne répond pas à l'article 8 de la Déclaration de 1789 ».
À n'en pas douter, le Conseil constitutionnel trouvera beaucoup à dire sur la latitude laissée à l'administration, loin du regard du juge, sur le refus d'accorder un délai de départ volontaire, que privilégie pourtant la directive « Retour », ou sur l'ensemble des dispositions prévoyant l'éloignement des ressortissants communautaires, sans tenir compte de leur situation personnelle. Outre la censure, ces dispositions vaudront probablement à la France la honte de condamnations au niveau européen.
Je ne reviens pas sur l'article 34 et les audiences en centre de rétention administrative, inappropriées à la nécessité, rappelée dans la censure de la LOPPSI 2, de « statuer publiquement ».
Sur la forme, le Conseil constitutionnel a également sanctionné l'introduction en deuxième lecture de dispositions nouvelles. À cet égard, vous n'y êtes pas allés de main morte : C'est encore ce que vous avez fait la semaine dernière, pour calmer vos ultras.
Vous avez ainsi instauré un concours d'entrée dans la nationalité, bafouant rien moins que l'article 1er de la Constitution. Vous avez encore remis en cause le droit du sol pour 3 000 jeunes nés en France qui devront désormais manifester par écrit leur volonté d'être vraiment ce qu'ils sont, mais aussi ce que nous avons fait d'eux, comme de tous ceux de leur génération, c'est-à-dire des Français.
Pour toutes ces raisons, nous voterons évidemment contre ce projet de loi, mais aussi et surtout parce qu'au-delà même de son inconstitutionnalité, il est absolument orthogonal à la vision que nous avons de la France, de l'Europe, et de la civilisation. Nous voterons contre parce que, malgré votre retrait tactique sur la déchéance de nationalité, ce texte garde tous les stigmates du discours de Grenoble ; parce que, loin de l'affichage politique, il organise l'impunité des employeurs ayant recours à du travail dissimulé pour sanctionner les victimes du système, à savoir les travailleurs sans papiers. Nous voterons contre ce texte parce qu'il s'inscrit dans la cohorte des lois, mesures, discours, débat oiseux, inefficace et dangereux, qui rabaissent la France au rang des nations, déchirent le pacte républicain, et l'idée même de communauté nationale.
Nous voterons contre cette constante dérive qu'a exprimée en des propos odieux une députée UMP, la semaine dernière, (Protestations sur les bancs du groupe UMP) contre cette immonde houle brune qui a amené hier Marine Le Pen sur les rives de Lampedusa, suivant le cap fixé dans sa dernière intervention télévisée par le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Avant de donner la parole à l'orateur suivant, je fais d'ores et déjà annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe NC.
Monsieur le ministre, prenant acte que le Gouvernement a d'emblée renoncé à l'extension de la déchéance de nationalité aux auteurs de crime à l'encontre d'une personne dépositaire de l'autorité publique, le groupe Nouveau Centre vous a apporté son soutien tout au long de la discussion parlementaire et votera majoritairement ce texte.
Rappelons qu'il s'agit principalement de transposer trois directives de l'Union européenne : la directive « Carte bleue », la directive « Sanctions » et la directive « Retour » adoptées par les institutions communautaires dans le prolongement du pacte européen pour l'immigration et l'asile adopté en 2008. Ces directives visent à conforter, à favoriser et à sécuriser l'immigration régulière. Les dispositions prises pour favoriser l'intégration doivent être saluées.
Les discussions ont porté aussi sur la situation des étrangers en situation irrégulière. Vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à ce que la tradition de notre pays d'être une terre d'accueil assurant l'accès aux soins ne soit pas remise en cause.
Au-delà, le projet de loi affirme la volonté de conditionner l'intégration au sein de la communauté nationale à une démarche volontariste pour manifester son adhésion aux valeurs qui nous sont communes.
Le projet de loi renforcera les moyens pour lutter contre les filières d'immigration clandestine et les réseaux de travail clandestin en permettant d'engager la responsabilité des employeurs qui emploient clandestinement des travailleurs en situation irrégulière.
Tout au long de l'examen du texte, le groupe Nouveau Centre a souhaité contribuer à trouver un équilibre entre la vocation universelle de notre pays, terre d'accueil, d'intégration, de respect de la dignité de tout homme, et l'exigence non moindre, la nécessité même, de favoriser l'immigration choisie et régulière.
Voilà les raisons pour lesquelles le groupe Nouveau Centre votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Le Gouvernement nous demande de voter ce texte qui comporte un nombre important de violations des droits. Cela va de la déchéance de nationalité, discriminatoire à l'égard des Français d'origine étrangère, à l'allongement de la durée de rétention à quarante-cinq jours tout en privant le juge des libertés de contrôle effectif sur la légalité des internements administratifs, à l'instauration d'une « interdiction de retour », véritable mesure de bannissement, à la création de « zones d'attente fictives » dont un des effets sera d'empêcher des réfugiés de demander l'asile, à la création d'un internement administratif de plus de dix-huit mois pour « comportement lié à des activités à caractère terroriste », au renvoi des citoyens européens pauvres – d'abord les Roms roumains et bulgares – au prétexte de « charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale », à la fermeture des entreprises employant des travailleurs sans papiers – cela signifiera le chômage pour les uns et le travail au noir pour les autres –, et au renvoi des étrangers malades même si, dans leur pays, les traitements sont inaccessibles. Cette mesure inhumaine est déjà d'actualité avec les conséquences que l'on imagine. Ainsi, M. Kanouté Tiéni, renvoyé au Mali malgré de graves problèmes de santé, vient de mourir. Je veux saluer sa mémoire.
Ce texte ne fait qu'enfermer les migrants dans le statut de boucs émissaires alors qu'ils vivent ici, travaillent ici et partagent notre vie de tous les jours. Notre monde n'a pas besoin de lois renforçant les peurs et les haines xénophobes ; il a besoin de politiques ouvertes sur l'avenir pour faire triompher les valeurs universelles de la République, celles de la démocratie, de l'égalité en droits et en dignité des êtres humains, de la liberté pour tous les peuples.
Il est temps que les étrangers ne soient plus la cible d'une politique discriminatoire et que le gouvernement actuel, qui n'a que trop coopéré avec les despotes dans la chasse aux migrants, réponde enfin à l'urgence de solidarité internationale avec les peuples libérés sur l'autre rive de la Méditerranée. Nous en sommes loin. Dès lors vous comprendrez que le groupe GDR ne votera pas ce texte. Il considère d'ailleurs qu'un certain nombre de ces dispositions, comme cela vient d'être le cas pour la LOPPSI 2, seront remises en cause par le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 530
Nombre de suffrages exprimés 522
Majorité absolue 262
Pour l'adoption 305
Contre 217
(Le projet de loi est adopté.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)
L'ordre du jour appelle la discussion des textes des commissions mixtes paritaires sur les dispositions restant en discussion des projets de loi organique et ordinaire relatifs au défenseur des droits (nos 3143, 3210, 3144 et 3211).
La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur des commissions mixtes paritaires.
des commissions mixtes paritaires. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les commissions mixtes paritaires qui se sont réunies mercredi 9 mars à l'Assemblée nationale sont parvenues à un accord sur les dispositions restant en discussion des deux projets, l'un organique et l'autre ordinaire relatifs au Défenseur des droits.
À l'issue de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale, de nombreux aspects de cette réforme avaient déjà fait l'objet d'un accord des deux assemblées. Je vous rappelle quelques-uns de ces points d'accord : l'absence de réintégration dans le champ de compétence du Défenseur de la mission de contrôle des lieux privatifs de liberté, même si j'y reste personnellement attaché ; la désignation des adjoints du Défenseur des droits par le Premier ministre, sur proposition du Défenseur ; les moyens d'information et les pouvoirs reconnus au Défenseur des droits ; la plupart des dispositions réformant le pouvoir de sanction de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
Malgré cette série d'accords, il restait des points de divergence avec le Sénat : la CMP était saisie de quatorze articles du projet de loi organique et de trois articles du projet de loi ordinaire qui restaient en discussion.
Sur la plupart de ces articles, la CMP a confirmé le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture. C'est par exemple le cas de l'article 9 du projet de loi organique, qui traite des relations entre le Défenseur des droits et les autres autorités indépendantes chargées de protéger les droits et libertés.
À l'inverse, certaines dispositions ont été adoptées dans la rédaction qu'avait retenue le Sénat en deuxième lecture. C'est par exemple le cas de l'article 20 du projet de loi organique, où a été maintenue l'obligation pour le Défenseur d'indiquer les motifs pour lesquels il décide de ne pas donner suite à une saisine.
De la même manière, à l'article 1er octies du projet de loi ordinaire, la CMP a rétabli deux prérogatives de la CNIL qui avaient été votées au Sénat mais supprimées à l'Assemblée nationale. Il s'agit, d'une part, de la possibilité pour la CNIL de prononcer des avertissements en urgence et, d'autre part, du pouvoir de rendre publiques une mise en demeure et, parallèlement, la clôture d'une mise en demeure.
À l'article 21, la CMP a maintenu l'automaticité, prévue par l'Assemblée nationale, de l'établissement d'un rapport spécial en cas d'injonction non suivie d'effet. Elle a en revanche supprimé la disposition selon laquelle le pouvoir de régler une situation en équité devait s'entendre « nonobstant toutes dispositions contraires ». Une telle précision est superflue et n'ajouterait rien aux pouvoirs du Défenseur des droits.
Enfin, des rédactions nouvelles ont été élaborées par la CMP sur certaines dispositions qui restaient en discussion. Ainsi, les modalités techniques d'entrée en vigueur de la réforme ont été précisées, notamment pour subordonner l'entrée en vigueur de la loi ordinaire à celle de la loi organique.
J'en profite d'ailleurs pour vous demander, monsieur le ministre, quand la personnalité envisagée pour occuper la fonction de Défenseur des droits pourra être auditionnée par les commissions des lois des deux assemblées.
La CMP est également parvenue à un accord sur les collèges chargés d'assister le Défenseur des droits, ce qui constituait le point le plus délicat.
Je rappelle que trois collèges sont prévus, chargés respectivement de la déontologie de la sécurité, de la protection des enfants et de la lutte contre les discriminations. Les deux assemblées divergeaient à la fois sur la composition de ces collèges et surtout sur leur rôle.
D'une part, le Sénat avait prévu une consultation systématique des collèges par le Défenseur des droits, alors que l'Assemblée nationale en avait fait une simple faculté.
D'autre part, le Sénat avait exigé que le Défenseur des droits se justifie avant de pouvoir s'écarter d'un avis d'un collège, disposition que l'Assemblée nationale avait supprimée.
L'accord trouvé par la CMP, qui vaut pour les trois collèges, s'articule en trois points.
Premièrement, l'obligation faite au Défenseur de se justifier avant de s'écarter d'un avis d'un collège n'a pas été rétablie.
Deuxièmement, s'agissant de la composition de chaque collège, les deux personnalités qualifiées nommées par le Défenseur des droits ont été remplacées par deux personnalités qualifiées nommées, l'une par le président de l'Assemblée nationale, l'autre par le président du Sénat.
Troisièmement, la consultation des collèges ne s'imposera qu'à propos de « toute question nouvelle ». Le Défenseur des droits n'aura donc pas à consulter systématiquement les collèges, dont le rôle sera ainsi proportionné aux enjeux spécifiques de chaque dossier.
Ce dispositif est parfaitement respectueux tant de l'esprit que de la lettre de l'article 71-1 de la Constitution, selon lequel le Défenseur « peut être assisté par un collège pour l'exercice de certaines de ses attributions. »
Je souhaite, en conclusion, vous faire part de mon sentiment personnel. Désigné rapporteur de ces deux textes, je mesure l'honneur qui m'a été fait. J'ai pu mener des auditions le plus librement qui soit. J'ai participé à des débats parfois compliqués et agités. C'est un honneur d'avoir été rapporteur d'un texte fondateur d'une institution ayant pour but de défendre les droits et libertés des citoyens. Avocat de droit public, j'ai vraiment pris cette mission à coeur.
Je voudrais saluer toutes celles et tous ceux qui ont participé aux débats, parfois tardifs. Je pense à Pascal Clément, René Dosière, Marie-George Buffet, Michel Hunault qui s'est fortement impliqué, George Pau-Langevin, Noël Mamère, Catherine Coutelle, Edwige Antier, Françoise Hostalier, Christian Vanneste, François Bayrou ou encore Jean-Jacques Urvoas, à qui je veux dire que j'ai beaucoup apprécié le ton de ses interventions et son implication, tant dans les auditions que dans le débat public.
Au-delà des postures parfois politiques, au-delà de la volonté de défendre telle ou telle institution et telle ou telle personnalité investie d'une autorité administrative indépendante, j'ai toujours cherché à donner à cette nouvelle institution toute sa place, une place qui soit la plus large possible, à travers l'intégration du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, dont je regrette que nous ne l'ayons pas réalisée ; la question prioritaire de constitutionnalité, car c'était à mon avis une avancée ; l'action collective de droit administratif, mais je sais, monsieur le ministre, que le problème a été récurrent entre nous sur ce point, ou encore la relation entre collectivités territoriales et établissements publics, qui était un souhait de Jean-Paul Delevoye.
Tout cela a donné lieu à des débats parfois animés ; c'est la vie parlementaire. Cela étant, dans un système bicaméral, j'ai voulu aussi tenir compte de la volonté exprimée par le Sénat et de son rapporteur, le doyen Gélard, que je salue. Le texte issu de la CMP est la résultante de ce travail de compromis au service de nos concitoyens.
Je souhaite enfin remercier Jean-Luc Warsmann, pour son implication de tous les instants, sa faculté à intervenir à bon escient pour aplanir certaines rugosités et trouver la voie du consensus.
Je suis persuadé que certaines réticences s'estomperont d'elles-mêmes dans les prochains mois et les prochaines années, lorsque le Défenseur des droits sera solidement installé dans le paysage institutionnel et qu'il aura fait la preuve qu'il représente un réel progrès dans la protection de nos droits et libertés.
Je vous invite à adopter aujourd'hui les deux textes qui résultent des commissions mixtes paritaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur des commissions mixtes paritaires, mesdames, messieurs les députés, le rapporteur vient de rappeler la situation dans laquelle nous nous trouvons au terme de la navette parlementaire.
Je veux à mon tour souligner la qualité du travail effectué par l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale, notamment par le rapporteur, la commission des lois et son président.
Dans quelques instants, vous donnerez au Défenseur des droits les moyens de fonctionner de sorte qu'il soit probablement l'ombudsman le plus puissant d'Europe.
Je rappelle que c'est le comité Balladur, avec le rapport sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, qui a suggéré la création de cette autorité.
La révision constitutionnelle votée en juillet 2008 l'a consacrée dans son article 71-1, en lui attribuant les missions de l'actuel Médiateur de la République et en renvoyant à la loi organique le soin de fixer ses attributions et ses modalités d'intervention.
Je ne reviendrai pas sur ce que le rapporteur vient de rappeler, mais je tiens à redire de façon très claire que l'institution du Défenseur des droits marque la création d'une autorité nouvelle, de rang constitutionnel, qui va absorber un certain nombre de compétences qui étaient exercées auparavant par des autorités administratives.
Ces compétences, et vous le savez bien, monsieur Dosière, il les exercera avec plus de pouvoir que n'en avaient les autorités administratives qu'il va désormais remplacer.
Mais non !
Je veux bien être interrompu ; c'est même un plaisir.
Je sais bien que M. Dosière, qui est un esprit fin et un juriste averti, ne croit pas un mot de ce qu'il vient de dire. Bien sûr, le Défenseur des droits sera indépendant, pour la simple raison que, étant nommé par le Président de la République selon les procédures prévues par l'article 13, il ne pourra pas être renouvelé dans son mandat.
En droit public, c'est le fait qu'on fasse un seul mandat qui fonde l'indépendance de l'autorité.
Je voudrais également souligner le rôle très important qu'a joué le Parlement dans l'élaboration du statut du Défenseur des droits. Lorsqu'il crée le Défenseur des droits, le constituant le fait comme il convient s'agissant de la Constitution, de façon brève et impérative, laissant à la loi organique et à la loi ordinaire le soin d'organiser les choses. Tant le Sénat que l'Assemblée nationale ont apporté leur marque dans la création du Défenseur des droits et le texte qui va être adopté dans quelques minutes sera le résultat d'un travail largement partagé entre le constituant, le Parlement et le Gouvernement.
Sans revenir sur le contenu parce qu'il a été très longuement débattu, je veux souligner que le texte sur lequel la commission mixte paritaire est parvenue à un accord comporte deux modifications majeures par rapport à la rédaction issue des travaux de l'Assemblée.
Premier point, le Défenseur des droits devra obligatoirement consulter les collèges placés auprès de lui lorsqu'il est saisi d'une question nouvelle. Il s'agit d'une avancée extrêmement importante.
Mais si ! Ce n'était pas évident pourtant.
Monsieur Urvoas, pourquoi vous torturer à inventer des expressions qui ne veulent pas dire grand-chose, alors qu'il suffit de reconnaître que c'est bien. C'est simple, clair et tout le monde comprend.
Je vous crois assez, monsieur Dosière. Mais je suis sûr qu'il va s'améliorer. (Sourires.)
Le Défenseur des droits va donc devoir consulter le collège pour toute question nouvelle. Encore convient-il de dire clairement ce qu'est une question nouvelle. Une question nouvelle, ce n'est pas un dossier nouveau, c'est une question sur laquelle le Défenseur des droits ne s'est pas encore prononcé et sur laquelle il doit, avant de se prononcer, recueillir l'avis du collège compétent, désigné à cet effet. L'obligation qui pèse sur le Défenseur des droits existera chaque fois qu'il sera saisi d'un problème nouveau.
Un équilibre a été trouvé par la commission mixte paritaire, qui garantit la participation des collèges à l'élaboration de la pratique institutionnelle du Défenseur des droits, tout en évitant l'encombrement des collèges par l'examen de tous les dossiers, notamment de ceux qui ne présentent aucune difficulté particulière. Le Gouvernement est tout à fait favorable à cette solution équilibrée, même s'il n'avait pas montré un grand enthousiasme au cours de la discussion. (Sourires.)
Mais c'est normal de le dire, la confection de la loi se fait à partir d'un dialogue. Le dialogue est productif et c'est très bien.
La seconde modification consiste à imposer au Défenseur des droits d'expliciter les motifs pour lesquels il décide de ne pas donner suite à une réclamation dont il est saisi.
Je reconnais que le Gouvernement n'était pas favorable à cette mesure, pour des raisons de cohérence : cette obligation demeurera sans sanction puisque les actes du Défenseur des droits ne feront pas grief et ne pourront par conséquent pas être déférés devant le juge. Il n'en reste pas moins vrai qu'il est normal qu'une institution au service de la protection des droits et libertés des personnes fasse connaître les raisons qui peuvent, très légitimement, conduire cette autorité à ne pas répondre favorablement à une demande. Le Gouvernement se range à la position du Parlement.
En ce qui concerne les dispositions du projet de loi ordinaire sur la Commission nationale de l'informatique et des libertés, je tiens à rappeler que le Gouvernement les avait introduites à l'Assemblée nationale par voie d'amendements, afin de mettre en conformité l'organisation de la CNIL avec la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de 1950.
Je souhaite enfin appeler votre attention sur le dispositif choisi pour l'entrée en vigueur du Défenseur des droits. Celle-ci se fera en deux temps, afin de pallier la fin du mandat du Médiateur de la République le 31 mars prochain. Ainsi, dès la promulgation de la loi, un Défenseur des droits sera nommé et remplira les missions actuellement dévolues au Médiateur de la République. Deux mois plus tard, le Défenseur des droits remplira la totalité des missions qui lui sont confiées. La commission mixte paritaire a précisé que l'entrée en vigueur des deux textes serait concomitante, notamment dans le cas où le Conseil constitutionnel ne serait pas saisi sur les deux textes.
Telles sont les observations que je souhaitais faire sur les conclusions de la commission mixte paritaire.
Pour terminer, je veux simplement rappeler à l'ensemble de la représentation nationale que, très naturellement, la création de ce Défenseur des droits doit être replacée dans un ensemble plus vaste de textes qui ont été adoptés par cette majorité au cours de la présente mandature, qui ont tous pour objectif de garantir une meilleure protection des droits et des libertés publiques, que ce soit l'instauration de la question prioritaire de constitutionnalité, la loi pénitentiaire, l'instauration de l'autorité inspectant les lieux de privation de liberté, ou le Défenseur des droits. Tous ces textes constituent un corpus extrêmement fort, destiné à faire en sorte que les droits fondamentaux et les libertés publiques garanties puissent mieux être garantis dans notre pays. En votant le texte qui résulte des travaux de la commission mixte paritaire, l'Assemblée nationale ajoutera une pierre nouvelle à cet édifice. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement, sur le projet de loi organique relatif au Défenseur des droits.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, j'ai l'honneur de défendre devant vous une motion de rejet dit préalable, selon les termes de notre règlement intérieur, encore que le mot « préalable » me semble assez inadapté dans le cas d'espèce dans la mesure où ce débat intervient après la commission mixte paritaire. Acceptez de considérer que cette motion est une motion de rejet tout court, en tout cas vaudra explication de vote pour le vote final que nous aurons sans doute l'occasion d'exprimer tout à l'heure. Je suis en effet assez lucide pour ne pas espérer vous convaincre puisque les deux précédentes motions n'y ont pas réussi. À moins de faire preuve tout d'un coup d'une imagination débordante qui emporterait vos convictions, je crains que ma plaidoirie vaille pour le futur puisque vous avez pris rang en nous indiquant que nous allions apporter, ce soir, une nouvelle pierre à l'édifice chargé de défendre les libertés fondamentales dans ce pays.
Je vais donc essayer, sur le ton que le rapporteur a eu l'amabilité de reconnaître comme étant modéré, et auquel il a trouvé, je crois, quelque mérite, de vous redire pourquoi le groupe SRC est extrêmement sceptique sur la procédure que nous avons adoptée et déçu par le résultat auquel nous aboutissons.
En dépit de l'intérêt que ce texte a suscité dans nos rangs et la richesse des débats auxquels je rends ici hommage, le débat n'a pas véritablement permis de faire bouger les lignes par rapport au texte que le Gouvernement avait déposé devant le Sénat, le 9 septembre 2009. Pour des raisons d'ailleurs, que ni le rapporteur, malgré son talent, ni le ministre, malgré sa fougue, n'ont vraiment expliquées. Nous n'avons pas compris pourquoi vous n'avez pas accepté de rechercher le consensus sur cette affaire, parce que le Parlement était disponible pour voter à l'unanimité un tel texte.
La matière le permettait. Nous parlons ici des droits fondamentaux, des libertés publiques et tous les parlementaires qui siègent sur ces bancs partagent la même passion et le même attachement aux libertés fondamentales. Donc il n'y avait pas de difficulté sur le sujet.
L'enjeu, vous avez raison sur ce point, monsieur le ministre, l'aurait mérité : c'est la première fois depuis 1958 que nous créons une autorité constitutionnelle. Cette tâche seule était exaltante. Les parlementaires qui se sont succédé sur ces bancs n'ont pas tous eu cette faculté. J'ai déjà eu l'occasion de rappeler que des gouvernements précédents s'y étaient lancés et n'avaient pas pu aboutir. Ce n'était d'ailleurs pas dans la lettre de mission que le Président de la République avait adressée au comité Balladur : jamais il n'avait demandé qu'une autorité constitutionnelle naisse. Nous avons décidé de l'élever au rang constitutionnel. Il aurait fallu, me semble-t-il, que nos débats puissent permettre de démontrer que cette ambition était partagée.
Il y avait une matière, il y avait un enjeu, il y avait même un passé qui aurait dû nous permettre d'aboutir.
Le passé, c'est d'abord le fait que si nous avions dit notre hostilité sur la révision constitutionnelle, nous avions déclaré, au moment du débat sur cette révision, être disponibles sur ce point du Défenseur des droits. Nous avions des tas de raisons pour cela. D'abord, parce que c'est le président du groupe socialiste au Sénat, Jean-Pierre Bel, qui, le 12 juillet 2007, avait déposé la première proposition de loi organique visant à créer ce qu'il avait, à l'époque, appelé un défenseur du peuple. Ensuite, parce que l'adoption ici à l'unanimité de la question prioritaire de constitutionnalité a montré que lorsque les uns et les autres veulent bien entendre les arguments, on peut trouver un point d'équilibre. Je crois que nous pouvons tous nous féliciter de la force qu'a donnée l'unanimité depuis le 10 décembre 2009, date à laquelle la loi a été promulguée, à ce nouveau droit, donné non pas au citoyen mais au justiciable parce que les personnes morales et les étrangers qui vivent sur notre sol ont aussi la possibilité d'y faire appel.
Puisque vous avez évoqué, monsieur le ministre, la loi pénitentiaire pour souligner les progrès, selon vous, de la législation, vous me permettrez une incidente pour dire mon désaccord. Je ne reviendrai pas sur le fond de la loi pénitentiaire, simplement je voudrais dire, parce que l'actualité m'y amène, que se déroule en ce moment au Conseil d'État un débat sur la nature des régimes différenciés, que vous avez mis dans la loi pénitentiaire et à propos desquels nous avons dit notre profonde hostilité.
Vous nous aviez dit – si ce n'est vous, du moins vos prédécesseurs à cette fonction de garde des sceaux – que les régimes différenciés ne seraient pas une manifestation de l'arbitraire de l'administration pénitentiaire puisque la décision de changer un détenu de régime serait soumise au juge administratif si jamais il y avait une contestation. Une affaire pendante jugée par le tribunal administratif a donné raison à ce que Mme la garde des sceaux de l'époque avait dit. La cour d'appel de Nantes a confirmé. Le dossier est aujourd'hui au Conseil d'État. Or le rapporteur public vient de tenir des propos contraires. J'ose espérer que le Conseil d'État sera fidèle à l'engagement que le Gouvernement a pris devant la représentation nationale et que les régimes différenciés ne seront pas une mesure arbitraire que peut prendre l'administration pénitentiaire sans qu'elle soit susceptible de saisine du tribunal administratif. Je tenais à le dire, même si vous n'êtes pas le responsable de cette affaire, le Conseil d'État lit peut-être les comptes rendus des travaux parlementaires, ou peut-être fera-t-il référence aux propos du Président de la République ? J'ose espérer que nous aboutirons.
On a compris.
J'espère, mais je voulais relayer ici l'inquiétude qui existe chez un certain nombre d'associations notamment.
S'agissant du Défenseur des droits, je regrette que nous n'ayons pas trouvé l'harmonie que nous avions su faire naître sur la question prioritaire de constitutionnalité. Pourtant, je pensais que c'était possible. Le rapporteur m'avait semblé disponible au moment des auditions sur ce projet, je l'avais senti hésitant dans le bon sens du terme. Peut-être a-t-il subi des contraintes que la représentation nationale ignore ? Je constate en tout cas que cette liberté n'a pas pu se concrétiser. Je n'en fais pas grief au rapporteur, il appartient à une majorité qui était sans doute moins ouverte.
En tout cas, je crois qu'il y avait peu de pas à poser pour avoir cette unanimité. Par exemple, vous auriez pu accepter notre proposition de faire élire par les trois-cinquièmes du Parlement, ou par les commissions, les présidents de collège qui sont présentés par le Défenseur des droits.
Cet amendement, nous n'étions pas seuls à l'avoir déposé, puisque René Dosière, membre du groupe SRC, et Christian Vanneste, membre du groupe UMP, l'avaient aussi défendu au nom du comité d'évaluation et de contrôle, ouvrant ainsi une seconde porte. Il s'agissait d'un amendement modéré – nous ne proposions pas de revenir sur le mode de désignation du Défenseur des droits fixé par l'article 13, alors même que nous en contestons la logique depuis la promulgation de la loi du 23 juillet 2010 –, mais vous l'avez refusé.
Vous auriez également pu accepter d'ériger les collèges en instances décisionnelles plutôt que consultatives.
Là encore, notre proposition était modérée et respectait votre volonté de mieux identifier – en la personnifiant – la fonction de Défenseur des droits, puisque vous estimez qu'aujourd'hui le citoyen ne sait trop comment choisir parmi les différentes autorités administratives en charge de la défense des droits.
Le fait que les collèges aient un rôle décisionnel n'aurait rien ôté à la personnification de la fonction mais cela aurait garanti une plus grande technicité face à des problématiques très vastes – je rappelle qu'en 2009 les autorités administratives indépendantes qui vont disparaître ont été saisi à 90 000 reprises, ce qui donne une idée de la diversité des sujets dont elles ont eu à connaître. Nous persistons à penser que la collégialité était une bonne chose ; la CMP l'a concédé pour les problèmes nouveaux, mais qu'est-ce qu'un problème nouveau ? Quand le Défenseur des droits aura eu l'occasion de se prononcer sur une discrimination dans une crèche, estimera-t-il que la discrimination en crèche ne constitue plus après cela un problème nouveau ? Ou un problème est-il nouveau si le saisissant est différent ? Nous considérons que nous sommes ici dans l'imprécision.
Vous auriez également pu accepter, car c'était de bon sens et nous ne contestions pas le fait qu'il ait le pouvoir ultime de décision, que le Défenseur des droits rende publiques les raisons pour lesquelles il ne suivait pas l'avis d'un collège ; cela aurait permis aux citoyens concernés de comprendre le cheminement de sa réflexion : nous n'avons jamais rien à craindre de la transparence.
Bref, chacun de ces amendements – je n'en ai cité que trois – intégrait la volonté du Gouvernement, maintes fois rappelée, d'abord par Mme Alliot-Marie, puis par vous, monsieur le garde des sceaux, de renforcer les possibilités de recours non juridictionnels dont disposent nos concitoyens. Nos amendements étaient donc respectueux de votre vision du projet, et il aurait suffit que vous en acceptiez un seul pour que votre bonne volonté ait été manifeste. Hélas, tel ne fut pas le cas. À aucun moment – je le dis avec tristesse et déception –, nous n'avons eu le sentiment que la discussion était réellement ouverte.
Durant les deux lectures, dans les deux chambres, vous avez été inflexibles. Ainsi au Sénat, en première lecture, le 3 juin 2010, le Gouvernement n'a pas hésité à demander une seconde délibération pour revenir sur un vote sortant le Défenseur des enfants du périmètre du Défenseur des droits. De même, ici, le 3 janvier dernier, vous avez bloqué une modification de l'article 4 qui enlevait la CNDS du périmètre du Défenseur et, toujours dans cet hémicycle, lors de la seconde lecture, le 2 mars dernier, vous avez à nouveau usé de la faculté – discutable – qu'a le Gouvernement de demander une seconde délibération, pour vous opposer, au petit matin, aux quelques parlementaires qui avaient trouvé une majorité et revenir sur leur vote qui autorisait la saisine directe du Défenseur des enfants.
Chaque fois, en agissant ainsi, vous avez veillé à ce que le débat parlementaire ne s'éloigne pas de l'épure initiale. Vous ne vous êtes pas donné la peine de dissiper les nombreuses zones d'ombre que bien des parlementaires ont soulignées dans nos échanges. Ainsi en est-il, par exemple, des futurs moyens de fonctionnement de cette nouvelle institution. Il vous est encore loisible de nous éclairer. Dès l'origine, votre étude d'impact était particulièrement pauvre sur ces aspects budgétaires et organisationnels. Elle se bornait à indiquer, sans s'appuyer sur aucune donnée chiffrée – ce qui est un peu facile – ni sur aucune projection concrète que la réunion des compétences des différentes autorités devrait favoriser une « meilleure allocation des moyens ». C'est un peu juste et un peu court.
Plus d'un an plus tard, à la veille de clore nos débats, nous ne savons toujours pas si le budget de la nouvelle institution sera peu ou prou équivalent à la somme de ceux des structures existantes ou si, au contraire, comme certains l'ont avancé, il ne sera que légèrement supérieur à celui du seul Médiateur de la République. Devons nous craindre que la création du Défenseur des droits ne se traduise par une restriction des crédits gouvernementaux consacrés à la défense des droits de l'homme ? Si tel devait être le cas, alors nous courrions assurément à la catastrophe.
Nous ne sommes pas non plus rassurés sur l'avenir des réseaux dont disposent actuellement les autorités sacrifiées. Le Médiateur, la Défenseure des enfants et la HALDE possèdent des délégués sur l'ensemble des territoires : les futurs « délégués » du Défenseur, que prévoit l'article 28 du texte, seront-ils l'addition de toutes ces compétences, ou certains d'entre eux vont-ils rester sur le bord du chemin ?
Au final, puisque vous n'avez pas répondu à nos questions et refusé d'entendre nos propositions, nous serons obligés, si vous ne votez pas la motion de rejet, de voter contre l'adoption de ce texte, qui souffre de trois malfaçons que je me contenterai de rappeler ici.
Le Défenseur des droits souffre en premier lieu à nos yeux d'un manque d'indépendance puisque, si sa constitutionnalisation lui garantit une appréciable stabilité, son mode de désignation ruine sa légitimité. Dans l'immense majorité des pays qui ont adopté cette institution, à l'exception notable de la Grande-Bretagne, elle est élue par le Parlement. La règle que vous avez préféré retenir ne renforce pas la collaboration entre pouvoirs et ne fait qu'isoler le Défenseur des droits des autres pouvoirs constitués.
La mission du Défenseur des droits nous paraît ensuite illisible et, en dépit de sa dénomination, il est à craindre que la nouvelle institution ne se resserre sur le champ administratif. En effet, dans l'étude d'impact, les compétences du Défenseur à l'égard des personnes privées se limitent à celles concernant le droit des enfants ou les organismes de sécurité. On est donc bien loin de l'ambition affichée par le comité Balladur, qui était d'améliorer les garanties de l'État de droit.
Le Défenseur des droits souffre enfin d'un déséquilibre dans son fonctionnement, puisqu'il n'aura pas à consulter les collèges et que, lorsqu'il consentira à le faire, il n'aura pas à motiver son refus de suivre leur avis. De même, il choisira ses adjoints comme bon lui semble.
En conclusion, cette réforme qui aurait dû être irréprochable se trouve entachée de défauts qui la rendent contestable. Reste cependant une ultime marche : celle de la nomination du premier titulaire. Si le cadre juridique de son action est une chose, le choix de la personnalité en est une autre. Souhaitons qu'en dépit de la tentation de reconnaissance qu'elle pourrait ressentir, cette personnalité sache se souvenir du « devoir d'ingratitude » cher à Georges Vedel et à Robert Badinter.
Un but délaissé : le renforcement des droits du Parlement ; un but manqué : l'amélioration de la garantie des droits de l'homme ; une but contesté : la fusion des autorités administratives indépendantes qui garantissent les droits de l'homme ; un but inavoué : la rationalisation du budget consacré à la défense des droits de l'homme ; telles sont les quatre raisons de voter cette motion de rejet, ou de voter contre le texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur Urvoas, quelle que soit la qualité de votre plaidoyer, vous avez repris et synthétisé tout ce qui a déjà été dit lors de nos discussions, à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Elle est remarquable certes, mais nous avons voulu créer une institution unique, dotée de pouvoirs renforcés, tandis que vous vouliez un « machin » juxtaposant plusieurs structures.
Le ministre a plaidé avec force pour la création d'une institution de défense des droits des citoyens ayant une assise constitutionnelle. Ce sont deux philosophies différentes. Mais nous restons persuadés qu'en tant que constituants – puisqu'il s'agit d'une loi organique – nous faisons aujourd'hui oeuvre utile.
Sur la question précise des délégués du médiateur et des correspondants de la HALDE et du Défenseur des enfants, leurs statuts sont, à votre demande, protégés. C'est clair, net et précis.
Nous en arrivons aux explications de vote.
La parole est à M. Pascal Clément, pour le groupe UMP.
Je serai bref, puisque je dois reprendre la parole dans quelques instants, mais je voudrais revenir sur la déclaration de M. Urvoas selon qui nous avons raté l'occasion de voter à l'unanimité la création d'une très belle institution, la première autorité constitutionnelle mise en place depuis 1958. Il a raison : on ne peut que le regretter.
Pourtant, si l'on examine les amendements proposés par les socialistes, il en est un particulièrement symptomatique, c'est celui qui proposait de faire élire à la majorité des trois cinquièmes de la commission des lois les présidents des trois collèges.
Mais l'erreur de cette proposition est de ne pas prendre en compte le fait que le Parlement est volens nolens encadré par la modification constitutionnelle. Je rappelle que ce texte est un projet de loi organique et qu'il doit donc être validé par le Conseil constitutionnel. Or votre amendement enferme, sinon juridiquement du moins politiquement et psychologiquement, le Défenseur des droits en lui donnant une compétence liée. Imaginons en effet un président de collège ayant, du fait de son élection par la commission des lois, une légitimité comparable voire supérieure à celle du Défenseur des droits et présentant des conclusions que rejetterait le Défenseur : c'est impossible !
C'est inconstitutionnel, monsieur Dosière, et c'est pour cela que la démonstration de M. Urvoas ne tient pas. J'en suis navré, car j'aurais moi aussi souhaité que nous tombions d'accord. Mais vos propositions étaient contraires à la modification constitutionnelle votée par le Congrès, d'où l'impossibilité à nous mettre d'accord, qui ne découle en rien de la mauvaise volonté de la majorité.
Je n'ai retenu que le plus exemplaire des trois amendements dont vous avez parlé pour démontrer qu'il n'y avait de notre part aucune mauvaise volonté mais qu'il ne nous était pas permis de contredire la Constitution. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai quelques scrupules à m'exprimer après Jean-Jacques Urvoas, qui a brillamment résumé l'essentiel des débats à l'Assemblée nationale et au Sénat,. Mais je veux dire à mon tour que nous nous trouvons face à une occasion manquée. Notre groupe a participé de manière constructive au débat, mais nous nous sommes heurtés à un refus du Gouvernement, qui n'a retenu aucune de nos propositions.
Quant à l'argument qui nous a été perpétuellement opposé et que vient de reprendre Pascal Clément, mettant en cause la constitutionnalité de nos propositions, la majorité ne nous paraît pas très bien placée pour nous donner des leçons en ce domaine, compte tenu des nombreuses censures dont ont fait l'objet les projets de loi qu'elle défend. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.). En vérité, le débat s'est trouvé vicié dès l'origine par la volonté du Président de la République de nommer personnellement le Défenseur des droits.
Au contraire, dans tous les pays où il existe un défenseur des droits, il revient d'une manière ou d'une autre au Parlement de désigner ce dernier à une majorité qualifiée. Ainsi, sa position se trouve d'emblée renforcée, et il jouit d'une véritable autonomie par rapport au pouvoir. En matière d'autonomie, je ne reviens pas sur la question des adjoints du Défenseur des droits : nous en avons longuement débattu.
Ce qui restera aussi de ce débat et de cette occasion manquée, c'est la disparition de la HALDE et du Défenseur des enfants.
Il n'y a ni disparition de la HALDE ni disparition du Défenseur des enfants !
Vous avez mis en avant la Constitution pour vous opposer à nos propositions ; pour notre part, nous affirmons que la France aura des difficultés au regard de conventions internationales dont notre pays a pourtant été le promoteur.
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Pascal Clément.
Je veux revenir brièvement sur quelques points débattus lors de la réunion de la commission mixte paritaire et tenter d'expliciter certains d'entre eux.
Sur le projet de loi organique, la commission mixte paritaire s'est mise d'accord sur la composition des collèges. Une certaine méfiance s'est manifestée concernant le rôle du Défenseur des droits en la matière – cette méfiance a d'ailleurs couru tout au long de nos débats –, comme si ce dernier devait exercer un pouvoir personnel. Ce n'est pas le cas.
Il était prévu que Défenseur des droits nomme deux personnalités dans chacun des collèges qui l'assiste. Cette disposition a été supprimée par la CMP : ces nominations relèveront des présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale.
J'en viens à la consultation des collèges. Lors de la réunion de la CMP, le président de la commission des lois, M. Jean-Luc Warsmann, a rappelé que seulement 20 % des dossiers soumis à la HALDE faisaient aujourd'hui l'objet d'un examen par la formation plénière de son collège. Autrement dit, la HALDE, que l'opposition érige au rang d'autorité exemplaire et irremplaçable, ne saisit pas son propre collège dans 80 % des cas. Pourquoi alors vouloir à tout prix que le Défenseur des droits « consulte » systématiquement les collèges compétents chaque fois qu'il sera saisi ? Contrairement à la rédaction retenue par l'Assemblée – selon laquelle le Défenseur « peut consulter » le collège –, celle du Sénat rendrait la consultation obligatoire puisque nous savons qu'en droit le présent vaut impératif. Heureusement, le texte issu de la CMP revient sur cet impératif en l'éclairant puisqu'il prévoit que le Défenseur des droits « consulte » le collège « sur toute question nouvelle ».
Lors de la réunion de la CMP, plusieurs sénateurs sont intervenus pour expliquer que, chaque cas soumis au Défenseur des droits constituant une question nouvelle, il faudrait en conséquence qu'il consulte le collège sur tout nouveau dossier. Évidemment, cela est faux. J'insiste sur ce point afin que la volonté du législateur soit parfaitement claire et que nos débats en fassent état. Chaque nouveau cas ne doit pas faire l'objet d'une consultation du collège. Comme l'ont confirmé le ministre et le rapporteur, cette consultation ne concerne que les domaines nouveaux non traités.
Certes, mais il est important de préciser que « nouveau » ne veut pas dire « cas nouveau » mais « domaine nouveau ». Ce n'est pas du tout la même chose. J'insiste sur ce point puisque, lors de la CMP, certains sénateurs socialistes avaient une autre interprétation.
Il aurait été préférable que le rapporteur confirme cette interprétation !
Monsieur Clément, vous n'étiez pas à la réunion de la commission mixte paritaire !
Certes, mais j'ai pu prendre connaissance du compte rendu des débats et en comprendre le sens.
Monsieur Dosière est comme cela dès qu'il est un peu malmené ! (Sourires.)
Pas du tout ! Il est clair que le collège intervient pour s'exprimer sur le plan des principes quand se posent des problèmes nouveaux. En la matière, il est évidemment irremplaçable.
Ce n'est pas s'avancer que d'affirmer que, demain, le Défenseur des droits sera trop heureux de disposer de cet éclairage sur les principes. Il était en réalité superfétatoire de vouloir absolument qu'il saisisse le collège : ce sera finalement son désir le plus cher.
Pour autant, le Défenseur des droits n'est pas lié par la position prise par l'un ou l'autre des collèges.
Nous pouvons estimer que certaines procédures sont alourdies. Demander au Défenseur des droits de motiver sa décision de ne pas donner suite à une saisine semble être de bon sens – je suis le premier à en convenir ; mais cela pourrait embouteiller le travail de la nouvelle institution, si l'on se réfère au nombre de dossiers transmis aux autorités administratives indépendantes actuelles. Finalement, le Défenseur des droits motivera sa décision par des formules toutes faites, à l'instar de celles utilisées par les magistrats. Les députés de la commission des lois connaissent bien cette pratique.
Monsieur Urvoas, voilà à quoi vous aurez droit. Si tel était votre objectif, vous aurez satisfaction. En revanche le Défenseur des droits ne pourra pas justifier sa décision de ne pas donner suite à une saisine de façon détaillée pour chaque dossier concerné. Ce ne sera tout simplement pas possible.
En deuxième lecture, l'Assemblée a adopté un intéressant amendement de M. Émile Blessig tendant à préciser que le pouvoir de recommandation en équité du Défenseur des droits s'exerce « nonobstant toutes dispositions contraires ». Cette disposition est peut-être juridiquement contestable – le doyen Gélard s'est empressé de le rappeler lors de la réunion de la CMP. Pour autant, même si la CMP a finalement supprimé l'alinéa en question, il sera utile d'en retenir l'esprit.
En ce qui concerne la loi ordinaire, la commission mixte paritaire a décidé de retenir la rédaction de l'Assemblée sous réserve de deux modifications tendant, d'une part, à rétablir la possibilité pour la CNIL de prononcer des avertissements d'urgence et, d'autre part, de lui donner la possibilité de faire des mises en demeure avec publicité – il s'agit là d'une prérogative nouvelle, contrairement à la précédente.
Mes chers collègues, il est dommage que nous n'ayons pu nous mettre d'accord. Nos débats ont tout de même permis au Parlement de s'exprimer positivement. Il a affirmé que le Défenseur des droits n'était pas un homme isolé mais un homme qui s'entoure du conseil de collèges désignés par les autorités républicaines traditionnellement compétentes en la matière – nous avons un assez grand nombre d'autorités indépendantes désignées sur ce modèle dans nos institutions.
Ces autorités morales transmettront au Défenseur des droits un avis dont la portée sera extrêmement forte. Certes, il pourra arriver – ce sera une exception – que le Défenseur ne suive pas le collège. C'est là toute la grandeur de l'institution que le Président de la République a voulu créer en proposant cette modification constitutionnelle. Bien évidemment, le Défenseur des droits s'expliquera sur les raisons de son choix. Cela va sans dire.
Pour conclure, je reprendrai la question de M. Urvoas. Il s'interrogeait pour savoir qui serait nommé Défenseur des droits. Monsieur le député, quelle que soit la personne en question, la responsabilité qui lui incombera tirera son titulaire vers le haut. Je ne doute pas que demain, le Défenseur des droits sera le Défenseur de tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au terme de ce parcours législatif, je voterai, avec tristesse mais sans regrets, contre le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.
Je voterai contre avec tristesse car, ayant travaillé pendant près d'un an à la rédaction d'un rapport d'information sur les autorités administratives indépendantes au nom du comité d'évaluation et de contrôle, j'avais mis beaucoup d'espoir dans la création du Défenseur des droits.
Il faut rappeler que la paternité de cette idée revient à la commission Balladur qui préconisait une élection du Défenseur des droits à la majorité des trois cinquièmes du Parlement. La réforme constitutionnelle n'a pas suivi cette recommandation puisqu'elle a réservé cette nomination à l'exécutif, plus précisément au Président de la République. Par ailleurs, elle a évité de définir le périmètre de l'action du Défenseur des droits. De ce fait, le projet de loi organique déposé par le Gouvernement et la discussion parlementaire ont permis de fusionner sous l'autorité du Défenseur des droits certaines autorités administratives indépendantes qui avaient à plusieurs reprises déplu au Gouvernement – je pense en particulier à la HALDE et à la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Je rappelle que ces autorités administratives indépendantes ont effectué un travail absolument remarquable.
Comme le rapport d'information que j'ai rédigé avec M. Vanneste le précisait déjà, un regroupement pouvait se justifier, à condition toutefois qu'il ne porte atteinte ni aux attributions de chacune des autorités concernées ni à leur indépendance. C'est pourquoi nous avions proposé que chaque adjoint soit clairement identifié par un nom et, surtout, que sa légitimité soit assurée grâce à une nomination par le Parlement après un accord entre la majorité et l'opposition.
À un Défenseur des droits qui aurait exercé une autorité de compétence, votre majorité a préféré, pour reprendre une distinction chère à Charles Péguy, un Défenseur exerçant une autorité de commandement. Pour Péguy, « l'autorité de commandement est une autorité de force, de puissance, alors que l'autorité de compétence procède de la requête et va à celui qui guide et qui montre ». Ainsi, votre Défenseur des droits choisit ses adjoints d'autorité : ces derniers n'ont d'autre rôle que d'exécuter ses décisions sans pouvoir s'y opposer.
Vous n'opérez plus un regroupement mais une fusion et, en matière d'indépendance, il y a un recul. Je n'ai aucun regret à voter contre une réforme qui constitue un recul démocratique par rapport à la situation actuelle.
Monsieur le ministre, une nouvelle fois, la France se singularise parmi les démocraties occidentales. Leurs Gouvernements auraient pris les dispositions nécessaires pour qu'une telle réforme, relative aux libertés publiques, soit votée par l'ensemble du Parlement. Vous, vous avez choisi de recourir au vote majoritaire, en optant même pour son acception la plus dure puisque vous avez obtenu que la majorité sénatoriale renie en CMP les timides avancées qu'elle avait votées lors de la deuxième lecture. Ce vote démontre, une fois de plus, combien il est inexact de prétendre que la révision constitutionnelle a eu pour objet d'augmenter les pouvoirs du Parlement, à moins de considérer que le Parlement se résume à la seule majorité parlementaire, ce qui n'est évidemment pas mon point de vue.
Vous le constatez : les motifs de s'opposer à cette réforme ne manquent pas. Je voterai donc contre ces textes.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, après de longs débats, nous voici arrivés au vote définitif de cette réforme. Je vis ce moment avec une certaine gravité car nous aboutissons à un vrai gâchis. Je le regrette.
Les autorités administratives indépendantes que nous connaissions, la HALDE, le Défenseur des enfants, la CNDS, le Médiateur de la République, faisaient preuve d'une très grande autorité et d'une grande efficacité dans la lutte contre les discriminations et dans le combat pour les droits et les libertés.
Ces autorités étaient identifiées et appréciées par nos compatriotes. La qualité de leurs recommandations et de leurs rapports était très largement reconnue, tout comme la précision de leurs décisions. Les institutions internationales se félicitaient d'ailleurs de leur travail – je pense notamment à l'UNICEF.
Aujourd'hui, avec ces textes, vous effacez ces autorités. Et par quoi les remplacez-vous ? Par un Défenseur des droits aux compétences tentaculaires, nommé par le Président de la République. Ses adjoints seront nommés, sur sa proposition, par le Premier ministre.
M. Clément lui-même vient de nous faire la démonstration que ses compétences seront tellement étendues qu'il ne pourra répondre correctement à toutes les saisines dont il fera l'objet.
Avec les membres de mon groupe, nous avons participé au débat avec la volonté de conserver, dans le cadre de la création du Défenseur des droits, la compétence et l'expérience acquises par les autorités indépendantes. Mais, tout au long de la discussion – certes courtoise, monsieur le rapporteur – votre réponse fut la même : vous n'avez eu de cesse que de concentrer tous les pouvoirs entre les mains du seul Défenseur des droits, quitte à lui faire perdre toute crédibilité en termes d'indépendance et de compétence.
Ainsi l'adjoint du Défenseur des droits en charge de la défense des droits des enfants ne pourra être saisi directement par ceux-ci, en dépit des nombreux amendements déposés en ce sens, y compris par des membres de la majorité. De même, les adjoints du Défenseur des droits ne pourront pas déposer, de leur propre initiative, des rapports sur des sujets relevant de leur champ de compétence ni décider par eux-mêmes des saisines qu'ils acceptent ou refusent. Vous avez ainsi refusé de prendre en compte, dans ces projets de loi, la spécialisation et la proximité des autorités indépendantes.
Quelques avancées ont, certes, été obtenues par nos assemblées, notamment la possibilité, pour le Défenseur, d'organiser une action collective devant le juge administratif. Mais ce dispositif prometteur, un temps intégré au texte, a été retiré par le Gouvernement à minuit et demie, mercredi dernier.
En fin de compte, ces textes sont porteurs de régressions. Le contrôle du respect des droits et des libertés, qui, grâce aux autorités indépendantes, avait progressé, ces dernières années dans notre pays, va connaître un recul, et la centralisation des compétences de l'ensemble de ces autorités entre les mains du seul Défenseur des droits risque de provoquer de curieux mélanges. Comment ne pas craindre, en effet, la confusion entre des fonctions relevant tantôt de la résolution amiable de conflits entre des administrations et des citoyens, tantôt d'un contrôle rigoureux de libertés dont la protection n'est pas négociable – je pense ici notamment aux fonctions de la CNDS ?
Ces textes avaient pourtant un intitulé prometteur et, à l'instar du Comité consultatif des droits de l'homme, nous pensions que leur examen aurait pu faire progresser les droits et libertés dans notre pays.
Hélas, tel n'a pas été le cas, car vous n'avez pas voulu entrer dans une démarche constructive d'amélioration des textes.
Aussi, tout en saluant, encore une fois, la qualité du travail effectué par les responsables et les personnels des autorités administratives indépendantes et en regrettant que vous n'ayez pas pris le chemin du renforcement de ces institutions, les députés communistes, républicains et du parti de gauche voteront-ils contre vos projets de loi organique et ordinaire. Nous resterons vigilants quant aux conditions de la mise en place et de l'exercice de ses compétences par le Défenseur des droits, car nous ne laisserons pas affadir le combat mené par les autorités indépendantes pour les droits et les libertés dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Madame la présidente, mon intervention vaudra explication de vote de mon groupe.
Monsieur le garde des sceaux, vous avez, tout à l'heure, conclu votre propos en replaçant la création du Défenseur des droits dans le vaste mouvement législatif d'amélioration de la défense des droits initié par la majorité ces dernières années. Vous avez ainsi rappelé, à juste titre, la création de la question prioritaire de constitutionnalité, qui permet à tout justiciable de contester la constitutionnalité d'une disposition législative, l'instauration du Contrôleur des lieux de privation de liberté et le vote de la loi pénitentiaire. Cette liste suffit à démontrer la volonté du Gouvernement et de la majorité d'améliorer dans les faits la défense des droits individuels.
M. le rapporteur, qui a cité un certain nombre de nos collègues, peut être à son tour salué et remercié pour son esprit d'écoute. Nos débats se sont tenus dans un climat de respect mutuel, car il s'agissait d'être fidèle à la volonté du constituant, qui a décidé la création du Défenseur des droits, dont il a renvoyé la définition des contours à une loi organique.
Vous avez indiqué, monsieur le garde des sceaux, que le Défenseur serait l'Ombudsman qui, en Europe, aurait les pouvoirs les plus étendus. À ce propos, il n'a pas été évident, pour le législateur, de définir ses contours. La question méritait que nous en débattions et nous avons eu, sur ce point, des différends qui trouvaient leur source dans des interrogations légitimes. En effet, un certain nombre d'autorités indépendantes vont disparaître, qui ont été utiles et n'ont pas démérité ; je pense notamment au Médiateur de la République ou au Défenseur des enfants. Cette évolution a suscité des discussions : fallait-il, par exemple, fondre ou non le Contrôleur des lieux de privation de liberté dans la nouvelle institution ? Il me semble que nous sommes parvenus à un texte d'équilibre.
Ainsi que l'a fort bien dit Pascal Clément – qui occupa vos fonctions, monsieur le garde des sceaux –, la personne qui sera nommée Défenseur des droits par le Président de la République sera dépositaire d'une exigence. Lorsqu'une institution est créée, il importe non seulement que l'esprit de la Constitution et de la loi soit respecté, mais aussi que la personnalité choisie puisse donner toute sa dimension à la mission de cette institution.
S'agissant du texte de la commission mixte paritaire, il comporte des avancées sur le rôle des collèges, la motivation ou non des décisions de rejet du Défenseur des droits. En exprimant, au nom de mes collègues du groupe Nouveau Centre, notre adhésion à ce texte, j'ai le sentiment de participer à la création d'une institution dont seul l'avenir nous dira si elle a été, conformément à l'esprit du constituant et du législateur, une source de progrès pour les libertés et les droits.
En conclusion, si nous avons pu avoir des différends, nous étions tous, sur l'ensemble de ces bancs, animés par la même exigence de protéger les droits, qui sont souvent le dernier rempart contre l'arbitraire. Nous devons voter ce texte avec confiance, en formulant le voeu que, grâce à la personnalité qui sera nommée Défenseur des droits, à l'ensemble de ses adjoints et aux membres des collèges, il permette une addition des compétences, fondues dans une même institution, plutôt qu'une soustraction. C'est un formidable défi, mais, encore une fois, objectivement, nous avons voté, au cours des dernières années, des textes qui sont des avancées certaines pour les libertés et les droits individuels. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi que nous l'avons dit en première lecture, nous avons le sentiment d'un immense gâchis. Si, après la constitutionnalisation du Défenseur des droits, en juillet 2008, nous pouvions espérer renforcer l'État de droit, nous nous sommes aperçus, notamment après le vote de la LOPPSI 2, qui restreint nos libertés, que ce dernier allait se transformer en une sorte de mastodonte administratif qui réduira le champ des contre-pouvoirs indépendants que représentent les différentes autorités administratives qu'il va absorber.
Je pense en particulier au Médiateur de la République, qui a publié, il y a quelques mois, un rapport très intéressant sur la précarité grandissante des Français, illustrée notamment par le cas de ces familles qui ne peuvent boucler leurs fins de mois à cinquante euros près. Je pense également à la Défenseure des enfants, qui a joué un rôle important de protection des enfants, et à la HALDE, dont la création, en 2004, résultait d'une directive européenne de 2000. En absorbant ces trois institutions, le Défenseur des droits marque un recul de la défense et de la garantie des libertés et, s'agissant de la HALDE, de la lutte contre les discriminations et des ségrégations.
Nous devons à nos collègues de la commission des lois du Sénat d'avoir sauvé de cette absorption l'autorité indépendante qu'est le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Je dirai, en employant une expression un peu familière, qu'il l'a échappé belle. Or, nous savons combien le grand commis de l'État qui est actuellement à la tête de cette institution contribue à faire progresser la condition des retenus et des détenus. Ce rôle est particulièrement important quand on sait la grande indigence de nos prisons, où l'on enferme la misère et des personnes qui n'ont pas grand-chose à y faire, plutôt d'en faire des lieux, sinon de rédemption, du moins de réinsertion.
Par ailleurs, le Défenseur des droits est entaché d'un vice d'origine. En effet, il est nommé, non pas par le Parlement, mais directement par le Président de la République. Nous nous retrouvons ainsi dans la même situation qu'il y a deux ans, lorsque celui-ci, au prétexte que le CSA n'était pas assez indépendant, décida de le déborder en s'arrogeant le droit de nommer et de révoquer les responsables de l'audiovisuel public. Le Défenseur des droits doit pouvoir bénéficier de toutes les garanties d'indépendance. Or, celles-ci lui sont données par un vote du Parlement aux trois-cinquièmes. C'est, du reste, la procédure qui fut choisie en Espagne, à la fin de la période fasciste et lors du retour de la démocratie, pour la nomination du Défenseur du peuple. Non seulement celui-ci est choisi par le Parlement espagnol, mais il est entouré d'adjoints qui bénéficient eux-mêmes d'une certaine indépendance, sur le modèle, finalement, de l'organisation politico-administrative de l'Espagne, dont les régions sont très autonomes. Dans votre projet, les adjoints du Défenseur des droits dépendront de lui et n'auront guère de capacités d'arbitrage.
Le projet du Gouvernement signe également la disparition de la CNDS, qui était saisie par des députés – et nous avons été nombreux à user de cette faculté – en cas de bavures policières ou de problèmes liés à la condition des détenus dans les prisons. Avec le recul, nous ne pouvons que constater l'utilité de cette commission, dont les avis, qui s'imposaient souvent aux institutions concernées, étaient pris par un collège de treize personnes. Dans votre texte, ces personnes ne seront plus que trois, elles seront sous la coupe du Défenseur des droits et n'auront qu'un avis consultatif.
Au vu de l'ensemble du projet, je ne peux donc que rejoindre les critiques qui ont été émises par Marie-George Buffet et par Jean-Jacques Urvoas dans son excellente motion de rejet préalable. Monsieur le ministre, nous aurions été ravis de pouvoir voter ce texte, qui était présenté – c'était un paravent – comme un progrès de l'État de droit. Mais, compte tenu des conditions de la nomination et du fonctionnement du Défenseur des droits, compte tenu du fait qu'il absorbe des autorités indépendantes qui constituaient des contre-pouvoirs et une garantie supplémentaire pour nos libertés, les écologistes se joindront à leurs collègues communistes, républicains et du parti de gauche pour voter contre ce projet. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons nous répéter une dernière fois : le Défenseur des droits est une belle idée gâchée, notamment après la réunion de la commission mixte paritaire, dont on aurait pu espérer qu'elle améliore les textes. À la sagesse du Sénat, qui a tenté d'y réintroduire quelques garanties, vous avez en effet opposé un refus total.
La Haute Assemblée avait ainsi rétabli la consultation systématique des collèges, renforcé le rôle des adjoints, obligé le Défenseur à motiver ses avis. Des députés de la majorité n'ont pas caché d'ailleurs leur préférence pour ces amendements, mais vous leur avez préféré le pouvoir solitaire de l'homme ou de la femme qui aura à traiter 90 000 dossiers par an et n'aura plus à justifier ses refus. Quant aux conditions de nomination du Défenseur des droits, elles amènent tous les observateurs politiques et associatifs à penser que son indépendance ne sera pas totale.
La mise en place de cette structure nous inquiète, notamment parce que son efficacité et sa visibilité seront moindres que celles qu'avaient conquises les autorités administratives indépendantes.
Vous avez d'ailleurs compris ce risque, puisque vous avez cédé sur la défense des droits des enfants en créant finalement un défenseur spécial et en permettant que celui-ci rende un rapport distinct, ce qui prouve que ces dispositions étaient nécessaires.
Cela étant, même sur le droit des enfants, vous n'avez pas convaincu. Je lisais hier l'analyse de l'UNICEF qui regrette que les discussions finales « n'aient pas été l'occasion de mettre au premier plan l'intérêt supérieur de l'enfant, ni d'assurer l'indépendance et l'autonomie du Défenseur des enfants ». Personne n'est donc dupe du costume étriqué que vous venez de dessiner au Défenseur et surtout à son adjoint chargé des droits des enfants, sans réels moyens ni liberté de ton. Je passe sur les difficultés de la CMP à entendre les exigences de parité et la demande d'une représentation équilibrée des hommes et des femmes dans les collèges, qui aurait pu être plus incitative.
J'en viens à la suppression, à l'article 21, d'un alinéa adopté par le Sénat qui donnait le pouvoir au Défenseur des droits de « formuler des recommandations tendant à remédier à tout fait ou à toute pratique qu'il estime discriminatoire ou contraire au respect des règles de déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République ou contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant ou à en prévenir le renouvellement ». Que signifie cette suppression ? J'y vois un indice supplémentaire de la volonté que le Défenseur des droits soit en fait un défenseur des personnes ne traitant que des cas individuels et s'interdisant toute généralisation, toute alerte sur des choix politiques ou réglementaires dont les conséquences seraient supportées par de nombreux citoyens.
En rendant ces organes de régulation moins efficaces, moins visibles, en inféodant le Défenseur des droits, en limitant son expression publique, vous cherchez à bâillonner les contre-pouvoirs. Vous ne m'avez pas répondu, mardi dernier, lorsque je vous ai fait part des doutes d'un certain nombre d'autorités administratives. Une fois ces textes adoptés, les rapports du Défenseur ne devraient plus vous gêner !
La HALDE, qui travaille actuellement sur les discriminations dont sont victimes les femmes au travail, la Défenseure des enfants, qui alerte sur le thème « enfance et précarité », la CNDS, qui s'inquiète sur la garde à vue, ou le Médiateur, qui vient de rendre son dernier rapport sur la maltraitance financière des personnes âgées, pourront-ils encore, à l'avenir, rendre public le fruit de leurs réflexions sur des thèmes de ce type ? Je crains, pour ma part, que les contre-pouvoirs ne soient démantelés.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler la mise en garde à laquelle se livrait Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, dans son rapport de 2009. Son remarquable éditorial paraît aujourd'hui prémonitoire : « Notre société est fracturée. [...] un sentiment de fragilité et d'isolement qui ne laisse en partage que la souffrance [...]. L'époque où le “vivre ensemble” se fondait sur l'existence de règles communes, sur des autorités de proximité les faisant respecter, et sur des citoyens qui les connaissaient et y adhéraient semble révolue. Les espérances collectives ont cédé la place aux inquiétudes collectives et aux émotions médiatiques. Notre société gère son angoisse par une décharge d'agressivité là où nous attendions un regain de solidarité. »
Le Médiateur nous disait percevoir « la vitesse et la prégnance avec lesquelles le sentiment d'injustice se diffuse dans la société », percevant également « l'urgence et la difficulté qu'il y a à contrer ce sentiment, mêlant angoisse et rancoeur, prêt à se déverser dans les pires exutoires ». Les « pires exutoires », mes chers collègues ! Dans le contexte actuel, ces phrases résonnent fortement, et la responsabilité de votre gouvernement est d'autant plus lourde après cet avertissement.
Je vous l'ai dit, nous craignons de ne pas retrouver demain ce type de travaux, de cette qualité et bénéficiant de cette liberté d'expression. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, ce que vous avez fait de ces rapports ? Vous êtes-vous saisi de cette alerte du Médiateur ? En quoi ces rapports ont-ils contribué à infléchir l'action de votre gouvernement ? Enfin, que ferez-vous du rapport – le dernier sous cette forme – que vous présentera le Médiateur la semaine prochaine ?
Notre société a, plus que jamais, besoin de lieux d'écoute. Nos concitoyens ont besoin d'une autorité forte et indépendante, d'un équilibre entre autorité légale et respect des personnes, comme le disait M. Delevoye l'an dernier. Votre texte ne répond à aucune de ces attentes.
Personne n'a demandé la parole pour une explication de vote.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
(L'ensemble du projet de loi organique est adopté.)
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi ordinaire, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
(L'ensemble du projet de loi ordinaire est adopté.)
Madame la présidente, monsieur le rapporteur de la commission des lois, mesdames et messieurs les députés, adapter les professions du droit aux évolutions économiques et sociales est indispensable au bon fonctionnement de la justice. Ce constat a motivé les propositions du rapport de la commission présidée par Me Darrois, remis il y a quelques mois au Président de la République.
C'est ce rapport qui inspire les dispositions soumises aujourd'hui à votre examen, telles qu'elles résultent de la première lecture de vos assemblées. Les grandes innovations de ce texte permettent d'apporter des réponses adaptées pour moderniser les professions et relever les nouveaux défis de la compétitivité, internationale notamment.
Mesdames, messieurs les députés, vous avez bien conscience de ces enjeux pour les professions du droit et du chiffre et je me réjouis qu'à ce stade, un accord entre l'Assemblée et le Sénat se fasse jour sur les dispositions majeures de ce texte. Je tiens à saluer le travail et les débats parlementaires qui ont déjà considérablement enrichi le projet et, à ce propos, je remercie tout particulièrement le rapporteur de cette assemblée, M. Nicolin.
Cette réforme ouvre d'importantes perspectives aux professions judiciaires et juridiques réglementées. Un véritable consensus s'est construit autour des avancées de ce projet. Nous avons désormais une réforme très équilibrée, établie dans le respect des accords élaborés avec et entre les professions. J'insiste sur l'importance de la concertation dans ce domaine, gage d'une réforme réussie : les évolutions majeures introduites par ce texte ne pourraient être suivies d'effet, ni même trouver leur pleine pertinence pratique sans, ou contre, l'avis des professions concernées. La prise en compte des accords est essentielle, elle permet d'opérer une réforme dans le respect des spécificités de chaque profession.
C'est bien grâce à ce travail commun et fructueux entre les professions, le Parlement et le Gouvernement, que nous avons donné toute son ampleur et sa qualité à la réforme ? une réforme très attendue des professionnels, qui n'en avaient pas connu d'une telle envergure depuis trois décennies.
Après la loi du 22 décembre 2010 relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires, puis la loi du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel, ce texte poursuit notre oeuvre de modernisation de la justice et de ses acteurs.
Tout d'abord, il renforce les compétences respectives des professions, leur ouvrant des perspectives nouvelles et attractives. Il confère de nouvelles missions aux professions judiciaires et juridiques réglementées, dans le respect – j'insiste sur ce point – des spécificités de chacune de ces professions et le meilleur intérêt du justiciable. Dans un univers juridique et judiciaire complexe, qui évolue rapidement, l'intervention des professionnels du droit est une garantie pour les justiciables, un gage de sécurité juridique et un facteur d'apaisement des relations juridiques.
C'est afin d'accroître la sécurité juridique de nos concitoyens que nous avons créé l'acte contresigné par un avocat. Je vous sais convaincus des bénéfices de ce nouvel instrument, qui a été voté conforme par vos deux assemblées, tant il est vrai qu'il constitue une avancée majeure pour notre droit. Ce nouvel instrument juridique offre une protection renforcée aux actes sous seing privé : le contreseing atteste, en effet, que les parties ont reçu l'assistance d'un avocat, qui les a pleinement éclairées. Par ce contreseing, l'avocat engage sa responsabilité. Cet instrument nouveau n'est pas un acte authentique et n'a pas vocation à le remplacer, mais cette signature de l'avocat permet de sécuriser les actes sous-seing privé.
Le projet de loi vient, en outre, consolider le champ d'intervention de chacune des professions du droit et des professions du chiffre. Ce texte permet des avancées pour toutes les professions, au premier rang desquelles la possibilité pour un avocat, outre sa compétence exclusive pour établir des actes contresignés, d'agir en tant que mandataire sportif. Cette disposition, introduite par votre assemblée en première lecture et confirmée par le Sénat, étend ainsi le champ d'activité de l'avocat tout en établissant l'ensemble des garanties nécessaires à l'exercice de cette profession. Les avocats sont ainsi assujettis aux sanctions pénales applicables aux agents sportifs. Ces dispositions ont été conçues, bien évidemment, dans le respect de l'indépendance et des principes déontologiques propres à la profession d'avocat.
Le rôle des notaires est, par ailleurs, réaffirmé. En matière immobilière, ce projet de loi consacre le principe selon lequel seul l'acte authentique permet de procéder aux formalités de publicité foncière. Jusqu'ici, ce principe résultait d'un décret de 1955. Une fois ce texte adopté, il sera consacré dans le code civil. Cette affirmation solennelle permet de conférer toute l'autorité nécessaire à ces formalités, constituant ainsi une mesure protectrice et cohérente.
Le rôle des notaires est également étendu sur deux points, ce qui permettra de simplifier considérablement les démarches à accomplir par nos concitoyens : d'une part, les notaires pourront procéder à l'enregistrement des PACS, dès lors qu'ils en auront rédigé la convention ; d'autre part, ils se voient confier l'établissement des actes de notoriété si, lors de la constitution du dossier de mariage, l'un des époux ne peut produire un acte de naissance. Cette évolution a, pour les usagers, l'avantage de la proximité et de la rapidité, tout en sécurisant ces procédures, car elles sont confiées à un officier public.
Je tiens également à rappeler une autre mesure innovante introduite à l'occasion de la navette parlementaire : la création d'un portail électronique des déclarations de tiers. Elle répond à une forte demande de la profession d'administrateur et mandataire judiciaire, comme des créanciers.
Enfin, ce texte clarifie et étend les conditions d'intervention des experts-comptables. Il prévoit ainsi que l'expert-comptable peut assister les personnes physiques dans leurs démarches déclaratives sociales, fiscales et administratives. Cette mesure a été approuvée par les instances représentatives des avocats et des experts-comptables. Elle reconnaît la complémentarité de leurs interventions et s'inscrit de manière cohérente dans le développement de l'interprofessionnalité des professions du droit et du chiffre.
Moderniser les professions, c'est donc leur ouvrir un champ d'action élargi et cohérent ; c'est leur permettre aussi d'exercer dans des structures rénovées. Les professions du droit sont de plus en plus souvent confrontées à la concurrence de leurs homologues étrangers, concurrence de plus en plus marquée ces dernières années. C'est pourquoi, dans le respect du statut et des spécificités de chacune des professions, ce projet de loi propose d'adapter et de moderniser les structures juridiques pour mieux répondre aux besoins actuels des professionnels dans leur activité quotidienne.
La principale innovation de ce projet de loi est la mise en oeuvre d'une interprofessionnalité capitalistique, entre les professions du droit et du chiffre, pour permettre le travail en commun des professions sur les bases d'une collaboration renforcée.
Le débat parlementaire, au Sénat en particulier, a élargi l'interprofessionnalité capitalistique aux professions du chiffre – commissaires aux comptes et experts-comptables – et aux conseils en propriété industrielle. C'est là une avancée importante, car l'activité de ces professions est très souvent complémentaire de celle des avocats, notaires et huissiers.
La mise en place de cabinets pluridisciplinaires, offrant à leurs clients l'éventail le plus complet de services et de compétences, permettra indéniablement de renforcer leur compétitivité, d'envisager des synergies nouvelles entre professions qui permettront de prospecter ainsi de nouveaux marchés.
En outre, les professionnels seront à même d'apporter une aide plus efficace aux particuliers et aux entreprises tout en gardant leurs spécificités et leur autonomie. En effet, ce projet de loi n'est nullement le prélude à une unification de ces professions. Nous avons pu envisager, à un moment, un rapprochement des professions d'avocat et de conseil en propriété industrielle, mais il n'en est plus question. Je sais que c'est aussi la position de votre assemblée. Ces deux professions demeureront donc parfaitement distinctes.
L'interprofessionnalité ainsi conçue, qui inclut les professions du droit et du chiffre tout en préservant leur autonomie, correspond aux accords entre ces professions qui aspirent à ce rapprochement.
Nous le savons – et vos deux assemblées rejoignent cette position – la profession d'avocat est confrontée plus que tout autre à la concurrence internationale. C'est la raison pour laquelle des dispositions spécifiques visent à faciliter son exercice professionnel.
Afin d'accompagner l'internationalisation croissante des cabinets, des avocats exerçant dans un État de l'Union européenne pourront être associés au sein d'une structure française. Il s'agit d'offrir la possibilité aux cabinets ayant des bureaux à l'international d'intégrer, parmi leurs associés, des avocats étrangers n'exerçant pas dans la structure mais dans l'un de ses bureaux.
Pour faciliter l'exercice professionnel des avocats, le texte modernise également les règles qui encadrent les sociétés civiles professionnelles et les sociétés en participation. Il supprime ainsi le caractère solidaire de la responsabilité des associés, perçue comme un obstacle au développement des activités des professions libérales, pour y substituer une responsabilité conjointe.
Enfin, afin de faciliter la vie et la transmission des cabinets, le projet de loi simplifie la réglementation des sociétés d'exercice en matière de dénomination : les associés pourront jouir, sous le contrôle des autorités ordinales, d'une plus grande liberté, notamment faire usage, sans limitation dans le temps, du nom d'un ou de plusieurs associés.
Mesdames, messieurs les députés, nous sommes parvenus un texte d'équilibre très profitable à la modernisation des professions du droit et, par conséquent, bénéfique à l'efficacité de notre système judiciaire.
Je sais l'aboutissement de ce texte très proche. Je m'en réjouis car les professions ainsi rénovées seront en mesure d'apporter un soutien et une aide plus efficace à nos concitoyens.
La parole est à M. Yves Nicolin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le ministre, vous venez de détailler les principales avancées de ce texte. Aussi, en tant que rapporteur de la commission des lois, me contenterai-je de résumer les points saillants de cette seconde lecture que nous abordons.
La modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées figure parmi les grandes ambitions de cette treizième législature. Prolongement de la mission de réflexion sur les professions du droit présidée jusqu'en mars 2009 par Me Jean-Michel Darrois, le projet de loi dont notre assemblée est appelée à débattre en seconde lecture comporte un ensemble de mesures pragmatiques qui, tout en préservant autant que possible les héritages et les équilibres marquant ces secteurs d'activité, devraient insuffler un dynamisme nouveau aux acteurs français du droit et du chiffre.
Ce texte avait été examiné en première lecture, le 23 juin 2010, de concert avec une proposition de loi relative à l'exécution des décisions de justice et aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées. Cette proposition de loi du sénateur Laurent Béteille ambitionnait elle aussi de rénover les conditions d'exercice de certaines professions réglementées : huissiers de justice, notaires et greffiers des tribunaux de commerce, notamment. Elle visait également à améliorer l'exécution des décisions de justice et à redéfinir l'organisation et les compétences de juridictions.
Le 8 décembre dernier, le Sénat a choisi d'adopter cette proposition de loi dans les mêmes termes que ceux de l'Assemblée nationale, le texte devenant ainsi la loi du 22 décembre 2010. Par conséquent, la représentation nationale n'a plus désormais à se prononcer que sur le seul projet de loi examiné le même jour par les sénateurs.
D'emblée, je tiens à souligner que les deux assemblées ont porté un regard convergent et complémentaire sur les réformes qui leur ont été soumises. Pour preuve, certaines dispositions clés sont d'ores et déjà définitivement adoptées : la modernisation du régime des structures d'exercice des professionnels prévue aux articles 19 et 20 ; l'acte contresigné par un avocat, qui permet de donner plus de sécurité juridique aux contrats passés entre personnes privées, sans pour autant leur conférer le caractère d'actes authentiques prévu à l'article 1er.
À présent, seulement quelque vingt articles demeurent en navette alors qu'à peine moins ont été adoptés dans une version conforme, ce qui illustre le fort degré d'assentiment entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur le fond.
De manière légitime, les sénateurs ont souhaité enrichir la réforme par certains ajouts substantiels.
Pour l'essentiel, ils ont introduit des dispositions simplifiant le régime de spécialisation des avocats : article 1er B ; ils ont étendu aux professions du chiffre et aux conseils en propriété industrielle l'interprofessionnalité capitalistique : article 21 ; et ils ont actualisé le régime des experts-comptables à la mise en oeuvre de cette même interprofessionnalité : article 21 bis.
À titre plus accessoire, ils ont également procédé à divers ajustements souhaités par certaines professions réglementées. Le Sénat a ainsi adopté, à l'initiative de sa commission des lois, trois articles relatifs à la profession d'huissier de justice – articles 9 ter, 9 quater et 9 quinquies – dont l'un rend plus représentatif le mode de scrutin pour l'élection des délégués à la chambre nationale des huissiers de justice.
Dans l'ensemble, le Sénat a maintenu l'équilibre général du projet de loi et il en a conforté la portée. Il n'est d'ailleurs pas anodin de relever que, depuis le vote des sénateurs, les différentes professions du droit et du chiffre directement concernées se sont toutes prononcées en faveur d'une adoption rapide du texte issu des travaux du Sénat.
Pour ma part, je me réjouis que les enrichissements de ce texte satisfassent les professionnels. Soucieux de voir aboutir rapidement cette réforme, je vous propose qu'à l'instar de notre commission des lois, qui a adopté le texte sans modification le 16 février dernier et qui s'est réunie une nouvelle fois cet après-midi en application de l'article 88 de notre règlement, nous adoptions les articles restant en navette dans une version conforme à celle issue du Sénat.
Ainsi, le processus législatif, engagé il y a près d'un an maintenant, s'achèvera et les professions juridiques et judiciaires réglementées pourront rivaliser plus efficacement avec leurs concurrents étrangers.
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à Mme George Pau-Langevin.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la motion de renvoi en commission que le groupe SRC présente, est l'expression d'une forme de frustration des parlementaires de l'opposition, en raison de la manière dont ce texte nous a été soumis.
En effet, plus encore qu'en première lecture, nous avons le sentiment que l'essentiel s'est déroulé à l'extérieur et que nous sommes une sorte de chambre d'enregistrement de tractations et d'arbitrages rendus dans une arrière-cour. Par conséquent, nous avons un peu de mal à nous sentir concernés et, plus encore, à nous sentir particulièrement utiles.
L'opacité est le maître mot concernant ce texte. À chaque étape, nous avons vu surgir des attributions nouvelles pour telle ou telle profession, lesquelles étaient sans doute l'objet de marchandages auxquels nous n'étions pas partie.
Au départ, nous avions cette idée de créer une grande profession du droit et nous avions pu en examiner les motivations et les aspects dans le rapport Darrois. Puis, nous avons vu apparaître l'acte d'avocat tiré de la proposition de loi d'Étienne Blanc. Évidemment, les notaires sont immédiatement montés au front, nous expliquant que la création de l'acte d'avocat allait provoquer des perturbations considérables, au point d'affecter la notation de la France par les agences internationales. Les notaires et les huissiers ont alors obtenu des concessions.
Nous avons aussi vu les conseils en propriété industrielle dont on nous avait d'abord assuré qu'ils étaient tout à fait d'accord pour une fusion avec les avocats, nous dire ensuite que la fusion n'était plus à l'ordre du jour. Puis, on nous a expliqué qu'il suffisait de supprimer l'incompatibilité entre les deux professions, de manière à ce que chacun puisse exercer l'une ou l'autre à sa guise. Enfin, au Sénat, on nous a annoncé que les esprits n'étaient pas mûrs.
Au vu de toutes ces évolutions, nous avons du mal à nous sentir concernés.
Venons-en aux experts comptables.
À l'occasion de la première lecture, ils nous ont très largement expliqué leur rôle social, insistant sur les conseils qu'ils pouvaient prodiguer aux particuliers. Entre-temps, avant la seconde lecture, un accord est manifestement intervenu entre les professions du chiffre et du droit. Résultat : les experts comptables font maintenant partie du jeu et ce sont des syndicats d'avocats qui viennent se plaindre, jugeant insupportable de voir les experts comptables exercer certaines fonctions.
Effectivement, les experts comptables vont pouvoir assister les personnes physiques dans l'ensemble de leurs démarches fiscales, administratives ou sociales. Pourquoi pas ? Manifestement, une négociation leur a permis d'élargir un peu leurs attributions à leur plus grande satisfaction.
Pourquoi pas ?
Face à tous ces débats, j'ai tendance à me dire que si les représentants qualifiés des professions concluent des accords afin de se répartir les attributions et, peut-être, de clarifier la répartition des rôles entre eux, après tout que sommes-nous, modestes parlementaires, pour décider si telle ou telle organisation a un sens ou si elle est la meilleure ?
Cela étant, le rôle que l'on nous fait jouer et les mesures présentées nous laissent un peu dubitatifs, même si le texte contient quelques avancées qui pourraient être intéressantes, comme l'acte d'avocat.
Qu'un acte qui constate ou organise des relations entre des parties soit rédigé par un professionnel qualifié, cela nous semble logique. Il est évident que l'avocat est qualifié et qu'il appartient à une corporation organisée. L'existence de l'acte d'avocat est normale et répond à l'intérêt du justiciable.
Cependant, nous devenons plus dubitatifs, voire moqueurs, en constatant que le nouveau texte comporte non seulement des gestes aimables pour les autres professions, mais aussi un article très ferme sur la publicité foncière qui nous conduit à penser que les notaires sont intervenus et qu'ils ont recadré les choses. Par conséquent, l'acte d'avocat ne changera pas grand-chose dans les relations entre les professions.
Venons-en à la création de ponts entre professions.
Une mesure me semble plutôt positive : quand les professions s'organisent en société, il est préférable que la majorité soit détenue par les professionnels exerçant ces métiers. Cela évitera sans doute le rachat de sociétés interprofessionnelles par des sociétés de capitaux, ce qui est plutôt une garantie. Cependant, cela me semble encore une modification relativement marginale pour le justiciable.
En revanche, d'autres dispositions de ce texte nous semblent être des régressions, notamment celles qui concernent le pacs. Nous ne sommes toujours pas d'accord avec votre idée d'accorder aux notaires le droit de célébrer les pacs, car il ne s'agit pas d'un contrat quelconque comparable à un bail.
Cette nouvelle procédure devant notaire serait une manière de créer des cérémonies à deux vitesses et d'établir une distinction entre ceux qui possèdent des biens et ceux qui n'en ont pas. En outre, le pacs est un engagement particulier entre deux personnes et il a pour elles une importance certaine. Il est regrettable que cette cérémonie n'ait pas lieu au même endroit que les autres cérémonies d'état civil, c'est-à-dire dans les mairies.
Il y a aussi toute une série de mesures sur lesquelles je ne reviens pas, parce que ce sont des conséquences de réformes précédentes que vous avez menées à la hussarde, notamment celle de la carte judiciaire. Après avoir éloigné la justice du citoyen en supprimant des tribunaux d'instance, vous êtes obligés, maintenant, de chercher à qui confier le travail. Vous attribuez ainsi les procédures, soit aux huissiers de justice, soit aux notaires. Pourquoi pas ? Ils ont les compétences pour le faire. Cependant vous substituez à la prestation gratuite d'une fonctionnaire celle, payante, d'un professionnel libéral, ce qui ne constituera pas un progrès pour le justiciable modeste.
Au final, toutes ces dispositions sont le résultat de tractations avec les professions. Elles aboutiront peut-être à une meilleure lisibilité. Nous ne le contestons pas. Toutefois elles visent, à chaque fois, la clientèle rentable. Le grand absent de ce texte, c'est le justiciable modeste – le petit commerçant, le petit artisan, le particulier – qui s'interroge sur son bail ou qui a des difficultés pour rédiger un acte, et qui n'est pas du tout concerné par le projet de loi.
En première lecture, nous vous avions demandé en quoi ce texte allait améliorer l'accès au droit des particuliers les moins fortunés. Vous aviez alors accepté de créer une mission parlementaire sur l'accès au droit. Celle-ci nous a permis d'entendre un grand nombre de personnes travaillant sur ce dossier. Nous avons étudié le fonctionnement des maisons de justice et du droit, ainsi que celui des permanences mises sur pied par les barreaux, les chambres de commerce ou les artisans. Nous avons également examiné l'action menée par les associations de consommateurs.
Conclusion : votre texte n'amènera rien dans ce domaine, et ce qui existe aujourd'hui ne prend pas en compte le besoin des particuliers qui ne sont pas fortunés en matière de conseil, d'aide pour la rédaction d'actes et de suivi juridique. Notre conviction est donc encore plus forte aujourd'hui qu'en première lecture.
L'aide juridictionnelle n'est pas non plus en mesure de faire face à ce besoin, son budget ne permettant même pas de couvrir l'augmentation afférente à la présence de l'avocat en garde à vue.
C'est la raison pour laquelle nous demandons le renvoi du projet de loi en commission. Nous jugeons nécessaire de reprendre ce dossier de manière plus complète.
Il est légitime que les professionnels s'organisent de manière à travailler dans de bonnes conditions et à répondre aux attentes de leur clientèle, mais le projet de loi laisse de côté les besoins essentiels que sont l'accès au droit et l'accès au conseil juridique pour nos concitoyens les plus modestes.
Nous considérons que le travail n'est pas terminé. De ce point de vue, il est insatisfaisant. Le renvoi en commission permettra d'intégrer dans le texte les préconisations qui, je l'espère, seront faites dans le rapport de la mission sur l'accès au droit.
Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Jean-Pierre Schosteck, pour le groupe UMP.
Le groupe UMP est, bien évidemment, opposé au renvoi du projet de loi en commission. Comme l'ont souligné le rapporteur et le ministre, le travail en commission a été parfaitement exécuté. Les professions attendent ce texte, bien ficelé et utile. Il serait donc particulièrement mal venu d'en retarder encore le vote.
L'intervention que j'avais préparée étant un peu trop longue, je me bornerai à revenir sur certains mots qui ont été prononcés.
Le projet de loi a été qualifié de « saupoudrage » – c'est exact –, de « marchandage » – c'est également vrai. Le mot de « privatisation » a été aussi employé. C'est effectivement ce qui dicte votre conduite. Un mot n'a pas été employé, qui qualifie pourtant votre démarche : celui de « rentabilité ».
Nous aurions préféré entendre parler d'équité, de justice, ce qui aurait été normal dans un texte concernant ce domaine. Nous aurions aussi aimé qu'il fût question de justiciable et d'aide juridictionnelle.
Il ressort de tout cela une très grande frustration, pour reprendre le mot employé par George Pau-Langevin, une grande insuffisance : ce texte méritait que le Parlement puisse être informé.
Des discussions ont eu lieu, c'est vrai, mais en catimini et sous la forme de tractations avec telle ou telle professions, tels ou tels intérêts professionnels. Quand d'autres profession, insatisfaites, vous demandaient quelque chose, vous le leur avez également accordé. Tout le monde reconnaîtra donc dans ce texte un petit effort de la part de votre gouvernement
Néanmoins il n'y a aucune ligne de conduite, aucune considération pour le justiciable, aucun effort en matière d'aide juridictionnelle. Un tel texte ne peut donc nous satisfaire.
Parce que le travail parlementaire a été un peu galvaudé, parce que nous n'avons pas été au coeur du débat, parce que nos remarques n'ont pas été suffisamment prises en considération, nous avons souhaité renvoyer le texte en commission.
Une réforme de la profession est nécessaire, mais une véritable réforme, aboutissant à la création d'une vraie profession juridique. Au lieu de cela, vous avez succombé aux sirènes d'un droit qui ne me plaît pas, d'un droit que je redoute. C'est pourquoi, dans l'intérêt du justiciable, le groupe SRC au nom duquel j'ai pris la parole s'abstiendra dans le vote final.
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous entamons aujourd'hui la deuxième lecture du projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques et de certaines professions réglementées.
L'évolution de notre société exige une révision des dispositions régissant les professions du droit afin d'offrir aux citoyens une justice moderne et crédible. La rénovation des règles de droit doit répondre à des objectifs de plus grande visibilité, de simplification, de sécurité juridique et de lisibilité pour nos concitoyens. La qualité de la justice est en jeu. Il est important d'établir une confiance absolue entre les professionnels du droit et les justiciables.
Face à un système juridique de plus en plus complexe et éloigné des individus, le projet de loi qui nous est de nouveau soumis aujourd'hui apporte des réponses claires de modernisation et d'amélioration du fonctionnement de la justice.
Lors de l'examen du texte en première lecture, le 23 juin dernier, celui-ci avait été soumis à notre examen avec une proposition de loi relative à l'exécution des décisions de justice et aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées. Cette dernière a été définitivement adoptée par le Sénat dans les mêmes termes que l'Assemblée nationale le 8 décembre dernier. La représentation nationale ne doit donc aujourd'hui se prononcer que sur le seul projet de loi.
Un grand nombre des propositions contenues dans ce texte s'inspire des réflexions des rapports de M. Guinchard et de M. Darrois. Il convient également de souligner que cette réforme a été conduite en étroite collaboration avec les professions concernées.
À l'issue de la première lecture, les deux assemblées ont porté un regard convergent et complémentaire sur les réformes qui leur ont été soumises par l'exécutif. Ainsi, des mesures clés ont été adoptées de façon conforme par l'Assemblée nationale et le Sénat. Une vingtaine d'articles seulement demeure aujourd'hui en navette. Cette convergence d'opinion atteste d'un fort assentiment entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
Je veux revenir sur les principales dispositions de ce texte.
Quatre mesures de grande importance ont été adoptées sans difficulté par nos collègues sénateurs.
Tout d'abord, l'article 1er relatif à la mise en oeuvre de l'acte contresigné par avocat, principale préconisation du rapport Darrois, a été voté par le Sénat dans les mêmes termes que l'Assemblée nationale. Cet acte attestera que les parties concernées ont reçu l'assistance juridique d'un avocat qui a pu leur expliquer à quoi elles s'engageaient réciproquement. Il engagera également la responsabilité de l'avocat en cas de carence d'explications sur l'acte conclu.
Cette disposition vise à renforcer la sécurité juridique dans un contexte d'augmentation significative des contrats signés par les Français. Ce contreseing par un avocat apportera aux citoyens des garanties juridiques supplémentaires. Le risque de contentieux sera ainsi limité. Néanmoins, cet acte n'a pas vocation à remplacer l'acte authentique, pilier de notre système juridique. Seul ce dernier, réalisé par les notaires, donne à un acte la même force exécutoire qu'un jugement.
Ensuite, les dispositions relatives à la profession de notaire ont été adoptées par le Sénat sans modifications sensibles.
D'une part, le rôle des notaires dans le domaine des transferts de propriété immobilière se voit renforcé. Ainsi, en matière foncière, seul un acte authentique permettra de procéder aux formalités de publicité. Le Sénat a également validé le dispositif proposé par notre commission des lois, visant à rendre obligatoire l'alimentation par les notaires d'une base de données immobilières. Cela permettra la diffusion d'informations pertinentes sur 1'évolution du marché immobilier.
D'autre part, en matière de droit de la famille, le notaire se voit reconnaître la possibilité d'enregistrer la convention de pacs qu'il a lui-même rédigée sans passer par le greffier. Pour nos concitoyens, cette mesure allégera les formalités, ainsi que les frais qui en découlent.
Cette première série de mesures vise à conforter chaque profession dans son coeur de métier et à sécuriser la situation juridique de certains de nos concitoyens.
Par ailleurs, le Sénat a suivi la position de l'Assemblée nationale concernant la modernisation des structures d'exercice des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé. Les régimes juridiques des sociétés civiles professionnelles ont été aménagés et confortés par nos collègues sénateurs. Ainsi, a été supprimé le caractère solidaire de la responsabilité des associés. Ce système dérogatoire faisait, en effet, peser une charge excessive sur chaque associé, indépendamment de son implication dans les faits ayant conduit à la mise en jeu de la responsabilité.
Enfin, le Sénat a enrichi la proposition faite par notre commission des lois destinée à permettre aux avocats d'agir en tant que mandataires sportifs. La licence d'agent sportif n'est plus exigée mais les avocats devront respecter une obligation de transparence à l'égard des fédérations sportives. Tout en validant le dispositif, les sénateurs ont étendu l'activité de mandataire que pourront désormais exercer les avocats à la possibilité de représenter l'entraîneur sportif. Le Sénat a, par ailleurs, adopté un amendement du Gouvernement afin d'assujettir les avocats aux sanctions pénales applicables aux agents sportifs.
Outre ces dispositions adoptées par les deux chambres, le Sénat a enrichi le projet de loi de manière tout à fait opportune.
Il a ainsi apporté plusieurs modifications que notre commission des lois a adoptées de façon conforme.
Tout d'abord, il a prévu la mise en oeuvre de certaines procédures collectives par voie électronique. Cette mesure fait suite aux débats qui ont eu lieu au sein de l'Assemblée nationale. En effet, lors de la première lecture, le rapporteur Yves Nicolin nous avait soumis un amendement permettant au centre national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, de mettre en place une plate-forme nationale de dématérialisation sécurisée. Cependant il l'avait finalement retiré pour répondre à la volonté du Gouvernement d'organiser une expertise approfondie sur le sujet, afin de garantir un niveau de sécurité juridique optimal.
Prenant acte de cette initiative, le Sénat a proposé la mise en place d'un portail électronique de déclarations des tiers. Comme l'a souligné notre commission des lois, un tel mécanisme constitue incontestablement une mesure de simplification à l'égard des tiers comme des professionnels. Il permet de centraliser les déclarations de créances effectuées par voie électronique.
Le deuxième point sur lequel je souhaite revenir concerne l'interprofessionnalité capitalistique. En effet, entreprises et particuliers ayant souvent besoin de recourir à plusieurs professionnels du droit, il est tout à fait opportun de permettre à différentes professions du droit de travailler ensemble, leurs activités étant souvent complémentaires. De plus, compte tenu de l'internationalisation croissante des cabinets d'avocats, il convient d'offrir aux structures ayant des bureaux à l'étranger la possibilité d'intégrer, parmi leurs associés, des avocats exerçant dans l'un de leurs bureaux.
En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté les mesures proposées par le Gouvernement sur ce sujet. L'idée était de répondre à la concurrence internationale et de moderniser les professions juridiques tout en prenant en compte l'intérêt du justiciable. Ainsi, il ne s'agit pas de mettre en place une interprofessionnalité d'exercice, qui serait de nature à mélanger les compétences de chacun au détriment des citoyens. Il s'agit, au contraire, de renforcer réciproquement le capital financier des cabinets des professionnels du droit.
Nos collègues sénateurs ont souhaité aller plus loin et ont étendu cette disposition aux experts-comptables, aux commissaires aux comptes et aux conseils en propriété industrielle. À l'appui de sa démarche, le Sénat a notamment estimé qu'un dispositif plus large devait permettre l'émergence de cabinets pluridisciplinaires, capables de rivaliser dans un contexte concurrentiel. Afin de préserver l'indépendance de ces professions, les sénateurs ont prévu un certain nombre de garanties sur la détention du capital de chaque société.
D'autres ajustements ont été introduits par le Sénat. Ainsi les avocats, les huissiers de justice et les experts-comptables ont vu leurs régimes aménagés et modernisés, toujours dans le même souci de sécurité juridique et d'intérêt du justiciable.
Le texte soumis à notre examen a donc été enrichi de manière équilibrée et utile par le Sénat. Il est le fruit d'une longue concertation avec les professions. Il permet aux métiers du droit de s'adapter à l'évolution de notre société tout en garantissant à nos concitoyens une justice plus proche et plus efficace. Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe UMP le votera avec détermination, sans apporter de modifications au texte sénatorial. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Les retirer !
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l'examen en deuxième lecture du projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées semble sonner la fin de la grande oeuvre qui devait réformer tout à la fois l'organisation judiciaire, les procédures civile et pénale, et les professions du droit appelées à faire fonctionner l'institution tout entière.
Les rapports se sont succédé – rapports Léger, Guinchard, Darrois, Béteille –, tous annonciateurs de réformes profondes, qu'auraient pu permettre les réflexions et auditions, débarrassées du corporatisme ambiant. En fait, au bout du compte, nous devons avouer notre déception, car nous avons assisté à une succession de textes sans cohérence : propositions de lois sans lendemain, reprises dans des projets de loi et textes de simplification du droit qui se sont additionnés, pour parvenir à une réforme inachevée.
Cette réforme laisse l'usager du droit éloigné de sa justice, et les professionnels mécontents, qui, pour la première fois dans l'histoire de l'institution judiciaire, ont été contraints à faire grève. Et je ne parle pas du coût, non maîtrisé pour le budget de l'État, de la réforme de la carte judiciaire ou de celui qui a été transféré sur le justiciable après la suppression de la profession d'avoué.
Au moment où nous sommes appelés à examiner les résultats de cette ambition réformatrice, nous constatons que la carte judiciaire est loin d'avoir résolu toutes les difficultés de fonctionnement de la justice. Ainsi, nous nous apprêtons à évoquer la multipostulation qui, dans certains tribunaux, doit permettre de faire face à la désorganisation, alors même que nous n'avons pas abordé les questions de procédure civile, au coeur desquelles figure précisément la postulation.
Ces questions de procédure étaient également présentes dans le débat sur la suppression de la profession d'avoué. Déjà, nous avions commencé par supprimer, avant de nous intéresser à la nécessaire réforme de la procédure que la dématérialisation ne pouvait qu'améliorer. S'il est une certitude, c'est que le vent libéral a bien soufflé sur ces réformes, et le texte que nous examinons ne déroge pas à la règle. Tous ont accompagné le désengagement de l'État, en transférant des services, hier gratuits, vers des professionnels aux prestations tarifées.
Cette nouvelle répartition de la matière juridique entre les professionnels du droit n'est que le pendant de la RGPP. Éloigner la justice des justiciables, c'est une autre manière d'alléger la charge des tribunaux. Cependant il fallait aussi traiter de la répartition de cette charge entre les professionnels du droit et du chiffre, prompts à mettre en avant la défense des intérêts de leurs corporations marquées par l'empreinte de l'histoire : les conclusions du rapport Darrois l'avaient pourtant bien mis en exergue.
C'est alors qu'apparaît la nécessité de répartir le marché entre tous les professionnels qu'une grande profession du droit n'a pu réunir : le texte que nous abordons en offre une nouvelle illustration. J'ai parlé, en commission, d'une « chambre de compensation », pour qualifier la répartition des avantages consentis aux uns et aux autres. En effet tous n'avaient pas eu leur part, et ce sont les experts-comptables qui, cette fois, sont invités à la table législative avec l'article 21 bis du texte.
Troisième constat : si chaque profession a souhaité conserver son autonomie pour bonifier son expertise et les coûts qui l'accompagnent, une organisation capitalistique interprofessionnelle n'effraie personne. Nous noterons au passage que les structures associatives d'exercice de la comptabilité, que sont les associations de gestion et de comptabilité et les associations d'expertise comptable, sont exclues du dispositif de l'interprofessionalité. Personne ne s'en étonne dans vos rangs. Faut-il croire, comme le suggérait le rapport Darrois, que c'est « pour offrir une gamme de services large et un meilleur suivi des dossiers » que nous est proposée la solution de l'interprofessionalité ? La holding ainsi constituée entre professionnels du droit et du chiffre a un nom : société à rentabilité illimitée.
Ces organisations dissimulent la réalisation d'actes juridiques rémunérateurs, accomplis par des professionnels au statut de salariés, intéressés aux résultats. Ceux qui pourront se payer leurs services auront un avantage sur ceux qui devront recourir à l'aide juridictionnelle. Celle-ci est en effet d'un montant si indigent que ces nouvelles structures ne répondront pas aux besoins des bénéficiaires de l'aide, ce qui, au déséquilibre du rapport de force, ajoutera l'injustice des droits de la défense. Que penser, en effet, du rapport entre un bailleur d'habitation disposant de cinquante logements sous forme de SCI, avec chacun de ses locataires en situation de précarité montante ? Que dire d'un contrat de fourniture passé entre un grand groupe – un distributeur d'énergie, par exemple – et un simple consommateur de la Vienne, qui fixerait la compétence d'attribution au tribunal de commerce de Nanterre pour le règlement de tout contentieux ?
Nous aurions apprécié que les consommateurs aient leur place dans ce texte. L'action de groupe, que vous refusez obstinément de mettre en place, permettrait aussi d'accéder à un professionnel chargé d'assurer les droits de la défense.
Ce texte, que vous auriez voulu consensuel, monsieur le rapporteur, n'a rien d'anodin : il recèle au contraire trop de vices et un fond idéologique…
…que nous ne partageons pas. Les quelques dispositions utiles qu'il contient ne suffiront pas à emporter notre conviction et notre adhésion à un projet finalement sans ambition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture nous a été présenté comme un texte principalement technique destiné à renforcer la sécurité juridique, à simplifier les procédures et à moderniser l'exercice des professions du droit.
Cette présentation s'avère pour le moins erronée lorsqu'on lit ce projet qui découle directement du rapport de Me Darrois, que le Président de la République avait chargé de relever les défis de la concurrence internationale dans le domaine du droit. Or ce rapport – dont le projet de loi met en oeuvre certaines recommandations et propositions – se situe dans la perspective d'un rapprochement de notre système juridique avec celui de la common law et promeut une réforme profonde des structures d'exercice des professionnels du droit pour favoriser « la concurrence et leur compétitivité interne et internationale ». Dans cet esprit, les dispositions du projet de loi sont de nature à exacerber la concurrence entre les professionnels du droit en accentuant sa marchandisation. Il s'agit en fait d'ouvrir la voie à l'hyper-concurrencialisation sur le marché du droit au détriment des justiciables.
Je veux tout d'abord regretter que, en première lecture, l'essentiel des articles votés par l'Assemblée n'aient pas été remis en cause par le Sénat et que certaines dispositions majeures du texte aient été adoptées conformes, comme l'acte contresigné par avocat ou la modernisation du régime des structures d'exercice des professionnels.
Pour exprimer mon opposition profonde à ce projet de loi, je concentrerai mon intervention sur les deux points qui constituent les deux dangers majeurs de ce texte : la création d'un acte contresigné par avocat et l'instauration de sociétés capitalistiques et de sociétés interprofessionnelles d'exercice.
L'acte contresigné par avocat constituera une troisième catégorie d'acte juridique, entre l'acte sous seing privé et l'acte authentique. Avec cette nouvelle catégorie est introduite une gradation qualitative quant au contenu par rapport à l'acte sous seing privé. En exaltant sa valeur probatoire, qui en justifierait la nécessité pratique et qui ne céderait qu'avec la procédure d'inscription de faux, on ne peut que se demander, pour reprendre l'expression du conseiller à la Cour de cassation Jean-Louis Gallet, si « le tir n'est pas davantage dirigé contre l'acte authentique que contre l'acte sous seing privé ». En effet, il convient de s'interroger sur le point de savoir si les avantages invoqués de l'acte contresigné sont à apprécier au regard de l'acte sous seing privé plutôt qu'au regard de l'acte authentique.
Contrairement à la présentation qui en est faite, la création de l'acte contresigné par avocat aura un impact important sur l'ordonnancement juridique et sur les actes authentiques. L'acte contresigné bénéficiera en effet d'une force probante au moins égale à celle de l'acte authentique, s'agissant de l'identité et de la capacité des parties, dans la mesure où l'avocat, rédacteur de cet acte, sera beaucoup plus difficilement attaquable que le notaire, rédacteur d'un acte authentique et directement confronté, vous le savez, à la sévérité de la jurisprudence.
Il découle du dispositif proposé un véritable déséquilibre dans le régime de l'administration de la preuve entre le devoir d'information de l'avocat qui contresignerait un acte sous seing privé et celui du notaire instrumentaire dont le conseil ne s'attache pas aux seules conséquences juridiques d'un acte qu'il a même parfois le devoir de déconseiller. La seule signature de l'avocat faisant « pleine foi de l'écriture et de la signature des parties », la référence à la procédure de faux, apparemment superfétatoire puisque celle-ci s'applique à tous les actes sous seing privé contestés, confirme que l'acte contresigné par avocat détient bien une incontestable force probante.
La conclusion est simple : l'acte sous seing privé contresigné par avocat constituerait un acte spécifique d'une nouvelle catégorie, contrairement à ce qui est affirmé dans l'exposé des motifs. Cet acte posséderait, par de nombreux aspects, la même force probante qu'un acte authentique dont il s'approprierait même certaines vertus jusque-là exclusivement réservées à ce dernier. C'est en ce sens qu'il réduirait le champ d'application et déséquilibre la portée de l'acte authentique. Si les dispositions du projet de loi ne remettent pas encore en cause le monopole de l'acte authentique, elles s'attaquent bel et bien aux fondements de l'authenticité.
Enfin, cet acte entraînerait inévitablement une augmentation des coûts pour le justiciable. À la différence de ce qui se passe pour les actes notariés, l'intervention de deux avocats comporte le cumul d'honoraires et il est facilement prévisible que l'augmentation des primes d'assurance garantissant les avocats pour cette nouvelle activité aura nécessairement une répercussion pour le justiciable. L'étude d'impact reconnaît implicitement l'inéluctabilité de cette augmentation puisqu'elle précise, page 30 : « Le coût de l'acte contresigné par avocat ne sera pas tarifé, les honoraires étant généralement libres. »
Ensuite, s'agissant de l'interprofessionnalité, le projet de loi prévoit la possibilité, pour les membres des sociétés de participations financières de professions libérales, de détenir des actions ou des parts dans des sociétés d'exercice libéral « ayant pour objet l'exercice de deux ou plusieurs des professions d'avocat, de notaire, d'huissier de justice, ou de commissaire-priseur judiciaire ». Ainsi, l'article 21 de votre projet de loi confirme la promotion d'une interprofessionnalité non seulement capitalistique, mais aussi d'exercice, de même que la faculté de croiser des participations entre les deux types de sociétés.
Vous nous présentez l'interprofessionnalité comme la solution aux problèmes d'organisation, mais il semble que votre objectif réel soit plutôt de favoriser l'émergence de gros cabinets couvrant l'ensemble des besoins des clientèles et en mesure de se positionner à l'international, ce qui, bien entendu, se ferait au détriment des professionnels de proximité, donc de l'accès de nos concitoyens au droit.
Dans ces conditions, on ne peut que partager les inquiétudes manifestées par le syndicat des notaires et – il faut bien le dire – l'immense majorité des notaires de France, non par corporatisme mais par attachement profond à notre système juridique et à l'intérêt général.
Nous refusons que le droit devienne un objet économique banal, soumis aux règles du marché. Nous sommes opposés à ce projet de loi qui va à l'encontre du droit de tout citoyen à un égal accès à la sécurité juridique.
Vous considérez que les valeurs de notre droit doivent s'adapter au marché. Nous pensons, au contraire, et c'est le coeur de notre désaccord, que c'est le marché qui doit s'adapter aux valeurs de notre droit.
C'est pourquoi – je le redis – nous voterons contre ce projet de loi. Nous le ferons d'autant plus résolument que le rapporteur et le porte-parole du groupe majoritaire, que j'ai bien écoutés, nous invitent à un vote conforme; ce qui signifie que le débat est clos. Il n'est pas glorieux de décider ainsi qu'il n'y aura pas de débat en deuxième lecture. Voilà une raison supplémentaire, monsieur le ministre, de mon hostilité à votre texte.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, le 30 juin 2008, le Président de la République a chargé Me Darrois de présider une commission de réflexion tendant, comme l'a rappelé le rapporteur, à réformer la profession d'avocat en vue de la création d'une grande profession du droit. Remis le 8 avril 2009, le rapport de cette commission comportait cinquante recommandations, réparties en trois parties : « Des professions plus fortes et plus ouvertes » ; « Inciter les professionnels du droit à travailler ensemble » ; « L'accès au droit et à l'aide juridictionnelle ».
Le projet de loi de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et de certaines professions réglementées adopté en première lecture par le Sénat le 8 décembre dernier vise à moderniser les professions du droits ainsi qu'à améliorer le fonctionnement de la justice. Au stade où nous en sommes, de larges convergences sont apparues entre l'Assemblée nationale et le Sénat puisque, comme l'a rappelé notre rapporteur, dix-neuf des trente-sept articles du texte ont fait l'objet d'un vote conforme des sénateurs. Certaines dispositions clés ont donc d'ores et déjà été définitivement adoptées. Il en va ainsi de l'acte contresigné par avocat et de la modernisation des structures d'exercice des professions.
Quels sont les acquis de la navette parlementaire ? Tel qu'adopté par le Sénat, le projet de loi de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et de certaines professions réglementées ne s'écarte pas fondamentalement de la version adoptée par notre assemblée en première lecture. D'importantes réformes ont déjà été votées conformes, comme la validation de l'acte contresigné par un avocat – le dispositif que tend à instaurer le projet de loi repose sur les apports de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Je pense également à l'adoption d'obligations explicites à l'égard des professionnels agissant sur mandat de justice en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
Il se trouve, monsieur le ministre, que j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur de la première loi sur la lutte contre le blanchiment, qui date du mois de mai 1996, et, il y a moins de quinze jours, dans ce même hémicycle, votre collègue, Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, commentait le rapport d'évaluation du dispositif français de veille et de lutte contre le blanchiment du GAFI – le groupe d'action financière. Avec l'obligation de transparence et de déclaration de soupçon, c'est un véritable défi qui est lancé aux professionnels du droit. Dans la discussion, ce point paraît mineur, mais cela fait peser sur les professions judiciaires des responsabilités nouvelles. À l'heure où – on le sait – les techniques sont de plus en plus sophistiquées, il faut, monsieur le garde des sceaux, que l'on réfléchisse, à la façon d'aider les professionnels à remplir les nouvelles obligations auxquelles ce texte les soumet.
J'évoquerai également la confirmation de la possibilité, pour les organes représentatifs des professions réglementées – je pense notamment au Conseil de l'ordre des avocats, au Conseil national des greffiers, au Conseil supérieur du notariat – de se porter parties civiles dans les affaires pénales relatives à des faits de nature à porter directement ou indirectement préjudice aux intérêts de la profession. C'est – je n'en doute pas, monsieur le rapporteur – une avancée pour les professionnels qui réclamaient de longue date cette possibilité.
Ce projet de loi porte également modernisation des structures d'exercice des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire dont le titre est protégé. Pour l'essentiel, les aménagements de leur régime juridique, conforté par le Sénat, consistent à assouplir la dénomination sociale des sociétés d'exercice de professions judiciaires et juridiques réglementées en leur permettant de conserver le nom d'anciens associés, en supprimant le caractère solidaire de la responsabilité des associés de sociétés civiles professionnelles et en permettant que les statuts de ces mêmes sociétés prévoient une forme de dépatrimonialisation optionnelle.
S'agissant, enfin, de la confirmation, sous réserve de quelques ajustements, des enrichissements du texte par l'Assemblée nationale, je mentionnerai les régimes dérogatoires de multipostulation de certains barreaux, déjà évoqués, la possibilité reconnue aux avocats d'agir en tant que mandataires sportifs et la possibilité, pour les bâtonniers, de déléguer plus largement les prérogatives juridictionnelles.
Quelques dispositions restent en débat, comme le rapporteur l'a rappelé. Ce texte ne comprend pas de mesures dont on pourrait craindre qu'elles aillent à l'encontre de l'objectif affiché de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et de certaines professions réglementées. Pour y parvenir, le Président de la République avait confié à la commission Darrois le soin de faire des propositions. Je considère, pour ma part, que le texte présenté est une étape supplémentaire sur la voie de cette modernisation.
Tout à fait !
Monsieur le garde des sceaux, au cours du débat précédent, vous avez resitué le Défenseur des droits dans un dispositif législatif.
De même, je rappelle que nous avons réformé la carte judiciaire ; ce n'était pourtant pas évident. Là où des tribunaux ont été créés, nous avons, sous votre autorité, créé des maisons de la justice et du droit. Nous avons supprimé, il y a quelques semaines, les avoués. Cela posait des problèmes, mais la chancellerie a voulu accompagner ce mouvement. Le texte qui nous est soumis, procédant du souci de moderniser les professions juridiques, prend rang dans cet ensemble.
J'ai bien entendu l'orateur qui m'a précédé à cette tribune soulever des difficultés spécifiques à certaines professions. Vous comprendrez que je me sois abstenu, au nom des députés du groupe Nouveau Centre, de porter une appréciation sur des intérêts catégoriels. Ce n'est pas le rôle du législateur, surtout lorsqu'il exerce par ailleurs une profession juridique. Il faut, je le crois, tendre à une vision objective, et les avancées que permettra la navette répondront aux légitimes interrogations.
Surtout, ce texte se veut une contribution à la modernisation de l'exercice de professions dont, à cette tribune, je salue à la fois la compétence et l'engagement pour faire progresser notre État de droit au seul service de la justice.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, malheureusement, cette deuxième lecture du projet de loi sur la modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées passe une nouvelle fois à côté de la réalité du terrain. Elle ne répond en rien aux problèmes de notre justice et aux maux que rencontrent les justiciables.
Ce projet de loi – cela vient d'être dit – fait suite au rapport Darrois remis au mois de mars 2009 et au rapport Guinchard, mais sous le seul angle de la modernisation des professions judiciaires et juridiques.
Le rapport Darrois contenait pourtant aussi des préconisations pour « mieux satisfaire les besoins des justiciables » et, de façon plus générale, garantir « l'accès au droit ».
Une fois de plus, vous nous présentez une loi qui ne répond pas aux attentes de notre population. En réalité, vous répondez, vous, aux attentes de quelques-uns sur la nécessité de « relever les défis de la concurrence internationale dans le domaine du droit », cela, nous dites-vous, « pour mieux répondre aux besoins des Français ».
De plus, vous osez affirmer avoir reçu l'accord des différentes professions concernées.
À ce titre, vous n'avez pas voulu retenir nos recommandations sur l'acte sous contreseing d'avocat. L'article concerné a été adopté conforme au Sénat et nous ne pourrons donc pas en rediscuter aujourd'hui.
Je tiens cependant à vous rappeler quelques interventions prononcées par mes collègues en première lecture. Michel Vaxès disait : « vous avez obtenu l'accord du Conseil supérieur du notariat, établissement public placé sous votre tutelle et dirigé depuis de nombreuses années par vos amis politiques, mais à aucun moment vous n'avez obtenu l'accord des professionnels ». Les huissiers de justice que nous avons auditionnés, dont vous prétendez qu'ils ne contestent pas l'acte contresigné, nous ont ainsi adressé le 14 juin 2010 un courrier dans lequel ils rappellent sans équivoque leur opposition à l'introduction en droit français d'un acte contresigné par avocat.
Quant à notre collègue Le Bouillonnec, il rappelait que « le contreseing n'apportera pas davantage de sécurité juridique. Il ne provoquera même pas la réduction escomptée des actions en justice, car il n'empêchera évidemment ni les erreurs, ni les incompétences. »
En réalité, vous ne faites que marchandiser – pardonnez-moi cette expression un peu galvaudée, mais c'est la réalité – de plus en plus le droit, sans remarquer que cela ne répond ni aux attentes ni, a fortiori, aux besoins des justiciables.
Pis encore, ce projet de loi va renforcer une justice à deux vitesses. Vous dites vouloir améliorer et moderniser le fonctionnement de notre institution judiciaire ; en vérité vous ne faites qu'éloigner de plus en plus le justiciable modeste, dont l'accès à une vraie justice est de plus en plus incertain, au profit des intérêts particuliers de quelques professionnels. De leurs intérêts particuliers, ai-je bien dit.
Avec cette deuxième lecture, avec, en particulier, l'article 4, vous tentez d'apporter une compensation aux notaires en matière de publicité foncière. Nous y reviendrons dans quelques instants.
De même, plusieurs questions restent en suspens en ce qui concerne l'article 21 bis de ce projet de loi. Cet article fait de la profession comptable une profession juridique, puisque les experts-comptables auraient la possibilité « d'assister dans leurs démarches déclaratives à finalité administrative, fiscale et sociale, les personnes physiques ». Nous allons lors de ce débat faire de la profession du chiffre une profession du droit. Savons-nous vraiment ce que nous faisons ? Je crois savoir que, sur cet article, des amendements ont été déposés par ceux qui siègent du côté droit de cet hémicycle. Peut-être serai-je amené à les soutenir, car leurs arguments sont particulièrement pertinents.
En ce qui concerne la méthode, la plupart des discussions ont eu lieu hors du Palais Bourbon ; j'ai déjà esquissé cette idée. Je vous rappelle cependant que nous ne sommes pas une caisse d'enregistrement. Nous sommes bien la représentation nationale et l'organe législatif. Je regrette que nous n'ayons pas été plus intégrés au processus de discussion.
J'en viens à l'aide juridictionnelle, qu'il faut réévaluer. Je reconnais l'effort budgétaire fait par votre gouvernement, monsieur le ministre. Il reste cependant insuffisant. Vous êtes d'ailleurs tellement conscient de la nécessité d'un effort supplémentaire que votre ministère est en pleine négociation avec des compagnies et groupes d'assurance pour leur demander de prendre en charge une part plus importante de l'aide juridictionnelle. Les assureurs, nous le savons, se refusent déjà à prendre en charge un certain nombre de dossiers.
Nous risquons donc d'assister à la mise en place institutionnalisée d'une justice à deux vitesses, et même à trois strates. La première strate est celle des personnes riches, qui pourront payer directement leur avocat et qui auront bien entendu beaucoup plus de chances que les autres de prendre le meilleur. La deuxième strate est celle des classes moyennes, qui seront normalement assurées et qui confieront la gestion de leur dossier à l'avocat choisi par leur compagnie dans le cadre d'une forfaitisation imposée par le groupe d'assurance. Enfin, les dossiers de la foule des bénéficiaires de l'aide juridictionnelle, financièrement peu intéressants, seront traités à la chaîne par les avocats qui en seront chargés. C'est d'ores et déjà la réalité. Je lisais d'ailleurs, tout à l'heure, un article selon lequel certains avocats étaient même obligés de payer les 8,84 euros laissés à la charge de leur client par l'aide juridictionnelle.
En somme – la question est importante –, quid de la garantie d'un minimum d'honoraires pour les avocats et, plus généralement pour les auxiliaires de justice ? Quid de la pression, monsieur le ministre, que vous serez susceptible d'exercer sur les compagnies d'assurances pour qu'elles participent correctement et dignement au financement de l'aide juridictionnelle ?
Ce texte me semble ne pas répondre à toutes les attentes de la population et aux besoins de notre justice. Le groupe SRC s'abstiendra donc.
Ce texte a fait l'objet d'une concertation avec l'ensemble des professions concernées et il traite de la modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées. Je voudrais à cet égard saluer la participation de Mme Pau-Langevin et de M. Clément lors des auditions qui ont eu lieu en première lecture. Monsieur Valax, je ne peux vous laisser dire que nous sommes une chambre d'enregistrement ou une caisse d'enregistrement, ce qui est péjoratif pour notre assemblée.
Ce texte contient des propositions extrêmement concrètes pour le fonctionnement de certaines professions qui nous intéressent et qui intéressent l'ensemble des Français dans leur vie quotidienne. Si ces professions ont réussi à se mettre d'accord sur des avancées, nous, en tant que législateurs, devons les accompagner dès lors que cela ne remet pas en cause les équilibres dont nous sommes garants. Nous ne sommes donc pas une chambre d'enregistrement, encore moins une caisse d'enregistrement. J'estime au contraire que nous avons fait un travail extrêmement utile.
Le Sénat, ensuite, a fait un travail tout aussi utile et important, qui a abouti à une grande convergence entre la version de l'Assemblée nationale et celle du Sénat. C'est maintenant la phase finale pour l'adoption de ce texte. Je pense sincèrement que celui-ci vaut mieux que la caricature que vous en avez faite, monsieur Valax. Je ne vous reconnais pas dans ces propos, car vous connaissez ces professions. Je ne peux m'empêcher de penser que ce que vous venez de dire dépasse sans doute ce à quoi vous croyez. Ne transformons pas ce texte en une caricature ! Au contraire, faisons oeuvre utile et essayons d'adopter les moyens permettant aux professions de justice d'avancer dans la voie de la modernisation.
Pour répondre à M. Schosteck et à M. Hunault, le texte soumis à la délibération de l'Assemblée nationale a été élaboré en concertation avec toutes les professions. Il s'agit non pas d'enregistrer, mais de tenir compte des résultats de la concertation. On ne peut pas dire que l'on organise la concertation et ne pas tenir compte, dans le texte, de ses résultats. Les professions se sont mises d'accord et cet accord opère de réelles avancées qui profitent aux professionnels comme aux justiciables. Le texte modernise l'ensemble des professions du droit et du chiffre par diverses mesures. Il précise les domaines d'intervention de chacun, il rapproche des professions tout en respectant la spécificité de chacune d'entre elles. Enfin, il permettra de constituer de vrais réseaux professionnels offrant des services complémentaires. C'est la raison pour laquelle je ne peux qu'inviter l'Assemblée nationale à passer à l'examen des articles.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er A.
La parole est à M. Jean-Paul Garraud.
J'évoquerai notamment la question de la multipostulation entre les barreaux de Bordeaux et de Libourne et j'aimerais revenir sur certains points qui ont conduit à cette multipostulation.
À l'époque de la réforme de la carte judiciaire, il était prévu, dans le projet de la Chancellerie, de supprimer purement et simplement les tribunaux de grande instance, d'instance, de commerce, les conseils de prud'homme et de justice de proximité, bref, de supprimer les tribunaux de Libourne pour les regrouper à Bordeaux. J'étais personnellement très opposé à cette proposition et j'ai demandé au garde des sceaux de l'époque non la suppression de ces tribunaux, mais un rééquilibrage entre Bordeaux et Libourne. Et je l'ai finalement obtenu de Mme Rachida Dati, in extremis, je l'avoue, avant qu'elle ne prononce à Pau ce qui était prévu pour la réforme de la carte judiciaire dans le Grand sud-ouest. Les tribunaux en question ont été maintenus, avec même un renforcement, puisqu'il y a eu une extension sur un ressort territorial qui appartenait, si j'ose dire, à Bordeaux, le ressort de Blaye, qui vient sur Libourne.
À l'époque, les choses étaient très claires. En échange, il y avait dans la balance la multipostulation. Le maintien et l'extension de ces tribunaux étaient prévus en échange de la multipostulation. Cela était connu du représentant du barreau de l'époque, mais malheureusement, pour des raisons qui m'échappent et qui sont internes au barreau, le barreau libournais n'a pas été informé de cette proposition : multipostulation, d'un côté, maintien et renforcement des tribunaux, de l'autre. Aussi, lorsque votre prédécesseur a annoncé que la multipostulation allait se mettre en place, il y a eu, de la part du barreau de Libourne, une certaine revendication.
Certes, cela intéresse au premier chef le barreau de Bordeaux et le barreau de Libourne. Il est regrettable qu'entre les barreaux, il n'y ait pas eu d'échange véritable. Il est également regrettable que le barreau de Libourne n'ait pas été au courant de ce qui était prévu au départ avec Mme Rachida Dati.
Après cet historique, je voudrais vous poser une question, monsieur le garde des sceaux, car je sais que la situation provoque un grand émoi. Pourquoi seulement Libourne et Alès ? Pourquoi ne pas engager une réforme générale de la postulation qui engloberait tous les barreaux dans le cadre d'une concertation générale ?
Je n'interviendrai pas précisément sur le barreau de Libourne, de Bordeaux, d'Alès ou de Nîmes. Je voudrais observer ce qui se cache derrière ces débats circonstanciés, alors que le sujet dont nous parlons devrait donner lieu à des débats plus larges portant sur la réforme de la procédure civile, dans laquelle la multipostulation a effectivement toute sa place.
Je ne connais pas précisément les problèmes des barreaux de Libourne, de Bordeaux, d'Alès et de Nîmes, mais j'ai l'impression qu'il s'agit d'une sorte d'accord a minima pour trouver une solution à un problème qu'on n'a pas réussi à régler par ailleurs. Vous nous avez dit d'ailleurs que cette mesure visait à répondre à des préoccupations inhérentes à la réforme de la carte judiciaire. Dans les deux cas, on se retrouve à gérer des problèmes de périmètre géographique par rapport à une problématique de postulation. En réalité, on pose un problème et on y répond par un autre problème. Ce sont à mes yeux de mauvaises solutions appliquées à de vraies questions qui se posent sur ces territoires.
De toute façon, quoi qu'il arrive, il y aura des personnes insatisfaites, quel que soit le sens du texte que nous voterons. Pour ma part, je déplore que nous n'ayons pas débattu au fond, très concrètement, de l'avenir de la procédure civile.
Pour ne pas faire de redites avec Jean-Michel Clément, j'évoquerai deux points, et d'abord, la nécessité de la concertation.
Une fois encore, vous m'avez reproché tout à l'heure la vivacité de mes propos, mais il n'y a manifestement pas eu de concertation. On a senti qu'il y avait une discussion entre Bordeaux et Libourne. Le sujet ne m'intéresse pas géographiquement, mais il y a un véritable problème de fond. Une fois de plus, vous voulez prendre une mesure sans qu'il y ait eu concertation.
S'agissant du second point, mon propos est plus subjectif, mais il peut se justifier dans le cadre de la justice de proximité que nous n'avons de cesse de défendre. La justice de proximité, c'est l'existence de petits barreaux ; ce sont des barreaux de proximité. Si demain vous réduisez à néant le monopole de la postulation, ce sont d'abord les gros cabinets parisiens qui déferleront vers la province ; ce sont ensuite les cabinets bordelais qui irrigueront la campagne girondine. Il n'y aura plus de barreaux de proximité et, dans ce cas, il n'y aura plus de cabinets d'avocats de proximité. Tout sera recentralisé d'abord à Paris, puis dans les grandes villes. Le monopole de la postulation, qui n'est pas un monopole en soi, mais une règle facilitant la proximité et la survie des petits barreaux, doit être maintenu.
Cet article me semble dangereux. Pour cette raison, je m'associerai à ceux qui voteront contre.
Je ne me prononcerai pas sur les amendements concernant la postulation entre Bordeaux ou Libourne, Nîmes ou Alès. Mais monsieur le garde des sceaux, permettez-moi, dans le cadre de cette discussion, de vous faire une proposition. N'aurions-nous pas intérêt, sous l'autorité de la Chancellerie, à lancer, en concertation avec les représentants des professionnels, un groupe de travail sur la postulation ? Je ne voudrais pas qu'à travers un amendement pour ou contre, l'on crée un nouveau traumatisme pour des professionnels qui ont eu à subir la réforme de la carte judiciaire. Vous le savez, nombre de petits barreaux ont subi les conséquences indirectes de la suppression de certains tribunaux.
Monsieur le garde des sceaux, la postulation mériterait véritablement réflexion et concertation. Je comprends tout à fait le sens des amendements de mes collègues et les spécificités régionales. Je ne participerai pas au vote de cet amendement, mais nous aurions intérêt, dans la plus grande concertation, à lancer cette réflexion et, dans un souci d'efficacité, à recueillir les avis des intéressés.
Je suis saisie d'une amendement n° 9 visant à supprimer l'article 1er A.
La parole est à M. Jacques Remiller.
Jean-Paul Garraud s'est exprimé sur les tribunaux de grande instance de Bordeaux et de Libourne, et Michel Hunault vient de faire une proposition.
Monsieur le garde des sceaux, notre amendement – ainsi que celui de Max Roustan qui vient après – montre que la réforme de la carte judiciaire n'en finit pas de dévoiler ses incohérences ; ou bien il y a eu des traitements différents selon les territoires, et vous savez, monsieur le ministre, ce que je veux évoquer – je pense à un territoire dont vous êtes proche.
L'amendement n° 9 vise à supprimer l'article 1er A issu d'un amendement adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale – j'ai envie de dire « à la sauvette », car c'est un cavalier, n'est-ce pas, monsieur le ministre ? Vous avez été député et sénateur, vous savez donc ce qu'est un cavalier…
L'article 1er A ne s'intègre pas tout à fait dans l'esprit de ce projet, car il permet aux avocats inscrits au barreau de l'un des tribunaux de grande instance de Bordeaux et Libourne de postuler devant chacune de ces juridictions. Les avocats concernés, s'ils nous écoutent, peuvent d'ailleurs remercier Jean-Paul Garraud, car il a sauvé le tribunal de Libourne !
Cet article 1er A établit une dérogation à l'article 5, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1971, aux termes duquel les avocats ne peuvent postuler que devant le tribunal de grande instance dans le ressort duquel ils ont établi leur résidence professionnelle.
La commission des lois du Sénat a adopté un amendement de son rapporteur prévoyant la même disposition pour les barreaux de Nîmes et d'Alès.
Pourtant, il apparaît que les barreaux concernés n'ont pas été consultés officiellement sur cette multipostulation ; aussi, le présent amendement tend à supprimer cet article. Une telle mesure doit en effet faire l'objet d'une large concertation et non être adoptée en catimini par le Parlement.
Cet amendement a été repoussé par la commission.
Monsieur Garraud, en première lecture, vous vous félicitiez de l'introduction de cet amendement. Vous dites, en effet, que cette réforme constitue une compensation au maintien du tribunal de grande instance de Libourne et à l'extension de son ressort. C'est donc une disposition favorable pour le barreau de Libourne.
L'article 1er A a été introduit par notre assemblée à la suite d'un amendement de notre collègue Guy Geoffroy, amendement complété par le Sénat, lequel a considéré que les barreaux d'Alès et de Nîmes représentaient la même problématique que ceux de Bordeaux et de Libourne. Rappelons que ce sont les deux seuls cas en France. Dans le cadre du transfert des cantons, les avocats, adhérents à un barreau, doivent pouvoir postuler devant les deux juridictions, ce que permet la multipostulation. Je pense que c'est donc une avancée. Seuls les avocats qui craindraient l'arrivée de collègues d'un autre barreau pourraient s'inquiéter. Dans ce cas, c'est qu'ils seraient fort peu sûrs d'eux-mêmes. Je pense, au contraire, que pour les avocats des barreaux de Libourne et d'Alès, c'est une opportunité que de pouvoir prendre des affaires et plaider à Nîmes et à Bordeaux.
Des avocats qui ne croient pas en leurs compétences et qui acceptent de plaider dans des territoires qu'ils connaissent moins bien peuvent effectivement s'inquiéter. Mais je ne crois pas que ce soit le cas.
Comme cela vient d'être rappelé, ces deux dispositions sont le corollaire de la réforme de la carte judiciaire dans les départements. Cette multipostulation s'analyse comme la conséquence directe du transfert des cantons.
L'article 1er A constitue une avancée. Je suis sûr que, grâce aux explications que va nous donner M. le garde des sceaux, des discussions pourront s'ouvrir et permettront de donner satisfaction aux barreaux en question. Je souhaiterais donc, monsieur le député de Vienne, Jacques Remiller, que vous retiriez cet amendement pour que nous puissions progresser sereinement en la matière.
Première observation, je tiens à préciser, pour la clarté des débats, que cette disposition ne figurait pas dans le projet de loi que le Gouvernement a soumis au Parlement. Cet article 1er A résulte donc d'une initiative parlementaire.
Deuxième observation, la postulation correspond à l'accomplissement des actes de procédure. Les avocats disposent de ce monopole devant le tribunal de grande instance dans le ressort duquel ils ont leur résidence professionnelle, tribunal qui est aussi celui auprès duquel est établi leur barreau. Le monopole territorial de la postulation fait débat. Nous aurons probablement à en reparler, comme cela a été souligné, dans le cadre plus vaste de la réforme de la procédure civile.
Troisième observation, la région parisienne jouit depuis de nombreuses années d'un régime spécial dit de « multipostulation » à la suite du démembrement du tribunal de grande instance de Paris et de la création de tribunaux à Bobigny, Créteil et Nanterre. Les avocats inscrits auprès de ces barreaux peuvent postuler auprès de chacune de ces juridictions. Ce régime, qui devait être transitoire, s'est pérennisé et donne entière satisfaction. Je veux simplement noter, pour l'honnêteté du débat, que les tribunaux de Bobigny, Créteil et Nanterre sont de très grands tribunaux avec un barreau puissant qui peut aisément se comparer à celui de Paris.
Dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire, dont M. Remiller est un spécialiste, deux tribunaux de grande instance ont vu leur ressort agrandi par le transfert d'un canton qui dépendait, jusqu'alors, du ressort d'un autre tribunal de grande instance. Le tribunal de grande instance de Libourne s'est vu rattacher le canton de Blaye et le tribunal de grande instance d'Alès s'est vu rattacher le canton du Vigan, lequel dépendait auparavant du tribunal de grande instance de Nîmes. La multipostulation entre les tribunaux de grande instance de Bordeaux et de Libourne et entre ceux de Nîmes et Alès a été introduite dans le présent projet de loi par voie d'amendement parlementaire. C'est pourquoi nous en débattons ce soir. Ce dispositif, qui aurait dû résulter d'un accord général dans la joie et l'allégresse, ne donne probablement satisfaction qu'aux barreaux de Bordeaux et de Nîmes et non à ceux de Libourne et d'Alès, lesquels s'y opposent fermement aujourd'hui. Le premier conteste la portée d'un accord passé avec le barreau de Bordeaux et le second met en avant l'absence de tout accord sur la multipostulation.
Les barreaux de Libourne et d'Alès ont été reçus cet après-midi par des membres de mon cabinet. Je comprends leurs inquiétudes. J'admets que la disposition critiquée ne doit pas avoir pour effet de conduire à la disparition du plus petit des deux barreaux. Telle est, en effet, la question : deux barreaux sont importants – ceux de Bordeaux et de Nîmes – et deux – ceux de Libourne et d'Alès – le sont moins, ce qui entraîne, c'est évident, des problèmes d'équilibre. La multipostulation instaurée ne doit pas être non plus source d'insécurité juridique pour les justiciables et il convient de tenir compte de leurs intérêts.
Le seul exemple de multipostulation – celui de la région parisienne – montre que ces inquiétudes ne sont pas forcément fondées. Toutefois, je suis tout à fait prêt à poursuivre la concertation avec les barreaux de la Gironde et du Gard, avec les élus et tous les acteurs concernés par cette réforme pour parvenir à une solution qui satisfasse toutes les parties. C'est pourquoi je vous propose de travailler ensemble pour statuer définitivement sur ce point, lors de l'examen du projet de loi dit « Guinchard » relatif à la répartition des contentieux, lequel sera examiné selon la procédure accélérée par le Parlement avant l'été.
Pour l'heure, je souhaite que le présent texte, très attendu par l'ensemble des professions judiciaires et juridiques, puisse être définitivement adopté. Je demande donc, au vu de l'engagement que je viens de prendre, le retrait des amendements visant à supprimer la multipostulation entre Bordeaux et Libourne, comme entre Nîmes et Alès.
Il faut aussi considérer l'intérêt des justiciables qui peuvent avoir un seul interlocuteur, ce qui est beaucoup plus simple dans nombre de procédures.
La discussion sur cet article est assez emblématique des limites de la construction de ce texte que j'ai précédemment évoquée. Nous avons entendu avec beaucoup d'intérêt notre collègue Garraud nous expliquer comment il avait procédé pour son tribunal et nous avons très bien compris, lors de la réforme de la carte judiciaire, que certains avaient plus de facilités que d'autres à organiser la survie de leur tribunal. Nous nous apercevons qu'il y a eu des compensations en matière de postulation dont les principaux barreaux n'ont pas été informés. Nous avons tenté de savoir ce que pensaient les barreaux de l'évolution de la multipostulation. Ils nous ont répondu qu'ils n'étaient pas informés, mais que cette procédure ne recueillait pas leur enthousiasme.
En outre, je ne comprends pas que l'on puisse aujourd'hui changer une multipostulation pour deux barreaux. Comme l'a dit le garde des sceaux, il faut indiscutablement dresser le bilan de la multipostulation en région parisienne avant de décider d'y mettre un terme ou de l'étendre. Aujourd'hui, nous réfléchissons davantage aux conséquences de la dématérialisation des procédures qui, si elle existe, entraînera forcément une approche différente de la multipostulation.
Pour toutes ces raisons, cet article, inséré pour deux barreaux particuliers, ne semble pas avoir beaucoup de sens. Il serait donc préférable d'en discuter lorsque nous examinerons un texte de portée plus générale.
Retirez-vous votre amendement, comme vous y avez été invité, monsieur Remiller ?
Monsieur le garde des sceaux, vous avez parlé de « joie et d'allégresse ». Nous n'avons pas fini de parler de la réforme de la carte judiciaire et vous savez bien pourquoi ! Vos propositions sont intéressantes. J'attendais que vous évoquiez le calendrier. C'est chose faite. Vous avez conclu votre propos en indiquant que cette disposition serait examinée avant l'été. Je retire donc mon amendement.
(L'amendement n° 9 est retiré.)
Je suis saisie d'un amendement n° 1 .
La parole est à M. Max Roustan, pour le soutenir.
J'ai bien entendu vos propos, monsieur le garde des sceaux, et je rejoins cette proposition. Mais je tiens, si vous le permettez, à faire état de quelques différences avec mes collègues. Les Cévennes ne sont pas Bordeaux, vous le savez ! Auteur d'un rapport d'information sur la carte judiciaire, je connais le sujet. Deux problèmes sont soulevés aujourd'hui. Premièrement, il s'agit non pas d'un marchandage, mais d'un accord trouvé entre deux juridictions. S'agissant d'Alès, en compensation, et pour que personne ne soit lésé, le tribunal de commerce a été rattaché à Nîmes et Le Vigan a été rattaché au tribunal de grande instance d'Alès. En effet, les réformes sont faites pour les justiciables et pour une meilleure justice. Cette réforme a recueilli l'adhésion de tous.
Monsieur le garde des sceaux, vous souhaitez, comme me l'a précisé M. le rapporteur en commission, un vote conforme. Ma proposition n'a donc pu être retenue. Or, aujourd'hui, un élément est intervenu : le désaccord total de la juridiction de Nîmes qui a précisé, dans un rapport, que la multipostulation entre les deux juridictions n'était pas à l'ordre du jour, considérant que cela ne bénéficiait ni aux justiciables ni à la profession. C'est donc la raison pour laquelle j'interviens cet après-midi. Cette multipostulation dans le Gard n'a pas lieu d'être. Comme l'a souligné mon collègue du groupe du Nouveau Centre, une telle réforme, à condition d'être nécessaire, aurait dû concerner l'ensemble du territoire. Il n'y a pas de raison de fermer 118 tribunaux et de réserver un sort particulier à deux juridictions. Mais M. le garde des sceaux nous a communiqué un calendrier. Un débat nous sera ainsi proposé prochainement. Pour une fois, tout ira vite. Cela me convient. En conséquence, je retire mon amendement.
(L'amendement n° 1 est retiré.)
(L'article 1er A est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 3 .
La parole est à M. Jean-Michel Clément.
Par cet amendement, nous souhaitons ajouter à l'alinéa 3 la nécessité d'obtenir une licence sportive délivrée par une fédération sportive compétente, y compris pour un professionnel du droit. Pourquoi prévoir une telle disposition ? Loin de nous l'idée de remettre en cause ici les compétences d'un juriste qui s'interposerait, pour la rédaction d'un contrat, entre un club sportif et un sportif. En revanche, le milieu sportif, avec des spécialisations spécifiques aux sports pratiqués, est particulier. Les enjeux très importants dépassent le strict cadre du droit. Les enjeux économiques et financiers sont très lourds et les différents acteurs qui vont se retrouver autour de la table pour défendre les intérêts des clubs et des sportifs doivent être égaux.
En l'occurrence, il s'agit plutôt de renvoyer la question aux réflexions sur la spécialisation qui sont en cours chez les avocats. Il faut protéger à la fois les professionnels dans l'exercice de leur métier et les sportifs auxquels ces professionnels sont à même d'apporter leur concours. Il est sans doute trop tôt pour permettre une telle ouverture sans que le prestataire et le sportif bénéficient du gage que constituera la licence délivrée par la fédération sportive compétente.
Défavorable parce que, sur le plan déontologique, il n'est pas possible de faire dépendre un avocat d'une fédération sportive.
Si. Un avocat ne peut dépendre que de son ordre professionnel, ce qui exclut tout système de licence délivrée par la fédération sportive. Si l'avocat a une licence délivrée par la fédération, il dépendra de fait de cette fédération, ce qui n'est pas possible.
(L'amendement n° 3 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 1er bis est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 4 tendant à supprimer l'article 6.
La parole est à Mme George Pau-Langevin.
Défavorable. Cela ne concerne qu'un pacs sur dix environ, c'est donc vraiment peu de chose. Nous voulons simplifier les démarches et alléger les tâches des greffes.
(L'amendement n° 4 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 5 .
La parole est à M. Jean-Michel Clément.
C'est un amendement que nous avions déjà présenté dans le cadre du texte sur la simplification du droit. C'est une mesure de bon sens car elle a pour objet de répondre à des situations humaines difficiles.
Aujourd'hui, 195 000 pacs sont signés par an, alors que l'on célèbre 245 000 mariages, et nous voulons simplement éviter des situations tristes. Nous avons connu le cas d'un pacsé apprenant, en revenant d'un très long voyage à l'étranger, que son partenaire avait disparu pendant son absence. S'est alors posée la question de la récupération de l'urne funéraire de la personne dont il partageait la vie.
Pour l'instant, il n'est pas possible de faire figurer sur l'acte de décès la mention de la personne pacsée, c'est-à-dire que l'on ne peut reconnaître l'existence même d'un pacs de personnes ayant passé de longues années ensemble. Nous voudrions donc compléter l'article 79 du code civil pour que l'acte de décès énonce les prénoms et nom de l'autre partenaire si la personne décédée était liée par un pacs. C'est une formalité civile qui n'est pas compliquée, parce que les services d'état civil sont déjà très largement habitués à le faire. Il s'agit surtout de résoudre des problèmes humains que nous sommes surpris de voir encore exister.
Défavorable pour deux raisons.
Sur la forme, cet amendement aurait dû tomber sous le coup de la règle de l'entonnoir et ne pas arriver jusqu'à nous.
Sur le fond, je ne crois pas que ce soit un amendement de bon sens. Il n'a pas d'intérêt juridique pour l'organisation des funérailles. Le pacsé étant de toute façon mentionné sur l'acte de naissance, il n'est pas nécessaire qu'il soit noté sur l'acte de décès.
L'Assemblée nationale a déjà rejeté un tel amendement lors de l'étude de la proposition de loi qui porte le nom de M. Warsmann, mais ce n'est pas une raison suffisante.
L'amendement, qui vise à étendre au partenaire lié par un pacte civil de solidarité les dispositions de l'article 79 du code civil, n'aurait pas d'effet pour une raison simple, c'est que cet article a pour objet de faciliter le règlement de la succession du défunt dans la mesure où son conjoint survivant a la qualité d'héritier légal. Tel n'est pas le cas des couples unis par le pacs ; le partenaire survivant n'a pas de vocation successorale légalement déterminée. C'est la raison pour laquelle je ne peux que donner un avis défavorable à cette disposition.
Permettez-moi de dire que je trouve cet avis assez surprenant et que je le regrette beaucoup. En l'espèce, ce n'est pas une question partisane. Il s'agit de problèmes humains simples à comprendre. Lorsque deux personnes sont unies par un pacs et que l'une d'elles décède, je ne vois vraiment pas au nom de quoi on pourrait s'opposer à cette exigence toute simple du partenaire de figurer sur l'acte de décès.
Vous nous répondez, monsieur le ministre, que cela n'aurait pas d'incidence successorale. Peut-être, mais sachez que l'une des raisons pour lesquelles on a mis sur pied le pacs était d'éviter que quelqu'un soit mis à la porte de son appartement ou privé de ses meubles habituels après le décès de son partenaire.
Si l'on vit loin de sa famille, ce qui est souvent le cas pour des couples de même sexe, et que celle-ci n'est pas informée de l'existence du pacsé, ce dernier peut se retrouver à la porte sans avoir le droit de récupérer les objets familiers et c'est une situation regrettable. Un geste d'humanité, ce n'est pas difficile, cela ne coûte rien. Il serait vraiment simple d'accepter que figure sur l'acte de décès le nom du partenaire. Je ne comprends pas le sens de ce refus.
Vous vous trompez, madame la députée. Le partenaire ne peut pas être mis à la porte de l'appartement. Il a un pacs, il bénéficie de droits.
Il suffit qu'il produise son pacs, il ne peut pas être mis dehors.
(L'amendement n° 5 n'est pas adopté.)
(L'article 6 est adopté.)
Monsieur le ministre, je milite depuis la ratification du protocole de Londres pour un rapprochement des avocats et des CPI afin que la France soit plus forte et plus présente en matière de propriété industrielle.
Conformément à la promesse faite par votre prédécesseur lors du débat à l'Assemblée nationale en première lecture, le 24 juin 2010, en échange du retrait de mon amendement, votre cabinet a eu la courtoisie de m'inviter à une réunion de travail sur l'article 10 bis du projet de loi de modernisation des professions judiciaires et je vous en remercie.
Comme vous avez pu le constater, je n'ai pas déposé d'amendement tendant à rétablir l'article 10 bis après le changement de pied de la commission des lois du Sénat, puisque l'on a vu en commission et en séance publique le dépôt d'un amendement puis son retrait. Je considère en effet que l'accord politique entre Thierry Wickers, président du CNB, et Jean Castelain, bâtonnier de Paris, règle en partie la question du rapprochement des deux professions. Cette voie semble être celle qui peut mettre tout le monde d'accord puisque, si j'ai bien compris, on va enfin mettre fin à l'incompatibilité entre les deux professions.
Cette compatibilité de principe a d'ailleurs été confirmée oralement lors de l'assemblée générale du CNB, le 12 février dernier, par son président ainsi que par le bâtonnier de Paris. De mon point de vue, c'est une avancée qu'il convient maintenant de concrétiser à la fois par la modification de l'article 115 du décret de 1991, ce qui relève de vous, ainsi que par la modification de l'article L. 422-13 du code de la propriété intellectuelle, ce qui relève du Parlement et pourrait être fait, par exemple, dans le cadre de la proposition de loi Warsmann.
Je souhaite donc, monsieur le ministre, avoir votre avis sur ces deux points précis, ces deux points de blocage, et je souhaiterais surtout avoir un engagement et un soutien de votre part afin que l'on puisse déboucher sur ce dossier qui a connu de trop nombreux rebondissements et permettre à ces deux professions de se rapprocher, dans l'intérêt de l'innovation et de la place de la France sur le marché des brevets et de la propriété industrielle.
La fusion des professions d'avocat et de conseil en propriété industrielle fait débat. Le Parlement a abordé cette question à plusieurs reprises à l'occasion du présent texte mais, pour l'instant, cette fusion a été écartée.
Ces professions continuent à travailler à d'autres voies de rapprochement et leur réflexion est encore en cours. L'assemblée générale du CNB, les 11 et 12 février derniers, a reporté l'examen d'un rapport préconisant les incompatibilités entre la profession d'avocat et celle de conseil en propriété industrielle. Nous en sommes là aujourd'hui. Je suis avec intérêt le développement des réflexions communes et je vous tiendrai au courant dès lors que nous pourrons déboucher sur la solution que vous souhaitez.
(L'article 10 est adopté.)
C'est un article un peu particulier et, en tant qu'avocat, je souscris pleinement aux arguments que je vais développer, ce qui est tout à fait logique.
Au moment où vous vous exprimez, vous êtes député de la nation, cher collègue.
Plusieurs députés du groupe UMP. Attention aux conflits d'intérêt !
Je vous demande simplement de supprimer du projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques la disposition ajoutée par le Sénat, le 8 décembre 2010, qui autorise les experts comptables et les associations de gestion à assister les personnes physiques dans leurs démarches déclaratives à finalité fiscale – jusque-là, pourquoi pas ? –, mais aussi sociale et administrative, soit, en réalité, dans presque tous les domaines du droit. Le 8 décembre, il a manqué, je crois, douze voix au Sénat pour adopter l'amendement qui tendait à supprimer cet ajout.
Les grands syndicats nationaux d'avocats ont tous exprimé leur rejet de cette disposition que l'on avait tenté une première fois d'inclure dans la loi sur les réseaux consulaires – la loi du 23 juillet 2010 – et ils sont en accord avec l'immense majorité des avocats sur tout le territoire français. Le texte revient sur ce qu'avait voté l'Assemblée nationale le 23 juillet 2010, qui avait été approuvé par l'ensemble des institutions représentatives de la profession d'avocat.
Si cette disposition n'était pas censurée, l'Assemblée nationale ferait de la profession du chiffre une profession du droit. Ce texte, je vous l'ai dit tout à l'heure, engagerait la France dans un processus aux conséquences sans précédent ici et ailleurs.
Je reste fondamentalement opposé à cette fusion des professions du chiffre et du droit que vous tentez de nous imposer. Il faut conserver cette distinction qui a fait la particularité de notre droit. Ni en tant que député ni en tant qu'avocat, je ne peux accepter le maintien d'une telle disposition. Je vous suggère donc de reconnaître la pertinence de mes propos et de me suivre.
Nous aurions pu éviter d'aborder à l'occasion de ce texte un aussi vaste débat, qui n'est pas terminé, sur les relations entre les professions du chiffre et du droit. Nous l'avions évité jusqu'à présent : le sujet nous arrive en deuxième lecture.
Je ferai deux observations. Tout d'abord, lorsqu'un juriste va sur le terrain d'un expert-comptable, je ne suis pas certain qu'il y gagne en compétence juridique. À l'inverse, lorsqu'un expert-comptable va sur le terrain d'un juriste, je m'interroge sur la pertinence de sa compétence. Dans les deux cas, c'est le client ou l'usager qui en pâtit.
Par ailleurs, ces dispositions ouvrent un nouveau débat sur le champ d'application. L'expression « démarches déclaratives à finalité fiscale, sociale et administrative » laisse penser que ces mesures pourront s'étendre à des champs de compétence dont nous ne connaissons pas les limites. Bon an, mal an, cela conduira à la négation de la séparation entre les deux activités.
Je fais partie de ceux qui pensent que les compétences, pour être pleines et entières, doivent être exercées par des professionnels reconnus dans leurs domaines d'activité. Il va être débattu d'un texte sur l'interprofession qui doit répondre aux besoins de collaboration entre professionnels. Laissons les experts-comptables faire de la comptabilité et les juristes faire du droit.
Je suis saisie d'un amendement n° 6 .
La parole est à Jean-Michel Clément.
Cet amendement vise à permettre un suivi des actes contresignés par avocat. Nous avons voté un texte concernant de tels actes, dont la portée juridique a été abondamment évoquée ici ; je n'y reviens pas. Il me paraît important qu'une trace de l'acte contresigné par avocat soit conservée, quel que soit le devenir du client vis-à-vis de son prestataire. À l'image de ce qui existe dans d'autres cas – je pense par exemple au fichier des dernières volontés –, il serait pertinent de créer un système informatisé d'enregistrement des actes contresignés par avocat. Il convient donc que le Gouvernement permette au Parlement de savoir rapidement ce qu'il en est des possibilités de mettre en place un tel fichier.
Défavorable. Un fichier d'enregistrement n'est pas prévu pour l'ensemble des actes authentiques conservés aux minutes des notaires. Dans ces conditions, pourquoi vouloir instaurer un traitement particulier pour les actes contresignés par avocat ? Par définition, l'acte contresigné par avocat sera un acte sous seing privé n'ayant d'effets que vis-à-vis des parties. Dès lors, il ne saurait être question de lui conférer une quelconque publicité à l'égard des tiers. Bien sûr, si la profession le souhaite, elle peut d'elle-même mettre en place un tel fichier informatisé.
(L'amendement n° 6 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'une amendement n° 7 .
La parole est à Mme George Pau-Langevin.
Par cet amendement, nous demandons un rapport sur la possibilité d'étendre l'aide juridictionnelle à l'acte contresigné par avocat ainsi qu'au conseil juridique. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, l'anomalie, pour nous, c'est que cet acte d'avocat ou, de manière plus large, le conseil juridique reste réservé, dans votre texte, à la clientèle solvable. Par conséquent, ce sera un véritable progrès quand tout le monde – y compris les justiciables les plus modestes – aura accès gratuitement à l'acte d'avocat ou à un conseil juridique de qualité. Tout ce que nous pouvons faire aujourd'hui, en raison de l'article 40, c'est demander un rapport.
Défavorable. La commission des lois a créé une mission d'information sur l'accès au droit et les problématiques liées à l'aide juridictionnelle, à laquelle participent d'ailleurs certains auteurs de l'amendement. L'objet du rapport demandé pourrait être plus utilement évoqué dans le cadre de cette mission, dont le résultat, nous dit-on, ne devrait pas tarder.
Défavorable.
Cet amendement pose un vrai problème, celui de l'accès au droit, mais, comme le rapporteur l'a fort bien dit, une mission d'information a été créée au sein de la commission des lois.
Nous l'avons évoqué à plusieurs reprises : un certain nombre de nos concitoyens ne sont pas éligibles à l'aide juridictionnelle en raison de leurs revenus, pourtant modestes. Toutefois, si l'amendement pose une vraie question, il n'apporte pas de vraie réponse. La mission d'information, en lien avec la chancellerie, explore différentes pistes en vue d'améliorer l'accès au droit : le financement, les clauses de protection juridique, la revalorisation des crédits de l'aide juridictionnelle… La réponse de l'amendement à ce problème n'est pas appropriée.
Je fais moi-même partie de cette mission, au sein de laquelle le problème a été tourné et retourné dans tous les sens. Les crédits actuels ne permettent pas de prendre en charge la rédaction d'actes. Sur ce sujet, la mission est en panne.
(L'amendement n° 7 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 8 .
La parole est à Mme George Pau-Langevin.
Nous souhaitons attirer l'attention sur les maisons de justice et du droit, qui jouent un rôle fort utile, notamment là où les tribunaux d'instance ont été fermés, où la justice s'est donc éloignée du citoyen : la présence de ces maisons tend à pallier un manque. Toutefois, en raison de leur mode de financement, nous nous apercevons que le pouvoir régalien de rendre la justice est financé en grande partie par les collectivités territoriales. Il convient donc d'approfondir la question et d'examiner la manière dont nous pouvons développer ce substitut aux tribunaux d'instance sans faire peser des charges indues sur les collectivités territoriales.
Défavorable. Cette question relève elle aussi du champ d'investigation de la mission d'information en vue de l'amélioration de l'accès au droit et à la justice, dont les travaux sont en cours.
Même avis que la commission.
Les maisons de justice et du droit, voulues par la chancellerie, pallient les suppressions de tribunaux d'instance. Je vous en rends hommage, ainsi qu'à vos prédécesseurs, monsieur le garde des sceaux : vous avez favorisé ces maisons.
Vous ne pouvez pas dire, madame Pau-Langevin, qu'il y a transfert aux collectivités. Certes, des conventions de mise à disposition de bâtiments sont signées, mais des professionnels font le déplacement, une mutualisation des services a généralement lieu, et dans bien des cas l'accès au droit et à l'information en est amélioré, d'autant plus que dans certaines de ces maisons se tiennent des audiences foraines. On ne peut donc laisser entendre que ces maisons seraient remises en cause.
(L'amendement n° 8 n'est pas adopté.)
(L'article 24 est adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Discussion du projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures dix.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma