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Intervention de Bruno Le Roux

Réunion du 19 janvier 2010 à 15h00
Concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Le Roux :

Cette analyse n'émane pas de l'assemblée générale du Conseil d'État, mais je vous la livre parce que je la partage et qu'elle a été formulée par des juristes particulièrement intelligents. Si l'assemblée générale ne l'a pas retenue, cela ne veut pas dire qu'elle considérait l'analyse erronée. Cet avis sur le mode de scrutin est le fruit de la réflexion de gens tellement au fait de ces questions que je suis persuadé qu'ils ont raison : une liste ayant recueilli au niveau régional moins de voix qu'une autre pourrait néanmoins obtenir plus de sièges qu'elle. J'ai vérifié : à l'évidence, ce cas de figure est possible demain avec votre mode de scrutin totalement incompréhensible.

Je rappelle les propos tenus par le Président de la République alors qu'il était simple ministre, le 9 avril 2003, au Sénat, au sujet d'un texte sur l'élection des conseillers régionaux. Il s'interrogeait sur les modes de scrutin, et exprimait tout haut sa réflexion qui n'était pas encore présidentielle : « Le scrutin le plus simple, c'est incontestablement le système anglais : scrutin uninominal majoritaire à un tour. Il est d'une simplicité biblique… mais d'une brutalité sauvage ! » Et d'ajouter : « La simplicité n'est pas le gage de la démocratie et la complexité n'est pas l'ennemi de cette même démocratie. Et il convient de dire que, dans nos démocraties complexes, un mode de scrutin, pour préserver des réalités du territoire qui peuvent être contradictoires, a besoin d'une dose de complexité. La simplicité est souvent brutale tandis que la complexité permet souvent l'expression plus nuancée de la démocratie. Il m'a donc semblé intéressant de rappeler que ce n'était pas nécessairement le plus simple qui était le plus démocratique. » Mais souvent, Sarkozy varie… Nous le voyons avec le mode de scrutin qui nous est proposé aujourd'hui.

Son opinion, qui était juste, est à rapprocher de l'analyse faite récemment par un grand quotidien du soir qui montre comment le nouveau mode de scrutin est bâti uniquement pour le bénéfice de l'UMP. Je ne citerai que son éditorial : « Ce nouveau mode de scrutin, inédit en France, est le résultat d'un choix politique, en réponse aux difficultés de la majorité à remporter les seconds tours, alors qu'à l'heure actuelle l'UMP arrive souvent en tête au premier tour face à une gauche divisée. » L'analyse de l'éditorialiste est très juste.

Faut-il en citer encore une autre ? Le directeur de l'Observatoire de la vie politique et parlementaire, quant à lui, considère qu'il s'agit d'une « dangereuse dérive d'accaparement du pouvoir par un parti unique. » Cela ferait bondir si l'opposition tenait de tels propos et, pourtant, voilà le constat des observateurs.

Même au bureau politique de l'UMP, nos collègues Baroin et Copé sont réservés, et vous-même, monsieur le rapporteur, avez dit : « Le Gouvernement propose un tour, un certain nombre de parlementaires dans la majorité comme dans l'opposition sont interrogatifs sur le fait de passer à un seul tour. » Je salue là votre clairvoyance, mais il conviendrait de nous expliquer très rapidement comment vous souhaitez résoudre ce problème : car si le secrétaire d'État parvient à faire voter sa réforme, ce sera, en 2014, l'élection du conseiller territorial à un tour, dans le cadre d'un mode de scrutin incompréhensible.

C'est ce paquet que nous vous demandons de renvoyer en commission. En dehors du débat général sur les collectivités territoriales et sur la troisième étape de la décentralisation – que nous souhaitons –, nous vous ferons des propositions.

Voter ces deux articles reviendrait, en 2014, à élire un conseiller territorial en un seul tour. Ce mode de scrutin, impossible à expliquer à nos concitoyens, vous serait favorable, mais nous verrons bien ce qui se passera lors des résultats.

Autant de motifs, monsieur le secrétaire d'État, qui justifient le renvoi de ce texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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