La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, plus il fait froid, plus on a besoin de se chauffer ! Plus les hivers passent, plus nous devons importer de l'électricité pour couvrir nos besoins et plus la facture est lourde pour les Français. Je rappelle qu'elle représente 15 % du budget mensuel des plus précaires de nos concitoyens.
Pour ne rien arranger, plus le temps passe et plus le brouillard est intense ! Nos concitoyens sont perdus dans le maquis de la concurrence et le fouillis des règles du jeu de moins en moins compréhensibles. Plus ça va, moins ça va, en quelque sorte ! Or, s'il est bien un domaine où une vision à long terme s'impose, c'est bien celui de l'énergie, un bien stratégique et de première nécessité.
Monsieur le Premier ministre, dans le jazz, l'improvisation, c'est le talent, dans Mozart, La Flûte enchantée, c'est l'émerveillement, mais, dans le secteur de l'énergie, ni l'impro ni le pipeau ne sont opportuns.
Pour la sécurisation des tarifs réglementés de l'électricité, vous traînez en longueur et, depuis le 1er janvier de cette année, nous sommes déjà hors délai.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Eh oui !
En pleine crise économique, les industriels n'ont aucune visibilité sur leur budget énergie car rien n'est prévu pour remplacer le tarif transitoire qui leur est applicable jusqu'au 1er juillet 2010. Les ménages ne sont pas mieux traités car, faute de nouvelle mesure législative indispensable, ils n'ont plus le droit de revenir au tarif réglementé d'électricité depuis le 1er janvier 2010 et ils ne le savent même pas.
S'agissant des tarifs du gaz, l'État a décidé de laisser les opérateurs privés – GDF SUEZ en première ligne – décider seuls des hausses des prix. C'est donc la mort effective des tarifs réglementés du gaz.
Concernant les énergies renouvelables, tous les engagements ont été trahis. Les crédits d'impôt et les tarifs d'achat sont revisités en coupe réglée sans concertation avec le Parlement. Ceux qui auront investi pour 2010 en seront pour leurs frais !
L'échec de votre taxe carbone, monsieur le Premier ministre, n'excuse pas tout. Les Français ont besoin de transparence, de décisions et de cohérence. On ne badine pas avec la question de l'énergie.
Monsieur le Premier ministre, que doivent comprendre les Français de votre politique énergétique ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Monsieur le député François Brottes, la stratégie énergétique française part de plusieurs constats. Il faut noter tout d'abord qu'en France, le tarif de l'énergie est globalement inférieur de 30 % à la moyenne européenne. Il convient par ailleurs de financer les investissements nécessaires pour alimenter la machine, de développer les énergies renouvelables et d'améliorer le coefficient de disponibilité du parc. Enfin, il faut se mettre en conformité avec les directives européennes permettant une ouverture du marché.
Concernant les énergies renouvelables, nous connaissons une accélération exceptionnelle puisque, chaque jour, 3 000 opérateurs formulent une demande de raccordement. Nous sommes, aujourd'hui, le marché le plus actif d'Europe. Pour éviter la spéculation, nos tarifs photovoltaïques doivent être adaptés à chacune des situations. C'est ce que nous avons fait : du soutien et pas de la spéculation.
S'agissant du marché, vous avez vous-même participé à des réunions portant sur le rapport Champsaur : vous savez donc que nous continuons à négocier pour permettre l'investissement et le maintien des tarifs.
Enfin, pour ce qui est du gaz, vous pourriez vous féliciter du contrat de service public signé entre l'État et les fournisseurs de gaz qui assure la maîtrise des prix et de l'approvisionnement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bruno Bourg-Broc, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Haïti est un pays proche de la France : proche par son voisinage avec nos départements d'Amérique, proche par l'histoire, la culture, la langue, proche par notre coopération et par le réseau d'adoption internationale. Sans doute est-ce pour ces raisons que nous sommes d'autant plus sensibles au drame que vit le peuple haïtien.
Monsieur le ministre, au moment où l'on parle beaucoup de l'aide américaine et de l'aide canadienne en Haïti, qu'a entrepris la France et qu'envisage-t-elle d'entreprendre pour venir en aide à ce peuple ami, aujourd'hui pour répondre à l'urgence et, demain, pour participer à la nécessaire reconstruction du pays ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur le député, dès l'annonce, à onze heures du soir, heure de Paris, de ce tremblement de terre dont vous connaissez désormais la puissance et l'immensité des dégâts, nous avons mobilisé notre centre de crise et les ministères partenaires. Nous avons envoyé à ce jour sept cents sauveteurs et équipes médicales de la sécurité civile et du ministère de la défense. Sur les soixante-quatorze personnes dégagées des décombres, les Français – je suis désolé de cette arithmétique macabre – en ont sorti quatorze. Nous avons évacué sur les Antilles, puis rapatrié environ sept cents Français, mais également des ressortissants européens et des enfants – vous avez évoqué à juste titre le circuit d'adoption internationale.
Nous avons maintenant sur place un hôpital de campagne avec un poste médical pour trier les blessés, et dix équipes médicales dans le reste de la ville. Nous devons bien sûr étendre notre réseau, pas seulement à Port-au-Prince mais également aux alentours, et évidemment penser dès à présent à la reconstruction.
Signe d'espoir le plus tangible, le plus crédible que l'on puisse donner aux Haïtiens, alors que l'on parle de dizaines de milliers de victimes, même si les chiffres ne sont pas tous très fiables pour le moment : nous avons proposé une conférence internationale de donateurs pour préparer dès maintenant la reconstruction. Une conférence d'experts se réunira à Montréal dès le 25 mars, suivie d'une conférence internationale. La République dominicaine vient d'annoncer qu'elle serait candidate pour l'accueillir. C'est tout près d'Haïti : autant dire que la chose n'est pas impossible, bien au contraire. Nous continuerons ainsi à apporter à ce peuple ami et frère, bien qu'éloigné de notre territoire, une aide dont on a déjà pu, me semble-t-il, mesurer d'ores et déjà l'ampleur et l'efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le ministre chargé de l'industrie, les constructeurs français d'automobiles ont reçu plus de 7 milliards d'euros de fonds publics, mais les menaces pèsent toujours sur l'emploi et les sites de production.
Deux exemples sont édifiants.
Sous prétexte qu'un projet de véhicule électrique serait prévu à Flins en 2012, une part majoritaire de la Clio 4 sera produite en Turquie. De fait, l'État autorise Renault à délocaliser une fabrication qui sera ensuite vendue en Europe de l'Ouest, y compris en France. Voilà le résultat de l'opération politicienne de la semaine passée…
À Sandouville, la réalité, c'est un seul modèle en fabrication, la Laguna, le report à 2013 de l'utilitaire promis pour 2012, la perte de 1 500 emplois et le chômage technique !
Pourtant, les salariés veulent sauver le site de production et développer les emplois. Aux côtés de l'utilitaire promis, ils proposent un véhicule haut de gamme répondant aux exigences environnementales, la fabrication d'un petit modèle ainsi que la création d'une filière de déconstruction de véhicules en fin de vie, comme à Flins.
Vous avez souhaité que les véhicules vendus en France soient fabriqués en France. Chiche, monsieur le ministre ! Mais, d'ores et déjà, êtes-vous prêt à entendre les propositions constructives des salariés de Sandouville ? Êtes-vous décidé à refuser une stratégie qui ne vise que la rentabilité financière pour les actionnaires ? Êtes-vous prêt à soutenir le développement industriel et l'emploi dans toute la filière automobile ? Bref, êtes-vous prêt à changer de politique industrielle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Monsieur le député, je me demande quelle aurait été votre question si, samedi dernier, le Président de la République n'avait pas obtenu du président de Renault (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC) que la Clio 4 soit produite en France !
Oui, nous pouvons nous réjouir qu'avec le gouvernement de François Fillon, nous ayons apporté 7 milliards d'euros à la filière automobile pour sauver en cette année de crise nos deux grands industriels de l'automobile français, Renault et PSA, et avec eux les centaines de milliers d'emplois liés aux équipementiers et aux sous-traitants de rang 2 et plus. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Concernant plus particulièrement Sandouville, je partage votre vision des choses, monsieur Daniel Paul, mais vous n'avez pas le monopole de l'écoute des ouvriers de Renault et particulièrement de ce site : voilà bien longtemps que nous les écoutons, que ce soit dans le cadre de notre dialogue avec les partenaires sociaux ou dans celui des états généraux de l'industrie, où nous avons voulu qu'ils puissent s'exprimer pleinement. Nous avons d'ores et déjà intégré plusieurs de leurs propositions, et notamment leur volonté de développer un véritable travail en filière et faire en sorte que la croissance verte soit aussi une réalité pour conforter notre potentiel industriel. Nous sommes favorables à la mise en place, à Sandouville, conformément à la proposition des ouvriers, d'une véritable chaîne,…
…de la production à la déconstruction des véhicules usagés en passant par la production des équipements nécessaires pour les véhicules du futur. Ce site a cette vocation, et cela fait partie de la stratégie industrielle du Gouvernement, que nous entendons faire partager par les industriels de l'automobile. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre d'État Jean-Louis Borloo, conformément aux engagements du Grenelle de l'environnement, le Gouvernement a légitimement pris des mesures pour conduire la nécessaire mutation énergétique de la France et faire de notre pays un champion des énergies renouvelables.
À la faveur d'un décret de 2006, EDF a été amenée à acheter à un tarif préférentiel l'électricité produite à partir de panneaux photovoltaïques installés sur des toitures, dits « intégrés au bâti ».
Cependant, pour profiter de ces tarifs, certains investisseurs se sont mis à construire des bâtiments vides sans autre but que le profit généré par les installations solaires. Si, à la mi-2009, EDF enregistrait chaque mois 5 000 demandes environ, celles-ci ont avoisiné fin décembre le nombre de 3 000 par jour.
L'arrêté paru le 14 janvier 2010 a entrepris de résorber la bulle spéculative qui s'est formée dans la production d'électricité photovoltaïque. Pour le groupe Nouveau Centre et apparentés, il est clair que le volume inattendu de demandes auquel le Gouvernement a été confronté représente une menace réelle pour la crédibilité et la pérennité de la filière, car cette bulle aurait tout simplement pu entraîner à terme une hausse des tarifs de l'électricité pour tous nos concitoyens.
Néanmoins, si nous comprenons les motivations du Gouvernement, force est de constater que cet arrêté risque de provoquer un certain nombre de difficultés.
Des difficultés, tout d'abord, pour les professionnels, qui devront s'adapter à ce nouveau mécanisme, car, en deçà de cinquante centimes le kilowattheure, la filière s'interroge sur son modèle économique.
D'autre part, nous souhaitons vous alerter sur la difficulté que pourraient rencontrer nombre d'investisseurs en général, et d'agriculteurs en particulier, qui, dans une situation financière très difficile, voyaient dans ces projets un utile complément de revenus.
Quels sont les éléments de justification des différences de traitement entre les bâtiments tertiaires et les bâtiments industriels dans ce nouveau dispositif ?
Enfin, nous nous inquiétons du caractère tardif de cet arrêté et des conséquences juridiques de cette mesure. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Monsieur Foliot, merci de cette question. La décision de nous doter d'un mixte énergétique fondé aussi sur les énergies renouvelables est vitale pour notre pays. Vous l'avez tous votée.
Un certain nombre de mesures ont été prises, je ne les rappellerai pas. Le tarif de rachat de l'électricité est, comme en Allemagne et en Espagne, l'outil le plus puissant. C'est toujours une décision très lourde, car elle nous engage pour quinze ou vingt ans, et impacte le prix de l'électricité en général.
Nous avons regardé et négocié. Nous tenons compte de la réduction des coûts de production de 35 % dans les six derniers mois, et nous avons essayé de trouver des tarifs adaptés à chaque situation.
Au sol, tout d'abord, nous avons maintenu les tarifs, avec une augmentation pour les régions les moins ensoleillées, ce qui était une évidence. Pour le bâti nouveau, je vous rassure : il n'y a pas de différence selon la nature du bâti, industrielle ou agricole. Pour les bâtiments nouveaux, le tarif est à 42 centimes le kilowattheure, et à 58 pour le bâti intégré.
Vous m'interrogez sur la fiabilité. Il s'agit du tarif le plus avantageux actuellement proposé en Europe. Il est proposé pour deux ans. Il faudra que nous nous habituions à une baisse liée aux coûts de production tout en soutenant cette production, mais il n'est pas question de laisser se développer une bulle spéculative autour des énergies renouvelables.
Oui à la défense de ce secteur, non à une bulle, qui se retournerait contre les utilisateurs et contre les Français ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jean-Paul Bacquet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre des affaires étrangères et européennes, nous avons tous vu sur nos écrans de télévision les images dramatiques du séisme qui a frappé Haïti. Des corps sans vie dans les rues, souvent entassés, les visages hagards de personnes qui déambulent, qui ont perdu leur maison et souvent de la famille, épuisées, effondrées, des rescapés qui souffrent et qui attendent de quoi survivre.
Il nous faut bien sûr saluer le courage des sauveteurs, saluer aussi la solidarité internationale qui se met en place d'abord pour parer à l'immédiat et qui, nous l'espérons, se poursuivra demain pour reconstruire ce pays qui a souffert de tant de catastrophes et de séismes.
Mais il y a une catégorie qu'il ne faut négliger, un sujet qui doit mériter toute notre attention et mobiliser toutes nos énergies : c'est celui des enfants, de tous les enfants, d'autant qu'un très grand nombre d'entre eux ont perdu famille et parents.
Rien ne serait pire que des enfants rescapés du tremblement de terre manquent d'eau potable, de nourriture, d'un minimum d'hygiène et, de ce fait, meurent faute de secours.
Se pose aussi le problème des enfants adoptés ou en cours d'adoption, et ce d'autant que la France s'honore d'être le premier pays adoptant des enfants haïtiens.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré que « le rapatriement de l'ensemble des mineurs haïtiens pour lesquels une procédure d'adoption a été engagée n'est pas envisagé », alors même que les Pays-Bas ont déjà rapatrié 109 enfants sur un avion affrété par les ministères des affaires étrangères et de la justice, et que les États-Unis font la même chose.
Aujourd'hui, des parents attendent les enfants qu'ils ont adoptés. Quelles mesures exceptionnelles allez-vous prendre ? Dans quels délais et à quel stade de la procédure d'adoption ? Il faut préserver la vie de ces enfants et répondre à l'appel des parents. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur le député, merci d'avoir dit « tous les enfants », car nous tentons de nous occuper de tous. Mais certains enfants sont en effet engagés dans le circuit d'adoption, renouvelé récemment, et qui comporte quelques exigences.
Le Premier ministre haïtien, M. Bellerive, vient de nous confirmer qu'il sera plus facile d'évacuer les enfants qui ont reçu l'agrément, c'est-à-dire qui figurent sur des listes, avec jugement. Il y en a 130. Pour les autres, il ne faut pas, comme M. Bellerive l'a dit lui-même, qu'au louable motif de vouloir sauver des enfants, leur fournir de la nourriture, peut-être les traiter, nous soyons accusés d'enlèvement.
Il y a 528 enfants sur des listes, dont 130 reviendront très vite en France, puisque, comme le ministre de l'immigration l'a précisé, les formalités seront extrêmement allégées : il y aura des longs séjours, des possibilités pour les familles d'accueillir ces enfants…
Pour les 400 autres, il faut regarder ce qu'il convient de faire, et d'abord vérifier. On ne peut absolument pas amener des enfants sans savoir s'ils n'ont pas encore leur famille ou s'ils ne sont pas déjà dans un autre circuit.
Puisque nous avons reçu suffisamment d'argent pour l'urgence, 10 millions supplémentaires – merci, monsieur le Premier ministre –, nous nous occupons des crèches ; six agents du ministère ont été dépêchés à Haïti à cette fin, pour contrôler les listes et se rendre compte de l'état de ces crèches.
Nous pourrions, avant même la reconstruction – vous avez eu raison d'en parler –, nous occuper de l'état de santé des enfants dans toutes les crèches avec l'argent qui nous a été fourni. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est àMme Arlette Grosskost, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.
La France a renoué avec la croissance aux troisième et quatrième trimestre 2009, avec une hausse du PIB de 0,3 % ; il a été annoncé pour 2010 une croissance de 1,4 %. Nous ne pouvons que nous en réjouir, comme nous saluons le nombre record de créations d'entreprises en 2009, grâce entre autres au régime de l'auto-entrepreneur.
Nonobstant ces chiffres positifs, force est de constater que l'optimisme des dirigeants de PME n'est toujours pas au rendez-vous. De surcroît, les chiffres des embauches sont encore en berne et un peu plus d'un chef d'entreprise sur cinq envisage toujours d'utiliser le chômage partiel pour compenser la baisse d'activité. Au regard des statistiques qui nous sont livrées, les PME continuent apparemment de freiner leurs investissements.
Le Gouvernement s'est inscrit fortement dans l'accompagnement de nos PME, notamment à travers son plan de soutien. Nous avons totale confiance en la réussite de ce plan, à un petit bémol près : il nous a été donné de connaître que certaines entreprises qui fournissaient des sociétés dépendantes de l'État depuis de longues années se sont vues refuser de nouveaux contrats au motif que des fournisseurs thaïlandais ou chinois étaient quelque peu moins chers. Certes, le prix est un élément déterminant dans la réponse aux appels d'offres, mais ce n'est pas là le seul critère puisque l'offre la plus économiquement avantageuse devrait aussi tenir compte de critères environnementaux et sociaux. Le refus du dumping économique serait un signe fort pour nos PME.
Aussi, monsieur le ministre, compte tenu de tout ce qui précède, pourriez-vous nous préciser quels sont les moyens que le Gouvernement entend mettre en oeuvre…
…pour confirmer le soutien à nos PME et plus généralement pour engager tous les efforts en vue de la relocalisation de nos industries ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Madame Arlette Grosskost, nous avons des signes de reprise mais, comme vous l'avez rappelé, tant qu'il n'y aura pas une véritable reprise de créations d'emplois, nous ne pourrons pas considérer que nous sommes sortis de la crise économique et financière. Mais si nous avons mieux résisté que d'autres, rappelons-le, c'est parce que le Gouvernement de François Fillon a agi vite et fort, avec un plan de 22 milliards d'euros pour le financement des PME mis en oeuvre dès le mois d'octobre 2008 – je vous prie à ce propos d'excuser mon collègue Hervé Novelli, qui ne peut être présent cet après-midi.
Ce plan consiste d'abord en des mesures en faveur de la trésorerie : garanties de crédits à court terme, avances de trésorerie de l'État, crédits interentreprises. Au total, ce sont près de 55 000 garanties qui auront été apportées. De plus, grâce à l'aide à l'accès au crédit, que ce soit à travers le plan PME ou le plan de relance, plus de 22 000 entreprises ont été accompagnées par OSÉO. Sans oublier, bien évidemment, le Fonds stratégique d'investissement qui, avec près de 2 milliards d'euros, a permis d'accompagner un certain nombre de PME dans leur recapitalisation et dans la modernisation de leur outil de travail.
Venons-en à la forte incitation à la relocalisation que vous appelez de vos voeux, avec la suppression de près de 12 milliards d'euros de charges fiscales grâce à l'abrogation de la taxe professionnelle. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.) Dans le cadre des conclusions des États généraux de l'industrie, le Président de la République, le Premier ministre et moi-même serons sans doute amenés à proposer des aides à la relocalisation remboursables pour permettre aux entreprises françaises qui se sont délocalisées ces dernières années de réinvestir en France pour de nouveau créer de l'emploi dans notre pays. Produire en France, cela doit avoir un sens économique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, nous voyons se multiplier, depuis quelques mois, les cas de dépossession de la nationalité française.
De plus en plus de Français découvrent, souvent avec surprise, que la reconnaissance administrative française ne leur est plus accordée au motif que les conditions désormais exigées par la loi ne sont pas réunies. Chacun connaît, dans son entourage, une personne confrontée à cette situation, et notamment à la difficulté de récupérer auprès des autorités administratives le certificat de nationalité de ses ascendants ; bon nombre n'obtiennent pas les justificatifs de nationalité de leurs parents ou de leurs grands-parents. Certains s'y perdraient, y compris parmi les plus hauts placés… à commencer par notre Président de la République !
Ainsi, le simple fait d'être né hors du territoire français ou même d'avoir des parents ou des grands-parents nés à l'étranger peut suffire pour revoir complètement le statut d'un Français au détour d'un renouvellement de pièce d'identité. Ces situations kafkaïennes sont révélatrices d'un dysfonctionnement flagrant de nos institutions : ce n'est malheureusement que le résultat des lois votées depuis 2002. Il faudrait réaffirmer ici une fois pour toutes qu'une fois la nationalité française délivrée, celle-ci ne devrait à aucun moment pouvoir être contestée. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Les conséquences de la dépossession de nationalité peuvent être dramatiques, y compris dans le domaine du travail ou du logement.
En plein débat sur ce que vous appelez l'identité nationale, nombre de nos concitoyens, souvent issus des territoires les plus défavorisés, se voient rejetés et non reconnus par une République qu'ils n'ont pourtant jamais cessé de respecter.
Monsieur le Premier ministre, quelle république peut fonder ses principes sur de telles pratiques ? Que comptez-vous faire pour que ce droit élémentaire de tous les Français, à savoir leur citoyenneté, soit enfin respecté ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le député, vous m'interrogez sur les difficultés administratives rencontrées par certains de nos compatriotes lorsqu'ils souhaitent faire renouveler leur carte nationale d'identité. Notre pays repose, vous le savez, sur un principe fondamental : l'égalité de tous les Français devant la loi. Tous nos compatriotes, quelle que soit la manière dont ils ont acquis la nationalité française, ont évidemment droit à disposer d'une carte nationale d'identité.
Il est vrai que des difficultés pratiques peuvent se poser dans certains départements – situation dont le ministère de l'intérieur a été saisi à plusieurs reprises. Certains services préfectoraux exigent systématiquement des certificats de nationalité française…
…lors d'une demande de renouvellement de la carte nationale d'identité lorsqu'il s'agit de personnes nées à l'étranger ou nées en France de parents étrangers. Or, dans un certain nombre de cas, ce certificat ne peut être obtenu pour des raisons matérielles alors que les personnes concernées sont pourtant de bonne foi, et peuvent donc percevoir cette demande de certificat comme une remise en cause de leur nationalité. C'est pourquoi le ministre de l'intérieur a adressé, le 2 décembre dernier, des instructions écrites très précises à l'ensemble des préfets, enjoignant à leurs services d'apporter une attention particulière et personnelle à ces cas spécifiques.
Au plan juridique, il a été donné instruction aux préfets d'appliquer largement le concept dit de possession d'état de Français, concept bien connu des juristes. Cela implique que lorsqu'une personne dispose déjà d'une carte nationale d'identité et qu'elle en demande le renouvellement, dès lors qu'elle a toujours été reconnue comme française dans les actes de la vie courante, celui-ci est de droit. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Marie-Louise Fort, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
Hier, un quotidien économique a indiqué que la SNCF passait en revue l'ensemble de ses lignes TGV et pourrait ainsi supprimer certaines dessertes déficitaires ou en réduire les fréquences.
Même si l'entreprise a démenti ce projet, le doute s'est installé dans les régions concernées et notamment la Lorraine où de nombreux élus sont montés au créneau, menaçant de suspendre la participation au financement du dernier tronçon du TGV-Est, qui doit être mis en chantier cette année.
Plan précis de suppression de dessertes ou adaptation de l'offre à la demande : la compagnie ferroviaire semble prévoir d'engager une refonte plus profonde de son offre à compter du service 2011.
Certes, la SNCF a des objectifs de rentabilité et de concurrence, mais elle a avant tout des missions de service public et d'aménagement du territoire. La SNCF est une entreprise publique et elle appartient à l'ensemble des Français.
Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur ces faits, et pouvez-vous nous assurer que le Gouvernement fera tout pour qu'aucune ligne de TGV ne soit supprimée et, mieux encore, que l'offre sera renforcée comme par exemple, dans l'Yonne, pour conforter sa liaison avec le sud ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
Madame la députée, le Premier ministre et le Gouvernement ne veulent pas entendre parler de suppression de desserte TGV sur le territoire français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Les choses sont claires, nettes et précises.
L'année dernière, comme toutes les entreprises de transport dans le monde, la SNCF a connu des baisses de trafic, qu'il s'agisse du fret ou du transport de voyageurs à l'exception du réseau TER.
Pour autant, cela ne justifie pas de remettre en cause l'existence de lignes comme celles qui relient Paris à Arras – chef-lieu du Pas-de-Calais, comme chacun sait (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) –, Lille à Nantes, Lille à Strasbourg ou Lille à Bordeaux. Le Gouvernement ne veut pas de suppressions de dessertes.
Afin de montrer que ce ne sont pas simplement des paroles verbales – passez-moi l'expression –, je vous précise qu'en ce moment même on construit une nouvelle ligne de TGV entre Dijon et Mulhouse, et dans le Haut-Bugey, dans l'Ain, la ligne qui va permettre d'améliorer la liaison avec Genève.
L'année prochaine, et c'est historique dans notre pays, cinq lignes nouvelles seront en chantier : Tours-Bordeaux ; Le Mans-Bretagne ; la prolongation du TGV-Est au-delà de la Lorraine ; Nîmes-Montpellier ; Dijon-Mulhouse.
Cela montre bien la volonté du Gouvernement de promouvoir le chemin de fer et le TGV. Notre position est définitive. La SNCF devra s'y rallier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jacques Valax, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, je veux en cet instant évoquer ici, devant la représentation nationale, un problème majeur de notre société. Je veux le faire sans esprit de polémique aucun (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais je le ferai haut et fort, tant il est vrai que c'est un véritable drame social auquel se trouvent confrontés des milliers de français.
Je veux parler de ces 600 000 chômeurs qui, dans quelques semaines, dans quelques jours, dans quelques heures pour certains, se retrouveront sans aucun droit, sans indemnisation, sans ressource aucune. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Non, monsieur le Premier ministre, ce n'est pas l'acuité de la crise qui explique l'augmentation du nombre de chômeurs, mais c'est votre politique désastreuse de l'emploi qui est seule à l'origine de cette dramatique situation. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Votre politique spectacle, vos discours de congratulations et d'autosatisfaction, à l'image de celui du Président de la République (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP) lors de ses voeux aux partenaires sociaux, ne sont qu'un écran de fumée utilisé pour cacher à nos concitoyens la réalité des chiffres.
En effet, selon Pôle emploi, le nombre des chômeurs en fin de droit a augmenté de plus de 35 %, et seulement 17 % d'entre eux devraient bénéficier de la solidarité nationale, ce qui laisse plus de 600 000 personnes abandonnées.
Votre gouvernement refuse d'assumer ses devoirs institutionnels et laisse à la charge des seuls partenaires sociaux la gestion de ce risque social. Pourtant c'est bien à l'État de reprendre la main en la matière.
Nous, socialistes attachés à la solidarité et à la défense de tous nos concitoyens (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), nous proposons d'assouplir les conditions d'accès en fin de droits, et de prolonger d'au moins six mois la durée d'indemnisation pour tous les chômeurs. L'État doit considérer cette dépense comme un investissement, assumer ses responsabilités.
Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin revoir votre copie sur les avantages accordés aux plus riches, en l'occurrence au détriment des chômeurs en fin de droit ? Il est temps que votre bouclier fiscal devienne le bouclier social de tous les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Monsieur le député Jacques Valax, qu'est-ce que cela doit être quand vous faites de la polémique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Pardonnez-moi, mais ce sujet mérite une attitude un peu plus digne ! Il est question de demandeurs d'emploi en fin de droits, de personnes qui sont au bout de leur assurance chômage et qui méritent mieux qu'une instrumentalisation purement politicienne. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Nous affrontons ce défi chaque année, vous le savez très bien : 850 000 demandeurs d'emploi arrivent au bout de leurs droits à assurance chômage tous les ans.
En cette année de crise, ils ne seront pas 850 000 mais un million, c'est-à-dire 150 000 personnes de plus.
Cette augmentation s'explique par l'impact de la crise, mais aussi par l'amélioration des droits à assurance chômage, réalisée par les partenaires sociaux, qui permet de couvrir des personnes qui ne l'étaient pas auparavant.
Que faisons-nous pour eux ? (« Rien ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Vous le savez très bien, la solidarité nationale s'exerce dans notre pays. Deux dispositifs visent à ne laisser personne au bord de la route : le RSA qui tend à assurer un minimum vital à tout le monde, et l'allocation spécifique de solidarité. Enfin, nous avons mis en place l'allocation de formation. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Soyez un peu objectifs et reconnaissez de façon républicaine que, dans notre pays, contrairement à ce qui peut se passer ailleurs, personne ne reste au bord de la route. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Soulignons encore que dans l'expression « fin de droits », il y a « droits », ce qui renvoie à l'assurance chômage et au respect que nous devons avoir pour le rôle des partenaires sociaux. Il est hors de question de jouer au ping-pong ou d'avoir des postures d'acteur.
Les partenaires sociaux ont la charge de gérer l'assurance chômage et ils ont commencé à se saisir de ce sujet, en l'inscrivant à l'ordre du jour de leurs travaux.
Le 15 février, autour du Président de la République, nous aurons une réunion de l'agenda social. Si les partenaires sociaux le souhaitent, ils peuvent demander l'inscription de ce sujet à l'ordre du jour. Mais de grâce, ne faites pas de polémiques. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Rémi Delatte, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
…depuis le début de la crise, vous l'avez plusieurs fois rappelé, la mobilisation du Gouvernement sur le front de l'emploi a poursuivi un double objectif : d'une part, tout faire pour maintenir les salariés dans l'emploi et éviter les licenciements ; d'autre part, faire en sorte que les salariés qui ont perdu leur travail puissent rebondir.
Ainsi, en lien avec les partenaires sociaux – notamment dans le cadre du FISO, le Fonds d'investissement social –, une série de mesures directement opérationnelles ont été mises en place.
Toutes visent d'abord à renforcer l'utilisation des outils de maintien dans l'emploi : ainsi le programme « Former plutôt que licencier ». Elles ont également pour objectif de mieux accompagner les salariés victimes d'un licenciement économique, comme l'illustre l'extension du contrat de transition professionnelle et l'amélioration de la convention de reclassement personnalisé.
Vous me permettrez néanmoins de rappeler une évidence : pour que les salariés puissent rebondir, encore faut-il que les entreprises créent de l'emploi. C'est pour cette raison qu'a été parallèlement instaurée, dans le cadre du plan de relance, une aide à l'embauche prenant la forme d'une réduction du coût du travail et destinée aux très petites entreprises, les plus fragilisées par la crise.
Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le secrétaire d'État, combien d'embauches ont été réalisées grâce à ce dispositif depuis sa création ? Quel type d'entreprises en ont bénéficié, et quel est le profil des salariés recrutés ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
L'actualité médiatique, monsieur Delatte, est souvent dominée par les grands groupes. Mais la réalité du marché de l'emploi – le connaisseur que vous êtes le sait bien – est d'abord le fait des petites et très petites entreprises.
C'est pourquoi le Premier ministre nous a demandé, dans ce contexte de crise, de concevoir un dispositif simple et efficace ciblé sur les très petites entreprises : c'est le dispositif « zéro charge ». Sa simplicité tient à l'absence de règles administratives complexes : tous les formulaires de contrat tiennent en une page au maximum. Il est également efficace car tout employeur ayant embauché pendant la période concernée a pu le faire en n'acquittant aucune charge.
Un an plus tard, nous pouvons faire le bilan de ce dispositif que certains ont beaucoup décrié. En cette année de crise, il a permis de réaliser 800 000 embauches dans les entreprises de moins de dix salariés, contre seulement 700 000 en 2007, qui fut pourtant une année de croissance.
Autrement dit, cet outil a permis de générer 100 000 embauches de plus en période de crise qu'en période de croissance.
Il a par ailleurs principalement bénéficié aux jeunes, qui en avaient besoin. J'ajoute que les embauches ont majoritairement été des CDI, et ce de façon plus importante que dans le système précédent.
Enfin, dans deux cas sur trois, il a permis à des personnes ayant perdu leur emploi d'en retrouver un.
Voilà des mesures qui n'ont rien à voir avec le verbiage ou l'agitation politicienne : concrètes et offensives, elles aident les intéressés à retrouver le chemin de l'emploi, sans les cantonner dans une assistance vaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Catherine Génisson, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
La répétition ayant des vertus pédagogiques, je veux exprimer, au nom de mon groupe et notamment de Jacqueline Maquet et Christian Eckert, les très grandes inquiétudes de nos concitoyens suite à l'annonce, dans la presse, de la suppression de dessertes pour bon nombre de lignes de trains à grande vitesse. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Ainsi, les lignes Nantes-Strasbourg, Bordeaux-Strasbourg, Lille-Strasbourg et Paris-Arras verraient en 2011 leur desserte, sinon supprimée, du moins drastiquement réduite alors que les régions Nord-Pas-de-Calais et Alsace-Lorraine, rappelons-le, ont très largement participé, en termes budgétaires, à leur réalisation.
Si ces décisions étaient confirmées, elles constitueraient une nouvelle attaque contre nos services publics, dont on imagine les graves conséquences sur le plan social comme sur celui du développement économique, de l'aménagement du territoire et du développement durable.
Monsieur le Premier ministre, la SNCF est une entreprise de service public, qui ne peut se préoccuper uniquement de rentabilité et de profit. Allez-vous lui redonner les moyens financiers nécessaires pour assumer ses missions de service public ? Allez-vous revoir votre politique en matière de péages pour l'utilisation des voies, sachant que ces péages vont augmenter de 900 millions d'euros d'ici à 2013 ? Vous engagez-vous à obtenir de la SNCF qu'elle revienne totalement sur ses décisions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
Je vous répondrai, madame Génisson, la même chose qu'à Mme Marie-Louise Fort…
Le Gouvernement n'ayant aucune volonté de supprimer ces dessertes, la SNCF ne le décidera pas.
Il existe, pour les TGV, deux types de dessertes : les radiales, telles que Paris-Lille, Paris-Arras ou Paris-Bordeaux, et les interconnexions, parmi lesquelles celles que vous avez citées. Il est vrai qu'un effort reste à fournir pour ces lignes d'interconnexion : ainsi, au sud-ouest de Paris, entre Villeneuve-Saint-Georges et Massy, une partie de la grande ceinture n'est pas encore aménagée en ligne à grande vitesse. Dans le cadre du Grenelle de l'environnement, je souhaite, avec Jean-Louis Borloo, mener à bien la réalisation de ce barreau. Notre volonté, non plus que l'état des infrastructures, ne doivent donc susciter aucune crainte.
Un dernier mot sur les péages. Pourquoi le Gouvernement augmente-t-il ceux des lignes de TGV quand, par ailleurs, il ne le fait pas pour celles de TER et maintient la gratuité pour le fret ?
Tout simplement parce qu'il nous faut régénérer le réseau local et régional, souvent, du reste, avec le concours des collectivités régionales ou départementales, quelle que soit leur couleur politique. En outre, il n'y a aucune raison pour que le contribuable français finance des lignes que peuvent emprunter des trains d'entreprises privées, étrangères et souvent européennes, sans que celles-ci n'acquittent aucun droit de péage.
Ajoutons que Réseau ferré de France reverse les deux tiers des sommes perçues grâce aux péages à la SNCF,…
…dans le cadre de l'entretien des infrastructures. C'est donc une politique de donnant-donnant.
Bref, je le répète fermement à la représentation nationale : il n'y a pas de risque de suppression de desserte sur notre réseau de TGV. Telle est la volonté du Gouvernement de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean Auclair, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'écologie. S'y associent Christine Marin, Christian Ménard et Olivier Dassault. Elle porte sur l'installation des panneaux solaires sur les toitures des bâtiments agricoles, en particulier celles des éleveurs du bassin allaitant.
Comme vous le savez, les désordres économiques qui affectent la filière sont des plus aigus. Les éleveurs sont confrontés à une crise majeure, et vous comprendrez que ces agriculteurs n'entendent pas, eux, profiter d'une bulle spéculative dans le photovoltaïque. Ils portent tout simplement des projets nécessaires à la viabilité économique de leurs entreprises. Ces dossiers sont de vrais projets pour des bâtiments à usage agricole.
En portant ces projets, les éleveurs, d'une part, répondent au plan de relance par l'investissement voulu par le Président de la République et, d'autre part, s'inscrivent pleinement dans le cadre des engagements pris lors du Grenelle de l'environnement, plus particulièrement la mesure n°32 relative au développement des énergies renouvelables.
Or l'arrêté du 12 janvier 2010, destiné à enrayer cette bulle spéculative sur le photovoltaïque, précise que les projets déposés après le 1er novembre 2009 et n'ayant pas fait l'objet d'une demande complète de raccordement au réseau électrique seront soumis à un traitement nouveau, dans les conditions tarifaires publiées mercredi dernier.
Prenons l'exemple de la Creuse, département que vous connaissez très bien, monsieur le ministre. Une centaine de dossiers y sont en attente.
Pouvez-vous nous indiquer que vous soutenez la demande des professions agricoles en faveur du Grenelle de l'environnement, qui, tout en souhaitant participer à la réduction du changement climatique, cherchent aussi à diversifier leurs sources de revenus face à une crise économique sans précédent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Monsieur le député Jean Auclair, le monde agricole a été un acteur décisif du Grenelle de l'environnement. Ensemble, nous avons décidé d'améliorer les conditions de travail et de revenu du monde agricole, avec des diagnostics énergétiques majeurs pour les exploitations agricoles. Ainsi, 100 000 diagnostics sont programmés avec les chambres d'agriculture pour analyser les dépenses et améliorer ces performances grâce à des financements et une fiscalité adaptés, et il est prévu que le monde agricole puisse passer aux énergies renouvelables, produisant ces énergies pour son propre usage mais aussi pour l'ensemble de la France.
C'est dans ces conditions que nous avons arrêté un tarif solide, robuste et définitif, qui ne distingue pas les exploitations agricoles des autres exploitations mais qui distingue simplement le bâti des nouvelles installations. C'est le tarif aujourd'hui en vigueur. Nous exigeons simplement qu'une véritable demande de raccordement soit déposée, là où un simple courrier suffisait précédemment. Comme vous le savez, nous en recevions plusieurs milliers par jour, ce qui n'était pas exactement l'objectif poursuivi.
Permettez-moi, monsieur Auclair, d'en profiter pour rappeler que le monde agricole a été et demeure un partenaire majeur et décisif du Grenelle de l'environnement. Son évolution, son engagement, sont tout à fait exemplaires, notamment en ce qui concerne les intrants, la qualité des sols et les nitrates. Je tenais à le saluer à nouveau. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question, à laquelle j'associe mon collègue Christophe Sirugue, s'adresse au ministre des relations sociales et de la solidarité.
La loi du 11 février 2005 avait pour objectif de répondre aux attentes légitimes des personnes handicapées et de leurs familles. Nous avons d'ailleurs eu, à cette époque, de longs débats sur le sujet, car nous voulions avoir des garanties sur sa mise en oeuvre.
En juin 2007, le Président de la République annonçait publiquement qu'il n'y aurait pas de moratoire dans l'application de cette loi. Il ajoutait – je le cite – qu'il y aurait au contraire une accélération. En juin 2008, il réitérait ses propos en donnant des objectifs clairs et précis.
Depuis ces annonces, nous ne constatons malheureusement, aucune accélération. Au contraire, toutes les mesures proposées marquent un recul sans précédent dans l'application de cette loi.
Vous repoussez la mise en place des sanctions financières prévues pour les entreprises ne respectant pas leurs obligations en matière d'emploi de personnes handicapées. Vous venez de faire voter de nouvelles dérogations, heureusement censurées par le Conseil constitutionnel, au principe d'accessibilité dans les constructions neuves. Vous réduisez les ressources financières des personnes handicapées en imposant aux bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé le déremboursement de certains médicaments, la hausse du forfait hospitalier, les franchises médicales et la fiscalisation des indemnités d'accident du travail. Plus grave, vous envisagez de rendre optionnel le projet personnalisé de compensation.
Toutes ces mesures suscitent l'incompréhension et l'indignation des personnes handicapées et de leurs familles.
Aussi, monsieur le ministre, face à ces reculs de toutes les politiques publiques de l'État, nous vous demandons de suspendre la mise en oeuvre des mesures que je viens de rappeler et de reprendre la concertation avec tous les organismes représentant les personnes handicapées. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.
Madame la députée, avant de venir à cette séance de questions d'actualité au Gouvernement, je me suis exprimée devant le Conseil national consultatif des personnes handicapées, où je n'ai pas entendu les récriminations dont vous venez de me faire part. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
S'agissant notamment de l'emploi des personnes handicapées, le gouvernement de François Fillon est totalement mobilisé et nous mettrons en place le comité interministériel du handicap le 9 février prochain.
Nous avons un vrai défi à relever, puisque le taux de chômage des personnes handicapées est de près de 20 %. Comment faire ? Regardons tout d'abord la politique que nous allons mener en faveur de l'emploi, notamment en cette difficile période de crise économique et financière. Considérons ce que nous allons faire et pouvoir faire avec les petites et moyennes entreprises, les PME.
Comme vous le savez, près de 40 % des entreprises ont déjà atteint ou dépassé le seuil de 6 % de personnes handicapées parmi leurs salariés.
Reste la problématique des PME. Il est vrai que ce sont elles qui ont été le plus fragilisées par la crise. Or l'esprit de la loi du 11 février 2005 est d'aider les personnes en situation de handicap à accéder à l'emploi. Compte tenu des difficultés des PME, le Gouvernement a décidé de mettre en place un délai de trésorerie. Sans cela, les entreprises qui n'avaient pas mené d'action en faveur de l'emploi des personnes en situation de handicap devaient, au 1er janvier 2010, payer une surcontribution. Afin de ne pas les fragiliser davantage, nous leur accordons un délai de trésorerie de six mois. Cependant, si elles ne mènent pas d'action concernant le handicap, elles devront s'acquitter tout de suite de cette surcontribution prévue. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Cécile Dumoulin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre chargé de l'industrie, le 5 novembre dernier, vous étiez à l'usine de Flins, dans les Yvelines, pour signer un protocole qui marquait un tournant dans notre histoire industrielle. Grâce à cette signature entre le groupe Renault, le CEA de Grenoble et le FSI, le site industriel de Flins s'est vu confier la production de la voiture électrique Zoé, ainsi que celle des batteries électriques, se mettant à la pointe des nouvelles technologies de l'automobile, tout en étant en cohérence avec l'objectif de développement durable. Cette production innovante, qui s'ajoute à celle de la Clio 3, avait fait renaître l'espoir dans la Vallée de Seine et particulièrement dans le Mantois, déjà fortement touchés par le chômage.
Mais, la semaine dernière, Renault a annoncé que la production de la Clio 4, qui remplacera la Clio 3 à partir de 2013, serait délocalisée en Turquie. Quand on sait que la Clio est le véhicule de Renault le plus vendu, on comprend pourquoi cette annonce a suscité tant d'inquiétude parmi les salariés du site de Flins…
…ainsi que parmi les équipementiers et sous-traitants français de la Clio.
Le Gouvernement – et vous-même, monsieur le ministre – s'est immédiatement mobilisé et a exprimé fermement son désaccord avec une telle hypothèse.
Vous l'avez dit clairement à Renault et à son directeur général, Patrick Pelata, que vous avez reçu mercredi dernier, et je vous en remercie.
Le Président de la République lui-même s'est saisi de ce dossier et a reçu Carlos Ghosn, le président de Renault, samedi dernier. À l'issue de cet entretien, Renault s'est engagé à poursuivre la production des modèles actuels de la Clio et à y implanter une partie de la production de la Clio 4.
Monsieur le ministre, pouvez-vous préciser les décisions qui ont été prises et plus généralement nous dire quelles sont les actions de l'État pour soutenir le site de Flins, ainsi que les équipementiers et les sous-traitants automobiles ? Car la pérennisation de l'emploi est une nécessité absolue pour notre territoire. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Effectivement, madame la députée, nous nous sommes retrouvés il y a quelques semaines sur le site de Flins pour signer une série de conventions, parmi lesquelles celle qui conduit l'État à apporter 100 millions d'euros de soutien pour construire le nouveau véhicule électrique, la Zoé, sur le site de Flins, et 150 millions d'euros entre l'État, le FSI et le CEA, pour la batterie qui équipera les véhicules du futur de Renault, mais aussi d'autres industriels automobiles. Cette politique d'innovation s'inscrit dans notre stratégie industrielle au service de l'industrie automobile.
Mais l'État, actionnaire de Renault, ne pouvait rester les bras ballants face à la décision de Renault, que nous avons apprise voilà un peu plus de huit jours. Et nous avons démontré à tous les sceptiques, à tous ceux qui doutaient, à tous les défaitistes, que le volontarisme politique avait un sens. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Lorsque le Président de la République a reçu samedi après-midi le président de Renault, il a obtenu de ce dernier, je vous le confirme aujourd'hui, que la Clio 4 serait produite sur le site de Flins.
Voilà pour l'action du Président.
Mais nous n'en sommes pas restés là : il nous fallait aller plus loin. Nous avons obtenu de Renault qu'au-delà de notre seule présence au conseil d'administration, nous soyons désormais participants au comité stratégique afin de peser sur la stratégie industrielle de Renault quant aux choix à venir et d'organiser une véritable filière depuis le plus petit sous-traitant du groupe, en passant par les équipementiers, jusqu'à l'industriel automobile. Nous nous battons pour que la France reste une grande puissance industrielle. Il ne s'agit pas simplement de respecter les règles européennes du protectionnisme, mais de défendre une grande politique industrielle pour la France. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Valérie Fourneyron, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé et des sports.
Un sondage révélait il y a quelques jours que nos concitoyens étaient plus de 80 % à avoir confiance dans l'hôpital public. Ce qui ne veut pas dire qu'ils ne sont pas inquiets quant à son avenir.
Pour la première fois depuis plus de dix ans, l'hôpital public se voit contraint de réduire le nombre de ses personnels et de supprimer 1 800 postes. C'est le résultat de la sacro-sainte rentabilité que votre gouvernement veut imposer à l'hôpital, au mépris de ses missions de service public.
Vous appliquez une logique gestionnaire et financière qui fait des ravages dans les établissements hospitaliers. Un rapport du Médiateur de la République révèle que le climat de travail est de plus en plus dégradé à l'hôpital. On ne compte plus le nombre de témoignages de médecins, d'infirmiers et d'aides-soignants se plaignant de ne plus avoir le temps d'écouter et d'accompagner leurs patients, et inversement.
Le stress et l'épuisement des personnels hospitaliers sont permanents : mobilisation trois week-ends de suite, jours de récupération qui sautent, doublement du nombre de patients à surveiller du jour au lendemain… En faisant de la masse salariale la variable d'ajustement de votre politique de santé publique, vous usez les personnels jusqu'à la corde et vous mettez les patients en danger. Dans tous les hôpitaux, malgré les efforts conséquents de réorganisation, c'est la même souffrance qui remonte.
Madame la ministre, il est temps d'inverser la vapeur et de remettre la sécurité et la qualité des soins prodigués aux patients au coeur de votre politique. Au lieu d'augmenter le forfait hospitalier, vous pourriez pour une fois écouter les propositions des socialistes et conforter de façon plus juste le service public hospitalier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Je sais, madame la députée, que présidez le conseil d'administration du CHU de Rouen ; votre question me donne l'occasion de rétablir un certain nombre de vérités.
Pour commencer, les moyens financiers consacrés à l'hôpital et à l'hôpital public sont en constante augmentation. (« C'est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Cette année encore, deux milliards d'euros supplémentaires d'argent frais seront consacrés à l'hôpital public. Nous avons fait progresser l'objectif de dépenses d'assurance maladie consacrées à l'hôpital public beaucoup plus rapidement que la richesse nationale. Il n'y a pas de politique générale de réduction d'effectifs à l'hôpital public pour le million et plus d'agents qui y travaillent, bien au contraire. (« C'est faux ! » sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.) Certes, quelques hôpitaux peuvent pratiquer une politique ciblée avec une réorganisation de non-remplacement de certains agents qui partent à la retraite,…
…mais on ne saurait oublier que les deux tiers de nos établissements sont à l'équilibre et qu'ils pratiquent des politiques d'embauche. Or, de cela, on ne parle jamais ! Dans un contexte marqué, depuis le début des années 2000, par l'embauche de 100 000 agents supplémentaires, dans un secteur profondément désorganisé par les 35 heures (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP), l'hôpital a besoin d'argent frais et nous le lui donnons. L'hôpital a besoin de réorganisation, nous la lui donnons également. Il ne faut pas oublier que ces embauches concernent aussi toute la périphérie de l'hôpital.
Avec l'hospitalisation à domicile, la médicalisation du médico-social, l'hôpital est en train de changer. Notre but, madame Fourneyron, pour nous comme pour vous, est bien de garantir la sécurité et la qualité des soins. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, je vous informe que la Conférence des présidents propose de modifier comme suit l'ordre du jour de cette semaine et de la semaine prochaine :
Mercredi 20 janvier, la discussion de la proposition de loi sur la vente à distance commencera à 21 heures 30.
Mardi 26 janvier, le débat sur l'exécution des décisions de justice pénale sera remplacé par la discussion de la proposition relative à la lutte contre l'inceste sur les mineurs, laquelle se poursuivra éventuellement le jeudi 28 janvier au soir.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)
Monsieur le président, ce matin, lors de la conférence des présidents, je vous ai prévenu de mon intention de faire ce rappel au règlement, car j'estime devoir lancer un appel, non pour que soit assuré le respect des droits de l'opposition, mais pour que notre assemblée soit enfin respectée.
En raison d'un usage, désormais quasi-systématique, de la réserve des votes, associée au vote bloqué, et aux procédures du crédit temps et du vote solennel, le débat est devenu impossible. Comme nous le craignions il y a tout juste un an, lors du débat sur le projet de loi organique, le droit d'amendement est aujourd'hui gravement amputé, le débat est devenu impossible, et notre assemblée s'est transformée, un peu plus, jour après jour, en une chambre d'enregistrement de la volonté présidentielle.
En 1958, ces procédures ont été créées pour permettre à l'exécutif de gouverner en dépit d'un obstacle de taille : l'absence de majorité. Cet obstacle ayant disparu, l'utilisation de ces procédures pourrait encore se justifier de manière exceptionnelle, mais nous constatons, au contraire, qu'il en est fait aujourd'hui un usage abusif, non par nécessité, mais par commodité, pour faire plus vite, pour être assuré qu'aucun vote ne s'écarte de la ligne tracée par le Gouvernement, et pour permettre aux députés de la majorité de déserter le débat, puisque aucun vote n'est plus organisé sur les amendements.
Le résultat est là : notre assemblée est asphyxiée et nos débats n'en sont plus ! Ils n'en sont plus lorsque l'opposition siège sans que la majorité lui porte la réplique ; ils n'en sont plus lorsque la majorité elle-même n'a plus la possibilité de voter les amendements de ses représentants. Le résultat est là, et il est difficile de le nier : votre révision constitutionnelle de 2008 devait conduire à revaloriser le Parlement ;…
…nous en sommes loin !
Faut-il que le sens des mots varie à ce point selon que l'on siège à droite ou à gauche dans cet hémicycle pour ne pas comprendre que cette réforme n'est, en définitive, que poudre aux yeux ?
Monsieur le président, c'est à vous que je m'adresse. Vous ne siégez ni d'un côté de l'hémicycle ni de l'autre,…
…et le perchoir sur lequel vous êtes installé vous offre la hauteur de vue nécessaire pour garantir aux uns et aux autres le respect de leurs droits fondamentaux de parlementaires (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), et pour oeuvrer par-dessus tout à l'intérêt de notre assemblée et à celui du débat démocratique. Telle est votre responsabilité.
Le mépris du Parlement par ce gouvernement est d'autant moins tolérable lorsque l'on sait les enjeux des textes soumis à notre assemblée, qui sont susceptibles d'affecter gravement les équilibres de notre démocratie. Tel est le cas du projet de loi sur le redécoupage des circonscriptions législatives en vertu duquel, pour détenir 50 % des sièges à l'Assemblée nationale, la gauche devra obtenir 51,3 % des voix !
Voilà pourquoi, en application de l'article 49, alinéa 13, de notre règlement, les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche ici présents demandent à exercer leur droit d'expression individuelle pour une explication de vote de cinq minutes sur ce projet de loi. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président Ayrault, chacun est en droit de déplorer, comme vous,…
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. À juste titre !
…l'usage qui peut être fait de certaines dispositions de la Constitution et, en particulier, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, monsieur le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales, l'usage de son article 44, alinéa 3, concernant le vote bloqué. Il s'agit néanmoins d'une disposition parfaitement constitutionnelle.
Reconnaissons toutefois que certaines initiatives, tel le dépôt, la semaine dernière, de 150 amendements sur l'article unique d'un projet de loi en seconde lecture… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Et vous, monsieur le président, quand vous étiez dans l'opposition, combien en déposiez-vous ? Un millier !
…s'apparentent, elles aussi, à une sorte de dérive. (Mêmes mouvements.)
Ce que nous venons d'entendre est indigne d'un président de l'Assemblée nationale !
Si nous sommes bien entendu tous attachés à la qualité des débats et à l'expression de tous les parlementaires, il est nécessaire que nous nous fixions un certain nombre de règles, tout excès conduisant à une dégradation de la qualité de nos travaux…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Il n'y a plus de travaux !
…et de l'image de notre institution. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
En tout état de cause, compte tenu de votre demande, la séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq.)
La séance est reprise. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Mes chers collègues, j'ai examiné avec attention la demande du président Ayrault. Elle aurait pu être présentée à l'issue de l'examen de l'article unique ; la conférence des présidents aurait pu alors l'examiner ce matin. J'ajoute que, dans l'esprit, lorsque la réforme du règlement a été élaborée et votée, il s'agissait de permettre, avec cette disposition, des expressions individuelles au cas où le temps législatif programmé d'un groupe aurait été épuisé. Tel n'est pas le cas aujourd'hui. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Il s'agit évidemment d'une manoeuvre concertée (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC), alors même que le groupe SRC n'a pas épuisé le temps qui lui était attribué. Je ne puis donc donner suite à cette demande,… (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
…qui, en outre, n'est pas effectuée au moment opportun. (Mmes et MM. les députés des groupes SRC et GDR se lèvent et brandissent des pancartes sur lesquelles est inscrit le mot : « Démocratie ».)
L'ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote, par scrutin public, sur le projet de loi, rejeté par le Sénat, ratifiant l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009, portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés. (Vives exclamations sur les bancs de Mmes et MM. les députés des groupes SRC et GDR qui, debout, brandissent des pancartes sur lesquelles est inscrit le mot : « Démocratie ».)
Jeudi dernier, le Gouvernement a indiqué que, en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, il demandait à l'Assemblée nationale de se prononcer par un seul vote sur l'amendement n° 1 et l'article unique du projet de loi, à l'exclusion de toute autre demande. (Mêmes mouvements.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Rappel au règlement, monsieur le président ! C'est scandaleux !
Pour les explications de vote, la parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe GDR. (Les députés des groupes SRC et GDR, toujours debout, commencent à scander « Démocratie ! »)
Puisque M. Candelier ne souhaite pas la prendre, la parole est à M. Yvan Lachaud, pour le groupe Nouveau Centre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, après avoir, une première fois, adopté ce texte sans y apporter de modification, nous arrivons aujourd'hui au terme d'un débat engagé depuis plus de un an. (Tandis que des députés des groupes SRC et GDR continuent de scander « Démocratie ! », d'autres députés du groupe SRC entonnent « La Marseillaise ». – La clameur couvre la voix de l'orateur jusqu'à la fin de son explication de vote.)
Comme chacun le sait, l'actuelle carte électorale, qui repose toujours sur les données démographiques recueillies lors du recensement général de 1982, ne permet plus aujourd'hui d'assurer une juste et égale représentation de chacun de nos concitoyens sur les bancs de cette assemblée.
Dès 2005, le Conseil constitutionnel avait fermement invité le gouvernement à modifier la délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés, pour l'accord aux évolutions démographiques qui ont marqué notre pays. (Les députés des groupes SRC et GDR, toujours debout, continuent à scander « Démocratie ! ». – M. Jean-Marc Ayrault se tient au pied de la tribune et brandit le Règlement de l'Assemblée nationale.)
La démocratie, c'est de respecter tous les groupes dans l'hémicycle ! La démocratie, c'est de respecter l'expression des groupes dans l'hémicycle ! C'est ça, la démocratie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et NC.)
Je vous remercie de bien vouloir en venir à votre explication de vote, monsieur Lachaud.
L'ordonnance du 29 juillet est la première à avoir fait l'objet d'un contrôle et la commission a prouvé son impartialité en formulant, à l'instar du Conseil d'État, nombre de propositions s'écartant des projets initialement retenus par le Gouvernement. L'intention du constituant n'était évidemment pas de créer une commission dont les avis auraient force de loi et s'imposeraient, à ce titre, à toutes les autorités de l'État. Le Gouvernement a ainsi fait ponctuellement le choix de s'écarter des propositions de la commission Guéna.
Le Nouveau Centre maintient ses regrets, notamment au sujet du département du Tarn, où les propositions de la commission n'ont pas été retenues. De même, nous regrettons que, dans la Somme, le découpage proposé par le Gouvernement n'ait pas été suivi par la commission Guéna et le Conseil d'État. (« Démocratie ! Démocratie ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Huées sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, la modification des délimitations des circonscriptions législatives était une obligation constitutionnelle. Si, comme je l'ai dit, nous formulons certaines réserves, nous souscrivons à l'esprit général de cette ordonnance. À ce titre, les députés du Nouveau Centre voteront en faveur de sa ratification. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP. – Les députés des groupes SRC et GDR n'ont pas cessé de scander « Démocratie ! ».)
Mes chers collègues, vous prenez la responsabilité de l'image que vous donnez de notre assemblée !
Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Voyou !
Le règlement est appliqué à la lettre ! (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – M. Jean-Marc Ayrault, qui veut monter à la tribune, en est empêché par les huissiers.)
La parole est à M. Éric Ciotti, pour le groupe UMP.
La démocratie que revendiquent nos collègues de l'opposition est aujourd'hui gravement en danger en raison du spectacle honteux et caricatural qu'ils nous donnent ! Alors que nous avons débattu de ce texte, vous faites du théâtre en organisant sciemment une manipulation, ce qui est totalement scandaleux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations continues sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Après plus de dix heures de débat, il est temps, aujourd'hui, de passer au vote du texte. Il est vrai qu'un regrettable incident de vote, intervenu au Sénat « à l'insu du plein gré » de l'un de nos collègues sénateurs, nous amène aujourd'hui à débattre à nouveau. (Les députés des groupes SRC et GDR commencent à quitter l'hémicycle, laissant en évidence sur leurs pupitres les pancartes où est inscrit le mot « Démocratie ».)
Comme l'a très clairement indiqué le secrétaire d'État, Alain Marleix, ce texte répond à plusieurs demandes expresses du Conseil constitutionnel visant à assurer une meilleure représentation démographique des citoyens français et à corriger des inégalités patentes face au suffrage. (Les députés des groupes SRC et GDR quittent l'hémicycle tout en huant l'orateur.)
Comment pouvions-nous accepter de voir un député représenter six fois moins d'électeurs qu'un autre, en retenant des circonscriptions totalement inégalitaires ? Le texte d'habilitation qui a été mis en place et le projet de loi de ratification dont nous débattons aujourd'hui répondent d'abord à la décision rendue par le Conseil constitutionnel. Nous avons un texte juste et équitable. Toutes les garanties ont été apportées : en effet, 400 députés, notamment de l'opposition, ont été consultés ; le Conseil d'État a donné son avis, de même qu'une commission indépendante. Il me semble donc que nous sommes aujourd'hui en mesure de nous prononcer sereinement sur ce texte, qui va enfin permettre une représentation équitable du point de vue démographique.
La meilleure preuve que vos arguments ne sont pas valables réside sans doute dans les critiques qu'ont formulées certains sur nos bancs : cela démontre en effet l'équilibre, l'indépendance et la transparence du mécanisme choisi pour procéder enfin au redécoupage.
Je rappelle que le précédent découpage, datant de 1986, reposait sur le recensement de 1982. Qui peut objectivement nier qu'il n'y a pas eu d'évolution démocratique ? Qui peut objectivement nier la nécessité de procéder à un redécoupage ? Qui peut objectivement nier que celui-ci s'est fait dans la transparence et l'équilibre ? C'est pour cela que le groupe UMP votera pour ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole devrait revenir à M. Bruno Le Roux (« Il n'est pas là ! » sur les bancs du groupe UMP), mais je constate qu'il n'est pas présent.
Il n'y a pas de Bruno Le Roux, monsieur le président ! Vous n'avez donc pas compris ?
Décidément, l'UMP est un parti de voyous ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Débrouillez-vous entre vous !
Je fais annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
En raison de l'absence du dernier orateur, nous devons attendre le temps réglementaire avant de procéder au vote. (Les huissiers procèdent à l'enlèvement des pancartes que les députés des groupes SRC et GDR ont abandonnées sur leurs pupitres.)
……………………………………………………………..
Je vais maintenant mettre aux voix, par un seul vote, l'article unique du projet de loi modifié par l'amendement n° 1 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 310
Nombre de suffrages exprimés 304
Majorité absolue 153
Pour l'adoption 296
Contre 8
(Le projet de loi est adopté.)
Explications de vote
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures dix, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)
Je vous remercie, madame la présidente, d'avoir bien compris que je voulais faire un rappel au règlement, ce qui, apparemment, n'a pas été le cas de M. le président de l'Assemblée nationale il y a quelques instants !
Il a commis une erreur en ne m'accordant pas la parole : je voulais compléter mon information et, surtout, répondre à la décision qu'il a prise, car elle me paraît grave. Si le temps des explications de vote sur l'ensemble du texte n'est pas le bon moment pour exercer notre droit d'expression individuelle, quand ce moment viendra-t-il ? C'est bien la question de fond. Ce droit est précisé par l'article 49, alinéa 13, de notre règlement, qui dispose : « Chaque député peut prendre la parole, à l'issue du vote du dernier article du texte en discussion, pour une explication de vote personnelle de cinq minutes. »
Le président de l'Assemblée nationale a affirmé, que, lorsque l'on recourt au vote bloqué, en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution – ce qui signifie que l'assemblée saisie peut se prononcer par un seul vote sur l'ensemble du texte qui lui est soumis –, les explications de vote sur l'ensemble n'étaient pas le bon moment pour demander à exercer le droit de s'exprimer individuellement. Mais, quand le vote bloqué est décidé, c'est le seul moment pour le faire ! Cela revient à nous priver de ce droit fondamental.
Toute autre interprétation reviendrait, pour nous, à voir s'ajouter à l'humiliation du recours au vote bloqué la frustration de perdre une partie de notre droit d'expression. Cela ne serait pas digne de notre assemblée ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Je voudrais donc rappeler, puisque cela semble avoir été oublié, que l'article 49, alinéa 13, de notre règlement, résulte d'un amendement déposé par M. Thierry Mariani, qui avait reçu un avis de sagesse du Gouvernement. Lors de la défense de son amendement, M. Mariani déclarait : « Si chacun de nous est dépositaire d'une partie de la souveraineté nationale, il n'en demeure pas moins, comme le disait tout à l'heure Mme Billard, que nous sommes élus au scrutin uninominal et non à la proportionnelle. Chacun de nous peut avoir une sensibilité personnelle, une problématique particulière, une opinion divergente, par moments, de celle de son propre groupe. Garantir l'expression des groupes, c'est bien, mais je vous propose d'aller un cran au-dessus en créant une explication de vote personnelle. Il s'agit d'instaurer, en dehors du délai prévu pour la discussion, un temps de parole à titre individuel, de cinq minutes par exemple, sur chaque texte. Cette prise de parole prendrait la forme d'une explication de vote personnelle. Elle pourrait intervenir entre le vote du dernier article du texte et le vote sur l'ensemble. »
C'est bien ce que j'ai demandé : que chacun des députés de mon groupe qui voulait le faire – je n'ai pas dit que tous le souhaitaient – puisse prendre la parole à titre individuel. Cela nous a été refusé.
La seule interprétation qui permet d'assurer l'effectivité de ce droit fondamental des représentants de la nation, c'est bien celle que j'ai donnée.
La reconnaissance de ce droit – et je vous demande d'être particulièrement attentifs à ce qui suit – ayant conditionné l'acceptation par le Conseil constitutionnel de la procédure du temps législatif programmé, la décision prise vous fait courir le risque d'une censure globale du projet de loi qui vient d'être adopté. Il ne s'agit d'ailleurs pas du moindre des textes, puisqu'il concerne le redécoupage des circonscriptions, c'est-à-dire les conditions dans lesquelles sont élus au suffrage universel les représentants de la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
C'est pourquoi, madame la présidente, je vous annonce, ainsi qu'à l'ensemble de l'Assemblée nationale, que nous allons saisir le Conseil constitutionnel sur ce projet de loi.
Monsieur le président Ayrault, pour avoir présidé jeudi dernier les travaux de notre assemblée, j'ai pu constater qu'il restait aux uns et aux autres le temps de parole nécessaire pour s'exprimer.
Par ailleurs, dès jeudi matin, l'orateur du groupe SRC n'avait pas manqué de dire que vous saisiriez le Conseil constitutionnel sur ce texte !
Certes, mais je vous rappelle ce qui s'est passé jeudi matin.
Pour le reste, le président de notre assemblée a pris, avant le scrutin, la décision qu'il a jugé devoir prendre. Le scrutin ayant eu lieu, je propose que nous passions à la suite de l'ordre du jour.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux (nos 2169, 2204).
Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé d'appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d'un temps attribué aux groupes de trente heures.
Les groupes disposent respectivement des temps de parole suivants : le groupe UMP, huit heures trente ; le groupe SRC, onze heures vingt-cinq ; le groupe GDR, cinq heures quarante-cinq ; le groupe NC, quatre heures vingt. Les députés non inscrits disposent d'un temps de cinquante minutes.
En conséquence, chacune des interventions des députés, en dehors de celles du rapporteur et du président de la commission saisie au fond, sera décomptée sur le temps du groupe de l'orateur.
Les temps qui figurent sur le « jaune » ne sont, en tout état de cause, qu'indicatifs.
La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, vous êtes aujourd'hui saisis du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux en mars 2014…
…, que le Sénat a adopté sans le modifier le 16 décembre dernier.
Ce projet fait partie des trois textes qui accompagnent, dans le domaine électoral, le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, transmis ensemble au Sénat le 21 octobre 2009. Seul ce dernier texte, institutionnel, devait obligatoirement, aux termes de la Constitution, être soumis en premier lieu au Sénat, en vertu de la mission de représentation des collectivités territoriales qui incombe à celui-ci ; mais il nous a semblé difficile de dissocier les quatre textes.
Le Sénat a consacré au présent projet de loi deux réunions de sa commission des lois élargie et treize heures de débat en séance publique.
Je me propose de vous en présenter le contenu et d'en justifier les dispositions.
Rappelons tout d'abord que le texte se limite à deux articles, dont l'intitulé et la rédaction sont calqués sur ceux de la loi du 11 décembre 1990, qui doit vous rappeler quelque chose… L'objet de cette dernière était identique : c'est en application de ce texte que les élections cantonales et régionales de 1992 ont eu lieu le même jour, pour tous les conseillers généraux.
L'article 1er prévoit que la durée du mandat des conseillers généraux élus en mars 2011 sera de trois ans et non de six : il prendra fin en même temps que celui de leurs collègues élus en mars 2008. De même, l'article 2 dispose que le mandat des conseillers régionaux élus en mars 2010 durera quatre ans et non six ; il expirera donc en mars 2014, en même temps que celui des deux séries de conseillers généraux.
Les deux articles – je tiens à signaler ce point important – sont applicables en Corse, ce qui rétablira la concomitance, qui a eu cours jusqu'en 2004, entre le renouvellement intégral des deux conseils généraux et l'élection des membres de l'assemblée de la collectivité territoriale de Corse. Consultée sur ce point, l'Assemblée de Corse a du reste rendu un avis favorable au texte le 19 octobre dernier.
L'objectif du projet de loi est double. Il s'agit en premier lieu de permettre la création du conseiller territorial dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales. Je dis bien « permettre »…
…car, si l'entrée en vigueur de cette importante réforme exige la concomitance des mandats, cela ne signifie nullement, contrairement à ce que j'ai souvent entendu au Sénat, que le contenu de la réforme serait scellé par la seule adoption du projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui au nom du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ni le principe même de cette création, ni, a fortiori, la répartition des futurs conseillers territoriaux et leur mode d'élection ne sont automatiquement liés au sort réservé à ce projet.
Ainsi, le Sénat doit en particulier se prononcer, à partir d'aujourd'hui, sur la création du conseiller territorial, comme sa commission des lois l'a fait au mois de décembre en adoptant le projet de loi institutionnel, que vous examinerez à votre tour après les élections régionales.
C'est également après ces élections que le Sénat débattra du projet de loi électoral lié à la réforme. Je me suis engagé devant la Haute Assemblée à fournir, lors de la première réunion que sa commission des lois consacrera à ce texte, des indications précises sur le nombre des conseillers territoriaux envisageable dans chaque département et dans chaque région. Vous vous prononcerez ensuite, mesdames et messieurs les députés, sur ce projet de loi, notamment sur le mode de scrutin à retenir pour l'élection des conseillers territoriaux (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), dont il n'est bien évidemment pas question à ce stade.
Le second objectif du texte, indépendamment de ce que vous déciderez le moment venu sur la réforme des collectivités territoriales, est de réaliser la fusion des deux renouvellements partiels des conseils généraux et de regrouper l'élection de ces derniers et celle des conseils régionaux.
La fusion des renouvellements par moitié, rétablis par la loi du 18 janvier 1994 (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), est réclamée par l'Assemblée des départements de France, présidée par M. Claudy Lebreton, président du conseil général socialiste des Côtes-d'Armor.
À l'époque, vous étiez contre ! C'est un hommage tardif aux socialistes !
Elle figurait en outre dans les conclusions du rapport d'étape de la mission sénatoriale, dont le président est M. Claude Belot et le vice-président M. Krattinger, sénateur socialiste. Elle fait donc l'objet d'un certain consensus et permettra à nos concitoyens de se prononcer à l'échelle de chaque département.
En outre, le regroupement des scrutins régional et cantonal contribuera à accroître la participation électorale. En effet, les électeurs ont parfois manifesté la lassitude que leur inspirait un trop grand nombre de scrutins.
Ce fut le cas, je vous le rappelle, en 1988. La réforme adoptée en 1990 avait alors permis de diminuer sensiblement, de plus de 20 %, le taux d'abstention aux élections cantonales de 1992 par rapport à celui constaté à toutes celles qui avaient eu lieu depuis 1976. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
De plus, le choix de l'année 2014 pour l'organisation simultanée des scrutins locaux présente l'avantage de maintenir un décalage avec le calendrier des élections législatives et présidentielles, qui engagent l'avenir de notre pays à l'échelon national. Il n'entraînera pas plus de consultations électorales qu'en 2004, par exemple, année au cours de laquelle avaient eu lieu des élections cantonales, régionales et européennes.
La simultanéité des élections municipales et du renouvellement de la moitié des conseillers généraux a par ailleurs déjà été pratiquée en 2001 et en 2008 ; elle ne devrait donc pas entraîner des difficultés excessives.
C'est M. Vaillant, alors ministre de l'intérieur, qui avait défendu le texte en question ; je m'en souviens très bien. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Enfin, la concomitance que le texte vous propose de rétablir est cohérente avec le calendrier électoral propre au Sénat, conformément à sa mission constitutionnelle de représentation des collectivités territoriales : en septembre 2014, les sénateurs seront élus par des membres des conseils municipaux, des conseils généraux et des conseils régionaux tous élus six mois auparavant.
Monsieur le président (« Madame ! » sur les bancs du groupe SRC)…
…, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le système de concomitance que le texte vous propose d'adopter n'affecte aucunement l'exercice ni la durée des mandats locaux en cours. En effet, les conseillers généraux élus en mars 2008 accompliront comme prévu leur mandat de six ans. Quant au mandat des conseillers généraux élus en mars 2004, déjà étendu de six à sept ans par la loi du 15 décembre 2005…
…, il ne sera pas prolongé une nouvelle fois : son passage de six à dix ans aurait très certainement été jugé contraire à la Constitution, car il aurait méconnu le principe de périodicité raisonnable des consultations électorales auquel s'est déjà référé le Conseil constitutionnel, notamment à propos de la réforme de 1990, qui avait le même objet que le présent projet de loi.
Au contraire, ce dernier, en réduisant à l'avance la durée d'un mandat futur, ne soulève aucune difficulté d'ordre constitutionnel. Tout d'abord, il s'inscrit dans le domaine de compétence que vous attribue l'article 34 de la Constitution, lequel vous permet de fixer le régime électoral des assemblées locales. Ainsi que le Conseil constitutionnel en a jugé dans sa décision du 6 décembre 1990, vous pouvez, au titre de cette compétence, « déterminer la durée du mandat des élus qui composent l'organe délibérant d'une collectivité territoriale ».
Ensuite, la seule obligation que le Conseil constitutionnel impose au législateur dans l'exercice de cette compétence est « de se conformer aux principes d'ordre constitutionnel, qui impliquent notamment que les électeurs soient appelés à exercer selon une périodicité raisonnable leur droit de suffrage ». Il en résulte que, si l'allongement d'un mandat en cours est strictement encadré, puisqu'il retarde les élections prévues en début de mandat, le raccourcissement de la durée normale d'un mandat avant que celui-ci ne soit entamé ne se heurte à aucun obstacle constitutionnel. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Tel était le cas de la loi du 11 décembre 1990 organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux – intitulé exactement identique à celui du projet de loi qui vous est présenté aujourd'hui, destiné à permettre l'élection simultanée en 2014 de tous les conseillers généraux et des conseillers régionaux.
J'indique enfin – puisque la question, souvent évoquée au Sénat, le sera sans doute également au cours de nos débats – que l'on ne saurait critiquer le texte au motif que le mode de scrutin des futurs conseillers territoriaux ne serait pas encore fixé avec certitude. Puis-je en effet rappeler aux députés de l'opposition que, en 1990, sous le gouvernement de M. Rocard, le projet de loi soumis au Parlement renvoyait dans son exposé des motifs à un projet de loi complémentaire le soin d'« organiser les procédures de vote propres aux élections simultanées », donc le mode de scrutin ?
« Circulez, il n'y a rien à voir » : voilà ce que l'on nous avait répondu à l'époque.
Or le Conseil constitutionnel, invité à se prononcer sur ce décalage, a estimé, dans la même décision du 6 décembre 1990, qu'il ne faisait aucunement obstacle à la publication de la loi soumise à son examen.
Le raccourcissement du mandat des conseillers régionaux qui seront élus les 14 et 21 mars prochains doit avoir lieu avant la convocation des électeurs, car le respect du principe de la sincérité du scrutin exige que ces derniers connaissent au moment de voter les caractéristiques de l'élection, notamment la durée du mandat de ceux qu'ils s'apprêtent à élire. Telle est la raison pour laquelle le Gouvernement vous demande de vous prononcer sous le régime de la procédure accélérée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Dominique Perben, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, notre assemblée entame aujourd'hui l'examen du premier des quatre projets de loi qui permettront à notre pays de moderniser son organisation territoriale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Une cohérence d'ensemble se dégage de ses différents volets, du reste présentés ensemble en conseil des ministres… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) La démocratie, c'est s'écouter ! (Mêmes mouvements.)
Monsieur Roy, je vous rappelle que seul le rapporteur a la parole. Merci.
Il s'agit d'une vaste réforme, longuement préparée, réfléchie, mais aussi d'une nécessité politique et économique largement admise. En effet, près de vingt-cinq ans après les premières lois de décentralisation, ce bel édifice doit être rénové et chacun s'accorde à reconnaître que le statu quo n'est pas une solution. C'est ce qu'ont conclu de nombreux rapports, rédigés par des personnalités aussi différentes que Pierre Mauroy, Alain Richard ou Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, dont le rapport a fait l'objet d'un vote consensuel en commission.
Je tiens donc à saluer cette entreprise courageuse. Je suis convaincu que nous parviendrons, ensemble, à des équilibres satisfaisants sur les questions les plus sensibles, les plus complexes, dont il est naturel, utile, légitime que la représentation nationale débatte intensément.
Bien sûr, la première étape qu'il nous est proposé de franchir avec ce texte sur la concomitance est limitée puisqu'elle ne porte que sur la durée du mandat des prochains conseillers généraux et régionaux.
Ainsi, le projet de loi dont nous sommes saisis, qui a été adopté par le Sénat le 16 décembre dernier après engagement de la procédure accélérée, ne comprend que deux courts articles, dont l'objet est très ciblé, comme l'a souligné le secrétaire d'État à l'instant. Il s'agit d'écourter les mandats des conseils régionaux et des conseillers généraux, qui seront élus respectivement en mars 2010 et en mars 2011, afin qu'ils expirent ensemble, au mois de mars 2014. Le texte prévoit que la Corse ainsi que les départements et régions d'outre-mer bénéficieront des mêmes mesures, ce qui me paraît légitime, car la situation de ces collectivités ne me semble pas justifier sur ce point un régime électoral distinct du droit commun.
Nous avons déjà, dans le passé, bien souvent procédé à des adaptations de notre calendrier électoral. Ainsi, depuis le début de la Ve République, nous avons déjà modifié à six reprises la durée du mandat des conseillers généraux ou régionaux, le plus souvent pour mieux distinguer les élections locales des élections nationales. Une concomitance des élections cantonales et régionales avait même déjà été décidée – M. Marleix l'a rappelé – par la loi de décembre 1990 et appliquée deux ans plus tard.
La Constitution nous permet de procéder à de telles adaptations, à condition de respecter deux critères.
D'une part, il faut que la modification soit motivée par un objectif d'intérêt général, dès lors que l'on déroge au principe d'égalité en prévoyant, par exemple, des durées de mandat inégales entre conseillers généraux, selon la série à laquelle ils appartiennent. Cette condition me paraît satisfaite par le projet de loi, dont l'étude d'impact rappelle qu'il vise notamment à favoriser, comme la loi du 6 décembre 1990, le « déroulement des opérations électorales » et « une plus forte participation du corps électoral aux élections ». Cet objectif ne peut que conforter la démocratie locale et va, à l'évidence, dans le sens de l'intérêt général.
D'autre part, il faut, pour respecter les principes du suffrage universel et de la libre administration des collectivités territoriales tels qu'ils sont définis aux articles 3 et 72 de la Constitution, que les élections concernées soient organisées selon une périodicité raisonnable. Il me semble que ramener à trois ou à quatre ans la durée d'un mandat local s'inscrit bien dans le cadre d'une périodicité raisonnable.
La modification proposée par le Gouvernement permettra, j'en suis convaincu, de mieux combattre l'abstention aux élections cantonales et régionales, en regroupant les dates de ces scrutins. Si nous ne le faisions pas, les électeurs pourraient être appelés aux urnes à six reprises en 2017 comme en 2020 ! Je vous rappelle que notre collègue Marc Dolez, qui avait rapporté en 1990 le projet de loi organisant une concomitance des élections cantonales et régionales, soulignait alors, à juste titre, que « la fréquence excessive des consultations électorales peut entraîner une lassitude des électeurs qui explique pour une large part la montée de l'abstention ».
Assurer la concomitance de ces élections locales ne nous garantit pas, bien sûr, une participation élevée, car celle-ci dépend de multiples facteurs, mais elle ne peut que lui être favorable. Je constate d'ailleurs que, depuis 1988, les deux meilleurs taux de participation aux élections cantonales ont été enregistrés en 1992, avec 62 % des inscrits, et en 2004, avec 66,5 % des inscrits, deux années où, précisément, les conseils régionaux étaient, eux aussi, renouvelés.
Le regroupement prévu par le projet de loi pourra, par ailleurs, aboutir à davantage de synergies dans l'action conduite localement par les départements et les régions. Cela confortera, j'en suis convaincu, la cohérence, l'efficience et la lisibilité des politiques locales. Sans que l'on puisse avoir l'assurance que les électeurs apportent une cohérence politique dans l'élection des différents élus, la concomitance de ces élections ne peut que renforcer les chances de cette cohérence.
Par ailleurs, comme la plupart des conseillers généraux le souhaitent traditionnellement, et comme l'Assemblée des départements de France l'a souvent demandé, les conseillers généraux seront intégralement renouvelés à cette même date de 2014, et non plus par moitié tous les trois ans. Cette formule est celle que nous appliquons déjà pour les autres catégories de collectivités territoriales. Dès lors, pourquoi continuer à priver les départements de son bénéfice ? Cette organisation plus rationnelle marquera un progrès pour les départements, car elle donnera une meilleure visibilité aux élections cantonales et, surtout, sera beaucoup plus simple et claire pour les électeurs.
Enfin, cette réforme nous permettra de décider ultérieurement de mutualiser les élus des départements et des régions à partir de 2014, mesure qui aurait le grand intérêt de favoriser structurellement une approche complémentaire des politiques définies à ces deux échelons.
Pour autant, la concomitance du renouvellement de ces élus n'impliquera en rien, juridiquement, la création des conseillers territoriaux ; les autres volets de la réforme territoriale, dont nous serons saisis dans les prochains mois après leur examen par les sénateurs, nous permettront de nous prononcer en toute liberté sur ce sujet. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je dois d'ailleurs dire que l'immense majorité des quelque 5 200 amendements que les députés du groupe SRC ont jugé utile de déposer concernent ces conseillers territoriaux, dont il n'est pas question dans ce projet de loi.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Si !
Seuls six de ces amendements portent sur les articles du projet de loi, ce qui représente 0,1 % des amendements.
Notre assemblée est, certes, conduite à examiner ce premier projet de loi peu de temps après que le Sénat l'a adopté, mais, contrairement à ce qu'ont affirmé certains de nos collègues en commission des lois, ce n'est pas sans précédent : l'urgence avait déjà été déclarée en 1990 par le gouvernement de l'époque, pour l'examen du projet de loi organisant déjà la concomitance du renouvellement des conseils généraux et des conseils régionaux.
En l'occurrence, cette urgence est aujourd'hui motivée par un objectif qui, me semble-t-il, doit tous nous rassembler : respecter la volonté exprimée par les électeurs au niveau local, en faisant en sorte que ces électeurs soient pleinement informés, au préalable, de la durée du mandat qu'ils seront appelés à donner à leurs élus pour les représenter dans les conseils généraux et les conseils régionaux. C'est une exigence démocratique.
En décidant dès aujourd'hui de l'adaptation du calendrier des futures élections cantonales et régionales, nous respecterons ce principe essentiel, qui ne peut que conforter la relation de confiance qui doit exister entre les citoyens et leurs élus.
Tel est le sens de la décision, prise le 22 décembre dernier par votre commission des lois, d'adopter ce projet de loi sans modification…
…comme l'avaient fait les sénateurs six jours plus tôt.
Même si je peux comprendre la logique politique de nos collègues de l'opposition, je tiens à souligner que les procès d'intention qui ont alors été faits pendant les travaux de la commission des lois à propos de la création des conseillers territoriaux sont sans fondement : ce n'est pas ce que prévoit le texte que nous examinons ici. Nous aurons, en revanche, tout le temps d'en débattre dans quelques mois lorsque nous serons saisis du projet de réforme des collectivités territoriales.
Mes chers collègues, malgré les milliers d'amendements répétitifs déposés par nos collègues du groupe SRC…
…avec mesure et objectivité pour ce qu'il propose réellement, c'est-à-dire une organisation électorale plus claire et plus rationnelle, qui bénéficiera tant aux départements qu'aux régions.
La loi de 1990 était claire et rationnelle, et, pourtant, vous avez voté contre et vous l'avez remise en cause en 1994 !
En conséquence, je vous invite, mes chers collègues, à confirmer aujourd'hui le choix de la commission des lois, ce qui permettra à ce projet de loi d'entrer rapidement en vigueur, avant les élections régionales du mois de mars prochain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi que l'Assemblée nationale examine aujourd'hui constitue une première étape, préalable à une réforme de grande ampleur…
…la réforme des collectivités territoriales et la création des conseillers territoriaux, élus communs aux départements et aux régions appelés à se substituer aux conseillers généraux et régionaux actuels.
Les enjeux soulevés par cette réforme sont d'importance et nombreux, mais je ne voudrais pas, pour autant, que la question de la parité en politique et de la présence des femmes dans les instances politiques locales passe à la trappe. C'est la raison pour laquelle la délégation aux droits des femmes a demandé à être saisie des quatre textes qui sont en discussion et que j'ai souhaité intervenir dès le premier.
Je voudrais en effet rappeler certains faits pour que la mesure de la réforme que vous proposez, monsieur le secrétaire d'État, soit également prise en termes de parité politique.
Les lois sur la parité de 2000 et de 2007, et elles seules, ont permis que des femmes exercent en nombre significatif des mandats locaux dans les municipalités comme dans les régions. Ces règles paritaires, et elles seules, leur ont ouvert la voie des exécutifs municipaux et régionaux, et ont permis à des femmes y ayant légitimement leur place d'exercer des responsabilités locales. Que je sache, elles n'ont pas démérité dans ces tâches.
Aujourd'hui nous allons réduire la durée des mandats des conseillers régionaux et généraux afin que ceux-ci puissent être remplacés par un élu unique : le conseiller territorial.
Je ne discuterai pas cet objectif. En revanche, je tiens à affirmer dès maintenant que cette réforme ne doit en aucun cas aboutir à ce que les avancées qui ont été réalisées en termes de parité soient mises à bas (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) par le choix d'un mode scrutin qui, non seulement ne favorise pas l'accès des femmes aux mandats électoraux, mais, en réalité, le défavorise, et ceci contre la lettre de l'article 1er de la Constitution.
Chacun sait en effet que le scrutin uninominal n'est pas favorable aux femmes. Ce n'est pas qu'elles ne sont pas capables d'être élues, mais simplement que, trop souvent, les partis politiques ne les investissent pas.
Aujourd'hui, si les résultats sont mauvais dans les conseils généraux, 47,6 % de femmes siègent au sein des conseils régionaux, dont les membres sont élus au scrutin de liste.
Les projections réalisées par l'Observatoire national de la parité à partir des résultats des élections passées depuis 2002, qui ont été analysés chaque fois en termes de représentation des femmes, le montrent : avec le scrutin mixte que vous proposez – 80 % des sièges pourvus au scrutin uninominal à un tour et 20 % à la proportionnelle par un scrutin de liste –, la parité va nécessairement reculer. En 2014, il ne devrait y avoir, au vu des résultats des élections précédentes, que 19 % de femmes parmi les nouveaux conseillers territoriaux.
Le nombre de femmes élues diminuerait de 58 % quand celui des hommes élus baisserait seulement de 48 % : je parle ici des conseillers territoriaux, et non pas des élus aux élections municipales, pour lesquelles vous prévoyez d'abaisser le seuil à partir duquel le scrutin de liste serait appliqué à 500 habitants.
En outre, ces projections reposent sur des hypothèses à comportement constant. Quand, pour avoir 3 000 élus au lieu de 6 000, il va falloir choisir entre un homme et une femme, qui croyez-vous que l'on choisira, monsieur le secrétaire d'État ?
Alors que 87 % des conseillers généraux sortants sont des hommes, le ticket paritaire institué en 2007 n'a pas empêché que près de 80 % des titulaires investis aient été des hommes.
Et qui sera tête de liste, monsieur le secrétaire d'État, sur les listes à la proportionnelle ? Ce n'est pas l'application de la parité aux conseils municipaux des communes de moins de 3 500 habitants ou dans les intercommunalités qui pourra compenser cette régression.
D'ailleurs, cette réforme pose un problème important qui, semble-t-il, n'a pas été mesuré, celui de l'application de la loi du 31 janvier 2007, qui impose la parité au sein des exécutifs régionaux : les exécutifs des régions devront être paritaires, alors même que leurs assemblées ne le seront plus !
Cela montre que la réflexion doit être poursuivie. Nous comptons sur vous, monsieur le secrétaire d'État, dans le droit fil des discussions que nous avons déjà eues avec vous et avec les présidentes des délégations aux droits des femmes du Conseil économique, du Sénat et de l'Assemblée nationale, pour trouver une solution qui évitera que cette réforme ne se traduise par une régression anachronique et totalement injustifiable en matière de parité politique.
À l'heure où nous travaillons à l'égalité professionnelle dans l'entreprise et dans les instances de gouvernance des entreprises, nous serions particulièrement malvenus de ne pas montrer l'exemple en nous appliquant à nous-mêmes des règles défavorisant la place des femmes dans les instances politiques locales. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe SRC.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Laurent Fabius.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes habitués, dans cette enceinte, à examiner différents types de lois : lois ordinaires, lois organiques, lois de finances, lois d'habilitation. Vous nous proposez aujourd'hui ce que j'appellerai une loi d'engrenage. Nous vous avons écouté avec attention, monsieur le secrétaire d'État, ainsi que M. le rapporteur Perben, et vous nous avez expliqué en substance, avec modestie – la modestie est une qualité, ce que n'est pas l'hypocrisie –, que ce texte, au fond, était la réplique d'autres, mais que, pour le futur, cela n'engageait strictement rien. Le problème, c'est que cela n'a pas le plus petit commencement de vérité.
Vous allez me répondre que c'est un orateur de l'opposition qui dit cela. Pour que les choses soient claires, je commencerai donc mon propos, qui sera en partie politique et en partie juridique, par la lecture d'un extrait d'un avis du Conseil d'État du 15 octobre 2009 que, dans votre discrétion bien connue, vous n'avez pas souhaité publier. Ce ne sont pas de dangereux représentants de l'opposition qui s'expriment ; ce sont des conseillers d'État. Le Conseil d'État a examiné les quatre textes formant un ensemble qui lui étaient soumis et voici sa conclusion :
« Dans ces conditions, le Conseil d'État a disjoint les dispositions du projet relatif au mode de scrutin ainsi que, par voie de conséquence, l'ensemble des dispositions du projet de loi relatif à la concomitance des élections cantonales et régionales qui sont liées à la mise en place des conseillers territoriaux. »
Monsieur le secrétaire d'État, les mots ont un sens. Si le Conseil d'État estime qu'il y a un rapport de cause à conséquence entre, d'un côté, les dispositions de tel ou tel projet et, de l'autre, celles relatives à la concomitance, cela signifie – je voulais le dire pour commencer puisque c'est le seul argument que vous avez défendu dans votre exposé – que, du point de vue juridique, l'affirmation selon laquelle ce texte spécifique n'engage pas l'avenir ne vaut pas un clou, pour parler vulgairement.
J'en viens à quelques considérations d'ordre politique – au sens noble du terme – qui, selon nous, expliquent pourquoi vous nous présentez ce texte. Ensuite, me souvenant de l'époque très lointaine où j'étais moi-même membre du Conseil d'État, j'articulerai quelques arguments juridiques auxquels il faudra bien répondre, ici ou ailleurs.
Sur le plan politique, les choses sont extrêmement simples. Depuis un peu plus de vingt ans, la France connaît un grand mouvement de décentralisation qui a été engagé par nous : à l'époque, la droite était contre, mais elle a ensuite reconnu, du moins une partie d'entre elle, la validité de ces dispositions. Après les grandes lois des années 80, après celles des années 90, après celles défendues notamment – il faut le souligner – par M. Raffarin, tout d'un coup, sous la présidence de M. Sarkozy, le mouvement est totalement inversé. Ce que vous appelez la « réforme territoriale » est en fait une régression territoriale !
Et si vous avez décidé – pas vous, monsieur le secrétaire d'État, je le sais bien, car, en cette matière comme en d'autres, j'ai cru comprendre que c'était le Président de la République qui décidait ! – d'inverser la tendance, c'est, me semble-t-il – je ne veux pas faire de procès d'intention –, pour trois grandes séries de raisons.
D'abord, sur le plan financier, M. le Premier ministre Fillon a eu un jour cette formule gravée dans le marbre : « L'État est en faillite. » Mais c'était avant la crise et les choses ne se sont sans doute pas améliorées depuis. Vous n'avez plus d'argent, tout le monde le sait. Vous avez donc décidé, ou plutôt M. le Président Sarkozy a décidé, de faire les poches des collectivités territoriales – pardonnez la trivialité de l'expression –…
…et celles du contribuable, en effet ! Merci de cet ajout extrêmement opportun, cher collègue de droite ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Je n'invente rien. Prenez la taxe professionnelle : je suis parlementaire depuis longtemps, mais c'est la première fois que je vois un article de loi de finances qui fait plus de 150 pages ; nos concitoyens n'ont pas tous saisi les détails du dispositif, mais ils ont compris que, à partir du moment où il fallait trouver 6 milliards en année pleine, cela se traduirait soit par des déficits qu'il faudrait ensuite rembourser, soit par des impositions sur les ménages. M. Montebourg a récemment déposé un recours qui a été examiné par le Conseil d'État, et nous engageons d'ailleurs tous les départements de France à faire de même. Le Conseil d'État a ainsi jugé sous astreinte que le Gouvernement n'avait pas respecté sa parole. Beaucoup d'entre nous sont élus locaux et savent que votre contre-réforme territoriale est faite pour reporter la charge financière sur les collectivités et les citoyens.
Ensuite, cette réforme est une régression territoriale proprement dite. On le voit avec des dispositions comme la suppression de la clause de compétence générale. Cela ne dit peut-être pas grand-chose à nos concitoyens, mais pour nous, qui sommes familiers de ce genre de choses, cela signifie qu'un département ou une région ne pourra plus, en dehors de sa compétence spécifique, aider tel ou tel projet très important. Cela signifie que des millions de personnes, membres d'associations culturelles, sportives ou autres, ne pourront plus bénéficier des subsides indispensables que leur procuraient les départements et les régions.
C'est honteux de dire cela ! Ce n'est pas digne de vous !
C'est la réalité ! Et nous sommes aussi en présence d'une régression démocratique, monsieur le secrétaire d'État, car le mode de scrutin que vous proposez, qui est sans précédent en France et n'a d'équivalent dans aucun pays démocratique, aboutira, s'il est choisi, à des résultats qui pourraient prêter à rire si le sujet n'était aussi grave.
Vous avez donc choisi, contrairement au mouvement de décentralisation que nous connaissons depuis vingt-cinq ans, de confisquer le pouvoir, de le recentraliser, ce qui, d'une part, est contraire à toute perspective moderne et, d'autre part, s'inscrit dans un cadre plus général que j'ai appelé l'« égo-présidence ». J'ai cru comprendre que ce gouvernement, et surtout ce Président de la République, n'aimaient pas beaucoup les contre-pouvoirs, qu'ils soient judiciaires, médiatiques ou parlementaires, et il en va de même avec les collectivités locales. Monsieur le secrétaire d'État, nous ne vous laisserons pas faire ! Nous sommes déterminés à défendre les collectivités locales, les élus et les citoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'en viens aux arguments d'ordre juridique. Il est parfaitement exact, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, qu'il y a déjà eu dans le passé des modifications de durée de mandat pour aboutir à des concomitances. Je constate d'ailleurs, non sans une certaine ironie, non seulement que les arguments que vous avancez aujourd'hui n'avaient pas grâce à vos yeux il y a quelques années, mais qu'ils étaient considérés comme effrayants : horresco referens. Comparaison n'est pas raison, encore faudrait-il faire preuve d'un peu d'honnêteté dans ce domaine. Vous prenez l'exemple de 1990, mais il n'y a aucun précédent où l'on ait décidé à la fois l'urgence, une diminution de moitié ou du tiers des mandats et une modification de l'ensemble du système avec la création du conseiller territorial et le changement du mode de scrutin. Il n'est donc pas opératoire de se référer à de qui s'est passé en 1990.
Ce qui est intéressant, monsieur le secrétaire d'État, c'est que, à l'occasion de ces modifications, le Conseil constitutionnel a défini une jurisprudence. Vous l'avez citée, mais vous n'êtes pas allé jusqu'au bout, probablement par manque de temps. Puisque j'ai un peu plus de temps que vous, je vais donc compléter. Le Conseil constitutionnel estime que, pour raccourcir la durée les mandats, il faut un motif d'intérêt général. Or, en vous écoutant et en vous lisant, je me suis aperçu que vous étiez partisan d'une thèse assez nouvelle : la théorie du motif baladeur. Le motif réel de votre choix, c'est le conseiller territorial.
Vos écrits et les propos de M. le rapporteur le démontrent amplement. Mais il n'est écrit nulle part que le conseiller territorial est un motif d'intérêt général. De plus, vous vous heurtez à une difficulté d'ordre politique : qui dit conseiller territorial dit mode de scrutin, et une partie de votre majorité n'est pas d'accord avec celui-ci. Le motif de votre choix est donc le conseiller territorial, mais vous ne pouvez pas vraiment en parler, pour des raisons juridiques et politiques. Vous avez donc inventé d'autres motifs, et c'est pourquoi je parle de motif baladeur. Vous prétendez augmenter ainsi la participation – c'est ce qu'a dit M. Perben. Soyons sérieux. Aucune indication d'aucune sorte ne permet de penser que cela augmentera à coup sûr la participation. D'ailleurs, vous le reconnaissez vous-même. En effet, l'étude d'impact que l'article 39 de la Constitution vous oblige à produire est d'une indigence totale sur ce point. Évidemment, elle ne comporte rien sur la participation. C'est un premier motif d'inconstitutionnalité.
Le deuxième motif, encore plus substantiel, est relatif à tout ce qui concerne le conseiller territorial et le mode de scrutin. Nous devrons avoir, soit dans cette assemblée, soit devant le Conseil constitutionnel, une discussion extrêmement intéressante pour savoir si, aux termes de l'article 72 de la Constitution qui définit ce qu'est une collectivité territoriale et qui inclut désormais la région, ce qui n'était pas le cas il y a quelques années, il peut exister une collectivité territoriale qui soit soumise à la tutelle d'une autre collectivité territoriale, s'il peut exister une collectivité territoriale qui soit privée de la compétence générale, et s'il peut exister une collectivité territoriale qui ait, de fait et même de droit, les mêmes élus qu'une autre collectivité territoriale.
Ces points sont extrêmement importants.
Concernant la clause de compétence générale, la réponse est clairement négative. Un établissement public a une spécialité d'action, tandis qu'une collectivité territoriale doit pouvoir intervenir sur les domaines transversaux. En supprimant la clause de compétence générale, vous violez donc à la fois la jurisprudence du Conseil constitutionnel et celle du Conseil d'État.
À la question de savoir si des collectivités territoriales peuvent partager les mêmes élus, la possibilité en est discutée, mais semble contraire au bon sens. Par exemple, si une région, dans le cadre de sa politique d'aménagement du territoire, décidait de ne pas permettre les subventions dans certains cantons, qui peut croire qu'un élu cantonal pourrait voter une telle disposition alors qu'elle est contraire aux intérêts des électeurs qu'il représente ?
Paradoxalement, l'idée première du Gouvernement exprimée par la commission Balladur était de garder la région et de supprimer le département. Puis il est apparu que cela n'était pas possible. Alors vous avez fait machine arrière, et vous nous proposez une cantonalisation des régions qui aboutira à les détruire sans que les départements ne soient forts.
Si monsieur Queyrane, président de région, m'approuve, c'est non pas par affinité partisane, mais parce qu'il connaît bien la question.
Le projet de conseiller territorial est donc inconstitutionnel dans son idée même.
Il en va de même concernant le mode de scrutin. Chers collègues, je ne sais si vous avez essayé d'expliquer le mode de scrutin à des citoyens ou même à des élus locaux, pourtant très au fait de ces sujets.
En tout cas le grand public ignore ce système, car il est sans précédent. Vous affirmez que c'est un socialiste qui a inventé ce système. Rappelons que ce socialiste-là, homme très respectable, n'était pas parvenu à convaincre ses propres camarades. Il est particulier de noter qu'il a réussi, quelques décennies plus tard, à convaincre l'actuelle majorité. Ne cherchons donc pas de faux-semblants. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Quel est ce mode de scrutin ? Ces fameux conseillers territoriaux, que je nomme pour ma part conseillers chauve-souris : ils sont oiseaux dans les départements et souris dans les régions – d'autres les appellent conseillers UMP – seront pour 80 % d'entre eux élus au scrutin uninominal à un tour. Cette innovation, qui pourrait faire sourire s'il ne s'agissait d'un grave défaut démocratique, va donc créer des conseillers élus tout en étant minoritaires. Cela n'est pas dans la tradition de la République française, ni d'aucune autre.
Nous avons fait la simulation pour les élections cantonales passées, et nous avons observé que si l'on avait appliqué ce mode de scrutin, il y aurait eu une inversion des résultats dans 5 à 10 % des cas, et toujours au détriment du conseiller général de gauche élu au second tour. Peut-être y a-t-il un rapport de cause à conséquence ?
En bref : si vous avez aimé le découpage législatif de M. Marleix, vous allez adorer son mode de scrutin cantonal. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Mais MM. Marleix et Sarkozy ne s'arrêtent pas là. Les 20 % de conseillers restant vont être élus au scrutin proportionnel non pas par les voix qu'ils ont obtenues, mais à partir de celles des battus. Les bras nous en tombent, et lorsque nous expliquons cela, nos interlocuteurs ont souvent du mal à nous croire. Vous faites donc d'une pierre deux coups : vous créez l'élu minoritaire ainsi que l'élu battu.
Nous ne pouvons pas aller dans votre sens, et le Conseil d'État, dans sa sagesse, a estimé que cela était inconstitutionnel.
Et puisque je vous vois faire des signes de dénégation, monsieur Marleix, j'aimerais vous poser une question. J'ai bien lu toutes vos déclarations, et en particulier l'une d'entre elle en date du 15 décembre devant le Sénat, qui figure au Journal officiel. Vous y avez affirmé que ce projet avait reçu un avis positif du Conseil d'État. Je souhaiterais que vous nous donniez la traduction concrète de cette affirmation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Il existe une troisième source d'inconstitutionnalité, et je ferai écho aux propos de Mme Zimmermann qui s'est expliquée avec beaucoup de force.
Ce texte, comme d'ailleurs l'ensemble de cette contre-réforme, va à l'encontre de la parité, et cela constitue une inconstitutionnalité caractérisée. L'article 1er de la Constitution, dans son alinéa deux, prévoit : « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » ce qui signifie que votre texte, qui va avoir pour conséquence de défavoriser la parité, est à coup sûr contraire à la Constitution.
Je vous ai entendu argumenter que vous ne faisiez que changer la représentation proportionnelle pour les petites communes, et que cela permettrait plus d'élues. Monsieur le secrétaire d'État, la parité, ce n'est pas un marchandage, c'est une obligation constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) On nous affirme d'autre part qu'en 2003, lorsque la représentation proportionnelle a été modifiée pour le Sénat, une décision du Conseil constitutionnel a permis de modifier la règle de la parité. Il n'en est rien. J'ai attentivement étudié cette décision, et le Conseil a estimé que, si une diminution de la parité avait été possible, cela tenait à la nature spécifique du Sénat, qui doit représenter les collectivités territoriales. Dans l'affaire qui nous occupe, il y aura évidemment diminution de la parité, et ce sera évidemment contraire à la Constitution. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Ainsi, que l'on s'attache aux indicateurs d'impact, au motif d'intérêt général, au conseiller territorial, au mode de scrutin, à la parité, ou à la définition constitutionnelle des collectivités territoriales, votre texte est un nid d'inconstitutionnalités que nous ne pouvons pas laisser passer.
Dans le débat à venir, beaucoup des intervenants inscrits ont des responsabilités locales : conseillers municipaux, maires, conseillers généraux… Ils expliqueront les motifs pour lesquels nous sommes radicalement opposés à ce texte, ainsi que les contre-propositions que nous avançons, sur lesquelles je ne vais pas m'attarder pour ne pas dépasser le temps qui m'est imparti
Merci madame la Présidente. Je vais alors exposer l'économie générale de ces contre-propositions.
Nous pensons qu'il faut une nouvelle phase de décentralisation, et non un retour en arrière. Cela signifie tout d'abord prendre les textes dans un autre ordre. Il n'y a aucun sens à commencer par les dispositions financières – taxe professionnelle et autres – puis de passer ce texte à deux articles, puis de traiter la question des compétences après les élections, bien sûr. Il faut prendre ces mesures dans l'ordre.
Tous ceux qui suivent ces sujets préconisent de traiter d'abord des compétences. Et sur ce point, il faut avoir les idées claires et ne pas rapprocher conseiller général et conseiller régional. En France, comme dans la totalité des pays d'Europe à trois exceptions près, on distingue trois blocs : ce qui relève de la proximité, et qui intéresse la commune et l'intercommunalité ; ce qui relève de la solidarité sociale ou territoriale, et qui intéresse le département, et puis l'échelon stratégique, qui s'occupe de recherche, de formation, des transports : c'est la région, dont les partenaires sont l'État et l'Europe. Il faut donc commencer par les compétences, et nous avons des propositions pour les rendre plus claires.
Il ne faut pas non plus supprimer la clause de compétence générale, qui est absolument indispensable si l'on veut qu'il y ait des initiatives. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Les élus locaux ne sont pas élus pour être les exécutants du pouvoir central : ne confondons pas les préfets, les sous-préfets, et les maires, conseillers généraux et conseillers régionaux.
Une fois réglée la question des compétences, il sera possible de traiter des élus. Nous pensons qu'il est parfaitement légitime de conserver un conseil régional et un conseil général, leurs tâches ne sont pas les mêmes. Le Président Sarkozy affirme fréquemment que cette réforme est faite dans un souci d'économie et de simplification.
Concernant les économies, nous qui connaissons un peu ces questions, nous ne pouvons pas ne pas relever un certain niveau de démagogie, le mot est peut-être un peu fort, (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC) alors je vous le concède ! Dans tous les cas, on conviendra qu'il est un peu fort de café que le Gouvernement, qui l'année dernière a fait plus de 140 milliards d'euros de déficit, et qui continue cette année, vienne faire la leçon à des collectivités territoriales qui sont en excédent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
De ce point de vue, convoquer les collectivités locales à une conférence des déficits alors qu'elles ne sont pas en déficit, car elles ne peuvent pas l'être du fait de la réglementation, c'est vraiment se moquer du monde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Puisque vous protestez, mes chers collègues, je vais vous donner un argument que je n'entendais pas vous asséner, mais après tout, tous les arguments doivent être apportés au débat. Il est dit que cette réforme va rapporter 70 millions d'euros, sans que cela ne soit prouvé. En admettant ce chiffre, qui représente un peu moins d'un pour mille des dépenses des collectivités concernées, cela reste beaucoup moins que ce qui est dépensé chaque année pour le personnel de la Présidence de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les sur les bancs du groupe UMP.) Si on me cherche, on me trouve ! Et j'ai le sentiment que vous êtes un peu piqués au vif !
Quant à la simplification, monsieur le secrétaire d'État, j'aurais attendu de votre esprit simplificateur un peu plus de simplicité. Simplifier une série de collectivités en y ajoutant les métropoles, les communes nouvelles et les pôles métropolitains, c'est une conception de la simplification qui devrait faire date ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je reviens à mon argument initial : clarification des compétences et clause de compétence générale ; maintien du conseil régional et du conseil général…
Mais si. Par exemple il est tout à fait nécessaire d'opérer des changements sur le plan financier. Au nom de mon groupe, j'en propose trois. D'abord, un changement tout simple, mais qui sera apprécié sur tous les bancs : que le Gouvernement paye ses dettes envers les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Ensuite, une réforme de la taxe d'habitation, proposée depuis longtemps notamment par nous, pour mieux prendre en compte le revenu des assujettis ; enfin qu'il y ait une fiscalité d'entreprise. On veut modifier la taxe professionnelle, très bien. Mais de là à la supprimer, ce qui se retournera d'ailleurs contre une partie des entreprises, il y a loin.
Selon le premier bilan que l'on peut établir à ce propos, les communes percevront moins de ressources, les départements seront plus dépendants de l'État, les régions n'auront plus aucune marge de manoeuvre et l'État lui-même accusera un déficit supplémentaire de six milliards ! On ne peut pas accepter cela. Nous souhaitons un meilleur équilibre et une vraie péréquation. Elle est difficile à réaliser. Nous proposons donc de la faire sur dix ans et sur 25 % des dotations de l'État de sorte qu'aucune collectivité n'ait un revenu financier par habitant inférieur à 80 % ou supérieur à 120 % de la moyenne de la strate. Faute de cela, l'inégalité qui est l'un des traits les plus critiquables de la situation française persistera.
Pour conclure, attentif comme chacun de nous aux propos du Président de la République, je l'ai entendu un jour dire qu'il ne ferait cette réforme que s'il y avait consensus.
Non seulement il n'y a pas consensus politique au sens large, mais il n'y a même pas consensus au sein de la droite républicaine et à coup sûr pas chez les élus locaux. Je demande simplement que, sur ce point comme sur d'autres, la parole présidentielle soit respectée comme elle l'était jadis.
Nous allons continuer à nous expliquer. Beaucoup de collègues ici ont une grande expérience des mandats locaux. Nous savons aussi dépasser les préoccupations immédiates pour envisager l'avenir de la France. Moi-même, j'ai l'expérience et du gouvernement et de la gestion locale. Au-delà de la droite et de la gauche, on s'accordera sur ce constat : les collectivités locales, à quelques exceptions près, sont mieux gérées que l'État.
Aussi, autant nous avons besoin de réformes pour poursuivre la décentralisation, autant il ne faut pas accepter, pour des raisons politiciennes que chacun a comprises, un retour en arrière qui serait lourdement préjudiciable à notre pays.
Ce texte est juridiquement très contestable et dangereux pour la démocratie. Notre assemblée serait donc bien inspirée en le renvoyant à ses auteurs.(Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe SRC.)
Je reviendrai sur un certain nombre de points évoqués par M. Fabius, car sur une telle réforme, il faut essayer de se parler franchement et d'aller au fond du débat.
D'abord, avant que ne se réunisse la commission Balladur, beaucoup de responsables politiques ont travaillé sur ces sujets et, quelle que soit leur origine, ont abouti à la conclusion qu'une réforme – sans préjuger de son contenu – était nécessaire. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.) Il est important de le rappeler car, à entendre certains, on croirait que le statu quo serait satisfaisant.(Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. On n'a pas dit cela !
Ce n'est pas ce qu'a dit M. Fabius, mais certains d'entre vous le disent. Devant la commission Balladur, un certain nombre de responsables de partis politiques ont défendu le statu quo. Écoutez l'enregistrement ! Je peux même dire qui.
M. Bartolone par exemple, qui a dit que tout allait bien en région parisienne.
Je reviens d'abord, monsieur le Premier ministre Fabius, sur le thème réforme et régression. Quand, à partir des années 1980, à l'initiative de François Mitterrand et de son premier gouvernement, la décentralisation fut engagée, elle consista surtout à transférer des compétences de l'État très importantes aux régions, aux départements et aux communes. Sur ce point, le consensus s'est progressivement instauré. Mais ce transfert de compétences s'est fait vers des structures inchangées. Les collectivités les ont assumées, mais ont eu de plus en plus de difficulté à le faire. La meilleure preuve en est que M. Joxe, puis moi-même puis M. Chevènement, avons fait voter des lois sur l'intercommunalité. Nous avons donc bien commencé à modifier les structures pour tenir compte des nécessités induites par ces transferts de compétences.
Aujourd'hui, et les auteurs de bien des rapports sur la décentralisation le disent comme moi, il est nécessaire d'aller plus loin dans cette réorganisation des structures. (Mouvements divers sur les bancs du groupe SRC.) Serait-il possible de s'écouter les uns les autres ? J'ai écouté attentivement M. Fabius, je vous demande de m'écouter quelques minutes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ayant exercé à peu près tous les mandats locaux disponibles si je puis dire,il me paraît indispensable, objectivement, de clarifier les rôles respectifs de la région et du département. La réorganisation des structures que nous proposons n'est en rien contradictoire avec la décentralisation ; elle la prolonge pour adapter ces structures à l'exercice de compétences beaucoup plus larges que celles des collectivités locales il y a une vingtaine d'années.
Le deuxième sujet que je veux aborder, et dont nous aurons aussi l'occasion de reparler dans les mois à venir, est « l'affaire » de la clause de compétence générale. Je regrette qu'on lui accorde autant de place dans le débat, car je ne suis pas loin de penser qu'il s'agit d'un faux débat.
Mais, comme vous l'avez évoqué, je souhaite exposer ma vision des choses. Je pense, et cela va dans votre sens, qu'il est important que, demain, la région ou le département ait une capacité d'initiative complète dans leur champ de compétence. Il n'est pas question de revenir là-dessus et en tout cas, personnellement, je ne prêterais pas la main à un texte qui reviendrait sur la capacité d'initiative du département, ou de la région, dans ses compétences. La question est de savoir s'il ne faudrait pas séparer clairement les compétences des uns et des autres. C'est sur ce point précis que le débat devra porter. Il ne faut pas enlever aux collectivités leur capacité d'initiative…
Alors il ne fallait pas faire cette réforme de la taxe professionnelle !
.…mais clarifier les compétences.
En troisième lieu, monsieur le Premier ministre, vous parlez de recentralisation. Les mots on un sens et vous êtes trop averti de ces questions pour ne pas savoir que recentralisation signifie transfert de compétences des collectivités locales vers l'État.
Le projet n'est absolument pas celui là et, en tant que rapporteur, je veillerai à ce qu'il n'en soit rien.
Monsieur Fabius, vous avez été Premier ministre et ministre de l'économie et des finances. Demandons-nous ceci : si nous avions tous été raisonnables en ce qui concerne le taux de la taxe professionnelle, la question de sa suppression se serait-elle posée dans les mêmes termes ? C'est aussi ce type de question qu'il faut se poser parfois si l'on veut rester objectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, M. Laurent Fabius et les membres du groupe socialiste estiment que le projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux est contraire à la Constitution, donc irrecevable.
Ils font tout d'abord valoir des motifs qui n'ont pas de rapport direct avec le projet de loi.
Je répondrai sur ce point.
Il est ainsi erroné de prétendre qu'il vous est demandé de voter une réforme électorale dont les modalités ne sont pas connues. Le texte, comme je l'ai dit en en faisant la présentation générale, ne constitue en rien une réforme électorale et il ne préjuge donc pas de ce qui sera adopté lors de l'examen à venir de la réforme des collectivités territoriales. Cet examen commence aujourd'hui même au Sénat, et je ne doute pas que l'article 1er du projet de loi fasse l'objet de longues discussions ; mais, comme n'a cessé de l'affirmer le rapporteur du texte, le sénateur Jean-Patrick Courtois, si l'adoption de la concomitance est une condition nécessaire de la mise en place en 2014 du conseiller territorial, elle ne suffit en aucun cas à l'assurer.
Elle poursuit d'ailleurs deux autres objectifs : réaliser la fusion des deux renouvellements partiels des conseils généraux et regrouper les scrutins régionaux et cantonaux.
Il n'est donc pas nécessaire que soient connues et fixées, avant que le Parlement ne se prononce, la répartition des effectifs de conseillers territoriaux ou la délimitation des futurs cantons : ces éléments seront bien évidemment en débat lors de l'examen des trois autres projets de loi liés à la réforme des collectivités territoriales. Et vous aurez, au moment où vous vous prononcerez sur les modalités d'élection des conseillers territoriaux, tous les éléments vous permettant de le faire.
Je rappelle d'ailleurs que je me suis engagé à fournir ces éléments à la commission des lois du Sénat, lorsqu'elle tiendra sa première réunion sur le projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux vraisemblablement au mois d'avril – ce n'est pas à moi d'en décider la date.
Je relève cependant que ce projet évoque déjà, dans son exposé des motifs, le nombre total de 3000 conseillers territoriaux et qu'il présente clairement, dans son article 14, les principes devant présider à la détermination de ce nombre, par département et par région. Le nombre d'amendements que vous avez déposés, mesdames et messieurs les députés du groupe socialiste, et qui visent, non le présent texte sur la concomitance que nous examinons aujourd'hui, mais le projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux, montre bien que vous avez pris connaissance de ce dernier texte, notamment des dispositions que je viens de mentionner.
Les auteurs de la motion font également valoir le fait que la réforme est dispersée dans quatre textes, sans cohérence globale. D'une part, je rappelle que l'un de ces textes, le projet de loi organique, n'est dissocié des autres qu'en raison des obligations constitutionnelles, liées à la nature des dispositions qu'il contient ; d'autre part, la séparation des dispositions électorales des autres mesures a pour but d'alléger le texte institutionnel et n'a pas empêché une discussion commune au sein de la commission des lois du Sénat, ainsi que la désignation d'un rapporteur unique, sans que la bonne compréhension en soit affectée.
En outre, le projet de loi sur la concomitance est beaucoup plus simple que celui qui l'a précédé en 1990, qui est devenu la loi du 11 décembre 1990 organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux. Je cite intégralement son titre parce que c'est exactement le même que celui de notre projet de loi. Cette loi, dont l'objet était identique, ne comportait pourtant pas moins de treize articles. Ai-je d'ailleurs besoin de rappeler que le projet de loi gouvernemental renvoyait expressément à une loi ultérieure le soin de fixer les modalités du mode de scrutin des élections régionales comme des élections cantonales. Or, monsieur le Premier ministre, vous étiez alors président de cette assemblée. Vous présidiez, ici, au perchoir. Vous n'avez alors rien trouvé à redire – j'ai cherché dans les archives – à un texte qui organisait le renouvellement simultané des assemblées départementales et régionales sans même être accompagné, comme c'est le cas de notre projet de loi, du texte fixant les conditions d'élection de leurs membres.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !
Pour ce qui nous concerne, il n'est pas question d'un texte électoral à venir. Tout est arrivé, si je puis dire, sur la table en même temps. Je me permets respectueusement de vous rappeler, monsieur le Premier ministre, qu'en 1985, vous avez changé du jour au lendemain, sans pratiquement de débat, le mode d'élection des députés et avez préféré la proportionnelle au scrutin majoritaire. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Je n'ai pas vu alors arriver beaucoup de femmes à l'Assemblée nationale. En revanche, il y avait quarante députés du Front national ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C'est un fait historique ! Vous avez augmenté le nombre des députés, le portant de 490 à 577 ; c'est encore d'ailleurs le nombre maximum des députés. M. Rocard, membre du gouvernement, avait démissionné devant de telles méthodes !
J'en viens aux arguments constitutionnels pour affirmer simplement que le texte proposé est strictement conforme aux exigences du Conseil constitutionnel. Celui-ci considère, en effet – et je répète les termes exacts de sa jurisprudence – que « le législateur compétent pour fixer les règles concernant le régime électoral des assemblées locales peut, à ce titre, déterminer la durée du mandat des élus qui composent l'organe délibérant d'une collectivité territoriale ». La Haute juridiction a énoncé des conditions strictes pour la prolongation de mandats en cours, mise en oeuvre pour des élections intervenues en 1988, en 1995 et en 2007, afin d'éviter la simultanéité d'élections de nature très différente. Il s'agissait, alors, de reporter des élections de trois, six ou douze mois, ce qui mettait en cause le droit constitutionnel des électeurs d'être appelés « à exercer selon une périodicité raisonnable leur droit au suffrage ».
En revanche, le Conseil constitutionnel a eu des exigences moins strictes lorsqu'il a examiné, comme il l'a fait, en 1990, un texte ayant pour effet, non pas de rallonger un mandat en cours, mais de raccourcir des mandats auxquels il n'était pas encore pourvu. Il a alors constaté, c'est sa décision du 6 décembre 1990 que j'ai précédemment citée, que le regroupement à une même date des élections aux conseils généraux et des élections aux conseils régionaux visait à favoriser une plus forte participation du corps électoral à chacune des consultations, finalité qui « n'est contraire à aucun principe non plus qu'à aucune règle de valeur constitutionnelle ». Notre texte répond également à cette finalité.
Puis, le Conseil constitutionnel a affirmé que les modalités définies dans la loi qui lui était soumise n'étaient contraires « ni au droit de suffrage garanti par l'article 3 de la Constitution ni au principe de la libre administration des collectivités territoriales ».
Enfin, pour terminer sur ce point, le Conseil constitutionnel, dans cette même décision du 6 décembre 1990, n'a pas censuré ce texte au motif, soulevé parmi les griefs des auteurs de la saisine, qu'il renvoyait à un projet de loi complémentaire afin « d'organiser les procédures de vote propres aux élections simultanées ».
Nous nous trouvons exactement dans la même situation que celle de la loi du 11 décembre 1990 présentée par M. Joxe, au nom du gouvernement de M. Rocard. Ce ne serait évidemment pas le cas – et j'ai été surpris que certains le proposent au Sénat – si nous décidions de rallonger la durée du mandat des conseillers généraux élus en 2004 qui a déjà été augmenté d'un an, leur mandat passant alors de six à dix ans. Ce serait très difficile à défendre devant l'opinion publique. Ce ne serait non plus pas le cas si nous attendions le vote de la réforme des collectivités territoriales et de la loi électorale pour abréger ensuite le mandat en cours des élus départementaux et régionaux.
Contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur le Premier ministre, notre projet de loi respecte donc parfaitement la Constitution et les décisions rendues sur cette question par la Haute juridiction.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est faux !
En effet, avec notre texte, les électeurs auront à se prononcer plus vite que prévu : trois ans avant pour les élections cantonales et deux ans avant pour les élections régionales. Avec notre texte, les électeurs connaîtront, au moment de leur vote, la durée du mandat des personnes qu'ils vont élire. Nous nous conformons ainsi parfaitement à l'obligation constitutionnelle de sincérité du scrutin. La démocratie n'est donc nullement en cause, bien au contraire…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est vous qui le dites !
… à moins que vous ne vouliez soutenir qu'elle s'en porterait mieux avec des élections moins fréquentes… Je ne veux pas en tirer cette conclusion.
Mesdames, messieurs les députés, il n'y a donc aucun motif sérieux d'inconstitutionnalité dans la motion que vient de vous présenter votre collègue M. Fabius.
Puisque vous avez fait référence, monsieur le Premier ministre, au Conseil d'État, comme vous l'avez fait sur les ondes de France Info le 22 octobre dernier et comme vous ne cessez de le faire depuis en invitant le Gouvernement à vous démentir, je suis au regret de vous dire que l'avis rendu par son assemblée générale – et je parle bien de l'assemblée générale – le 15 octobre 2009 n'a pas le contenu que vous lui avez donné. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Le Conseil d'État a validé les principes majeurs de la réforme, le mandat unique de conseiller territorial siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional et le mode de scrutin mixte alliant scrutin majoritaire et représentation proportionnelle.
Sur le conseiller territorial, il a estimé – je cite l'avis du Conseil d'État – que « n'était contraire à aucun principe la désignation, par un scrutin unique, de conseillers territoriaux destinés à siéger tant au conseil général qu'au conseil régional ».
Concernant le mode de scrutin, il a admis la solution d'un mode de scrutin mixte, justifiée par un motif d'intérêt général tenant à « la recherche d'une combinaison…
…entre les effets complémentaires attendus de chacun des deux éléments d'un mode de scrutin mixte. »
Le Conseil d'État, monsieur le Premier ministre, n'a, en revanche, jamais affirmé ni que le mode de scrutin projeté était de nature à porter atteinte à l'égalité comme à la sincérité du suffrage…
… ni qu'il n'apportait pas la garantie de la formation d'une majorité stable au conseil général ou au conseil régional ; ni qu'il pouvait conduire à ce qu'une formation se voie attribuer au conseil régional plus de sièges qu'une autre alors qu'elle a obtenu moins de voix dans la région.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Lisez-le texte !
Ce sont uniquement les modalités d'application alors retenues par le Gouvernement dans le projet soumis au Conseil d'État qui ont fait l'objet de remarques.
Le Gouvernement en a pris acte et, comme le Conseil d'État l'avait invité à le faire, il a modifié sur plusieurs points son projet en ce qui concerne les questions de financement et de présentation des modalités d'élection.
Vous ne pouvez donc pas prétendre, monsieur le Premier ministre, que « la plus haute instance de la nation dit que le projet de loi est illégal et contraire aux principes constitutionnels » et que « le conseil des ministres fait comme si de rien n'était. »
Permettez-moi d'ailleurs d'ajouter que j'ai été très étonné du procédé que vous avez employé, qui consiste à utiliser ce qu'on appelle une note interne…
… du Conseil d'État qui n'a pas été adopté par l'assemblée générale, sa plus haute formation en matière consultative. (Huées sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le Premier ministre, vous avez été membre du Conseil d'État. Vous savez donc que les avis donnés par celui-ci au Gouvernement sont préparés par des rapporteurs, puis examinés par une section administrative (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC), en l'espèce la section de l'intérieur, avant d'être soumis à l'assemblée générale. Je vous prends en flagrant délit ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Mes chers collègues, laissez M. le secrétaire d'État terminer son propos.
Je sais que cela vous gêne ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La note que vous vous êtes procurée, contrairement à la déontologie qui impose à tous les membres un devoir de réserve sur les délibérations du Conseil d'État n'a jamais, monsieur le Premier ministre, été adoptée par l'assemblée générale…
… tout simplement parce que celle-ci a estimé que le mode de scrutin retenu par le Gouvernement ne pouvait encourir les critiques que vous avez dénoncées à tort.
Mesdames, messieurs les députés, je vous demande donc de rejeter la motion de rejet préalable de M. Fabius et de ses collègues du groupe socialiste construite sur des arguments du Conseil d'État qui vous sont présentés de façon fallacieuse. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Nous arrivons aux explications de vote. (Très vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président Fabius, nous sommes dans le cadre des explications de vote. Vous interviendrez ensuite, si vous le souhaitez. Le règlement est ainsi établi et nous l'appliquons. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Mes chers collègues, je dois tout d'abord dire que ce qui vient de se produire est assez dommageable. Cette réforme vaut mieux que les polémiques et les invectives que nous entendons.
Je comprends, monsieur le Premier ministre Laurent Fabius, que l'on soit contre ou pour le texte et que l'on exprime son sentiment. J'ai du reste attentivement écouté vos arguments. Mais, franchement, utiliser des délibérations du Conseil d'État… (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Mes chers collègues, je vous informe que la buvette est toujours ouverte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.) J'ai écouté tout le monde avec attention. À mon tour de prendre la parole. On a encore le droit de s'exprimer ! Il est inutile d'agiter un panneau affichant le mot « démocratie » tout l'après-midi si c'est pour empêcher ensuite les orateurs de la majorité de s'exprimer ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.) Commencez par respecter le mot inscrit sur le petit panonceau que vous brandissiez !
Je trouve effectivement curieux, je le dis simplement, qu'il puisse y avoir une polémique au sujet de l'existence ou non d'une note du Conseil d'État. Faites attention : cela pourrait choquer nos concitoyens. Que cela émane en outre de quelqu'un qui a exercé les fonctions les plus hautes de Premier ministre… (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Est-ce à dire qu'il y aurait ici des députés de seconde zone ? Je ne dispose pas, quant à moi, de la décision du Conseil d'État. Vous avez beaucoup de chance de l'avoir, monsieur Fabius ! Non, il n'y a pas de députés de seconde zone, il n'y a que des députés de la République ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.) Et nous sommes tous en droit de disposer des mêmes éléments ! Cela commence à suffire !
Je vous le dis comme je le pense, tout cela est très choquant. J'aimerais, pour ma part, que l'on parle de nos concitoyens parce que c'est cela qui compte.
Oui, monsieur Fabius, vous avez raison lorsque vous dites qu'on ne rend pas service à la démocratie en prétendant que c'est en réduisant le nombre d'élus qu'on réglera les problèmes. Je le dis tout aussi clairement à mes collègues et amis de l'UMP.
Quand vous dites que les collectivités locales, communes, départements, communautés de communes, sont bien gérées, c'est également vrai, quelle que soit leur sensibilité politique.
Pour le reste, soyons honnêtes, de commission Pisani en rapport Mauroy, enterré, jusqu'au rapport du comité Balladur, cela fait des années et des années que, gouvernement après gouvernement, nous avons tous de quoi tapisser nos bureaux avec les rapports sur la nécessité de réformer l'organisation territoriale. Pierre Mauroy lui-même, l'un des vôtres, expliquait qu'il n'avait pas pu mettre en oeuvre une telle réforme parce qu'il existe, on le sait, des conservatismes sur tous les bancs.
Aujourd'hui, nous avons la possibilité d'en engager une. Je pense que c'est une chance et telle est la raison pour laquelle les députés du Nouveau Centre rejetteront la motion de rejet préalable. Cela dit, je le répète, il n'y a pas dans cet hémicycle de députés de second rang ou de seconde zone. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Il n'y a évidemment pas des députés de premier rang et des députés de deuxième rang, mon cher collègue.
Avant de répondre aux différentes mises en cause, je voudrais tout de même rappeler l'essentiel.
Il n'y a pas, monsieur Perben, du côté droit de l'hémicycle, des personnes qui voudraient réformer dans le sens de la décentralisation et, du côté gauche, des personnes qui ne le voudrait pas (« Si ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Pas du tout. Ça, c'est la présentation mensongère qui est faite.
Nous sommes les auteurs de la décentralisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous articulons des propositions, ce fut le cas dans le passé, ce le sera encore au cours du débat et en permanence.
Ce que nous contestons, c'est que, avec le nominalisme qui est souvent la marque de ce gouvernement et de ce régime, on présente comme une réforme ce qui est une contre-réforme, une régression financière, une régression territoriale et une régression démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Par ailleurs, je n'ai entendu aucune réponse aux arguments d'ordre juridique que j'ai présentés. J'ai expliqué, arguments à l'appui, que ce texte était contraire à l'article 1er de la Constitution sur la parité (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC), à l'article 4 de la Constitution sur la parité, à l'article 34 de la Constitution sur le champ même de la loi, à l'article 39 de la Constitution sur les procédures d'impact, à l'article 72 de la Constitution sur les collectivités territoriales. Or je n'ai eu aucune réponse de votre part, monsieur le secrétaire d'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Quant à la question qui a été soulevée, j'ai ici même l'avis de l'assemblée générale du Conseil d'État, qui a été publié sur le site du Point. Il n'y a pas des députés de première zone et des députés de seconde zone, nous avons tous accès à ces documents. Pour mettre fin à ce type de controverse, publiez cet avis ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
C'est inadmissible d'engager une réforme de la décentralisation sans qu'il soit publié !
Je vais terminer en donnant des éléments qui ne peuvent pas être contestés. Je ne sais pas si nous sommes des députés de première ou de deuxième catégorie, mais nous savons tous lire.
Sur le site du Point, et ailleurs, il est écrit que, lors de l'assemblée générale du jeudi 15 octobre 2009, le Conseil d'État, dans ces conditions, a disjointles dispositions du projet relatives au mode de scrutin, ainsi que, par voie de conséquence, l'ensemble des dispositions du projet de loi relatif à la concomitance des élections cantonales et régionales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Or, contestez-le si vous le pouvez, monsieur le secrétaire d'État, le 15 décembre, au Sénat, Journal officiel, page 12 698, vous avez terminé votre intervention en déclarant, pour convaincre les uns et les autres car chacun peut avoir connaissance de nos débats, que ce projet de loi avait fait l'objet d'un avis favorable du Conseil d'État.
Je ne sais pas s'il y a des députés de première ou de deuxième catégorie, mais il y a des secrétaires d'État qui racontent de sacrés mensonges ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Si M. Fabius, il faut le reconnaître, a fait plutôt un bon exposé tout à l'heure, il est dommage qu'il s'énerve après avoir entendu les propos de M. le secrétaire d'État. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Il n'en reste pas moins que son intervention ne correspond pas au texte sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer aujourd'hui. En effet, le projet de loi vise non pas à créer les conseillers territoriaux mais simplement à permettre l'expiration simultanée en mars 2014 des mandats de l'ensemble des conseillers généraux ainsi que des mandats des conseillers régionaux qui seront élus au mois de mars prochain.
Ce texte se contente donc, comme son titre l'indique, d'organiser la concomitance de ces renouvellements. Nulle trace de la création des conseillers territoriaux, nulle trace du mode de scrutin.
Votre intervention, monsieur Fabius, est hors sujet aujourd'hui. Elle correspond à un autre texte qui viendra en discussion dans quelques mois. L'avantage, c'est qu'elle sera déjà faite.
Par conséquent, le groupe UMP votera contre la motion de rejet préalable présentée par le groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Bruno Le Roux.
Pour faire le lien avec l'intervention de Laurent Fabius, je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'État, que soit distribué à la reprise de la séance ce soir, à vingt et une heures trente, l'avis de l'assemblée générale du Conseil d'État. On ne peut en effet continuer à opposer des phrases qui ne seraient pas complètes, qui ne voudraient pas dire la même chose pour les uns ou les autres. Cet avis a été largement évoqué et on voit bien qu'il pose difficulté. Cela permettra d'éclairer nos débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Ces débats pourraient sembler très simples au premier abord, puisque nous avons deux articles, deux dates, mais, quand on prend le temps de réfléchir, ce que je vais essayer de faire ici, c'est tout simplement incompréhensible.
De quoi s'agit-il ? Rien de moins que de réduire d'un tiers le mandat des conseillers régionaux qui seront élus en mars 2010 et de moitié celui des conseillers généraux qui seront élus en 2011.
L'amputation, on le voit, est réelle, de façon qui n'a jamais eu cours dans notre pays. Si l'on regarde d'ailleurs la jurisprudence du Conseil constitutionnel – je demande que ce texte soit renvoyé en commission, mais en partie sur la base d'arguments de nature constitutionnelle –, ce dernier, même s'il est relativement permissif en matière électorale, parle bien d'un motif d'intérêt général, parle bien de ne pas organiser la confusion, ce que vous faites, et précise bien que la décision prise doit avoir un caractère très limité. À chaque fois qu'il y a eu un changement de date pour les modes de scrutin, l'écart a été d'une année au maximum, de quelques mois, de quelques semaines même quand il a fallu simplement passer une élection. Là, l'amputation est réelle, un tiers pour un mandat, la moitié pour un autre, ce qui n'a jamais eu cours dans notre République.
Quelles sont les raisons d'une telle décision ? Bien entendu, vous ne le dites pas, ou vous le dites de façon sibylline.
Il semblerait que le Président de la République, dont il est beaucoup question dans ce débat, se soit entiché d'un nouvel élu, un conseiller territorial, quelqu'un qui sera capable de travailler plus pour représenter moins. Mais je ne crois pas que l'on gagne véritablement au change demain. J'essaierai là encore de le démontrer et de faire renvoyer ce texte en commission pour que nous trouvions les vraies solutions aux problèmes qui se posent aujourd'hui dans nos collectivités territoriales.
Pour la naissance de ce nouvel élu, le Président de la République souhaite un mode de scrutin nouveau, tout juste pensé, jamais utilisé dans notre pays. Pourtant, pour être convaincus, nous étions en première ligne. J'étais très jeune mais je me souviens de réunions du parti socialiste où venait encore Weill-Raynal, on appelait ça le comité directeur à l'époque. Il aurait eu tout le loisir de nous convaincre. Or jamais François Mitterrand n'a été perméable à de tels arguments, jamais les ministres de l'intérieur n'y ont été perméables. Jamais, surtout, nous n'aurions considéré que les citoyens étaient en situation d'accepter un mode de scrutin à l'évidence antidémocratique, je vous le démontrerai.
Vous souhaitez enfin que ce nouvel élu, capable, je le répète, de travailler plus pour représenter moins, exerce, dans une lecture osée de la Constitution, le pouvoir sur deux assemblées avec une seule élection. Votre objectif est d'ailleurs à mon avis qu'à terme, la pratique fasse disparaître l'une d'elle. Le mode d'élection et la pratique, avec ces super-cantons dont je parlerai tout à l'heure et l'existence du conseiller territorial, aboutiront, à terme, à la disparition d'une collectivité, et je vais démontrer en quoi ce n'est pas acceptable. Je pense que c'est la région, qui, aujourd'hui, vous pose un certain nombre de difficultés, que vous avez en ligne de mire, mais, là encore, ce n'est pas acceptable.
Vos intentions sont donc très claires, et nous refusons de considérer ce texte comme une simple mesure d'agenda. Non, il n'est pas simplement question d'organiser l'année 2014. Laurent Fabius a parlé d'engrenage. À l'évidence, c'est le cas, et ce texte prépare un système qui ne permettra pas à la démocratie locale de prospérer, qui ne permettra pas d'engager une nouvelle étape de la décentralisation. C'est la raison pour laquelle je souhaite dire quelques mots sur ce qu'ont représenté et ce que représentent aujourd'hui ces collectivités territoriales.
Ce texte vient après votre réforme de la taxe professionnelle qui, on l'a rappelé, coûtera cher aux ménages et pénalisera les collectivités territoriales. Vous n'avez pas répondu sur les 6 milliards qui seront financés soit par les ménages soit par une baisse du service rendu dans les collectivités locales. C'est une nouvelle double régression, une régression territoriale et une régression démocratique.
Que l'on ne s'y trompe donc pas, ce ne sont pas simplement des collectivités qui seraient touchées : la réforme que vous engagez va toucher au coeur les Français, par une atteinte au service public qui leur sera rendu demain par les collectivités, par la façon dont ils peuvent exercer leur droit de suffrage.
Après le vol d'une partie de leur capacité de suffrage avec le vote de la réforme de la carte électorale pour les élections législatives, vote auquel nous n'avons pas participé tout à l'heure compte tenu de ce qui s'est passé, le mode de scrutin que vous prévoyez aujourd'hui serait, s'il était mis en place, une véritable régression.
J'observe d'ailleurs que vous l'avez souvent appelé un leurre. C'est la raison pour laquelle je vous suggérerai une autre solution tout à l'heure. Vous appelez à la bonne volonté, je vous proposerai un mode de scrutin permettant de respecter la parité et le caractère majoritaire du scrutin, le peuple ayant le sentiment d'être représenté par un élu qui pèse véritablement et qui peut prendre des décisions en son nom.
Je me demande tout de même pourquoi nous en arrivons à toutes ces régressions et à ce démantèlement alors même que nos régions sont très majoritairement gérées par la gauche. Je pense d'ailleurs qu'il s'agit là d'un des éléments qui ont fondé vos réflexions sur les collectivités territoriales.
Certes, il était nécessaire de conduire une réflexion sur les compétences des collectivités, comme l'a fait la commission Balladur. Mais, quand le moment est venu de prendre les décisions, ce n'est pas toujours des considérations de cet ordre qui ont prévalu, mais bien souvent des questions du genre: comment mettre en difficulté les collectivités gérées par la gauche ? Comment les rendre plus dépendantes ? Comment récupérer certaines compétences ?
« Il n'est pas question de recentralisation », souteniez-vous tout à l'heure, monsieur le rapporteur. Pourtant, la dépendance des collectivités est bel et bien une forme de recentralisation. Bien sûr, on peut jouer sur les mots : je ne vois pas l'État, impécunieux comme il l'est aujourd'hui, avec un déficit pareil, chercher à reprendre des compétences qui, au demeurant, de l'avis même de tous nos concitoyens, ont été bien mieux assurées par les collectivités ces dernières années que lorsque l'État en était responsable. Mais le processus de recentralisation dont je parle, ce n'est pas cela : c'est celui qui vise à limiter les marges de manoeuvre, les marges d'expérimentation politique les collectivités, à les cantonner, et, par la suppression de la clause de compétence générale, à leur refuser les moyens de leur développement, les moyens de rendre de nouveaux services dans les territoires.
Cette dépendance organisée avec la suppression de la taxe professionnelle se poursuit avec le texte aujourd'hui soumis au Sénat et dont l'Assemblée nationale sera saisie après les élections régionales. Je forme le voeu, monsieur le secrétaire d'État, puisque vous ne viendrez pas à l'Assemblée avant les élections de mars prochain, que vous liiez le sort du texte sur les collectivités locales au résultat de ces élections.
À l'évidence, les Français qui auront voté, en grand nombre, je l'espère, pour des régions qui feront des propositions permettant d'améliorer la vie quotidienne, n'auront pas plébiscité un mandat qui rogne les compétences et les moyens de ces collectivités, ni un mandat pour leur démantèlement. Si le résultat des élections régionales est clair, nous souhaitons donc que vous sursoyiez à l'adoption de ces mauvais textes et que vous réengagiez une consultation d'ensemble. Les propositions que nous vous ferons durant ce débat vous permettront, je l'espère, de trouver demain de nouvelles voies pour une réforme qui soit véritablement une réforme et non une régression comme ce que vous nous proposez aujourd'hui.
Les régions jouent un rôle fondamental dans notre pays, monsieur le secrétaire d'État,. Laurent Fabius l'a redit : la dette de l'État explose ; or l'endettement des régions représente moins de 1 % de cette dette.
Dois-je rappeler que les régions ont massivement investi pour préparer l'avenir, avec 32 % d'augmentation des investissements, et que cette mobilisation a permis plus de transports collectifs, plus de lycées, plus d'universités, plus de formation, plus d'emplois ?
Est-il nécessaire de rappeler également qu'au moment où vous multipliiez les taxes nouvelles, les régions supportaient le coût des responsabilités que vous leur aviez transférées, et que, malgré cela, les impôts ont très peu augmenté ? Avec une augmentation moyenne de 3 euros par an et par personne dans les régions, nous sommes bien loin des montants des taxes que, depuis sept ans, le Gouvernement fait peser sur les contribuables.
Cela vous fait sourire, monsieur le secrétaire d'État ? Je sais que vous croyez dans la région. Vous êtes d'ailleurs, me semble-t-il, candidat à une présidence de région.
Oui.
Vous ne souhaitez donc pas être amputé de la moitié de votre mandat de conseiller régional. Vous souhaitez au contraire un mandat plein pour pouvoir mettre en oeuvre les mesures dont je viens de parler.
En tout cas, monsieur le secrétaire d'État, bien qu'il ait été dit que les ministres devraient quitter le Gouvernement en cas de victoire, vous avez tout de même été candidat. Je vois cela comme un aveu que la bataille de l'Auvergne sera difficile !
Comment expliquer cette volonté de régression dans la décentralisation, alors même que les collectivités territoriales sont devenues des acteurs publics essentiels dans notre pays ?
Nicolas Sarkozy a rompu avec le consensus qui s'était établi depuis Jean-Pierre Raffarin. Nous avons rappelé que ce sont les socialistes qui, il y a maintenant presque trente ans, ont engagé la décentralisation. J'ai ici une pensée pour Pierre Mauroy, qui a d'ailleurs dit combien la réforme que vous proposiez aujourd'hui était une véritable régression.
Vous vous êtes joints au fil du temps à l'idée de décentralisation, puisque c'est sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, en 2003, que la France a été consacrée comme une République décentralisée. Nous pouvions donc penser que le consensus aurait permis une nouvelle étape de la décentralisation. Eh bien non ! Nicolas Sarkozy a rompu ce consensus national, avec, comme souvent, un diagnostic sans nuance : trop d'élus, trop cher, trop d'échelons de décision. Et l'on assène cela aux Français, en essayant de leur faire croire que chacune de ces affirmations vaut démonstration, alors que la réalité est tout autre !
Le diagnostic est en effet très contestable. Avec 525 000 élus locaux, la France a certes beaucoup d'élus, mais l'immense majorité est constituée de bénévoles. Le coût global de la fonction politique locale s'élève ainsi à 28 millions d'euros, soit 0,01 % des dépenses locales.
Laurent Fabius l'a cité tout à l'heure et je ne résiste pas non plus au plaisir de le faire : faut-il, pour s'essayer aussi à la conjonction du simplisme et du populisme, rappeler au Président de la République, chiffres contre chiffres, que le budget de l'Élysée atteint cette année 112 millions d'euros ? (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Les frais de personnel de la présidence, qui se montent à 70 millions d'euros, sont deux fois et demi supérieurs au coût de tous les élus locaux de la République. Par conséquent, lorsque le Président affirme qu'il y a trop d'élus et que cela coûte trop cher, c'est toujours deux fois et demi moins cher que les frais de personnel de la présidence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Le service rendu n'est d'ailleurs pas le même pour les Français.
Un jour, à force de simplisme, il se trouvera quelqu'un pour vouloir supprimer le Président de la République, si nous raisonnons ainsi. Je pense donc qu'il faut se garder des simplismes sur ces questions.
Autre idée présidentielle, toujours simple, populiste, mais fausse : celle qui a trait au nombre de niveaux de collectivités. Dans les grands États européens, il y a trois niveaux de collectivités, correspondant à nos communes, départements et régions. Il n'y donc aucune exception française dans cette architecture.
La France aurait-elle, alors, trop de collectivités pour chacun de ces niveaux ? Là encore, la majorité des régions et des départements français sont, au regard de la population, dans la moyenne européenne.
Notre vraie spécificité réside dans le nombre de nos communes : 36 700, c'est-à-dire plus que la totalité de nos partenaires de la zone euro. La question n'est pas celle des départements ni des régions. Elle pourrait être posée pour les communes ; elle ne pas l'a été jusqu'à présent, sauf avec le mouvement d'intégration dans les communautés d'agglomération et communautés de communes, qui va dans le bon sens.
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'État, la création du conseiller territorial n'a guère de sens. On fusionne 6 000 conseillers généraux et régionaux alors qu'on laisse de côté 519 000 élus municipaux ! Votre réforme n'est porteuse d'aucune économie de gestion. Pire, elle entraînera même des dépenses nouvelles dans les collectivités. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je n'aurai pas la mesquinerie de les détailler.
Surtout, ce rapprochement, cette mise sous tutelle avant étouffement de l'un des échelons, est une erreur au regard du schéma territorial français.
Dans notre schéma territorial, il y a fondamentalement deux niveaux. Le premier est celui de la stratégie. Il va de l'Europe à la région, en passant par l'État. La région est aujourd'hui l'échelon de mise en oeuvre des politiques stratégiques et économiques et des politiques de grands équipements, également initiées par l'État et l'Europe.
Le second niveau est celui de la proximité. Il va du département à la commune, en passant par l'intercommunalité. Le département est ainsi l'échelon de solidarité, sociale et territoriale, des politiques de proximité.
Départements et régions ont un rôle différent et le mode d'élection de leurs élus est en phase avec ces rôles. Le conseiller général est élu sur un canton. Il représente son territoire au sein du département. Il veille à la solidarité financière du département au profit des communes de son canton.
À l'inverse, le conseiller régional, que vous vous apprêtez à devenir et que vos amis appellent parfois « un OVNI », est élu sur une liste. Il n'a pas un grand rattachement territorial, mais il peut faire des choix stratégiques, pour les transports, pour la recherche, pour les pôles de compétitivité... C'est une indépendance qui lui est donnée et lui permet de prendre des décisions à l'abri de certaines pressions ou des contingences d'aménagement de la salle de spectacle du village, qui représentent une grande partie des demandes faites au conseiller général local.
Par conséquent, la création de ces « super-cantons territoriaux », où sera élu ce que vous souhaitez être le nouveau conseiller territorial, alignera le mode de fonctionnement du conseiller régional sur celui du conseiller général. Il transformera le premier en chasseur de primes pour son canton, et la politique régionale sera alors menacée de saupoudrage, pour répondre aux exigences de ces conseillers territoriaux. Les investissements stratégiques céderont la place aux cofinancements : moins de transports pour plus de salles de spectacle… On le voit, l'ambition du Gouvernement n'est pas très grande.
Tout cela suffit, je pense, à démontrer la dimension électoraliste de la réforme du Gouvernement. Cette réforme peut d'ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, vous amener à procéder à un nouveau redécoupage. Je rejoins donc à nouveau ce que disait Laurent Fabius : nous ne souhaitons pas que vous procédiez demain à un découpage général des cantons de notre pays.
Peut-être ce redécoupage ne vous permettrait-il d'ailleurs pas de faire tout ce que vous avez fait avec les circonscriptions. Il est vrai que la jurisprudence du Conseil d'État sur le redécoupage législatif est aujourd'hui un peu plus fine que celle du Conseil constitutionnel…
Pour autant, nous ne pouvons accepter l'idée qu'une fois de plus, ce soit rue de la Boétie, au siège de l'UMP, et ensuite, pour finir, dans votre ministère, qu'aient lieu les arbitrages, comme cela s'est fait pour un certain nombre de départements ces dernières années. Heureusement que le Conseil d'État vous a forcés à revoir votre copie !
Monsieur le secrétaire d'État, pour avoir vu la façon dont s'est passé le redécoupage législatif, je peux vous dire que personne ici – sur les bancs de l'opposition en tout cas : sur les bancs de la majorité, je pourrais le comprendre, puisqu'ils sont toujours gagnants dans cette affaire – ne veut d'un mode de scrutin qui vous permette d'exercer une nouvelle fois ce qui, pour nous, n'est nullement un talent mais quelque chose d'anormal en démocratie : je parle de la capacité d'avantager son camp en essayant de faire des circonscriptions qui donnent plus facilement la majorité à la droite qu'à la gauche. Autrement dit, nous ne souhaitons pas un redécoupage général des cantons.
Je dirai deux mots du mode de scrutin retenu, proprement aberrant. J'espère qu'il s'agit d'un leurre… Je ne vois pas qui pourrait être en situation de l'accepter. Je regrette d'ailleurs qu'entendant un certain nombre de voix s'élever, le Gouvernement n'ait rien trouvé de mieux que de confier à une commission mixte UMP, composée de députés et de sénateurs, tous UMP, le soin de réfléchir à une évolution de ce mode de scrutin. Cette façon de tripatouiller la démocratie n'est pas acceptable.
Il s'agit d'un groupe de travail interne !
Quand il s'agit de travailler sur la grippe ou les questions de santé, le Gouvernement préfère aussi un groupe de travail interne à l'UMP, plutôt qu'une mission d'information ou une commission d'enquête à l'Assemblée ! Quand on veut parler des modes de scrutin, dans une démocratie apaisée, on essaie de réunir des députés de la majorité et des responsables des partis de l'opposition pour qu'ils discutent de la meilleure représentation des territoires et des élus. Mais non, vous préférez créer un groupe de travail interne !
Nous vous avions proposé des réunions concernant les circonscriptions législatives, mais Martine Aubry vous a interdit d'y participer !
Ce groupe aurait pu être autre chose mais, malheureusement, nous n'avons reçu, à ma connaissance, aucune invitation du Gouvernement à participer à un groupe de travail pluraliste sur l'évolution des modes de scrutin. Cela aurait été d'ailleurs étonnant, car la tradition veut que cela se passe à l'UMP, avec l'UMP, que le texte arrive à l'Assemblée pour être imposé par un vote majoritaire et que l'opposition n'ait rien à dire. Je regrette, encore une fois, que vous fassiez prévaloir ce type de comportement.
J'en viens à quelques arguments justifiant le renvoi en commission,…
…puisque M. Perben attend de savoir ce sur ce quoi nous allons travailler ces prochains jours.
D'abord des arguments de type constitutionnel : le texte que vous nous proposez est le corollaire d'une réforme qui n'existe pas. Nous ne pouvons donc décemment en discuter. Il n'a d'existence que ramené à des projets de loi qui viendront en discussion dans plusieurs semaines et ne sont donc pas encore adoptés. Par définition, le Parlement aura le droit de les rejeter ; j'espère qu'il le fera. De même, ces textes n'existant pas, le Conseil constitutionnel les ignorera tout autant.
Cela plaide pour un travail plus approfondi. Rien ne justifiait donc le recours à la procédure accélérée. Encore une fois, je souligne l'impréparation, l'improvisation, la mauvaise gestion du calendrier avec, au final, l'absence du temps pour débattre. Mais il se peut que l'exercice n'ait pour but que de contraindre la majorité à voter sans débat ce texte avant les élections régionales – nous y sommes habitués. Pourtant, monsieur le secrétaire d'État, après le rapport de la commission Balladur, vous disposiez largement du temps nécessaire pour présenter un texte dans d'autres conditions que dans la situation d'urgence où vous nous placez aujourd'hui.
Je reviens quelques instants à la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de calendrier électoral, qui pose des principes qui semblent vous avoir échappé. Cela nécessite donc de votre part, là encore, un travail plus global et plus précis.
Les changements de calendrier doivent d'abord être motivés par un objectif d'intérêt général. Le législateur peut, certes, justifier une modification du calendrier pour la poursuite d'objectifs divers : la lutte contre l'abstention – comme en 1990 –, ou encore pour éviter le chevauchement d'élections différentes – comme en 1995 ; mais le Conseil constitutionnel exige toujours la poursuite d'un objectif de cet ordre. Or, dans le cas présent, l'objectif se résume à la création virtuelle et hypothétique du conseiller territorial qui reste à venir. Personne – les onze membres du Conseil constitutionnel encore moins que personne – ne peut aujourd'hui préjuger du contenu de textes qui ne sont pas encore votés. Au demeurant, les assemblées étant souveraines, rien ne garantit que les autres textes seront votés, surtout après les prochaines élections régionales ! Nous espérons que ce qui vous aura été signifié par les Français vous poussera à abandonner votre réforme, ou plutôt votre contre-réforme, des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Non, mon cher collègue, il ne s'agit pas pour nous de nous bercer d'illusions, mais simplement de faire campagne. On vous demande d'ailleurs de faire de même, c'est-à-dire d'aller défendre sur le terrain cette réforme des collectivités territoriales.
Nous, nous défendrons exactement la position contraire, et plus vous cautionnerez cette réforme, plus nous l'attaquerons, et plus le résultat sera clair quand la session reprendra après les régionales.
Faites le maximum de campagnes sur ce sujet : cela permettra ensuite d'éclairer le débat dans l'hémicycle.
S'agissant toujours des changements de calendrier, le Conseil constitutionnel précise aussi qu'ils sont tolérés s'ils demeurent limités.
Or là, nous avons manifestement un autre argument qui, si vous persistez, conduira le Conseil à vous censurer : celui de l'importance de la réduction des mandats prévue. À cet égard, le Conseil constitutionnel justifiait, en 1994, la constitutionnalité de la modification du calendrier électoral au motif « que cette prorogation et par suite la réduction du mandat des conseillers municipaux à élire a été limitée à trois mois et revêt un caractère exceptionnel. » En 1995, c'est aussi de trois mois que la loi a réduit le mandat des conseillers municipaux. Un auteur qui fait autorité expliquait ainsi dans un recueil de droit la décision du Conseil : « Ce n'est pas tant l'existence d'une différence de situation entre conseillers municipaux ou la poursuite par le législateur d'un but d'intérêt général, mais avant tout le fait que la mesure contestée ait été limitée à trois mois et revête un caractère exceptionnel. » il y a d'autres exemples : en 1988, le mandat des conseillers généraux fut prolongé de six mois et, en 1990, celui des conseillers généraux de la série renouvelée en 1985 le fut d'un an ; en 1972, 1988 et 1996, les élections cantonales ont été repoussées de quelques mois ; en 2005, les mandats des conseillers municipaux et des conseillers généraux étaient allongés d'une année. Je pourrais citer d'autres dates : à chaque fois, la modification de la durée du mandat allait de quelques semaines à une année maximum. Aujourd'hui, vous souhaitez nous faire valider, sans raison objective connue, une réduction des mandats des conseillers régionaux de deux ans, c'est-à-dire d'un tiers, et des conseillers généraux de trois ans, c'est-à-dire de moitié ! Dans cette amputation des mandats, le caractère « limité » ne saute pas aux yeux !
Enfin, dernier argument de constitutionnalité concernant les changements de calendriers : ceux-ci ne doivent pas créer, dans l'esprit des électeurs, une confusion avec d'autres consultations électorales. Jusqu'à présent, les modifications du calendrier électoral avaient souvent pour but d'éviter que trop d'élections aient lieu à la même période. C'est ce souci qui nous faisait décider de tels changements. Ainsi, le Conseil constitutionnel pouvait donc constater que ces lois permettaient d'éviter une confusion dans l'esprit des électeurs. Avec ce projet, c'est exactement l'inverse qui est organisé puisque la modification aboutirait à ce que les deux élections, cantonale et régionale, soient confondues. Le juge constitutionnel ne pouvant juger la loi qu'au regard de ce qu'elle dit et non au regard de celles que vous prévoyez par la suite. De ce point de vue, la confusion est à son comble : en 2014, et le Conseil le sait fort bien, il y aurait les élections cantonales, les élections régionales et les élections municipales ! Ce que vous nous proposez aujourd'hui n'est que source de confusion compte tenu du calendrier que nous connaissons puisque le texte vise à organiser toutes ces élections dans une période de quelques semaines. À moins que vous nous disiez qu'un nouveau texte viendra modifier une des deux dates des élections régionales et cantonales – ce qui suppose que le conseiller territorial ne sera pas encore créé – ou pour déplacer la date des municipales. Mais aujourd'hui, vous créez la confusion dans l'esprit des électeurs en organisant sur la même période, par un simple jeu de changements de dates dans votre projet de loi, trois élections importantes pour les Français : les élections municipales, régionales et cantonales. Je le maintiens : il y a là un facteur de confusion à l'évidence majeur.
Aussi serait-il sage que vous retiriez ce texte pour revenir plus tard, selon l'ordre chronologique normal, après l'examen d'autres textes, et en justifiant un motif d'intérêt général qui, pour l'heure, n'existe pas !
À l'instar du faussaire qui cherche à toute force à vendre son produit, vous expliquez que, même si le conseiller territorial n'était pas institué, on pourrait néanmoins sans inconvénient conserver la date prévue dans ce texte pour les élections régionales et cantonales ! Là encore, votre « rationalisation » rime avec confusion… Et le Conseil constitutionnel ne s'y laissera pas prendre.
Vos deux articles posent encore de nombreux autres problèmes, monsieur le secrétaire d'État. Je ne souhaite pas les détailler tous à cette heure, mais je note, dans votre exposé des motifs, la mise en place de la tutelle d'un niveau de collectivité sur un autre. Quant à la remise en cause de la clause de compétence générale, elle reviendra longuement dans nos interventions car elle constitue à l'évidence un autre motif d'inconstitutionnalité. En effet, la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, mais surtout la ratification, en 2006, de la Charte européenne de l'autonomie locale, sont de nature à interdire toute remise en cause de la clause de compétence générale. À l'évidence, il y a dans votre projet de loi plusieurs éléments d'inconstitutionnalité, qu'il s'agisse de la création des conseillers territoriaux, de la suppression de la clause de compétence générale ou encore de la mise sous tutelle de collectivités. Si nous souhaitons aboutir à un consensus, plutôt souhaitable en ce genre de matière, il faut revenir sur tous ces points.
Je vais terminer en abordant votre mode de scrutin, parfaitement incompréhensible.
À chaque fois que l'on évoque le mode scrutin, toute la majorité baisse la tête en disant : « N'en parlez pas ! Ce n'est pas dans le texte ! » Mais nous sommes bien obligés d'essayer de le comprendre pour mieux répondre demain à nos électeurs qui nous demanderont comment seront élus les futurs conseillers territoriaux.
Dans le projet de loi qui viendra en discussion, 80 % des élus seraient désignés au suffrage uninominal et 20 % au suffrage proportionnel. Comment seraient choisis ces 20 % élus au suffrage proportionnel ? La réponse nous est fournie dans le futur article L. 190-6 du code électoral : « La répartition des sièges entre les listes s'effectue à la représentation proportionnelle suivant la règle du plus fort reste, en fonction du nombre de suffrages obtenus dans chaque canton – écoutez bien, mes chers collègues, car c'est là que les choses se compliquent singulièrement – par ceux des candidats non élus au mandat de conseiller territorial. » Autrement dit, il s'agit d'une proportionnelle totalement faussée puisque ne sont pris en compte que les votes exprimés en faveur de ceux qui n'auront pas été élus au suffrage uninominal. Cela ne va pas être facile à expliquer aux électeurs de nos départements… Je pressens même qu'un tel dispositif entraînera des comportements totalement schizophrènes chez celui qui tiendra à faire quelqu'un mais qui, en même temps, se demandera sur qui faire porter son suffrage pour avoir la certitude de voir son candidat siéger à l'assemblée départementale ! Jusqu'au moment d'entrer dans le bureau de vote, des électeurs vont venir nous voir pour essayer de comprendre comment les choses peuvent se passer… Ce n'est pas de bonne démocratie que d'avoir un mode de scrutin aussi tordu et obscur...
… dans la mesure où les conseillers territoriaux élus à la proportionnelle le seront grâce aux suffrages qui ne se seront pas portés sur eux pour être élus au mandat de conseiller territorial ! Dans le vocabulaire gouvernemental, cela s'appelle des « suffrages utilement exprimés » ; dans le nôtre, cela s'appelle un hold-up sur la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Quand on n'est pas capable d'expliquer clairement aux citoyens la façon dont vont être élus leurs représentants, il n'y a pas d'autres mots pour qualifier un tel dispositif.
Connaissant votre sensibilité particulière à l'égard du Conseil d'État, je ne résiste pas donc à vous citer ce qu'il écrit à ce sujet, pour vous donner une nouvelle fois l'occasion de lui répondre : « Le mode de scrutin retenu n'apparaît pas de nature à garantir l'établissement d'une majorité stable [et il] peut, en outre, permettre qu'une liste ayant recueilli au niveau régional moins de voix qu'une autre puisse néanmoins obtenir plus de sièges qu'elle… ».
Cette analyse n'émane pas de l'assemblée générale du Conseil d'État, mais je vous la livre parce que je la partage et qu'elle a été formulée par des juristes particulièrement intelligents. Si l'assemblée générale ne l'a pas retenue, cela ne veut pas dire qu'elle considérait l'analyse erronée. Cet avis sur le mode de scrutin est le fruit de la réflexion de gens tellement au fait de ces questions que je suis persuadé qu'ils ont raison : une liste ayant recueilli au niveau régional moins de voix qu'une autre pourrait néanmoins obtenir plus de sièges qu'elle. J'ai vérifié : à l'évidence, ce cas de figure est possible demain avec votre mode de scrutin totalement incompréhensible.
Je rappelle les propos tenus par le Président de la République alors qu'il était simple ministre, le 9 avril 2003, au Sénat, au sujet d'un texte sur l'élection des conseillers régionaux. Il s'interrogeait sur les modes de scrutin, et exprimait tout haut sa réflexion qui n'était pas encore présidentielle : « Le scrutin le plus simple, c'est incontestablement le système anglais : scrutin uninominal majoritaire à un tour. Il est d'une simplicité biblique… mais d'une brutalité sauvage ! » Et d'ajouter : « La simplicité n'est pas le gage de la démocratie et la complexité n'est pas l'ennemi de cette même démocratie. Et il convient de dire que, dans nos démocraties complexes, un mode de scrutin, pour préserver des réalités du territoire qui peuvent être contradictoires, a besoin d'une dose de complexité. La simplicité est souvent brutale tandis que la complexité permet souvent l'expression plus nuancée de la démocratie. Il m'a donc semblé intéressant de rappeler que ce n'était pas nécessairement le plus simple qui était le plus démocratique. » Mais souvent, Sarkozy varie… Nous le voyons avec le mode de scrutin qui nous est proposé aujourd'hui.
Son opinion, qui était juste, est à rapprocher de l'analyse faite récemment par un grand quotidien du soir qui montre comment le nouveau mode de scrutin est bâti uniquement pour le bénéfice de l'UMP. Je ne citerai que son éditorial : « Ce nouveau mode de scrutin, inédit en France, est le résultat d'un choix politique, en réponse aux difficultés de la majorité à remporter les seconds tours, alors qu'à l'heure actuelle l'UMP arrive souvent en tête au premier tour face à une gauche divisée. » L'analyse de l'éditorialiste est très juste.
Faut-il en citer encore une autre ? Le directeur de l'Observatoire de la vie politique et parlementaire, quant à lui, considère qu'il s'agit d'une « dangereuse dérive d'accaparement du pouvoir par un parti unique. » Cela ferait bondir si l'opposition tenait de tels propos et, pourtant, voilà le constat des observateurs.
Même au bureau politique de l'UMP, nos collègues Baroin et Copé sont réservés, et vous-même, monsieur le rapporteur, avez dit : « Le Gouvernement propose un tour, un certain nombre de parlementaires dans la majorité comme dans l'opposition sont interrogatifs sur le fait de passer à un seul tour. » Je salue là votre clairvoyance, mais il conviendrait de nous expliquer très rapidement comment vous souhaitez résoudre ce problème : car si le secrétaire d'État parvient à faire voter sa réforme, ce sera, en 2014, l'élection du conseiller territorial à un tour, dans le cadre d'un mode de scrutin incompréhensible.
C'est ce paquet que nous vous demandons de renvoyer en commission. En dehors du débat général sur les collectivités territoriales et sur la troisième étape de la décentralisation – que nous souhaitons –, nous vous ferons des propositions.
Voter ces deux articles reviendrait, en 2014, à élire un conseiller territorial en un seul tour. Ce mode de scrutin, impossible à expliquer à nos concitoyens, vous serait favorable, mais nous verrons bien ce qui se passera lors des résultats.
Autant de motifs, monsieur le secrétaire d'État, qui justifient le renvoi de ce texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur Le Roux, si vous le permettez, je vais revenir à notre texte, puisque c'est sur lui, et seulement sur lui, que porte votre demande de renvoi en commission. Je voudrais souligner qu'il se justifie par lui-même, sans qu'un autre soit nécessaire pour asseoir son existence et sa pérennité. S'il était décidé demain de se passer de conseillers territoriaux, ce texte resterait parfaitement valable et serait appliqué en 2014.
Il présenterait du reste de nombreux avantages : après vingt-cinq ans d'expérience politique locale, je suis convaincu qu'il serait positif d'avoir d'abord les élections nationales – présidentielles et législatives – puis, en milieu de mandat, l'ensemble des élections locales – cantonales, régionales et municipales. Nous y gagnerions en clarté.
Cher collègue, on a le droit d'évoluer ! Cela vous arrive aussi, si j'en crois certains propos sur la retraite à soixante ans. Je peux aussi évoluer au sujet du rythme des élections locales.
Je pense que ce texte se justifie par lui-même et je ne vois pas ce qu'un renvoi en commission apporterait de plus que la discussion que nous avons eue. Celle-ci a été un peu rapide, je le reconnais, mais avouez que ce n'était pas de mon fait : cela tenait tout simplement à une certaine absence d'intervention des commissaires de la commission des lois, en particulier de ceux de l'opposition.
Et surtout à l'absence d'intervention du secrétaire d'État qui n'a rien dit ! C'était le muet du sérail !
Je l'ai observé, constaté. Vous m'avez posé quelques questions auxquelles j'ai répondu. Cela a été relativement rapide ; j'en ai conclu que le texte avait été compris et qu'il n'exigeait pas davantage de travaux en commission.
Vous avez aussi évoqué la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Je vous rappelle que lorsque le législateur a décidé d'écourter de deux ans le mandat des conseillers généraux, son intervention a été validée. Ce texte propose donc quelque chose d'assez peu différent de ce qui a d'ores et déjà été validé par le Conseil constitutionnel.
Madame la présidente, voilà les deux points qui me paraissaient devoir être rappelés en réponse à l'intervention de M. Le Roux. Je me suis contenté, bien entendu, de ne parler que du texte en cours de discussion.
Enfin des explications sur le mode de scrutin ! Qu'a dit le Conseil d'État ?
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, j'ai entendu l'intervention brillante et bien structurée de M. Le Roux. Son propos était excellent, comme d'habitude. Il me permettra toutefois de ne pas partager ses conclusions.
Premièrement, vous reprochez à notre texte, monsieur Leroux, de vous conduire à débattre d'une réforme électorale dont les modalités ne sont pas connues.
Il ne s'agit pas, comme vous l'avez soutenu, d'adopter dès aujourd'hui le principe du conseiller territorial et de se prononcer sur les modalités de son élection. En revanche, il s'agit de ne pas l'interdire. Nous avons bien compris que votre but est d'empêcher la création de cet élu. Vous n'en voulez pas, alors qu'il apporterait une simplification et jouirait d'une plus grande légitimité que le conseiller régional actuel.
Vous n'êtes pas le juge de la légitimité des élus, monsieur le secrétaire d'État !
Les modalités de la réforme électorale, telles que les propose le Gouvernement, sont connues : elles figurent dans le projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux, déposé au Sénat en même temps que la réforme proprement dite.
Mais si elles sont connues, elles ne sont pas figées pour autant. Le Président de la République et le Gouvernement ont d'ores et déjà annoncé à maintes reprises qu'ils étaient ouverts à des modifications de ces modalités d'élection.
Un groupe de travail interne à la majorité fonctionne. Montez-en un autre, faites des propositions ! Si vous le souhaitez, nous débattrons alors à partir des conclusions de ces groupes de travail de la majorité comme de l'opposition.
J'espère que Mme Aubry n'y trouvera rien à redire, car elle n'est pas du genre à faciliter ce type de démarches républicaines qui sont pourtant nécessaires dans notre démocratie. Pour ma part, je suis prêt à débattre, avec vous ou avec la délégation que vous voudrez, des conditions de ce mode de scrutin.
Il n'est donc pas plus nécessaire de connaître dès à présent la délimitation des nouveaux cantons, laquelle dépend évidemment de leur nombre comme du mode de scrutin qui sera retenu pour l'élection des conseillers territoriaux.
Vous estimez, monsieur le député, que cette délimitation doit être connue du législateur. Mais je vous pose la question sincèrement : les gouvernements socialistes ont-ils pris autant de précautions…
Cessez de recourir à cet argument ! C'est vous qui gouvernez ! Nous sommes en 2010 !
…lorsqu'ils ont procédé, en 1981, 1982, 1983, 1984, 1985, 1990, 1991, 1992 et 1993 à 136 redécoupages cantonaux, alors que les gouvernements se réclamant de la majorité actuelle n'en ont effectué que moins d'une dizaine.
Vos gouvernements avaient-ils seulement pris la peine d'informer la représentation nationale sur la nouvelle délimitation des cantons, adoptée à toute vitesse quelques mois avant les élections ? Personnellement je n'en ai pas le souvenir.
Pour ce qui est du mode de scrutin, messieurs les députés Le Roux et Fabius, je vous enverrai un exemplaire dédicacé du programme du PS de 1972…
…qu'on a trouvé rue de Solférino. À l'initiative de M. Weill-Raynal, qui s'inspirait lui-même de M. Léon Blum – voyez que nous avons d'excellentes références –,…
… il avait été adopté par la direction de votre parti. Je vous ferai parvenir ce document.
Monsieur le député, je me permets de vous préciser que le rapport Vedel, commandité par le président François Mitterrand en 1993, parvenait à la même conclusion. Je vais aussi le faire distribuer.
Deuxième observation : la ventilation du contenu de la réforme des collectivités territoriales en quatre textes, dont l'un est purement technique, n'empêche aucunement d'apprécier la portée de la réforme dans sa globalité. Les quatre textes concernant la réforme des collectivités territoriales ont été déposés devant le Sénat. Le Parlement est donc parfaitement informé de l'ensemble du projet gouvernemental.
Troisième observation : les dispositions du projet de la loi électorale relatives à la répartition et au mode d'élection des conseillers territoriaux sont parfaitement claires. Le nombre des conseillers territoriaux est mentionné dans l'exposé des motifs ; leur mode d'élection est précisément décrit ; les principes devant présider à la détermination par voie d'ordonnance du nombre de conseillers territoriaux par département et région sont parfaitement indiqués.
Quatrième observation : le texte examiné aujourd'hui vous est présenté avant les autres, car le Gouvernement souhaite que, dans l'hypothèse où ils seraient institués, les conseillers territoriaux puissent être élus pour la première fois au mois de mars 2014.
Je vous ai expliqué longuement les raisons du choix de cette date. Pourquoi reprocherait-on au Gouvernement de refuser d'attendre six ans avant de mettre en oeuvre une réforme qu'il considère urgente et nécessaire pour notre pays ?
Cinquième observation : dans sa décision du 6 décembre 1990, relative à une loi qui organisait déjà la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux…
…le Conseil constitutionnel a jugé que la réduction de la durée du mandat des conseillers généraux élus en 1994 n'était pas contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales. Cet argument qui revient souvent et le Conseil constitutionnel lui-même l'a démonté.
Telles sont, rapidement résumées, les raisons pour lesquelles je vous demande, mesdames et messieurs les députés, de rejeter la demande de renvoi en commission présentée par le groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Dans les explications de vote, la parole est à M. Maurice Leroy, pour le groupe Nouveau Centre.
Si momentanément nous revenions au texte, ce serait assez plaisant. Que dit le projeet qui nous est soumis ? Nous avons parlé de beaucoup de choses, mais pas vraiment de cela. Or c'est là-dessus qu'il nous faut légiférer.
Le texte dit précisément que le mandat des conseillers généraux qui seront renouvelés en 2011 ne durera que trois ans, et que le mandat des conseillers régionaux que nous allons élire sera ramené de six à quatre ans. Point final.
Pour le reste, on ne peut rien affirmer, comme l'illustre l'exemple de la réforme de la taxe professionnelle : le texte définitif n'a plus rien à voir avec le projet initial déposé par le Gouvernement – et c'est heureux ! Mouvements sur les bancs du groupe SRC.) Mes chers collègues, au lieu de vociférer, demandez la parole à la présidente, elle vous la donnera avec plaisir ! Ne vous en privez pas !
Premier élément : ce texte ne dit que cela ; il a sa logique propre. Pour le reste, j'ai écouté attentivement Bruno Le Roux qui ne manque pas de talent – comme le secrétaire d'État l'a dit –, et qui, de surcroît, connaît bien ces questions.
Philippe Folliot les connaît aussi parfaitement bien, pour les mêmes raisons d'ailleurs !
Je trouve la situation plaisante. Sincèrement, nous sommes à front renversé, et j'y reviendrai, preuves à l'appui !
Si vous voulez que je vous fasse une conférence, un jour, sur le moment où j'ai traversé la mer Rouge, cela ne me pose aucun problème ! On peut faire cela à la buvette, de façon sympathique, quand vous voulez !
Nous sommes à front renversé car c'est vous qui, dans des temps pas si éloignés, souhaitiez un renouvellement des conseils généraux en une seule fois. Vous devriez donc voter ce texte des deux mains, parce que c'est ce que vous demandiez à chaque fois. À l'inverse, la majorité n'en voulait pas, arguant que cela risquait de politiser les scrutins – argument assez plaisant pour qui veut faire preuve d'un tant soit peu d'honnêteté intellectuelle.
Dernier élément : si un Gouvernement pouvait à l'avance déterminer le résultat d'une élection grâce à une loi électorale, franchement, chers collègues et néanmoins amis républicains, cela se saurait !
Même Alain Marleix n'est pas capable de faire cela ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il ne m'en voudra pas de le dire. Pourtant, il est aussi connaisseur que Bruno Le Roux !
Les choses sont simples : Bruno Le Roux a beaucoup évoqué la loi électorale législative. Faut-il lui rappeler qu'avec la même loi et le même découpage depuis 1986 – jamais mis en cause –, cet hémicycle a connu toutes les majorités possibles, et dans tous les sens ?
Bref, si la loi électorale faisait l'élection, cela se saurait depuis belle lurette !
L'enjeu, beaucoup plus simple, est de rétablir les mandats de quatre et trois ans : voilà une mesure que vous devriez voter comme un seul homme. Finalement, l'actuelle majorité fait ce que vous avez toujours demandé : le renouvellement en une seule fois des conseils généraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Patrick Roy, pour le groupe SRC. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mon coeur frémit en entendant ces marques d'impatience de l'autre côté de l'hémicycle : j'espère les satisfaire !
À la surprise générale, mon groupe votera l'excellente motion défendue, avec un talent que M. Leroy a lui-même reconnu, par Bruno Le Roux. M. le secrétaire d'État et M. le rapporteur essaient de nous faire croire depuis le début de la discussion qu'il s'agirait d'un petit texte que nous pourrions voter dans une belle unanimité, un peu à la va-vite et sans que nos concitoyens y aient jeté les yeux ; mais, comme Bruno Le Roux l'a parfaitement démontré, il est sans équivalent dans l'histoire de la Ve République. Si l'on a souvent modifié la durée des mandats, ce ne fut que de quelques semaines, de quelques mois ou d'un an tout au plus. Mais ici, mazette ! Je sais lire : dans les régions, la réduction prévue est de deux ans, soit un tiers du mandat actuel ! Et pour les départements c'est encore pis, puisque, comme j'en parlais il y a quelques instants avec le président du conseil général du Nord, la durée du mandat sera divisée par deux !
M. le rapporteur s'est également évertué à nous faire croire que le projet dont nous discutons est totalement déconnecté des textes à venir. J'ai beaucoup de respect pour son travail, bien que je ne partage pas ses idées, mais je me suis dit : heureusement que Pinocchio est une fiction ! Sinon, le nez du rapporteur serait à coup sûr venu chatouiller le président du groupe SRC, pourtant assis à plusieurs bancs de distance ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Le sourire que je vois s'afficher sur le visage de notre rapporteur est la meilleure preuve que je dis vrai…
Oui, monsieur le rapporteur, ce texte est, à l'évidence, totalement lié à votre véritable intention : la création du conseiller territorial. Vous avez donc été un peu hypocrite – comme M. le secrétaire d'État, d'ailleurs.
Essayant de justifier la réforme, vous avez développé moult arguments, à commencer par celui de la belle économie, en ces temps de difficultés budgétaires, qu'induirait la réduction de 6 000 à 3 000 du nombre des élus locaux. Mais, sur ce sujet, Laurent Fabius et Bruno Le Roux ont rappelé les dépenses de l'Élysée : s'il y a de vraies économies à réaliser, c'est plutôt de ce côté-là qu'il faut chercher !
L'un des aspects les plus choquants du texte, hormis les nombreuses difficultés à prévoir sur le plan de la parité, tient au caractère totalement incompréhensible du futur mode de scrutin. Lorsque j'enseignais en école primaire… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Eh oui, chers collègues : c'est un bien joli métier ! (Mêmes mouvements.)
Vous constatez, madame la présidente, que la droite m'empêche de parler...
Je vous invite d'autant plus, monsieur Roy, à apprécier les interventions dans le silence…
Pour qu'une démocratie fonctionne, disais-je, les électeurs doivent comprendre le sens et les contours de l'élection. Cela explique d'ailleurs le succès de l'élection présidentielle auprès de nos concitoyens, élection simple dont ils comprennent bien le sens, ainsi que, dans une moindre mesure, celui de l'élection municipale.
En l'occurrence, j'ai essayé d'expliquer le mode de scrutin proposé après me l'être moi-même fait expliquer par deux fois : c'est totalement incompréhensible !
Pour terminer sur ce sujet, monsieur le secrétaire d'État, j'ai une question à vous poser car je n'ai pas tout compris. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous êtes un esprit éclairé, monsieur le secrétaire d'État ; vous allez donc pouvoir me répondre, ce que mes collègues, même les plus éminents d'entre eux, n'ont pas su faire.
Les élections des futurs conseillers territoriaux se feront dans le cadre du territoire pour 80 % des sièges à pourvoir et à la proportionnelle pour les 20 % qui restent. Au cas où, pour une raison ou une autre, l'élection d'un conseiller territorial est invalidée par le juge de l'élection, que deviendront les élus à la proportionnelle ? L'élu dont l'élection a été invalidée, qui de vainqueur devient ainsi vaincu, ne sera en effet pas pris en compte ; quid, dès lors, de la représentation proportionnelle ? Je le répète, même mes collègues les plus éminents ont ouvert des yeux hagards lorsque je leur ai posé cette question. Mais M. le secrétaire d'État, lui, connaît parfaitement le sujet, et il ne manquera pas de nous éclairer dans quelques instants. La question est d'importance, car nous devons comprendre ce que nous ferons lorsque nous entrerons dans l'urne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Comme M. Fabius, monsieur Le Roux, vous êtes hors sujet. Vous avez développé des arguments qui s'appliquent à des textes dont nous ne discuterons que dans quelques mois. Vous aurez alors l'occasion d'exposer les raisons de votre opposition.
Mais, aujourd'hui, nous examinons un tout autre texte consacré à la concomitance du renouvellement des mandats, dont les deux articles, guère compliqués, ne nécessitent pas des heures d'explication. Adopter le présent texte ne préjuge d'ailleurs en rien de notre futur vote sur les trois autres projets de loi.
Il n'est donc pas nécessaire de renvoyer le texte en commission ; c'est pourquoi le groupe UMP votera contre cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Je veux revenir sur une affaire d'importance, qui concerne la première chose que j'ai demandée au Gouvernement tout à l'heure ; je suis donc prêt à considérer que cette intervention ne relève pas de la motion de renvoi en commission. Pourrons-nous avoir, lors de la reprise de nos travaux à vingt et une heures trente, l'avis exhaustif de l'assemblée générale du Conseil d'État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma