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Intervention de Sandrine Mazetier

Réunion du 15 mars 2011 à 15h00
Immigration intégration et nationalité — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Mazetier :

Monsieur le président, mes chers collègues, monsieur le ministre, jeudi dernier, alors que nous achevions l'examen, en seconde lecture, de ce projet de loi, le Conseil constitutionnel a prononcé à l'encontre de la loi LOPPSI II la plus lourde censure de son histoire. Quant au projet de loi « Immigration, intégration et nationalité », nous avions souligné, dès la première lecture, qu'il comportait d'emblée bien des dispositions anticonstitutionnelles, sans rapport d'ailleurs avec les directives qu'il prétendait transposer. Les sénateurs ont partagé notre analyse, mais vous avez balayé toutes leurs avancées.

L'introduction en seconde lecture de dispositions nouvelles, en particulier sur la nationalité, vous expose encore davantage à la censure et au rappel cinglant de quelques évidences sur ce qui fonde notre socle de droits et celui que nous avons en partage dans cet espace politique et démocratique unique au monde qu'estt l'Europe.

Il en va ainsi du principe de nécessité et de proportionnalité des peines garanti, depuis l'avènement de la République, par l'article 8 de la Déclaration des droits de 1789 qui dispose que : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires […] ». Or ce n'est bien sûr pas le cas pour l'essentiel du texte, tel l'infâme article 21 ter sur les mariages dits gris, qui punit de sept ans d'emprisonnement, c'est-à-dire autant que pour la traite des êtres humains, un nouveau délit : l'insincérité des intentions matrimoniales. Délit impossible à établir, qui n'est créé que pour instiller toujours le même poison de la suspicion sur les mariages mixtes.

Même chose pour l'insupportable peine administrative automatique de bannissement prévue à l'article 24, alors que la jurisprudence du Conseil constitutionnel est constante depuis 1993, date à laquelle il avait précisé que « tout arrêté de reconduite à la frontière entraînant automatiquement une sanction d'interdiction du territoire (...) ne répond pas à l'article 8 de la Déclaration de 1789 ».

À n'en pas douter, le Conseil constitutionnel trouvera beaucoup à dire sur la latitude laissée à l'administration, loin du regard du juge, sur le refus d'accorder un délai de départ volontaire, que privilégie pourtant la directive « Retour », ou sur l'ensemble des dispositions prévoyant l'éloignement des ressortissants communautaires, sans tenir compte de leur situation personnelle. Outre la censure, ces dispositions vaudront probablement à la France la honte de condamnations au niveau européen.

Je ne reviens pas sur l'article 34 et les audiences en centre de rétention administrative, inappropriées à la nécessité, rappelée dans la censure de la LOPPSI 2, de « statuer publiquement ».

Sur la forme, le Conseil constitutionnel a également sanctionné l'introduction en deuxième lecture de dispositions nouvelles. À cet égard, vous n'y êtes pas allés de main morte : C'est encore ce que vous avez fait la semaine dernière, pour calmer vos ultras.

Vous avez ainsi instauré un concours d'entrée dans la nationalité, bafouant rien moins que l'article 1er de la Constitution. Vous avez encore remis en cause le droit du sol pour 3 000 jeunes nés en France qui devront désormais manifester par écrit leur volonté d'être vraiment ce qu'ils sont, mais aussi ce que nous avons fait d'eux, comme de tous ceux de leur génération, c'est-à-dire des Français.

Pour toutes ces raisons, nous voterons évidemment contre ce projet de loi, mais aussi et surtout parce qu'au-delà même de son inconstitutionnalité, il est absolument orthogonal à la vision que nous avons de la France, de l'Europe, et de la civilisation. Nous voterons contre parce que, malgré votre retrait tactique sur la déchéance de nationalité, ce texte garde tous les stigmates du discours de Grenoble ; parce que, loin de l'affichage politique, il organise l'impunité des employeurs ayant recours à du travail dissimulé pour sanctionner les victimes du système, à savoir les travailleurs sans papiers. Nous voterons contre ce texte parce qu'il s'inscrit dans la cohorte des lois, mesures, discours, débat oiseux, inefficace et dangereux, qui rabaissent la France au rang des nations, déchirent le pacte républicain, et l'idée même de communauté nationale.

Nous voterons contre cette constante dérive qu'a exprimée en des propos odieux une députée UMP, la semaine dernière, (Protestations sur les bancs du groupe UMP) contre cette immonde houle brune qui a amené hier Marine Le Pen sur les rives de Lampedusa, suivant le cap fixé dans sa dernière intervention télévisée par le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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