Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, le 30 juin 2008, le Président de la République a chargé Me Darrois de présider une commission de réflexion tendant, comme l'a rappelé le rapporteur, à réformer la profession d'avocat en vue de la création d'une grande profession du droit. Remis le 8 avril 2009, le rapport de cette commission comportait cinquante recommandations, réparties en trois parties : « Des professions plus fortes et plus ouvertes » ; « Inciter les professionnels du droit à travailler ensemble » ; « L'accès au droit et à l'aide juridictionnelle ».
Le projet de loi de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et de certaines professions réglementées adopté en première lecture par le Sénat le 8 décembre dernier vise à moderniser les professions du droits ainsi qu'à améliorer le fonctionnement de la justice. Au stade où nous en sommes, de larges convergences sont apparues entre l'Assemblée nationale et le Sénat puisque, comme l'a rappelé notre rapporteur, dix-neuf des trente-sept articles du texte ont fait l'objet d'un vote conforme des sénateurs. Certaines dispositions clés ont donc d'ores et déjà été définitivement adoptées. Il en va ainsi de l'acte contresigné par avocat et de la modernisation des structures d'exercice des professions.
Quels sont les acquis de la navette parlementaire ? Tel qu'adopté par le Sénat, le projet de loi de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et de certaines professions réglementées ne s'écarte pas fondamentalement de la version adoptée par notre assemblée en première lecture. D'importantes réformes ont déjà été votées conformes, comme la validation de l'acte contresigné par un avocat – le dispositif que tend à instaurer le projet de loi repose sur les apports de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Je pense également à l'adoption d'obligations explicites à l'égard des professionnels agissant sur mandat de justice en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
Il se trouve, monsieur le ministre, que j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur de la première loi sur la lutte contre le blanchiment, qui date du mois de mai 1996, et, il y a moins de quinze jours, dans ce même hémicycle, votre collègue, Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, commentait le rapport d'évaluation du dispositif français de veille et de lutte contre le blanchiment du GAFI – le groupe d'action financière. Avec l'obligation de transparence et de déclaration de soupçon, c'est un véritable défi qui est lancé aux professionnels du droit. Dans la discussion, ce point paraît mineur, mais cela fait peser sur les professions judiciaires des responsabilités nouvelles. À l'heure où – on le sait – les techniques sont de plus en plus sophistiquées, il faut, monsieur le garde des sceaux, que l'on réfléchisse, à la façon d'aider les professionnels à remplir les nouvelles obligations auxquelles ce texte les soumet.
J'évoquerai également la confirmation de la possibilité, pour les organes représentatifs des professions réglementées – je pense notamment au Conseil de l'ordre des avocats, au Conseil national des greffiers, au Conseil supérieur du notariat – de se porter parties civiles dans les affaires pénales relatives à des faits de nature à porter directement ou indirectement préjudice aux intérêts de la profession. C'est – je n'en doute pas, monsieur le rapporteur – une avancée pour les professionnels qui réclamaient de longue date cette possibilité.
Ce projet de loi porte également modernisation des structures d'exercice des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire dont le titre est protégé. Pour l'essentiel, les aménagements de leur régime juridique, conforté par le Sénat, consistent à assouplir la dénomination sociale des sociétés d'exercice de professions judiciaires et juridiques réglementées en leur permettant de conserver le nom d'anciens associés, en supprimant le caractère solidaire de la responsabilité des associés de sociétés civiles professionnelles et en permettant que les statuts de ces mêmes sociétés prévoient une forme de dépatrimonialisation optionnelle.
S'agissant, enfin, de la confirmation, sous réserve de quelques ajustements, des enrichissements du texte par l'Assemblée nationale, je mentionnerai les régimes dérogatoires de multipostulation de certains barreaux, déjà évoqués, la possibilité reconnue aux avocats d'agir en tant que mandataires sportifs et la possibilité, pour les bâtonniers, de déléguer plus largement les prérogatives juridictionnelles.
Quelques dispositions restent en débat, comme le rapporteur l'a rappelé. Ce texte ne comprend pas de mesures dont on pourrait craindre qu'elles aillent à l'encontre de l'objectif affiché de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et de certaines professions réglementées. Pour y parvenir, le Président de la République avait confié à la commission Darrois le soin de faire des propositions. Je considère, pour ma part, que le texte présenté est une étape supplémentaire sur la voie de cette modernisation.