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Intervention de Noël Mamère

Réunion du 15 mars 2011 à 15h00
Hommage de l'assemblée — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi que nous l'avons dit en première lecture, nous avons le sentiment d'un immense gâchis. Si, après la constitutionnalisation du Défenseur des droits, en juillet 2008, nous pouvions espérer renforcer l'État de droit, nous nous sommes aperçus, notamment après le vote de la LOPPSI 2, qui restreint nos libertés, que ce dernier allait se transformer en une sorte de mastodonte administratif qui réduira le champ des contre-pouvoirs indépendants que représentent les différentes autorités administratives qu'il va absorber.

Je pense en particulier au Médiateur de la République, qui a publié, il y a quelques mois, un rapport très intéressant sur la précarité grandissante des Français, illustrée notamment par le cas de ces familles qui ne peuvent boucler leurs fins de mois à cinquante euros près. Je pense également à la Défenseure des enfants, qui a joué un rôle important de protection des enfants, et à la HALDE, dont la création, en 2004, résultait d'une directive européenne de 2000. En absorbant ces trois institutions, le Défenseur des droits marque un recul de la défense et de la garantie des libertés et, s'agissant de la HALDE, de la lutte contre les discriminations et des ségrégations.

Nous devons à nos collègues de la commission des lois du Sénat d'avoir sauvé de cette absorption l'autorité indépendante qu'est le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Je dirai, en employant une expression un peu familière, qu'il l'a échappé belle. Or, nous savons combien le grand commis de l'État qui est actuellement à la tête de cette institution contribue à faire progresser la condition des retenus et des détenus. Ce rôle est particulièrement important quand on sait la grande indigence de nos prisons, où l'on enferme la misère et des personnes qui n'ont pas grand-chose à y faire, plutôt d'en faire des lieux, sinon de rédemption, du moins de réinsertion.

Par ailleurs, le Défenseur des droits est entaché d'un vice d'origine. En effet, il est nommé, non pas par le Parlement, mais directement par le Président de la République. Nous nous retrouvons ainsi dans la même situation qu'il y a deux ans, lorsque celui-ci, au prétexte que le CSA n'était pas assez indépendant, décida de le déborder en s'arrogeant le droit de nommer et de révoquer les responsables de l'audiovisuel public. Le Défenseur des droits doit pouvoir bénéficier de toutes les garanties d'indépendance. Or, celles-ci lui sont données par un vote du Parlement aux trois-cinquièmes. C'est, du reste, la procédure qui fut choisie en Espagne, à la fin de la période fasciste et lors du retour de la démocratie, pour la nomination du Défenseur du peuple. Non seulement celui-ci est choisi par le Parlement espagnol, mais il est entouré d'adjoints qui bénéficient eux-mêmes d'une certaine indépendance, sur le modèle, finalement, de l'organisation politico-administrative de l'Espagne, dont les régions sont très autonomes. Dans votre projet, les adjoints du Défenseur des droits dépendront de lui et n'auront guère de capacités d'arbitrage.

Le projet du Gouvernement signe également la disparition de la CNDS, qui était saisie par des députés – et nous avons été nombreux à user de cette faculté – en cas de bavures policières ou de problèmes liés à la condition des détenus dans les prisons. Avec le recul, nous ne pouvons que constater l'utilité de cette commission, dont les avis, qui s'imposaient souvent aux institutions concernées, étaient pris par un collège de treize personnes. Dans votre texte, ces personnes ne seront plus que trois, elles seront sous la coupe du Défenseur des droits et n'auront qu'un avis consultatif.

Au vu de l'ensemble du projet, je ne peux donc que rejoindre les critiques qui ont été émises par Marie-George Buffet et par Jean-Jacques Urvoas dans son excellente motion de rejet préalable. Monsieur le ministre, nous aurions été ravis de pouvoir voter ce texte, qui était présenté – c'était un paravent – comme un progrès de l'État de droit. Mais, compte tenu des conditions de la nomination et du fonctionnement du Défenseur des droits, compte tenu du fait qu'il absorbe des autorités indépendantes qui constituaient des contre-pouvoirs et une garantie supplémentaire pour nos libertés, les écologistes se joindront à leurs collègues communistes, républicains et du parti de gauche pour voter contre ce projet. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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