Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai largement engagé le débat sur cet amendement en intervenant à la tribune ce matin. Je suis un partisan résolu de tout diagnostic, mais dans la mesure où celui-ci permet de guérir. Dans le cas de la trisomie 21, il permet de connaître sans guérir. La seule alternative laissée aux parents, et plus particulièrement à la femme, c'est de garder un enfant, qui, ne le nions pas, sera un poids durant toute son existence, ou d'avorter. La solution que je préconise est donc cohérente et simple.
La défense de cet amendement me donne aussi l'occasion de répondre à M. Le Déaut. En dépit des propos tout à fait intéressants, mesurés et argumentés qu'il a tenus, je suis convaincu qu'on peut bel et bien parler d'eugénisme. Avec des taux plus marginaux, il n'en serait sans doute pas question, mais lorsque 96 % des cas de trisomie détectés donnent lieu à une interruption médicale de grossesse, c'est bien le cas. Certains considèrent que l'on ne peut parler d'eugénisme tant qu'il n'y a pas de pouvoir central ou d'obligation. Il est vrai que, à chaque étape, une ouverture est laissée à la femme. Mais la pression sociale est si forte qu'elle tient lieu de pouvoir central. Pour éviter cette pression, nous avons eu l'idée d'accompagner la femme confrontée à ce drame – c'est aussi le sujet d'autres amendements qui seront défendus par nos collègues.
Que dit la loi sur l'eugénisme ? L'article 16-4 du code civil est on ne peut plus clair : « Toute pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes est interdite. » Mais ce n'est là que l'une de ces lois pétitions de principe et, sauf erreur de ma part, aucune sanction n'a jamais été prévue pour combattre ces pratiques eugéniques. En l'occurrence, je le répète, nous sommes à 96 % et les conditions sont réunies pour l'eugénisme : la population est ciblée, les critères sont spécifiques – la trisomie 21 – et la stratégie est collective.
Je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur Le Déaut, et je suis un partisan résolu de toutes les formes de diagnostic, dans la mesure où elles peuvent aboutir à des thérapies. S'il ne devait y avoir qu'un seul enfant sauvé, tous les diagnostics se justifieraient. Mais, chacun en convient, le diagnostic de la trisomie 21 ne sauve aucun enfant.
J'entends bien votre argument sur la toxoplasmose, dont le diagnostic a permis de soigner et de guérir, et j'en avancerai même un autre, qui nous est soufflé par les médecins : lorsqu'elles sont détectées in utero, certaines cardiopathies congénitales peuvent être soignées très tôt, juste après la naissance. Il faut donc bien évidemment encourager le diagnostic prénatal. Mais si cet encouragement ne doit conduire qu'à éradiquer, non pas la trisomie 21, comme je crois l'avoir démontré, mais les trisomiques, la question qui se pose à la société est tout autre. Chacun en convient, mais le tout n'est pas d'en convenir : c'est de tirer les conclusions qui s'imposent.
Mon amendement a donc pour objet de faire baisser la pression sociale, c'est-à-dire d'accompagner les familles concernées, y compris dans l'éventuelle acceptation du handicap de leur enfant.
Il vise également à réformer ce que l'on pourrait appeler une véritable « gare de triage », ces trois étapes qui sont de fait inéluctables : on commence par un test anodin, qui n'engage pas tant que cela, mais dont les résultats, peu à peu, conduisent à des actes plus graves, à un processus qu'on ne peut arrêter. Le diagnostic n'a d'intérêt que s'il permet de guérir ou au moins de soulager. Ce n'est pas le cas en l'espèce, et c'est ce qui justifie mon amendement.