Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Bruno Le Roux

Réunion du 19 janvier 2010 à 15h00
Concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Le Roux :

Pour faire le lien avec l'intervention de Laurent Fabius, je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'État, que soit distribué à la reprise de la séance ce soir, à vingt et une heures trente, l'avis de l'assemblée générale du Conseil d'État. On ne peut en effet continuer à opposer des phrases qui ne seraient pas complètes, qui ne voudraient pas dire la même chose pour les uns ou les autres. Cet avis a été largement évoqué et on voit bien qu'il pose difficulté. Cela permettra d'éclairer nos débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Ces débats pourraient sembler très simples au premier abord, puisque nous avons deux articles, deux dates, mais, quand on prend le temps de réfléchir, ce que je vais essayer de faire ici, c'est tout simplement incompréhensible.

De quoi s'agit-il ? Rien de moins que de réduire d'un tiers le mandat des conseillers régionaux qui seront élus en mars 2010 et de moitié celui des conseillers généraux qui seront élus en 2011.

L'amputation, on le voit, est réelle, de façon qui n'a jamais eu cours dans notre pays. Si l'on regarde d'ailleurs la jurisprudence du Conseil constitutionnel – je demande que ce texte soit renvoyé en commission, mais en partie sur la base d'arguments de nature constitutionnelle –, ce dernier, même s'il est relativement permissif en matière électorale, parle bien d'un motif d'intérêt général, parle bien de ne pas organiser la confusion, ce que vous faites, et précise bien que la décision prise doit avoir un caractère très limité. À chaque fois qu'il y a eu un changement de date pour les modes de scrutin, l'écart a été d'une année au maximum, de quelques mois, de quelques semaines même quand il a fallu simplement passer une élection. Là, l'amputation est réelle, un tiers pour un mandat, la moitié pour un autre, ce qui n'a jamais eu cours dans notre République.

Quelles sont les raisons d'une telle décision ? Bien entendu, vous ne le dites pas, ou vous le dites de façon sibylline.

Il semblerait que le Président de la République, dont il est beaucoup question dans ce débat, se soit entiché d'un nouvel élu, un conseiller territorial, quelqu'un qui sera capable de travailler plus pour représenter moins. Mais je ne crois pas que l'on gagne véritablement au change demain. J'essaierai là encore de le démontrer et de faire renvoyer ce texte en commission pour que nous trouvions les vraies solutions aux problèmes qui se posent aujourd'hui dans nos collectivités territoriales.

Pour la naissance de ce nouvel élu, le Président de la République souhaite un mode de scrutin nouveau, tout juste pensé, jamais utilisé dans notre pays. Pourtant, pour être convaincus, nous étions en première ligne. J'étais très jeune mais je me souviens de réunions du parti socialiste où venait encore Weill-Raynal, on appelait ça le comité directeur à l'époque. Il aurait eu tout le loisir de nous convaincre. Or jamais François Mitterrand n'a été perméable à de tels arguments, jamais les ministres de l'intérieur n'y ont été perméables. Jamais, surtout, nous n'aurions considéré que les citoyens étaient en situation d'accepter un mode de scrutin à l'évidence antidémocratique, je vous le démontrerai.

Vous souhaitez enfin que ce nouvel élu, capable, je le répète, de travailler plus pour représenter moins, exerce, dans une lecture osée de la Constitution, le pouvoir sur deux assemblées avec une seule élection. Votre objectif est d'ailleurs à mon avis qu'à terme, la pratique fasse disparaître l'une d'elle. Le mode d'élection et la pratique, avec ces super-cantons dont je parlerai tout à l'heure et l'existence du conseiller territorial, aboutiront, à terme, à la disparition d'une collectivité, et je vais démontrer en quoi ce n'est pas acceptable. Je pense que c'est la région, qui, aujourd'hui, vous pose un certain nombre de difficultés, que vous avez en ligne de mire, mais, là encore, ce n'est pas acceptable.

Vos intentions sont donc très claires, et nous refusons de considérer ce texte comme une simple mesure d'agenda. Non, il n'est pas simplement question d'organiser l'année 2014. Laurent Fabius a parlé d'engrenage. À l'évidence, c'est le cas, et ce texte prépare un système qui ne permettra pas à la démocratie locale de prospérer, qui ne permettra pas d'engager une nouvelle étape de la décentralisation. C'est la raison pour laquelle je souhaite dire quelques mots sur ce qu'ont représenté et ce que représentent aujourd'hui ces collectivités territoriales.

Ce texte vient après votre réforme de la taxe professionnelle qui, on l'a rappelé, coûtera cher aux ménages et pénalisera les collectivités territoriales. Vous n'avez pas répondu sur les 6 milliards qui seront financés soit par les ménages soit par une baisse du service rendu dans les collectivités locales. C'est une nouvelle double régression, une régression territoriale et une régression démocratique.

Que l'on ne s'y trompe donc pas, ce ne sont pas simplement des collectivités qui seraient touchées : la réforme que vous engagez va toucher au coeur les Français, par une atteinte au service public qui leur sera rendu demain par les collectivités, par la façon dont ils peuvent exercer leur droit de suffrage.

Après le vol d'une partie de leur capacité de suffrage avec le vote de la réforme de la carte électorale pour les élections législatives, vote auquel nous n'avons pas participé tout à l'heure compte tenu de ce qui s'est passé, le mode de scrutin que vous prévoyez aujourd'hui serait, s'il était mis en place, une véritable régression.

J'observe d'ailleurs que vous l'avez souvent appelé un leurre. C'est la raison pour laquelle je vous suggérerai une autre solution tout à l'heure. Vous appelez à la bonne volonté, je vous proposerai un mode de scrutin permettant de respecter la parité et le caractère majoritaire du scrutin, le peuple ayant le sentiment d'être représenté par un élu qui pèse véritablement et qui peut prendre des décisions en son nom.

Je me demande tout de même pourquoi nous en arrivons à toutes ces régressions et à ce démantèlement alors même que nos régions sont très majoritairement gérées par la gauche. Je pense d'ailleurs qu'il s'agit là d'un des éléments qui ont fondé vos réflexions sur les collectivités territoriales.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion