La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la bioéthique (nos 2911, 3111).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de quatre heures vingt-deux minutes pour le groupe UMP, dont quatre-vingt-sept amendements restent en discussion, six heures vingt-neuf minutes pour le groupe SRC, dont vingt-quatre amendements restent en discussion, trois heures treize minutes pour le groupe GDR, dont dix-neuf amendements restent en discussion, trois heures vingt minutes pour le groupe Nouveau Centre, dont six amendements restent en discussion, et vingt minutes pour les députés non inscrits.
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 68 à l'article 9.
L'amendement n° 68 est défendu par M. Jean Leonetti, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique.
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 68 .
Avis favorable.
(L'amendement n° 68 est adopté.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai largement engagé le débat sur cet amendement en intervenant à la tribune ce matin. Je suis un partisan résolu de tout diagnostic, mais dans la mesure où celui-ci permet de guérir. Dans le cas de la trisomie 21, il permet de connaître sans guérir. La seule alternative laissée aux parents, et plus particulièrement à la femme, c'est de garder un enfant, qui, ne le nions pas, sera un poids durant toute son existence, ou d'avorter. La solution que je préconise est donc cohérente et simple.
La défense de cet amendement me donne aussi l'occasion de répondre à M. Le Déaut. En dépit des propos tout à fait intéressants, mesurés et argumentés qu'il a tenus, je suis convaincu qu'on peut bel et bien parler d'eugénisme. Avec des taux plus marginaux, il n'en serait sans doute pas question, mais lorsque 96 % des cas de trisomie détectés donnent lieu à une interruption médicale de grossesse, c'est bien le cas. Certains considèrent que l'on ne peut parler d'eugénisme tant qu'il n'y a pas de pouvoir central ou d'obligation. Il est vrai que, à chaque étape, une ouverture est laissée à la femme. Mais la pression sociale est si forte qu'elle tient lieu de pouvoir central. Pour éviter cette pression, nous avons eu l'idée d'accompagner la femme confrontée à ce drame – c'est aussi le sujet d'autres amendements qui seront défendus par nos collègues.
Que dit la loi sur l'eugénisme ? L'article 16-4 du code civil est on ne peut plus clair : « Toute pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes est interdite. » Mais ce n'est là que l'une de ces lois pétitions de principe et, sauf erreur de ma part, aucune sanction n'a jamais été prévue pour combattre ces pratiques eugéniques. En l'occurrence, je le répète, nous sommes à 96 % et les conditions sont réunies pour l'eugénisme : la population est ciblée, les critères sont spécifiques – la trisomie 21 – et la stratégie est collective.
Je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur Le Déaut, et je suis un partisan résolu de toutes les formes de diagnostic, dans la mesure où elles peuvent aboutir à des thérapies. S'il ne devait y avoir qu'un seul enfant sauvé, tous les diagnostics se justifieraient. Mais, chacun en convient, le diagnostic de la trisomie 21 ne sauve aucun enfant.
J'entends bien votre argument sur la toxoplasmose, dont le diagnostic a permis de soigner et de guérir, et j'en avancerai même un autre, qui nous est soufflé par les médecins : lorsqu'elles sont détectées in utero, certaines cardiopathies congénitales peuvent être soignées très tôt, juste après la naissance. Il faut donc bien évidemment encourager le diagnostic prénatal. Mais si cet encouragement ne doit conduire qu'à éradiquer, non pas la trisomie 21, comme je crois l'avoir démontré, mais les trisomiques, la question qui se pose à la société est tout autre. Chacun en convient, mais le tout n'est pas d'en convenir : c'est de tirer les conclusions qui s'imposent.
Mon amendement a donc pour objet de faire baisser la pression sociale, c'est-à-dire d'accompagner les familles concernées, y compris dans l'éventuelle acceptation du handicap de leur enfant.
Il vise également à réformer ce que l'on pourrait appeler une véritable « gare de triage », ces trois étapes qui sont de fait inéluctables : on commence par un test anodin, qui n'engage pas tant que cela, mais dont les résultats, peu à peu, conduisent à des actes plus graves, à un processus qu'on ne peut arrêter. Le diagnostic n'a d'intérêt que s'il permet de guérir ou au moins de soulager. Ce n'est pas le cas en l'espèce, et c'est ce qui justifie mon amendement.
Nous sommes ici au coeur du débat. Marc Le Fur a fait, ce matin, une intervention extrêmement brillante dont je partage les conclusions à 99,9 %. Pour atteindre le nécessaire équilibre, il ne faut pas sombrer dans ce qui pourrait tendre à l'élimination d'une catégorie de personnes en devenir – même si cela ne peut être qualifié d'eugénisme stricto sensu –, et il faut que, disposant de l'information la plus équilibrée, les familles puissent se déterminer le plus librement possible.
Le Comité consultatif national d'éthique a fourni, à cet égard, divers éléments de réflexion. S'obliger à informer, ce n'est pas inciter à faire. Dans toutes nos démarches, nous devons veiller à éviter la rétention d'informations, mais nous devons également veiller à ce que, comme le disait Xavier Breton ou Hervé Mariton, l'information n'enclenche pas un processus automatique qui s'imposerait au médecin comme une obligation dans le cadre d'un consensus médical non dit, en dépit cependant de la déontologie médicale, et qu'elle ne conduise pas davantage à créer une pression sociale ou sociétale qui, le diagnostic étant suspecté, puis confirmé, pousserait à la pratique obligatoire de l'avortement.
Nous devons donc informer sur les possibilités, mais ne pas inciter, d'une quelconque manière, à une décision qui n'appartient qu'à la femme, par un consentement libre et éclairé, après une information neutre et équilibrée. Divers amendements proposent de renvoyer à des associations de parents et de malades spécialisées dans l'accompagnement d'enfants atteints de l'affection en cause, et demandent, en même temps, que les tests de dépistage ne soient pas pratiqués systématiquement, lorsqu'ils ne sont médicalement pas justifiés. Il est superfétatoire de proposer toute une batterie de tests de dépistage à une jeune femme de vingt ans ; mais, si la femme a le double de cet âge et que des facteurs de risque interviennent, on sera incité à proposer ces tests, de manière neutre, et à adopter une démarche progressant par étapes et se fondant sur un consentement libre.
Telles sont la vision de la commission et ma vision personnelle. Les amendements que nous allons examiner contribuent à ce que le dépistage ne soit pas systématique, mais guidé par des objectifs médicaux, que l'information soit aussi complète et neutre que possible, que la décision appartienne, de la manière la plus libre possible, à la personne qui a reçu cette information. Si, pour se déterminer, elle a besoin de renseignements complémentaires, on doit pouvoir lui fournir des informations sur les caractéristiques de l'affection suspectée pour l'enfant qu'elle va mettre au monde, et elle doit avoir l'occasion d'aller, auprès des associations familiales, voir comment se déroule la vie des enfants atteints de cette affection.
C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement. Il compromet en effet largement l'équilibre trouvé par la commission. Je comprends toutefois les objectifs qu'il vise ; je souscris d'ailleurs à une large part d'entre eux.
L'avis du Gouvernement est également défavorable.
J'ai entendu tout à l'heure les différentes interventions sur l'article, et je comprends bien la préoccupation exprimée par Marc Le Fur. Comme je l'ai dit lors de mon audition, il n'est pas question d'accepter une sélection génétique. Personne n'a l'intention de franchir cette ligne. On ne peut accepter une société dans laquelle on rechercherait l'enfant parfait. Cela poserait en outre la question du droit à l'enfant, et vous savez quelle est ma position sur ce point.
Cependant, l'encadrement de toutes les techniques de diagnostic prénatal envisagées dans le projet de loi a justement pour objectif d'éviter cela. Il vise à reconnaître ce que les médecins appellent la médecine foetale, ni plus ni moins.
Savez-vous combien d'IMG, combien d'interruptions médicales de grossesse sont pratiquées en France chaque année ? 6 876. Savez-vous combien il y a de dépistages de la trisomie 21 ? 505, soit 8 % du nombre d'interruptions médicales de grossesse. Cela montre que, dans un très important nombre de cas – un nombre considérable, diront certains –, ce n'est pas la trisomie 21 qui conduit à l'IMG. Imaginez une malformation sévère, une maladie grave qui entraîne la disparition de l'enfant dans les premières semaines, les premiers mois ou les premières années de sa vie : il faut pouvoir dépister, il faut pouvoir intervenir. Imaginez un enfant qui n'a pas d'encéphale : va-t-on le laisser venir au monde ? Il est important pour les parents que l'on puisse déceler cela.
On doit rester dans cette logique, notamment pour des affections d'une particulière gravité, incurables. Franchement, l'encadrement que nous offrons aujourd'hui est d'une telle qualité, et aussi d'une telle sévérité, qu'il nous préserve du risque, que vous évoquiez, d'une forme d'eugénisme et de sélection génétique, à laquelle, comme vous, je ne me résous pas.
Voilà pourquoi je suis défavorable à l'amendement. Je crains, s'il était adopté, que l'on ne puisse plus, dans certains cas, intervenir au titre de l'IMG.
Je rappelle rapidement la position que j'ai exprimée ce matin, à laquelle M. Le Fur a fait référence.
Il est évident que chacun, chaque famille doit avoir le droit de choisir. Or si cet amendement, qui vise à réserver la détection à des cas d'anomalie génétique qui peuvent être prévenus ou soignés, était adopté, ce choix ne serait plus possible.
Les cas concernés sont peu nombreux, comme le ministre vient de le rappeler. Alors que l'on compte chaque année 800 000 naissances, il n'y a que 6 000 interruptions médicales de grossesse et 600 détections de la trisomie 21. Vous devez laisser le choix aux familles, et à elles seules.
Trois étapes sont prévues : le dépistage, le diagnostic et, éventuellement, une intervention thérapeutique. Or si vous supprimez la première de ces trois étapes, il est évident qu'il sera impossible de passer aux deux suivantes. Nous devons respecter l'équilibre du texte.
(L'amendement n° 67 n'est pas adopté.)
En l'absence de notre collègue Hervé Mariton, c'est effectivement moi qui défendrai cet amendement dont je suis cosignataire.
Au cours de nos débats en commission, nous avons souhaité améliorer, par rapport au texte du projet de loi, la qualité du consentement libre et éclairé de la femme. C'est ainsi qu'un amendement déposé par notre rapporteur prévoit que, préalablement au recueil du consentement, la femme enceinte reçoit, sauf opposition de sa part, une information portant notamment sur les objectifs, les modalités, les risques, les limites et le caractère non-obligatoire des examens prévus.
L'amendement n° 33 a pour objet de placer cette exigence non à l'alinéa 6 mais plus en tête de l'article, après l'alinéa 2. Ainsi indiquerait-on l'esprit dans lequel les examens de diagnostic prénatal vont se dérouler.
Je partage la préoccupation exprimée par M. Breton.
Le texte initial ne comportait pas de dispositions de nature à garantir un tel équilibre, mais l'amendement me paraît satisfait par la nouvelle rédaction de l'alinéa 8 de l'article 9, fruit de l'adoption d'amendements en commission.
Même avis.
Ce n'est pas la disposition elle-même qui est en cause, c'est sa place dans l'article. Placée en fin d'article, elle a moins de force que si elle était placée, en quelque sorte, « en chapeau » de cet article. L'esprit dans lequel les examens sont pratiqués serait précisé d'emblée : il s'agit de respecter le consentement libre et éclairé de la femme.
Notre objection ne porte donc pas sur le fond, elle porte sur la forme.
(L'amendement n° 33 n'est pas adopté.)
Pour prolonger la discussion que nous avons eue au début de la présentation de l'article 9, cet amendement vise à rétablir une médecine un peu plus sereine. Il s'agit d'instaurer un diagnostic prénatal qui respecte tant la pratique du médecin qu'une véritable liberté de la femme enceinte et du couple.
Cet amendement pose tout d'abord le principe selon lequel le diagnostic prénatal doit faire l'objet d'un consentement libre et éclairé de la femme enceinte. Pour que ce consentement soit tel, il convient que l'information donnée soit préalable, complète et objective, ce que prévoit le texte de l'amendement qui vous est proposé, au contraire de la rédaction du texte adopté en commission, qui, en raison de l'ajout de certaines dispositions, manque aujourd'hui de clarté et de lisibilité.
L'information doit être préalable car ce n'est pas au moment de l'annonce d'un risque ou d'un diagnostic défavorable qu'elle peut être correctement assimilée.
L'information doit être objective, c'est-à-dire ne pas procéder d'un parti pris d'élimination du handicap par un dépistage systématisé. Ainsi, le diagnostic prénatal ne serait plus proposé systématiquement, il le serait quand les conditions médicales le justifient.
L'information doit être complète. Cela passe par la possibilité, pour une femme ou pour un couple, de compléter l'information délivrée en entrant en contact avec des personnes qui se sont déjà trouvées confrontées à la même situation ou avec des associations spécialisées sur ce sujet.
Au-delà de rédactions différentes, il y a une grande similitude entre cet amendement et les amendements nos 70 et 72 adoptés par la commission.
Par ces amendements, nous avons ajouté la précision « lorsque les conditions médicales le nécessitent ». Ainsi avons-nous bien insisté sur le fait que les examens n'étaient pas pratiqués de manière systématique : ils sont effectués dans des cas médicaux particuliers. Il serait dangereux de les imposer au médecin ; de même serait-il dangereux de laisser au médecin la faculté de les proposer pour d'autres raisons que l'intérêt médical.
L'amendement n° 72 dispose pour sa part que « la liste des associations spécialisées dans l'accompagnement des patients atteints de l'affection suspectée et de leur famille […] est proposée ». Nous avons débattu en commission de la question de savoir s'il fallait préférer le terme « proposée » ou celui de « remise ». Ce dernier aurait présenté un caractère incitatif. La neutralité impose à la fois que l'information puisse être refusée par la patiente et que la liste d'associations qu'on lui propose puisse également être refusée.
À mon avis, sur le fond, l'amendement défendu par M. Breton est satisfait par les amendements nos 70 et 72 , quoique les mots employés ne soient pas exactement les mêmes. En outre, il rompt un tout petit peu l'équilibre que nous avions essayé de définir, entre droit à l'information sur la pathologie et droit de refuser cette information, droit de proposer une liste d'associations et droit, pour la femme enceinte, de ne pas l'accepter.
Je propose donc de repousser l'amendement n° 32 .
Même avis que la commission.
(L'amendement n° 32 n'est pas adopté.)
Il s'agit d'un amendement de cohérence. En effet, l'alinéa 2 de l'article 9 dispose que « le diagnostic prénatal s'entend des pratiques médicales […] ayant pour but de détecter […] chez l'embryon ou le foetus une affection d'une particulière gravité ». Or l'alinéa suivant, qui traite des examens de biologie médicale et d'imagerie, première étape du diagnostic prénatal, ne parle plus d'une « affection d'une particulière gravité » mais d'une « affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de la grossesse », ce qui – vous en conviendrez – est beaucoup plus large.
La cohérence du texte exige une rédaction similaire des deux alinéas. Il faut donc, à l'alinéa 3, faire référence à la particulière gravité de l'affection.
Avis défavorable.
Nous avons évoqué des étapes, dont l'étape dépistage, dont le champ peut être large. Il peut s'agir de dépister une maladie d'une particulière gravité qui confronte la femme enceinte à un dilemme : poursuivre sa grossesse ou non. Je reconnais très sincèrement que le texte donne l'impression de ne pas être cohérent. Cependant, en réalité, il l'est. Je reconnais aussi que l'expression « susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de la grossesse » n'entraîne pas une caractérisation extrêmement précise de l'affection. Je pense donc que l'on devrait, si M. le ministre l'accepte, réfléchir à la question pour trouver, en deuxième lecture, une nouvelle formulation.
Je suis cependant défavorable à l'idée d'une parfaite équivalence entre la première étape et la suivante. C'est pourquoi je vous propose pour l'instant de repousser cet amendement. Il restera à trouver une rédaction qui soit à la fois différente de « d'une particulière gravité » et plus explicite que « susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de la grossesse ».
Je comprends bien la logique de M. Breton, identique à celle défendue tout à l'heure par Marc Le Fur : il s'agit de restreindre le champ du diagnostic prénatal. Je l'ai bien compris.
Cela dit, je vous donne simplement un exemple.
Une maladie génétique, que l'on peut dépister de nos jours, se révèle au début de la grossesse. Elle n'est pas d'une particulière gravité mais elle évolue ensuite. L'adoption de votre amendement rendrait le dépistage impossible si elle devenait « d'une particulière gravité » seulement en cours de grossesse, alors qu'elle ne l'était pas au départ. Ce qui n'était pas d'une particulière gravité au départ peut le devenir. L'adoption de votre amendement empêcherait suivi et traitement, ce dont je ne veux pas.
Voilà pourquoi j'ai le regret d'émettre un avis défavorable.
(L'amendement n° 34 n'est pas adopté.)
L'amendement n° 70 a pour objet de faire en sorte que le dépistage ne soit pas systématique, objectif également poursuivi par Xavier Breton et un certain nombre de ces collègues. Le dépistage doit être guidé par un intérêt médical. S'il existe un risque, on fait un dépistage ; s'il n'y en a pas, on ne fait pas de dépistage.
L'amendement n° 35 de Xavier Breton et un certain nombre de ces collègues est quasiment identique. C'est par sécurité, pour être sûr que la disposition proposée serait bien discutée en séance, que nous avons déposé l'amendement n° 70 .
Effectivement, les termes employés ne sont pas tout à fait les mêmes. L'amendement n° 70 de M. Leonetti insère les mots « lorsque les conditions médicales le nécessitent », tandis que l'amendement n° 35 insère les mots « lorsque les conditions médicales le justifient ». Nous nous rallierons cependant à la proposition du rapporteur qui a certainement étudié la question de manière approfondie.
Au-delà de cette question de vocabulaire, l'enjeu me paraît important. Le texte initial prévoyait un diagnostic systématique. En adoptant l'amendement n° 70 ou l'amendement n° 35 , nous le refuserions très clairement. Compte tenu de la dérive survenue tout au long des dernières années, ce serait un signe très fort.
Dois-je comprendre que l'amendement n° 35 est retiré, monsieur Breton ?
L'amendement n° 35 , retiré par M. Breton, est repris par M. Vanneste.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements en discussion commune ?
À mes yeux, c'est la femme qui doit choisir ; aussi, renforcer le rôle du médecin me gêne. Je connais bien les facteurs de risques, mais qu'est-ce qui nous garantit qu'aux yeux du médecin, ce n'est pas l'âge qui fera pencher en faveur de précautions supplémentaires ?
Je reste persuadé que si nous devons accepter un déséquilibre, il doit être en faveur de la femme. Voilà pourquoi je suis défavorable à cette rédaction. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Pour une fois, nous sommes d'accord avec le ministre, contre le rapporteur ! Cet amendement n° 70 nous gêne beaucoup, car nous considérons que la rédaction de l'alinéa 3 est équilibrée et pertinente.
Je comprends la position de M. Leonetti lorsqu'il dit qu'une femme de vingt ans enceinte n'est pas dans la même situation qu'une femme de quarante ans. Cela étant, comme l'a dit le ministre, c'est à la femme enceinte de choisir.
Par ailleurs, peut-être n'avez-vous pas pensé, monsieur Leonetti, au problème de la responsabilité médicale. Certes, les risques sont limités. Toutefois, une femme de vingt ans à laquelle on n'aurait pas conseillé le dépistage et mettant au monde un enfant trisomique pourrait demander au médecin pourquoi il ne lui a pas proposé un dépistage, ce qui lui aurait donné la possibilité de faire un choix – sans préjuger du choix qu'elle aurait fait.
Cet amendement affaiblit beaucoup la pertinence de l'alinéa 3 et de l'article 9. Nous souhaitons donc pour notre part en revenir au texte, autrement dit que des examens soient proposés à toute femme enceinte, en laissant à cette dernière la possibilité de choisir, ou non, le dépistage.
J'aurais pu moi-même retirer mon amendement au profit de celui de M. Breton. Il me semble simplement que l'insertion proposée est plus à sa place à l'endroit indiqué par mon amendement.
Pour répondre à M. Vuilque, ce qui est opposable au médecin, ce sont les bonnes pratiques médicales. Et l'on ne peut pas tout faire à tout le monde et dans tous les cas.
Précisément, les bonnes pratiques médicales rappellent que la liberté de prescription permet de faire ou de ne pas faire. Voilà pour l'aspect médical. On fait, ou non, en fonction des bonnes pratiques médicales. Je me bats depuis longtemps, avec l'écoute attentive de M. le ministre, contre les examens inutiles dans notre pays, qui grèvent lourdement notre équilibre financier. Je le répète, ce qui est inutile gêne ce qui est indispensable, en médecine comme ailleurs.
Selon l'avis du Comité consultatif national d'éthique, la trisomie fait l'objet d'une proposition de dépistage, alors qu'il s'agit d'une maladie qui n'a pas de traitement ou de prévention possible. Toujours selon le CCNE, le critère qui permet de distinguer le dépistage de la trisomie 21 avec les conséquences possibles, en termes d'IMG, d'une politique eugéniste, c'est qu'aucune des étapes – dépistage, diagnostic, IMG – n'est obligatoire. Rien ne saurait être imposé au couple, la proposition d'IMG qui leur est faite en cas de diagnostic de trisomie n'est pas une incitation, mais l'évocation d'une possibilité. Le CCNE ajoute qu'il importe cependant de veiller à ce que le choix des couples ne soit pas menacé par un climat idéologique incitatif dans un sens comme dans un autre.
Il me semble que l'emploi du mot « médicales » résulte d'un dialogue singulier fondé sur la déontologie médicale, la rencontre de deux confiances et de deux consciences. En effet, l'éclairage que l'on donne induit un risque selon que la personne fait ou non le dépistage. On peut évoquer le problème sans pour autant proposer le dépistage. On peut aussi évoquer le problème et proposer le dépistage. Je le répète, devant une femme très jeune, de dix-huit à vingt ans – pardonnez-moi cette caricature –, on peut évoquer le problème et lui dire que le risque est extrêmement faible, et donc, ne pas lui proposer le dépistage. En revanche, devant une femme dont nous savons que l'âge est le facteur de risque le plus important, on doit proposer le dépistage.
Le fait d'inscrire dans la loi « lorsque les conditions médicales le nécessitent » participe d'un équilibre subtil : ces termes font à la fois référence au CCNE et aux sociétés savantes qui définissent, notamment au travers de la Haute autorité de santé, l'attitude à avoir en telle ou telle circonstance, et au médecin qui doit évoquer le problème avec tact et indiquer précisément si le dépistage est utile ou non, indispensable ou non.
Je crois que c'est dans le dialogue singulier que doit se trouver cet élément. Je crains que les examens, que ce soit celui-ci ou un autre, ne soient demandés par les patients sous une pression sociétale qui ne correspondrait pas à l'état actuel de la science.
J'avoue avoir quelque difficulté à comprendre comment cette proposition d'amendement s'intègre dans l'alinéa 3. Il me semble qu'elle introduit une ambiguïté.
L'alinéa 3 est ainsi rédigé : « Des examens de biologie médicale et d'imagerie permettant d'évaluer le risque que l'embryon ou le foetus présente une affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de la grossesse, sont proposés à toute femme enceinte au cours d'une consultation médicale. »
Je suppose que le colloque singulier qui lie le médecin et la femme enceinte intègre l'idée que les propositions qui lui sont faites sont forcément dictées par une considération médicale que le médecin assume. Par conséquent, je ne vois pas la nécessité de le préciser à nouveau avec cet amendement. Je crains au contraire que celui-ci n'introduise une certaine ambiguïté.
Comme il a été proposé tout à l'heure de revenir sur l'alinéa 3 au cours de la deuxième lecture, nous pouvons encore réfléchir à cette question pour satisfaire tout le monde, mais il ne faudrait pas que cet amendement marque un recul. Personnellement, je fais confiance aux médecins et à la relation qu'ils ont avec leurs malades. N'ajoutons pas un élément qui pourrait être interprété de façon restrictive.
Je crois que, de nos débats, il ressort autre chose que ce que dit l'alinéa 3. Je dis à mes collègues qui se sont précipités sur cet amendement qu'il y a peut-être une connotation qui ne correspond pas à l'esprit que vous-même avez défendu, monsieur le rapporteur.
Mon intervention va dans le même sens que celle de M. Vaxès.
Monsieur le rapporteur, le médecin peut se tromper ; il peut ne pas apprécier les conditions médicales. Vous m'objecterez que, pour une femme de vingt ans, les risques sont moindres. Certes. Mais s'il se trompe, vous allez fragiliser la relation entre le médecin et sa patiente et, encore une fois, en termes de responsabilité médicale, si un enfant atteint de trisomie 21 naît sans que cette affection ait été détectée, la responsabilité médicale pourrait être engagée. On pourrait reprocher au médecin d'avoir fait une mauvaise interprétation des conditions médicales, de n'avoir pas proposé un dépistage et l'attaquer en responsabilité.
Nous comprenons mal pourquoi, monsieur le rapporteur, vous voulez modifier la rédaction de l'alinéa 3 tel qu'il est prévu dans le texte, et qui vise à proposer un dépistage à toute femme enceinte. Encore une fois, c'est la femme qui choisit. Laissez-la donc choisir !
Je n'ai rien à ajouter à ce qui vient d'être dit par le ministre et par mes collègues sur l'absence d'opportunité de cet amendement.
En revanche, je voudrais indiquer qu'il y a une différence entre les deux amendements, nos 70 et 35 . Je regrette que le rapporteur, dans le souci de consensus qui est le sien depuis le début de la discussion, ne l'ait pas soulignée. Car cette différence permet d'éclairer une partie de notre débat.
Jean Leonetti nous a dit que nous étions là pour affiner nos convictions et que nous ne devions pas discuter avec des a priori. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec cette appréciation extrêmement consensuelle des choses. Nous avons des convictions qui peuvent être différentes et notre souci dans cet hémicycle est de les rapprocher pour trouver des solutions conformes à l'idée que nous nous faisons de l'intérêt général.
L'un des amendements se réfère directement à la nécessité : on recourrait à ce type de dépistage lorsqu'il est rendu nécessaire par les circonstances médicales. Sur le fond, je suis en désaccord, mais sur la forme, il est indiqué que nous sommes dans une logique purement médicale. L'autre amendement, quant à lui, porte un jugement moral. Car « justifier », c'est expliquer que quelque chose n'est pas répréhensible. C'est donc poser la question de sa légitimité. Et l'on ne peut pas confondre l'un et l'autre.
Par conséquent, je suis défavorable aux deux amendements, mais je suis encore plus défavorable à l'amendement de M. Breton qu'à celui de M. Leonetti, et je regrette encore une fois que le rapporteur n'ait pas souligné cette différence qui n'est pas mince.
Je suis pour ma part favorable à l'amendement de M. Leonetti, pour une raison simple. Lorsqu'il y a ou non un soupçon, la femme, qui est aujourd'hui informée, peut demander un examen à son médecin dans un colloque singulier ; et, si le médecin pense qu'il y a nécessité, il proposera le dépistage. Mais cela dépendra du colloque singulier et des deux parties. Évidemment, si une femme de vingt ans s'informe sur internet, elle constatera qu'il n'y a pas ou peu de risques et le médecin le lui dira si elle le lui demande.
Il me semble donc préférable d'adopter l'amendement de M. Leonetti, de ne pas faire en permanence des examens inutiles.
Certes. Mais ce n'est pas le seul problème. Si l'on commence à faire des examens sur tout, c'est alors que l'on se dirigera vers l'eugénisme, car on verra plus de choses et l'on ira très rapidement vers ce que l'on appelle un screening de tout ce qui est possible !
Il ne faut pas oublier que, demain, ces examens seront inutiles, pour une raison simple : à quatre semaines, les cellules de l'embryon circulent dans le sang de la femme. Ce sera un autre problème, bien plus difficile encore.
Nous devons être mesurés, et l'amendement de Jean Leonetti me semble être très mesuré. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. Debré dit que, dans quelque temps, ces examens pourront se faire par un simple prélèvement sanguin.
Pourquoi ne pas permettre aujourd'hui ce type de dépistage aux femmes ?
Par ailleurs, vous expliquez, monsieur Debré, que, lors de l'entretien entre le médecin et la femme enceinte, celle-ci pourra toujours demander un diagnostic. Avec cet amendement, nous allons introduire une inégalité entre les femmes : d'une part, celles qui auront un rapport de confiance avec leur médecin et qui disposeront des informations nécessaires pour demander à ce dernier qu'il prescrive certains examens si elles le souhaitent ; d'autre part, les femmes qui sont dans une situation plus précaire, disposant de moins d'informations et qui, elles, ne demanderont pas ces examens à leur médecin alors même qu'elles pourraient le souhaiter. Cela risque, en conséquence, d'introduire une inégalité entre les femmes.
En outre, cet amendement est contraire à l'esprit de l'alinéa 3, qui précise que des examens sont proposés à toute femme. Comme l'a effectivement souligné M. le ministre, c'est aux femmes qu'il revient de choisir. Si l'on ajoute « lorsque les conditions médicales le nécessitent », on renverse totalement la problématique. C'est, du coup, le médecin qui choisit à la place de la femme. La femme n'a, en conséquence, plus de liberté de choix.
La parole est à M. Alain Claeys, président de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique.
C'est la nature même de la loi que l'on veut voter. Nous répétons, depuis le début de ce débat, qu'il s'agit d'une loi-cadre. Je ne vois donc pas en quoi l'alinéa 3 de l'article 9 peut choquer quiconque. J'en rappelle les termes : « Des examens de biologie médicale et d'imagerie permettant d'évaluer le risque que l'embryon ou le foetus présente une affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de la grosse, sont proposés à toute femme enceinte au cours d'une consultation médicale. » De quel droit le législateur apporterait-il un certain nombre de précisions, alors que la décision sera prise dans le dialogue singulier entre la patiente et le médecin ? Si nous adoptons cet amendement, nous sortirons de notre rôle. J'y suis donc défavorable.
Si l'on n'assortit cette disposition d'aucune condition, le médecin, pour se justifier et ne prendre aucun risque, proposera des dizaines d'examens, des dizaines de radios. Comment une femme, quelle qu'elle soit, d'où qu'elle vienne, pourra-t-elle choisir ? Des quantités d'examens seront demandés même en cas de trisomie.
Si les examens doivent être médicalement justifiés, il y aura forcément un dialogue et la femme pourra se prononcer.
J'ai souhaité reprendre l'amendement n° 35 , dont j'étais cosignataire, pour les raisons de sémantique évoquées par M. Gorce, mais avec une conclusion inverse ! La nécessité est un fait objectif, matériel et ne relève donc pas d'un cadre juridique. Ce qui doit être justifié se situe en revanche davantage dans le cadre de la loi. Il s'agit, de plus, de soumettre une proposition à la liberté d'une personne, laquelle ne doit pas être effectivement confrontée à une nécessité, mais à un argument justifiant la proposition.
Après avoir écouté les uns et les autres et afin de ne pas compliquer inutilement le débat, je considère que, si l'on ne veut pas maintenir le caractère quasi automatique de la proposition, il est préférable de s'en tenir à l'amendement du rapporteur.
Cela étant précisé, l'argument de Mme Filippetti ne me semble pas très pertinent et peut parfaitement être inversé. En effet, tout médecin jouissant d'une certaine autorité face à une patiente qui, elle-même, n'est pas en mesure de choisir librement, pourra être influencé. Si la proposition est faite systématiquement, l'attention de la patiente ne sera pas suffisamment appelée sur le caractère grave de la situation et sur la raison impérieuse pour elle de se soumettre à l'examen. Elle risque donc parfois de ne pas faire preuve d'assez de vigilance.
Voilà les raisons pour lesquelles je me rallie personnellement à la proposition de Jean Leonetti, en dépit d'une interprétation sémantique légèrement différente. En conséquence, je retire l'amendement n° 35 .
(L'amendement n° 35 est retiré.)
Si l'on vous suit, la logique serait de modifier la rédaction du dispositif pour préciser que la proposition n'est faite que si les conditions médicales le nécessitent. Dans le dialogue singulier auquel M. Debré vient de faire allusion, une restriction sera ainsi apportée à la liberté de la femme, comme du médecin, de prendre une décision, et ce en fonction du contexte. C'est donc à la fois anticiper, voire limiter, la responsabilité du médecin dans la décision qu'il doit prendre et évidemment restreindre celle de la femme. Vous introduisez ici une restriction qui n'est pas souhaitable.
J'ai toujours des difficultés à comprendre ce débat. L'article 9 obéit en effet à une logique et précise dès le deuxième alinéa qu'il s'agit d'affection d'une particulière gravité. J'en rappelle les termes : « Le diagnostic prénatal s'entend des pratiques médicales, y compris, l'échographie obstétricale et foetale, ayant pour but de détecter in utero chez l'embryon ou le foetus une affection d'une particulière gravité. » Comment, à l'alinéa suivant, peut-on évoquer l'idée qu'un examen n'est peut-être pas nécessaire ?
Je ne peux accepter cette ambiguïté, voire cette contradiction entre les alinéas 2 et 3 de cet article 9, qui présente une unité et une cohérence qu'il convient de conserver.
J'ai bien entendu l'argumentation de M. Bernard Debré. Certes, il y a les bonnes pratiques mais la HAS a édicté aussi un certain nombre de recommandations ou de préconisations – appelez cela comme vous voulez – pour tout le suivi de grossesse. Il n'y a donc pas lieu pour le médecin d'apprécier les conditions médicales. Il conserve, bien entendu, son libre arbitre et ce n'est pas moi qui remettrai en cause la liberté de prescription ! Il lui revient de faire du sur-mesure, dans un environnement qui n'est pas dépourvu de la moindre préconisation ou recommandation.
J'ai bien compris ce que vous avez dit concernant la batterie d'examens, monsieur Debré, mais le cadre des bonnes pratiques existe et apporte une aide.
De plus, on ne m'enlèvera pas de l'esprit que, si toutes les grossesses ne sont heureusement pas à risques, il n'y a pas non plus a priori de grossesses sans risques. Je ne réécris pas ici le principe de précaution. Enfin, je le répète une fois encore, une chose pour moi est fondamentale : le médecin propose et la femme dispose. Telle est la raison pour laquelle, et j'en suis désolé, je ne suivrai pas le rapporteur.
Je suis saisi d'un amendement n° 7 .
La parole est à Mme Valérie Boyer, pour le soutenir.
L'article 9 vise à renforcer l'accompagnement et l'information des femmes enceintes et à améliorer leur prise en charge médicale. À l'instar des médecins, les sages-femmes ont vocation à participer activement à cette prise en charge dans le cadre de leur mission de suivi des grossesses. Il est précisé qu'en cas de risque avéré susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de la grossesse, seul le médecin est en mesure de rendre à la femme enceinte le résultat des examens.
La disposition envisagée soulève donc des doutes quant à sa cohérence. En effet, elle suppose que la sage-femme devra systématiquement orienter ses patientes vers un médecin dès que le risque est avéré, leur suggérant ainsi que les résultats du test posent un problème sans pour autant être en mesure de donner la moindre explication, ce qui est très anxiogène. Cela entraînera inévitablement une angoisse chez les femmes enceintes, tout en occasionnant des délais de retard dans une éventuelle prise en charge, ce qui est particulièrement problématique dans le cadre d'un diagnostic prénatal.
En outre, il ne s'agit, à ce stade, que de délivrer une information sur les seuls résultats des examens nécessaires à l'évaluation du risque d'affection pouvant toucher l'embryon ou le foetus, ce qui ne constitue pas un diagnostic. Ce dernier ne peut être établi, en effet, qu'après un examen réalisé par le médecin.
Il est donc proposé de corriger ce qui apparaît comme une disposition incohérente et, dans le même temps, de préciser que, si les résultats des examens que la sage-femme a prescrits démontrent un risque avéré, il lui revient, comme il est courant et obligatoire dans l'exercice de sa mission, de diriger la femme enceinte vers un médecin, voire vers un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal en vue d'établir le diagnostic de l'affection dont serait atteint l'embryon ou le foetus. Dans tous les cas, cela permettrait à la sage-femme de suivre la grossesse et, bien évidemment, de régler les problèmes humains qui peuvent survenir.
Je tiens enfin à souligner ici tout l'engagement de Jean-Sébastien Vialatte et de Bérengère Poletti à l'occasion de cet amendement dont je suis cosignataire et que je présente également en leur nom.
La commission a émis un avis défavorable. Cependant, je pense qu'avec un encadrement nécessaire, cette proposition doit recevoir un avis favorable.
Le code de la santé publique reconnaît aujourd'hui le métier de sage-femme comme une profession médicale. Cela a donné lieu à un certain nombre d'ouvertures. Une sage-femme peut, en particulier, prescrire des tests sériques, elle peut pratiquer ou ordonner une échographie. Dans l'environnement actuel – et nous en avons souvent discuté avec M. le ministre –, des professions, par délégation de tâches de la part des médecins ou du fait d'une organisation différente, sont amenées à prendre un certain nombre de responsabilités. Je pense aux infirmières et surtout aux sages-femmes.
Les sages-femmes ayant reçu une formation suffisante dans le domaine de l'information des parturientes, l'avancée contenue dans l'amendement, qui propose qu'en cas de risque avéré, la sage-femme peut également communiquer directement les résultats, ne comporte donc pas d'énormes risques et n'ôte pas non plus une partie de ses prérogatives au corps médical.
Sous réserve de ces vérifications je serai favorable à ce que ces professions aient davantage de responsabilités approuvant, par ailleurs, les transferts de tâches. Aujourd'hui, dans les hôpitaux, les infirmières prennent de plus de responsabilités à l'occasion d'un certain nombre d'examens, dans un cadre « protocolisé » et avec l'accord du corps médical.
Madame la députée, quel a été le niveau de concertation menée avec les médecins ?
Je suis quelque peu embarrassée pour vous répondre, monsieur le ministre…
Dans ce cas, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée !
La façon dont le rapporteur vient de traduire mes propos me semble tout à fait correspondre à l'esprit qui a présidé à la rédaction de cet amendement. Il s'agit d'assurer une continuité dans le suivi de la parturiente. Dans le cas notamment de l'annonce d'une mauvaise nouvelle, la sage-femme doit pouvoir communiquer les résultats afin d'éviter toute perte de temps. Elle s'en remettra, ensuite, comme l'a si bien expliqué M. le rapporteur, à la sagesse médicale et à la pratique. C'est ainsi que cela se passe dans les faits.
Je soutiens cet amendement dans la mesure où, dans les tâches partagées, on demande à la sage-femme de faire de plus en plus de choses dans le suivi des grossesses. Lui permettre de prescrire un examen mais ne pas lui laisser la possibilité d'en donner le résultat, c'est la limiter. Je rejoins donc le rapporteur. Un certain nombre de sages-femmes font des échographies, dans des conditions tout à fait acceptables et efficaces médicalement.
Je rappelle que j'ai émis la même réserve que M. le ministre et expliqué qu'un protocole devait être établi avec la profession médicale, en particulier les gynécologues-obstétriciens. Le soutien de M. Marty, qui pratique cette profession, me conforte dans l'idée que, si l'on institue par décret un cadre protocolaire, un tel transfert de tâches, et non de compétences, est possible. Je persiste donc à être favorable à l'amendement .
Si j'ai posé la question tout à l'heure à Valérie Boyer, ce n'était pas pour gêner qui que ce soit. Nous ne sommes pas dans de la délégation de tâches à proprement parler. Si, sur tous ces sujets qui semblaient impossibles il y a quelque temps et qui sont devenus simplement sensibles, on manque une étape de concertation, on risque le blocage alors qu'on voit bien dans quel esprit cet amendement a été déposé.
Quand on connaît le rôle des sages-femmes, et alors qu'elles interviennent à de nombreux niveaux, il n'est pas possible qu'elles n'aient pas le droit, au dernier moment, de donner le résultat. C'est la motivation de votre amendement. Mais nous ne devons pas non plus oublier qu'il y a des médecins qui jouent ce rôle.
Je comprends bien, madame Boyer, que vous voulez simplement ouvrir une possibilité. Cela dit, on demande souvent au Gouvernement de réaliser des études d'impact avant de présenter un projet de loi, ce qui est normal, de mener une concertation, ce qui est tout aussi normal. Il faudrait que ce soit aussi le cas pour chaque proposition, ce qui éviterait qu'on doive parfois revenir sur le sujet.
Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée parce que je ne peux pas être contre ce que vous proposez mais je tenais à apporter ces précisions.
Je vous remercie beaucoup, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre. C'est tout à fait l'esprit qui a animé la signataire de cet amendement et ses deux cosignataires, Jean-Sébastien Vialatte et moi-même.
C'est ainsi que cela se passe dans les faits et ce serait parfait si c'était traduit dans un protocole et si les choses étaient clarifiées. Je crois que, là, tout le monde serait d'accord. C'est aussi un amendement d'appel.
J'aimerais bien avoir une explication de texte. Si l'on s'en tient à la rédaction de l'amendement, en cas de risque avéré, ce n'est plus le médecin qui communique lui-même les résultats et, le cas échéant, oriente la femme enceinte, c'est la sage-femme qui l'oriente vers un médecin. Le médecin a donc disparu.
Ce n'est pas clair. Si l'on prévoit que « la sage-femme oriente la femme enceinte vers un médecin ou, le cas échéant, », cela signifie qu'elle peut ne pas l'envoyer à un médecin, ce qui me semble extrêmement litigieux. Dans les faits, la sage-femme et le médecin travaillent ensemble, mais ce n'est certainement pas à la sage-femme de prendre la décision. Il faut que le médecin joue son rôle. Il est tout de même responsable, il va prendre des décisions avec cette femme : poursuit-elle sa grossesse, y a-t-il un danger ? Substituer la sage-femme au médecin me semble très dangereux.
Vous comprenez pourquoi je m'en suis remis à la sagesse de l'Assemblée. Je comprends l'esprit de l'amendement. Je ne veux pas moi non plus que la sage-femme aille quasiment jusqu'au bout du processus et soit mise de côté à la fin mais elle ne doit pas non plus se substituer totalement au médecin.
Non, ce n'est pas le cas mais il faudrait améliorer un peu la rédaction pour apporter des garanties à tout le monde.
Il faut bien comprendre l'esprit de la proposition. Il ne s'agit pas de substituer la sage-femme au médecin. Actuellement, notamment dans le cadre de la trisomie 21, une sage-femme ayant prescrit un examen dont le résultat n'est pas normal ne peut rien dire à la femme enceinte, elle doit l'envoyer voir un médecin. Or les sages-femmes sont en mesure d'expliquer aux femmes qu'elles ont suivies qu'il y a un problème et que des étapes complémentaires sont nécessaires. Il est clair qu'elles les enverront alors vers un médecin ou vers un centre pluridisciplinaire. Il n'y a donc ni concurrence ni substitution : il y a une équipe qui travaille en concordance. Dans la plupart des cas, ne vous faites pas d'illusion, la sage-femme considérera qu'il est de son devoir de dire à la patiente qu'elle vient d'avoir un résultat mais qu'il faut aller plus loin et faire d'autres examens, qui seront bien sûr pratiqués soit par une équipe soit par un médecin.
Je suis sensible à la remarque pertinente de M. le ministre, qui nous appelle à réfléchir et à faire preuve de sagesse.
La bonne solution, selon moi, serait que la sage-femme puisse éventuellement donner directement les résultats. Si Valérie Boyer l'acceptait, je proposerais un peu à la volée un sous-amendement pour introduire une telle possibilité, qui permettrait d'avoir un dialogue avec la profession médicale. Ainsi, le corps médical ne serait pas totalement court-circuité. Comme l'a très bien souligné Alain Marty, il délègue déjà depuis longtemps aux sages-femmes le soin de donner toute une série d'informations et d'orientations.
Vu la complexité des choses, monsieur le rapporteur, je souhaite que vous me fassiez parvenir un texte écrit du sous-amendement que vous proposez pour que l'on puisse bien suivre le débat.
La parole est à M. Philippe Vuilque.
M. Debré a raison. Tel qu'il est rédigé, l'amendement n'est pas acceptable parce qu'il met totalement le médecin de côté. On comprend bien l'économie générale mais, si l'on veut une coproduction intelligente entre le médecin et la sage-femme, il faut réécrire le texte et ne pas substituer la sage-femme au médecin.
Je suggère que l'on écrive qu'en cas de risque avéré, le médecin communique les résultats en concertation avec la sage-femme.
N'oubliez pas qu'il y a des décisions extrêmement importantes à prendre en cas de risque avéré, que des examens sont nécessaires, réalisés en général par d'autres médecins car on ne va pas simplement refaire l'échographie prescrite par la sage-femme. Il y a donc toute une batterie d'examens qui va suivre. Que le médecin communique les résultats en concertation avec la sage-femme, cela me semble très simple.
Je suis ravie de voir que la sagesse est présente sur tous les bancs de cette assemblée et que nous sommes d'accord sur l'esprit de l'amendement. Il faut effectivement en revoir la rédaction pour que la mission de la sage-femme soit précisée et qu'il n'y ait pas de hiatus avec le corps médical. L'esprit de cet amendement, c'est de permettre à la sage-femme de continuer à faire son travail, ce n'est en aucun cas de léser le médecin. Je rappelle tout de même que les sages-femmes ont une compétence médicale particulière.
Je suis donc favorable à la solution que vient de nous proposer le rapporteur, je préfère que l'on prévoie une possibilité pour les sages-femmes de donner les résultats plutôt qu'une concertation, qui obligerait à avoir les deux personnes en même temps. Cela dit, qu'on prenne le temps de trouver une bonne rédaction puisque nous sommes tous d'accord sur le principe.
À la demande de la commission et du Gouvernement, afin de bien légiférer, l'amendement est réservé jusqu'à la fin de la discussion de l'article 9, ce qui nous permettra de le réécrire proprement et d'être bien au fait des choses.
Je suis saisi d'un amendement n° 101 .
La parole est à M. Louis Cosyns.
C'est un amendement simple, qui vise à formaliser l'opposition de manière écrite.
(L'amendement n° 101 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Dans le même état d'esprit, l'objectif de cet amendement est de faciliter la compréhension des personnes, dans un domaine pour le moins ardu.
J'espère que tous les médecins ont un langage simple et compréhensible lorsqu'ils recherchent un consentement libre et éclairé. Si je comprends bien la philosophie de l'amendement, les termes utilisés me paraissent superfétatoires.
(L'amendement n° 102 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi de trois amendements, nos 91 rectifié , 36 et 72 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Paul Jeanneteau, pour défendre l'amendement n° 91 rectifié .
Nous proposons que le médecin fournisse à la femme, sauf si elle s'y oppose, une liste départementale des associations de parents, agréées et reconnues dans la prise en charge et l'accompagnement de la personne en situation de handicap.
Je ne développerai pas la philosophie de cet amendement, qui est dans le prolongement de ce que j'ai dit ce matin. Il s'agit simplement de faire en sorte que le choix de la femme et du couple se fasse de la façon la plus éclairée et la plus libre possible.
Dans un souci d'assurer une information préalable complète et objective, cet amendement propose que, lorsque le risque d'une affection d'une particulière gravité a été avéré, la femme enceinte reçoive de son médecin une liste des associations spécialisées et agréées dans l'accompagnement des patients atteints de l'affection recherchée et de leurs familles.
Il nous semble effectivement important que les femmes et les couples qui se trouvent brutalement confrontés à une situation douloureuse soient éclairés dans leur décision. Nous pourrions préciser, comme l'ont suggéré le rapporteur ou M. Jeanneteau, qu'il en est ainsi sauf si la femme enceinte s'y oppose, afin qu'elle conserve une totale liberté dans l'information qu'elle reçoit.
Dans l'avis qu'elle vient de rendre le 3 février dernier, la Commission nationale consultative des Droits de l'homme a recommandé que l'information des femmes soit la plus compréhensible possible et que le consentement soit véritablement éclairé. Elle indique qu'à cette fin, les parents doivent être conseillés par des associations ou organismes spécialisés pour les aider à mieux appréhender le handicap de leur enfant à naître et, le cas échéant, les soutenir dans l'éducation et la prise en charge de celui-ci.
C'est peut-être la synthèse des deux amendements précédents.
Faut-il qualifier les associations ? J'appelle l'attention de M. Jeanneteau sur le fait qu'une association peut ne pas être départementale tout en étant utile et être d'intérêt général sans être agréée. C'est pourquoi nous évoquons plutôt des « associations spécialisées » : cela signifie qu'il ne s'agit pas de n'importe quelles associations, tout en laissant une ouverture suffisante. La mention des caractères départemental et agréé est trop restrictive.
Ensuite, il convient de savoir s'il vaut mieux que la liste soit « fournie » ou « proposée ». Dans l'esprit qui nous anime depuis le début, c'est l'idée de proposition, sous-entendant la possibilité d'un refus, qui doit être retenue. Le médecin qui a annoncé à la femme enceinte une pathologie de l'enfant n'a pas à lui fournir une liste d'associations, mais il lui en fait la proposition.
J'émets donc un avis défavorable sur les amendements nos 91 rectifié et 36 .
Je penche plutôt pour l'amendement du rapporteur. Il ne s'agit pas d'être d'accord par principe avec lui, mais je trouve sa rédaction meilleure. Les formulations ne sont d'ailleurs pas très éloignées.
Sur le fond, nous sommes favorables aux trois amendements. À vous de choisir. Spontanément, nous préférons le texte du rapporteur.
Les trois amendements partagent la même philosophie et se recoupent. Le mot « départementales » est sans doute de trop, mais « agréées » me semble important pour offrir une garantie sur la qualité des associations et écarter celles dont le sérieux pourrait être en doute.
Que la liste soit départementale n'implique pas que les associations aient une compétence départementale. Il s'agit d'une liste remise par département.
Il est important de laisser à la femme enceinte la possibilité de s'opposer à la communication de cette liste. Si elle ne souhaite pas la recevoir, son choix doit être respecté.
En revanche, je crois que l'agrément apporte une certaine sécurité. Je ne souhaite pas, en effet, que n'importe quelle association de doux hurluberlus puisse exercer une pression. Cela montre le sérieux de notre amendement.
Je suis défavorable à ces amendements. Il s'agit de parents, de femmes qui ont à faire un choix douloureux, et ces amendements cherchent à les culpabiliser plus encore,…
…à ajouter de la pression sociale dans leur situation difficile. Leur communiquer une liste d'associations s'occupant de personnes en situation de handicap alors qu'elles ont à décider si elles souhaitent garder ou non un enfant potentiellement handicapé, c'est de toute évidence faire peser une pression morale extrêmement lourde sur leurs épaules.
Cela ne permet pas d'échanger : cela les culpabilise !
Ces femmes sont déjà en situation de détresse. Il serait dangereux pour elles de leur communiquer des listes d'associations. Nous savons d'ailleurs que, dans les centres qui pratiquent des interruptions de grossesse, cette tentation de communiquer aux femmes des noms d'associations qui leur permettraient de les aider à élever leur enfant est toujours présente. C'est la même chose en l'espèce. Il s'agit de faire peser sur les épaules de ces femmes une pression sociale qui n'est pas supportable.
Je partage les préoccupations de notre collègue Aurélie Filippetti. Il ne s'agit pas de faire de procès d'intention sur les motivations que peuvent traduire ces amendements, même s'ils arrivent après d'autres plus explicites à cet égard. Ces amendements me préoccupent car ils posent eux aussi la question de l'avis éclairé des personnes concernées par cette information. Cet éclairage est extrêmement compliqué et je pense que la communication d'une liste d'associations pouvant être rencontrées constitue en soi une pression.
Les situations de ces personnes, qui viennent d'apprendre qu'elles auront sûrement un enfant présentant une pathologie extrêmement sérieuse, ne sont pas identiques. Les structures de prise en charge du handicap, indépendamment du fait qu'elles sont très inégalement réparties d'une région à l'autre, sont aussi – reconnaissons-le – souvent déficientes. Combien de fois n'avons-nous pas reçu dans nos permanences des parents de personnes handicapées qui ne trouvaient pas d'établissement spécialisé dans un rayon compatible avec leurs possibilités ou qui se posaient la question du devenir de leur enfant handicapé avec l'âge ? Apporter une information devrait être aussi mettre les personnes au courant de l'état d'indigence des réponses structurelles à la question du handicap. Sera-ce le cas ?
Je pose la question. Pour offrir une information complète, il faut être en mesure de le faire.
Au-delà, la réponse qu'apportera telle ou telle personne dans cette situation sera différente selon le statut social. Je peux comprendre et même défendre l'accueil de la différence au sein d'une famille. Si je ne suis pas intervenu dans le débat sur l'IMG, il ne m'a toutefois pas échappé que se profilait quelque volonté de la remettre en cause. Gardons-le à l'esprit. Si la société veut imposer aux familles, par l'action du législateur, de recevoir le handicap, il faut en même temps qu'elle donne les moyens d'assumer un tel parcours. Or, dans l'état actuel des choses, elle ne le fait pas.
Je pense donc qu'il convient d'être beaucoup plus nuancé que ces amendements et ceux qui les suivent. Cette prise de parole un peu longue me dispensera d'intervenir sur les autres amendements, sauf s'il est besoin de répondre à notre collègue Marc Le Fur que je vois s'impatienter pour porter la contradiction dans ce débat.
Il n'est pas le seul, monsieur Vaxès. Je rappelle que nous sommes dans le temps législatif programmé et que je dois accepter toutes les demandes de parole. Sur ces trois amendements, sept personnes sont déjà inscrites. Il faudra que chacun patiente.
La parole est à Mme Patricia Adam.
Je suis complètement opposée à ces amendements. Au moment où un risque avéré lui est annoncé, vous imaginez l'état émotionnel dans lequel se trouve la femme.
La femme ou le couple, d'ailleurs, car j'espère bien qu'il s'agit du couple et pas uniquement de la femme. Certains des amendements ne parlent que de « la femme » comme si elle devait être seule à assumer la responsabilité de cette très importante décision.
Je ne pense pas, dans l'état émotionnel où les parents se trouvent lorsque vient de leur être annoncé un risque avéré, qu'il soit judicieux de proposer une liste à ce moment.
Par ailleurs, ces amendements, tels qu'ils sont rédigés, considèrent que la femme est une personne irresponsable. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Or, quand elle arrive à une telle consultation médicale, elle est déjà informée, elle a réfléchi – en particulier quand intervient la question de l'âge. Une telle réflexion existe pour toutes les femmes. Ces amendements conduiront à une culpabilisation.
Enfin, « liste départementale » ne veut strictement rien dire. Dans le domaine du handicap, il n'existe pas de liste départementale, et les associations spécialisées dans telle ou telle maladie ne sont pas présentes dans tous les départements. Cette dénomination ne correspond pas à la réalité.
Pour que ce débat fondamental reste serein, il convient de relativiser. Nous sommes dans le cadre de l'information : il s'agit – l'amendement du rapporteur me paraît tout à fait sage – de « proposer ». La femme ou le couple disposera.
Il me paraît toutefois important, monsieur le rapporteur, de conserver la mention d'associations agréées, car il n'est pas souhaitable que toute association puisse figurer sur une telle liste et recevoir des couples dans la situation que ceux-ci connaissent.
Cela étant, je répète que le cadre est celui d'une information complète et que les personnes concernées disposeront. Rien n'est imposé.
J'invite nos collègues à se défaire de cette tendance à imaginer que ce qu'ils pensent est l'évidence pour tout le monde, comme si d'autres manières de penser n'étaient pas possibles.
J'ai été frappée par les propos de Mme Filippetti. Pour elle, l'IVG, dans une telle situation, est la seule solution, et il n'est pas imaginable que quelqu'un pense autrement.
On ne peut l'imaginer que lorsque les personnes sont particulièrement fragiles. C'est le même argument que tout à l'heure. Or, quand on est républicain, que l'on participe à une démocratie, il convient de faire confiance à tous les citoyens, en considérant que chacun a une capacité d'autonomie et de réflexion personnelle. Il ne faut pas sans arrêt tabler sur une fragilité qui ferait que certains auraient moins d'autonomie que d'autres.
Ce qui me frappe également, c'est que vous êtes en pleine contradiction, chers collègues. Tout à l'heure, à l'alinéa 3, vous souhaitiez que toutes les femmes bénéficient des mêmes informations, à travers les mêmes examens. À présent, vous vous récriez : « Ah non, surtout pas d'information ! » Autrement dit, il faut une information quand cela va dans votre sens et il n'en faut pas quand cela va en sens contraire !
Faites preuve d'un peu de cohérence ou d'honnêteté intellectuelle !
Notre collègue Lecou l'a dit à l'instant : il ne s'agit pas du tout d'obliger les femmes enceintes à prendre telle ou telle décision, mais d'éclairer leur choix par une information responsable.
Moi qui ai passé une partie de mon dimanche dans une association très dynamique de la région lilloise, Les Papillons Blancs, qui accueille les enfants handicapés, dorénavant jusqu'à l'âge adulte, jusqu'à la vieillesse, je vous assure que lorsque vous rencontrez ces enfants avec leurs parents et avec ceux qui en ont la charge, vous entendez battre le coeur d'une communauté !
C'est une communauté où la responsabilité des hommes et des femmes est pleinement assumée. Je vous assure qu'on est beaucoup plus fier de voir cela que d'autres situations où l'on a réglé rapidement, mécaniquement, le problème. Encore une fois, il s'agit d'éclairer la liberté de décision en informant de l'existence des associations.
Il y a ainsi la possibilité de libérer les gens du poids de la pression sociale en faveur de l'avortement aujourd'hui dans notre pays. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Car là est le véritable problème. Or dans votre vision tout à fait déséquilibrée des choses,…
…vous pensez que tous les gens qui désirent faire vivre un enfant handicapé ne le font que pour de mauvaises raisons, c'est-à-dire animés par un sentiment de culpabilité, alors que c'est souvent tout simplement par amour. N'ôtez pas à ceux qui veulent par amour faire vivre leur enfant…
…la possibilité de se libérer encore davantage avec le soutien associatif, ne les enchaînez pas dans votre vision étriquée de l'humanité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Je suis favorable à l'agrément des associations parce que cela évite les dérives sectaires et que les agences régionales de la santé, qui sont en contact avec le monde associatif, offre à cet égard une garantie. Parmi les associations agrées peut figurer le Planning familial. Je suis persuadée qu'il n'y a pas de décision sans information, et pas de liberté sans information. Il est donc important que l'information existe.
S'agissant de la culpabilité, il ne faut bien évidemment souhaiter à personne de se retrouver à devoir choisir d'interrompre une grossesse, pour quelque raison que ce soit d'ailleurs parce que c'est toujours un choix très douloureux, un échec et un bouleversement. Mais, malheureusement, le législateur ne pourra pas supprimer le sentiment de culpabilité. En revanche, que ces femmes, que ces couples, puissent aller consulter des associations pour savoir ce qu'il en est, prendre une décision ou confirmer la leur au terme d'un choix éclairé constitue vraiment un progrès. Je le répète : malgré toutes les bonnes intentions qui nous animent, on ne pourra pas retirer le sentiment de culpabilité, mais on pourra aider les personnes concernées à prendre une décision pleinement informée car je ne crois pas à la liberté sans information.
Mes chers collègues, je vous relis l'alinéa 5, et vous allez voir que notre débat tend à faire bouger les lignes alors que nous étions sur un texte d'équilibre : « En cas de risque avéré […] elle reçoit, sauf opposition de sa part, des informations sur les caractéristiques de l'affection suspectée, les moyens de la détecter et les possibilités de prévention, de soin ou de prise en charge adaptée du foetus ou de l'enfant né. »
Absolument, monsieur Gorce : tout est dit. Or face à un texte équilibré, les interventions déséquilibrées de certains, notamment celle de M. Vanneste…
…m'amènent à rappeler que nous avons une triple exigence : une exigence de neutralité, une exigence de pluralité des options et une exigence de temporalité – car il faut donner le temps à la personne concernée de prendre une décision. Mais depuis une heure, on essaye de déséquilibrer le texte. L'interruption volontaire de grossesse figure dans la loi depuis trente-cinq ans. Certains, qui y sont opposés et c'est leur droit, souhaitent revenir sur plusieurs points. On n'est plus alors dans l'exigence de neutralité. Le déséquilibre introduit à travers la discussion sur ces amendements n'est souhaitable ni pour le bien de notre pays ni pour soigner la souffrance des personnes concernées.
Je vous incite à lire le très beau rapport du Comité consultatif national d'éthique : il évoque la souffrance attendue de l'enfant à naître et, tout en reconnaissant la nécessité de traiter du handicap, il souligne que « cette souffrance naît de la conscience d'un handicap dont le caractère ostensible se reflète dans le regard des autres ». Méditez là-dessus afin de trouver un équilibre entre nos positions divergentes. Ce n'est pas en essayant de déséquilibrer le texte que nous parviendrons à la sérénité nécessaire.
Il faut absolument que nous adoptions un de ces amendements. Pour ma part, je me rallie à celui de notre rapporteur, qui me paraît tout à fait adéquat. Pourquoi ? Certains évoquent la difficulté que représenterait la communication de la liste des associations spécialisées car elle provoquerait un traumatisme chez la femme… Mais le traumatisme existe avant, quand le risque a été identifié,…
…et c'est à l'occasion de ce traumatisme qu'il faut que nous donnions à cette femme les moyens d'être accompagnée. Le seul rapport avec l'expert qu'est le médecin ne suffit pas ; parfois, la famille est défaillante, ne nous leurrons pas ; parfois l'homme lui-même est défaillant en fuyant physiquement ou bien psychologiquement, refusant d'évoquer la question avec sa compagne ou son épouse. Lui communiquer une liste, quelle difficulté cela pose-t-il ? On n'exige même pas qu'elle prenne contact avec une quelconque association.
Mais elle saura que celles-ci existent et qu'il est possible d'y trouver une aide. Tel est l'objet de cet amendement. Ne laissons pas la femme seule et désemparée, seule face à un expert, aussi qualifié soit-il, qui n'aura ni la disponibilité ni l'à-propos pour l'accompagner.
Et puis je suis très surpris, mes chers collègues de gauche, vous qui, en permanence, évoquer le monde associatif pour le louanger, que vous arrive-t-il ?
Le monde associatif ne compterait donc plus, alors que les gens sont dans la difficulté ? C'est précisément à ce moment-là qu'il faut un soutien associatif, qu'il faut des tiers qui ont connu des expériences semblables et qui en mesurent la difficulté, mais qui savent aussi que ces enfants apportent à leur entourage beaucoup plus qu'on ose le dire dans cet hémicycle. C'est pourquoi il faut absolument que nous adoptions un des trois amendements. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
En relisant la rédaction actuelle de l'article 9, j'en venais aux mêmes conclusions que notre collègue Le Déaut, mais je ne le rejoins pas dans son analyse de ces amendements. Je comprends bien qu'il s'agit de prendre en compte le fait qu'à l'annonce d'une possible affection, la femme, le couple se trouvent psychologiquement très déstabilisés. À cet égard, il est bon qu'un maximum d'informations puissent être données. Mais je suis attaché au fait que celles-ci doivent préserver, jusqu'à la décision finale, la liberté de choix. Il importe que la pression sociale qui a été évoquée ne penche ni dans un sens – pratiquer une IMG –, ni dans un autre – garder à tout prix l'enfant.
La rédaction de l'article fait confiance au médecin, qui saura apprécier la situation psychologique de la femme ou du couple, et les conseiller utilement sur un certain nombre de démarches, y compris celle de contacter des associations. L'amendement de notre rapporteur prévoit qu'une liste des associations spécialisées « est proposée », mais je rappelle qu'il n'y a pas que le milieu associatif qui peut être d'une aide utile dans ce domaine et dans ces circonstances, il y a aussi des spécialistes médicaux, des psychologues, etc. Ils peuvent, eux aussi, être d'un apport essentiel.
En conséquence, je propose de ne pas limiter l'information à la communication d'une liste d'associations spécialisées, et, à l'amendement n° 72 , de substituer aux mots : « lui est proposée ; », les mots : « pourra lui être proposée éventuellement. » Dans leur rédaction actuelle, je rejette les trois amendements.
L'amendement de M. Leonetti peut paraître de bon sens, mais, soyons clairs, les associations en question sont, des deux côtés, des associations militantes.
Je le maintiens, monsieur Vanneste. De plus, nous n'avons pas de garantie sur l'exhaustivité ni sur la qualité de l'information qui sera donnée aux parents.
Et puis, il manque quelqu'un dans ce dialogue : le médecin. Certes, ce n'est pas son rôle, mais les parents ne trouveront peut-être pas toutes les explications dans leur dialogue singulier avec l'association, quelle qu'elle soit.
Nous pensons donc, comme l'a ditJean-Yves Le Déaut, que le texte se suffit largement à lui-même et qu'il introduit une neutralité de bon aloi.
M. Vanneste a évoqué les personnes fragiles. Mais M. Le Fur a rappelé qu'évidemment, quand on apprend qu'on risque d'avoir un enfant handicapé, c'est un choc, et l'on est donc fragilisé. Cela ne signifie pas que tout le monde est fragile. En outre, je rappelle que les femmes enceintes sont considérées par la loi comme des personnes en situation de vulnérabilité particulière.
Par ailleurs, mes chers collègues de la majorité, vous n'avez pas le monopole de l'amour des personnes handicapées,…
…nous avons tous, auprès de nous, dans nos familles, des personnes handicapées que nous aimons. Cela n'a rien à voir avec le débat d'aujourd'hui.
Pour parvenir à l'égalité d'accès à l'information auprès d'associations, la liste devrait mentionner non seulement les associations qui s'occupent des familles et de leurs enfants affectées par un handicap, mais aussi, par exemple, les centres de planification familiale pour accompagner les femmes ou les couples qui décideraient d'avoir recours à une interruption médicale de grossesse. Or ce n'est pas prévu dans l'amendement proposé par le rapporteur. Il y aura donc accès non pas à une information libre, éclairée et objective des deux côtés, mais à une information orientée si on ne fournit à ces femmes que la liste d'associations agréées pour s'occuper des personnes en situation de handicap. Vous leur donnez une liste de ces associations, avec évidemment, derrière, un message implicite : « Vous allez peut-être, vous, choisir d'avoir recours à une interruption médicale de grossesse, mais d'autres, elles, n'y ont pas eu recours. » Mettez-vous un peu à la place de ces femmes : c'est bien sûr pour elles une forme de culpabilisation.
Ce débat est important et chacun a exprimé sa position. Cependant, en qualité de président de la commission spéciale, je voudrais vous mettre en garde : c'est vrai que le temps est long mais les journées sont courtes.
C'est du Raffarin ! (Sourires )
Si nous devons prolonger le débat, nous aurons à examiner des sujets importants demain ; nous serons alors dans une situation difficile, extrêmement frustrante pour les uns et les autres.
Je n'ai aucun conseil à vous donner, mais il faudrait peut-être reprendre la règle qu'avec le rapporteur nous avions mise en place au sein de la commission spéciale : que l'on puisse avoir un débat général sur un article important pour aller plus vite sur les amendements. Tel que nous sommes partis, nous ne terminerons pas ce soir. Je vous le dis tout net, et je préférais le faire maintenant pour que le débat puisse avoir lieu dans les meilleures conditions.
Monsieur le président et monsieur le président de la commission spéciale, je comprends évidemment votre souci de garantir le temps nécessaire à l'examen de tous les articles, notamment de ceux qui peuvent paraître très importants. Cela étant, paradoxalement, celui-ci est devenu très important.
D'ailleurs, je regrette un peu la tournure prise par ce débat depuis quelques minutes. Comme Jean-Yves Le Déaut l'a rappelé tout à l'heure, la rédaction du texte du Gouvernement était particulièrement équilibrée, indiquant que l'information portait sur « les possibilités de prévention, de soin ou de prise en charge adaptée du foetus ou de l'enfant né. » Tout était dit dans ce texte et permettait ensuite une application sereine.
La volonté que vous exprimez maintenant de rajouter une information supplémentaire sur les conditions de prise en charge d'un enfant qui pourra être handicapé traduit plus qu'une volonté d'information. L'offensive que vous avez décidé d'engager est perceptible dans les propos très excessifs prononcés par certains défenseurs de ces amendements, qui prétendent que nous pourrions être hostiles à l'enfant handicapé et désireux de prévenir à tout prix la volonté des familles.
Ces allégations sont insupportables à entendre quand on défend la conception – partagée sur tous ces bancs – d'une humanité qui doit être acceptée dans la diversité, et la liberté de choix pour les familles.
On voit bien qu'il y a là une offensive menée contre l'interruption médicale de grossesse, votre réelle cible.
C'est naturellement le cas !
Maintenant, je comprends mieux les propos que vous nous teniez tout à l'heure, en prétendant que vous ne souhaitiez pas politiser ces débats. Si nous politisons ces débats, vous vous trouvez devant la difficulté d'avoir à expliquer à nos concitoyens comment on peut, par des biais, chercher à remettre en cause un droit qui a été consacré voilà trente-cinq ans.
Monsieur Gorce, je vais vous le dire très objectivement : je suis favorable à l'avortement. Je n'ai jamais supporté de voir, comme je l'ai vu à l'hôpital, une jeune fille de quinze ans mourir pour s'être fait avorter dans une arrière-boutique de faiseuse d'anges. En temps et en heure, j'aurais donc évidemment voté pour ce texte sur l'avortement. Je ne peux pas admettre que nous soyons suspectés.
Pourquoi suis-je surpris de ce texte ? Parlons de la liste des associations. Madame Filippetti, si une femme enceinte est informée et va voir des enfants qui sont arriérés profonds, peut-être s'apercevra-t-elle, justement, qu'elle n'a pas le courage de garder le sien.
L'information sera complète. Je l'ai vu à plusieurs reprises.
Vous parlez aussi d'atteintes profondes. Sachez que nous dépistons ce que nous voulons maintenant et je vais vous en donner un exemple. Si l'on dépiste une mutation du gène BRCA 1 – pardonnez-moi d'utiliser des termes techniques –, cela signifie que la femme aura un cancer du sein à trente ans. Si elle est porteuse de mutations sur les gènes BRCA 1 et BRCA 2, le risque est de 90 % ! Savez-vous ce que l'on fait dans ce cas aux États-Unis ? On dit à la femme d'avoir un enfant avant l'âge de trente ans, et après on lui enlève les deux seins, l'utérus et les ovaires.
Désolé, mais c'est ainsi.
Je n'aime pas le mot patient pour ces enfants qui sont peut-être atteints d'une petite anomalie, par exemple une drépanocytose mineure. Ce ne sont pas forcément des patients. Peut-être ne sont-ils pas tout à fait aussi intelligents que nous, mais je trouve très illégitime d'appeler patients des gens qui ont peut-être une petite anomalie qui n'est pas du domaine de la maladie.
Que l'on communique une liste d'associations à la mère, pourquoi pas ? Voyant des enfants très lourdement handicapés, je vous assure que l'information produira peut-être l'effet inverse de celui anticipé par Mme Filippetti. Peut-être la mère s'orientera-t-elle plutôt vers une interruption de grossesse. Même les membres d'associations préviendront la mère, sur le mode : « Nous aimons ces enfants nés parce qu'ils sont là, mais regardez à quoi vous vous exposez. » C'est une information neutre.
Jean Leonetti a raison d'insister sur la notion d'associations agréées. Dans la rédaction de l'amendement n° 72 , le terme « patients » me gêne parce que certaines anomalies ne sont pas du domaine de la maladie ; il s'agit seulement d'une différence. Pour le reste, je crois que cet amendement est très bien parce que la mère ne sera pas influencée, du moins elle aura le choix en voyant ce qui se passe.
Je ne veux pas allonger le débat et répondre ainsi à l'invitation du président de la commission spéciale à être le plus bref possible afin de ne pas épuiser le temps imparti et nous épuiser nous-même.
Simplement, je réagis à l'intervention de notre collègue Marc Le Fur : il ne faut pas faire de procès d'intention mais s'écouter. J'ai dit et je répète qu'il est difficile de faire une information équilibrée. Nous examinons une série d'amendements, alors que la rédaction initiale du texte suffisait, comme l'a rappelé Gaëtan Gorce. Il y avait l'intention de l'information – que nous acceptons tous ici. Ce n'est donc pas de cela qu'il s'agit.
Dans la panoplie des informations offertes aux personnes qui se trouvent dans ces situations, il en est une que j'aimerais bien voir figurer : le décalage entre les besoins des familles et l'offre de soins ou de structures par la société. Acceptons-nous d'ajouter ces informations-là ?
On ne va pas faire une euthanasie économique ! On ne peut pas laisser dire cela ! Je veux dire un mot !
Notre collègue Debré nous a dit que cela passait par les associations. Je voudrais en être complètement sûr, mais ce n'est pas le cas.
Ce que je viens d'entendre est absolument incroyable ! Moi qui suis un homme ouvert, qui soigne, je vous entends dire : attention, il n'y a pas assez de centres, de moyens pour suivre les malades, alors il faut plutôt orienter la mère vers l'euthanasie,…
Il y a une maladresse dans vos propos. Ne dites pas cela. Il faut évidemment des structures, mais ce n'est pas parce qu'il n'y en a pas qu'il faut dire à la mère : ne le gardez pas. C'est cela qui est dangereux.
Chers collègues, pardonnez-moi de sortir un tout petit peu de mon rôle dans le cadre du temps législatif programmé.
Sur ces trois amendements, j'ai donné la parole à quinze intervenants qui ne semblent pas s'être convaincus les uns les autres. Peut-être pourrions-nous passer aux votes ?
Monsieur Vaxès, je vais vous donner la parole si vous la demandez : vous y avez droit et je ne peux vous la refuser.
Je veux simplement indiquer à tous nos collègues que si vous arrivez au bout du temps législatif programmé sur un sujet aussi important que la bioéthique, vous n'aurez plus la possibilité de discuter ; les amendements seront mis aux voix sans débat, ce qui serait dommage s'agissant d'un tel texte. Sans doute le Sénat pourra-t-il en débattre plus facilement.
Je voulais juste faire ce rappel avant de laisser le débat se poursuivre.
Mon intervention va être très rapide, mais je ne peux pas accepter les propos de notre collègue : vous faites un procès d'intention ! Il ne s'agit pas de conduire nécessairement à l'interruption médicale de grossesse mais de s'assurer que la mère sera libre de son choix, qu'elle ne subira pas de pression. C'est tout !
Je ne veux pas reprendre le débat qui a été long et complet, mais les remarques de plusieurs députés m'incitent à proposer de compléter mon amendement n° 72 , en précisant que les associations sont aussi « agréées », notion qui figure dans l'amendement de Philippe Gosselin et Paul Jeanneteau.
Je propose cette rectification avant la mise aux voix.
L'amendement est donc ainsi rédigé : « Une liste des associations spécialisées et agréées dans l'accompagnement des patients atteints de l'affection suspectée et de leur famille lui est proposée. ».
(L'amendement n° 91 rectifié n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 36 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 72 , tel qu'il vient d'être rectifié, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 37 .
La parole est à M. Dominique Souchet.
Pour que les parents puissent faire un choix libre et éclairé, mon amendement propose que soit mis à leur disposition un dossier guide comportant une liste d'associations – nous venons d'en débattre – et une synthèse des aides financières garanties par la loi aux familles comprenant une personne en situation de handicap. On constate, en effet, que la crainte que l'accueil d'un enfant handicapé puisse représenter une charge financière trop lourde pour la famille joue parfois un rôle important dans le choix, alors même qu'il y a méconnaissance des aides importantes apportées par la société. Permettre à la famille d'apprécier la charge réelle que représente l'accueil d'un enfant handicapé est un élément de nature à favoriser un choix éclairé.
Cet élément peut aussi être communiqué de manière informelle à travers les contacts avec les associations. L'essentiel est donc bien la possibilité donnée au couple d'établir des contacts avec les associations de parents d'enfants handicapés, parce qu'ils permettent une approche du handicap qui n'est plus théorique, abstraite ou purement émotionnelle, mais directe et concrète. Ces contacts permettent aux parents de toucher du doigt ce qu'est la vie avec un enfant handicapé et cela est de nature à éclairer leur décision.
L'amendement n° 72 rectifié du rapporteur qui permet cela ayant été adopté, je retire mon amendement, monsieur le président.
(L'amendement n° 37 est retiré.)
Je suis saisi d'un amendement n° 182 .
La parole est à leM. Jean-Yves Le Déaut.
Je le retire également, monsieur le président.
(L'amendement n° 182 est retiré.)
Cet amendement vise à soumettre toute nouvelle technique de dépistage prénatal à une autorisation législative.
Des publications récentes, comme celles du professeur Dennis Lo, de l'université chinoise de Hong Kong, annoncent l'arrivée de nouvelles techniques pour diagnostiquer des pathologies affectant l'embryon et le foetus, et ce à partir d'un simple examen de sang maternel. Les promoteurs de cette technique soulignent qu'elle a l'avantage de ne pas être invasive, à l'inverse, par exemple, de l'amniocentèse. Toutefois, ces nouvelles analyses pourraient faire évoluer considérablement le dépistage prénatal, en altérant notamment les conditions d'un consentement éclairé des femmes enceintes, en particulier les délais de réflexion.
Comme l'indiquait M. Patrick Leblanc, gynécologue-obstétricien au centre hospitalier de Béziers et coordinateur du comité « Pour sauver la médecine prénatale », « ce n'est pas parce qu'on détecte une anomalie génétique à ce stade de l'embryogenèse qu'une maladie ou un handicap se développera forcément et gravement. Nous sommes dans la surenchère par rapport à la traque du handicap, au mythe du bébé parfait, au zéro défaut ».
L'ampleur des questions soulevées mérite bien qu'un débat soit prévu au niveau parlementaire pour la validation de telles techniques.
Avis défavorable dans la mesure où c'est un décret en Conseil d'État, et non le législateur, qui doit définir la liste des tests recommandés, cette liste étant mouvante.
Même avis que celui de la commission.
Je ferai deux remarques.
La première n'a peut-être pas d'intérêt, mais j'aimerais qu'on arrête de nous bassiner avec les prétendues découvertes chinoises alors que c'est une Française, Mme Paterlini-Bréchot, qui a découvert cet examen, il y a dix ans – je l'ai même écrit dans un livre – et que celui-ci est déjà pratiqué en France pour un certain nombre de pathologies, le Conseil d'État décidant du nombre de ces pathologies. Allez à l'hôpital américain, à l'hôpital Hartmann, à l'hôpital Robert Debré. Vous verrez que c'est déjà une réalité.
Deuxièmement, cet examen sanguin est réalisé dans les quatre et six semaines après l'aménorrhée, c'est-à-dire à des moments où la femme sait à peine qu'elle est enceinte et bien avant la date limite pour une interruption de grossesse.
On peut légiférer, mais je vous ferai remarquer, d'une part, que cet examen sanguin peut être réalisé n'importe où dans le monde – par internet, on peut avoir les résultats dans les six jours –, d'autre part, qu'un gynécologue-obstétricien ne peut l'imposer à une femme venue lui demander une interruption volontaire de grossesse. L'IVG est légitime, encore une fois, je n'y suis pas opposé. Mais s'il lui demande : « Est-ce parce que vous avez fait le test ? », la femme répondra non et fera ce qu'elle voudra.
Là est le problème. Nous en avons discuté au comité national d'éthique : il n'y a pas de solution.
La solution la plus sage est celle qui existe aujourd'hui : le Conseil d'État recommande de faire ce test pour telles et telles pathologies.
Cet examen va très loin. Non seulement, il permet de déceler à l'avance des enfants qui seront mal formés à la naissance, des enfants souffrant d'une leucodystrophie, qui entraîne la mort très rapidement, ou d'une trisomie, mais encore, il pourra servir, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, de test de mutation des gênes BRCA 1 et 2 indiquant un risque à 80 % de faire un cancer du sein pour la femme à trente ans, ou encore de test de maladie d'Alzheimer.
Des couples du monde entier – puisque l'information est maintenant mondialisée – sont déjà venus nous voir parce que leurs deux parents étaient atteints de la maladie d'Alzheimer précoce génétique et qu'ils voulaient avoir un enfant préservé de cette maladie. Ils ont fait le diagnostic facilement, par une simple prise de sang.
Personnellement, je me range à l'avis de Jean Leonetti : le Conseil d'État est apte à établir la liste des tests à réaliser et des pathologies nécessitant ces tests. On ne peut pas, par la loi, suivre l'évolution des techniques. Cela aurait un effet de blocage et rendrait les lois que nous prendrions inapplicables.
L'examen en question est autorisé en Allemagne et accessible par internet. La femme peut le faire par ce biais et aller voir son médecin en demandant à avorter. Ce dernier lui dira oui parce que c'est son droit.
Je ne sais pas comment on peut se sortir de ce dilemme. Je n'ai pas encore trouvé la solution mais ce que je sais, c'est que nous ne la trouverons pas par une loi contraignante qui sera forcément contournée et donc ne servira à rien.
Je tiens à dire que je partage l'avis de notre collègue Debré et du rapporteur.
Ce n'est pas toujours le cas. M. Debré a indiqué, tout à l'heure, que 65 % des femmes chez qui était dépistée une altération de BRCA 1 risquaient de développer un cancer.
Mes chers collègues, M. le rapporteur a souhaité, tout à l'heure, que les médecins présents dans l'hémicycle parlent intelligemment pour tout le monde et non comme ils le font dans un colloque médical, afin que leurs collègues non médecins puissent voter les amendements en connaissance de cause.
Comme je l'ai indiqué en prenant la parole, je suis d'accord avec Bernard Debré et le rapporteur sur le sujet qui nous occupe : on ne peut pas à la fois demander que les lois ne soient plus révisables tous les cinq ans et inscrire dans la loi la nécessité de revenir devant la représentation nationale pour certaines techniques. Non seulement ce serait une aberration, mais encore cela aurait pour effet de retarder l'application de certaines techniques, comme cela a été le cas pour la vitrification des ovocytes par congélation ultrarapide, dont notre collègue Valérie Boyer a longuement parlé en commission et en séance.
Je n'ai aucune intention de fâcher Bernard Debré ni de contredire ce qu'il a écrit il y a dix ans, mais ce qu'il vient de dire confirme la nécessité d'un débat public sur ces sujets. Nous ne pouvons pas laisser faire, céder à la fatalité. Nous devons, au contraire, essayer de contrôler ce qui ce passe. Sinon, nous laissons le moins disant éthique l'emporter. C'est le sens de l'amendement.
(L'amendement n° 38 n'est pas adopté.)
Article 9
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures vingt.)
Conformément à l'engagement pris précédemment et en concertation avec le rapporteur, nous proposons avec cet amendement une nouvelle rédaction permettant d'éviter toute confusion. Lorsqu'elle a prescrit l'examen, la sage-femme rend son résultat à la femme enceinte et, en cas de risque avéré, elle l'oriente vers un médecin pour une prise en charge spécifique.
En conséquence, l'amendement n° 7 tombe.
(L'article 9, amendé, est adopté.)
Amendement de cohérence.
(L'amendement n° 73 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 10, amendé, est adopté.)
Cet article concerne le diagnostic préimplantatoire. Il introduit les termes de ce diagnostic et le définit comme « le diagnostic biologique réalisé à partir des cellules prélevées sur l'embryon in vitro ». Il mérite d'être voté.
Le présent amendement entend préciser que le pédiatre responsable des équipes de ressources régionales de soins palliatifs pédiatriques fait partie de la composition du centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal.
Avis défavorable, sous réserve que Mme la secrétaire d'État prenne l'engagement que, dans la composition de cette commission, figure bien un pédiatre. On voit mal pourquoi, l'ensemble de la composition relevant du domaine réglementaire, seul le pédiatre figurerait dans le texte législatif.
La composition des centres pluridisciplinaires comporte déjà un pédiatre. En outre, si on devait instaurer la présence de pédiatres spécialisés en soins palliatifs dans tous les centres, nous manquerions de spécialistes. Je souhaite donc le retrait de cet amendement.
La pratique du « bébé-médicament » ou double DPI est autorisée depuis la loi de 2004. Elle permet le recours à un diagnostic préimplantatoire pour sélectionner un embryon qui présente la meilleure compatibilité immunologique, en vue de réaliser une greffe au profit d'un enfant déjà né, atteint d'une maladie génétique entraînant la mort dès les premières années de la vie et reconnue comme incurable.
Cette disposition, qui conduit à considérer l'enfant comme un gisement de ressources biologiques et qui implique une sélection des embryons, suscite depuis longtemps de nombreuses réserves. C'est en effet l'une des règles d'or de la bioéthique que cette technique bafoue en permettant qu'un enfant soit considéré comme un moyen au service de fins qui lui sont extérieures.
Conscient des enjeux éthiques, qui avaient été soulignés par le comité consultatif national d'éthique dans son avis n° 72 du 4 juillet 2002, le Parlement avait consenti à n'autoriser cette technique que de façon expérimentale. L'objectif du législateur était de vérifier si les problèmes éthiques soulevés trouvaient une réponse. Force est de constater que ces problèmes demeurent, comme en témoignent les nombreuses interrogations qui ont suivi l'annonce de la naissance du premier « bébé-médicament » dans notre pays. Au-delà de la prouesse technique, ayons donc la sagesse de refermer la phase expérimentale du « bébé-médicament ».
Si nous sommes cohérents, cette pratique ne doit pas rester expérimentale, mais être inscrite dans la loi de manière définitive : la loi ne peut pas être expérimentale.
J'émettrai un avis défavorable sur cet amendement, car non seulement cette possibilité doit exister, mais il faut également cesser d'employer l'expression « bébé-médicament ». (Approbation sur les bancs des groupes SRC et GDR.) En effet, un médicament, ça se jette ; or ici, au contraire, nous avons deux vies : une vie sauvée et une vie nouvelle ! Pour reprendre la terminologie kantienne, la personne est considérée comme une fin et non comme un moyen. S'il ne s'agissait que d'un moyen, il serait réduit à n'être qu'une chose, et sa réification ferait qu'il n'aurait plus d'utilité ultérieure. Or l'enfant, au fur et à mesure qu'il grandit dans une famille et un entourage amical, bénéficie d'une affection profonde. D'ailleurs, sans doute cette expérience formidable, forcément réalisée sans l'avis et le consentement des intéressés, renforcera-t-elle les liens de cette fratrie, unie par ce don initial.
En supprimant l'article 11 bis, nous irions à l'encontre du progrès et de l'éthique. Je souhaite que nous en finissions avec le caractère expérimental du double diagnostic préimplantatoire, tout en affirmant que cette pratique ne relève pas d'une « chosification » de l'humain mais, au contraire, d'un « double espoir » – pour reprendre les termes si bien choisis par Pierre-Louis Fagniez. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Pour ma part, je suis plutôt favorable à ce que ce la loi affirme aujourd'hui le caractère pérenne d'un dispositif introduit à titre expérimental il y a sept ans. Cela n'aurait pas vraiment de sens d'en rester au statu quo.
À l'instar du rapporteur, j'estime qu'il faut bannir, une fois pour toutes, une terminologie qui peut laisser penser qu'un enfant n'est qu'un moyen pour guérir un membre d'une fratrie, alors qu'une naissance est, avant tout, un projet parental.
Je partage la position du rapporteur sur l'article 11 bis. Je suis d'autant plus attaché à ce dispositif que, avec notre ancien collègue Pierre-Louis Fagniez, nous avions passé de nombreuses heures pour convaincre l'Assemblée de l'adopter.
L'expression « bébé du double espoir » est plus adaptée que celle de « bébé médicament », que je n'aime pas.
Monsieur Breton, en l'espèce, tout le rôle des lois bioéthiques consiste à offrir une possibilité qui pourra être retenue dans le dialogue singulier entre la famille et l'équipe médicale. Le préalable, nous le connaissons tous : que l'enfant soit désiré pour lui-même. Ce n'est qu'ensuite qu'il apporte un soulagement à son grand frère ou à sa grande soeur.
Non, monsieur Breton, les familles ne conçoivent pas un enfant pour en sauver un autre ; elles veulent d'abord cet enfant parce qu'elles ont déjà eu des enfants anormaux, atteints de maladies très graves, handicapés, qu'elles élèvent avec difficulté.
Imaginez un enfant atteint d'anémie falciforme ou de bêta-thalassémie : son sang ne transporte plus l'oxygène, il meurt dans des conditions extrêmement dures. Songez que plusieurs enfants d'une même famille peuvent être atteints de cette maladie génétique qui sévit notamment sur le pourtour de la Méditerranée et sur la côte africaine. Grâce au diagnostic préimplantatoire, une famille déjà touchée peut donner naissance à un enfant qui ne souffre pas de ce handicap. Si l'on peut aussi, grâce à la compatibilité tissulaire, prélever des cellules du cordon ombilical, et soigner ainsi les aînés, il y a un double espoir pour la famille : un enfant va naître sans handicap et un enfant déjà atteint va être soigné.
Il faut cesser d'employer le terme racoleur de « bébé médicament ». Les cellules prélevées proviennent du cordon ombilical ; on ne prend pas une partie d'un enfant pour en soigner un autre comme on utiliserait des pièces de rechange.
Il faut aussi pérenniser dans la loi un dispositif qui ne correspond en rien à de l'eugénisme et qui permet, au contraire, de résoudre des problèmes très lourds que rencontrent les familles dont les enfants souffrent de maladies héréditaires.
Je ne peux qu'approuver les propos de M. Leonetti et de M. Le Déaut.
Plusieurs collègues m'ont reproché hier d'avoir dénoncé certains propos tenus dans l'hémicycle comme faisant preuve d'une extrême cruauté. Mais qu'entendons-nous à propos de la première naissance en France d'un bébé du double espoir à l'hôpital Antoine-Béclère ?
Vous rendez-vous compte que l'on a donné l'espoir à une famille, dont les deux enfants atteints de bêta-thalassémie sont soumis à un traitement très lourd, de faire naître un troisième enfant non malade qui, grâce à son cordon ombilical, pourra sauver ses aînés ?
Quelle conception peut donc vous amener à vous fermer ainsi, à conserver le coeur froid et glacé pour nous dire : « Dame Nature ou la génétique a frappé ces deux enfants de bêta-thalassémie ; il vaut mieux qu'ils continuent de souffrir, il n'y a pas de raison pour que des équipes médicales se décarcassent pour les guérir ? »
Je reste perturbé par ce que j'ai entendu ; cela me semble aller à l'inverse de l'humanisme qui tend à aider ceux qui souffrent.
Un philosophe a dit que les mots avaient d'autant plus de sens qu'ils prêtaient au contresens. L'expression « bébé médicament » est stupide. Le bébé n'est pas un médicament ; on utilise seulement le sang de son cordon ombilical.
Mettez-vous donc à la place d'une famille dont un ou plusieurs enfants sont atteints d'une maladie très grave qui pourrait être soignée. S'ils ont envie d'un autre enfant, les médecins devront leur dire : « Nous avons les moyens de permettre à cet enfant de naître en bonne santé, mais nous n'allons pas les utiliser parce que les députés français ne le veulent pas. »
C'est terrible !
À partir du moment où l'on peut utiliser le diagnostic préimplantatoire, pourquoi ne pas le faire pour soigner les frères ou les soeurs malades ?
Mon expérience me permet de m'exprimer sur ces sujets, car l'urologie traite aussi l'infertilité masculine. Ces procédures ne concerneront pas des milliers d'enfants, elles resteront tout à fait exceptionnelles. Même s'il ne s'agit pas d'un motif suffisant, je note qu'elles sont déjà pratiquées dans le monde entier.
On nous oppose l'argument de l'équilibre psychologique de l'enfant ; nous savons que tout cela est faux. L'enfant sera aimé. Il n'y a pas de hiérarchie dans l'amour que portent les parents à leurs enfants. Il sera aimé parce qu'il sera venu au monde ; il sera aimé parce qu'il aura été désiré ; il sera aussi aimé parce qu'il aura bénéficié de l'expérience des médecins et des chercheurs qui auront tout fait pour qu'il ne soit pas malade et qu'il puisse aussi sauver son frère ou sa soeur. Réveillez-vous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) On prétend que ces enfants seront considérés comme des objets et qu'ils seront humiliés. Il n'en est rien : les évaluations psychologiques effectuées dans le monde entier l'ont montré.
Qu'importe les mots ! La réalité est celle du double espoir ; l'humanisme est précisément là. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR et sur quelques bancs du groupe UMP.)
Pour prolonger le débat sur l'amendement précédent, je précise que nous ne nions pas que, dans la naissance en question, l'enfant est une finalité. Nous soulignons seulement qu'elle lui confère aussi le caractère d'un « moyen », ce qui nous semble contraire à l'éthique. Nous nous en tenons à ce constat, et je n'ai entendu aucun argument qui l'infirme.
L'article 11 bis, issu d'un amendement adopté par la commission spéciale, supprime le caractère expérimental du bébé médicament, ce qui pose des problèmes scientifiques et éthiques. Nous devons donc, a minima, conserver son caractère expérimental.
Cela est d'autant plus nécessaire que l'annonce spectaculaire de la naissance du premier bébé médicament dans notre pays nous permettra de procéder enfin à une évaluation. Si l'expérimentation a un sens, elle devient d'autant plus nécessaire aujourd'hui. Il serait paradoxal de supprimer le caractère expérimental du dispositif alors que nous allons pouvoir évaluer l'expérience pour la première fois.
Monsieur Breton, je suis opposé à l'amendement. En continuant à appeler l'enfant « bébé médicament », vous faites peser sur lui une charge incroyable. Vous rendez-vous compte de ce que vous dites de cet enfant ?
Pas du tout ! Appellerez-vous ainsi, durant toute sa vie, un enfant aimé qui va grandir et devenir adulte ? C'est une erreur ! C'est une forfaiture !
Selon vous, à titre d'expérience, nous n'avons qu'un seul cas en France, mais il en existe 20 000 dans le monde. Des études ont été menées : jamais elles ne montrent que ces enfants sont moins aimés ou psychologiquement atteints.
Oui, il s'agit d'une première en France. Je dis simplement « bravo ! » aux professeurs René Frydman et Arnold Munnich.
Ils agissaient dans le cadre d'une expérimentation – ce terme est horrible, il faut le supprimer. Non seulement les enfants seront considérés comme « bébé médicament », mais il faudra encore qu'ils supportent d'être une « expérimentation ». Ah ! Ils seront bien.
Ne suffit-il pas de dire que cet enfant a été voulu et aimé ? Et, en plus d'être en bonne santé, il a pu soigner : quel beau geste ! Ne le salissez pas par des termes totalement inappropriés ! Je suis véhément mais, depuis vingt ans, je lutte au comité d'éthique et ailleurs, et voilà que l'on nous parle de « bébé médicament » ou d'« expérimentation ». Tout cela me dépasse. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Il est bien que l'on puisse avoir recours au diagnostic préimplantatoire pour aider les parents à porter des enfants qui puissent vivre.
L'usage de l'expression « bébé médicament » est particulièrement fâcheux. Cette dernière ne correspond pas à la réalité technique de ce qu'elle prétend nommer, et l'on peut espérer qu'elle ne corresponde pas à l'intention.
J'ai pu discuter ces dernières heures avec le professeur Munnich. Personne ne met en cause sa motivation ni le soin avec lequel il prend en compte la dimension éthique. Néanmoins, est-il possible que nous nous interrogions sur le timing de l'information livrée cette semaine ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je ne suis pas le seul à poser la question, j'ai le droit de le faire. La naissance a eu lieu il y a déjà quelque temps, et l'information a été donnée le premier jour de notre débat sur le projet de loi relatif à la bioéthique à l'Assemblée.
Le professeur Munnich est conseiller du Président de la République ; vous imaginez qu'il manigancerait une opération pareille !
Mon cher collègue, je peux me permettre de penser que, parmi les différents participants à cette « première » scientifique, tous n'ont pas exactement la même responsabilité quant au timing de la diffusion de l'information. J'en ai discuté avec certain d'entre eux, comme je vous l'ai dit. Je ne suis pas médecin, mais j'ai le droit et le devoir de poser des questions Quand je ne sais pas, je me renseigne : je me suis adressé aux personnes qui étaient au coeur du projet.
Je dirais, avec le même esprit de nuance que le rapporteur, que cette question n'est pas facile à trancher. Autant l'amendement précédent allait peut-être trop loin, autant celui-ci, qui est un amendement de précaution, puisqu'il propose la poursuite de la phase d'évaluation, ne me paraît pas devoir être écarté d'un revers de la main.
J'admets volontiers que, pour les familles qui entreprennent une telle démarche, le projet de conception prime sur le projet de soin ; je suis prêt à faire ce pari. Mais accordez-moi que rien ne nous permet d'en avoir la certitude absolue et que le risque existe – même si, encore une fois, je suis prêt à admettre la bonne foi de chacun – que l'intention première soit celle du soin, avant l'accueil du nouvel enfant. Parce que nous ne sommes pas dans l'intimité des parents, nous ne pouvons pas trancher cette question. Je ne sais pas, du reste, si le médecin lui-même est en mesure de dire quelle est leur intention première. Il est vrai que nous n'avons pas le droit d'être systématiquement suspicieux, mais nous avons le devoir de nous poser un certain nombre de questions.
Bien que cosignataire de l'amendement précédent, il m'a semblé préférable, à la lumière des débats, de m'abstenir au moment de sa mise aux voix. En revanche, je voterai l'amendement n° 39 , car je crois que cette initiative, même si elle a pris une certaine ampleur à l'étranger, nécessite une évaluation qui justifie la prudence préconisée par cet amendement.
Sur cette question délicate, qui est parfois caricaturée dans la presse, il faut être prudent et logique. Compte tenu des progrès de la recherche médicale, on ne peut pas ne pas demander, lorsque l'on souhaite un deuxième ou un troisième enfant, que celui-ci ne naisse pas avec la maladie dont sont porteurs ses aînés. Soyons logiques : si l'on refuse cette possibilité, il faut également refuser la greffe entre frères et soeurs, dont nous avons pourtant débattu la nuit dernière et ce matin.
Par ailleurs, il n'est pas dans notre rôle de nous immiscer dans le désir des parents et les projections qu'ils font sur leurs enfants, qui peuvent être très diverses.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Très bien !
Laissons la porte ouverte à ces merveilleuses possibilités que nous offre la technique. Je fais confiance à la recherche et à la médecine. En outre, notre pays s'est doté d'un comité d'éthique. Ces activités sont donc bien encadrées. Nous pouvons être à la fois conscients et confiants. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mes chers collègues, avant de donner la parole à Bernard Debré, je vous indique qu'il nous reste 126 amendements à examiner et que le temps de parole du groupe UMP n'est plus que de trois heures et vingt minutes.
Vous avez la parole, monsieur Debré.
Premièrement, il est tout de même extraordinaire de prétendre qu'un « bébé médicament » a été conçu pour influencer nos débats, alors que, dans le monde, 15 000 à 20 000 de ces enfants sont déjà nés. C'est de la cécité !
Deuxièmement, on n'est pas obligé d'avoir un bébé du double espoir ou appelez-le comme vous voulez : la femme a toute liberté. Mais quel beau geste, tout de même ! Donc, ne limitons pas cette possibilité. N'oublions pas qu'une femme peut être enceinte sans le vouloir : des bébés ne sont parfois pas désirés et nous connaissons des cas de déni de grossesse. Ce sont des situations bien pires que celle d'un enfant qui, non seulement a été désiré, mais qui, en plus, permet de soigner ses frères et soeurs.
L'article 12, qui traite de l'autorisation des laboratoires de biologie médicale et des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal, est très important.
(L'article 12 est adopté.)
Je suis saisi d'amendements portant articles additionnels après l'article 12.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l'amendement n° 159 .
Cet amendement reprend la proposition n° 25 de notre mission d'information sur la révision des lois de bioéthique, qui préconise de renforcer les recherches à visée thérapeutique sur les maladies particulièrement graves détectées sur l'embryon et sur le foetus. Il répond également aux attentes exprimées lors des états généraux de la bioéthique par les citoyens du panel de Marseille, qui considéraient « que la solution au handicap passe exclusivement par la recherche sur les maladies et non par l'élimination. » Dans le même sens, les représentants de l'Union nationale des associations familiales, l'UNAF, ont indiqué, lors de leur audition, qu'il était nécessaire de veiller à un rééquilibrage des moyens entre les outils de dépistage et de diagnostic, d'une part, et la recherche pour des progrès thérapeutiques, d'autre part.
Cet amendement vise à mettre en oeuvre ce rééquilibrage. Nous proposons ainsi que le Gouvernement remette au Parlement un rapport relatif à l'amélioration de la recherche, notamment publique, à visée thérapeutique pour les maladies particulièrement graves détectées sur l'embryon et le foetus.
Avis défavorable. Les amendements nos 159 , 158 et 60 sont assez voisins, mais il me semble que l'amendement n° 60 est celui qui permet le mieux d'éviter le risque constitutionnel, tout en correspondant à la volonté du comité consultatif national d'éthique. Je donnerai donc un avis défavorable aux amendements nos 159 et 158 et un avis favorable à l'amendement n° 60 .
Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
J'entends bien les explications du rapporteur. L'amendement n° 60 , que j'ai d'ailleurs cosigné, va en effet dans le même sens que les miens, mais il ne fait pas référence à la recherche publique. Or, actuellement, la recherche dans ce domaine se fait surtout grâce à des fonds privés. Il est donc important que le rapport fasse également le point sur la recherche publique. Aussi, je propose à mon collègue Souchet de sous-amender son amendement n° 60 , afin d'y mentionner la recherche publique. S'il accepte cette modification, je retirerai mon amendement.
Monsieur Breton, on ne peut procéder ainsi. Je considère donc que votre amendement est maintenu. Si vous souhaitez présenter un sous-amendement à l'amendement n° 60 , vous le ferez lors de l'examen de celui-ci
Les activités de dépistage prénatal et préimplantatoire suscitent de nombreuses interrogations, voire des inquiétudes. Au reste, je rappelle que, dans le cadre de sa saisine du Conseil d'État, le Premier ministre a indiqué qu'il lui paraissait utile de procéder à l'examen approfondi de la question suivante : « Les dispositions encadrant les activités d'assistance médicale à la procréation, en particulier celle du diagnostic prénatal et du diagnostic préimplantatoire, garantissent-elles une application effective du principe prohibant toute pratique eugénique tendant à l'organisation et à la sélection des personnes ? »
Nous avons pu constater que peu d'éléments de réponse nous ont été fournis et qu'il est aujourd'hui difficile d'ouvrir un débat sur ce sujet. Certes, nous avons adopté en commission spéciale un amendement qui prévoit qu'un bilan de la mise en oeuvre des diagnostics prénatal et préimplantatoire devait figurer dans le rapport annuel de l'Agence de la biomédecine. C'est un plus, mais cela est loin de constituer le débat public que nous attendons sur ce sujet. C'est pourquoi nous proposons que, tous les trois ans, un débat spécifique ait lieu au Parlement, après que le comité consultatif national d'éthique a rendu un rapport particulier.
J'ajoute que cette proposition figurait parmi celles de la mission d'information.
La commission est défavorable à cet amendement.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Je demande le retrait de l'amendement, car, ainsi que M. Breton vient lui-même de l'indiquer, il est redondant avec l'article 24 quater, qui a été introduit par la commission spéciale. Je crois savoir que cette évaluation est faite par l'Agence de la biomédecine. Ces informations sont donc disponibles.
(L'amendement n° 158 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Dominique Souchet, pour soutenir l'amendement n° 60 .
Cet amendement vise à corriger le déséquilibre paradoxal auquel faisait allusion à l'instant M. Breton. S'agissant de la trisomie 21, en effet, il n'est pas normal que, dans notre pays, la quasi-totalité des financements publics soient consacrés au dépistage et pratiquement aucun à la recherche, alors qu'il s'agit de l'anomalie chromosomique la plus répandue. Un effort de promotion de la recherche sur le traitement de la trisomie 21 est absolument indispensable.
Les fondations privées travaillent sur des pistes encourageantes, mais nous savons que la mise au point des traitements exige des ressources importantes. Elles doivent donc bénéficier d'un appui et d'une aide financière qui soient à la hauteur des enjeux et qui soient autres que purement privés. Du reste, à l'étranger, notamment aux États-Unis, d'importants programmes fédéraux existent dans le cadre du National Health Laboratories, le NHL. Je propose que nous fassions la même chose en France.
Par ailleurs, je suis d'accord pour rectifier mon amendement dans le sens proposé par M. Breton. Il serait donc ainsi rédigé : « Dans un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur les pistes de financement, notamment public, et de promotion de la recherche médicale pour le traitement de la trisomie 21 ».
Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
(L'amendement n° 60 , tel qu'il vient d'être rectifié, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 92 , portant article additionnel après l'article 13.
La parole est à M. Paul Jeanneteau.
Cet amendement, qui s'inscrit dans le prolongement de mon intervention de ce matin, est ainsi rédigé :
« Après l'annonce d'un risque avéré d'affection particulièrement grave atteignant le foetus, il est proposé à la femme enceinte, hors urgence médicale, un délai de réflexion d'une semaine avant de décider d'interrompre ou de poursuivre sa grossesse. »
Cet amendement recueillera certainement l'adhésion de notre collègue Jean-Yves Le Déaut, qui indiquait tout à l'heure que ce qui compte, c'est « la temporalité ».
La commission avait émis un avis défavorable. Toutefois, M. Jeanneteau a rectifié son amendement et ouvert le dispositif au point qu'il perd son caractère obligatoire, de sorte qu'il pourrait être accusé par des esprits chagrins d'inutilité.
Toutefois, les dispositions d'ordre déclaratif ont leur importance, même symbolique. Je donnerai donc un avis favorable à cet amendement.
Après avoir imposé aux femmes enceintes, dont le foetus est potentiellement porteur d'une maladie particulièrement grave, la communication d'une liste d'associations agréées, afin que ces associations exercent sur elles une pression visant à les dissuader de recourir à une interruption médicale de grossesse, on cherche, avec cet amendement, à instaurer un délai d'une semaine durant lequel on va encore exercer sur elles une pression sociale.
Cela me paraît irrespectueux à l'égard des femmes concernées, qui se trouvent souvent dans un état de détresse, et pour tout dire, cela me paraît même constituer une forme de cruauté mentale. Rien ne justifie cette cruauté supplémentaire, surtout quand on sait les difficultés et les délais auxquels sont déjà confrontées les femmes souhaitant une interruption médicale de grossesse. Cet amendement méconnaît complètement la réalité de ce que vivent aujourd'hui en France les femmes concernées, ce qui ne m'étonne guère quand on voit que les députés de la majorité présents ce soir et proposant ces amendements sont presque exclusivement des hommes ! Vouloir imposer un délai supplémentaire aux femmes afin de permettre à la pression sociale de mieux s'exercer sur elles est tout à fait inacceptable.
Je veux simplement faire remarquer que l'auteur de l'amendement aurait pu écrire « décider de poursuivre ou d'interrompre sa grossesse » plutôt que « décider d'interrompre ou de poursuivre sa grossesse », comme il l'a fait.
J'admets tout à fait que Mme Filippetti ne soit pas d'accord avec cet amendement.
Soit, j'admets que certains ne soient pas d'accord, et que Mme Filippetti se soit faite leur porte-parole. Ce que j'admets moins, en revanche, c'est qu'elle déforme mes propos ! Même dans sa rédaction initiale, cet amendement n'a jamais eu pour objet d'imposer, mais seulement de proposer : il suffit de lire l'amendement pour s'en rendre compte. Tout à l'heure, M. Gorce a fait demander un dictionnaire afin de vérifier le sens d'un mot. Je vous suggère de reprendre ce dictionnaire, vous pourrez y constater que « proposer » et « imposer » n'ont pas le même sens.
Par ailleurs, comment pouvez-vous nous accuser de faire preuve de cruauté mentale et de méconnaître totalement la réalité ? Pour ma part, je ne me permets pas de porter de jugement de valeur sur ce que vous savez ou non, sur le fait que vous ayez de ces choses une expérience personnelle ou non, et je vous demande de faire preuve de la même réserve à l'égard des signataires de cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Où est la cruauté mentale ? Il me semble qu'elle tient bien davantage au fait d'obliger les femmes à prendre une décision très rapidement, plutôt qu'à celui de leur proposer un délai de réflexion. En tout état de cause, je ne me permettrai pas de porter un jugement de valeur sur l'état de vos connaissances dans ce domaine.
(L'amendement n° 92 est adopté.)
Nous en venons au titre V du projet de loi.
Je suis saisi d'un amendement n° 66 rectifié , visant à modifier l'intitulé du titre V.
La parole est à M. le rapporteur.
Amendement rédactionnel.
(L'amendement n° 66 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je souhaite prendre la parole sur la question des origines, une question qui me paraît fondatrice et sur laquelle la commission a repoussé le projet du Gouvernement. Lors du vote en commission, je me suis singularisé, ayant considéré que la recherche des origines était légitime.
Si l'on en croit les chiffres figurant dans le rapport de l'Agence de la biomédecine pour 2008, on compte chaque année environ 20 000 assistances médicales à la procréation. Pour la plupart de ces 20 000 AMP, qui ont lieu au sein d'un couple, la question des origines ne se pose pas. Elle se pose, en revanche, dans le cas d'un don de gamète – un peu plus de 1 000 cas par an – et dans le cas d'un don d'ovule – environ 200 cas par an.
L'assistance médicale à la procréation, qui existe depuis plusieurs dizaines d'années, est montée en puissance lors des années soixante-dix et quatre-vingt. On compte désormais de nombreuses personnes qui sont le fruit d'une AMP, dont une bonne proportion d'adolescents, de jeunes adultes et même d'adultes plus avancés dans la vie, qui se posent la question de leur origine. Ces personnes savent ce qu'elles ne sont pas, et demandent à savoir ce qu'elles sont. Comment répondre à cette question ?
Très souvent, ces jeunes hommes et femmes savent depuis leur plus tendre enfance qu'ils ne sont pas les enfants biologiques de l'un ou l'autre de leurs parents. Ils le savent, car les familles sont raisonnables, et plutôt que d'entretenir des secrets, des illusions, des non-dit, plutôt que d'organiser une société « à la Mauriac », elles préfèrent dire comment les choses se sont passées : elles jugent préférable de dire la vérité plutôt que de voir celle-ci se révéler d'elle-même plus tard – car, on le sait, c'est lors de révélations tardives et brutales que surviennent les traumatismes.
Cependant, elles ne peuvent pas tout dire, puisqu'en l'état actuel de notre droit, elles peuvent dire à l'enfant qui il n'est pas, mais ne peuvent lui révéler son origine. Évidemment, cela pose des problèmes, ne serait-ce qu'en termes sanitaires : n'est-il pas gênant de ne pas pouvoir répondre à la question du médecin traitant : « Avez-vous des antécédents de telle ou telle affection dans votre famille ? »
Au-delà, le plus important me paraît être la question morale : qui veut être celui qui dissimule une histoire qui ne lui appartient pas ? Qui veut être celui qui, d'une manière ou d'une autre, refuse la vérité à l'enfant qui veut savoir ? Voulons-nous être celui-là et nier cette liberté fondamentale de savoir d'où l'on vient ?
Le principal argument s'opposant à la révélation des origines consiste à dire que cela reviendrait à prôner le « tout génétique », les bien-pensants étant, eux, partisans d'un « tout culturel ». Pour ma part, je pense que la nature est faite pour être corrigée, dirigée, transcendée, mais certainement pas niée : elle existe dans la construction de la personne, et on ne saurait la nier.
Que s'est-il passé au cours des trente ou quarante dernières années ? L'évolution des moeurs au cours des années soixante-dix, quatre-vingts et quatre-vingt-dix a conduit à dissocier la sexualité de la reproduction. Désormais, nous tendons vers une dissociation de la reproduction de la famille. Je le dis clairement, je n'adhère pas à ce modèle.
Nous sommes en train de passer du « tout biologique » au « non biologique », comme si les origines d'une personne étaient soit biologiques, soit culturelles, alors que je suis convaincu de leur double nature : à la fois biologique et culturelle.
En dissociant la procréation de la famille sociale, l'enfant n'est plus une personne à part entière, mais seulement le projet de ses parents. Il n'est plus sujet de sa vie, mais objet d'une création.
Or de très nombreuses personnes ne sont pas nées d'un projet, mais sont seulement le résultat d'une rencontre fugace, sans lendemain, parfois d'une relation violente ou pénible. Ces personnes existent pourtant, elles n'en sont pas moins hommes et femmes !
Ne nions donc pas le caractère naturel, la transmission biologique, et ne nions pas davantage le caractère culturel de la famille. Ne tombons ni dans le « tout social » ni dans le « tout génétique ».
Le meilleur hommage que nous puissions rendre à l'importance de la biologie, c'est de mettre l'accent sur l'organisation de notre système d'assistance médicale à la procréation. L'AMP va permettre la transmission biologique, puisque pour l'essentiel, c'est au sein d'un couple qu'elle s'effectue. Elle permet en effet une procréation biologique dans 92 % des cas – et dans les 8 % restants, on peut estimer que le patrimoine biologique est tout de même présent pour moitié, puisqu'un don de gamète de l'un ou l'autre sexe vient suppléer celui qui fait défaut.
Chacun comprendra que la famille ne peut pas être un milieu strictement social, « hors sol » : on ne peut faire abstraction de la réalité physique. Si la famille n'était qu'un milieu social, affectif et juridique – sur ce point, je m'adresse tout particulièrement à mes amis politiques –, nous nous exposerions à de dangereuses dérives. En effet, si la famille n'était qu'affective, un homme et un autre homme qui s'aiment – ce qui est possible, je ne le nie pas – pourraient créer une famille, ce qui ne me paraît pas possible. De même, si la famille n'était que juridique, demain la loi pourrait changer, et demain, deux hommes pourraient créer une famille.
La digue que nous devons mettre en place si nous voulons éviter d'avoir affaire à des familles dont nous ne voulons pas, car nous estimons qu'elles n'ont pas lieu d'être, consiste à affirmer que la famille est non seulement sociale, culturelle, affective, mais aussi biologique.
J'invite par conséquent ceux qui ont, un peu vite, repoussé le projet initial du Gouvernement, à reconsidérer leur position. En revalorisant la dimension biologique de la famille, on permet aussi de recadrer les choses, de remettre en place un certain nombre de réalités familiales. C'est, me semble-t-il, une chose qu'il est important de dire.
Mes convictions politiques sont fondées sur la notion de transmission…
…et, sur ce point, je m'inspire d'excellents ouvrages, monsieur Mariton.
Quel est l'objet de la transmission ? Une réalité culturelle et linguistique, mais aussi, ne le nions pas, une dimension physique, biologique. Un père peut être fier que son fils lui ressemble, de même qu'un enfant peut se reconnaître dans ses parents – parfois justement quand les liens entre les générations ont tendance à se distendre.
On nous oppose aussi que l'enfant qui recherche son origine biologique commet l'équivalent d'une trahison à l'égard de la famille au sein de laquelle il a été élevé. Pas du tout ! Il ne cherche pas une nouvelle famille, mais veut simplement connaître ses origines – ce qui pourrait se faire dans un cadre défini.
Il faut absolument que les parents ayant bénéficié d'une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur sachent dire que ce n'est pas une trahison que de vouloir connaître ses origines. Laisser un enfant accéder à la vérité ne fera, finalement, que valoriser davantage la famille qui a su élever cet enfant.
On nous oppose encore que les SECOS ont besoin de matière première, qu'ils sont confrontés à l'offre et à la demande et que l'on risque de décourager les donneurs en les responsabilisant. Moi, je crois que le donneur doit, d'une manière ou d'une autre, être responsabilisé. Même si le don est rapide pour un homme – il est plus exigeant pour une femme –, il engage terriblement, puisqu'il concourt à la création. Cela, il faut savoir le dire.
Je vous engage à regarder ce qui se passe pour les jeunes hommes et les jeunes femmes qui sont derrière tout cela. J'ai été très frappé par le combat que mène, en Bretagne, Arthur Kermalvezen. Ce jeune homme de vingt-sept ans veut savoir. Il ne trahit personne, ne trouble personne. Il veut avoir des informations, et le SECOS n'a aucune légitimité pour s'exprimer parce qu'il n'a connu ce jeune homme que jusqu'au moment de la fécondation. Après, ce n'est plus son affaire. L'argument des SECOS n'est pas légitime ; celui du jeune concerné l'est.
Il faut que nous sachions évoluer, en prenant de multiples précautions. Le texte gouvernemental prévoyait notamment qu'il fallait avoir atteint la majorité.
L'essentiel, ce n'est pas la sécurisation de l'approvisionnement en gamètes. L'essentiel, c'est que chacun a droit à sa propre histoire parce qu'elle est fondatrice. Ce n'est pas à nous de la censurer.
Certains sauront et d'autres pas, mais il faut donner la liberté aux jeunes Français et aux jeunes Françaises de connaître l'origine de leur vie. C'est une reconnaissance pour la famille telle que la nature nous l'a donnée, c'est-à-dire à la fois sociale, affective, juridique et génétique. C'est la conquête d'une liberté pour les jeunes hommes et les jeunes femmes qui souhaitent connaître leurs origines. C'est la conquête d'une vérité, et cette conquête grandira le législateur. Nous avons, mes chers collègues, l'occasion d'ouvrir un chapitre du droit de l'enfant. Ouvrons cette perspective !
Cet amendement, identique au précédent, vise à rétablir les dispositions que le Gouvernement avait initialement proposées. Je voudrais, moi aussi, évoquer l'ensemble des différents articles concernés, pour ne pas avoir à y revenir par étapes – sauf naturellement si la suite du débat appelle des réactions ou des réponses.
Je viens d'écouter attentivement mon collègue Marc Le Fur et j'arrive à la même conclusion que lui mais, d'une certaine manière et un peu paradoxalement – pour reprendre notre débat d'hier –, par un cheminement différent.
En effet, je pars non pas de la nécessité de reconnaître un lien biologique, qui ne me paraît pas l'élément essentiel, mais de la nécessité d'affirmer le droit de l'enfant à connaître ses origines, déjà reconnu en droit international et, pour une part, par la jurisprudence.
À partir du moment où ce droit a été fixé, il faut examiner s'il existe des intérêts supérieurs qui peuvent conduire à le remettre en question. Or, lorsque j'examine un à un ceux qui sont évoqués, je ne parviens pas à me convaincre qu'il puisse y en avoir qui empêchent l'enfant de remonter à ses origines, pour autant, naturellement – et c'était l'équilibre qui avait été trouvé dans le texte du Gouvernement –, que le donneur ait lui-même donné son consentement, car nous sommes bien ici dans un rapport entre des personnes, de la volonté desquelles on ne peut pas préjuger.
On m'opposera qu'il pourra y avoir des situations injustes. Imaginons, par exemple, que, dans une même famille, plusieurs enfants soient nés de donneurs différents par l'aide médicale à la procréation. On pourra se trouver confronté à une réponse différente selon les donneurs : favorable dans un cas, défavorable dans un autre. Or l'injustice, l'inégalité existent déjà aujourd'hui entre les enfants nés d'un tiers donneur, qui ne connaissent pas leurs origines, et les enfants nés « normalement », dans un couple qui a pu directement procréer. Nous ne faisons donc que déplacer l'injustice et, d'une certaine façon, la réduire plutôt que de la consacrer.
Pourquoi le droit de l'enfant est-il supérieur à celui qui peut être évoqué par le donneur ? En réalité, il ne l'est pas, car j'ai indiqué que le donneur devait donner son consentement. En revanche, il existe un lien entre l'un et l'autre, qu'il est normal de vouloir connaître.
Si l'on se place du point de vue de l'enfant, priver celui-ci de son droit – que je ne mets pas, évidemment, à égalité avec celui du donneur –, revient à le défavoriser au regard de la situation qui est normalement la sienne.
On oppose aussi l'argument que donner la possibilité de connaître son origine pourrait mettre en danger la famille et créer une situation dans laquelle les parents se trouveraient déstabilisés. Cet argument me pose un réel problème. À partir du moment où les parents ont décidé – pour des raisons qui tiennent à leur volonté d'avoir un enfant, de constituer une famille élargie à un enfant – de recourir à l'aide médicale à la procréation avec un tiers donneur, ils ont accepté ce paramètre, dans la mesure où c'était la condition pour avoir un enfant.
Chacun s'accorde à considérer que cette intervention extérieure doit être révélée à l'enfant le plus tôt possible, de manière à ce qu'il puisse construire sa personnalité en disposant de tous les éléments d'information possibles. Dès lors que l'on a admis que l'enfant devait être informé des conditions de sa conception, il paraît difficile de lui refuser, à sa majorité, une réponse à la question qu'il va poser ensuite et qui est la conséquence normale de cette première information : de qui est-il l'enfant ? Peut-être ne la posera-t-il pas ; peut-être la posera-t-il.
Ce n'est pas la société qui doit pouvoir décider s'il a le droit ou non d'avoir la réponse. Ce qui est en cause, c'est le rapport – favorable ou défavorable – qu'il peut établir avec le donneur. J'étais donc, pour ma part, assez satisfait de la position d'équilibre qui avait été trouvée.
D'autant que, à supposer même que cela puisse créer des difficultés avec sa famille, l'enfant a été conçu, non dans l'intérêt des parents, mais dans le cadre d'un projet parental dont il est le centre : c'est autour de lui que se noue l'ensemble des rapports affectifs et juridiques. C'est donc bien en fonction de son intérêt, plus que de celui de la famille qui l'a accueilli, que le problème doit être résolu.
Ce qui me frappe à chaque fois que l'on aborde cette question de l'anonymat, c'est que l'on oppose des arguments qui n'ont rien à voir avec le sujet central du problème, qui est bien l'enfant conçu, l'enfant né. C'est bien lui qui est l'objectif que poursuivent les parents ; c'est bien lui qui, une fois qu'il est né, se trouve au centre des préoccupations qui devraient être celles de la société. Or c'est contre lui que l'on formule à chaque fois une réponse, que l'on prétende protéger la famille, l'anonymat du donneur ou je ne sais quel autre intérêt qui pourrait correspondre à une conception restreinte de la famille.
Je ne peux pas m'empêcher, comme je l'ai dit ce matin, d'y voir aussi une sorte de malaise par rapport à une évolution de la famille liée à l'introduction d'un tiers donneur dans des rapports qui, à des fins de reproduction, sont normalement sexuels et censés s'accomplir à l'intérieur de la famille, conformément à une vision datée, probablement dépassée de ce qu'est la famille aujourd'hui.
On ajoute un dernier argument en invoquant le problème de la filiation. Mais, très sincèrement, celui-ci ne se pose pas. Le droit répond très précisément, en la matière, que l'enfant né est l'enfant de ses parents, de ceux qui l'ont reconnu, et que la filiation ne peut être en aucun cas contestée par la recherche et la découverte des origines biologiques. Le droit a donc réglé cette question et il n'y a pas lieu pour nous de considérer qu'elle peut être rouverte.
D'ailleurs, à chaque fois que des enfants nés de tiers donneur s'expriment sur le sujet – nous en avons entendu un certain nombre devant la commission spéciale –, ils expliquent bien qu'ils ne sont pas à la recherche d'une famille ou de parents de substitution : ils cherchent simplement une information qui ne remet en rien en question leur attachement familial ou la reconnaissance de ce que leurs parents sont les personnes qui les ont élevés. Ils souhaitent simplement compléter leur histoire, la connaître dans sa totalité. Cela me paraît un droit élémentaire sur lequel nous devrions assez facilement pouvoir tomber d'accord.
Je conçois qu'une difficulté ultime susceptible de nous retenir serait le fait de décourager les donneurs. Cet argument me paraît aujourd'hui peu intéressant, car encore peu attesté. De toute manière, il ne me paraît ni être au centre du sujet ni surtout aller à l'encontre de ce que le donneur aurait pu souhaiter. Dès lors que l'on retient la formule, proposée par le Conseil d'État et reprise par le Gouvernement, qui pose comme seule condition la protection de l'anonymat du donneur désireux de le conserver, je ne vois pas ce qui s'oppose à l'introduction de cette disposition et à la conclusion de ce débat.
Sans vouloir, évidemment, établir de distinctions trop fortes entre les uns et les autres ici, on voit bien que les motivations peuvent être différentes, mais il faut essayer de lever quelques malentendus.
Certains ont l'air de penser, et cela a été dit par M. Le Fur tout à l'heure, qu'il n'existerait qu'une dimension sociale ou culturelle de la famille. Je ne crois pas avoir rien entendu de tel, mais enfin admettons cette simplification. D'autres peuvent penser – cela, je crois l'avoir entendu parfois, mais je ferai comme si ce n'était pas le cas – que le lien doit être uniquement biologique.
Je crois que, dans les deux cas, nous sommes à côté de la réalité. En vérité, nous sommes constitués à la fois par, notre histoire biologique et par notre histoire affective et familiale, sans oublier notre histoire sociale. Cela nous conduit naturellement à ne pas pouvoir considérer le don de gamètes comme un acte simple et comparable à tous les autres. Il présente, en effet, une différence, car il y a dans le don de gamètes la volonté de contribuer à donner la vie.
Ce don n'est donc pas neutre et celui qui est confronté à cette préoccupation, celui qui fait le choix de donner la vie par les gamètes, sait qu'en le faisant il endosse aussi une forme de responsabilité, non pas par rapport à l'enfant né ou à la famille en particulier, mais par rapport à la société dans laquelle il vit et aux valeurs de celle-ci. Il doit pouvoir se poser cette question, à laquelle il est invité à répondre par l'affirmative ou par la négative. En tout état de cause, ce n'est pas à la société de le faire à sa place, à moins de considérer que nous sommes uniquement constitués par du matériel génétique. Or cela ne me paraît pas satisfaisant au regard de ce qu'est la réalité de la personne qu'il va aider à engendrer.
Tels sont les éléments que je voulais apporter dans ce débat et je souhaiterais vivement que le Gouvernement revienne à la position qui avait été initialement la sienne. Comme je n'ai pas l'habitude de l'aider, je serais ravi de pouvoir le faire à cette occasion en lui permettant de réintroduire une disposition qui me semble aller – j'insiste sur ce point qui devrait être notre seule préoccupation – dans le sens du droit de l'enfant à connaître ses origines.
Comme le débat a pris une tournure générale avec les argumentaires présentés par Marc Le Fur et par Gaëtan Gorce, je serai obligé d'apporter, moi aussi, un certain nombre d'arguments de cette nature, qui dépassent les amendements déposés.
Lorsque la mission d'information a remis ses conclusions, elle a proposé qu'on ne lève pas l'anonymat du don de gamètes. Elle l'a fait après un certain nombre de moments de doute, de réflexion et je dirai même aussi de changements d'opinion. J'ai moi-même exploré la voie d'une levée partielle de l'anonymat, c'est-à-dire non identifiante, pour revenir ensuite à la position présente, qui me paraît être la plus sage et la plus conforme à l'intérêt général.
J'entends souvent dire que l'on va dans le sens de l'intérêt des parents. On peut comprendre qu'ils n'aient pas envie qu'un intrus vienne perturber l'ensemble de la famille. L'intérêt de l'enfant est au contraire de connaître ses origines biologiques.
Mais je voudrais évoquer aussi les arguments des donneurs. Quand on sait qu'aujourd'hui, dans les SECOS, un donneur de sperme peut engendrer jusqu'à dix ou douze individus, on imagine combien de personnes pourraient venir frapper à sa porte ! Nul doute que ces donneurs, qui ont donné non pas par narcissisme mais de manière purement altruiste, se trouveraient en difficulté devant cet afflux de demandes.
Je voudrais aussi poser le problème de l'enfant devenu adulte qui serait à la recherche de ses origines, ou plus exactement, comme l'a dit Marc Le Fur, de son histoire. Comprenez que, la loi n'étant pas rétroactive, la réponse que recevrait une personne relèverait en quelque sorte de la loterie : positive ou négative.
Imaginons que trois enfants soient nés dans une famille stérile : on pourrait imaginer que l'un connaisse son « père biologique » – suivant les mots de Marc Le Fur, que je réfute – et deux autres qui ne sauraient rien.
On nous demande d'entendre ce que disent les enfants devenus adultes. Certes, nous les entendons, notamment ceux regroupés par l'association d'Arthur, excusez-moi de l'appeler par son prénom, mais c'est comme cela qu'il passe dans les médias. Cependant cette association regroupe une cinquantaine de personnes, alors que, je le rappelle, dans notre pays, 50 000 personnes sont issues d'un don de gamètes.
Nous avons d'ailleurs également entendu en commission des associations opposées à la levée de l'anonymat.
J'entends aussi l'argument de la recherche de l'histoire. La quête des enfants nés d'un don de gamètes est souvent rapprochée de celle des enfants nés sous X. Nous sommes, je pense, dans une situation tout à fait différente : l'enfant né sous X a été abandonné par ses parents, il a été – pardon de le dire ainsi mais c'est le plus souvent le cas – abandonné par sa mère.
Les psychiatres nous expliquent – ce que même ceux qui ne sont pas psychiatres peuvent facilement comprendre – que cet enfant recherche son histoire et ressent une culpabilité venue de cet abandon. Était-ce un problème culturel, comme c'est le plus souvent le cas aujourd'hui ? Était-ce un problème financier ? Une violence était-elle à l'origine de la conception de l'enfant ? En l'occurrence il y a là une recherche de ce qui s'est passé dans l'histoire, profondément humaine, de la rencontre d'un homme et d'une femme, qui ont procréé puis abandonné un enfant. Ce n'est pas du tout la même chose que l'histoire d'un homme qui donne des gamètes de façon purement altruiste, sans penser que l'enfant qui naîtra grâce à lui viendra le rechercher.
Sans vouloir nier la présence de biologie dans l'humain, je rappelle que nous sommes une construction complexe. Le don de gamète tel qu'on le conçoit aujourd'hui, anonyme et gratuit, naît de cette idée – vraie ou fausse, mais alors c'est tout le problème des dons de gamètes qui se pose – que les gamètes ne prédestinent pas l'enfant.
Pensons au catalogue danois. Un jour, nous aurons la possibilité de choisir le spermatozoïde, puisqu'on ne choisit pas une personne. On connaîtra la taille et le poids du donneur, alors que l'on sait bien que c'est surtout l'alimentation dans les trois premières années qui détermine la taille et le poids. On saura la couleur de ses yeux, de ses cheveux. Et encore, ne s'agit-il là que d'éléments phénotypiques simples.
En revanche les colonnes suivantes sont inquiétantes. D'ailleurs, certains éléments qui figuraient initialement parmi les données « non identifiantes » sont inquiétants. A-t-on besoin de savoir combien le donneur gagne, dans quelle université il a été formé, quelle religion il pratique, quelle est sa nationalité ?
Je le dis avec brutalité parce que je le ressens avec violence : voulez-vous entendre un jour quelqu'un refuser le sperme d'un juif ?
J'espère tout de même que cette donnée-là ne figure pas dans les fichiers des CECOS !
Alors nous sommes d'accord, et ce n'est pas la peine de tenir de tels propos !
J'espère que cette opinion est tout à fait partagée, selon laquelle il n'y a pas, contenue dans les gènes, une prédestination, et que les gènes ne sont que la condition nécessaire pour naître humain. J'espère que nous partageons la croyance qu'un humain qui vient au monde peut évoluer ensuite, notamment grâce à la culture. Si j'évolue, c'est grâce à mon histoire, à celle de mon pays, de ma région, grâce à la culture de mon époque, grâce à mes parents, c'est-à-dire aux gens qui m'ont élevé et aimé, grâce à ceux qui m'ont transmis un savoir.
Alors, Marc Le Fur, Hervé Mariton, oui, l'homme est un passeur et son destin est de transmettre quelque chose aux autres hommes. Toutefois passe-t-il ses gènes ou bien ce qui, au plus profond de lui, constitue l'idée de sa personne ? Ne pensez-vous pas que, dans la transmission, l'hérédité de pensée domine l'hérédité biologique ?
Ne pensez-vous pas que cette transmission culturelle prime largement l'élément génétique ?
La question se pose de façon aiguë. Si vraiment vous pensez que nous passons avec la génétique, avec un don d'ovocytes ou de spermatozoïdes, une partie d'une histoire qui prédétermine l'évolution de l'autre, alors, honnêtement, il faut arrêter ces dons.
Si vous pensez, comme moi, que cet élément génétique – sans être bien sûr négligeable sur le plan médical, mais les CECOS sont prêts à fournir tous les renseignements médicaux nécessaires – n'est pas essentiel, contrairement à l'apport de l'autre, car l'homme est un produit de l'autre et des autres, un produit de savoir et d'amour, alors rechercher une histoire qui n'existe pas, une origine que l'on ne peut pas trouver dans l'élément biologique est un leurre.
Je vois bien, d'ailleurs, que ceux qui défendent la levée de l'anonymat utilisent des arguments très différents les uns des autres ; je ne pense pas trahir la pensée de Gaëtan Gorce ou celle de Marc Le Fur en disant mon impression qu'ils n'ont pas la même philosophie.
Enfin, au nom de la transparence, ne cultiverions-nous pas en réalité le secret ?
L'expérience suédoise a été relatée par Le Monde. Surpris, je me suis penché sur l'ensemble des études publiées en Suède. Lorsqu'on demande si, à l'heure actuelle, les personnes concernées ont l'intention de dire la vérité à leurs enfants – vérité sur l'origine et sur la possibilité de connaître ultérieurement leur origine génétique, puisque je me refuse à utiliser le terme de parent – 90 % répondent par l'affirmative. Toutefois 56 % ajoutent que ce n'est pas forcément l'intérêt de l'enfant.
Pour comprendre la différence entre l'intention et l'action, il faut se reporter aux études suédoises. On se rend alors compte que depuis la levée de l'anonymat, une seule personne a demandé à connaître son origine génétique.
Et même si cela ne concernait qu'une seule personne, faudrait-il renoncer ?
On comprend mieux lorsque l'on voit, dans une autre étude, que 11 % seulement des Suédois concernés ont révélé à leurs enfants qu'ils étaient nés d'un don de gamètes.
La volonté de transparence aboutit donc en réalité à une augmentation du secret, puisqu'en France on estime que 40 % à 50 % des parents disent à leurs enfants qu'ils sont nés d'un don de gamètes.
Même s'il n'y en avait qu'un en dix ans, ne vaudrait-il pas mieux, dira-t-on, qu'il puisse savoir ? Cependant la loi, je vous le rappelle, n'est pas individuelle ; elle est universelle et s'applique à tous. Comme le disait le docteur Lévy-Soussan lors de nos auditions, en ouvrant cette possibilité, vous créeriez une parentalité biologique, Marc Le Fur a d'ailleurs parlé de « père biologique ».
Il y aurait alors une parentalité multiple.
Je continue donc à penser fortement que la recherche d'un donneur de sperme – Arthur dit qu'il est « né d'un spermatozoïde inconnu » – est une mauvaise voie.
Est-il utile de rappeler que 8 % des enfants de France, dans des couples stables, sont nés d'un spermatozoïde extérieur ? Est-il utile de rappeler que, dès lors que l'anonymat serait levé, chacun aurait le droit de vérifier si son père est bien son père ?
Je vous laisse imaginer la brèche que l'on créerait, non pas dans des familles qui exploseraient sous la pression de la vérité – après tout, la vérité, si elle est quelquefois dévastatrice, est toujours utile – mais en laissant tous les enfants imaginer que le père qu'ils ont eu toute leur vie n'est pas forcément leur père, puisqu'ils ont le droit d'aller chercher le père géniteur, celui de passage, celui qui a apporté le matériel génétique certes précieux, indispensable pour créer l'homme,mais qui à lui seul n'a jamais suffi à faire une personne humaine.
Pour toutes ces raisons, je pense très profondément qu'il ne faut pas lever l'anonymat du don de gamètes ; si nous le levions, nous aurions à nous reposer la question de l'utilité du don de gamètes.
Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Je sais bien quel était le texte initial. Je poursuis.
Il a déjà été fait état publiquement de mes positions, qui ne sont pas celles de Xavier Bertrand, mais celles du ministre de la santé que je suis maintenant.
Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion d'en parler lors de mon audition, je ne suis pas favorable à la levée de l'anonymat. Le problème est simple, et je ne veux pas reprendre toute la démonstration de M. Leonetti.
En définitive, qu'est-ce qui doit prévaloir, le génétique et le biologique, ou l'affectif et l'éducatif ? C'est un choix.
Puis-je continuer ?
C'est le choix que je veux faire. Et je choisis.
Vous ne pouvez pas éviter d'imaginer des situations personnelles, familiales, où l'on aura donné son consentement à la levée de l'anonymat, où même ce consentement aura été renouvelé. Cependant, cinq ans, dix ans, vingt ans après, à quelles situations sera-t-on confronté ? Est-on capable d'imaginer les choses jusqu'au bout ?
J'entends bien le débat sur le droit à connaître ses origines ; il est tout à fait légitime et je le respecte. Néanmoins il faut savoir faire des choix ; c'est le rôle du législateur, c'est le rôle de tout homme et de toute femme politique, même si, je le comprends parfaitement, les opinions peuvent diverger.
Il a beaucoup été question de la Suède. Or on peut y constater que, confrontés à une possible levée de l'anonymat, les couples gardent en définitive le secret sur la conception. On nous parle souvent des exemples étrangers ; je ne veux pas entrer dans un débat sur le mieux-disant ou le moins-disant éthique dans ce cas-là, mais cette expérience est intéressante.
Les arguments développés ici, la teneur des échanges, me font penser que je n'aurais pas rédigé le texte initial comme il l'a été. Aujourd'hui, j'assume pleinement cette position : je ne suis pas favorable à la levée de l'anonymat ; je suis donc défavorable à ces amendements.
Comme beaucoup d'entre nous, j'ai été initialement très partagé sur cette question. J'avoue même avoir été séduit pendant un temps par l'idée d'une transparence totale, avec la possibilité pour ceux qui le désirent de connaître l'origine des gamètes ayant contribué à leur conception.
Chacun d'entre nous, je crois, est quelque peu partagé sur cette question ; les opinions peuvent diverger suivant la façon dont chacun pèse les avantages et les inconvénients de cette transparence. J'ai déjà évoqué ces inconvénients qui, après réflexion, ne sont pas minces. C'est la raison pour laquelle nous sommes nombreux, au sein du groupe socialiste, à vouloir suivre l'avis du rapporteur et l'avis actuel du Gouvernement en refusant la levée de l'anonymat.
Nous disposons de données et d'études sur le sujet – je pense non seulement aux études suédoises, mais aussi à d'autres études réalisées avec des données peut-être moins complètes et moins scientifiques, mais dans des pays géographiquement et culturellement plus proches.
Ces études nous conduisent à penser qu'une levée de l'anonymat pourrait provoquer, au moins de façon transitoire, une diminution du nombre des donneurs. Cet élément n'est pas fondamental, mais c'est un fait. Le constat que le taux de révélation à ces enfants du mode de conception diminue est plus préjudiciable que le fait de ne pas offrir la totalité des informations sur le concepteur.
Si le mode de conception est dissimulé à l'enfant alors même que le monde des adultes, c'est-à-dire les parents, mais également les grands-parents, les oncles, les tantes, puisque c'est toute une famille qui aura vécu les difficultés de la stérilité, qui en aura parlé, qui se sera résignée, après quelques années, à recourir à l'assistance médicale et à un donneur extérieur, partage ce secret, cela signifie qu'il y a deux catégories de personnes : l'enfant, maintenu dans l'ignorance, et les autres, qui vont partager le secret. Cela est préjudiciable.
Certes, un petit nombre de ceux qui sont nés dans ces conditions auront un très fort désir de connaître leurs origines et auront besoin, n'ayant pas obtenu satisfaction, d'un soutien psychologique, mais cela est également le cas de beaucoup d'enfants qui sont nés après une procréation médicalement assistée, tous types confondus.
Tel est d'ailleurs également le cas dans les familles où le père n'est pas celui que l'on croit. Il existe ainsi, dans notre pays, des antécédents célèbres de femmes qui ont eu à souffrir du fait que leur père n'était pas celui qu'elles croyaient.
Pour toutes ces personnes, les psychologues sont là pour apporter des solutions, des aides, des soutiens.
J'ajoute deux arguments liés à notre droit et à notre culture.
D'une part, la France est le pays qui a la plus forte culture du don anonyme et gratuit au monde.
Cet argument ne serait pas suffisant pour refuser la levée de l'anonymat si celle-ci s'avérait nécessaire, mais il est vrai que, pour toutes les variétés de dons, nous avons plus que les autres pays cette culture-là. Prendre la décision de lever l'anonymat pour les dons de gamètes reviendrait à transgresser notre règle et aurait, à n'en pas douter, des répercussions dans les autres variétés de dons, qui pourraient, peut-être, alors être vécus différemment.
D'autre part, nous sommes, plus que d'autres pays, attachés à l'égalité. Induire délibérément l'inégalité d'accès à ses origines serait préjudiciable. Beaucoup de familles ont plusieurs enfants qui sont nés à partir de donneurs différents. On pourrait imaginer que ces frères et soeurs demandent à avoir des informations sur l'origine des gamètes en question. Certains auraient des informations, parce que le donneur aurait accordé cette possibilité, tandis que d'autres frères et soeurs, dans la même famille, se verraient opposer un refus parce que le donneur aurait refusé que les enfants conçus à partir de ses gamètes puissent disposer de ces informations.
Cette inégalité provoquerait une souffrance encore plus grande.
Nous pouvons éviter ces difficultés à condition d'accompagner certains de ces enfants d'explications que les psychologues savent très bien délivrer. Les CECOS, et ce n'est pas pour rien qu'ils sollicitent l'aide des psychologues, ont déjà beaucoup réfléchi et ont développé des trésors de réflexions, qui ont été reprises dans des livres et des thèses.
Le maintien de la position actuelle me paraît moins source de difficultés que la transgression de l'anonymat.
Chers collègues, ne vous impatientez pas : j'ai sept demandes d'intervention et je donne la parole au fur et à mesure que les demandes me sont parvenues.
La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.
Mon collègue vient d'exprimer une position que la majorité du groupe socialiste partage et si Gaëtan Gorce a exprimé une autre opinion, c'est parce qu'il s'agit d'un sujet sur lequel chacun doit se déterminer en conscience.
Le fait de connaître l'ADN de ses origines ne résoudra jamais le problème de la quête de ses origines pour une personne qui souhaite savoir d'où elle vient.
Si, à un moment donné, elle croit pouvoir trouver ce qu'elle cherche, elle ne le trouvera pas. On le voit malheureusement dans le cas des personnes nées sous X, même si c'est totalement différent. J'ai ainsi souvent reçu des personnes dans ce cas à ma permanence ; je les ai même aidées. Celles qui ont réussi à connaître leurs origines, parce que les règles dans cette matière sont différentes de celles que nous envisageons pour la connaissance des origines génétiques, n'ont pas toujours compris pourquoi elles avaient été abandonnées.
Un gamète, un ovule ou spermatozoïde, ce n'est pas un oeuf, ce n'est pas un embryon, ce n'est pas un enfant. Considérer qu'un gamète qui a été donné dans un acte d'amour, de responsabilité, est une partie de ses origines est, à mon avis, une erreur.
On vit, en France, sous le régime du double anonymat : l'anonymat du donneur et celui du receveur. On ne sait même pas si le spermatozoïde ou l'ovule qu'on a donné a été utilisé. Ouvrir la voie de la connaissance pour des données non identifiantes ou identifiantes provoquerait plusieurs problèmes. Jean-Louis Touraine vient d'évoquer celui de frères et soeurs qui n'auraient pas le même traitement, mais mettez-vous à la place des enfants de la personne qui a donné des spermatozoïdes vingt ou vingt-cinq ans plus tôt et qui vont voir arriver dans leur vie, parce que ce ne sera pas secret, un demi-frère ou une demi-soeur génétique ? Comment vont-ils accepter que ceux qui sont des demi-frères par le gène ne le soient pas effectivement au niveau de la famille et au niveau social ?
J'ai reçu un courrier assez poignant et un collègue qui est dans ce cas s'est également exprimé sur ce sujet. À la question de savoir si elle acceptait la transmission de données non identifiantes cette personne a répondu que ces informations ne regardaient pas le receveur et ses enfants. Il nous semble malsain qu'un inconnu puisse fantasmer sur notre prénom, notre profession, notre localisation géographique, comme cela aurait été le cas avec le texte initial.
Accorder à un enfant ayant bénéficié d'un don ces informations serait valider son obsession de rencontrer le donneur et l'encourager dans sa quête. Nous pensons que l'entourage de cet enfant lui rendrait plus service en lui apprenant à accepter qu'il est impossible de toujours tout savoir, même sur soi-même. De plus, en 2010, à l'ère d'Internet, nous ne voyons pas quelles informations peuvent réellement être qualifiées de non-identifiantes. Toute personne venant au monde doit accepter que sa naissance a un prix : la mort, les souffrances, les frustrations. En tant que parents, il ne nous viendrait pas à l'idée de maintenir nos enfants dans l'illusion qu'ils peuvent y échapper. C'est grâce à notre amour et à notre éducation que nos enfants apprennent à s'accommoder de l'inéluctabilité de la mort. Un enfant né d'un don anonyme doit de même apprendre à s'accommoder de ne jamais connaître l'identité du donneur. Si, bien sûr, cet anonymat était mis en cause, nous demanderions immédiatement au CECOS la destruction des gamètes restants.
Comme cela a déjà été souligné ; nous risquerions d'aboutir à ce qu'il y ait moins de dons de gamètes si jamais nous votions ces amendements. Ce serait grave.
Il est bon que nous ayons ce débat aujourd'hui, mais, je m'exprime là au nom de la grande majorité du groupe socialiste : nous ne voterons pas la proposition de rétablissement de la levée de l'anonymat.
Les propos de notre collègue Jean-Yves Le Déaut sont intéressants. Si la difficulté que représenterait l'arrivée dans certaines familles d'un demi-frère ou d'une demi-soeur est la même que celle qu'une telle nouvelle provoque dans tous les montages de famille et de parentalité complexes que nous pouvons être tentés de créer, je crois qu'il est tout de même de l'intérêt de la société et des personnes de se prémunir.
J'ai trouvé la présentation de Gaëtan Gorce et de Marc Le Fur intéressante : avec un raisonnement différent, ils arrivent à la même conclusion, que je ne partage pas.
Je n'épouse pas non plus le raisonnement de Gaëtan Gorce, tout en trouvant intéressante la conviction défendue par lui que la personne, la famille est à la fois biologique et culturelle. Les deux vont bien ensemble et il est important d'affirmer les deux. Je pense même qu'il y a péril à choisir exclusivement l'un ou l'autre. L'évolution de notre débat sur ce point me semble intéressante.
Quant à Marc Le Fur, je partage les prémices de son raisonnement au nom de la définition de la famille et de l'enjeu de la transmission, mais je me pose une question, qui n'a pas été tellement abordée dans le débat mais que j'avais posée au Gouvernement au cours des travaux de la commission spéciale.
Dans le texte initial du Gouvernement, la levée de l'anonymat supposait la demande de l'enfant devenu majeur et l'accord du donneur mais nulle part n'était fait mention des parents. Mme la secrétaire d'État, mais je ne veux mettre en difficulté ni les uns ni les autres, s'était expliquée en arguant que l'enfant était majeur. Ce n'est pas parce qu'il est majeur qu'il n'a plus de parents, même si, à la différence de Marc le Fur, je ne parlerai ni de parents culturels, ni de parents biologiques, considérant qu'il ne faut jamais mettre d'adjectif : le parent doit essayer d'être l'un et l'autre à la fois, y compris quand il y a intervention de la science ou adoption.
L'idée même que le Gouvernement ait initialement proposé ce dispositif sans penser aux parents et que, ensuite, quand je pose la question, le fait qu'il me réponde que l'enfant étant majeur, implicitement les parents n'existent pas, me paraît curieuse. La levée de l'anonymat dans le dispositif proposé supposait de mettre le projecteur sur le donneur mais pourquoi oublier le parent ? Cette ellipse du raisonnement me paraît avoir signé la difficulté de la proposition initiale du Gouvernement.
Je pense opportun de ne pas adopter les amendements. À ce titre, je me félicite à la fois du vote de la commission spéciale et de la position actuelle du ministre.
Je ne vais pas revenir sur l'ensemble des arguments qui ont été développées. Je ne désespère pas que notre collègue Gaëtan Gorce rejoigne les analyses du rapporteur et de Jean-Louis Touraine auxquelles je m'associe complètement.
J'ai le sentiment que bien qu'ils arrivent à des conclusions identiques, les motivations de Marc Le Fur et de Gaëtan Gorce sont opposées et je me demande si les analyses de notre rapporteur et de Jean-Louis Touraine ne permettraient pas de sortir de cette contradiction.
J'ai bien écouté l'argumentation de Marc Le Fur. Pour être conséquent avec lui-même, il faudrait qu'il aille jusqu'au bout de la démonstration : si le biologique est à ce point important…
…il faudrait qu'il dise que, dans tous les cas, les enfants nés d'un don de gamètes avec un tiers donneur ont besoin d'accéder à la connaissance et non pas à une partie seulement.
Vous n'allez pas jusque-là, parce que cela poserait des problèmes qui vous embarrasseraient.
Toutefois faire cette démonstration est nier une réalité essentielle : l'origine de l'enfant né d'un don de gamètes est l'amour de deux parents qui ont décidé un jour, malgré le handicap que représentait l'infertilité de l'un d'entre eux, d'avoir un enfant et de l'élever. C'est procéder à un raccourci que d'assimiler les gamètes à la personne qui les a donnés. Or, si ces amendements étaient adoptés cela permettrait d'accéder à la personne.
Ce débat nous oppose sur le fond. Je confirme mon opposition à ces amendements, car ce qui fait l'« hommonisation », ce n'est pas le patrimoine génétique, c'est le patrimoine social et culturel accumulé dans l'histoire de l'humanité, dont une partie va être intériorisée par des enfants d'hommes qui deviendront progressivement eux-mêmes des hommes. Ce devenir humain est la condition de cette « hommonisation ». Telles sont les raisons de fond pour lesquelles je ne peux souscrire à l'analyse qui conduirait à lever l'anonymat.
Nous sommes face à un problème non pas biologique et génétique, mais social et éducatif. Autant il me semble légitime de se poser la question du statut de l'embryon, car on peut considérer celui-ci comme une personne en devenir, autant il me semble abusif de se poser celle du statut des gamètes qui sont assimilables à des choses, pas à des êtres vivants.
La demande de levée de l'anonymat peut se comprendre, mais les arguments s'y opposant sont très forts : le remplacement d'une souffrance exprimée par quelques personnes par une omerta quasi généralisée sur le recours à l'AMP ; le risque d'inégalité entre ceux dont le donneur aurait accepté la levée de l'anonymat et ceux dont le donneur aurait refusé ; les risques importants pris par le donneur à l'égard de sa famille des années après avoir effectué le don. Tous ces arguments poussent à rejoindre la position de la commission. Il est fondamental de continuer à affirmer que, dans notre droit républicain concernant la filiation, le lien social et éducatif prévaut sur la vérité ou le lien génétique.
Enfin, comme l'a dit Jean-Louis Touraine, l'adoption de ces amendements marquerait la fin du triptyque sur lequel repose le don : l'anonymat, la gratuité et le consentement.
Je serai très bref, car à ce stade tout a été dit.
La quête des origines – « Qui suis-je ? » – est essentielle. Elle est vieille comme le monde. C'est une quête très légitime qui montre bien qu'un individu ne peut se résumer au culturel et à l'affectif, qu'il y a autre chose. Cela étant, nous sommes dans le cadre d'une alchimie et il ne faut pas donner plus de poids au biologique qu'au culturel. La question existentielle peut être source d'une angoisse et de nombreux troubles. Elle peut ronger. On le voit du reste, pour des raisons très différentes, chez des enfants adoptés qui ont besoin de savoir pourquoi ils ont été adoptés, pourquoi ils ont été abandonnés et, le cas échéant, par qui. La question se pose aussi pour les enfants nés sous X et s'agissant de l'anonymat pour le don de gamètes. Elle est donc très légitime.
Je pense, pour résumer, sans doute maladroitement et un peu trop rapidement, que, s'il y a un vrai trouble, nous sommes tous un peu hésitants, ennuyés, car le risque est d'y répondre par un autre trouble, ce qui ne serait pas satisfaisant et ne ferait que déplacer le curseur.
Se pose, par ailleurs, la question de l'égalité des frères et soeurs dans une fratrie entre celui qui souhaiterait savoir et celui qui ne le souhaiterait pas. La possibilité d'une levée de l'anonymat serait sans doute facteur d'un trouble supplémentaire. Un problème pourrait aussi se poser pour le donneur qui, vingt ou vingt-cinq ans plus tard, dans un contexte très différent, serait confronté à une demande. Certes, il pourrait toujours refuser, mais il serait rattrapé par son passé, d'une certaine façon, même s'il a donné en connaissance de cause à l'époque.
Enfin, dernier argument, le don, en France, est anonyme et gratuit, et il serait délicat d'entrouvrir la porte, car un tel principe pourrait être étendu à d'autres dons. Cela n'est ni bien ni mal – je ne porte pas de jugement – mais ce serait répondre à un trouble par un autre trouble, ce qui me paraît dangereux.
Il est bon que nous ayons eu ce débat. Si nous n'avions pas déposé ces amendements de rétablissement il serait resté dans le cadre de la commission spéciale, ce qui est utile, mais il est important que ceux de nos concitoyens qui s'intéressent à ces sujets puissent en avoir les échos vianos discussions.
Je comprends que chacun puisse exprimer, sur cette question comme sur toutes celles que nous abordons aujourd'hui, des doutes, des incertitudes, et que nous fassions preuve de certains errements quant à la « vérité » qu'il faut trouver à un moment donné puisqu'il convient de prendre position. Cette question de la levée de l'anonymat ne m'a d'ailleurs jamais paru évidente et c'est après un raisonnement que j'ai essayé de reconstituer, que je suis parvenu à ma conclusion.
Néanmoins, ce doute, cette interrogation, ce tâtonnement intellectuel ne peut pas être le prétexte à une forme de statu quo ou d'inertie à laquelle on trouverait plus de mérite que la pérégrination intellectuelle et morale qui est la nôtre. Si nous avons choisi de débattre sur les sujets de bioéthique c'est que nous savons qu'ils sont mouvants parce que la société change, parce que la médecine et la recherche progressent. Ces interrogations nous serons répétées en permanence. Nous devrons à chaque fois nous reposer les questions que nous pensions écartées à un moment donné.
Si je suis arrivé à la conclusion que j'ai évoquée tout à l'heure, qui est aussi celle de M. Le Fur même si les prémices ne sont pas les mêmes – j'insiste notamment sur le fait que je parle non pas de famille biologique, mais d'une personne qui est un tout, avec ses origines et sa constitution biologique et génétique, avec son parcours social, son cadre affectif et psychologique –, c'est que je ne vois pas comment on peut bâtir sur le secret un dispositif concernant la vie de citoyens de ce pays. Je peux comprendre l'existence du secret lorsque nous n'avons pas la capacité d'apporter des réponses. Certains collègues, notamment sur les bancs socialistes, ont indiqué qu'il fallait admettre que certaines questions n'aient pas de réponse. Elles relèvent du mystère et nous pouvons les interpréter chacun à notre manière.
Il est ainsi des questions sans réponse sur les origines de la vie en général, sur ce qui se passera après la vie, sur la façon dont nous pouvons déterminer nos propres comportements, au regard de quels principes, et sur l'influence qu'ils exercent. Ce sont des mystères, mais il n'y a pas de mystère pour la société s'agissant de l'origine des enfants dont nous parlons. Ces origines, la société les connaît, elle les archive. Ces « secrets » sont disponibles pour autant que l'on veuille bien les ouvrir et les rendre accessibles aux premiers concernés, c'est-à-dire aux enfants.
Je vais revenir sur les arguments que l'on m'oppose, car on me les a resservis bien que j'y aie répondu au moment de ma présentation.
On a d'abord avancé que la levée de l'anonymat engendrerait un désordre et qu'une injustice est préférable au désordre.
Cela me fait penser à la vieille formule dans les Conversations de Goethe avec Eckermann : « Mieux vaut une injustice qu'un désordre ». Cinquante ans plus tard, Léon Blum, qui n'était pas seulement un socialiste, qui réfléchissait et essayait de s'intéresser à la littérature de son temps – vous voyez que les choses évoluent ! –, estimait que, au fond, le désordre était dans l'injustice. Pour le coup, nous sommes en train de créer un désordre en maintenant une injustice.
Si nous sommes en situation de détenir le secret de l'origine – je veux dire d'une origine très limitée de l'enfant : l'aspect biologique, là ou tout a commencé – pourquoi est-ce nous qui devrions décider que l'enfant n'a pas le droit d'y accéder ? On peut considérer que la levée de l'anonymat est de nature à créer un trouble dans la famille, mais le trouble peut aussi survenir dès la révélation de la conception par un tiers donneur. Or chacun considère qu'il est souhaitable de faire cette révélation à l'enfant. En outre, un trouble peut survenir, mais il peut aussi ne pas survenir. On parle de loterie en disant que certains enfants connaîtront leur origine et d'autres pas, ce qui engendrera une injustice, une inégalité ; mais j'ai déjà évoqué l'inégalité bien plus importante entre tous ceux qui connaissent leur origine et ceux qui ne la connaîtront pas.
On peut imaginer de nombreuses situations. Dans une famille où deux enfants sont nés de tiers donneurs, par exemple, l'un pourrait souhaiter connaître ses origines alors que l'un autre ne le voudrait pas. Il pourrait même arriver que celui qui ne souhaite pas savoir soit celui qui pourrait obtenir l'information parce que le donneur serait prêt à la donner. On peut imaginer tous les cas de figure : en termes de probabilités, il y en a des centaines, voire des milliers. Comment pouvons-nous opposer une règle supposée objective et stricte à des situations qui sont indéfinissables, innombrables, incalculables ? Je ne comprends pas ce type de raisonnement.
Vous nous avez dit, monsieur le ministre, que vous aviez fait le choix d'opposer le biologique au social ou à l'affectif et au culturel. J'ai beaucoup de respect pour votre compétence, votre capacité de travail, l'attention que vous portez aux dossiers – vous imaginez bien que les compliments vont s'arrêter à un moment donné ! –, mais je regrette que vous cédiez à une telle simplicité.
Non, ce n'est pas suspect. Je connais Xavier Bertrand depuis des années et je suis sincère quand je parle des qualités dont je viens de l'affubler, même si, venant de quelqu'un de l'opposition, cela ne peut pas l'aider.
Cela étant, je regrette que le ministre fasse preuve d'une telle simplicité dans l'expression, pour ne pas dire de simplisme. En effet, le choix n'est pas entre le biologique et le social ou l'affectif, pour la raison que nous avons donnée tout à l'heure. On ne peut prétendre que permettre à l'enfant de connaître ses origines génétiques c'est faire le choix d'une parenté biologique puisque même le droit nous dit le contraire : cela ne changera rien. Et ce n'est pas parce que l'enfant connaîtra ses origines génétiques que cela changera quoi que ce soit dans les rapports qu'il entretient avec sa famille, dans la personnalité qu'il s'est lui-même constituée à travers cette histoire familiale, culturelle et sociale.
Considérer que le choix est entre le génétique et le social ou le culturel, c'est même renforcer l'idée que l'origine, la famille, la parenté, serait génétique ; c'est avoir peur de l'une au détriment de l'autre, donc penser que l'une serait plus forte que l'autre. Or, si un enfant devenu adulte demande à connaître ses origines, on peut considérer que les dix-huit ans minimum qu'il aura passés dans sa famille l'auront constitué de telle sorte que la révélation de son origine génétique ne viendra pas perturber ses rapports. Et si tel était le cas, pourquoi est-ce nous qui devrions décider qu'il n'a pas le droit de se placer dans cette situation ?
Quant à la question du donneur, là encore je ne saisis pas bien les arguments qui me sont opposés.
Lever l'anonymat sur les dons de gamètes, c'est permettre au donneur d'aller jusqu'au bout de son geste. Il ne s'agit pas de révéler des informations concernant un matériau génétique ou biologique qu'il faudrait qualifier et dont le statut poserait problème. L'acte de don n'est pas, n'est jamais neutre ; il l'est même moins que tout autre puisque le donneur sait qu'il va aider à concevoir et à produire la vie. C'est donc lui permettre d'aller jusqu'au bout de son don que de lui demander s'il souhaite faire la lumière, s'il autorise l'accès aux informations sur son identité figurant dans le dossier. D'une certaine manière, c'est valoriser, c'est anoblir son geste, c'est lui permettre d'aller au bout du cheminement qui a été le sien. Je ne pense pas que l'on fasse un don de gamètes en ignorant ou sans anticiper les conséquences de son geste. Raison de plus pour respecter la volonté du donneur, qui peut à tout moment, dès le don ou plus tard, s'opposer à ce que l'information soit communiquée.
Je trouverais extrêmement regrettable que, par son vote, l'Assemblée puisse laisser penser qu'elle a tranché dans une concurrence des identités. Il n'y a pas de concurrence des identités. Personne ne peut croire qu'une personne qui aurait demandé à connaître son origine génétique et qui aurait obtenu satisfaction verrait son identité personnelle remise en question. Cela ne se traduira pas dans le droit, qui, au contraire, nous protège. Refuser cette ouverture, c'est montrer que nous redoutons cette concurrence ; c'est, d'une certaine manière, prendre le risque de la valider.
Je me suis exprimé sur ce sujet pour faire vivre le débat, et au nom de deux de mes collègues, Patricia Adam et Aurélie Filippetti, qui n'ont pas souhaité intervenir à cet instant afin de nous conserver un peu de temps de parole pour d'autres questions importantes.
Je conçois parfaitement que l'on puisse arriver à des conclusions différentes des nôtres, mais il était utile que tous ces éléments soient produits et nous permettent de prolonger la discussion, car je ne crois pas que, en refusant la levée de l'anonymat, nous ayons réglé la question : elle sera sans cesse remise à l'ordre du jour, puisque nous avons la responsabilité d'encadrer les choses et de fixer le droit. Plus tôt nous le ferons et mieux ce sera.
La parenté n'est pas génétique, elle n'est pas sociale : elle est génétique et sociale – les deux à la fois, car les deux s'entremêlent.
Je tiens à répondre à quelques-uns des arguments qui nous ont été opposés.
D'après le rapporteur, l'association compte cinquante adhérents et 500 personnes seraient demandeuses. Certes, mais tout cela est à rapporter aux 50 000 personnes concernées ; admettons que la moitié d'entre elles soit majeure, ce qui nous offre une meilleure échelle de comparaison. Sans doute, la demande sociale est-elle minoritaire, mais elle n'en existe pas moins.
Par ailleurs, M. Vaxès considère que je surévalue le génétique. Ce n'est pas que je le surévalue, mais je ne le nie pas : cela existe, c'est une donnée. N'y a-t-il pas, dans le débat qui nous oppose, M. Vaxès et moi, un certain paradoxe ? Le matérialiste, c'est lui, mais c'est lui qui nie le physique et le corps. Je suis, en quelque sorte, le spiritualiste – chacun ici connaît mes origines, mon personnalisme et mon attachement à la foi catholique –, mais je ne nie pas le corps : il existe, il est un élément constitutif, la société ne fait pas tout.
Troisième élément de réponse : on nous explique que, puisque l'on ne peut pas aller vers l'égalité, il vaut mieux ne pas donner l'autorisation. Mais qu'est-ce que l'égalité ? Notre collègue Gaëtan Gorce a parfaitement répondu à la question : on donne le droit à certains, mais pas à d'autres. Certains considèrent qu'on ne peut pas donner le droit à l'un des individus d'une fratrie, si ses frères ne l'ont pas obtenu. J'ai du mal à comprendre ce raisonnement, qui est un sophisme. Pourquoi ce qui n'est pas accessible à tous serait-il interdit à tous ? Ce n'est pas parce que ce n'est pas possible pour tous que ce doit être interdit même à ceux qui peuvent y avoir accès dans le cadre de procédures encadrées.
Le quatrième élément est l'expression d'une philosophie plus générale. À sa naissance, l'enfant n'est pas une page blanche. Je suis d'accord avec notre collègue Philippe Nauche : les gamètes ne sont pas la vie. Il n'empêche que, lorsqu'on les associe, ils sont déterminants pour la personnalité. Ne nions pas cette détermination, qui n'est pas un déterminisme. Nos compatriotes se passionnent pour la généalogie : chacun recherche ses origines ; pourquoi interdirions-nous à certains cette recherche des origines ? J'invite chacun à réfléchir à ces questions. J'ai bien compris que nous étions minoritaires. Il n'empêche que nous tenions à exprimer cette position singulière.
(Les amendements identiques nos 69 et 96 ne sont pas adoptés.)
Article 14
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures trente-cinq.)
Ma boîte mail et celle d'autres collègues sont actuellement inondées de courriers électroniques de médecins qui attirent notre attention sur le fait que la sécurité sociale les pénaliserait de 50 centimes d'euro par feuille de soin non télétransmise avec la carte Vitale. Certains médecins voudraient répercuter cette amende sur les patients.
Le mail présente des arguments. L'assurance-maladie considère, pour sa part, que ce dépassement n'est pas autorisé, tandis que le syndicat des médecins, la CSMF, l'envisage comme un dépassement exceptionnel.
J'aimerais vous entendre, monsieur le ministre, pour tuer la polémique dans l'oeuf en apportant quelques réponses à ce mail qui perturbe notre fonctionnement.
Il ne s'agit pas, monsieur Jeanneteau, d'un rappel au règlement. La durée de votre intervention sera donc décomptée du temps de parole de votre groupe. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre.
Il est effectivement question de ce sujet depuis quelques heures.
Monsieur le député, je vous indique très clairement qu'il n'est pas question que les assurés sociaux soient pénalisés de 50 centimes.Il n'est pas davantage question que les assurés sociaux soient pris en otages entre les médecins et l'assurance maladie.
Il s'agit tout simplement d'une taxation que vous avez instaurée lors de l'adoption du PLFSS : si les médecins ne télétransmettent pas au moins 75 % de leurs actes, ils se verront imposer en fin d'année, au vu de l'ensemble de leurs prescriptions, une pénalité de 50 centimes d'euro par feuille.
Nous n'en sommes cependant pas encore là et je me suis engagé à ce que cette taxe ne soit pas appliquée de manière aveugle Si la patientèle de certains médecins est composée de davantage de personnes qu'ils visitent à domicile que de patients reçus au cabinet, si elle comporte des personnes qui, par hasard, n'auraient pas reçu leur carte Vitale ou attendraient son renouvellement, les médecins ne seront évidemment pas pénalisés. Nous ne sommes pas obligés d'agir de façon arbitraire, complètement aveugle et systématique. Je me suis engagé sur ce point.
D'ailleurs, je vous indique très franchement que le produit de la taxe ne m'intéresse pas un seul instant. Je souhaite en revanche que, peu à peu, tous les médecins télétransmettent ; que ceux qui télétransmettaient peu télétransmettent davantage et que ceux qui ne télétransmettaient pas du tout se mettent enfin à télétransmettre. Je désire également que les médecins spécialistes exerçant dans les grandes villes transmettent davantage, mais le but n'est pas de leur faire payer une taxe. En revanche, si tout le monde télétransmettait, cela ferait de sacrées économies pour la sécurité sociale !
En la matière, il vaut mieux être incitatif. Vous avez adopté cette taxe, soit ; la loi est dure, mais c'est la loi. Cela étant, avant qu'elle n'entre en application, nous examinerons la situation avec l'assurance maladie et les médecins. D'ici là, il n'est pas question de faire supporter par les assurés sociaux le montant d'une taxe dont il n'est même pas avéré que les médecins auront à la payer.
Je comprends votre émotion, monsieur le député. C'est aussi celle d'un certain nombre de patients et d'associations, et je la partage. Je vous indique donc très clairement qu'il n'est pas question que les patients aient à supporter cette taxe.
Je suis saisi de l'amendement de suppression de l'article, n° 54.
La parole est à M. Xavier Breton.
La commission spéciale a adopté un amendement visant à ouvrir le don d'ovocytes aux femmes n'ayant pas encore procréé. Cette disposition pose, à notre avis, deux problèmes majeurs, que nous ne pouvons balayer d'un revers de main.
Premièrement, il faut souligner que, si notre législation a retenu l'exigence d'avoir au moins un enfant pour pouvoir donner des gamètes, c'est pour s'assurer que ce don ne reste pas abstrait et que le consentement du donneur est bien éclairé. Il est indispensable que le donneur mesure la signification de son don, mais aussi qu'il puisse donner un sens à son don par rapport à ses enfants. Si l'exigence d'avoir déjà procréé est supprimée, le donneur ne pourra pas mesurer comment ce don pourra interférer dans sa relation avec ses enfants.
De plus, si la donneuse n'a finalement pas d'enfants pour telle ou telle raison, comment vivra-t-elle cette maternité biologique ? Ne risque-t-elle pas de rechercher à tout prix l'enfant issu de ses gamètes ? Après les enfants conçus par don de gamètes qui recherchent aujourd'hui l'identité de leurs parents biologiques – nous venons d'en parler –, n'allons-nous pas créer un nouveau problème, avec des adultes cherchant l'enfant issu de leurs gamètes ? En laissant le texte de la commission en l'état, nous créerions une nouvelle impasse éthique.
Le deuxième grand problème est la contrepartie qui serait accordée à la femme donneuse, à laquelle il serait offert de conserver à son profit certains de ses ovocytes pour le cas où elle deviendrait ultérieurement stérile et aurait besoin d'une assistance médicale à la procréation. Outre l'entorse à la gratuité du don que constituerait cette « compensation », nous pouvons nous demander si nous ne serons pas très vite confrontés à des demandes diverses et variées qui viseront à faire élargir les possibilités d'utilisation de ces ovocytes conservés. J'en veux pour preuve les débats de la commission spéciale. Notre collègue Philipe Nauche a ainsi indiqué que « la compensation proposée soulèvera inévitablement le problème de l'accès aux techniques d'assistance médicale à la procréation pour des raisons et dans des conditions autres que celles prévues par la loi », ce à quoi notre président Alain Claeys a répondu : « L'honnêteté intellectuelle exige de le souligner ».
Citons également Mme Jacqueline Mandelbaum, chef du service d'histologie et de biologie de la reproduction et responsable du CECOS de l'hôpital Tenon, membre du comité national consultatif d'éthique, que nous avons entendue dans le cadre de la mission d'information le 11 février 2009 : « En ce qui concerne les donneuses d'ovocytes, il ne serait pas du tout raisonnable d'autoriser le don par des femmes qui n'ont pas eu d'enfants, en dépit de tous les avantages qu'offrirait la disposition d'ovocytes de femmes de vingt ans. Mais on ne peut négliger les risques, mêmes faibles, que la ponction d'ovocytes et les traitements afférents font peser sur la fécondité de la donneuse. Il y a aussi le risque psychologique encouru par ces femmes si d'aventure elles n'avaient pas d'enfant par la suite. »
C'est pour l'ensemble de ces raisons que nous vous proposons de supprimer l'article 19 A qui vise à abandonner l'exigence que les donneuses d'ovocytes aient déjà procréé.
Nous abordons une innovation, sur le plan tant des règles que des possibilités. En réalité, nous le savons, notre pays connaît un déficit de dons d'ovocytes. Nous savons aussi que certains pays ont trouvé une solution purement commerciale. Ainsi, en Espagne, on vend et on achète des ovocytes.
Notre réflexion se fondant sur l'idée que la commercialisation de l'humain est interdite, nous avons recherché d'autres solutions. Dans le même temps, nous avons constaté que, pour des raisons évidentes, le don d'ovocytes présente quelques inconvénients et un petit risque. Nous savons ainsi qu'il est moins riche en gamètes que le don de spermatozoïdes.
Pour pallier cet inconvénient, nous avons donc envisagé deux solutions.
La première est l'innovation technologique. La congélation ultrarapide des ovocytes permet en effet de ne plus utiliser uniquement un ovocyte frais en période instable mais aussi d'utiliser des ovocytes lorsqu'on le souhaite, comme les spermatozoïdes mis en paillettes et congelés.
Avoir désormais des ovocytes à utiliser lorsqu'on le souhaite permet de conjuguer plus sûrement fécondation, embryon et nidation. Cela conduit à une diminution considérable du nombre d'embryons surnuméraires, ce qui est, aux yeux de tous, un élément extrêmement positif. En effet, dès lors que l'on pourra utiliser ovocytes et spermatozoïdes lorsqu'on le souhaitera, le nombre d'embryons ne sera plus disproportionné par rapport aux besoins réels de fécondation et au nombre d'enfants voulus.
Deuxième point, c'est un fait social, les femmes françaises procréent en moyenne autour de trente ans. Aussi, dire que les ovocytes ne peuvent être utilisés qu'après que le donneur a déjà eu un enfant fait que l'on se procure des ovocytes – pardonnez-moi d'utiliser des termes qui n'ont de valeur que biologique – de moindre qualité puisqu'ils sont recueillis sur des femmes ayant passé la trentaine. On se priverait ainsi d'ovocytes de meilleure qualité…
Je parle d'ovocytes de meilleure qualité, madame Filippetti, pas de femmes de meilleure qualité ! (Sourires.) Ne confondons pas le tout et la partie !
On se priverait donc d'ovocytes de meilleure qualité qui pourraient être fournis par des femmes ayant entre vingt et trente ans.
Dans cette optique, j'ai bien entendu l'argumentaire qui a été développé. À l'évidence, on nous reproche d'avancer qu'il y a un petit risque de stérilité après la ponction. Or même si ce risque est minime, il faut pouvoir le prévenir. L'idée est de ne pas faire courir à ces femmes qui n'ont pas encore eu d'enfants le risque d'être stériles, ce qui pourrait leur faire regretter le don qu'elles ont fait : elles auraient permis à un couple d'avoir un enfant et elles-mêmes ne pourraient pas en avoir. On peut imaginer leur frustration si, du fait même de leur don ou pour une autre raison médicale, elles se retrouvent un jour dans cette situation.
C'est pourquoi je vous ai proposé que, dans le seul cadre de l'assistance médicale à la procréation, non dans un souci de confort ou d'utilisation à leur choix, ces femmes puissent faire conserver leurs gamètes pour elles-mêmes en cas de stérilité due à leur don ou à une raison extérieure et qu'elles puissent ainsi bénéficier d'un retour de leur don, je le répète, uniquement dans ce contexte. Il n'est pas question que des femmes puissent mettre leurs ovocytes au frigidaire et les utiliser lorsqu'elles en auront envie, que les hommes puissent faire de même et que l'on puisse créer des embryons pour la recherche. Loin de nous ce genre de fantasme.
Le don d'une femme entre vingt et trente ans ouvre la possibilité d'avoir d'une part une meilleure performance technique et scientifique de l'aide médicale à la procréation et, d'autre part, d'assurer la sécurité de ces personnes généreuses, de leur garantir qu'elles n'auront pas de stérilité qu'une assistance médicale à la procréation ne pourrait venir compenser à partir de leurs ovocytes.
Je conçois qu'il s'agit d'un débat éthique et qu'il y a une certaine transgression. Cependant qu'en est-il aujourd'hui de la transgression ? Dans certains CECOS, lorsqu'une femme vient avec une autre femme donneuse d'ovocytes, elle devient prioritaire. N'avons-nous pas là ouvert la porte à une certaine marchandisation, peut-être occulte et assumée ?
Il me semble que la générosité, la gratuité et l'anonymat sont des éléments fondamentaux en matière de don. Dans le texte, nous conservons la gratuité et l'anonymat en permettant un retour pour le donneur ; il ne s'agit pas d'un bénéfice, mais d'une sécurité. En cas de pathologie, il sera possible d'y remédier par la voie même qui a été celle de la générosité.
Cet amendement donne lieu à de nombreuses questions. Cela était d'ailleurs le cas, je l'avoue, avec la rédaction initiale du texte. Je n'ai pas forcément les réponses aux questions posées et, pour ma part, s'agissant de cet amendement, je m'en remettrai à la sagesse de cette assemblée. Je vais vous expliquer pourquoi.
D'abord, certains peuvent se demander si une femme très jeune qui décide de faire un don a la maturité nécessaire et si elle peut subir des pressions. Je pense que oui. Y a-t-il plus de risques ? Peut-être, mais j'estime que ce n'est pas l'élément le plus marquant. Je sais que certains se posent légitimement la question, mais ce n'est pas l'élément déterminant à mes yeux.
L'élément déterminant, sur lequel Jean Leonetti a insisté, c'est que, d'une certaine façon, on est dans le don pour soi, dans la conservation pour soi. À ce propos, je pose une question au rapporteur : quelle garantie a-t-on que cette précaution, prise pour se prévenir d'une stérilité possible, n'aboutira pas à une généralisation de don d'ovocytes ? Jean Leonetti l'a indiqué, le dispositif s'appliquant aux femmes comme aux hommes, pourquoi, avec la vie moderne et les atteintes à l'intégrité de sa santé, l'idée ne viendrait-elle pas à une femme de faire un don qui lui servirait ensuite ? Comment éviter une telle généralisation ?
Franchement, monsieur le rapporteur, je me pose des questions, et je ne suis pas arrivé au bout du raisonnement. Si je pouvais avoir un élément de réponse, j'en serais heureux. La rédaction initiale est celle du Gouvernement, mais j'assume le fait d'avoir une position différente de celle des rédacteurs du texte.
En l'état, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
Les conditions physiques pour obtenir les éléments du sperme d'un homme et un ovule d'une femme sont effectivement très différentes. Pour autant, faut-il que les conditions juridiques soient différentes ? Voilà le sujet. Votre réponse est positive, mais moi, je n'en suis pas convaincu. Je suis même de plus en plus convaincu du contraire, je soutiens donc l'amendement de notre collègue Xavier Breton. J'ai beaucoup apprécié l'intervention du ministre, mais je ne comprends pas que sa démonstration parfaitement éclairante ne le conduise pas à le faire adhérer à cet amendement.
Pourquoi ne faudrait-il pas évoluer, mais, au contraire, revenir au texte tel qu'il s'applique, autrement dit au droit objectif actuel ?
La loi de 2004 a posé une condition de sagesse : pour procéder à un don, il faut être père ou mère. Ce n'est pas une garantie sanitaire, c'est un acte qui engage. Il est donc indispensable d'avoir connu la paternité ou la maternité pour procéder à un don. Ce n'est pas une question d'âge, mais d'expérience, l'expérience de cette aventure humaine formidable qu'est la paternité ou la maternité. Je crois que nous devons garder cette obligation.
Par ailleurs, vous nous dites que l'on manque de gamètes. Vous parlez de stock, d'offre et de demande. Je dois avouer que je n'aime guère cette terminologie. Il s'agit d'un raisonnement de nature industrielle qui ne m'agrée pas. Cela existe peut-être, mais je ne vois pas en quoi cela devrait faire évoluer le législateur.
Autre élément : vous indiquez que, pour inciter une jeune femme non mère à donner ses ovocytes, on va faire en sorte qu'elle puisse en isoler un qu'elle pourra utiliser ultérieurement. Permettez-moi de vous répondre, monsieur le rapporteur, que je trouve votre raisonnement redoutable. Ainsi que le ministre l'a souligné, il s'agit d'un don pour soi-même, d'une forme d'assurance à laquelle on souscrit. Dans certains cas, le don interviendra pour cette raison qui n'est peut-être pas illégitime, mais qui n'est pas l'objet du don. Le don, ce n'est pas l'absence de rémunération ; c'est la gratuité totale. Or, en vous suivant, nous entrons dans une logique de contrepartie, d'échange, de compensation.
Cette logique, nous ne pouvons pas l'agréer, parce qu'elle est la porte ouverte à l'échange d'argent. L'argent n'ajoute rien, le troc existe en quelque sorte, et ce n'est pas parce que le troc n'aboutit pas à un échange monétaire que le troc n'est pas le don. Si nous sommes attachés au don, c'est qu'il s'associe à l'idée de gratuité, mais aussi de bienveillance et de compassion. J'estime que nous devons garder cette définition on ne peut plus essentielle dans notre droit. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je soutiens les arguments du rapporteur. Il faut en effet se rappeler que l'objectif est d'augmenter le nombre de donneuses d'ovocytes dans notre pays.
Elles sont malheureusement en nombre insuffisant et il ne s'agit nullement d'un troc ou d'une marchandisation, mais simplement de pallier une potentielle et fort heureusement rarissime infertilité qui serait liée au don.
Je veux insister sur un élément important, à savoir ce qui détermine le don chez nous, en France.
Il y a un élément altruiste dans le don qui est anonyme et gratuit. Je ne sous-estime pas la difficulté que vous évoquez : il y a effectivement un manque de donneuses d'ovocytes, et le stock est insuffisant. Et quand je dis « stock », je n'ai pas le sentiment de parler d'une industrie. Je pense d'ailleurs que personne n'a une telle idée en tête !
Il existe donc une véritable difficulté et nous en avons conscience. À cet égard je ne tiens pas à revenir sur un propos que l'on a pu nous prêter ce matin : nous ne cherchons pas un moyen détourné de diminuer le don de gamètes et le raisonnement est bien moins tortueux que ce que l'on a bien voulu nous prêter…
Si l'on doit promouvoir le don et si j'entends bien les arguments de notre rapporteur sur l'intérêt d'avoir des donneuses plus jeunes, compte tenu de la « qualité » de l'ovocyte, pour autant, il y a une contrepartie. Certes, elle n'est pas monétaire, mais elle est peut-être encore plus intéressante. Bien sûr, on encadrerait l'utilisation de cet ovocyte conservé en la limitant aux cas d'infertilité qui auraient pu être provoqués par un prélèvement. Mais la tentation d'un glissement vers d'autres raisons peut être forte, parce que la demande de la société peut être forte, elle aussi. Je reprendrai les propos du ministre : il y a un risque de généralisation.
On risquerait d'enfoncer un coin dans la gratuité du don, car le principe risque d'être altéré par la contrepartie que vous proposez.
Je partage le sentiment de Philippe Gosselin. Je m'interroge en effet sur l'article 19A et, pour une fois, malgré la grande sagesse avérée de notre rapporteur, j'ai du mal à être tout à fait d'accord avec lui.
D'abord, c'est une question personnelle, mais je m'interroge sur le fait que des personnes qui n'ont pas été confrontées à la parentalité puissent donner leurs gamètes. Je comprends que l'on puisse ne pas partager ma conviction, mais je pense que, avant de donner ses gamètes –il ne s'agit pas d'un don de plaquettes ou d'hématies –, il est important d'avoir été confronté à sa propre parentalité. C'est selon moi une expérience nécessaire avant de faire ce genre de don.
De plus, ce qui me gêne dans la rédaction de cet article, c'est qu'il est bien noté qu'il s'agit de la femme. Un article identique est consacré aux hommes. La femme se voit ainsi « proposer le recueil et la conservation d'une partie de ses gamètes ou de ses tissus germinaux en vue d'une éventuelle réalisation ultérieure… » Nous sortons, là, de la philosophie habituelle du don anonyme et gratuit et, si je peux me permettre cette expression, on change quelque peu notre logiciel ou notre façon de faire.
Pour ces deux raisons, j'apprécie que le Gouvernement s'en remette à la sagesse de notre assemblée.
Je ne me déroberai ni devant la question pertinente qui m'a été posée ni à la volonté de défendre les éléments de cette proposition.
J'appelle d'abord votre attention sur le fait que la marchandisation des ovocytes n'existe pas qu'ailleurs. Elle existe chez nous et ce procédé est couvert.
Quand vous vous rendez dans un CECOS et que vous avez, à vos côtés, une donneuse, vous attendez un an.
Or, si vous n'avez pas de donneuse à côté de vous, vous attendez trois à cinq ans.
Sans reprendre telle ou telle anecdote que l'on a portée à notre connaissance, je tiens à préciser que certains arrivent au CECOS après avoir perçu une indemnisation de personnes qui ne veulent pas prolonger l'attente. Je conçois parfaitement, puisque nous votons des lois sur la bioéthique, que l'on dise que ce don est marchandisé dans certains pays et pas dans le nôtre. Néanmoins ce procédé est, en réalité, marchandisé également en France. Il ne s'agit pas d'un troc, mais d'un achat, d'une vente. On achète, en France, des ovocytes de gré à gré pour passer devant les personnes inscrites sur une liste. Personne ne peut le contester. Comment, d'ailleurs, pourrions-nous le nier, puisqu'il suffit d'avoir une donneuse à ses côtés pour passer devant tout le monde ?
S'agissant du don pour soi, du troc, il semblerait qu'il pourrait y avoir dans l'esprit de certains l'idée suivante : je te le donne et tu me le gardes. Nous serions, là, dans un principe de générosité et d'autonomie : je donne pour moi, mais, en réalité, je ne donne pour moi que si je suis malade. Je ne suis alors pas dans une éthique d'autonomie, mais dans une éthique de vulnérabilité et de fragilité. Si je suis malade, si j'ai une anomalie, si je ne peux plus procréer et si, comme cela a été souligné, ma générosité m'a amené à ne pas pouvoir bénéficier du don que j'ai consenti à autrui, il est normal que ce soit compensé.
Bien entendu ! L'ovocyte n'est pas donné par confort, mais dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation et il n'est pas donné à une personne, mais à un couple infertile.
J'entends parfaitement ce que le ministre a évoqué et je me suis aussi interrogé : des femmes ne seraient-elles pas prêtes, pour prévenir une stérilité éventuelle, à subir, sous prétexte de générosité, une stimulation, puis une ponction ? L'argumentaire développé par M. le ministre est étayé, mais il vaut aussi pour l'homme. Je vous laisse libres d'y réfléchir.
Doit-on en effet agir de même pour les spermatozoïdes, considérant que le fait de les donner ne comporte pas en soi le risque, si minime soit-il, de devenir stérile ? Il n'est pas besoin de faire un dessin : tout le monde a bien compris que le risque est nul. On peut donc parfois mettre en place un système plus sécurisant pour la femme, parce que les conditions de prélèvement des ovocytes et des gamètes femelles ne sont pas du même type que le prélèvement des gamètes mâles.
Dans un autre domaine, celui du don d'organes, du don entre vifs, qu'il s'agisse de son élargissement ou autre, nous avons cherché comment non pas rendre ou rémunérer un rein, par exemple, mais récompenser celui qui a généreusement apporté une vie par un don de lui. Nous avons évoqué, et nous l'évoquerons peut-être à nouveau, la reconnaissance de la nation. Nous avons aussi envisagé la possibilité d'une prise en charge médicale de toute pathologie qui résulterait d'un don d'organe. Ne sommes-nous pas, ici, dans la même démarche ? Nous prenons en charge les éléments afin de compenser médicalement toute pathologie pouvant résulter d'un tel don.
Il ne s'agit donc pas, dans ce cas, de troc et l'argumentaire développé par M. le ministre – qui n'a d'ailleurs pas employé le terme « troc » – me paraît assez valable, si l'on a une vision quelque peu narcissique, pour l'homme, mais ne tient en aucun cas pour la femme.
On peut toujours imaginer qu'un homme veuille conserver ses spermatozoïdes au cas où il deviendrait un jour stérile. J'imagine mal qu'une femme, dans une démarche qui ne peut être qu'altruiste, accepte toute une série de rencontres, de stimulations ovariennes, de ponctions ovariennes, uniquement pour se préserver d'un éventuel risque de devenir stérile entre vingt et trente ans, pathologie tout à fait hypothétique qui n'est, en réalité, qu'un fantasme. Très peu de femmes, qui donnent entre vingt et trente ans, seront stériles pendant cette période. Si elles le deviennent, c'est, le plus souvent, après avoir été traitées pour un cancer.
Nous retrouvons à plusieurs reprises, dans ce texte, la même compensation légitime de la liberté de procréer et la préservation de cette liberté : je subis une chimiothérapie ou une radiothérapie, que je sois un homme ou une femme ; on va conserver mes gamètes, pour que je puisse, en cas de stérilité, procréer ultérieurement.
J'espère vous avoir convaincus que cet article est équilibré. Cela étant je n'ai peut-être pas bien compris votre question, monsieur le ministre.
Qu'est qui évitera la généralisation ?
Ce sera le fait qu'une femme ne va pas, par plaisir ou par confort, subir une stimulation ovarienne et une ponction.
Par précaution !
Le risque extrêmement minime d'une stérilité entre vingt et trente ans pèse peu face à l'inconvénient, s'il n'est pas généré par une volonté altruiste.
Je partage les analyses du rapporteur.
En réponse aux objections de nos collègues auteurs de cet amendement, je dirais qu'il n'y a pas marchandisation, pas contrat. En effet, pour qu'il y ait contrat, il doit y avoir deux personnes : une qui offre et l'autre qui reçoit ; une qui vend et l'autre qui achète. Nous ne sommes absolument pas dans ce cas, s'agissant de cet article.
La même personne, dans un élan de générosité, propose, offre, participe à un don forcément altruiste. Il n'y a donc pas de risque de généralisation. Nous savons bien que le don de spermatozoïdes est assorti de conditions : il n'est pas fait appel à tous ceux qui pourraient donner. Ce sera encore plus rigoureux concernant les ovocytes. Pour éviter précisément la marchandisation qui existe aujourd'hui et qui consiste à acheter dans un pays voisin, il est proposé d'améliorer notre dispositif national.
C'est la raison pour laquelle nous devons repousser cet amendement, sauf à ce que mes collègues, s'ils sont convaincus, le retirent. Je me prononcerai, pour ma part, en faveur de l'article 19 A.
Le rapporteur a comparé l'assistance médicale à la procréation à l'accompagnement du don d'organes.
Il a rappelé un certain nombre de dispositions qui existent en cas de don d'organes. Cela nous ramène utilement aux débats que nous avons eus dans l'après-midi. Nous sommes un certain nombre à accompagner la légitimité du don de gamètes sans, pour autant, l'assimiler à un don d'organes. Il n'est alors pas surprenant que nous ne vous suivions pas tout à fait sur ce premier argument.
Je vous livre un second argument qui n'est pas très scientifique.
Il se trouve que j'ai rencontré, cet après-midi, des Britanniques qui m'ont interrogé sur nos travaux sur la bioéthique. Ils m'ont plus particulièrement interpellé, dans le cadre du don d'ovocytes tel que vous le proposez, sur le risque qu'une femme fasse, en opportunité, le choix d'une programmation du moment. Ce n'est en aucun cas caractéristique. Je ne connais pas le raisonnement de toutes les femmes de notre pays ; je ne me prononcerai donc pas sur ce point. Cette idée n'est pas sortie de ma modeste cervelle, puisque ce sont des interlocuteurs, des observateurs étrangers qui, après avoir procédé à une analyse quelque peu serrée de notre dispositif, m'ont interrogé sur ce que nous sommes en train d'élaborer en France et se sont immédiatement posé la question de savoir si le dispositif de don avec conservation tel que vous le proposez ne risque pas d'inciter certaines personnes à choisir, en toute opportunité, l'instant – soit immédiatement, soit après-demain –, en fonction de contraintes objectives telles que des moments de la vie affective, des obligations de carrière, ou autres. Je n'affirme pas que c'est l'unique motivation des femmes qui optent pour un tel procédé, je souligne simplement que ce sont des questions que des observateurs, renseignés sur ce sujet, nous posent très directement.
Je me rallie entièrement aux propos du rapporteur. Je voterai donc, moi aussi, cet article.
En dépit de toute l'amitié et du respect que je porte à mes camarades qui se sont exprimés sur ce sujet, j'ai le sentiment d'être confrontée aux mêmes peurs que nos prédécesseurs ont eues lors de la création des CECOS. À cette époque, on parlait de « bébés Nobel », de certaines dérives… Je l'ai souligné précédemment, et je serai donc brève, le fait d'être conscient des problèmes n'empêche pas d'avoir confiance dans la façon dont les choses sont gérées. Nous enregistrons tout de même aujourd'hui une pénurie. Donner ses gamètes n'est pas un geste anodin.
Quelle femme prendra le risque de subir des ponctions, de suivre ce parcours du combattant ? Quand on regarde concrètement comment les choses se passent, ce n'est pas possible.
Pour moi, l'argument de Jean Leonetti selon lequel le troc et la marchandisation existent est extrêmement fort. Nous devons améliorer le système ; c'est tout l'intérêt de la révision des lois de bioéthique.
Dans le parcours du combattant qu'est la PMA, il n'est pas tolérable que l'on doive attendre entre deux ans et cinq ans un don de gamètes ; cela ajoute de la douleur à la douleur. Pensons aux personnes engagées dans ce douloureux parcours de soins et d'errance médicale, parfois, de la procréation médicalement assistée, à toutes les aides qu'elles peuvent trouver, à l'accueil de nos équipes médicales et de nos équipes de chercheurs. C'est tout de même très long, extrêmement douloureux.
Raccourcir les délais et prévoir une compensation pour la femme qui donne, cela ne me semble pas être un recul, cela ne me semble pas du tout remettre en cause ce que nous avons évoqué précédemment. Pour moi, au contraire, c'est progresser, c'est permettre à de nouveaux couples d'avoir un projet parental et de s'inscrire dans la dignité dans un tel parcours en France.
Les contraintes que nous imposons favorisent l'errance et le tourisme procréatif, et ce n'est pas ce que nous voulons pour notre pays ; je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point sur tous les bancs de l'hémicycle. En n'autorisant pas une telle possibilité, qui ne remet pas en cause nos principes, on pousse les personnes bien informées à faire de l'argent. Cette semaine, je regardais un reportage sur une grande chaîne de télévision. Un ovule coûte 7 000 euros en Espagne, et la personne qui donne est rémunérée 900 euros. Nous ne pouvons pas tolérer ce genre de pratique et, si nous ne mettons pas en place un dispositif efficace et digne pour y remédier,…
Non, on n'accepte pas tout. Nous constatons que de telles pratiques existent et nous essayons d'améliorer le système en faisant en sorte de respecter nos principes. Nous avons, je crois, une bonne solution, et cela rétablit aussi l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes.
Par conséquent, en dépit de toute l'affection que j'ai pour ceux qui défendent cet amendement, je ne peux malheureusement pas le voter et je souhaite que l'on s'en tienne aux dispositions qui ont été adoptées en commission. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Nous sommes sur la même longueur d'ondes que le rapporteur et nous sommes entièrement d'accord avec les propos de Mme Boyer.
En la matière, nous devons être pragmatiques. Ainsi que nous l'avons tous reconnu, il y a une grave pénurie. Prévoir une contrepartie, clairement encadrée dans le texte, me semble être un élément essentiel. C'est vrai qu'il serait paradoxal de faire un acte généreux sans pouvoir ensuite bénéficier de son propre don s'il arrive cet accident de la vie qu'est une stérilité.
J'en profite, monsieur le président, pour vous indiquer que nous retirons l'amendement n° 184 , qui est satisfait par la nouvelle rédaction de l'article.
Hervé Mariton m'a posé une question qui me paraît tout à fait légitime.
Il est assez logique que les Anglais s'inquiètent de l'éthique de la bioéthique française. (Sourires.)
Celui qui fait don d'un ovocyte ne peut en aucun cas choisir le moment de la procréation. Vous donnez des ovocytes, mais on ne vous en redonne que dans le cadre de l'aide médicale à la procréation, ce qui revient à dire que cela ne peut être accordé qu'à des couples médicalement stériles.
J'entends bien les craintes d'une autre nature. Ainsi, cette femme pourrait éventuellement faire un enfant toute seule. Ce n'est pas le cas. Nous sommes strictement dans le cadre où, avec un homme, monsieur Mariton,…
…elle tenterait de procréer et ne pourrait pas. Il faut que la stérilité soit médicalement constatée et que ce soit elle qui soit stérile. Elle aurait alors la possibilité d'utiliser les ovocytes conservés à son usage, sous réserve de son consentement, comme d'habitude.
J'ai pensé essayer de limiter cette possibilité aux cas où la stérilité serait uniquement due à la ponction ou à la stimulation mais, médicalement, il est extrêmement difficile de dire dans quelle mesure une stimulation ovarienne peut provoquer dans l'immédiat ou à moyen terme une stérilité. C'est la raison pour laquelle il vaut mieux garder la stérilité comme un élément de pathologie sans préciser qu'elle doit être due à la ponction, parce que, si la ponction peut être une cause de stérilité, la stimulation ovarienne est un autre élément, de nature à jouer éventuellement.
Ce n'est pas un troc, je le répète. Nous ne risquons pas d'avoir un afflux de femmes venant donner leurs ovocytes avec l'idée de les conserver en cas d'une très hypothétique stérilité, il y a très peu de femmes stériles entre vingt et trente ans. Cela nous permet simplement de passer à une autre étape.
Reste peut-être un sujet, que je vais aborder en toute franchise.
Être père, c'est avoir donné, avec une femme naissance à un enfant. Cet enfant vient d'un embryon et les embryons viennent de gamètes. Les gamètes ne sont pas des parents, ne sont pas des embryons, ne sont pas des personnes humaines en devenir. Les gamètes se gaspillent à longueur de jour, à longueur de nuit (Rires et exclamations sur de nombreux bancs) – et vous me permettrez de ne pas donner plus d'explication (Sourires) –, sans que, pour autant, l'éthique s'en émeuve, et c'est bien ainsi.
Il ne s'agit donc pas d'opportunité ; ce n'est pas un don pour soi ; on se réserve simplement la possibilité de remédier à une vulnérabilité qui pourrait résulter d'un acte généreux. C'est le juste retour que la société doit à ces femmes généreuses.
Je vous avais posé des questions, monsieur le rapporteur, et vos réponses ne m'ont pas convaincu.
D'abord, c'est bien le texte adopté en commission qui prévoit de telles dispositions et non le texte initial du Gouvernement. Même si je ne l'ai pas rédigé, je ne suis pas pardonnable et je tenais à faire mon mea culpa.
Un rapport de l'IGAS sur le sujet va paraître normalement à la fin du mois de février, entre le débat à l'Assemblée nationale et celui au Sénat. D'après ce que je crois savoir, il précisera un certain nombre de choses et devrait souligner que c'est en définitive la responsabilité de la représentation nationale de fixer les choses, ce qui signifie donc que votre responsabilité est pleine et entière.
Je vous ai demandé comment on pouvait éviter la généralisation. De nombreux hommes se demandent si, en raison du nombre apparemment élevé d'agressions, du stress, de la pollution, ils ne risquent pas, à un moment ou à un autre, surtout s'ils ont des enfants beaucoup plus tard qu'avant, d'être frappés par un problème de stérilité, et je ne vois pas comment femmes et hommes ne voudront pas faire des dons pour eux-mêmes beaucoup plus massivement qu'aujourd'hui.
Je n'ai pas eu de réponse. Vous avez une véritable expertise en la matière, vous êtes reconnu en tant que tel ; voilà pourquoi je sollicitais ces réponses.
Par contre, vous avez utilisé un argument qui m'a troublé. Vous avez expliqué que, si l'on est accompagné de quelqu'un prêt à faire un don, le délai d'attente est moins long. Là, je ne suis plus du tout d'accord parce que, dans la réglementation actuelle, vous le savez bien, le bénéfice d'un don de gamètes ne peut absolument pas être subordonné à la désignation par le couple receveur d'une personne ayant accepté de procéder à un tel don.
On peut souligner qu'il suffit de franchir la frontière pour avoir des mères porteuses ; je ne veux pas rentrer dans ce genre de discussion. De plus, la rémunération du donneur est totalement prohibée et le fait d'élargir les possibilités de faire un don renforce le risque que vous évoquez.
Moi, je fais une lecture inverse. Je respecte votre position mais, avec l'argument que vous évoquez, il n'y a pas plus de garanties dans le texte que vous proposez qu'il n'y avait de risque de pression dans le texte initial.
Voilà pourquoi je ne suis pas d'accord avec vous et voilà pourquoi je maintiens ma position initiale ; j'en suis désolé.
Mme Boyer a fait une démonstration très juste et à mon avis très complète, je n'y reviens donc pas. Elle a raison, il faut tout de même écouter la plainte de couples qui vont attendre trois ans avant de bénéficier d'un don d'ovocytes, ce qui me paraît insupportable.
Monsieur Mariton, vous m'avez troublé tout à l'heure : j'ai cru revenir quarante ans en arrière. Depuis une quarantaine d'années, en effet, c'est-à-dire depuis que M. Neuwirth, éminent collègue UNR, a introduit la contraception, la maîtrise de la fécondité, du timing, du tempo, du moment où, affectivement, voire professionnellement, on préfère avoir un enfant quand on est une femme, en discutant avec son compagnon et en tombant d'accord avec lui le cas échéant, est en place.
Chaque fois que l'on avance une objection, vous renvoyez à l'archéologie !
…si l'on introduit la contraception, les femmes pourront choisir le moment où elles auront des enfants. C'est toujours la même chose.
Bien sûr, les conditions sont beaucoup plus lourdes. Je suis donc extrêmement surpris mais heureux de vous avoir fait découvrir cette affaire.
(L'amendement n° 54 n'est pas adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt-deux heures :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la bioéthique.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures trente.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma