La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à seize heures.)
Mes chers collègues, tous les groupes m'ont fait savoir qu'à l'occasion du passage de la flamme olympique devant le Palais Bourbon, ils souhaitaient une interruption de nos travaux. Il va sans dire que, le moment venu, je ferai droit à cette demande en suspendant la séance le temps nécessaire.
Monsieur le président, je vous ai effectivement fait part, avant le début de la séance, du souhait du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche de suspendre la séance au moment du passage de la flamme olympique devant le Palais-Bourbon. Vous avez proposé de le faire au nom de l'Assemblée nationale et je vous en félicite. Votre initiative me satisfait d'autant plus que j'avais demandé au président de notre assemblée de faire hisser, à cette occasion, les couleurs du Tibet sur le Palais-Bourbon et que, à mon grand regret, cette proposition a été refusée. On m'a opposé que le règlement ne permettait pas ce type d'initiative, mais lorsque le portrait d'Ingrid Betancourt – avec notre appui à tous – a été installé devant l'Assemblée nationale, le règlement ne le permettait sans doute pas non plus.
Ces lieux historiques, où tant de nos concitoyens viennent admirer un magnifique tableau de Mirabeau proclamant, lors des états généraux : « Nous ne sortirons d'ici que par la force des baïonnettes car nous voulons nous constituer en Assemblée nationale », sont identifiés à la lutte pour les droits de l'homme. Nous sommes les héritiers de cette histoire et, à ce titre, notre devoir est de manifester notre solidarité avec les Tibétains victimes de l'oppression ou avec les Chinois dont la liberté d'expression est bâillonnée. Il ne s'agit pas de stigmatiser la Chine ni de rompre avec ce grand pays qui veut se développer et s'ouvrir, mais de réaffirmer, parce que nous voulons avoir des relations avec la Chine et le peuple chinois, nos valeurs et nos principes : ceux que la République française d'aujourd'hui a hérité des révolutionnaires de 1789.
En cette année de célébration du soixantième anniversaire de l'adoption de la déclaration universelle des droits de l'homme par les Nations unies, nous devions être au rendez-vous. L'interruption de notre séance est un symbole modeste mais nécessaire. Nous assisterons au passage de la flamme pour dire que nous n'oublions pas le combat pour la liberté et pour les droits de l'homme, qui est indivisible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Monsieur le président, nous nous réjouissons également de votre décision, qui nous permettra de participer à ce moment particulier qu'est le passage de la flamme olympique. Comme il vient d'être dit, les droits de l'homme sont indivisibles. Notre pays, qui les a portés depuis la déclaration de 1789, doit se montrer exemplaire et protester partout où ils sont bafoués. Il ne peut pas y avoir d'indignation sélective : elle doit s'exprimer pour la Tchétchénie, comme pour le Tibet ou l'Irak.
J'espère qu'hier, en relayant la flamme olympique, M. Gordon Brown a eu une pensée pour les Irakiens tombés sous les coups des troupes d'occupation, y compris britanniques.
Notre devoir est donc d'aller saluer la flamme olympique, dans l'esprit de la tradition olympique, celle de l'Antiquité où elle était synonyme de trêve, mais aussi celle du baron de Coubertin. Et, comme il n'y a pas de distinction entre les droits de l'homme, nous devons avoir une pensée pour ceux qui sont foulés au pied dans notre pays également. Il suffit de se promener sur les bords de la Seine pour voir des gens dans la misère, dépourvus de tout, qui vivent jour et nuit sous des tentes. Nous donnerons à notre présence devant la flamme un sens de fidélité à l'idéal olympique, qui magnifie le sport et met en avant toutes les vertus humaines, dont aucune ne saurait être opposée aux autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Au nom du groupe Nouveau Centre et en qualité de vice-président du groupe d'études sur le Tibet, je ne peux que m'associer aux propos qui viennent d'être tenus et me féliciter de votre décision, monsieur le président, de suspendre nos travaux pour nous permettre d'assister au passage de la flamme olympique. Les jeux Olympiques portent en eux les symboles de la paix, de la pureté et de la fraternité. Ils sont l'occasion pour toute la jeunesse du monde de se retrouver pour concourir dans la fraternité du sport.
En attribuant à Pékin les Jeux de 2008, alors qu'il connaissait le sort fait aux droits de l'homme en Chine, le Comité international olympique prenait un gros risque. La Chine avait alors pris des engagements d'ouverture, de libéralisation, de respect des droits de l'homme et de respect des minorités. Ce qui se passe au Tibet montre malheureusement qu'elle n'a pas respecté ses engagements et qu'elle enfreint l'esprit et la lettre de la charte olympique. Il est donc du devoir des démocrates de tous les pays de rappeler au gouvernement chinois que cette charte est indissociable des droits de l'homme et du citoyen. La France, à travers l'Assemblée nationale, a historiquement une responsabilité particulière en la matière. Au moment où la flamme va passer devant son enceinte, accompagnée d'un déploiement de forces de l'ordre sans précédent pour un événement qui devrait être festif, populaire et fraternel, il nous semble essentiel que la représentation nationale puisse se retrouver sur les marches du Palais-Bourbon pour signifier son attachement aux valeurs universelles des droits de l'homme, de la démocratie et de la liberté, qui sont les principes fondateurs de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs parlementaires de l'UMP se rassembleront autour de Lionnel Lucas, qui est le président du groupe d'amitié France-Tibet, au moment du passage de la flamme devant l'Assemblée nationale. Nous vous remercions, monsieur le président, de nous le permettre avec cette interruption de séance. Nous sommes tous très attachés au respect des droits de l'homme au Tibet et nous espérons que ce combat se poursuivra après les jeux Olympiques. (« Tout à fait ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je constate que chacun des groupes représentés a salué la décision prise par la présidence et par M. le président lui-même d'interrompre momentanément nos travaux.
M. Ayrault a demandé que le drapeau tibétain soit installé sur le fronton de l'Assemblée. C'est contraire à nos règles habituelles. Vous conviendrez donc que ce n'est pas possible.
Des questions de délai rendent difficile le mur d'images envisagé. Mais M. le président, soucieux de prendre en compte votre demande, monsieur Ayrault, compte saisir le Bureau de l'Assemblée lors de sa prochaine réunion d'une réflexion sur l'utilisation du frontispice de l'Assemblée lors d'expressions nationales de cette nature.
Jeudi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 33 rectifié à l'article 2.
La parole est à M. Antoine Herth, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour défendre l'amendement n° 33 rectifié .
Il s'agit d'un amendement rédactionnel qui ne change pas le sens de la phrase à laquelle il s'applique. Il clarifie le texte sur le plan grammatical et réintroduit l'appellation votée précédemment : « comité économique, éthique et social », à la place de « comité de la société civile ».
Il s'agit en effet d'un amendement rédactionnel, qui reprend des dispositions votées préalablement par notre assemblée.
Cela étant, monsieur le rapporteur, vous admettez, une fois n'est pas coutume, que le Haut conseil des biotechnologies émet un avis. Cet avis est donc composé des propos émis par les uns et les autres Je ne comprends donc toujours pas votre obstination à refuser d'appeler « avis » les recommandations du comité économique, éthique et social.
L'amendement n° 33 rectifié est en quelque sorte une forme de démenti de vos propos précédents.
Je veux revenir sur le débat que nous avons eu jeudi dernier, avant la fin de nos travaux, sur l'emploi du mot « recommandations ».
Je voudrais citer un passage d'un ouvrage d'Axel Khan, que je lis actuellement, L'homme, ce roseau pensant, qui est la meilleure justification de nos propos selon lesquels le mot recommandation ne convient pas pour le comité économique, éthique et social :
« L'évaluation d'un projet, d'une procédure, d'une innovation, éventuellement d'une décision voire d'un objet, peut faire appel à trois catégories de valeurs.
« La première englobe les valeurs scientifiques et techniques, qui sont, respectivement, de l'ordre du plausible, du vrai, de l'utilité, de la sécurité. L'appréciation à ce titre d'un projet ou d'une réalisation est du domaine de l'expertise menée par des personnes dont la compétence sur les sujets abordés est reconnue.
« Les valeurs de la seconde catégorie sont d'ordre économique : il s'agit de la valeur du travail, de la valeur d'usage, de la valeur ajoutée, de la valeur d'échange et de leur contrepartie monétaire. Toutes sont précisément quantifiables et peuvent s'exprimer sous la forme d'un prix, dont la fixation dépend des différents paramètres économiques et des mécanismes du marché.
« Restent enfin les valeurs immatérielles, l'ensemble de ce qui vaut la peine qu'on s'y intéresse, de ce qui importe aux citoyens, de ce à quoi on se réfère mais qui n'a pas de prix.
« Les valeurs morales sont de l'ordre du Bien. Un être autonome ou une collectivité, selon des procédures qui leur sont propres, vont se fonder sur ces différentes catégories et ordres de valeurs, afin de déterminer le champ du légitime, du souhaitable et du désirable.
« En définitive, le dilemme à résoudre se pose en ces termes : si ce que l'on propose est sans doute vrai, réalisable et raisonnablement sûr et si c'est là le moyen de développer un marché et d'accumuler des richesses, pour autant est-ce légitime, est-ce souhaitable ? »
Axel Kahn conclut : « L'avenir du XXIe siècle me semble dépendre en grande partie de la pertinence persistante ou dépassée d'une telle interrogation et des procédures mises en oeuvre pour la résoudre. »
On a raccroché une dimension économique au comité éthique. Je pense que la dimension économique aurait très bien pu figurer dans le comité scientifique, dans la mesure où des économistes peuvent aussi bien être dans le comité scientifique que dans le comité que l'on appelle désormais « économique, éthique et social ».
Dans quelle mesure ce comité-là doit-il faire des recommandations ? En fait, c'est un avis qu'il doit émettre pour répondre aux trois questions que pose Axel Kahn : est-ce bien ? est-ce légitime ? est-ce souhaitable ?
Parler de recommandation, monsieur le ministre d'État, nous fait dévier complètement de l'objectif fondamental qui était celui du Grenelle de l'environnement, où il y avait d'un côté les scientifiques, qui donnent un avis, qui ont une appréciation, et de l'autre la société, le comité sociétal. Ce comité sociétal ne doit pas faire des recommandations, mais indiquer si c'est légitime, si c'est bien, si c'est souhaitable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 33 rectifié .
Le Gouvernement est favorable à l'amendement.
Je mets aux voix l'amendement n° 33 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 225 .
La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir.
L'amendement vise à insérer, après le mot : « comporte » à la fin de la dernière phrase de l'alinéa 15 de l'article 2, les mots : « une évaluation des risques. »
Dans le projet de loi, il est indiqué que l'avis du Haut conseil comporte une évaluation des risques et des bénéfices J'ai examiné la directive 200118 que ce projet de loi doit transposer en droit interne – elle comporte 38 pages et 63 considérants dont je vous fais grâce. Or, s'il y est question pratiquement à tous les articles des risques de dissémination volontaire des OGM, à aucun moment il n'est fait mention des bénéfices des OGM.
Ainsi, à l'article 1er, il est écrit : « Conformément au principe de précaution, la présente directive vise à rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres et à protéger la santé humaine et l'environnement. »
À l'article 2, alinéa 8, il est prévu une : « évaluation des risques pour l'environnement ».
À l'article 4, alinéa 1, il est précisé : « Les États membres veillent, conformément au principe de précaution, à ce que toutes les mesures appropriées soient prises afin d'éviter les effets négatifs sur la santé humaine et l'environnement qui pourraient résulter de la dissémination volontaire ou de la mise sur le marché d' OGM. »
L'alinéa 3 de l'article 4 dispose que « Les États membres et, le cas échéant, la Commission veillent à ce que soit effectuée, cas par cas, une évaluation précise des effets néfastes potentiels sur la santé humaine et l'environnement, susceptibles de découler directement ou indirectement du transfert de gènes d'OGM à d'autres organismes. »
À aucun moment, il n'est fait mention de bénéfices des OGM. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé l'amendement n° 225 . Des précautions doivent être prises, un encadrement doit être prévu pour éviter que les risques ne soient excessifs.
La commission est défavorable à l'amendement n° 225 .
Monsieur Cochet, nous avons, à l'alinéa 2 du même article, supprimé, en nous fondant sur les arguments que vous venez d'avancer, la référence aux bénéfices que le Sénat avait introduite. Nous sommes donc dans le prolongement de la directive 200118, que vous invoquez.
À l'alinéa 15, nous sommes dans l'exégèse nationale. À ce titre, le Sénat a souhaité notamment que le comité économique, éthique et social se pose la question des bénéfices. Cela ne signifie pas qu'il y en ait, mais il faut considérer cela sans a priori. Nous demandons justement au Haut conseil des biotechnologies qu'il examine très attentivement les dossiers qui lui sont remis.
Pour mieux évaluer le risque, il faut aussi se poser la question d'un éventuel bénéfice.
Même si, formellement on peut avoir cette lecture, il ne s'agit pas de faire le panégyrique de l'intérêt ou du bénéfice.
S'il n'y a aucun bénéfice, il ne me semble pas inutile de le savoir.
Pour que ce texte soit accepté par l'opinion, nous pensons qu'il doit être équilibré. Pour cette raison, nous avons voté, la semaine dernière, le célèbre amendement n° 252 .
Le fait que le Haut conseil puisse évaluer les risques et les bénéfices nous paraît être tout à fait équilibré. L'adoption de l'amendement de M. Yves Cochet irait donc l'encontre de cet objectif. Nous ne pouvons donc qu'être défavorables à son adoption.
Je souhaite soutenir l'amendement n° 225 , puisque, à aucun moment, on ne nous demande d'évaluer les bénéfices.
Je comprends les argumentations de M. le rapporteur, de M. le ministre et de M. Folliot. Néanmoins, le mot « bénéfices » me choque.
De quels bénéfices parle-t-on ? De ceux réalisés par les multinationales ? Chacun a bien compris qu'en utilisant ces nouvelles technologies, les multinationales, en étendant leur influence à toute la planète, contrôleraient l'ensemble de la vente des semences et en tireraient des bénéfices. Je crois donc que le mot « bénéfices » est inapproprié ou du moins mériterait d'être complété.
En conséquence, je propose un sous-amendement, car je préfère que l'on utilise, à la place du mot « bénéfices », les termes d'« avantages éventuels pour la santé humaine et l'environnement ».
Monsieur le président, l'Assemblée ne s'est pas prononcé sur le sous-amendement proposé par M. Peiro.
Je n'ai pas reçu de sous-amendement écrit et le délai est expiré.
Au reste, le changement proposé modifierait complètement le texte, et c'est donc un amendement qu'il faudrait déposer.
Je mets aux voix l'amendement n° 225 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 484 .
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement, qui me semble mineur.
Cet amendement est loin d'être mineur, comme vous semblez le penser, monsieur le président.
En effet, cet amendement, majeur, précise que l'avis rendu par le Haut conseil doit faire état des positions divergentes exprimées. Nous avons déjà amplement discuté de ce sujet, et il a fait l'objet d'amendements à d'autres endroits du texte, mais qui n'ont pas été retenus. C'est pourquoi je suis convaincu que cet amendement devrait satisfaire l'ensemble des députés, de l'opposition comme de la majorité.
Avis très favorable. La commission avait, la semaine dernière, annoncé que cet amendement serait examiné, aujourd'hui, à l'article 2, pour justifier son refus d'une proposition analogue. Ce rajout me paraît tout à fait essentiel.
Mes chers collègues, compte tenu des circonstances qui ont été évoquées en début de séance, je suspends la séance pour une demi-heure.
Article 2
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à dix-sept heures.)
La séance est reprise.
Nous en revenons à l'amendement n° 484 , qui a déjà été présenté par son auteur et auquel le Gouvernement est favorable.
La parole est à M. Germinal Peiro.
Nous avons, comme d'autres groupes, demandé à plusieurs reprises qu'il soit fait état des positions divergentes exprimées au sein du Haut conseil, afin que l'information sur ses avis soit complète. Le groupe socialiste, radical et citoyen votera donc cet amendement.
À l'unanimité ou presque !
Je suis saisi d'un amendement n° 468 rectifié .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
En commission, nous avons longuement discuté de la façon de faire travailler ensemble le plus intelligemment possible les deux comités du Haut conseil des biotechnologies. La rédaction retenue dans cet amendement permettra de satisfaire l'attente très forte qui s'est exprimée à ce sujet.
Je souhaiterais que M. le président de la commission nous apporte quelques précisions sur ce point.
La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
Comme le souhaitent le rapporteur et le ministre, les modalités de fonctionnement du Haut conseil doivent être claires et parfaitement cohérentes. Dès lors que nous proposons la tenue de réunions plénières – on ne peut pas imaginer que le comité scientifique et le comité de la société civile se croiseraient dans un couloir sans jamais se parler –, celles-ci doivent rendre des conclusions. Voilà pourquoi je propose de rectifier l'amendement en ajoutant, après les mots « de l'article L. 531-3. », la phrase suivante : « À l'issue de cette séance plénière, il rend ses conclusions à l'autorité administrative. »
L'amendement prévoit que le Haut conseil des biotechnologies se réunit en séance plénière à la demande de son président. Je crois que la réintroduction formelle de la séance plénière, même si je considère que cela allait de soi, est de bon ton, car elle permet de bien comprendre le fonctionnement du Haut conseil.
Par ailleurs, la rectification que vient de proposer M. Ollier permet indiscutablement d'améliorer la bonne compréhension du dispositif et de comprendre que nous sommes vraiment là dans un système démocratique.
Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l'alinéa 58, alinéa 1, de notre règlement.
Je souhaiterais que, tant le député lambda que le président de la commission, aient le même traitement. Certes, je vous sais gré d'avoir donné droit au président de la commission de soumettre une disposition, d'autant qu'elle ne pose pas de problème sur le fond, mais je note que, tout à l'heure vous n'avez pas souhaité retenir notre proposition de rectification. Aussi, je souhaiterais que, dans la suite de nos travaux, la même règle vaille pour chacun de nous, qu'il soit président de commission ou non.
Monsieur le Brottes, tout à l'heure il s'agissait d'un contre-amendement,…
…tandis que, dans le cas présent, il s'agit de rectifier un amendement.
Pour éclairer nos débats, je vais donner lecture de la rectification proposée par M. Ollier. Dans l'amendement n° 468 rectifié , il s'agit d'ajouter, après les mots : « de l'article L. 531-3. », la phrase suivante : « À l'issue de cette séance plénière, il rend ses conclusions à l'autorité administrative. »
Cet amendement devient donc l'amendement n° 468 , deuxième rectification.
La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.
Monsieur le président, si je suis d'accord sur le fond, il ne faut pas oublier que l'article 2 prévoit déjà que « Le président du Haut conseil des biotechnologies transmet l'avis du Haut conseil, composé de celui du comité scientifique et des recommandations du comité de la société civile, à l'autorité administrative. »
Jeudi dernier, j'avais indiqué qu'il s'agissait non d'une « séance » plénière mais d'une « session » plénière. Or, l'amendement fait état d'une séance plénière. Par ailleurs, on ne parle pas d'avis commun des deux collèges, on se contente d'évoquer une réunion où serait évoquée toute question de portée générale.
M. Le Déaut a parfaitement raison de rappeler les dispositions prévues à l'alinéa 15 de l'article 2. L'Assemblée vient de voter l'amendement n° 33 rectifié qui précise que : « L'avis du Haut conseil des biotechnologies, qui est composé de l'avis du comité scientifique et des recommandations du comité économique, éthique et social, est remis à l'autorité administrative par son président. » À cet avis s'ajoutent désormais des conclusions de la réunion plénière. Voilà qui m'apparaît bien compliqué. Il aurait été plus simple de préciser que l'avis du Haut conseil des biotechnologies est issu de la séance plénière.
Je mets aux voix l'amendement n° 468 , deuxième rectification.
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi de 3 amendements, nos 105 , 218 rectifié et 389 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 105 et 218 rectifié sont identiques.
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l'amendement n° 105 .
Je retire cet amendement, le rapporteur nous ayant expliqué que la disposition que je propose relève du règlement intérieur du Haut conseil.
L'amendement n° 105 est retiré.
La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l'amendement n° 218 rectifié .
Bien entendu, on peut toujours ergoter pour savoir ce qui doit être dans la loi et ce qui est réservé au règlement intérieur du Haut conseil. Nous avons voté des amendements qui rendent plus clair, plus précis et plus cohérent le fonctionnement du Haut conseil.
Pour ma part, je propose que les représentants du comité de la société civile que sont les philosophes, les sociologues, les associatifs et les syndicats par exemple, puissent assister aux réunions du comité scientifique et réciproquement car il serait curieux que les deux comités ne se trouvent réunis qu'en séance plénière pour comparer leurs avis respectifs.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 389 .
En commission, il avait été proposé que la totalité des membres d'un comité puissent assister à la réunion de l'autre comité, et réciproquement. Comme cette disposition n'a pas été retenue, j'ai proposé un amendement de repli par lequel seuls les présidents des deux comités peuvent assister aux réunions de chacun des comités.
La commission a émis un avis défavorable car ces dispositions relèvent du règlement intérieur du Haut conseil des biotechnologies. Il serait inopportun de préciser davantage dans la loi le fonctionnement interne de ce Haut conseil.
Les débats parlementaires, qui sont préparatoires à l'élaboration du règlement intérieur, servent à éclairer les dispositions ultérieures. Il nous paraît souhaitable qu'il y ait des capacités de confrontation, de travail en commun, sous une forme que le règlement intérieur doit préciser, comme cela a été fait dans de nombreux autres organismes composés de deux collèges.
Monsieur le ministre, nous avons déjà voté une disposition qui prévoit qu'un député ou un sénateur peut être porteur de questions posées par un citoyen, quel qu'il soit. Sera-t-il bien fait état, en séance plénière, des interpellations portées par les parlementaires ?
Monsieur le député, je voudrais être sûr d'avoir compris votre question.
J'aimerais savoir s'il sera fait état, en séance plénière, des différentes saisines.
J'imagine que l'origine de la saisine sera notifiée dans le compte rendu et identifiée à chaque fois. N'ayant pas bien compris la pertinence de la question, je préciserai ma réponse au cours de la navette.
Monsieur le ministre, je vais essayer d'être plus précis. Certaines saisines auront été faites par un député ou un sénateur, lui-même étant porteur, après son analyse du sujet, d'une saisine faite par un citoyen, lequel ne peut pas saisir directement l'instance. Sera-t-il possible qu'il soit fait état en séance plénière de ces différentes saisines ?
Je suis navré de ne pas pouvoir mieux vous répondre. Dans toute autorité, on identifie la saisine. Par contre, il n'est pas dans les habitudes qu'on la commente.
Je mets aux voix l'amendement n° 218 rectifié .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 403 .
La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour le soutenir.
Le Sénat a commencé à améliorer la rédaction de l'article L. 531-4-1 en indiquant quelle sera la composition du Haut conseil des biotechnologies. Nous avions déploré que la commission du génie biomoléculaire ne soit pas pluridisciplinaire, ce qui n'est pas le cas ici.
Néanmoins, si l'on regarde comment était composé le comité de préfiguration de la Haute autorité, on constate, d'une part, que sociologues, juristes et économistes n'avaient pas été intégrés au comité scientifique mais à celui de la société civile et, d'autre part, que des spécialités essentielles, comme la détection et la traçabilité des organismes génétiquement modifiés, n'avaient pas été retenues. Dès lors, il nous paraît important de compléter la composition du comité scientifique du Haut conseil et de préciser quelles associations sont appelées à siéger au comité économique, éthique et social.
Toutefois, si le rapporteur et le Gouvernement étaient favorables à cet amendement, je proposerais une rectification visant à garantir la représentation des associations de défense de l'environnement – qui, à cause d'une faute de frappe, n'ont pas été incluses dans cette rédaction.
Si les spécialités que je viens de citer n'étaient pas représentées au Haut conseil des biotechnologies, il n'y aurait pas de travail pluridisciplinaire. Je vous en avais d'ailleurs donné un exemple en commission : dans le comité de préfiguration – qui, certes, ne s'est réuni qu'une fois –, vous aviez également omis de faire figurer des spécialistes en allergologie, ce qui a été rappelé par plusieurs de mes collègues. Vous répondrez sans doute que tout cela est de nature réglementaire, mais on peut souhaiter davantage de précision dans l'énumération des spécialités représentées au Haut conseil des biotechnologies.
La commission a émis un avis défavorable. On ne peut pas être exhaustif.
D'autre part, le Haut conseil des biotechnologies pourra solliciter l'autorité administrative pour se doter des compétences nécessaires – celles-ci pouvant, nous en sommes tous conscients, évoluer du fait de la complexification des dossiers.
Même avis.
Monsieur Le Déaut, vous avez fait amende honorable, mais il est vrai que vous auriez dû inclure dans votre amendement les associations de défense de l'environnement. On trouve dans votre liste toutes les disciplines scientifiques que l'on veut – encore qu'il en manque certaines, comme l'apidologie, la science des abeilles ; c'est le problème des listes positives : vous en citez cinquante, et – manque de pot ! – une cinquante-et-unième demande à y être.
Normalement, l'entomologie – qui figure dans la liste – inclut l'apidologie, monsieur Cochet.
Certes, c'est le problème des sous-disciplines.
Dans le comité économique, éthique et social, en revanche, vous oubliez de mentionner les associations écolos – alors que vous avez rectifié votre amendement qui, à l'origine, portait sur le « comité de la société civile » !
Vous citez les associations de défense des consommateurs, les usagers des instances hospitalières, les industries, les salariés des industries, les maires de France, les départements, les régions de France, mais pas les associations écolos !
Je propose donc, monsieur le président, de modifier l'amendement n° 403 comme suit : « Le comité économique, éthique et social est composé notamment de représentants d'associations de protection de la nature et de défense de l'environnement, », le reste demeurant sans changement. En êtes-vous d'accord, monsieur Le Déaut ?
On ne peut pas être d'accord avec cela ! Ce n'est pas scientifique, monsieur Le Déaut !
Monsieur le président, M. Le Déaut donne son accord à la modification de l'amendement n° 403 .
Monsieur Cochet, pouvez-vous me donner lecture de votre sous-amendement ?
Mon sous-amendement est ainsi rédigé :
« Dans le troisième alinéa de l'amendement n° 403 , après les mots : “le comité économique, éthique et social est composé notamment de représentants”, insérer les mots :“d'associations de protection de la nature et de défense de l'environnement,”. »
Ce sous-amendement, qui porte le n° 488, modifie-t-il l'avis de la commission sur l'amendement n° 403 ?
Non. Dans le texte issu du Sénat, il est dit : « le comité de société civile – qui s'appelle maintenant comité économique, éthique et social – est composé notamment de représentants d'associations », sans précisions. Il revient au Gouvernement d'être attentif, lors des nominations, à ce que tous les mouvements associatifs souhaitant s'exprimer sur les organismes génétiquement modifiés soient associés aux travaux du comité. Nous imaginons que ce sera bien le cas.
Avis défavorable.
Tout cela relève du décret ! Faisons attention, monsieur Le Déaut, à ne pas nous enfermer dans un carcan, et laissons-nous le maximum de souplesse pour obtenir les compétences et qualités requises.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 488 de M. Yves Cochet.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 226 .
La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir.
L'amendement n° 266 , complémentaire des amendements de la commission qui viennent d'être votés, propose une nouvelle rédaction de l'alinéa 16 afin d'éviter toute asymétrie, au sein du conseil, entre le comité scientifique et le comité économique, éthique et social, que ce soit en nombre de membres, en représentativité ou en dignité d'expression. On peut déjà regretter que le comité économique, éthique et social rende de simples recommandations, et non des avis ; il serait souhaitable que l'avis global du Haut conseil soit rendu en séance plénière, en présence des membres du comité économique, éthique et social.
La commission a émis un avis défavorable : nous avons déjà adopté un amendement instaurant une séance plénière.
Même avis.
Je suis saisi d'un amendement n° 390 .
La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.
Il s'agit d'un amendement tellement de bon sens que je suis presque gêné de l'expliquer ! Lui aussi va être adopté !
On ne pourra pas donner mon nom à tous les amendements que je fais adopter ! Il faudra mettre des numéros – ou des prénoms, mais je n'en ai que deux… (Rires.)
Le comité scientifique étant, dans la rédaction actuelle du texte, composé de personnalités désignées par leurs pairs, je crains que cette forme de cooptation ne favorise la pensée unique. Afin de garantir le pluralisme des avis et éviter que les idées dominantes du moment ne l'emportent, il conviendrait d'instaurer un appel à candidatures.
En commission, j'avais – suivant mon éthique personnelle – proposé que l'appel à candidatures se fasse uniquement auprès des organismes publics de recherche. Tout le monde évoluant, j'ai ajouté le mot « notamment » pour que cet appel se fasse « notamment auprès des organismes publics de recherche ». C'est un amendement de bon sens, qui ne devrait pas poser de problème.
La commission avait repoussé cet amendement, mais c'était dans sa première version, sans « notamment ». Il nous paraissait dommageable de réserver les appels à candidatures aux seuls chercheurs issus des organismes publics. Car soyons réalistes : le meilleur spécialiste d'un sujet donné peut, à un moment donné de sa carrière, travailler ailleurs que dans un organisme public de recherche.
Il fallait prévoir cette possibilité. L'ajout de « notamment » peut faire évoluer notre avis. Nous nous en remettons à celui du Gouvernement.
Aucun problème !
Je suis de l'avis de la commission. L'adverbe « notamment » sauve tout. Les membres du Haut conseil n'appartiennent pas nécessairement à des organismes de recherche, ils peuvent aussi venir de l'université ou du privé.
Qu'il y ait un appel à candidatures me semble bien. Et le « notamment » est très bien !
Je suis saisi d'un amendement n° 388 .
La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.
Même avis.
Je suis saisi d'un amendement n° 392 .
La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.
Je mets aux voix l'amendement n° 392 , qui fait l'objet d'un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 208 .
La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir.
L'alinéa 16 mentionne le « génie génétique », ce qui est un peu restrictif : le génie génétique n'est qu'une sous-discipline de la génétique. Plutôt que « génie génétique », je propose donc les mots : « à l'ensemble des disciplines touchant à la génétique », ce qui permet d'inclure la génétique quantitative, la génétique des populations, les approches épigénétiques et autres. Et, pour faire – au risque de paraître pédant – une remarque épistémologique, il ne faut pas oublier non plus la systémique : une vision quelque peu réductrice de la science peut laisser accroire qu'une analyse menée à un niveau donné permettrait de prévoir ce qui va se passer au niveau supérieur. Ce qui est faux ! À la grande époque de la biologie moléculaire, on affirmait même que le code génétique était comme un programme informatique, et qu'on allait pouvoir expliquer vos pensées… Cela est évidemment totalement faux, parce qu'on constate, aux niveaux supérieurs d'organisation du vivant, l'émergence de propriétés nouvelles qu'on ne peut pas analyser si l'on s'en tient aux niveaux inférieurs. Est-ce que vous me suivez ? (« Oui ! » sur plusieurs bancs.)
C'est pourquoi il ne s'agit pas seulement d'évoquer, dans une approche scientiste, le seul génie génétique, ce qui serait réducteur. Il convient au contraire de nous inspirer de la méthode d'Edgar Morin, en adoptant une démarche globale ou systémique. C'est la raison pour laquelle, je le répète, je propose de substituer aux mots « au génie » génétique les mots « à l'ensemble des disciplines touchant à la » génétique.
Défavorable.
Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche s'associera à l'amendement n° 208 de M. Cochet qui vise à élargir la portée de la rédaction de cet alinéa.
Les arguments de M. Yves Cochet sont d'une grande clarté : je me contenterai d'ajouter que cet amendement devrait faire l'objet d'un consensus car il permet, en embrassant l'ensemble des disciplines qui sont liées à la génétique et aux biotechnologies, de sortir du cadre dans lequel on a voulu enfermer le projet de loi, qui ne fait appel qu'à une seule discipline. Cet amendement est donc très important.
Je suis saisi d'un amendement n° 264 .
La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir.
Cet amendement vise lui aussi à accroître les compétences du Haut conseil en élargissant le spectre des sujets qu'il pourra examiner. Certes, l'alinéa 16 évoque déjà les « sciences appliquées à l'environnement » : on pourrait prétendre qu'il s'agit-là d'une définition très large et qu'en allongeant la liste on risquerait, finalement, de restreindre sa portée. Mais qu'en sera-t-il, par exemple, de l'apidologie – la science des abeilles ? L'agriculture la recouvre-t-elle ? Non, car les apiculteurs ne sont pas tout à fait des agriculteurs. L'apidologie est une discipline très importante non seulement pour les apiculteurs, les abeilles et la production de miel, mais également pour l'ensemble de l'agriculture. Sans abeilles, en effet, il n'y a plus d'agriculture possible ! C'est la raison pour laquelle cet amendement vise, après le mot « environnement », à insérer les mots : « notamment l'entomologie, l'apidologie, l'écologie, la microbiologie et la chimie des sols. »
Même avis.
L'objectif étant, là encore, de permettre au Haut conseil de rendre des points de vue toujours plus différenciés, il convient de ne pas oublier d'y associer des personnalités relevant de disciplines qui, a priori, n'ont aucun rapport avec les OGM. Ne vient-on pas de rappeler que le nom du second comité n'est plus « de la société civile » mais contient désormais le mot « éthique » ? C'est la raison pour laquelle, me semble-t-il, il faut mentionner la philosophie après l'économie. En effet, la question fondamentale que pose le projet de loi est de savoir si le législateur et le Gouvernement français ont le droit de faire adopter une loi qui induira dans la nature, c'est-à-dire dans les écosystèmes et dans l'alimentation, des phénomènes intrinsèquement irréversibles pour l'environnement et pour notre santé. Une telle interrogation fait appel aux plus grandes valeurs de la philosophie et à celles de la civilisation française et européenne. Le Président de la République lui-même n'appelait-il pas récemment de ses voeux une « politique de civilisation », reprenant au philosophe Edgar Morin le titre d'un ses livres, dont je vous recommande du reste la lecture ? Je pourrais également évoquer un autre philosophe, M. Dominique Bourg, que connaît bien Mme Filippetti. M. Dominique Bourg a été vice-président du groupe de travail « modes de développement écologique » au Grenelle de l'environnement. Il est philosophe. Depuis 2006, il est professeur à l'université de Lausanne. Il est directeur de l'Institut des politiques territoriales et de l'environnement humain et ses domaines de recherches couvrent l'éthique du développement durable, la construction sociale des risques, le principe de précaution et l'économie de la fonctionnalité. Il est, par ailleurs, membre du Conseil national du développement durable, qui dépend du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Il a évidemment écrit différents ouvrages, dont Risques technologiques et débat démocratique, publié à La documentation française en décembre 2007. Il s'agit d'un véritable philosophe qui aurait sa place au sein du Haut conseil : il faudrait donc que la loi permette à de telles personnalités d'y entrer – j'en ai cité une de connue parmi d'autres. C'est la raison pour laquelle, je le répète, afin d'élargir le champ thématique du Haut conseil, l'amendement n° 227 vise à insérer les mots « à la philosophie » après le mot : « économie ».
La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l'amendement n° 245 .
Nous sommes ici pour parler de science, plus particulièrement d'épistémologie, qui est une discipline philosophique. Or, en matière sociétale, le niveau de risque qu'une société est prête à accepter, à un moment donné de son histoire et selon un état donné des connaissances, est, me semble-t-il, une décision collective qui relève de la philosophie. Il suffit d'évoquer la figure de Gaston Bachelard, qui est sans aucun doute celui qui a fait le plus avancer la philosophie des sciences et la perception que la société a de la science en expliquant, voire en prouvant, que la science ne progresse pas seulement de manière linéaire mais également en surmontant ses propres erreurs, par à-coups, en avançant et en reculant. Nous sommes, avec les OGM, exactement dans ce cas de figure. Tout progrès technique n'est pas nécessairement bon à prendre du fait que tout possible n'est pas nécessairement souhaitable : or, un tel débat relève du domaine de la philosophie.
Défavorable.
Nous avons eu en commission des discussions sur le sujet, allant même jusqu'à évoquer la théologie, qui, pour beaucoup, appartient au champ de la philosophie.
Il est vrai que ces questions sont intéressantes : du reste, Noël Mamère et moi-même pourrions également citer René Girard.
Toutefois, c'est au moment des nominations que ce sujet devra être pris en considération par le Gouvernement.
Défavorable.
On peut évidemment faire une liste de personnalités de grande qualité : Dominique Bourg en est une, d'autant qu'il est également professeur en analyse des risques environnementaux. Il entre donc parfaitement dans le cadre du « notamment » de l'alinéa 16, mais même indépendamment de cette spécialité, il a, dans mon esprit, sa place au sein du Haut conseil, ne serait-ce qu'en raison de ses travaux sur l'économie de la fonctionnalité.
L'établissement d'une liste pose toujours le même problème : où la commence-t-on ? où l'arrête-t-on ? Le langage, en tant que producteur du concept, n'est-il pas la matrice de la réflexion ? Ne faudrait-il pas dans ces conditions ajouter également la linguistique ? On ne s'en sortirait pas ! L'objectif du « notamment », c'est que précisément les sciences de la matière, dites « dures », qui couvrent le champ le plus connu, ne soient pas les seules représentées au sein du Haut conseil, mais que celui-ci soit le lieu d'une vraie interdisciplinarité. Nous partageons sincèrement, je crois, ce même souci.
Je pense qu'il s'agit d'un amendement très important parce que le législateur doit accepter d'être éclairé par ceux qui réfléchissent sur la société, notamment sur les conséquences, pour l'ensemble de celle-ci, des innovations techniques et scientifiques, quels qu'en soient les secteurs. Mme Filippetti a évoqué la figure de Gaston Bachelard : nous pourrions également évoquer celle, prémonitoire, du philosophe Jacques Ellul, qui fut très en avance sur son temps. Mal connu en France, il fut en revanche très vite traduit aux États-Unis grâce à Aldous Huxley. Or, dans son livre fondateur de 1953, La technique ou l'enjeu du siècle, il nous a appris que le progrès technique n'entraîne pas nécessairement le progrès humain et qu'il peut même se retourner contre celui-ci si la technique n'est pas contrôlée démocratiquement. Nous sommes aujourd'hui au coeur de l'interrogation d'Ellul, comme au coeur de celle de Hans Jonas dans Le Principe responsabilité. En France, des philosophes contemporains se posent aujourd'hui des questions dans la lignée de Bachelard, d'Ellul ou de Jonas, et nous avons besoin de recourir à leurs réflexions pour nous éclairer sur les conséquences du progrès technique. En effet, si nous nous battons avec autant d'opiniâtreté sur, ou plutôt, contre ce projet de loi, c'est bien parce que nous considérons qu'il fait la part belle à ceux qui veulent décider à la place de la société, c'est-à-dire les semenciers. Se poser la double question du risque et du bénéfice que peut apporter une innovation scientifique est donc nécessaire : les OGM, notamment ceux qui seront utilisés pour l'agriculture et la consommation, bénéficieront-ils à l'humanité ou existent-ils plus de risques à y recourir que d'inconvénients à appliquer le principe de précaution ? Se pose également la question de la nécessité sociale et de la nécessité du marché : il n'est pas besoin d'être philosophe pour s'apercevoir très vite que le texte qui nous est soumis correspond plus à la nécessité du marché qu'à la nécessité sociale. Voilà pourquoi il me semble important d'adopter ces amendements identiques qui visent à faire participer des philosophes à cette réflexion.
Je tiens, dans la même veine, à souligner que ces deux amendements identiques visent véritablement à donner du sens non seulement à l'action du législateur mais également à celle du comité scientifique et à ses avis. En effet, à quoi sert la science si on ne lui donne pas du sens ? Si on regarde les deux ou trois millénaires passés, on comprend ce qu'a été l'apport de la philosophie dans l'évolution de l'humanité. Dans la mesure où la philosophie est une science, les philosophes devraient sinon avoir une part sinon prépondérante, du moins se trouver aux côtés des scientifiques. Se priver de leurs interrogations, de leur pensée, c'est-à-dire de leur éclairage, serait une erreur. Pour en revenir plus précisément aux OGM, nos interrogations et nos calculs en la matière ont pour seul objectif de déterminer ce qu'ils sont susceptibles d'apporter aujourd'hui à l'humanité. Les biotechnologies lui apporteront évidemment un jour quelque chose, mais aujourd'hui, sur le sujet précis des OGM, si nos interrogations sont aussi nombreuses, c'est que nous sentons bien que leur apport ne va pas nécessairement dans le sens du progrès. Est-ce un progrès, par exemple, de faire des semences du monde entier la possession de quelques multinationales ? Je ne le crois pas. Les paysans d'Amérique du Sud se font ainsi pirater les semences qu'ils utilisent depuis des siècles et se retrouvent dans l'obligation de les acheter ou, ce qui revient au même, de payer des royalties aux multinationales !
Les philosophes peuvent, me semble-t-il, nous aider à définir le champ de nos interrogations. Jusqu'où, de même, ira-t-on dans les manipulations génétiques, non seulement dans le domaine végétal, mais également dans le domaine animal ? On peut, là encore, s'interroger. On parle aujourd'hui de saumons qui seraient cinq fois plus gros que la normale. Un jour produira-t-on des vaches aussi grosses que des éléphants ? Je le répète : nous avons le droit de nous interroger. C'est pourquoi, sans revenir à la célèbre maxime de Rabelais, « science sans conscience n'est que ruine de l'âme », il convient toutefois de garder à l'esprit que tout progrès scientifique n'est valable que s'il est associé à un progrès humain, sans quoi il perd tout son sens. Or ce sont aux philosophes sinon d'apporter les réponses, du moins de poser les questions nous permettant de faire des choix qui ont du sens.
Je suis saisi d'un amendement n° 126 .
La parole est à M. François Grosdidier, pour le soutenir.
Je serai bref, de peur de tenir des propos redondants : je me retrouve en effet dans la plupart des arguments développés par les précédents orateurs. Il est évident que la lumière de la philosophie doit éclairer l'avis que le comité scientifique rendra auprès des pouvoirs publics, même si je préfère au mot « philosophie », qui me paraît un peu large, ceux, plus délimités, d'« éthique » et d'« épistémologie ».
Cantonner le débat de société au seul comité économique, social et éthique ne me semble pas pertinent. D'abord, ce comité ne peut qu'émettre des recommandations et non des avis. Ensuite, on risque de se priver de l'éclairage des personnalités les plus éminentes en limitant la réflexion philosophique aux représentants du monde économique, du monde de l'environnement et aux associations de consommateurs. Autrement dit, on priverait le Haut conseil de contributions fondamentales pourtant indispensables pour éclairer le Gouvernement.
C'est pourquoi je propose cet amendement qui élargit la liste des compétences reconnues des membres du comité scientifique, compétences qui méritaient peut-être d'être précisées, d'où l'ajout de l'éthique et de l'épistémologie.
La commission a repoussé cet amendement. Le terme « notamment » qui figure à l'alinéa 16, comme à l'alinéa 17, permet de faire évoluer la composition dans le sens souhaité par M. Grosdidier au fur et à mesure des besoins, étant entendu que les questions d'éthique, a priori, devraient plutôt être traitées par le deuxième comité.
Même avis.
Je soutiens, naturellement, l'amendement défendu par notre collègue Grosdidier. En effet, dans le cadre de la présente discussion, nous devons réfléchir sur un sujet très important : le brevetage du vivant. N'y a-t-il pas une sorte d'équivoque philosophique à ce que de grandes entreprises, qu'elles soient françaises, américaines ou autres, puissent breveter des gènes qu'elles ont identifiés mais non inventés ? Comment, en outre, peut-on s'adosser sur le brevetage du vivant pour commencer à mettre la main sur l'ensemble de l'agriculture mondiale et donc remettre en cause ce que l'on appelle la souveraineté alimentaire, et rendre dépendants les paysans des pays riches aussi bien que ceux des pays pauvres ?
La question du brevetage du vivant est une question philosophique essentielle. Les gènes ne peuvent-ils pas être considérés comme un bien commun et, à ce titre, exclus du brevetage et de la propriété ? Les gènes n'appartiennent à personne sinon à l'humanité, et chaque être est à la fois, pour reprendre un lieu commun, pluriel et singulier. Nous sommes donc confrontés à une vraie interrogation philosophique sur la question du brevetage.
Je pense, en effet, qu'au sein d'un tel comité, nous devons nous interroger sur le brevetage et ses limites, et sur la façon de mettre un coup d'arrêt à cette « OPA » sur le vivant, déjà bien entamée et depuis longtemps.
Je souhaite à cet égard signaler, monsieur le président, ce qui se passe dans certains pays du Sud où l'on assiste à ce qu'on appelle des actes de « biopiraterie ». Dans les forêts, notamment du Brésil ou de l'Amazonie, de grandes entreprises se rendent propriétaires de plantes médicinales que les Indiens utilisent depuis des dizaines, voire des centaines d'années. Ces entreprises « piratent » donc ces plantes en déposant un brevet, en en devenant propriétaires et en allant jusqu'à demander aux populations indiennes de leur payer une rétribution, une redevance ! A-t-on le droit d'inverser ainsi le cours des choses ? La réponse est non !
Derrière la question du brevetage du vivant, se pose donc celle des droits de l'homme, des inégalités et celle de l'OPA sur les humains.
Je suis saisi d'un amendement n° 393 .
J'informe l'Assemblée que, sur le vote de cet amendement, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.
Je tiens à préciser que cet amendement a été rédigé par Jean-Pierre Brard.
En l'absence de Jean-Pierre Brard, qui espérait pouvoir être parmi nous, je vais lire le texte qu'il a préparé :
« Le comité scientifique du Haut conseil des biotechnologies est appelé à jouer un rôle très important dans la protection contre les risques et les dangers que peuvent présenter les OGM.
« D'une manière plus générale, le rôle des scientifiques est situé par l'énoncé du principe de précaution dans l'article 5 de la Charte de l'environnement puisque ce texte se fonde, pour la mise en oeuvre de ce principe, sur l'état des connaissances scientifiques, état qui est cristallisé à un moment de la réflexion collective par les scientifiques concernés.
« Dans le domaine des OGM, l'activité de grandes sociétés multinationales est devenue un facteur dominant et, même si nous pouvons la regretter, force est de constater cette réalité. Corollairement à cette situation économique prépondérante, ces multinationales jouissent logiquement d'une position extrêmement forte dans le secteur de la recherche scientifique.
« Dans ces conditions, il est nécessaire de prendre toutes les garanties quant à l'indépendance des scientifiques appelés à siéger dans des organismes publics et officiels détenant un pouvoir d'expertise et de décision. C'est pourquoi, au-delà du choix des membres du comité scientifique du Haut conseil “en raison de leurs compétences scientifiques et techniques reconnues par leurs pairs”, ce qui est totalement justifié, il nous paraît indispensable que la société puisse s'assurer de l'indépendance intellectuelle et financière de ces scientifiques, et cela pour obtenir des avis qui ne soient pas influencés par des considérations économiques.
« Nous proposons donc, par cet amendement, que ses membres attestent sur l'honneur n'avoir pas eu, durant les cinq années précédant leur nomination, de relations professionnelles ou financières avec une structure économique privée ayant des intérêts dans le domaine des OGM. »
Cet amendement a été repoussé par la commission. Nous avons déjà adopté un amendement défendu par M. Chassaigne prévoyant les appels à candidatures. Il est bien évident que l'indépendance des candidats qui seront retenus constituera un critère important. C'est pourquoi, comme c'est le cas de l'ensemble des agences d'expertise, un code de déontologie veillera à cette parfaite indépendance.
La rédaction de l'amendement pose également d'autres difficultés. Vous avez évoqué, dans le texte que vous avez lu, monsieur Chassaigne, les organismes privés producteurs, commercialisateurs ou utilisateurs d'organismes génétiquement modifiés. Cette expression est, j'imagine, synonyme de multinationales. Mais qu'est-ce qu'un organisme privé ? Cela peut-être une petite start-up, une entreprise qui se situe à la charnière entre la recherche universitaire et les premiers niveaux d'application. Nous discuterons d'ailleurs des jeunes entreprises innovantes et des jeunes entreprises universitaires pour essayer de favoriser leur développement.
Tel qu'il est rédigé, l'amendement nous priverait de toute possibilité de voir siéger au sein du Haut conseil des biotechnologies un chercheur qui, à un moment donné ou à un autre de sa carrière, aurait transité par une entreprise privée, voire aurait été le fondateur d'une entreprise privée travaillant dans le secteur des biotechnologies. C'est une raison supplémentaire pour vous proposer de retirer cet amendement. À défaut, la commission demande son rejet.
La question de l'indépendance fait l'objet d'autres amendements proposés notamment par François Grosdidier, tous dans la même veine.
L'indépendance des membres du comité est un sujet crucial. Or une telle indépendance ne réside pas dans l'interdiction de siéger au sein du comité pendant une durée donnée – forme d'interdiction de compétences –, mais dans la déclaration d'intérêt public. Les termes « règles de déontologie » ainsi que le règlement intérieur qui sera rédigé par nos soins impliquent que chaque expert rédige sa déclaration d'intérêt public, c'est-à-dire fasse état de tout lien scientifique, pécuniaire, de recherche, ou d'équipe avec tout opérateur traitant des OGM.
Se priver a priori de talents et de science ne paraît pas raisonnable si l'on souhaite un haut niveau de compétences. En revanche, la déclaration d'intérêt public, parce qu'il peut exister des situations conflictuelles de bonne foi, me paraît indispensable. Le Gouvernement, favorable à la déclaration d'intérêt public, ne soutient donc pas cet amendement.
Nous entendons bien les arguments invoqués par M. le ministre, mais ils ne parviennent pas à nous convaincre. On compte aujourd'hui trop d'exemples de personnalités qui ont pu travailler dans des ministères ou dans des organismes publics pour ensuite aller « pantoufler » dans des sociétés privées, au mépris de conflits d'intérêts manifestes. Ce phénomène fonctionne aussi dans l'autre sens, comme notre collègue Yves Cochet l'a évoqué la semaine dernière, citant le cas d'une personnalité siégeant à la commission du génie biomolléculaire, c'est-à-dire en étant dans une situation de total conflit d'intérêts avec ses activités passées.
Il nous semble par conséquent du ressort du législateur de fixer un cadre. Celui proposé, d'une durée de cinq ans, nous paraît tout à fait adapté. Il n'empêchera pas un certain nombre de personnalités de siéger au sein de ce Haut conseil et constituera une garantie supplémentaire d'indépendance et donc d'absence de tout conflit d'intérêts.
Cette disposition semble d'autant plus indispensable que vous n'ignorez pas les querelles qui sont faites à ce projet, les soupçons qui pèsent sur la composition du Haut conseil. Acceptez cet amendement – pour lequel nous avons demandé un scrutin public – pour bien montrer que la représentation nationale est très attachée à l'indépendance des membres du comité scientifique et donc du Haut conseil.
Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche a déposé des amendements allant dans le même sens. Bien entendu, nous voterons l'amendement déposé par notre collègue Brard. En effet, comme l'a d'ailleurs souligné M. le ministre, l'indépendance du comité scientifique est essentielle.
On sait bien à quel point le fait d'être lié à telle ou telle entreprise peut, sans faire injure à personne, semer le soupçon sur un avis ou une décision. On sait bien qu'on peut légitimement se poser quelques questions quand ceux qui publient les résultats de leurs recherches sont les mêmes qui commercialisent un produit issu des dites recherches
Nous pouvons donc tous nous accorder pour que les membres du comité scientifique travaillent en toute indépendance.
Je suis pour ma part plutôt contre cet amendement. Nous ne devons pas, en effet, nous ériger en Saint-Just de l'indépendance scientifique. Un scientifique trop indépendant, c'est souvent un scientifique qui ne publie jamais et n'est pas reconnu par ses pairs. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Nous parlions des philosophes de la science. Je pense qu'il serait utile que des philosophes de la science viennent nous expliquer également quels reculs nous devons parfois avoir par rapport à certaines déclarations de scientifiques si indépendants qu'ils ne sont reconnus par personne. (« Très juste ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je préfère encore les Saint-Just de l'indépendance à votre conception !
La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques.
Je suis défavorable à cet amendement mais je souhaite que nous nous mettions bien d'accord : la majorité est favorable à l'indépendance et à l'intégrité des membres du comité. Bien sûr, dans le cadre du code de déontologie dont a parlé le ministre, nous pourrons organiser cette indépendance. N'ayons aucune inquiétude à ce sujet. Aussi, que personne ne donne de leçons à personne.
Je souhaite interroger les rédacteurs de l'amendement sur un point. Par exemple, un chercheur des plus intègres, indépendant, se retrouve en conflit avec le laboratoire privé au sein duquel il travaille. Il se fait licencier pour cause, justement, d'indépendance et de défense de valeurs auxquelles il croit. Eh bien, il ne pourrait pas devenir membre du comité au prétexte qu'il aurait eu un lien financier avec ce laboratoire.
Cela signifie que vous condamnez par avance des gens qui, justement, ont fait preuve d'une grande indépendance, d'une grande liberté et d'une grande intégrité au prétexte qu'ils auraient eu un lien financier avec tel organisme.
Il convient donc de faire attention à ce que l'on écrit dans la loi. Un amendement, s'il est adopté, aura systématiquement des conséquences pratiques. Comme notre tâche consiste à entrer dans le détail de la loi, nous devons, j'insiste, rester attentifs à la rédaction des amendements.
Ne serait-ce que pour cette seule raison, je voterai contre. Je préfère me rendre à l'avis du ministre, et faire confiance au code de déontologie.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'amendement n° 393 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 67
Nombre de suffrages exprimés 67
Majorité absolue 34
Pour l'adoption 26
Contre 41
L'amendement n° 393 est rejeté.
Je suis saisi de deux amendements, nos 35 et 394 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 35 .
Il s'agit d'un amendement de précision. Les nominations s'effectueront en puisant dans le vivier des associations visées au 1° de l'article L. 531-3 du code de l'environnement, lesquelles associations sont par ailleurs habilitées à saisir le Haut conseil des biotechnologies. Rappelons qu'elles ont fortement contribué à la réussite du Grenelle de l'environnement.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 394 .
Cet amendement n'est pas en contradiction avec celui que vient de défendre le rapporteur. Mais il précise le texte, comme nous avons d'ailleurs proposé de le faire à plusieurs reprises dans la discussion de ce projet de loi.
En l'occurrence, la précision que nous proposons a une valeur assez symbolique : il s'agit d'affirmer que les représentants d'associations de défense des consommateurs et de protection de l'environnement doivent être présents au sein du comité économique, éthique et social. La loi doit le préciser, cela me semble évident. À ce propos, monsieur le rapporteur, il aurait été utile de donner lecture de l'ensemble des associations visées au 1° de l'article L. 531-3, pour bien défendre votre amendement.
La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 265 .
L'alinéa 17 de l'article 2 prévoit que le comité économique, éthique et social est composé notamment de « représentants d'organisations professionnelles ». Or, nous savons tous que dans le monde agricole, les positions diffèrent selon qu'on utilise ou non des plantes génétiquement modifiées.
Notre amendement propose de prévoir que les représentants de « l'ensemble des syndicats agricoles à vocation générale » peuvent être membres du comité, ainsi que des représentants de catégories particulières, dont les apiculteurs.
Mon collègue Yves Cochet explique depuis tout à l'heure combien il est important d'associer en tant que tels les représentants des apiculteurs à ces questions : on sait qu'un énorme doute demeure quant aux conséquences des OGM sur les abeilles. On ne peut pas ne pas prendre de précaution, ne serait-ce qu'en vertu du principe du même nom… Force est de constater une mortalité accrue des abeilles, et le phénomène n'est d'ailleurs pas propre à la France : la mortalité des abeilles est également très élevée aux États-Unis, l'un des pays dont le taux de plantes génétiquement modifiées en culture est le plus fort.
Le problème des abeilles intéresse au premier chef les apiculteurs, mais il va bien au-delà. Car tout ce qui a déjà été dit montre que c'est un bon indicateur de la qualité de vie sur Terre.
Le monde agricole comprend également des agriculteurs qui, de par les choix qu'ils ont faits, ne veulent pas vendre des produits contenant des OGM au sens qui a été imposé par ce texte de loi, c'est-à-dire des produits contenant plus de 0,9 % d'OGM. Il s'agit des producteurs de l'agriculture biologique, ou de ceux dont les produits sont sous signe de qualité. Un amendement fameux a été adopté et devrait permettre des limitations de ce point de vue.
Il est très important que l'ensemble de ces acteurs soient associés au sein du comité. Faute de quoi, on peut craindre qu'une seule parole ne soit portée par cette instance, au risque de susciter des contestations très fortes, du fait qu'un débat entre l'ensemble des acteurs concernés n'aura pas pu avoir lieu.
Tel est le sens de notre amendement. Il évitera les situations de blocage liées à la non-représentation d'une bonne partie du monde agricole, qui est particulièrement intéressée à cette question puisqu'elle ne veut pas cultiver ni vendre des plantes génétiquement modifiées, et qui plus est soumise aux contraintes nées de ses engagements, qu'il s'agisse des AOC ou de l'agriculture biologique.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 395 .
Mon amendement est très proche de l'amendement n° 265 . Je voudrais uniquement insister sur la nécessité de préciser que « l'ensemble des syndicats agricoles à vocation générale représentatifs » participent à ce comité. Chacun le sait ici, il existe un vrai problème dans ce pays, où l'on considère que le syndicalisme agricole se réduit au syndicat majoritaire, pratiquement institutionnalisé, et souvent devenu l'unique interlocuteur des pouvoirs publics.
Si la loi ne précise pas que d'autres syndicats agricoles sont parties prenantes du comité économique, éthique et social, il me semble, au bout du compte, que nous retomberons dans ce travers, le syndicat majoritaire étant seul représenté.
J'insiste aussi sur le fait qu'il est extrêmement important vis-à-vis de l'opinion publique que le pluralisme soit garanti, que les différentes sensibilités puissent apparaître, que chacun puisse s'exprimer. Si l'on veut faire avancer les choses, il est bien évident qu'il faut tenir compte des différents avis.
La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements, qui ne diffèrent que par un pluriel et un singulier dans une partie de leur rédaction.
Le texte n'empêche rien…
Il prévoit que le comité économique, éthique et social est composé « notamment de représentants d'organisations professionnelles », tout comme il précise qu'il est composé « notamment de représentants d'associations ». Il convient de ne pas être plus restrictif que le texte de loi.
Il convient également – toujours dans l'esprit du Grenelle de l'environnement, qui a justement été l'occasion de rassembler l'ensemble des sensibilités autour de la table – de permettre au décret de nomination des membres de ce comité d'élargir sa composition autant qu'il est nécessaire afin qu'il ait une bonne vision des grands dossiers, notamment de ceux que vous évoquez, madame Billard.
Même avis.
Nous maintenons les deux amendements, et ce pour une raison très simple. Nous renvoyer aux décrets, qui doivent décider librement de qui participera au comité, c'est une manière de botter en touche, si vous me permettez cette expression un peu familière.
Nous pensons que des représentants des apiculteurs, des agriculteurs biologiques et des organisations syndicales autres que celle qui est l'interlocuteur habituel du Gouvernement et des pouvoirs publics doivent pouvoir être membres du comité. Et surtout, nous pensons que la loi doit le prévoir expressément, afin de ne pas laisser libre cours à une interprétation qui peut parfois ressembler à de l'arbitraire et à de l'exclusion.
De plus, répondre à l'esprit du Grenelle de l'environnement, monsieur le rapporteur, c'eût été affirmer dans la loi le droit de produire et de consommer « sans OGM », et non pas « avec ou sans OGM ». Dans la mesure où vous prenez le risque, avec cette loi, de la contamination de cultures biologiques et conventionnelles, il est normal et nécessaire que participent à ce comité les apiculteurs et les organisations agricoles rassemblant des producteurs qui risquent de voir leur label biologique, leur label de qualité ou leur AOC mis en péril par des contaminations.
Ces producteurs ont fait un autre choix et risquent d'être conduits – mais nous y reviendrons tout à l'heure, dans le cours du débat – à des dépenses somptuaires pour se protéger d'éventuelles contaminations par des OGM, dont nous savons qu'elles sont de toute façon toujours possibles, puisqu'il n'y a pas de coexistence.
Adopter notre amendement, ce serait adresser un signe à ces apiculteurs, à ces agriculteurs biologiques, à ces organisations agricoles qui sont très inquiètes du projet de loi que le Gouvernement et sa majorité vont nous imposer. Qu'au moins ils aient leur mot à dire et puissent s'occuper de ce qui les regarde !
Je voudrais abonder dans le sens de mes collègues. Notre pays a la chance d'avoir une agriculture diverse et diversifiée. Réduire la représentation des agriculteurs à ceux « d'organisations professionnelles », c'est vraiment les sous-estimer. Quoi qu'on en dise, c'est leur outil de travail qui est menacé, ce sont les premiers concernés. À ce titre, le texte devrait être un peu plus développé pour tenir compte de la réalité de leur activité.
Je voudrais m'exprimer contre ces amendements, excessivement réducteurs. En effet, vous ne ciblez que les apiculteurs, les agriculteurs biologiques, ceux dont les productions sont sous signe de qualité ou sans organismes génétiquement modifiés.
Tout d'abord, l'organisation que vous visez, appelons-la par son nom, la FNSEA – et j'informe au passage M. Mamère que j'ai été représentant du CNJA et non de la FNSEA – est aujourd'hui l'organisation la plus représentative des agriculteurs biologiques et de ceux dont les produits sont des AOC. C'est elle qui en compte le plus grand nombre. Il convient de ne pas écarter des organisations syndicales…
…qui n'auraient pas la possibilité de justifier légitimement la présence en leur sein des représentants des différents secteurs que vous évoquez dans vos amendements, mes chers collègues. Vous risquez d'aller à l'encontre de l'objectif que vous souhaitez atteindre.
Dans le cadre du Grenelle de l'environnement, vous avez vu le souci du Gouvernement d'y faire participer un éventail le plus large possible et d'entendre tout le monde. Avec cet amendement, vous êtes en train de resserrer l'éventail, et d'écarter volontairement des agriculteurs.
Mais non ! Lisez le texte de l'amendement : « l'ensemble des syndicats agricoles à vocation générale représentatifs » !
Si vous voulez me répondre, madame Billard, demandez la parole, mais ne criez pas ainsi. Nous sommes dans l'hémicycle, pas sur un marché !
Je m'amuse toujours de voir comment certains réagissent dans cet hémicycle à chaque fois que l'on parle de « l'ensemble des syndicats agricoles ». C'est assez étonnant. La semaine prochaine, notre assemblée examinera un texte modifiant le droit du travail. Imaginez que quelqu'un présente un amendement prévoyant que seul le syndicat majoritaire serait habilité à débattre au nom des salariés.
Soit dit en passant, dans un certain nombre de cas, ce syndicat serait la CGT. J'imagine l'effet qu'une telle proposition produirait dans les rangs de la majorité actuelle.
Ce qui est étonnant, c'est que, s'agissant des syndicats agricoles, chaque fois que l'on évoque la possibilité de voir intervenir d'autres syndicats que le syndicat majoritaire – des syndicats...
Le texte parle d' « organisations professionnelles », au pluriel et non au singulier ! Prenez des cours de grammaire !
…dont il n'est pas contesté, monsieur Jacob, qu'ils sont moins représentatifs, au titre des élections aux chambres d'agriculture en particulier, mais qui rassemblent entre 18 et 20 % des voix, voire un peu plus dans certaines régions –, on assiste à une levée de boucliers, une montée au créneau qui me paraît fort peu démocratique.
Lisez bien le texte de l'amendement n° 265 : il s'agit d'ajouter à la liste de ceux qui composent le comité économique, éthique et social les représentants de « l'ensemble des syndicats agricoles à vocation générale représentatifs ». Or il existe des règles de représentativité ; ce qui est étonnant, c'est qu'on ne s'y tienne pas... On ne devrait même pas être obligé de présenter un amendement pour les faire respecter.Cela devrait être automatique.
Je suis d'un amendement n°127 .
La parole est à M. François Grosdidier, pour le soutenir.
Avant de défendre l'amendement n° 266 et pour éviter toute ambiguïté pour ceux qui prendront connaissance des débats, j'aimerais qu'il soit précisé au Journal officiel que l'amendement précédent mentionnait bien les représentants de l'ensemble des syndicats agricoles à vocation générale représentatifs – ce qui inclut la FNSEA, contrairement à ce que vient d'affirmer notre collègue M. Jacob.
L'amendement n° 266 porte sur les garanties d'indépendance. Il est évidemment fondamental pour les membres du Comité scientifique, les présidents des deux comités et le président du Haut conseil, d'éviter les conflits d'intérêts vis-à-vis des entreprises qui oeuvrent dans le domaine des biotechnologies. Il s'est déjà produit – malheureusement – dans notre histoire des conflits d'intérêts entre des scientifiques siégeant dans des comités qui rendaient des avis sur des sujets auxquels ils étaient eux-mêmes intéressés. Ainsi – et l'exemple a déjà été cité par mes collègues Yves Cochet et Noël Mamère – le Directeur de recherches de l'INRA est membre de la commission du génie biomoléculaire et détenteur d'un brevet ; il est donc confronté à ce type de conflits. Il est, par conséquent, très important de préciser dans la loi que les membres du Comité et les présidents doivent apporter des garanties d'indépendance.
Monsieur le ministre d'État, vous avez fait référence au code de déontologie. Mais on en connaît aussi, parfois, les limites. Ainsi, porter plainte contre un conflit d'intérêts demande du temps. Vous avez parlé tout à l'heure de bonne foi. Il est toutefois préférable de prévoir ces conflits à l'avance. Il est convient d'être, dès le début, très attentif et très sourcilleux et donc de préciser par la loi ces garanties d'indépendance.
S'agissant des plantes génétiquement modifiées, le sujet est particulièrement sensible et soulève de nombreux débats. Les intérêts économiques en jeu sont très puissants. De plus, les conflits d'intérêts entre chercheurs du secteur public ou privé peuvent se produire d'autant plus vite que, depuis les financements mixtes, des chercheurs du secteur public sont amenés à avoir des participations dans des entreprises privées. Compte tenu de l'irréversibilité des contaminations par OGM, il n'est pas simple d'affirmer que tout chercheur peut prendre des décisions sans garantie d'indépendance au regard de l'opinion publique. Les citoyens de notre pays apprécieront de savoir si les décideurs n'ont pas eux-mêmes des intérêts immédiats, antérieurs ou à venir en matière d'OGM.
Tel est le sens de cet amendement.
La commission est défavorable pour les raisons déjà invoquées contre l'amendement attribué à M. Brard.
Je veux vraiment vous convaincre que, de toutes les procédures internationales, la déclaration publique d'intérêt – le mot « intérêt » étant compris dans sa plus large acception : scientifique, intellectuel, pécuniaire ou de recherche – est de très loin, le meilleur des dispositifs et la meilleure des garanties. Tout le reste est extrêmement compliqué. De plus, certains faits peuvent être connus plus tard et la déclaration préalable publique donne un temps infini pour vérifier. Je ne connais pas d'autre dispositif équivalent dans les grandes démocraties.
Je suis saisi d'un amendement n° 378 .
La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir.
Nous examinerons prochainement – ce soir ou demain – l'article 9 de ce projet de loi qui précise que ceux qui déposeront des demandes d'autorisation de dissémination des OGM seront soumis à une taxe.
Pour que le Haut conseil puisse exercer ses vastes et légitimes missions convenablement, nous proposons donc, par cet amendement, d'affecter une partie du produit de cette taxe à son fonctionnement.
Tel est l'objet de cet amendement.
La commission a émis un avis défavorable, même si le sujet que vous évoquez, monsieur Cochet, est extrêmement intéressant : vous posez là une vraie question.
Le Haut conseil des biotechnologies n'ayant pas de personnalité juridique propre, il ne peut donc être doté d'un budget. Ses moyens de fonctionnement devront donc être prélevés sur les ministères qui en assureront le secrétariat. Il reviendra aux parlementaires – j'imagine qu'ils ne manqueront pas de le faire lors de l'examen de la loi de finances – de veiller à ce que le Haut conseil soit doté des moyens adéquats. De plus, il bénéficiera également du versement de deux taxes : celle perçue sur les demandes d'autorisation de mise en marché d'un organisme génétiquement modifié, et surtout celle qui s'appliquera aux utilisations confinées, dont il est prévisible qu'elles seront beaucoup plus nombreuses. Le reste devra effectivement être pris sur le budget annuel.
Même avis.
Cet amendement tend à supprimer une curieuse disposition introduite par le Sénat ; qui restreint la liberté d'expression des membres du Haut conseil. Alors qu'il s'agit de traiter d'indépendance économique, on renvoie aux textes réglementaires et au futur règlement intérieur… Cette question paraît pourtant fondamentale. La seule règle qui figurerait dans la loi serait pour restreindre la liberté d'expression des membres du Haut conseil ? Ou bien on renvoie tout au règlement intérieur, y compris l'indépendance économique,…
…ou bien on fixe un certain nombre de règles, mais certainement pas celle qui restreindrait la liberté d'expression. J'ai voté l'article 1er dans lequel est précisée la règle de la transparence et de l'information des concitoyens. Comment peut-on parvenir à convaincre l'opinion de notre bonne fois si la seule règle introduite dans la loi est une restriction, aussi minime soit-elle, de la liberté d'expression des membres du Haut conseil ?
Le Sénat invoque la garantie d'indépendance d'une part – mais ce ne sont que les conflits d'intérêts que l'on pourrait prévenir – et la garantie de la dignité d'autre part. Or les membres de ce Haut conseil ne seront pas des activistes irresponsables, mais des personnalités désignées par le Premier ministre lui-même ! Il est clair qu'ils ne feront pas de déclarations irresponsables dans le simple but de perturber la dignité des travaux de ce Haut conseil ! Par conséquent, cette disposition du Sénat est absolument incompréhensible, quand bien même on prétend qu'elle n'est en fait qu'une formule de courtoisie – auquel cas, pourquoi cela relèverait-il de la loi ? Renvoyons cela au règlement intérieur !
Je m'inquiète d'autant plus qu'un amendement de la commission à venir impose le silence total en interdisant aux membres du Haut conseil d'avoir des positions publiques sur les avis du Haut conseil. C'est l'inverse de ce que nous avons voté dans l'article 1er et c'est également exactement l'inverse de ce que nous demande la société. Lors des grandes catastrophes sanitaires environnementales, on n'a reproché à personne d'avoir parlé, mais de s'être tu !
Comment peut-on imposer la règle du silence, alors que la seule qui devrait valoir est celle de la transparence ?
C'est pourquoi je vous propose de supprimer cette disposition qui restreint la liberté d'expression des membres du Haut conseil. Je sous-amenderai d'ailleurs l'amendement de la commission afin d'exclure du champ du silence, s'il y en a un, toute information sur l'évaluation du risque pour l'homme et pour l'environnement. C'est en effet domaine dans lequel le silence est absolument inacceptable. Il n'incombe certainement pas au législateur de poser une restriction à cette expression, alors même – et je le regrette – que ne sont pas posées suffisamment formellement et expressément des règles sur la prévention des conflits d'intérêts.
Mais, si l'on pose des règles pour le futur règlement intérieur, il faut fixer celle de l'indépendance économique et de la prévention des conflits d'intérêts et celle de l'obligation de parler en cas de risques pour l'homme ou l'environnement et certainement pas limiter la liberté d'expression ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
L'amendement n° 267 étant identique, je me contenterai de compléter les propos de notre collègue Grosdidier.
Le Sénat ou le Gouvernement est victime du « syndrome Le Grand ». Il faut bien le dire ! Que s'est-il passé au Sénat ? Un sénateur UMP, président du comité de préfiguration du Haut conseil, a réuni ce comité qui a d'ailleurs rendu un avis très intéressant et, comme vous le dites parfois de manière « euphémisante », équilibré sur le Monsanto 810. Du coup, le Gouvernement, dans sa grande sagesse, a suivi l'avis du comité de préfiguration et déclenché la clause de sauvegarde. Pourtant, le sénateur Le Grand a dû, vous le savez parfaitement, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, après une sorte d'« arrangement entre amis » – appelons cela ainsi, pour ne pas être plus vachards – retirer les dizaines d'amendements qu'il avait déposés. Or, dans la mesure où il était président du comité de préfiguration, il a évidemment été interrogé par les médias. Comment voulez-vous contraindre la parole des gens, que ce soit celle du président du Haut conseil ou des autres membres éminents, indépendants nommés pour leurs qualités et leurs compétences ? Il est bien précisé d'ailleurs dans le paragraphe que nous voulons supprimer que cette disposition concernerait même les avis donnés à titre personnel, lesquels n'engageraient pas le Haut conseil dans son ensemble. La propre opinion de ses membres serait-elle donc interdite d'expression ? Nous venons de manifester pour la liberté d'expression en Chine, pour la liberté du Tibet et nous devrions accepter la création d'un Haut conseil des biotechnologies dont les membres ne pourraient pas s'exprimer à titre personnel dans les débats, à la télévision ou dans les journaux ? Mais on marche sur la tête ! Ce paragraphe est liberticide ! Je fais appel aux plus hautes valeurs de la liberté d'expression que nous partageons tous : il faut supprimer cet alinéa de la loi !
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 396 .
Je voudrais insister sur deux aspects.
Le comité économique, éthique et social sera notamment composé de membres d'associations, qui représentent les idées de leur association. En entrant dans ce comité, ils vont perdre leur personnalité de citoyen et même leur droit d'expression, puisque les explications qu'ils pourraient donner à l'association ne pourraient pas être rendues publiques. Imaginons qu'un représentant de Greenpeace participe à ce comité. En y rentrant, il sera bâillonné. Même s'il en est le porte-parole, il ne pourra plus s'exprimer au nom de son organisation… C'est impensable !
Second argument, c'est le syndrome Le Grand, mais dans une autre dimension.
Le Président Sarkozy avait annoncé qu'il était disposé à engager la clause de sauvegarde à l'encontre du maïs MON 810 si le comité de préfiguration de la Haute autorité institué à l'issue du Grenelle de l'environnement soulevait des « doutes sérieux ». Le président Le Grand, en toute indépendance, a repris les mêmes mots… En présence de M. Borloo et de Mme Kosciusko-Morizet, lui aussi annonce qu'il y a des « doutes sérieux ! ».
Le lendemain, douze des quinze membres de la section scientifique du comité de préfiguration ont protesté dans un communiqué adressé à l'AFP. Que l'on soit d'accord ou pas avec leur protestation, ces scientifiques ont bel et bien fait valoir que rien, dans les discussions, n'avait démontré l'existence de « doutes sérieux ». Avec l'alinéa 18, ils n'auraient pas eu le droit de s'exprimer. Celui qui aura été trompé, celui dont la parole aura été volée, déformée ne pourra même pas l'expliquer ! C'est absolument impensable. Nous devons tous prendre nos responsabilités de députés pour revenir sur cet alinéa ajouté par le Sénat.
En plus, ce serait un non-sens total, comme l'ont souligné les intervenants précédents. Vous avez une pelle à la main et, en maintenant cet alinéa 18, c'est la tombe de la loi que vous voulez faire voter !
À entendre M. Grosdidier, M. Cochet et M. Chassaigne argumenter avec tant de fougue et de passion, on sent bien que c'est un sujet très délicat. Ils ont relaté un certain nombre d'événements qui ont fait l'objet de publications dans la presse. Nous avons, nous, la chance de légiférer dans un climat apaisé et je crois qu'il faut faire abstraction de cas personnels et d'événements qui ont émaillé l'actualité pour en venir à l'essentiel. C'est ce que nous avons essayé de faire dans un amendement qui sera examiné après ceux-ci.
Non, mais nous en parlerons tout à l'heure.
Je comprends votre émotion devant le texte du Sénat. On ne peut que conclure, par exemple, qu'un professeur d'université siégeant au Haut conseil ne pourrait plus enseigner puisqu'il serait amené à s'exprimer sur des sujets pour lesquels il siège au sein de ce haut conseil. Il fallait donc, à l'évidence, revenir sur cet alinéa 18, mais la commission ne souhaite cependant pas le supprimer totalement.
La position du Gouvernement sur ce point est assez claire. Il n'y avait pas de disposition particulière à ce sujet dans le texte initial. Il nous paraît totalement impossible que les membres de tels comités, quels qu'ils soient, ne puissent pas s'exprimer : cela n'aurait d'abord aucun sens.
Cela dit, que l'on doive informer son président si l'on a l'intention de s'exprimer sur les sujets dont est saisie une institution, cela me paraît relever de la courtoisie élémentaire, mais il n'est pas question d'aller au-delà. C'est ce que vous proposera l'amendement de la commission, sous-amendé par le Gouvernement.
Le texte qui nous vient du Sénat est tout de même assez fantastique, pour ne pas utiliser de mots plus sévères, et je comprends bien la que la commission essaie de reculer avec son amendement amendé par le Gouvernement, mais ce n'est plus la peine : ralliez-vous plutôt à nos amendements, monsieur le ministre d'État !
Les membres de ces comités ne pourraient plus prendre de position à titre personnel sur les avis rendus par le Haut conseil sans en avertir leur président. Franchement, quel intérêt de l'inscrire dans une loi ? On ferait une loi bavarde, comme disait le précédent président de l'Assemblée nationale. Je comprends bien que le Gouvernement essaie de trouver une position équilibrée entre des volontés assez extrêmes mais, sur le fond, reconnaissons que cela n'a pas lieu d'être.
Je suis en désaccord avec ceux qui défendent aujourd'hui les plantes génétiquement modifiées, que ce soit le colza ou d'autres, mais je me battrai pour qu'ils aient le droit de s'exprimer. Il est fondamental que nos concitoyens soient éclairés en toute transparence, comme le disait notre collègue Grosdidier, sur les enjeux du débat et les conséquences des choix par l'ensemble des associations et des syndicats professionnels de l'agriculture et autres qui seront amenés à prendre position, ainsi que par les structures qui seront mises en place par cette loi. Sinon, cela n'a plus de sens : créons un comité secret et on arrivera à la même situation !
Le plus logique, c'est de supprimer cette disposition même si M. le ministre d'État essaie de s'en sortir par le haut en trouvant une formule qui ne sert pas à grand-chose, il faut bien le dire.
On sent que le Gouvernement est de notre avis mais qu'il n'ose pas le dire. Nous allons donc le faire à sa place.
En tant que membre de la Haute autorité provisoire, j'ai vu comment les choses se sont passées alors que, le dernier jour, les scientifiques ont évoqué des faits nouveaux, qui se sont traduits en langage sénatorial par des doutes sérieux, qui ont abouti à l'activation de la clause de sauvegarde.
Aujourd'hui, on peut parler publiquement à des journalistes, mais nous sommes aussi à l'heure de l'Internet, et je pourrais vous livrer le verbatim du véritable forum qui a eu lieu le lendemain entre les scientifiques heurtés par l'interprétation qu'on faisait du choix qui était le leur. C'est aussi une forme d'expression. Il faudrait alors interdire à des scientifiques, dont c'est l'habitude, parce qu'ils fonctionnent ainsi, de donner leur avis et de dialoguer sur Internet… Vous voyez bien qu'on ne peut en arriver là.
Au nom de notre groupe, j'ai donc envie de dire les mots que le Gouvernement n'ose pas prononcer, c'est-à-dire qu'il est favorable à la suppression de l'alinéa 18 de l'article 2. La réalité rejoindrait alors les pratiques dans ce genre d'instance.
Je crois que nous sommes tous d'accord sur le fait que, s'il y avait une discussion commune entre ces trois amendements et l'amendement n° 36 , il n'y aurait pas débat puisque ce dernier revient en pratique à supprimer l'alinéa 18.
Il est clair que la rédaction sénatoriale est pour le moins malheureuse. Nous devrions donc pouvoir nous mettre d'accord, lors de la discussion de l'amendement n° 36 , sur une nouvelle rédaction qui ira dans le sens souhaité par la commission et qui correspondra à nos attentes, ce qui est tout de même plus logique que ce que nous propose l'actuel alinéa 18.
Contrairement à ce qu'on a entendu tout à l'heure, les membres du Haut conseil ne sont aucunement tenus au silence. Ce que veut simplement le Sénat, c'est que le président soit préalablement informé : la chose n'a rien de gênant en soi.
Ce qui pourrait compliquer les choses, c'est d'interdire aux gens de faire valoir la position qui est la leur. Je comprendrais qu'il y ait alors une difficulté et une équivoque. Nous avons déjà parlé de la possibilité de mettre en avant les contradictions ou les divergences des différents membres. Mais une fois qu'un avis global a été rendu par le Haut conseil, ceux qui veulent faire part de leur indépendance d'esprit, doivent, pour un maximum de transparence, en informer préalablement le président : cela ne me choque pas, et c'est ce qui est écrit dans l'alinéa 18.
Je vous invite à le relire : « Afin de garantir l'indépendance et la dignité de leurs fonctions, et pendant la durée de celles-ci, les membres du Haut conseil des biotechnologies ne prennent, à titre personnel, aucune position publique sur des questions ayant fait ou susceptibles de faire l'objet d'une décision de la part du Haut conseil sans en avoir préalablement informé son président. »
Lorsque, dans un conseil d'administration, vous avez un désaccord avec le président et que vous êtes minoritaire, vous le prévenez que vous ferez connaître votre point de vue à la sortie. Qu'y a-t-il de choquant là-dedans ? Cela permet d'avoir de la cohérence et de respecter les avis des uns et des autres. L'avis du comité en tant que tel n'est pas remis en cause mais, si certains veulent faire connaître leur point de vue, en toute transparence, ils en informent le président.
Voilà les points sur lesquels je voulais revenir, et je vous invite, moi, à voter contre ces amendements.
En effet ! Mon temps de parole, cher collègue Chassaigne, doit représenter à peu près un centième du vôtre, de celui de M. Mamère, de M. Cochet ou d'autres !
En une matière aussi importante, il me semble qu'à partir du moment où on est membre d'un organisme soumis à l'autorité d'un président, le respect minimum impose de l'informer avant de publier un avis divergent. C'est pourquoi je vous invite à repousser ces trois amendements.
Ce n'est pas du tout ainsi que ça se passe, monsieur Jacob. Je suis d'autant plus surpris d'une telle ignorance de votre part, que nous sommes souvent, à l'Assemblée, pressés de donner notre opinion sur tel ou tel sujet d'actualité au sortir de l'hémicycle !
Si, par exemple, la chaîne parlementaire, LCP-AN, vous demande si vous êtes disponible après les questions au Gouvernement pour débattre, des OGM ou des biotechnologies en général, avec un des experts du Haut conseil, celui-ci doit répondre dans la demi-heure qui suit. Doit-il décliner l'invitation jusqu'à ce qu'il arrive à joindre le président du Haut conseil ? Ce n'est pas ainsi que fonctionne la démocratie médiatique à l'heure d'Internet ! La vie démocratique, c'est la liberté d'expression, et c'est en supprimant cet alinéa 18 que l'on garantira la liberté d'expression.
Il faut tout de même rappeler, pour en avoir une connaissance claire, le chemin parcouru pour en arriver à cet alinéa. Le Sénat a introduit dans le texte initial l'obligation d'information préalable du président du Haut conseil, et l'on voit bien les difficultés que cela pose. La commission fait une proposition un peu différente à propos de l'avis lui-même du Haut conseil. Le Gouvernement, quant à lui, présentera un sous-amendement à l'amendement de la commission, proposant de limiter strictement cette information préalable du président aux seules positions exprimées sur l'avis du Haut conseil. C'est une règle logique de bonne conduite s'agissant d'un organisme collégial. C'est pourquoi je souhaiterais que ces amendements soient repoussés, au bénéfice de l'amendement de la commission sous-amendé par le Gouvernement. On verra dans le cadre de la deuxième lecture si tout cela se révèle effectivement superfétatoire, ou au contraire justifié dans certains cas. Mais pour l'instant, il n'y a pas de divergence entre la commission et le Gouvernement.
Cet amendement vise à placer sous de strictes conditions de surveillance les éventuels essais en plein champ lorsque la nécessité en est justifiée. La maîtrise d'oeuvre des institutions publiques est indispensable.
Avis défavorable. La commission n'a pas examiné cet amendement, mais nous avons déjà eu cette discussion.
Même avis.
Je mets aux voix l'article 2, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 408 , portant article additionnel après l'article 2.
La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour le soutenir.
L'amendement n° 408 est retiré.
Je vous rappelle que les articles 3 à 5 et les amendements portant article additionnel s'y attachant sont réservés à la demande de la commission des affaires économiques.
Je suis saisi d'un amendement n°462 rectifié , portant article additionnel avant l'article 6.
La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.
Le Sénat a remplacé les dispositions du code rural précisant les compétences des agents chargés de la surveillance des végétaux impliquant des OGM par des dispositions créant un « comité de surveillance biologique du territoire », qui remplacerait le « comité de biovigilance » aujourd'hui en place. Aujourd'hui ce dernier comité ne fonctionne pas faute de moyens, et ce n'est pas en changeant son nom qu'on lui permettra d'agir plus efficacement. Bien au contraire, en supprimant la procédure d'habilitation des agents chargés de la surveillance, le projet de loi franchit un pas de plus dans le renoncement à toute activation du comité. Le présent amendement rétablit donc le texte initial, plus propre à assurer une réelle surveillance.
La commission n'a pas examiné cet amendement, mais je note que, sans citer le code rural, cet amendement reprend les dispositions actuellement en vigueur au I de l'article L.251-1 de ce code, modifié à l'article 6.
Les modifications apportées par le Sénat visent à conserver un comité de biovigilance en réécrivant globalement cet article. Ce faisant, il a supprimé la référence aux compétences des services régionaux de la protection des végétaux, SRPV, réintroduite par l'amendement n° 59 rectifié de la commission. D'où un avis défavorable.
Cet amendement est effectivement satisfait par l'amendement n° 59 rectifié de la commission.
Je mets aux voix l'amendement n°462 rectifié .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 182 .
La parole est à M. Philippe Folliot, pour le soutenir.
Le groupe du Nouveau Centre a présenté peu d'amendements depuis le début de l'examen du projet de loi, mais celui-ci nous paraît essentiel. Il a en effet pour objet de revenir à la rédaction de l'article 6 telle que prévue par le projet de loi initial. Pour des raisons de simplicité et d'efficacité, il nous semble préférable que les missions du comité de biovigilance soient assurées par le Haut conseil des biotechnologies. Multiplier les structures est loin d'être un gage de lisibilité et d'efficacité, et il nous paraît préférable, dans un objectif de simplification, de confier au Haut conseil des biotechnologies les missions que l'article 6 tel qu'il est rédigé affecte à un comité de biovigilance. Il me semble que tout ce qui va dans le sens d'une simplification de ce texte, et donc d'une plus grande efficacité et d'une plus grande lisibilité, fait l'unanimité sur ces bancs. Au moment où l'on condamne la prolifération des comités de toutes sortes, notre proposition concrète de simplification administrative ne peut que faire consensus.
Je ne nie pas l'intérêt de cet amendement que vous venez d'exposer très brillamment, monsieur Folliot. Mais la commission défend également une proposition de rédaction globale de cet article, afin de mieux ordonner les dispositions de l'article L.251-1 du code rural, qui a largement été modifié par le Sénat. Il s'agit également d'en extraire les dispositions contenues au II concernant la déclaration des parcelles où sont cultivés les organismes génétiquement modifiés, l'information des exploitants voisins et la tenue d'un registre, ce afin de les rapprocher, au sein du code rural, des dispositions introduites dans les articles 3 et 5, que nous examinerons après les articles 6 et 7, comme le président de séance vient de le préciser.
En effet, de ces dispositions relatives à la transparence découlent directement les dispositions des articles 3 et 5 sur la coexistence et la responsabilité. C'est donc dans un esprit de réorganisation logique du texte, pour aller progressivement vers les précisions nécessaires pour assurer une coexistence éventuelle, que nous proposerons tout à l'heure la rédaction globale de la commission.
Vous affirmez enfin une position plus politique quand vous proposez de fondre les compétences du comité de biovigilance dans celui du Haut conseil des biotechnologies. Je trouve au contraire intéressante l'idée du Sénat de confier la fonction de contrôle sur le terrain à un organisme spécifique, afin que le Haut conseil ne soit pas juge et partie. Ajoutons, pour en revenir aux aspects budgétaires, que cela permettra d'utiliser avec profit les moyens d'ores et déjà alloués aux services régionaux de la protection des végétaux en faveur d'une biovigilance sur le terrain plus particulièrement orientée vers les organismes génétiquement modifiés.
Vous voyez, monsieur Folliot, que votre démarche est partagée par la commission, même si nos réflexions n'ont pas pris le même chemin. C'est pour cette raison que je vous propose de bien vouloir vous rallier à l'amendement de la commission, faute de quoi je serai obligé d'exprimer un avis défavorable.
L'avis est conforme à celui de la commission. Votre objectif a été atteint par les amendements à l'article 2, qui précisent que le Haut conseil est consulté sur les protocoles de surveillance des effets des plantes OGM.
Le Grenelle avait par ailleurs fortement souhaité qu'on distingue l'évaluation et les missions de surveillance. De ce point de vue, le texte constitue plutôt une amélioration du projet du Gouvernement.
Notre collègue Folliot pose une bonne question. La mission parlementaire sur les OGM avait déjà souhaité que la totalité des avis en la matière relève d'un organisme unique, aujourd'hui le Haut conseil des biotechnologies.
Trois comités différents étaient jusqu'ici chargés de délivrer des avis. Le comité du génie génétique était chargé de travailler sur les organismes confinés ; le comité du génie biomoléculaire s'occupait quant à lui de la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés. La troisième instance, créée par la loi d'orientation agricole de 1997, était le comité de biovigilance, qui n'a d'ailleurs que peu travaillé jusqu'à présent. Pour garder une mémoire des autorisations, mieux vaut confier à un comité unique, le Haut conseil des biotechnologies, la totalité des informations relatives à la surveillance biologique du territoire. Le fait qu'un même comité soit chargé des autorisations et rende des rapports sur l'expérience acquise après culture me semble aller dans le bon sens. Notre collègue Folliot pose à cet égard une vraie question.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 6 dispose que « la surveillance biologique du territoire a pour objet de s'assurer de l'état sanitaire et phytosanitaire des végétaux et des effets non intentionnels des pratiques agricoles sur l'environnement ». Ce contrôle fait déjà partie des missions régaliennes de l'État et est assuré par les services du ministère de l'agriculture. Il n'est donc pas certain que la création du comité de surveillance biologique ajoutée par le Sénat soit un progrès. Il me paraît en revanche primordial que le Haut conseil, qui est l'organisme chargé de donner les autorisations, puisse disposer d'un retour sur l'expérience dès que les plantes sont mises en culture.
Telle était, en tout état de cause, la position pratiquement unanime que nous avons exprimée dans le cadre d'une mission d'information à laquelle participaient notamment André Chassaigne et Philippe Folliot, ainsi que plusieurs parlementaires de la majorité. Il me semble donc qu'il faut voter l'amendement de M. Folliot, qui, monsieur le rapporteur, est – pardonnez-moi de le dire – meilleur que celui que vous avez proposé.
Le Haut conseil des biotechnologies est déjà composé de deux comités. S'il y avait une véritable volonté de disposer d'une structure quelque peu indépendante, comme l'indique le rapporteur, il serait possible, à l'occasion de la deuxième lecture du texte, de compléter le douzième alinéa de l'article 2 pour créer un troisième comité au sein du Haut conseil des biotechnologies : l'ensemble du dispositif serait chapeauté par une unique entité, ce qui me semblerait préférable pour sa cohérence et sa lisibilité.
Je suis saisi d'un amendement n° 357 .
La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir.
Puisque nous en sommes au chapitre consacré à la transparence, exprimons-nous de la manière la plus rationnelle et la plus claire possible...
Le troisième alinéa de l'article 6 réécrit le I de l'article L. 251-1 du code rural. Or il ne s'agit nullement ici de transparence, mais bien d'un tour de passe-passe que je vais vous expliquer.
Les services de la commission ont bien travaillé et, comme d'habitude, ont distribué un tableau comparatif qui présente le droit actuel, c'est-à-dire l'écriture actuelle du I de l'article L. 251-1 du code rural, et le texte proposé par le Sénat, qui réécrit entièrement ce I. Entre le droit actuel et la proposition du Sénat, deux choses ont disparu : les OGM et la surveillance renforcée !
Dans le texte du Sénat, en effet, il n'est plus du tout question d'OGM dans aucun des alinéas du I, mais seulement d'une surveillance biologique du territoire, de l'état phytosanitaire des végétaux, d'effets non intentionnels – dont la cause n'est d'ailleurs pas précisée – et d'un comité de surveillance biologique. Où sont les OGM ? Alors que nous débattons d'une loi qui porte sur les OGM, ils ont disparu. Comme c'est curieux !
En outre, dans le droit actuel, le code rural prévoit que les OGM font l'objet d'une surveillance renforcée, assurée par les agents de l'État. Or, ces derniers eux aussi ont disparu du texte !
Allez savoir ! Sous prétexte de transparence, c'est un écran de fumée. On a supprimé à la fois les OGM et les agents de l'État précédemment chargés de la surveillance renforcée des OGM.
J'ignore si cette mesure figure dans le plan de rigueur annoncé vendredi dernier… Toujours est-il que nous assistons à une opération d'enfumage, que nous dénonçons par l'amendement n° 357 , qui réécrit le I de l'article L. 251-1 du code rural pour revenir au texte en vigueur. Celui-ci, qui évoque les OGM et les agents de l'État chargés d'une surveillance renforcée, me semble très bien convenir. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La commission a repoussé cet amendement. Je ne vous comprends plus, monsieur Cochet ! Depuis des heures, vous nous entretenez des effets extraordinaires des organismes génétiquement modifiés disséminés dans le paysage et dans les terroirs, vous réclamez des avis très avisés, indépendants et transparents sur le fonctionnement du trait génétique concerné et même, comme le suggère un reportage diffusé sur une chaîne publique franco-allemande et comme le demande un amendement de M. Chassaigne, la révision de l'ensemble du fonctionnement agronomique et des structures agricoles.
Or le comité de biovigilance, qui est maintenu, a des compétences larges, qui incluent bien évidemment les organismes génétiquement modifiés. Pourquoi diable ce comité devrait-il rendre un rapport au Haut conseil des biotechnologies si son activité n'avait aucun lien avec les biotechnologies ? C'est d'une clarté évidente ! Avis très défavorable.
Pour tout vous dire, je ne comprends pas bien non plus la position de M. Cochet. Qu'il y ait un comité de surveillance biologique du territoire me paraît assez raisonnable. Que son articulation avec le Haut conseil soit prévue me paraît tout aussi raisonnable – c'est ce que prévoit l'article 2, qui prévoit que le Haut conseil dispose de toutes les informations, de toutes les observations et de tous les comptes rendus. Que, troisièmement, l'amendement présenté par la commission indique qui est chargé de cette surveillance – à savoir les agents de l'État – me paraît, là encore, relativement raisonnable ! Il s'agit certes d'une impression générale. Je suis tout disposé à ce que vous me convainquiez du contraire, mais, à vrai dire, je ne vois pas de difficulté particulière dans le dispositif proposé.
Avis défavorable, donc, à l'amendement n° 357 .
Je suis saisi d'un amendement n° 58 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Favorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 358 rectifié .
La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.
L'amendement n° 358 tend à supprimer les mots : « non intentionnels », qui semblent sous-entendre qu'on ne connaît pas les risques de contamination des cultures d'OGM, alors qu'on les connaît précisément aujourd'hui.
Si donc cette formule pouvait avoir un sens voici dix ans, écrire aujourd'hui que la culture d'OGM comporte des risques de contamination non intentionnelle revient, permettez-moi de le dire, à modifier la réalité et à tenter de faire comme s'il n'y avait pas de problème. Nous savons tous ici, et même ceux qui continuent à être favorables aux OGM le reconnaissent, qu'il y a un risque de contamination. Ne nous a-t-on pas longuement expliqué, lors de l'examen de l'article 1er, que le taux associé à la mention « sans OGM » était de 0,9 %, au point que notre rapporteur s'accrochait à ce taux de 0,9 % comme un naufragé à sa bouée ?
La contamination par les OGM est donc reconnue de fait aujourd'hui. Évoquer dans le texte du projet de loi une contamination non intentionnelle laisserait supposer que, somme toute, on ne connaît pas les risques des cultures OGM. C'est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de ces deux mots très précis, qui forment une seule expression.
L'amendement n° 358 rectifié a fait l'objet d'un examen de la part de la commission et a reçu un avis défavorable.
En réalité, madame Billard, la rédaction du Sénat devrait plutôt vous satisfaire. L'ambiguïté qui vous gêne tient à ce que vous limitez strictement au niveau des traits génétiques la fonction du comité de biovigilance. En fait, comme je le disais tout à l'heure à M. Cochet, ce comité a une fonction beaucoup plus large, qui consiste à examiner dans son ensemble et dans son contexte le fonctionnement du végétal dont il est chargé d'assurer la surveillance, afin d'éclairer le Haut conseil des biotechnologies lorsque celui a émis une autorisation de mise en marché ou une autorisation d'essais et assorti cette autorisation de recommandations qui peuvent avoir une portée très pratique et fixent les conditions dans lesquelles cette autorisation est valable ou non valable – notamment des distances et des conditions techniques que nous examinerons tout à l'heure.
Nous sommes bien d'accord sur le fait que le comité doit surveiller non seulement tous les effets envisagés par le Haut conseil des biotechnologies – en amont, en quelque sorte –, mais également les effets non prévisibles. Il doit donc se demander si le Haut conseil a bien vu ou imaginé tous les effets possibles. Si donc apparaît demain un signal d'alerte indiquant un effet sur la faune ou sur la flore qui n'aurait été envisagé ni par le concepteur de l'OGM, ni par le Haut conseil des biotechnologies chargé de le passer au crible avant d'autoriser un quelconque usage de ses traits génétiques, le comité de vigilance a précisément la capacité d'alerter également le Haut conseil à cet égard, et nous voulons justement lui indiquer qu'il doit le faire.
Voilà donc pourquoi – et nullement pour cacher quoi que ce soit – nous souhaitons que le texte reste très ouvert pour pouvoir répondre aux surprises que peuvent révéler les pratiques de terrain.
Même avis que la commission
Je tiens à répondre au rapporteur, qui vient d'ailleurs d'apporter une explication qui m'a plutôt convaincu, à ceci près qu'il a remplacé le mot « intentionnels » par le mot « prévisibles », ce qui change tout. En effet, la notion de « non intentionnel » signifie qu'en cas d'action intentionnelle, la surveillance biotechnologique du territoire ne s'exercerait pas, ce qui est absurde. Or, d'après ce que j'ai compris, ce n'est pas ce que veulent dire le texte, ni le rapporteur. Remplacer « intentionnels » par « prévisibles » nous éviterait un faux débat sur un point qui, vous l'avez dit vous-même, monsieur le rapporteur, est très important.
La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
C'est le terme exact qu'emploie la directive européenne, que connaissent bien nos amis socialistes. J'eusse préféré une autre rédaction, dans un français nuancé, mais celle-ci s'explique par le texte de la directive, que la commission a eu raison de reprendre.
Je suis saisi de deux amendements, n° 59 rectifié et 307 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 59 rectifié .
L'amendement numéro 59 rectifié permet de préciser le rôle des agents de la protection des végétaux, qu'une rédaction maladroite du Sénat avait supprimés.
Puisque nous avons la chance d'avoir des compétences sur le terrain, il faut les utiliser pour des questions qui relèvent tout à fait de leur métier.
Avant que les fonctionnaires de l'État aient totalement disparu de notre territoire, il est important que ceux qui sont chargés de la protection des végétaux puissent travailler et contribuer à la surveillance biologique du territoire national.
Et il est important qu'ils puissent être remplacés quand ils partent à la retraite !
Monsieur Peiro, maintenez-vous votre amendement, ou souhaitez-vous le retirer par souci de cohérence des votes ?
Je mets aux voix l'amendement n° 59 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 60 .
La parole est à M. Antoine Herth, rapporteur, pour le soutenir.
Avis favorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 308 .
La parole est àMme Frédérique Massat, pour le soutenir.
L'amendement vise à compléter l'alinéa 4 par l'alinéa suivant : « Chaque année, le comité de surveillance biologique évalue les conditions techniques en matière de séparation totale de la filière des organismes génétiquement modifiés, et propose le cas échéant des mesures correctives pour limiter les risques de présence accidentelle d'organismes génétiquement modifiés dans d'autres produits. » Il est très important de mentionner l'évaluation et de bien préciser les missions de ce comité.
La commission n'a pas adopté cet amendement parce que, d'une part, la question de la coexistence relève d'un autre article du texte de loi, et que, d'autre part, les compétences du comité de biovigilance sont générales et ne concernent pas seulement les organismes génétiquement modifiés.
Même avis que la commission.
Il est quasiment identique à l'amendement précédent. Le maintenez-vous, mon cher collègue ?
C'est en effet pratiquement le même amendement, monsieur le président. Je le retire.
Avis défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 61 rectifié .
La parole est àM. Christian Jacob, pour le soutenir.
L'amendement cosigné par la commission propose d'insérer l'alinéa suivant après l'alinéa 6 : « Le comité de surveillance biologique du territoire est composé de personnalités désignées en raison de leurs compétences dans les domaines se rapportant notamment à l'écotoxicologie, aux sciences agronomiques et à la protection de l'environnement et des végétaux. » Nous avons souhaité définir assez largement ces compétences de façon à disposer de la plus grande souplesse possible.
Avis favorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 61 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 62 .
La parole est à M. Antoine Herth, rapporteur, pour le soutenir.
L'amendement de suppression vise à ne pas conserver les mots : « les missions », car c'est à la loi qu'il appartient de définir les missions du comité de biovigilance ; il n'est donc pas nécessaire de renvoyer à des précisions apportées par décret.
Avis favorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 97 .
La parole est à M. Antoine Herth, rapporteur, pour le soutenir.
Comme je l'indiquais tout à l'heure à M. Folliot, il s'agit de réorganiser le texte : l'objet de cet amendement est d'extraire les dispositions contenues au II afin de pouvoir les placer ultérieurement dans un article séparé.
Avis favorable.
Tous les amendements et sous-amendements qui se rapportent aux alinéas 8 et 9 du II, dès lors que ceux-ci seront placés ultérieurement dans un article séparé, pourront-ils être, eux aussi, discutés ultérieurement ?
Oui.
Je veux bien admettre que la réorganisation du texte soit judicieuse, mais j'aimerais que le rapporteur me dise si nous pourrons ou non les présenter.
Mon cher collègue, il est évident que si l'amendement n° 97 est adopté, les alinéas 8 et 9 étant supprimés, il ne sera plus possible de les amender. L'organisation de nos débats est donc très claire.
Monsieur Brottes, nous étions convenus en commission, l'ensemble des porte-parole des groupes politiques présents et moi, que la réorganisation que je propose ferait mécaniquement tomber des amendements et qu'il faudrait donc procéder par sous-amendements à l'amendement n° 97 .
Nous avions bien mesuré la difficulté technique de la procédure. C'est pourquoi, ayant à coeur que le travail d'amendements s'effectue le plus normalement possible, j'avais bien insisté sur ce point : il fallait déposer des sous-amendements.
Monsieur le président, nous présenterons donc des sous-amendements lorsque la disposition viendra en discussion.
Mes chers collègues, si des sous-amendements sont nécessaires pour introduire le débat qui n'est pas permis du fait de l'adoption de cet amendement, je veillerai à ce qu'ils soient examinés. Encore faudra-t-il les déposer au moment opportun.
Je mets aux voix l'amendement n° 97 .
(L'amendement est adopté.)
C'est un amendement de coordination : seuls les I, II et IV de l'article L. 251-1 du code rural sont modifiés par le projet de loi alors que des modifications apportées par ailleurs dans le texte ou par les textes communautaires rendent également nécessaires l'évolution des III et IV.
Avis favorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 63 , deuxième rectification.
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 64 .
La parole est à M. Antoine Herth, rapporteur, pour le soutenir.
L'avis du Gouvernement est favorable.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
L'avis du Gouvernement est favorable.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 57 rectifié .
La parole est à M. Antoine Herth, rapporteur, pour le soutenir.
L'avis du Gouvernement est favorable.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 430 .
La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.
Le coût des analyses de vérification n'a pas à être supporté par les producteurs souhaitant produire sans OGM. Cela est d'autant plus vrai pour les apiculteurs, dont les abeilles butinent sur de grandes distances, et dont les produits ont d'autant plus de chances d'être contaminés à leur insu. L'amendement propose donc de mettre ce coût à la charge des utilisateurs d'OGM.
Même avis.
Je mets aux voix l'article 6, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 6, ainsi modifié, est adopté.)
Monsieur le président, sur le fondement de l'article 58-3, je vous demande une suspension de séance pour que nous puissions rattacher nos amendements qui viennent de tomber à l'amendement à venir de la commission.
Rappel au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à dix-neuf heures quarante-cinq.)
Je suis saisi d'un amendement n° 65 rectifié , qui fait l'objet de plusieurs sous-amendements.
La parole est à M. Antoine Herth, rapporteur, pour le soutenir.
, rapporteur. Il s'agit de l'amendement que nous évoquions en début d'examen de l'article 6. Cet amendement transfère, dans un article additionnel, les dispositions de l'alinéa 8 et suivants de l'article 6 du texte actuel, à deux nuances près : d'une part, il introduit la notion de parcelle ensemencée, à l'initiative de M. Jacob ; d'autre part, son cinquième alinéa précise que « les préfectures assurent la publicité de ce registre par tous moyens appropriés, notamment sa mise en ligne sur l'Internet ». Ce sont les deux différences apportées au simple « copier-coller » que nous avions initialement prévu.
Ce sous-amendement n° 376 précise que l'agriculteur doit faire sa déclaration à l'autorité administrative préalablement aux semis d'OGM. En effet, il paraît curieux qu'il soit obligé d'informer les exploitants des parcelles voisines avant les semis, mais pas l'autorité administrative. Il nous semble évident que l'administration doit être informée avant la mise en culture d'OGM.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir. l'amendement n° 460 .
La commission n'a pas retenu ces sous-amendements qui ne reflètent pas l'esprit de son propre amendement. Que veut-on comme registre ? Un registre d'intention de mises en culture ? Si on optait pour cette solution avec une déclaration préalable aux semis, comme vous le proposez, les citoyens se connectant sur Internet pour consulter le registre constateraient immanquablement des différences.
D'ailleurs, en raison de cette difficulté, les agriculteurs qui prétendent à une aide de la politique agricole commune remplissent une déclaration d'ensemble de l'assolement, mais ils peuvent la modifier par des avenants, après la mise en cultures. À partir de la mi-juin, approximativement, il faut que tout concorde : ce qu'un satellite ou un avion – puisque les contrôles s'effectuent de cette façon – va photographier sur le territoire doit correspondre, à l'are près, à la déclaration de l'exploitant. Il s'agit d'une déclaration de l'existant, alors que vous prônez une déclaration d'intention. Par souci de totale transparence vis-à-vis de nos concitoyens, la commission a préféré la déclaration de l'existant. L'amendement de M. Chassaigne ne ferait qu'aggraver cet écart entre la réalisation et l'existant, puisque vous prévoyez que la déclaration devrait être faite entre trois et neuf mois avant la mise en culture, ce qui paraît tout de même exagéré.
La commission a donc donné un avis défavorable aux deux sous-amendements.
Même avis.
Le rapporteur introduit une confusion entre les informations qui seront rendues publiques dans le registre national – qui peuvent être les parcelles effectivement mises en culture – et les déclarations à l'autorité administrative. À partir du moment où un agriculteur peut informer ses voisins de son intention de cultiver des OGM, pourquoi ne pourrait-il pas envoyer une lettre au directeur départemental de l'agriculture, par exemple ?
Le sous-amendement de M. Chassaigne, comparable au nôtre, faisait référence – ce qui est très intéressant – aux législations allemande et hongroise qui prévoient des délais de déclaration aux autorités administratives : entre trois et neuf mois pour la première, quatre-vingt dix jours pour la seconde. D'autres États membres de l'Union européenne ont transcrit la directive européenne avec une obligation d'information de l'autorité administrative avant la mise en culture d'OGM. Donc, nous maintenons notre amendement.
Pour reprendre et compléter l'argumentation du rapporteur, je voudrais souligner que l'intérêt de ces déclarations est de garantir plus de transparence, et donc une information plus fiable. Or un changement d'assolement peut survenir trois semaines ou huit jours avant la date prévue des semis, pour des raisons météorologiques. Si on impose une déclaration préalable, un délai de six mois ou neuf mois est beaucoup trop long. À partir du moment où l'information est mise en ligne sur Internet, transparente et accessible par tous, elle ne doit pas prêter à la moindre suspicion. Il ne faut pas que des gens puissent considérer que la déclaration est fausse, ni que les agriculteurs soient obligés d'effectuer deux déclarations. Alors que tout le monde reconnaît qu'ils en ont déjà beaucoup à faire dans le cadre de la PAC, ce système conduirait à doubler les déclarations. Voilà pourquoi nous restons sur la logique de transparence, tout en nous opposant à cet amendement.
Cet amendement ne visait pas du tout à compliquer les démarches ou à créer des situations conflictuelles, bien au contraire ! Averti suffisamment tôt, l'agriculteur voisin peut prendre des dispositions sur son choix de cultures et les dates de semis. Il peut y avoir des décalages. Certes, vous pouvez considérer que cela induit un effet pervers : les voisins s'adaptent, en fait…
C'était pour permettre à certains agriculteurs, qui ressentent une vraie crainte de dissémination des OGM, de prendre des dispositions pour adapter leurs propres choix. Si le dispositif est inscrit dans d'autres lois européennes et leurs transcriptions, c'est bien qu'il répondait à une attente. Ce qui est possible en Hongrie ou en Allemagne – où la loi prévoit une notification dans un délai de trois à neuf mois avec l'implantation – semble absolument impossible en France. J'en prends acte, mais les arguments avancés ne parviennent pas à me convaincre. Je crois, au contraire, que le sous-amendement en question aurait permis de faciliter certaines choses, d'autant plus que les agriculteurs doivent faire des déclarations auprès de leurs directions départementales à l'agriculture – et des déclarations anticipées.
Bien loin d'être convaincu, je suis même surpris que ce sous-amendement de bon sens, qui allait dans la bonne direction, soit traité de manière aussi cavalière, voire méprisante.
Il n'est pas traité de manière cavalière, mais les agriculteurs vous diront qu'ils changent 10 % de leur assolement au dernier moment !
, rapporteur. Je me permets d'intervenir de nouveau, contrairement à mon habitude, car il faut clarifier les choses. Lisez rapidement l'amendement n° 65 rectifié qui tient pour l'essentiel en quatre alinéas. Vous retrouvez, monsieur Chassaigne, d'une part cette obligation d'informer le voisin à laquelle vous tenez – et moi aussi d'ailleurs –, d'autre part le quatrième alinéa indique qu'« un décret précise les informations qui doivent être communiquées à l'autorité administrative, notamment en ce qui concerne les parcelles cultivées, les dates d'ensemencement et la nature des organismes génétiquement modifiés cultivés ». L'alinéa précédent précise l'obligation « d'informer, préalablement aux semis, les exploitants des parcelles entourant les cultures d'organismes génétiquement modifiés ».
Il faut vous replacer dans la réalité vécue par les agriculteurs français, soumis aux aléas climatiques. Prenez la météo actuelle. Ce matin, je pars d'Alsace en train pour rejoindre l'hémicycle, que vois-je ? Tout l'est de la France sous la neige !
, rapporteur. Nous sommes tout de même fin avril ! Certains agriculteurs, qui avaient semé des betteraves en profitant des belles journées du mois de mars, constateront que leurs cultures auront malheureusement gelé ; ils seront obligés de changer leur assolement. C'est cela la réalité ! C'est cela que vivent les agriculteurs ! Comment dans ces conditions espérer une déclaration fiable trois ou neuf mois avant les mises en culture ?
, rapporteur. Vous n'y arriverez jamais ! C'est pour cette raison que la procédure existante pour les déclarations PAC peut apparaître lourde : une photo est réalisée en mai – avant ou après la mise en culture, selon les cas –, mais elle sera éventuellement complétée par une déclaration rectificative auprès des directions départementales de l'agriculture. L'objectif est d'obtenir des déclarations conformes aux cultures réellement réalisées, ce qui me paraît judicieux en matière de transparence et d'information du public. Voilà les quelques précisions que je souhaitais apporter.
Je voudrais faire trois remarques. Premièrement et pour répondre aux arguments que vous avancez : l'agriculteur qui choisit les semences OGM n'attend pas la veille des semis pour le faire. Il les achète à l'avance, on le voit bien actuellement, et il sait suffisamment tôt dans l'année s'il utilisera ou non ce type de semences. Deuxièmement : votre amendement n° 65 rectifié ne tient pas compte du parcellaire.
Dire qu'il faut informer les exploitants des parcelles voisines, c'est se situer hors de la réalité de nos territoires ! Dans certaines régions,les exploitations agricoles ont des parcelles minuscules ! C'est un vrai problème ! L'amendement n° 65 rectifié , tel qu'il est rédigé, prévoit qu'il faut informer les voisins, ceux qui touchent l'exploitation en cause, ceux qui sont contigus. C'est une nécessité, et je ne comprends pas que des agriculteurs comme vous n'en soient pas conscients… Sans doute venez-vous de territoires où les exploitations sont très vastes !
, rapporteur. En Alsace, nous n'avons que des exploitations familiales !
Allez en Bretagne, allez en Auvergne ! Vous y trouverez des exploitations non remembrées où certaines parcelles font un demi-hectare ! Quand vous parlez d'informer les voisins, vous êtes à côté de la plaque, car beaucoup d'agriculteurs vont passer à côté – en Dordogne, par exemple. Troisièmement : vous oubliez une catégorie d'agriculteurs : les apiculteurs. Vous n'en parlez pas ! Or ils pourraient être informés en fonction de l'endroit où ils placent leurs ruches.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 376 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix le sous-amendement n° 460 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je défendrai le sous-amendement n° 490 , le sous-amendement n° 491 étant de repli. Si le premier est adopté, nous retirerons le second : preuve de notre bonne volonté quant à la progression des débats.
Il ne serait pas convenable que le maire, voire le président du conseil général, apprenne par le voisin de l'agriculteur que celui-ci a semé des OGM.
Ni l'un ni l'autre n'apprécieraient d'avoir été ainsi court-circuité.
Cher collègue Jacob, vous connaissez parfaitement les textes. Vous savez donc que ce sont les maires qui mettent en oeuvre les plans locaux d'urbanisme : avec leur conseil municipal, ils protègent les zones agricoles et veillent à ce qu'elles restent des outils de travail pérennes pour les agriculteurs. Or, ceux d'entre ces derniers qui partent à la retraite exercent souvent, compte tenu des problèmes en ce domaine, une pression terrible sur le maire et le conseil municipal pour modifier l'affectation des terres. Bref, le maire et le conseil municipal sont en première ligne.
J'ai été interrompu, monsieur le président.
J'ignore comment on gère les choses du côté de Guéret, mais dans le reste de la France, on établit des SCOT, des schémas de cohérence territoriale, en partenariat avec les chambres d'agriculture.
Ces partenariats incluent des zones agricoles stratégiques, autant de questions dont les communes ou les communautés ont à connaître. Lorsque les décisions sont prises à la parcelle, il est évident qu'elles concernent les PLU et les SCOT.
Puisque nous souhaitons que l'ensemble des collectivités territoriales, et pas seulement les communes, soient informées, j'ajoute que c'est la loi relative aux territoires ruraux, votée par l'actuelle majorité, qui conforte la compétence des départements s'agissant des espaces naturels sensibles – dont les conseils généraux sont en effet soucieux de savoir s'ils contiennent des OGM – et leur permet de constituer des réserves foncières en matière agricole. Ce sont là des outils majeurs au service de l'espace agricole, et qui concernent donc bien les parcelles.
Quant aux conseils régionaux, ne vous en déplaise, ils passent des contrats avec l'interprofession pour valoriser telle ou telle filière sous label ou AOC – mais pas seulement – ici ou là.
Dans ces conditions, nous souhaitons que l'ensemble des collectivités territoriales soient associées à l'information transmise au voisin de l'exploitant agricole : ne les méprisons pas, car elles sont directement concernées par l'avenir de notre agriculture. À ce titre, je le répète, il convient de les informer elles aussi en temps et en heure.
La commission a repoussé ces sous-amendements initialement déposés, avec le même contenu, sous la forme d'amendements.
Que les choses soient claires, monsieur Brottes : il ne s'agit pas d'empêcher les maires d'être informés de quoi que ce soit. Par ailleurs, l'amendement n° 65 rectifié fait référence à l'article L. 533-3 du code de l'environnement, relatif aux essais de mise en culture de plantes génétiquement modifiées. Il mentionne également l'exploitant mettant en culture les organismes génétiquement modifiés.
S'agissant de l'article L. 533-3, les décrets qui ont transcrit la directive européenne l'an dernier donnent déjà au maire la possibilité d'organiser des réunions publiques lors d'un essai et de disposer de toutes les informations nécessaires : le sujet est donc déjà traité.
Par ailleurs, monsieur Brottes, le jour où un OGM recevra l'autorisation d'être mis en culture en France, sa culture sera autorisée en France… Pardonnez cette tautologie, mais la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché suppose que le Haut conseil des biotechnologies a examiné la demande sous toutes les coutures avant de recommander au ministre d'accorder ladite autorisation. La situation est la même pour les produits phytosanitaires ou ceux que vous achetez en pharmacie pour soigner une bronchite !
Pour ces produits aussi, il peut y avoir des dangers, des restrictions ou des effets secondaires non désirés : vous trouverez la liste des précautions à observer sur n'importe quelle boîte de médicaments. Doit-on informer le maire à chaque fois que l'on envisage la mise sur le marché d'un produit faisant l'objet d'un contrôle quant à son éventuel impact sur l'environnement ou la santé ? Méfions-nous de la surenchère législative, faisons confiance au bon sens des gens sur le terrain.
Même avis que la commission.
Je vais donner la parole à ceux qui le souhaitent, mes chers collègues, mais j'aimerais que, comme nous en sommes convenus, nous achevions la discussion des sous-amendements à l'amendement n° 65 rectifié avant d'aller dîner : je vous remercie de faire un effort de concision.
La parole est à M. Christian Jacob.
Je suis contre ces deux sous-amendements.
Comme l'a indiqué le rapporteur, le maire a déjà la possibilité d'être informé dans le cadre des essais et de demander à l'autorité administrative d'organiser un débat.
Nous parlons de semences ayant reçu un agrément et l'avis du Haut conseil, ainsi que de producteurs respectant toutes les normes et toutes les conditions techniques. En outre, il est prévu que la liste des parcelles ensemencées soit consignée dans un registre national. Et vous voudriez encore que les exploitants informent les maires, les conseils généraux et les conseils régionaux ? Il faut arrêter ! À quoi bon ? Cela multiplierait par quatre ou cinq les déclarations des agriculteurs.
Soit la mise en culture d'OGM est autorisée, soit elle ne l'est pas. Si elle l'est, c'est qu'elle respecte les conditions techniques : fin du débat !
Il faut bien comprendre qu'avec les plantes génétiquement modifiées, nous sommes sur un sujet tout à fait particulier, et à haut risque.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est scandaleux de dire cela !
Nous y reviendrons après le dîner, mes chers collègues, mais vous le savez parfaitement puisque le projet de loi lui-même qui prévoit un système de responsabilité et des dommages !
J'ajoute que, depuis l'adoption de l'amendement n° 252 la semaine dernière, l'article 1er précise que la mise en culture d'OGM ne peut se faire sans tenir compte « des système agricoles » et « des écosystèmes locaux » – en plus de l'environnement et de la santé publique. Il paraît donc normal que les collectivités territoriales, qui ont la responsabilité des espaces naturels sensibles – pour les conseils généraux – et des parcs naturels régionaux – pour les conseils régionaux –, sans parler des procédures Natura 2000, qui couvrent une grande partie du territoire, soient prévenues de la mise en culture par la Haute autorité. Voter contre serait incohérent par rapport aux dispositions de l'article 1er adoptées par notre assemblée.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 490 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix le sous-amendement n° 491 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 377 .
La parole est à M. Germinal Peiro, pour le soutenir.
Même avis.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 377 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 483 .
La parole est à M. le ministre d'État, pour le soutenir.
Ce sous-amendement vise à supprimer le mot « ensemencées », car les cultures d'OGM peuvent être issues de semences, mais aussi de plants.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 483 .
(Le sous-amendement est adopté.)
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 492 .
La parole est à Mme Delphine Batho, pour le soutenir.
Le « copié-collé » du texte du Sénat a déplacé les alinéas 8 et 9 de la version initiale et fait disparaître la phrase précisant que le registre national est rendu public... Certes, les préfectures assurent cette publicité, notamment via Internet, mais notre sous-amendement apporte une précision alignée sur le droit commun en ce qui concerne la conservation des données. Il précise notamment que celles-ci sont rendues publiques et consultables par tous.
Défavorable.
Comme l'a bien dit Mme Batho, le sous-amendement reprend des dispositions du droit commun, ce qui est par définition inutile.
Même avis : c'est le droit commun.
L'amendement n° 492 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 65 rectifié , modifié par le sous-amendement n° 483 .
(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, relatif aux organismes génétiquement modifiés.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures quinze.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma