Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, après de longs débats, nous voici arrivés au vote définitif de cette réforme. Je vis ce moment avec une certaine gravité car nous aboutissons à un vrai gâchis. Je le regrette.
Les autorités administratives indépendantes que nous connaissions, la HALDE, le Défenseur des enfants, la CNDS, le Médiateur de la République, faisaient preuve d'une très grande autorité et d'une grande efficacité dans la lutte contre les discriminations et dans le combat pour les droits et les libertés.
Ces autorités étaient identifiées et appréciées par nos compatriotes. La qualité de leurs recommandations et de leurs rapports était très largement reconnue, tout comme la précision de leurs décisions. Les institutions internationales se félicitaient d'ailleurs de leur travail – je pense notamment à l'UNICEF.
Aujourd'hui, avec ces textes, vous effacez ces autorités. Et par quoi les remplacez-vous ? Par un Défenseur des droits aux compétences tentaculaires, nommé par le Président de la République. Ses adjoints seront nommés, sur sa proposition, par le Premier ministre.
M. Clément lui-même vient de nous faire la démonstration que ses compétences seront tellement étendues qu'il ne pourra répondre correctement à toutes les saisines dont il fera l'objet.
Avec les membres de mon groupe, nous avons participé au débat avec la volonté de conserver, dans le cadre de la création du Défenseur des droits, la compétence et l'expérience acquises par les autorités indépendantes. Mais, tout au long de la discussion – certes courtoise, monsieur le rapporteur – votre réponse fut la même : vous n'avez eu de cesse que de concentrer tous les pouvoirs entre les mains du seul Défenseur des droits, quitte à lui faire perdre toute crédibilité en termes d'indépendance et de compétence.
Ainsi l'adjoint du Défenseur des droits en charge de la défense des droits des enfants ne pourra être saisi directement par ceux-ci, en dépit des nombreux amendements déposés en ce sens, y compris par des membres de la majorité. De même, les adjoints du Défenseur des droits ne pourront pas déposer, de leur propre initiative, des rapports sur des sujets relevant de leur champ de compétence ni décider par eux-mêmes des saisines qu'ils acceptent ou refusent. Vous avez ainsi refusé de prendre en compte, dans ces projets de loi, la spécialisation et la proximité des autorités indépendantes.
Quelques avancées ont, certes, été obtenues par nos assemblées, notamment la possibilité, pour le Défenseur, d'organiser une action collective devant le juge administratif. Mais ce dispositif prometteur, un temps intégré au texte, a été retiré par le Gouvernement à minuit et demie, mercredi dernier.
En fin de compte, ces textes sont porteurs de régressions. Le contrôle du respect des droits et des libertés, qui, grâce aux autorités indépendantes, avait progressé, ces dernières années dans notre pays, va connaître un recul, et la centralisation des compétences de l'ensemble de ces autorités entre les mains du seul Défenseur des droits risque de provoquer de curieux mélanges. Comment ne pas craindre, en effet, la confusion entre des fonctions relevant tantôt de la résolution amiable de conflits entre des administrations et des citoyens, tantôt d'un contrôle rigoureux de libertés dont la protection n'est pas négociable – je pense ici notamment aux fonctions de la CNDS ?
Ces textes avaient pourtant un intitulé prometteur et, à l'instar du Comité consultatif des droits de l'homme, nous pensions que leur examen aurait pu faire progresser les droits et libertés dans notre pays.