Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 15 mars 2011 à 15h00
Hommage de l'assemblée — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

La matière le permettait. Nous parlons ici des droits fondamentaux, des libertés publiques et tous les parlementaires qui siègent sur ces bancs partagent la même passion et le même attachement aux libertés fondamentales. Donc il n'y avait pas de difficulté sur le sujet.

L'enjeu, vous avez raison sur ce point, monsieur le ministre, l'aurait mérité : c'est la première fois depuis 1958 que nous créons une autorité constitutionnelle. Cette tâche seule était exaltante. Les parlementaires qui se sont succédé sur ces bancs n'ont pas tous eu cette faculté. J'ai déjà eu l'occasion de rappeler que des gouvernements précédents s'y étaient lancés et n'avaient pas pu aboutir. Ce n'était d'ailleurs pas dans la lettre de mission que le Président de la République avait adressée au comité Balladur : jamais il n'avait demandé qu'une autorité constitutionnelle naisse. Nous avons décidé de l'élever au rang constitutionnel. Il aurait fallu, me semble-t-il, que nos débats puissent permettre de démontrer que cette ambition était partagée.

Il y avait une matière, il y avait un enjeu, il y avait même un passé qui aurait dû nous permettre d'aboutir.

Le passé, c'est d'abord le fait que si nous avions dit notre hostilité sur la révision constitutionnelle, nous avions déclaré, au moment du débat sur cette révision, être disponibles sur ce point du Défenseur des droits. Nous avions des tas de raisons pour cela. D'abord, parce que c'est le président du groupe socialiste au Sénat, Jean-Pierre Bel, qui, le 12 juillet 2007, avait déposé la première proposition de loi organique visant à créer ce qu'il avait, à l'époque, appelé un défenseur du peuple. Ensuite, parce que l'adoption ici à l'unanimité de la question prioritaire de constitutionnalité a montré que lorsque les uns et les autres veulent bien entendre les arguments, on peut trouver un point d'équilibre. Je crois que nous pouvons tous nous féliciter de la force qu'a donnée l'unanimité depuis le 10 décembre 2009, date à laquelle la loi a été promulguée, à ce nouveau droit, donné non pas au citoyen mais au justiciable parce que les personnes morales et les étrangers qui vivent sur notre sol ont aussi la possibilité d'y faire appel.

Puisque vous avez évoqué, monsieur le ministre, la loi pénitentiaire pour souligner les progrès, selon vous, de la législation, vous me permettrez une incidente pour dire mon désaccord. Je ne reviendrai pas sur le fond de la loi pénitentiaire, simplement je voudrais dire, parce que l'actualité m'y amène, que se déroule en ce moment au Conseil d'État un débat sur la nature des régimes différenciés, que vous avez mis dans la loi pénitentiaire et à propos desquels nous avons dit notre profonde hostilité.

Vous nous aviez dit – si ce n'est vous, du moins vos prédécesseurs à cette fonction de garde des sceaux – que les régimes différenciés ne seraient pas une manifestation de l'arbitraire de l'administration pénitentiaire puisque la décision de changer un détenu de régime serait soumise au juge administratif si jamais il y avait une contestation. Une affaire pendante jugée par le tribunal administratif a donné raison à ce que Mme la garde des sceaux de l'époque avait dit. La cour d'appel de Nantes a confirmé. Le dossier est aujourd'hui au Conseil d'État. Or le rapporteur public vient de tenir des propos contraires. J'ose espérer que le Conseil d'État sera fidèle à l'engagement que le Gouvernement a pris devant la représentation nationale et que les régimes différenciés ne seront pas une mesure arbitraire que peut prendre l'administration pénitentiaire sans qu'elle soit susceptible de saisine du tribunal administratif. Je tenais à le dire, même si vous n'êtes pas le responsable de cette affaire, le Conseil d'État lit peut-être les comptes rendus des travaux parlementaires, ou peut-être fera-t-il référence aux propos du Président de la République ? J'ose espérer que nous aboutirons.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion