Pis encore, ce projet de loi va renforcer une justice à deux vitesses. Vous dites vouloir améliorer et moderniser le fonctionnement de notre institution judiciaire ; en vérité vous ne faites qu'éloigner de plus en plus le justiciable modeste, dont l'accès à une vraie justice est de plus en plus incertain, au profit des intérêts particuliers de quelques professionnels. De leurs intérêts particuliers, ai-je bien dit.
Avec cette deuxième lecture, avec, en particulier, l'article 4, vous tentez d'apporter une compensation aux notaires en matière de publicité foncière. Nous y reviendrons dans quelques instants.
De même, plusieurs questions restent en suspens en ce qui concerne l'article 21 bis de ce projet de loi. Cet article fait de la profession comptable une profession juridique, puisque les experts-comptables auraient la possibilité « d'assister dans leurs démarches déclaratives à finalité administrative, fiscale et sociale, les personnes physiques ». Nous allons lors de ce débat faire de la profession du chiffre une profession du droit. Savons-nous vraiment ce que nous faisons ? Je crois savoir que, sur cet article, des amendements ont été déposés par ceux qui siègent du côté droit de cet hémicycle. Peut-être serai-je amené à les soutenir, car leurs arguments sont particulièrement pertinents.
En ce qui concerne la méthode, la plupart des discussions ont eu lieu hors du Palais Bourbon ; j'ai déjà esquissé cette idée. Je vous rappelle cependant que nous ne sommes pas une caisse d'enregistrement. Nous sommes bien la représentation nationale et l'organe législatif. Je regrette que nous n'ayons pas été plus intégrés au processus de discussion.
J'en viens à l'aide juridictionnelle, qu'il faut réévaluer. Je reconnais l'effort budgétaire fait par votre gouvernement, monsieur le ministre. Il reste cependant insuffisant. Vous êtes d'ailleurs tellement conscient de la nécessité d'un effort supplémentaire que votre ministère est en pleine négociation avec des compagnies et groupes d'assurance pour leur demander de prendre en charge une part plus importante de l'aide juridictionnelle. Les assureurs, nous le savons, se refusent déjà à prendre en charge un certain nombre de dossiers.
Nous risquons donc d'assister à la mise en place institutionnalisée d'une justice à deux vitesses, et même à trois strates. La première strate est celle des personnes riches, qui pourront payer directement leur avocat et qui auront bien entendu beaucoup plus de chances que les autres de prendre le meilleur. La deuxième strate est celle des classes moyennes, qui seront normalement assurées et qui confieront la gestion de leur dossier à l'avocat choisi par leur compagnie dans le cadre d'une forfaitisation imposée par le groupe d'assurance. Enfin, les dossiers de la foule des bénéficiaires de l'aide juridictionnelle, financièrement peu intéressants, seront traités à la chaîne par les avocats qui en seront chargés. C'est d'ores et déjà la réalité. Je lisais d'ailleurs, tout à l'heure, un article selon lequel certains avocats étaient même obligés de payer les 8,84 euros laissés à la charge de leur client par l'aide juridictionnelle.
En somme – la question est importante –, quid de la garantie d'un minimum d'honoraires pour les avocats et, plus généralement pour les auxiliaires de justice ? Quid de la pression, monsieur le ministre, que vous serez susceptible d'exercer sur les compagnies d'assurances pour qu'elles participent correctement et dignement au financement de l'aide juridictionnelle ?
Ce texte me semble ne pas répondre à toutes les attentes de la population et aux besoins de notre justice. Le groupe SRC s'abstiendra donc.