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Intervention de Bruno Le Roux

Réunion du 19 janvier 2010 à 15h00
Concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Le Roux :

Or là, nous avons manifestement un autre argument qui, si vous persistez, conduira le Conseil à vous censurer : celui de l'importance de la réduction des mandats prévue. À cet égard, le Conseil constitutionnel justifiait, en 1994, la constitutionnalité de la modification du calendrier électoral au motif « que cette prorogation et par suite la réduction du mandat des conseillers municipaux à élire a été limitée à trois mois et revêt un caractère exceptionnel. » En 1995, c'est aussi de trois mois que la loi a réduit le mandat des conseillers municipaux. Un auteur qui fait autorité expliquait ainsi dans un recueil de droit la décision du Conseil : « Ce n'est pas tant l'existence d'une différence de situation entre conseillers municipaux ou la poursuite par le législateur d'un but d'intérêt général, mais avant tout le fait que la mesure contestée ait été limitée à trois mois et revête un caractère exceptionnel. » il y a d'autres exemples : en 1988, le mandat des conseillers généraux fut prolongé de six mois et, en 1990, celui des conseillers généraux de la série renouvelée en 1985 le fut d'un an ; en 1972, 1988 et 1996, les élections cantonales ont été repoussées de quelques mois ; en 2005, les mandats des conseillers municipaux et des conseillers généraux étaient allongés d'une année. Je pourrais citer d'autres dates : à chaque fois, la modification de la durée du mandat allait de quelques semaines à une année maximum. Aujourd'hui, vous souhaitez nous faire valider, sans raison objective connue, une réduction des mandats des conseillers régionaux de deux ans, c'est-à-dire d'un tiers, et des conseillers généraux de trois ans, c'est-à-dire de moitié ! Dans cette amputation des mandats, le caractère « limité » ne saute pas aux yeux !

Enfin, dernier argument de constitutionnalité concernant les changements de calendriers : ceux-ci ne doivent pas créer, dans l'esprit des électeurs, une confusion avec d'autres consultations électorales. Jusqu'à présent, les modifications du calendrier électoral avaient souvent pour but d'éviter que trop d'élections aient lieu à la même période. C'est ce souci qui nous faisait décider de tels changements. Ainsi, le Conseil constitutionnel pouvait donc constater que ces lois permettaient d'éviter une confusion dans l'esprit des électeurs. Avec ce projet, c'est exactement l'inverse qui est organisé puisque la modification aboutirait à ce que les deux élections, cantonale et régionale, soient confondues. Le juge constitutionnel ne pouvant juger la loi qu'au regard de ce qu'elle dit et non au regard de celles que vous prévoyez par la suite. De ce point de vue, la confusion est à son comble : en 2014, et le Conseil le sait fort bien, il y aurait les élections cantonales, les élections régionales et les élections municipales ! Ce que vous nous proposez aujourd'hui n'est que source de confusion compte tenu du calendrier que nous connaissons puisque le texte vise à organiser toutes ces élections dans une période de quelques semaines. À moins que vous nous disiez qu'un nouveau texte viendra modifier une des deux dates des élections régionales et cantonales – ce qui suppose que le conseiller territorial ne sera pas encore créé – ou pour déplacer la date des municipales. Mais aujourd'hui, vous créez la confusion dans l'esprit des électeurs en organisant sur la même période, par un simple jeu de changements de dates dans votre projet de loi, trois élections importantes pour les Français : les élections municipales, régionales et cantonales. Je le maintiens : il y a là un facteur de confusion à l'évidence majeur.

Aussi serait-il sage que vous retiriez ce texte pour revenir plus tard, selon l'ordre chronologique normal, après l'examen d'autres textes, et en justifiant un motif d'intérêt général qui, pour l'heure, n'existe pas !

À l'instar du faussaire qui cherche à toute force à vendre son produit, vous expliquez que, même si le conseiller territorial n'était pas institué, on pourrait néanmoins sans inconvénient conserver la date prévue dans ce texte pour les élections régionales et cantonales ! Là encore, votre « rationalisation » rime avec confusion… Et le Conseil constitutionnel ne s'y laissera pas prendre.

Vos deux articles posent encore de nombreux autres problèmes, monsieur le secrétaire d'État. Je ne souhaite pas les détailler tous à cette heure, mais je note, dans votre exposé des motifs, la mise en place de la tutelle d'un niveau de collectivité sur un autre. Quant à la remise en cause de la clause de compétence générale, elle reviendra longuement dans nos interventions car elle constitue à l'évidence un autre motif d'inconstitutionnalité. En effet, la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, mais surtout la ratification, en 2006, de la Charte européenne de l'autonomie locale, sont de nature à interdire toute remise en cause de la clause de compétence générale. À l'évidence, il y a dans votre projet de loi plusieurs éléments d'inconstitutionnalité, qu'il s'agisse de la création des conseillers territoriaux, de la suppression de la clause de compétence générale ou encore de la mise sous tutelle de collectivités. Si nous souhaitons aboutir à un consensus, plutôt souhaitable en ce genre de matière, il faut revenir sur tous ces points.

Je vais terminer en abordant votre mode de scrutin, parfaitement incompréhensible.

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