La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2011 (nos 3406, 3503, 3501).
Mercredi soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 3406/1369">1369 rectifié à l'article 1er.
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, nous avons tous des contraintes, surtout en fin de semaine, et nous comprenons parfaitement qu'une difficulté imprévue empêche de respecter un horaire établi. Mon intervention ne constitue donc en aucun cas un reproche à votre égard, monsieur le président. Toutefois, en accord avec le rapporteur général, nous souhaitons vous prier de demander aux services de la présidence d'avoir l'amabilité et la correction de prévenir les parlementaires quand la séance commence avec un quart d'heure de retard.
Nos emplois du temps sont en ce moment particulièrement chargés : le gain d'un quart d'heure matinal aurait été bienvenu pour tous les collègues qui sont présents ce matin dans l'hémicycle.
Monsieur le président, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser ce retard d'un quart d'heure dû à des problèmes de circulation automobile. Dès neuf heures moins le quart, j'ai prévenu les services de la nécessité de décaler de quinze minutes l'horaire d'ouverture de la séance ; ils ont alors cherché autant que faire se peut, me dit-on, à en informer les parlementaires.
Quoi qu'il en soit, monsieur Cahuzac, il est pris note de votre remarque afin que les parlementaires puissent être prévenus si une telle situation se reproduisait.
Monsieur le président, nous sommes vendredi, demain nous serons samedi et après-demain nous serons dimanche…
Il nous reste beaucoup d'amendements à examiner. Certains collègues m'ont fait remarquer ce matin à la buvette qu'ils avaient des obligations ce week-end. Dans notre État laïque, il en est même qui, le dimanche matin, vaquent à des activités particulières pour le salut de leur âme. (Sourires.)
Monsieur le président, êtes-vous en mesure de nous éclairer sur l'organisation de nos débats d'ici à mardi ou mercredi afin que nous puissions nous organiser ? Votre réponse intéresse autant Arlette Grosskost ou Pierre-Alain Muet que le président de la commission des finances…
Vous aussi, monsieur Carrez, mais vous venez de moins loin : depuis Le Perreux, vous pouvez venir ici en bateau, comme le ministre à partir de Bercy.
Monsieur Brard, notre organisation dépendra évidemment du rythme auquel avanceront nos travaux, et je crains que la multiplication des rappels au règlement ne les retarde un peu.
Cela dit, la conférence des présidents a fixé un ordre du jour et nous devons siéger toute la journée. En ce qui me concerne, si le rapporteur général, le ministre et les collègues le souhaitent, je serai à la disposition de l'Assemblée jusqu'à une heure tardive.
Nous verrons ce soir comment les débats auront avancé, mais trois séances sont prévues demain, et nous pouvons aussi siéger éventuellement ultérieurement durant le week-end.
Dimanche éventuellement, monsieur Brard. La conférence des présidents n'a pas prévu de séance, mais cela reste possible.
Je suis saisi d'un amendement n° 1369 rectifié
La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Il s'agit d'un amendement de précision.
Il en est de même des amendements suivants nos 1370 à 1374.
La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement, pour donner l'avis du Gouvernement sur ces amendements.
Favorable.
(Les amendements nos 1369 rectifié et 1370 à 1374 sont successivement adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1234 de la commission.
La parole est à M. le rapporteur général.
Il s'agit d'un amendement d'une grande importance. Je laisse à M. Mariton le plaisir de le présenter.
C'est dire l'importance que le rapporteur général y attache ! (Sourires.)
Cet amendement vise à mettre à niveau la réduction d'ISF pour les enfants à charge. En effet, cette réduction fixée en 1988, sur proposition du Gouvernement de l'époque, n'a pas été actualisée depuis.
En matière d'ISF, il paraît juste de mieux tenir compte du nombre d'enfants et des enfants à charge, au sens de l'impôt sur le revenu.
Vertu supplémentaire de cette réévaluation : elle permettra d'amortir l'entrée des contribuables dans le champ de l'ISF après la réforme. En effet, contrairement à la situation actuelle, les montants dus par les personnes nouvellement assujetties ne seront plus seulement de quelques dizaines ou centaines d'euros ; ils seront d'emblée beaucoup plus élevés.
À la marge, ce dispositif règle aussi un problème soulevé par le rapporteur général : l'augmentation après la réforme des montants dus au titre de titre de l'ISF pour les foyers déclarant un patrimoine d'environ 1,4 million d'euros.
Ce dispositif est, par ailleurs, favorable aux familles ayant des enfants, c'est-à-dire, a priori, aux contribuables plus jeunes.
Par sa dimension familiale, cet amendement a toutes les raisons de recueillir le soutien de notre majorité. Mais il devrait également obtenir celui de la gauche car il améliore, de fait, la progressivité de l'ISF en minorant les montants dus par les contribuables entrants.
Cette disposition ne devrait pas se traduire par un coût supplémentaire par rapport à celui de l'actuelle mesure de réduction pour charge d'enfants.
Je vous propose d'adopter ce très bon amendement.
La commission des finances a adopté cet amendement d'autant plus volontiers que, contrairement à ce qui se passe pour l'impôt sur le revenu, c'est le foyer fiscal qui est globalement assujetti à l'ISF.
Autrement dit, lorsque deux personnes vivent ensemble mais séparément, le seuil s'applique à chacune d'entre elles alors que le même seuil vaut pour le foyer dès lors que deux contribuables sont mariés, pacsés ou en concubinage. Nous avons reçu de nombreux courriers à ce sujet : cet amendement permet d'atténuer les effets de ce système de calcul parfois critiqué.
Je veux appeler l'attention de l'Assemblée sur ce qu'elle s'apprête à voter.
Trois cents euros, c'est à peu près le montant de l'allocation de rentrée scolaire, conditionnée à un plafond de revenu annuel de 22 000 euros. Or vous voulez accorder un avantage équivalent aux contribuables disposant d'un patrimoine plancher d'1,5 million d'euros. Je ne suis pas sûr que cette mesure soit comprise par les Français comme le souhaiteraient nos collègues de la majorité.
Si nous en restons à la tradition de notre politique familiale, l'avantage fiscal accordé par enfant peut soit avoir un objectif nataliste, soit favoriser le pouvoir d'achat des ménages concernés.
Chers collègues qui souhaitez voter cet amendement, êtes-vous certains que les trois cents euros annuels attribués à des foyers disposant d'un patrimoine d'au minimum 1,5 million d'euros puissent avoir un effet déterminant en termes de natalité ? Il me semble que poser la question, c'est y répondre.
Êtes-vous certains, d'autre part, que ces trois cents euros supplémentaires destinés aux contribuables détenant un patrimoine supérieur à 1,5 million d'euros auront vraiment un effet déterminant en termes de pouvoir d'achat pour ceux qui en bénéficieraient ?
Je le répète, il y a d'un côté près de trois cents euros pour l'allocation de rentrée scolaire à laquelle ne peuvent prétendre que les contribuables dont les revenus sont inférieurs à 22 000 euros par an et, de l'autre, les trois cents euros que vous attribuez uniquement à ceux dont le patrimoine excède 1 million d'euros : je crains la comparaison.
Cet amendement est intéressant…
…dans la mesure où il s'inscrit dans une logique de développement et d'accompagnement de notre politique familiale. On ne saurait pour autant taire qu'il pourrait provoquer un effet d'aubaine.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, on atteint vraiment des sommets : ce que vous proposez est véritablement indécent !
Vous devriez pourtant apprécier : j'augmente la progressivité de l'impôt !
Monsieur le rapporteur général, vous voulez accorder 150 euros de réduction d'ISF supplémentaire à des personnes dont le patrimoine est au bas mot d'1,5 million d'euros et vous prétendez qu'il s'agit d'un élément de politique familiale ! Mais vous n'avez décidément honte de rien !
Si vous voulez que nous en venions aux leçons de morale, monsieur le rapporteur général, nous pourrions parler d'autres affaires qui défraient la chronique ce matin !
Accorder 150 euros de réduction supplémentaire à des contribuables…
…dont le patrimoine excède 1,5 million d'euros alors même que l'allocation de rentrée scolaire n'est accordée que sous condition de ressource à ceux dont le revenu ne dépasse pas 22 000 euros…
…nous trouvons cela absolument scandaleux.
Monsieur le rapporteur général, je maintiens mes propos : vous n'avez honte de rien. Il n'y a décidément pas de petits profits. Pour reprendre l'exemple que vous citiez au début de nos débats, j'avais fait, en le reprenant, une petite erreur de calcul. Le fameux jeune couple qui, en 1997, avait été en mesure de dépenser 2,5 millions de francs pour s'acheter un appartement serait assujetti aujourd'hui, en tenant compte de la hausse des prix de l'immobilier, à un ISF de l'ordre de 300 euros. Autrement dit, pour peu que ce couple ait un enfant, il ne paierait même pas cette somme. Tout cela est proprement scandaleux !
Nous pouvons accepter beaucoup de choses, mais cette fois, nous atteignons vraiment des sommets !
Comme l'ensemble de cette réforme, la majorité traînera cette mesure comme un boulet. C'est honteux !
Vous faites tout simplement un cadeau aux contribuables qui disposent d'un patrimoine d'1,5 million d'euros. Son montant équivaut à celui de l'allocation de rentrée scolaire réservé à aux Français ayant un revenu inférieur à 22 000 euros. Comparaison plus grave encore : vous offrez quasiment le montant mensuel du RSA à ceux qui ont plus d'1,5 million de patrimoine. C'est proprement scandaleux.
Monsieur le président, je veux ajouter ma voix au choeur de protestations de mes collègues. Les gens qui ont déjà les poches pleines sont-ils à ce point âpres au gain et mesquins qu'ils osent tendre la main – ou que vous la tendiez pour eux, monsieur Mariton – pour obtenir ces 300 petits euros ? En vous écoutant tout à l'heure, je me demandais si cette somme représentait un ou deux couverts à La Tour d'Argent – et bien sûr, je ne peux le savoir, n'ayant pas l'habitude de fréquenter cet établissement réputé. Pour votre part, sans doute avez-vous, parmi vos obligés, des gens capables de répondre à cette question ?
Vous nous dites, monsieur le rapporteur général, que nous sommes contre la famille. On sait que vous avez le sens de l'humour, mais en l'occurrence, c'est un peu déplacé. Si nous sommes opposés à la famille, vous luttez sans doute, pour votre part, contre la famine qui guette le riche bourgeois du 16e – celui-là même que l'on imagine bien donnant, à l'office, les 300 euros en question à un domestique méritant, à l'issue du week-end de la Pentecôte.
Le rapporteur général ne veut pas recevoir de leçons de morale. Mais vous rendez-vous compte que, de votre côté, vous violez toutes les règles de l'éthique républicaine en tondant les gens qui n'ont rien pour donner trois francs six sous aux gens qui n'en ont vraiment pas besoin ?
Quant à vous, monsieur le ministre, vous n'avez toujours pas répondu à la question que je vous ai posée, portant sur bien plus de 300 euros. On sait que vous aimez distribuer de l'argent, pourvu que les bénéficiaires soient déjà « friqués », si vous me permettez cette expression triviale. Est-il vrai que grâce à votre réforme, Mme Bettencourt va payer 10 millions d'euros l'année prochaine, au lieu des 40 millions d'euros qu'elle paye cette année ?
Ces 300 euros, on ne va pas vous les attacher à la cheville comme un boulet : vous les porterez accrochés au cou, comme le grelot porté au Moyen Âge par les pestiférés. Puissent les tintements de ce grelot vous faire monter le rouge au front, si tant est que vous ayez suffisamment de morale pour éprouver de la honte !
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1234 .
Levez-vous le gage, monsieur le ministre ?
Je lève le gage, monsieur le président.
(L'amendement n° 1234 , modifié par la suppression du gage, est adopté.)
Ne pensez pas vous en tirer à si bon compte, monsieur le ministre ! Je demande une suspension de séance, afin que nous organisions la campagne contre vous et que tous les Français puissent bien entendre le tintement de votre grelot.
Cette mesure pose un gros problème : elle n'est absolument pas financée – ni finançable. Quel est le coût de cet amendement s'inscrivant dans le cadre d'une réforme globale qui va réduire le nombre d'assujettis à l'ISF ?
Sur le nombre d'assujettis à l'ISF, combien ont des enfants ? Si l'on compare le coût de la politique familiale, le quotient familial coûte déjà très cher – 13 milliards d'euros par an…
…mais cela peut se justifier si l'on considère que le revenu disponible d'un ménage dépend du nombre d'enfants qu'il a. En revanche, le patrimoine n'a, lui, rien à voir avec le nombre d'enfants. Comment justifiez-vous un abattement sur l'impôt sur le patrimoine en fonction du nombre d'enfants ?
C'est extrêmement injuste socialement et cela a un coût inestimable – au sens littéral du terme…
…alors que les charges de famille sont déjà prises en compte au titre de l'impôt sur le revenu.
En outre, vous élargissez le champ des personnes ouvrant droit à la réduction d'ISF pour personne à charge aux enfants majeurs poursuivant leurs études…
…ce qui produit un double effet d'injustice sociale, car on sait très bien que les enfants des catégories les plus aisées poursuivent des études supérieures bien plus souvent que ne le font ceux des catégories modestes.
Cet amendement profondément injuste va encore coûter de l'argent à la collectivité…
Nous allons, une fois de plus, assister à un transfert d'argent des catégories populaires vers les catégories les plus aisées…
…un transfert des familles pauvres, qui ne payent pas d'impôt sur le revenu et ne bénéficient donc pas du quotient familial, au profit des familles riches.
C'était déjà le cas avec le revenu de solidarité active, que vous avez attaqué.
Je rappelle que le RSA prévoit, lui, la prise en compte de l'allocation de parent isolé. Bizarrement, votre conception de la politique familiale bénéficie toujours aux mêmes : les familles riches et les familles nombreuses. Les familles monoparentales et les familles pauvres, vous n'en avez rien à faire !
Il est normal que l'ISF tienne compte de la capacité contributive de chaque contribuable !
Je comprends bien que les passions puissent se déchaîner, mais je dois constater que votre rappel au règlement n'en était pas un, monsieur Brard, et vous n'auriez donc pas dû demander la parole à ce titre : une fois qu'un amendement a été voté, on ne doit pas relancer le débat sur cet amendement – cela vaut également pour Mme Filippetti.
Votre demande de suspension de séance est de droit, mais avant de vous l'accorder, je vais donner la parole à M. le rapporteur, afin de lui permettre de répondre brièvement à la question qui lui a été posée.
Mon intervention sera beaucoup plus courte que celle de Mme Filippetti, monsieur le président.
Ce qui est vraiment détestable avec nos collègues de gauche, c'est que pour eux, il n'y a que deux sortes de familles : d'un côté, les familles pauvres, de l'autre, les familles riches – sur lesquelles on crie haro, évidemment. L'honneur de la politique familiale française, c'est son côté universel : les allocations familiales sont versées à toutes les familles, quel que soit leur niveau de revenus.
Si nous obtenons aujourd'hui des résultats en termes de natalité que la plupart des autres pays européens nous envient, c'est parce que nous avons su respecter toutes les familles, quelles qu'elles soient, madame Filippetti !
Quant au coût de la mesure, il est tout à fait modique. Le coût général de la réduction est de 20 millions d'euros. Cependant, l'essentiel des familles avec enfants se trouve dans la première tranche, ce qui s'explique par le fait que le patrimoine augmente avec l'âge. J'évalue donc, pour ma part, le coût réel de cette mesure entre cinq et six millions d'euros. Il me semble donc qu'il valait vraiment la peine d'adopter cet amendement qui nous permet d'adresser, pour une très faible somme, un signal de notre volonté de traiter les familles de façon universelle, donnant ainsi satisfaction à notre collègue Hervé Mariton, qui mène constamment un juste combat en faveur des familles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Rappels au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures dix, est reprise à dix heures quinze.)
J'espère qu'il s'agit, cette fois, d'un véritable rappel au règlement, monsieur Brard. Sur quel article le fondez-vous ?
Rappels au règlement
Monsieur le président, je ne vous comparerai pas à Jeanne d'Arc – ce serait désobligeant – mais, tout à l'heure, je n'ai pas fait de rappel au règlement : j'ai demandé une suspension de séance. Mais, en l'espèce, les propos du rapporteur général, qui sont toujours très importants, ont une influence directe sur le déroulement de nos travaux.
Quand il déclare s'honorer que la France aide toutes les familles, indépendamment de leurs revenus, il est évident qu'il s'agit d'un sophisme, car ce n'est pas l'égalité, ça : c'est donner à des gens qui ont déjà. Mais nous n'allons pas régler le problème au cours de cette séance…
…ni notre différend, qui est abyssal.
Monsieur le rapporteur général, on vous connaît depuis si longtemps que l'on vous sait sincère. Mais votre enthousiasme pour les familles, et M. Mariton pourrait en être d'accord,…
Il vaut mieux en effet que vous attendiez de savoir ce que je vais dire.
Votre enthousiasme pour les familles, disais-je, pourrait vous inciter à vous préoccuper davantage de celles qui sont de petites propriétaires et auxquelles vous ne vous intéressez pas d'habitude.
Attendez de savoir ce que je vais dire, monsieur Mariton. Dans l'assiette de l'impôt, la taxe foncière pèse lourdement.
Après tout, vous pourriez décider, et nous vous soutiendrions, de venir en aide aux familles qui sont frappées par la taxe foncière et qui ont des enfants, en leur accordant un avantage qu'elles n'ont pas pour l'instant.
Nous vous proposons d'aller plus loin, monsieur Mariton.
Reconnaissez, monsieur le président, qu'il est difficile de s'exprimer dans cet hémicycle.
Reconnaissez, monsieur Brard, que votre intervention n'est pas un rappel au règlement, puisqu'elle n'a rien à voir avec le déroulement de nos travaux.
Mes chers collègues, permettez-moi de vous expliquer la manière dont je souhaite essayer de faire avancer nos travaux. En temps normal, je n'ai pas l'oeil rivé sur la pendule et, si le règlement est respecté, j'essaie d'en faire une application souple quand le sujet le mérite. Mais on ne peut rouvrir, comme vient de le faire M. Brard, le débat sur un amendement qui a été adopté ; ce n'est pas digne de nos travaux. De nombreux amendements vont encore venir en discussion sur lesquels vous aurez tout loisir de vous exprimer.
Par ailleurs, je vous rappelle que le nouveau règlement autorise le président à refuser des suspensions de séance ou des rappels au règlement, si ceux-ci ne sont pas justifiés. Comme je ne souhaite pas avoir à le faire, je vous prie de faire de véritables rappels au règlement.
Mon rappel au règlement sera bref, monsieur le président ; il concerne l'intervention du rapporteur général, qui a évoqué la politique familiale.
Les allocations familiales sont universelles et, sur ce point, nous sommes d'accord.
Une politique familiale doit effectivement aider les familles de manière universelle, mais il s'agit de la politique familiale. Les impôts, quant à eux, ne sont pas tous « familialisés ». L'impôt sur le revenu l'est ; il pourrait l'être autrement, du reste.
Un crédit d'impôt par enfant, par exemple, serait encore plus universel que le quotient familial.
Si, puisqu'il s'appliquerait aussi aux foyers qui ne paient pas l'impôt sur le revenu.
En tout état de cause, il n'y a aucune raison de « familialiser » tous les impôts, en particulier l'ISF, qui a une vocation précise, celle de taxer le patrimoine.
Ce n'est pas le patrimoine qui paie l'impôt, ce sont les gens qui le détiennent !
En l'espèce, un abattement ne se justifie absolument pas, et le porter de 150 à 300 euros – on a rappelé les montants équivalents : l'allocation de rentrée scolaire ou le RSA, qui est à 440 euros – est profondément choquant.
Votre rappel au règlement n'en était pas un, monsieur Muet, puisqu'il n'avait aucun rapport avec le déroulement de nos travaux.
Je suis saisi d'un amendement n° 1375 rectifié .
La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général.
Favorable.
Monsieur le président, cet amendement n'est pas complètement anodin, puisqu'il vise à dispenser ceux qui estiment que leur patrimoine est inférieur à 1,3 million d'euros de faire une déclaration. Or, nous l'avons dit, si l'on relève le seuil d'entrée dans l'ISF à 1,3 million, il est probable que beaucoup de gens estimeront que la valeur de leur patrimoine est comprise entre 1 250 000 et 1 299 000 euros. Cet amendement priverait donc les services du contrôle fiscal d'un certain nombre de renseignements qui auraient dû ou pu les pousser à mener des investigations complémentaires.
(L'amendement n° 1375 rectifié est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 402 .
La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
Monsieur le ministre, je n'ai toujours pas de réponse à ma question. Votre silence est éloquent. Vous avez pourtant un véritable talent pour noyer le poisson. Nous connaissons la réponse, mais je souhaiterais l'entendre de votre bouche : est-il vrai que Mme Bettencourt, qui paie cette année 40 millions d'euros d'impôts, n'en paiera que 10 millions l'année prochaine grâce à votre dispositif ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) On a bien compris que vous vouliez arroser partout : Mme Bettencourt bénéficiera de 30 millions supplémentaires et, grâce à l'amendement que nous venons de voter, les personnes assujetties à l'ISF ayant des enfants auront 300 euros de plus. Certes, c'est moins, mais vos largesses n'oublient personne.
J'en viens à l'amendement n° 402 . L'alinéa 49 de l'article 1er du projet de loi de finances rectificative pour 2011 a pour but de simplifier – on connaît l'importance du vocabulaire, monsieur le ministre : quand vous parlez de simplifier, on cherche tout de suite où est l'arnaque – les modalités pour les redevables détenant un patrimoine inférieur à 3 millions d'euros, c'est-à-dire ceux que Charles de Courson classe dans la catégorie des « riches qui sont pauvres » – relativement, bien sûr.
Cette simplification des modalités déclaratives ouvre la voie à vos amis qui pourraient, en raison d'omissions, d'erreurs, voire de fraudes intentionnelles sous-déclarer la valeur réelle de leur patrimoine, ce qui fait peser le péril sur nos finances publiques d'une baisse des ressources fiscales envisagées. Nous ne pouvons l'accepter. En outre, cette information est indispensable pour que l'administration fiscale puisse connaître l'état du patrimoine des familles françaises. Nous avons besoin de savoir où est l'argent – et je vois que M. Mariton écoute très attentivement. Vous, vous savez où il se trouve, mais vous ne voulez pas que l'administration le sache, afin qu'elle ne puisse pas diligenter ses contrôles.
Nous proposons donc de supprimer cet alinéa et de rétablir l'obligation de déclaration spécifique pour tous les assujettis à l'ISF. Vous vous êtes toujours dits favorables à la transparence, mais, en la matière, vos pratiques sont très discriminatoires : vous souhaitez l'appliquer aux bénéficiaires du RSA, mais pas à ceux qui sont assujettis à l'ISF. Par cet amendement, nous voulons, avec vous, progresser vers la transparence.
Défavorable.
Monsieur le président, je tiens à reprendre la parole après la réponse laconique du rapporteur général et le silence assourdissant du ministre. Je n'ai toujours pas de réponse à ma question concernant mamie Liliane, qui a des difficultés, même si elle a pu payer 10 millions d'honoraires pour débrouiller ses affaires avec sa fille.
Mais je vous ai répondu trois fois !
(L'amendement n° 402 n'est pas adopté.)
(L'article 1er, amendé, est adopté.)
Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 604 rectifié , 605 rectifié , 613 rectifié et 619 rectifié , portant articles additionnels après l'article 1er.
La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l'amendement n° 604 rectifié .
Je souhaiterais tout d'abord évoquer le vote qui vient d'avoir lieu. Chers collègues de la majorité, vous avez substitué au bouclier fiscal un cadeau deux fois plus élevé au profit des plus fortunés de nos concitoyens. Pendant des années, vous avez traîné le bouclier fiscal comme un boulet, mais vous n'en avez pas terminé : vous traînerez également cette réforme d'une totale injustice jusqu'à ce qu'un gouvernement plus respectueux de l'équité sociale rétablisse un véritable impôt sur la fortune.
L'amendement n° 604 rectifié , qui est en cohérence avec tous les amendements que nous présentons, notamment celui qui concerne l'ISF-PME, vise à réduire une niche fiscale en ramenant le taux de réduction d'impôt sur la fortune pour le versement de dons de 75 % à 25 % et en abaissant son plafond de 45 000 à 25 000 euros. En effet, si l'on peut défiscaliser des sommes considérables, l'impôt ne joue plus son rôle. Lorsqu'on multiplie les niches fiscales, celles-ci n'ont plus d'effet incitatif, elles permettent simplement d'échapper à l'impôt.
Défavorable. Cet amendement vise à réduire fortement l'incitation au don. Or, il me semble qu'il faut, au contraire, la favoriser, car les dons n'ont aucune contrepartie. Au reste, on peut regretter que le dispositif « ISF-PME » et « dons » ne fonctionne pas suffisamment au bénéfice de ces derniers. J'en profite donc pour inciter les contribuables à utiliser cette possibilité de déduction pour faire des dons.
Défavorable.
Vous expédiez tout cela très vite, monsieur le président, monsieur le ministre, mais je n'ai toujours pas de réponse à ma question …
Je vous ai déjà répondu trois fois !
Vous voyez, vous grimacez, monsieur le ministre ! D'ailleurs, quand je vous regarde, je me demande toujours si la ressemblance relève plutôt de Harry Potter ou de David Copperfield ! Cela dit, il manque les lunettes. Vous portez des lentilles ?
Monsieur Brard, je crains que vous n'ayez déjà utilisé trente seconde de votre temps de parole, et vous ne pourrez pas exprimer votre avis sur l'amendement !
M. le rapporteur général vient de nous dire que les dons étaient faits sans contrepartie, mais cela n'est pas exact puisque vous proposez précisément que les gens qui donnent puissent payer moins d'ISF. Cela revient à faire des cadeaux avec l'argent du contribuable. Et vous sous-estimez vraiment les gens riches, car il y en a qui sont altruistes et pour qui la bonté, la générosité a un sens, même si c'est rare chez les riches.
J'ai dit qu'il n'y en avait pas beaucoup, et vous les connaissez encore mieux que moi. Même pour donner des sous à l'UMP, ils deviennent pingres ces gens-là, bien que ces dons fassent l'objet de déductions fiscales !
Monsieur le rapporteur général, il n'y a pas de raison pour que nous subventionnions les dons des gens riches. Cette niche supplémentaire est inacceptable.
La parole est à M. Victorin Lurel, pour soutenir l'amendement n° 619 rectifié .
Ce n'est pas que je veuille faire durer le plaisir, mais je ne peux pas ne pas intervenir sur cet amendement. Je rappelle d'ailleurs que nous sommes plusieurs à avoir déposé des amendements identiques. Permettez-nous donc, monsieur le président, de dire notre religion sur cette affaire !
Nous souhaitons simplement limiter l'avantage fiscal au titre de ce dispositif à 25 000 euros au lieu de 50 000 actuellement. Cela me paraît justice, car j'avoue avoir du mal à comprendre pourquoi l'exonération est aussi forte pour les dons et pas pour l'investissement dans les PME. De plus, cela n'intéresse qu'un tout petit nombre de contribuables : 2 % à peine. Il y a donc là une étrangeté que nous aimerions voir corrigée.
Cela dit, je ne vous cacherai pas que j'ai une petite divergence avec mes amis du groupe SRC. En effet, pour le dispositif outre-mer, le plafond le plus élevé est à 40 000 euros. Et comme je m'épuise à le dire à la majorité parlementaire et au Gouvernement, j'ai un vrai problème de financement des hauts de bilan et des fonds propres des entreprises. Il y a un seul dossier ISF-PME en Guadeloupe et deux en Martinique. Le fonds d'investissement de proximité, le Madelin, cela ne marche pas chez nous. J'ai donc un problème et j'ai du mal à comprendre que les dons soient exonérés à cette hauteur. C'est pourquoi je voterai cet amendement malgré la petite divergence que j'ai avec mes collègues sur le financement des entreprises dans les DOM.
Je veux rassurer les auteurs des amendements : ils seront appelés dès lors qu'ils me feront signe, car il peut arriver qu'ils ne souhaitent pas s'exprimer.
La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l'amendement n° 605 rectifié .
Nous ne cessons de répéter depuis le début que le groupe socialiste est favorable à l'idée d'une assiette large qui est la seule à pouvoir justifier un taux faible. Or, vous faites systématiquement l'inverse. En effet, vous réduisez l'assiette par des niches, mais cela ne vous empêche pas de diminuer les taux puisque le taux marginal passe de 1,8 % à 0,5 %. Nous avons là l'exemple d'une niche que certains d'entre vous proposent même encore d'agrandir – je ne sais pas si cet amendement sera défendu tout à l'heure – alors que nous souhaitons la réduire compte tenu du fait que vous avez décidé de diminuer le taux.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, vous avez refusé que le plafonnement de la déduction de l'impôt sur le revenu pour les dons destinés au financement des partis politiques soit fixé à 7 500 euros globalement, alors qu'il est actuellement de 7 500 euros par parti politique. J'aimerais donc savoir si la disposition dont nous parlons s'appliquera aux dons en faveur des partis politiques.
La parole est à M. David Habib, pour soutenir l'amendement n° 613 rectifié .
Nous avons tous le sentiment de vivre des moments surréalistes. On parle en effet de 2 % des foyers fiscaux et, depuis mardi, on organise une fiscalité pour permettre à ces 2 % de Français les plus favorisés de s'exonérer de la solidarité nationale encore plus que par le passé.
Pour ce faire, vous additionnez les niches fiscales : hier, c'était pour les anciens créateurs d'entreprises ayant pris de la distance avec l'entreprise ou la société dont ils étaient mandataires, et aujourd'hui c'est pour les dons. Tout à l'heure, on a invoqué la politique familiale ; on m'a même dit que, dans certaines familles, il était peut-être préférable de ne pas encourager celle-ci eu égard aux difficultés qui peuvent surgir entre détenteurs de capital et héritiers...Ici, une fois de plus, vous mettez en place un dispositif qui permettra à certains de s'en sortir encore mieux, mais surtout cela se fera au détriment des recettes du budget de la nation.
Hier, à l'occasion de la réunion du conseil municipal de ma ville, nous avons réuni l'ensemble des enseignants et des parents d'élèves pour protester contre les suppressions de classes. Je vous donnerai une coupure du journal Sud Ouest, monsieur le président, et vous verrez les parents d'élève dénoncer ces suppressions. Vous verrez même le seul conseiller municipal UMP de ma commune voter avec nous…
…et dire que cela ne peut plus durer. Voilà pourquoi je propose cet amendement qui vise à limiter les avantages singuliers que le Gouvernement et sa majorité souhaitent encore consentir aux plus privilégiés.
J'ai indiqué tout à l'heure que l'ISF-dons était, à mon sens, un peu sous-utilisé aujourd'hui et je veux rassurer M. Eckert : ce dispositif est strictement réservé aux établissements de recherche ou d'enseignement supérieur, aux fondations reconnues d'utilité publique et aux entreprises d'insertion pour le travail temporaire – nous avions ajouté ces dernières par amendement, il y a deux ou trois ans. Le dispositif est donc limité à des institutions à caractère désintéressé et objectivement d'intérêt général.
(Les amendements identiques nos 604 rectifié , 605 rectifié , 613 rectifié et 619 rectifié ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1237 .
La parole est à M. le rapporteur général.
Cet amendement a été adopté par la commission à l'initiative de M. Carré qui pourrait donc peut-être le défendre, si vous le permettez, monsieur le président.
Bien sûr, monsieur le rapporteur général !
La parole est à M. Olivier Carré.
Cet amendement vise simplement à rétablir l'égalité entre les déclarations faites pour l'ISF-PME et celles qui doivent être rendues pour l'ISF-dons. C'est un amendement technique.
Favorable.
Je connais bien M. Carré, qui fréquente assidûment la commission des finances, et je me méfie beaucoup des amendements techniques, surtout lorsque M. le ministre dit « favorable » sans plus d'explication. Pour évaluer la politique gouvernementale, monsieur le président, il suffit d'observer le ministre. Je vous ferai remarquer que je n'ai toujours pas de réponse à ma question.
J'ai déjà répondu trois fois !
Vous voyez, le ministre réagit tout de suite ! Savez-vous à quoi l'on mesure la pertinence des questions ? À la physionomie du ministre ! Je dis tout cela parce que nous faisons de la pédagogie politique.
Non, ce n'est pas de l'obstruction ! Beaucoup de gens nous regardent et communiquent par Twitter …
…pour apprécier le discours gouvernemental et le combat que nous menons. Et pour mesurer la pertinence de ce que nous disons, je vais vous donner une référence, monsieur le ministre : Masereel. Cet artiste a illustré les ouvrages de Romain Rolland – je pense à Jean-Christophe – et il a dessiné des personnages formidables. On voit la souffrance qui s'affiche sur leur visage grâce à l'intensité des grimaces. Eh bien, le ministre me fait penser à Masereel. Quand nous lui posons une question qui lui fait mal, nous mesurons la pertinence de ce qui nous disons et le coup que nous portons à la politique gouvernementale à l'intensité de ses rictus. Si Masereel était encore de ce monde, il pourrait prendre François Baroin comme modèle.
Cet amendement reprend une préconisation du Conseil des prélèvements obligatoires, à savoir ramener le taux de l'incitation à l'investissement en fonds propres dans les PME de 50 % à 25 % au titre de l'ISF, taux qui est celui retenu pour l'incitation existante au titre de l'impôt sur le revenu. En effet, nous continuerons à le répéter tout au long de ce débat, l'impôt sur la fortune n'est dû que par 2 % des contribuables et il n'est pas justifié que seuls ces derniers puissent bénéficier de cette nouvelle niche fiscale.
Voici ce que l'on peut lire dans le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires : « Compte tenu de la concentration de l'actionnariat en France – 1,7 % seulement des ménages en 2000 détenaient des actions non cotées et la probabilité de détenir des actions est très fortement corrélée à l'importance du patrimoine –, ces avantages fiscaux profitent sans doute essentiellement aux contribuables les plus fortement dotés en patrimoine. L'articulation entre la réduction d'impôt sur le revenu et la réduction d'impôt de solidarité sur la fortune accentue cet effet. À revenu et à investissement égal, le gain fiscal dont peuvent bénéficier les contribuables assujettis à l'ISF est plus élevé que celui offert à ceux qui ne le sont pas. La possibilité de cumul des avantages à l'impôt sur le revenu et à l'ISF pour une même somme investie est écartée, mais les taux et les plafonds de la réduction ISF sont plus avantageux que ceux de la réduction à l'impôt sur le revenu. D'ailleurs, la collecte ISF-PME paraît très sensiblement supérieure et plus dynamique que la collecte liée à la réduction d'impôt sur le revenu. »
Voilà donc encore une niche fiscale beaucoup plus avantageuse pour ceux qui sont assujettis à l'ISF que pour ceux qui sont simplement assujettis à l'impôt sur le revenu et que nous pourrions réduire dans un contexte budgétaire aussi contraint que le nôtre.
La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l'amendement n° 1418 .
Cet amendement, que nous avons souvent présenté, vise à aligner le dispositif ISF-PME sur ce qui existe pour l'impôt sur le revenu, c'est-à-dire sur le dispositif Madelin.
Lorsque nous sommes passés d'un taux d'incitation de 75 % à 50 %, grâce à un amendement que vous aviez présenté, monsieur le rapporteur général, nous avions déjà fait observer que le taux était tellement élevé que, finalement, ce dispositif fiscal profitait à des tas d'investissements totalement inefficaces. Quand on applique un taux de subvention qui atteint 75 %, on arrive à des aberrations totales. Des investissements étaient ainsi opérés dans des caves à vin ou des caves à cigares, ce qui, à ma connaissance, n'est pas l'objet du dispositif.
Abaisser le taux à 25 %, même si je sais qu'un effort a déjà été réalisé pour descendre à 50 %, permettrait d'introduire une cohérence entre ce qu'on fait sur l'impôt sur le revenu et ce qui est fait sur l'ISF. Dans un contexte où l'on a besoin de ressources fiscales et où on doit être très attentif aux dispositifs incitatifs, une telle proposition devrait recueillir une certaine unanimité, au moins parmi les membres de la commission des finances qui sont tous attachés, je l'espère, à la sanctuarisation des finances de notre pays.
La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l'amendement n° 1419 .
La commission a donné un avis défavorable.
Pierre-Alain Muet vient d'évoquer un point essentiel : il ne faut pas que les incitations fiscales soient si importantes que l'aspect produit fiscal l'emporte sur l'aspect investissement économique. Quand l'investisseur ne prête plus aucune attention à la qualité de l'investissement qu'il veut faire sous prétexte qu'il s'agit, à ses yeux, essentiellement d'un produit fiscal, on en arrive à des investissements dans des logements pour lesquels il n'y aura jamais d'habitants, dans des bateaux qui ne navigueront jamais ou, on l'a vu sur l'ISF-PME, des investissements tout à fait discutables, de type caves à vin, etc. – malheureusement nous avons beaucoup de dossiers.
C'est la raison pour laquelle nous avons réduit de 75 % à 50 % l'incitation ISF, non sans difficulté d'ailleurs.
Les auteurs de l'amendement proposent d'aligner le taux sur le Madelin, qui est à 25 %.
D'abord, je pense qu'il faut nous laisser un peu de temps pour que nous puissions procéder à une évaluation de la mesure prise précédemment. Le nouveau taux de 50 % s'applique pour la première fois en 2011.
Ensuite, et surtout, je ferai remarquer qu'une bonne partie de l'ISF-PME est investie en intermédiation par le biais de FIP ou de FCPI dans lesquels il existe des quotas. En moyenne, dans ces fonds, le quota est à 60 % de PME. Autrement dit, l'incitation fiscale de 50 % s'applique sur 60 %, ce qui ne fait que 30 %, soit à peu près, monsieur Muet, le niveau des incitations Madelin.
Le Gouvernement est évidemment défavorable à cet amendement, pour deux raisons.
La première, c'est qu'il n'est pas favorable à cette sorte d'habitude qui consiste à vouloir remettre en cause des dispositifs qui fonctionnent. Ce dispositif est un acquis. Il n'est pas symbolique, il n'est pas doctrinaire, c'est un dispositif qui fonctionne. Il a déjà été raboté au moment de la loi de finances parce que nous avions considéré qu'on parvenait ainsi à un juste équilibre. Aller plus loin donnerait une forme de coup d'arrêt à une campagne qui fonctionne bien et qui permet d'irriguer, sur les plans capitalistique, budgétaire, financier, les moyens dont les entreprises, petites ou moyennes, ont besoin sur notre territoire pour se développer, investir et donc, à terme, créer de l'emploi.
La seconde raison, c'est que le dispositif fonctionne très bien. Je vais, pour la première fois, vous donner les chiffres : la campagne 2010 a permis de diriger 1,4 milliard d'euros vers les PME. Cette somme considérable, c'est autant d'argent dont les entreprises avaient besoin et dont elles n'auraient pas disposé si ce dispositif n'avait pas existé.
La logique de l'alignement de l'ISF-PME sur le Madelin pourrait se concevoir mais la lecture des chiffres et la constatation de l'efficacité de ce dispositif ne peuvent qu'y mettre un coup d'arrêt.
Je répondrai au ministre en reprenant l'argument du rapporteur général : il faut garder aux choix d'investissements une rationalité économique. Quand vous commencez à subventionner massivement un dispositif, il arrive à ne plus avoir aucune rationalité économique : vous investissez dans des produits qui n'auraient jamais été mis en place ou dans des entreprises qui ne sont pas compétitives.
Il faut, pour la compétitivité de notre pays, que les dispositifs d'incitation à l'investissement soient cohérents avec la rentabilité de ces investissements. Subventionner des investissements spécifiques à 75 %, ou même à 50 % comme c'est le cas actuellement, peut conduire à des aberrations.
J'attends avec intérêt d'avoir une évaluation mais je pense qu'un taux de subvention de 50 % est déraisonnable et que, tôt ou tard, vous reviendrez – en tout cas, nous, nous le ferons – à un taux rationnel, et 25 % de subvention, c'est déjà beaucoup.
Je m'interroge sur la valeur de votre argumentation, monsieur le ministre. Vous nous dites qu'1,4 milliard d'euros ont été dirigés vers les PME. C'est cohérent puisque le coût de la mesure, c'est-à-dire ce que représentent ces 50 %, est évalué en 2010 à 768 millions. En revanche, qu'est-ce qui vous permet d'affirmer qu'une partie, probablement significative, de cet investissement, n'aurait pas quand même été faite s'il n'y avait pas eu la réduction de 50 % ? Il faut faire, j'en conviens, des évaluations.
Plus généralement, il est vrai que vous auriez pu, à l'occasion de ce texte, vous interroger sur la notion de capital productif, j'entends productif pour l'économie et pour l'emploi, et de capital ou de patrimoine dormant. Ce débat, nous ne l'avons pas encore eu mais je pense qu'il faudra que nous l'ouvrions, probablement à une autre occasion.
(Les amendements identiques nos 1418 , 1 419 et à 1 425 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1236 .
La parole est à M. Olivier Carré.
Monsieur le rapporteur général, puis-je vous demander si, en tant que co-signataire, vous êtes d'accord avec ce retrait ?
Oui. La question du salarié unique se pose à la fois pour l'ISF, c'est l'amendement n° 1236 de M. Carré, mais également pour l'impôt sur le revenu au titre du dispositif Madelin. Nous avons adopté un amendement qui vient un peu plus loin, que M. Carré présentera, et qui traite des deux impôts à la fois.
(L'amendement n° 1236 est retiré.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1235 .
La parole est à M. Olivier Carré.
Aujourd'hui, lorsque quelqu'un investit grâce au dispositif ISF-PME et qu'il est tenu de vendre ses actions, il doit réinvestir la même somme que celle qu'il a récupérée au moment du réinvestissement pour continuer à bénéficier des avantages initiaux, à ceci près qu'entre temps il aura payé un impôt sur les plus-values d'à peu près un tiers. Cette disposition l'oblige à devoir remettre à nouveau ce montant, ce qui est l'esprit ni de la loi ni de ce texte. Il est donc proposé que le réinvestissement soit du montant net des montants fiscaux dont il s'est acquitté.
Favorable, et je lève le gage.
(L'amendement n° 1235 , modifié par la suppression du gage, est adopté.)
L'amendement est défendu.
(L'amendement n° 68 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1315 .
La parole est à M. Pierre-Alain Muet.
L'objectif de cet amendement est de continuer de corriger le revenu pris en compte pour le bouclier fiscal. Des corrections ont été apportées pour supprimer un certain nombre d'aberrations mais nous voulons aller plus loin dans la mesure où le bouclier fiscal va encore s'appliquer un petit peu et que nous sommes favorables au maintien d'un plafonnement. Adopter cet amendement reviendrait à avoir un plafonnement Rocard qui soit cohérent.
(L'amendement n° 1315 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1091 rectifié .
La parole est à M. Christian Eckert.
Cet amendement concerne les dispositions qui permettent aux contribuables d'échapper à la prise en compte, pour le calcul du droit à restitution, des cotisations ou des primes versées au titre d'un PERP. Pour le calcul de l'impôt sur le revenu, ces cotisations sont déductibles du revenu net global, dans la limite de 10 % des revenus de l'activité professionnelle, ce qui favorise bien évidemment le droit à restitution. Comme le bouclier fiscal ne sera pas supprimé avant la fin 2013, il faut que les gens le sachent, nous proposons de supprimer le c) du 5. de l'article 1649-0 A du code général des impôts.
(L'amendement n° 1091 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1314 .
La parole est à Mme Aurélie Filippetti.
Nous dénonçons toujours le péché originel de cette réforme de l'ISF, c'est-à-dire le fait que le bouclier fiscal ne soit pas supprimé aujourd'hui alors que la réforme de l'ISF va s'appliquer immédiatement. Le bouclier fiscal ne disparaissant qu'à la fin de l'année 2013, il va continuer à coûter de l'argent à l'État jusqu'en 2014. Il convient d'en limiter les effets et le coût pour le budget de l'État. Notre amendement vise à retenir, dans les revenus pris en compte pour le droit à restitution, les revenus du patrimoine et les produits de placement avant déduction de la CSG.
(L'amendement n° 1314 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1289 .
La parole est à M. Christian Eckert.
Tout le monde aura observé qu'il existe un plafonnement global des niches fiscales à l'impôt sur le revenu. Ce n'est pas une mauvaise chose, même si un durcissement et donc un abaissement de ce plafond aurait été souhaitable. Il nous paraît légitime d'instaurer, de la même façon, un plafonnement global des niches à l'impôt de solidarité sur la fortune.
M. le rapporteur général a beaucoup travaillé sur le plafonnement global des niches, qui nous a occupés une partie de l'année dernière, mais tout cela ne concernait que l'impôt sur le revenu. Nous proposons, par le dispositif un peu complexe qui est listé dans l'amendement, de plafonner les niches de façon progressive suivant la tranche dans laquelle on se trouve. Le rapporteur général, qui était très attaché au plafonnement des niches – même si encore une fois, il nous aurait semblé judicieux de durcir les propositions adoptées –, devrait être très favorable à ce plafonnement global des niches sur l'ISF, pour le parallélisme des formes : ce qui a été fait sur l'impôt sur le revenu peut être fait sur l'impôt de solidarité sur la fortune.
Défavorable.
Je reprends l'argument de mon collègue Christian Eckert car il y va d'un parallélisme non seulement des formes, mais je dirais presque des principes de justice.
Pensez à ce que nous faisons dans les outre-mer : les exonérations d'impôt sur le revenu y sont plafonnées à 36 000 euros, sauf pour le logement social, pour lequel cela sera corrigé très bientôt, du moins je l'espère, puisqu'elles doivent être portées à 40 000 euros.
Quand vous utilisez les trois exonérations prévues par les articles 199 undecies A, 199 undecies B – c'est-à-dire le dispositif dit du Girardin industriel – et 199 undecies C – sur le logement social –, le plafonnement total est de 36 000 euros. Il y a quelque injustice à ne pas plafonner pour l'ISF. Il s'agit donc là d'un amendement de bon sens.
(L'amendement n° 1289 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1247 , deuxième rectification.
La parole est à M. le rapporteur général, pour le présenter.
Il s'agit d'un amendement technique qui vise à généraliser l'autoliquidation.
Vous savez parfaitement, monsieur Eckert, que le fameux plafonnement, que j'appelle toujours « plafonnement Rocard », fonctionne en autoliquidation.
Vous savez aussi que le bouclier fiscal, qui s'inscrit dans la droite ligne du plafonnement Rocard, peut aussi fonctionner en autoliquidation. Il s'agit donc, à travers cet amendement technique, de généraliser l'autoliquidation.
Favorable.
…se livre à une exagération insupportable en disant qu'il s'agit d'un amendement technique.
Vous avez toujours été opposé à autoliquidation de l'ISF ! Pourquoi ce changement subit ? Je vais vous le dire : c'est parce que, si vous ne décidiez pas l'autoliquidation dès cette année, cela voudrait dire que, l'année prochaine, en pleine campagne électorale, le bouclier fiscal, dont vous aurez claironné la suppression, donnerait lieu à des chèques de remboursement. L'opinion publique y serait probablement fort sensible.
Vous vous montrez donc fort habile en parant tout d'un coup l'autoliquidation de vertus qu'elle n'avait pas auparavant. Je trouve donc, monsieur le rapporteur général, indépendamment du fait qu'il s'agit là, politiquement, d'une entourloupe à laquelle vous vous étiez toujours refusé, qu'il est tout de même un peu hasardeux d'essayer de faire passer cela pour un amendement« technique ».
D'ailleurs, vous aurez quelques problèmes. Même si cela mérite d'être vérifié, il me semble que, en raison du calendrier – l'impôt doit être payé à certains moments bien précis –, l'autoliquidation sera peut-être difficile et ne pourra s'imputer que sur certains impôts, notamment les impôts locaux. Mais là, pour le coup, c'est bien d'un problème technique qu'il s'agit.
Votre amendement, quant à lui, est éminemment politique. Il tend tout simplement à vous éviter d'envoyer des chèques – et probablement des gros chèques – en pleine campagne électorale. Je vous trouve donc tout de même un peu malhonnête – intellectuellement, cela s'entend – quand vous présentez cela comme un amendement technique.
Les propos du rapporteur général entraînent, en tout cas en ce qui me concerne, à la fois l'adhésion et l'inquiétude.
L'adhésion concerne le plafonnement car nous n'avons jamais été hostiles à ce principe. Nous avons, en revanche, toujours été opposés au niveau du plafonnement qui a été fixé avec le bouclier fiscal, ainsi qu'à son contenu. L'introduction des impôts locaux dans le volume plafonné fut évidemment une erreur. Quant à l'inclusion de la CSG, ce fut le résultat, non pas – contrairement à ce que l'on a pu entendre à l'envi dans cette enceinte – d'une volonté du ministre de l'économie et des finances de l'époque, mais d'une décision de justice de 1996, comme le précise d'ailleurs bien le rapport de notre collègue Gilles Carrez. Le Gouvernement a ensuite traduit cette décision de notre justice dans une instruction fiscale. Bref, si le niveau du plafonnement et son contenu ont pu susciter des oppositions de notre part, la question de l'adhésion au principe même du plafonnement n'a jamais fait débat entre nous.
L'inquiétude que je signalais vient du fait que, comme vient de l'indiquer notre collègue Eckert, le principe de l'autoliquidation va rendre délicate, je le crains, la connaissance par la représentation nationale des montants concernés. Ce n'était pas le cas jusqu'à présent s'agissant du bouclier fiscal, puisque chaque année, certes plus ou moins tôt selon la survenue d'événements politiques – ce fut plutôt tard cette année, mais on peut le comprendre du fait des élections cantonales –, nous avions connaissance des montants versés par le fisc à certains contribuables au titre du bouclier fiscal. D'ailleurs, la révélation de ces montants a aidé à la prise de conscience, d'abord des parlementaires, ensuite de l'opinion,…
…aboutissant finalement au présent projet de loi, qui supprime le bouclier fiscal – en tout cas à partir de 2014 puisque, comme on le sait, il produira encore des effets l'année prochaine et dans deux ans.
L'autoliquidation risque de rendre délicate cette évaluation. Je voudrais donc, monsieur le ministre, que vous vous engagiez devant nous à ce que, comme pour le bouclier fiscal, vous nous fassiez part dans le premier trimestre de l'année prochaine des montants ainsi autoliquidés au titre de cette réforme de l'ISF et du bouclier fiscal, de façon à ce que l'on sache quelles en sont les conséquences réelles, par exemple par décile, pour les plus grandes fortunes de notre pays. Autoliquidation ou pas, nous devons savoir ce que sont les montants consentis à certains de nos compatriotes au titre de la réforme de l'ISF et du bouclier fiscal, qui est maintenu l'année prochaine.
Comme je le disais à l'instant, le Gouvernement est favorable à l'amendement de Gilles Carrez.
Je voudrais revenir sur le fond. Précisons bien les choses : avec l'ancien ISF, il y avait le bouclier ; avec le nouvel ISF, ce ne sera plus le cas. Or vous vouliez la suppression du bouclier. Vous devriez donc tout simplement la voter, plutôt que d'essayer de trouver des prétextes dans le calendrier, dans le décalage, ou encore dans la mise en oeuvre.
Je maintiens qu'il est logique de supprimer le bouclier,…
…tout comme il est naturel de réformer en profondeur l'ISF. Vous ne voulez pas l'accepter ; nous nous opposons sur ce point. Cela n'est pas grave !
Vous ne voulez pas soutenir la compétitivité économique avec la réforme de l'ISF ; assumez ! Vous ne voulez pas que les plus fortunés restent en France, assumez ! Vous ne voulez pas, à travers cette réforme de l'ISF, le maintien d'une contribution des plus fortunés à l'effort de financement des pouvoirs publics, assumez ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Voilà ce que je peux vous dire sur ce sujet récurrent.
Mais vous ne pouvez pas faire croire à l'opinion qu'il y aura fromage et dessert,…
…c'est-à-dire le bouclier en plus du nouvel ISF. Cela, c'est un nouveau mensonge.
Le mot « mensonge » n'est pas spécialement une insulte ; d'ailleurs, il est dans le dictionnaire ! Au demeurant, dénoncer un mensonge, c'est énoncer une vérité, en l'occurrence la vérité du mensonge socialiste sur ce sujet.
Si je vous regarde particulièrement en disant cela, Mme Filipetti, c'est en raison de l'échange que nous avons eu hier. J'avais dénoncé, à regret, sur un autre sujet, le fait que vous soyez devenue la compagne infortunée du mensonge de certain directeur d'une agence publique.
Mais cela est déjà bien loin, puisque c'était avant-hier.
Pour le reste, sur l'autoliquidation, je ne comprends pas pourquoi cela vous gêne.
Nous avons reconnu, au moment de la mise en oeuvre de la loi TEPA et de l'amélioration du bouclier, avec son passage de 60 % à 50 %, que la restitution par le Trésor au moyen d'un chèque constituait, vis-à-vis des contribuables, un « vice de forme technique » – je crois que telle était l'expression du rapporteur général. Avec l'autoliquidation, on rentre dans un schéma normal.
Par ailleurs, monsieur le président de la commission des finances, en votre qualité éminente, vous avez à tout moment et en toutes circonstances la possibilité de venir à Bercy. C'est une maison transparente ; elle vous accueillera avec bonheur !
Les chiffres seront d'autant plus disponibles que, contrairement à l'autoliquidation sur le plafonnement, l'autoliquidation sur le bouclier est suivie de façon spécifique. On dispose donc des chiffres détaillés et il n'y a donc pas lieu, sur ce point, de nourrir la moindre inquiétude.
Je vous remercie de vos propos, monsieur le ministre. Il est vrai que, dès lors que Gilles Carrez ou moi-même souhaitons disposer de certains documents, vous-même et vos collaborateurs n'avez jamais hésité à nous les procurer, et cela dans des délais tout à fait satisfaisants. Je vous en donne acte devant la représentation nationale.
Je déduis des propos de portée générale que vous venez de tenir devant nous que, l'année prochaine, il ne me sera même pas nécessaire de venir dans votre département ministériel pour disposer des chiffres, puisque vous me les communiquerez bien volontiers au cours du premier trimestre, comme vous l'avez toujours fait, ce dont d'ailleurs je vous remercie.
Je trouve le président de la commission des finances bien confiant ! Il oublie – mais cela ne fait certainement pas partie de sa culture –, le péché par omission.
Dans sa disponibilité et sa sincérité, le ministre peut oublier des choses. Les trous de mémoire, cela existe !
En ce qui concerne l'autoliquidation, les personnes qui nous regardent doivent se demander de quoi nous parlons. Eh bien, avec elle, on autorise les plus riches à manger la tête dans l'auge à l'heure qui leur convient. Vous savez d'ailleurs que, parfois, quand on a de l'appétit, on peut manger plus qu'il n'était prévu !
Pour ne pas compliquer – le ministre dirait : « pour simplifier » – le travail de l'administration, on évite que les personnes concernées éprouvent le besoin de faire ensuite amende honorable. L'autoliquidation ne peut donc nous convenir.
Le président de la commission des finances évoquait, à fort juste titre, les chèques que le ministère faisait aux gens très riches. Rappelez-vous – et pour une fois je ne vais plus parler de Mamie Liliane, bien que le ministre ne m'ait toujours pas répondu –… (Rires)
Non, non, il n'a pas dit d'une façon claire s'il est vrai qu'elle paye 40 millions d'euros cette année et qu'elle n'en paiera plus que 10 millions. Je vois d'ailleurs que David Douillet est très intéressé par le sujet, parce que, en cherchant dans sa mémoire, il se dit : « Moi non plus je n'ai pas entendu la réponse ! » (Rires.)
Je veux dire, bien sûr, la réponse précise, car je ne parle pas des discours que vous nous avez faits.
Monsieur Brard, je ne suis pas persuadé que vous soyez le porte-parole de M. Douillet. En revanche, il vous reste quinze secondes pour parler sur l'amendement !
Je n'en suis pas encore là, pour l'instant je réponds au ministre ! (Sourires.)
Monsieur le ministre, n'essayez pas de nous aveugler avec cette histoire de compétitivité économique. En effet, qu'est-ce que Mme Bettencourt va faire de ses 30 millions d'euros ? Elle va spéculer et certainement pas contribuer à la compétitivité de notre économie. Il faut donc revenir à l'essentiel.
L'autoliquidation, c'est une façon de mettre sous le tapis les chèques que vous allez faire au titre du bouclier fiscal. C'était exactement comme avec le grand emprunt, qui a été une façon de mettre dans le déficit de 2010 une trentaine de milliards d'euros qui n'ont pas été dépensés, qui vont être dépensés pendant dix ans, mais qui ont pour conséquence que, de 2010 à 2011, vous afficherez une baisse du déficit qui ne correspond pas du tout à la réalité.
En matière de vérité, je pense que vous êtes assez éloigné de pouvoir donner des leçons ! Si vous avez un incontestable talent, monsieur le ministre,…
…ainsi que le Gouvernement, pour faire des opérations électoralistes, je trouve que vous êtes quand même beaucoup moins brillants pour ce qui est des résultats effectifs de votre politique économique.
Vous parlez continuellement de compétitivité. Dois-je rappeler que, depuis 2003, le commerce extérieur de notre pays est continuellement en situation de déficit : tous les ans, le déséquilibre augmente de 5 à 10 milliards. Nous battons cette année des records en la matière : 50 milliards d'euros ! Le temps est loin où la France avait 10 milliards et parfois jusqu'à 30 milliards d'excédent par an. C'était une époque où vous n'étiez pas au pouvoir !
M. le ministre m'a placée dans les compagnons d'infortune des défenseurs des allocataires du RSA. Je l'accepte tout à fait, et je le revendique même. Vous êtes plutôt aujourd'hui, monsieur le ministre, le compagnon de fortune des bénéficiaires du bouclier fiscal.
M. le ministre n'a nul besoin de renfort technique et encore moins de témoin de moralité, mais pour que les choses soient bien claires : cette année, rien ne change pour Mme Bettencourt, dont le cas semble préoccuper certains de nos collègues. Seuls les redevables de la première tranche de l'ISF voient leur situation changer – ce qui n'est évidemment pas son cas, puisqu'elle est bien au-delà. Elle reste, au titre de l'ISF, au même barème, et elle conserve, au titre du bouclier fiscal, les mêmes avantages. Il semblerait donc que, cette année encore, Mme Bettencourt reçoive un chèque d'au moins 30 millions d'euros – chiffre que l'intéressée n'a jamais démenti.
(L'amendement n° 1247 deuxième rectification est adopté.)
Le présent amendement vise à augmenter de cinq points le tarif des deux dernières tranches du barème d'imposition applicable aux successions et aux donations.
L'augmentation des droits de succession et de donation est nécessaire pour réduire les inégalités, en forte augmentation actuellement, les inégalités de patrimoine étant supérieures aux inégalités de revenus.
Les richesses issues de l'héritage ne cessent de croître : on assiste à la résurgence d'une société d'héritiers, qui s'explique par la faiblesse de la pression fiscale sur les très hauts revenus et sur les gros patrimoines. Les statistiques montrent que la part de la richesse héritée dans le revenu national est en croissance forte et rejoint le niveau d'avant la Première Guerre mondiale.
Augmenter les taux d'imposition sur la transmission du patrimoine est donc nécessaire, si l'on veut renforcer la cohésion sociale et le consentement à l'impôt. La révision des taux proposée par cet amendement permettrait en outre d'assurer de nouvelles ressources fiscales à l'État, ce qui est nécessaire.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour défendre l'amendement n° 403 .
Il s'agit de relever le taux de la dernière tranche d'imposition pour les transmissions à titre gratuit et en ligne directe.
L'objet de cet amendement est d'assurer une meilleure progressivité du barème applicable aux transmissions en ligne directe. Votre article 2 propose en effet de relever de 5 % les taux applicables aux deux plus hautes tranches du barème des droits de mutation, c'est-à-dire de porter de 35 à 40 % le tarif applicable aux parts nettes taxables, après abattement de 159 000 euros, comprises entre 900 000 et 1,8 million d'euros, d'une part, et de 30 à 45 % le taux applicable aux parts nettes supérieures à 1,8 million d'euros, d'autre part.
La hausse étant identique dans les deux cas, nous ne sommes pas dans une logique de progressivité mais de proportionnalité, qui joue une fois de plus à l'avantage des plus riches. C'est pourquoi nous proposons de porter de 40 à 50 % le taux applicable à la plus haute tranche, et ce dans un évident souci de justice – quoique je ne sois pas certain que le mot ait le même sens pour nous tous ici…
Il est vrai, monsieur Censi, que, selon les latitudes sous lesquelles on vit, les traductions sont différentes. Moi, je vis à l'est, à Montreuil,…(Sourires)
…tandis que vous vivez au sud : nous avons là un exemple de la théorie des climats de Montesquieu.
Nous voyons dans cet amendement le moyen d'assurer un meilleur rendement des droits de mutation, ce qui, dans la période de crise économique et sociale que nous connaissons, nous semble assez approprié.
Nous nous étonnons d'ailleurs que le Gouvernement fasse preuve d'autant d'ambition en matière de sécurisation des recettes et de baisse des dépenses fiscales, alors qu'il se fait le chantre de l'austérité dès lors qu'il s'agit de réaliser des coupes sombres, par exemple dans le budget de l'éducation. Décidément, nous n'avons pas les mêmes priorités… Je vous vois dodeliner, monsieur Censi, mais contredisez-moi plutôt avec des arguments convaincants.
La commission a rejeté ces deux amendements. Je rappelle à M. Brard que c'est la première fois depuis 1982 que l'on majore le taux marginal sur les successions. Cela n'avait pas été fait depuis cette époque.
Avis défavorable.
Le rapporteur général a raison : nous avions pris du retard. Mais les insuffisances des uns ne peuvent pas justifier votre acharnement à ne pas agir.
Vous êtes au pouvoir depuis 2002 ; vous avez donc largement eu le temps d'agir. Mais en l'occurrence, vous donnez tellement aux riches que vous êtes obligés de prendre quelques mesures à effet cosmétique pour enjoliver votre discours de propagande, lequel fait place dans l'hémicycle – et ceux qui nous regardent pourront le constater – à un silence assourdissant du ministre.
(L'amendement n° 291 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 403 n'est pas adopté.)
(L'article 2 est adopté.)
Sur l'article 3, je suis saisi d'un amendement n° 428 . La parole est à M. le président de la commission.
Le patrimoine médian des Français est de 110 000 euros, et je propose par cet amendement de limiter à 160 000 euros la possibilité de transmission en franchise d'impôt. Un couple français avec deux enfants peut donc ainsi leur transmettre plus de trois fois le patrimoine médian.
Il me semble que cette disposition s'impose, d'abord au regard de l'état de nos finances publiques mais également compte tenu de ce que nous souhaitons les uns et les autres, à savoir faire de ce pays un pays où tout le monde à sa chance.
Je vous rappellerai ici ce qu'a dit récemment Warren Buffett, qui n'est pas précisément un contempteur de l'initiative et du mérite individuels – toute sa vie est une illustration du contraire. Selon lui, si l'équipe olympique américaine de 2020 n'était composée que des enfants de l'équipe olympique de l'année 2000, elle serait sans doute très performante, mais sûrement pas la meilleure possible. Au-delà de cette métaphore, il a lui-même donné l'exemple, en léguant 90 % de sa fortune considérable non à sa descendance mais à des fondations.
Nous n'aurons pas néanmoins à pleurer sur le sort de ses enfants, mais le symbole est parlant. Warren Buffet considère qu'il est normal que 90 % de son patrimoine soit réinjecté dans la sphère publique par le biais de fondations, ce que – Yves Censi a raison de le rappeler – le droit américain facilite.
Mais reconnaissons aussi que le système français offre des avantages considérables, puisqu'il permet une donation de 160 000 euros par enfant tous les six ans. Je propose donc que le montant des donations possibles reste conséquent – je le rappelle : il est trois fois supérieur au patrimoine médian des Français pour un couple avec deux enfants –, mais que, au-delà, toute transmission soit soumise à des droits, qui pourraient d'ailleurs être diminués dès lors que l'assiette serait élargie.
Or il me semble que ce projet fait l'inverse de ce que pourtant chacun recommande : il réduit l'assiette et augmente les taux, ce qui ne me paraît pas la meilleure des choses pour notre pays.
Vous fondez votre argumentation sur le patrimoine médian des Français, ce qui est discutable dans la mesure où l'on peut parier sur son caractère évolutif. Nous parions pour notre part sur l'augmentation de la richesse globale du pays et donc de celle de chaque Français – c'est en tout cas ce pour quoi nous nous battons, grâce à des politiques publiques qui permettent à chacun d'améliorer sa qualité de vie.
Il n'est donc pas absurde que les rappels puissent être faits régulièrement. C'est dans cet esprit que nous revenons à la situation de 2006, puisque c'est dans le cadre de la loi TEPA que nous étions passés de dix à six ans, sachant qu'en réalité, les bénéficiaires du dispositif depuis 2007 ou 2008 étaient déjà dans l'intervalle de dix ans prévu en 2006.
Nous revenons à un système cohérent et acceptable permettant de financer cette réforme équilibrée et juste, qui ne concerne sur ce point précis que les seuls contribuables assujettis à l'ISF.
Nous allégeons la fiscalité du patrimoine pour alourdir celle des donations et des successions, et l'élément calendaire est important, puisqu'il permet 450 millions d'euros de recettes supplémentaires. Nous ne souhaitons donc pas modifier cette opération.
Nous avons, en matière de donations, deux dispositifs qui se superposent. Le premier consiste à pouvoir donner une certaine somme tous les six ans depuis la loi TEPA, laquelle a triplé cette somme et ramené le délai de dix à six ans. Ce dispositif, plutôt que de favoriser les donations anticipées, incite les personnes concernées à effectuer des donations pour échapper à l'impôt sur les transmissions.
Le second dispositif, que vous supprimez dans l'un des articles du projet, octroie des avantages à la donation en fonction de l'âge. On peut parfaitement comprendre qu'il faille favoriser la donation plutôt que la transmission de patrimoine au moment du décès, mais la bonne réforme est celle que propose le président de la commission des finances, en faveur de laquelle je plaide depuis longtemps. Elle consiste à supprimer complètement le délai à partir duquel on peut faire une nouvelle donation où à partir duquel la donation n'est pas reprise – ce qui est l'objet de cet amendement – mais à conserver en revanche l'incitation à anticiper les donations, mesure que vous supprimez.
Il faut bien évidemment transmettre plus tôt le capital, surtout avec l'augmentation de l'espérance de vie, mais vous faites l'inverse. Vous supprimez le dispositif qui favorise la transmission mais vous conservez, même si vous corrigez les dispositions de la loi TEPA, des mesures qui permettent surtout d'échapper aux droits de transmission.
Monsieur le ministre, je parle bien du patrimoine médian : la moitié des foyers en France possède un patrimoine inférieur ou égal à 110 000 euros. Un abattement de 160 000 euros par enfant pour un foyer composé de deux enfants permet bien de transmettre au moins trois fois ce patrimoine médian, ce qui montre bien combien ces mesures avantagent au premier chef une petite minorité de nos concitoyens.
Mais il me semble surtout que la disposition qui consiste à permettre une telle franchise n'est pas satisfaisante, car elle est source de blocages dans la transmission du patrimoine et la fluidité du capital, ce qui creuse les inégalités. Or, au-delà de toute considération morale, nous savons que, sur un plan strictement économique, la création ou l'aggravation des inégalités génère de l'inefficacité économique chez les agents. C'est d'ailleurs pourquoi chacun a tenté de lutter contre ces inégalités, avec des fortunes diverses.
Mais ce qui est certain, c'est que faciliter la transmission d'un tel niveau de patrimoine ne saurait avoir pour conséquence de réduire les inégalités. Au mieux, elles ne s'aggravent pas, au pire elles en sortent renforcées, ce qui est vraisemblable.
Nous devons avoir le courage de mettre en place des dispositifs qui permettent de fluidifier le patrimoine afin que l'efficacité économique soit au rendez-vous et l'on sait qu'elle ne serait pas favorisée par le blocage du capital dans des milieux familiaux ou sociaux, déterminés ou prédéterminés, et qui sont toujours les mêmes.
Cette société de rentiers n'est pas celle que nous voulons, que l'on soit de droite ou de gauche, et, pourtant, convenons que nous ne faisons que la conforter en lui accordant de tels avantages.
M. le président de la commission des finances vient de faire une lecture un peu rapide de ce dispositif, non que je mette en cause la qualité de son analyse, mais plutôt ses choix politiques au travers de son engagement personnel.
En effet, en l'espèce, nous n'accordons aucun cadeau particulier puisque nous portons de six à dix ans le délai de rappel fiscal des donations.
N'oublions pas qu'il s'agit de faciliter la transmission pour fluidifier l'activité économique. Donner la possibilité de transmettre, en franchise d'impôt, de façon récurrente et régulière, à des intervalles définis par la loi, une partie de sa fortune, ce n'est pas simplement permettre d'échapper à l'impôt, c'est aussi favoriser l'insertion des nouvelles générations dans le tissu économique et les aider. S'ils en ont les moyens, tant mieux pour eux, mais ce dispositif permettra à de nouvelles générations de rebondir, de s'installer, d'acquérir un bien immobilier. Ce mécanisme est donc vertueux et c'est la raison pour laquelle il n'y a pas de doctrine sur ce sujet.
Enfin, ce dispositif est équilibré. Vous ne pouvez pas nous reprocher d'accorder un avantage supplémentaire alors que justement nous allongeons le délai de rappel fiscal des donations et dans le même élan nous accuser de favoriser les plus aisés de nos concitoyens alors que nous venons d'adopter le principe d'une augmentation de cinq points des taux des deux dernières tranches de barème sur les héritages de plus de 4 millions d'euros.
Ces mesures obéissent à une logique que nous assumons pleinement. Certes, nous allégeons la fiscalité sur le stock du patrimoine, mais, en contrepoint, nous alourdissons la fiscalité sur la transmission du patrimoine, ce qui est parfaitement cohérent. À l'échelle d'un cycle de vie, c'est la même population qui est concernée.
Monsieur Muet, le fait de porter ce délai à dix ans signifie que toutes les donations réalisées dans les dix ans et non plus dans les six ans avant le décès seront prises en compte lors de l'ouverture de la succession. Ce faisant, les gens seront incités à faire des donations le plus tôt possible, et les enfants en profitant plus tôt, l'économie en sera favorisée.
Aux articles 3 et 4, vous touchez aux deux dispositifs qui concernent les transmissions anticipées. L'un offre la possibilité de transmettre en franchise de droits tous les six ans, puis tous les dix ans, et ne dépend pas de l'âge du donateur. L'autre si.
Vous supprimez celui qui dépend de l'âge du donateur et qui présentait l'avantage d'inciter à transmettre tôt, mais vous conservez celui qui permet de payer le moins de droits de transmission. Voilà ce que je conteste. Une nouvelle fois, cette réforme n'est pas celle que vous devriez faire. Vous auriez dû adopter l'amendement que vous avez rejeté précédemment et garder ce que vous supprimez à l'article 4.
C'est vrai, il est nécessaire de transmettre jeune, mais il faut éviter l'optimisation fiscale, ce que favorise la transmission tous les dix ans, a fortiori tous les six ans.
Enfin, tous ceux qui sont attachés à la stabilité de la fiscalité rappellent régulièrement lors des débats fiscaux qu'il ne faut pas réformer trop souvent les dispositifs. Or, vous avez pris de multiples mesures dans la loi TEPA que, quatre ans plus tard, vous avez quasiment supprimées puisque c'est encore là à une de ces mesures que vous touchez. Je préférerais, tant qu'à faire, que vous supprimiez les dispositifs de la loi TEPA, mais réfléchissez tout de même à la cohérence de votre action économique sur la mandature, car vous avez démantelé tout ce que vous mis en place au début.
(L'amendement n° 428 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 426 .
La parole est à M. le président de la commission des finances.
Nous sommes d'accord sur un point : en portant le délai de reprise de six à dix ans, la législation va dans le bon sens. Je propose avec cet amendement d'aller un peu plus loin, en portant le délai à quinze ans, tout simplement parce que la disposition de l'article suivant est orthogonale avec celle visant à allonger le délai de reprise. En effet, passer de soixante-dix à quatre-vingts ans, c'est inciter ceux qui peuvent transmettre à le faire plus tard qu'ils ne le faisaient jusqu'alors, ce qui me semble contre-productif au regard des arguments donnés par le ministre. C'est davantage tôt que tard que les nouvelles générations ont besoin d'aide dans la vie.
Comme l'expliquait M. Pierre-Alain Muet, cette mesure va à l'encontre de l'objectif que vous sembliez poursuivre, à savoir permettre aux jeunes générations de disposer plus rapidement qu'auparavant d'un certain patrimoine pour pouvoir ensuite le faire fructifier au gré de leur talent et de leur imagination.
Craignant que l'allongement de soixante-dix à quatre-vingts ans ne soit adopté par notre assemblée, je vous propose de porter le délai de reprise à quinze ans afin qu'il soit suffisamment long pour inciter les personnes à transmettre en temps utile pour les générations suivantes.
Pour le reste, je donne acte au ministre qu'allonger le délai de reprise revient à augmenter l'assiette, et augmenter le taux peut donc se comprendre, mais cet élargissement de l'assiette est probablement insuffisant pour justifier l'augmentation du taux et j'aurais préféré que l'assiette soit bien davantage élargie quitte à ce que le taux reste le même pour ne pas donner l'impression que, dans notre pays, quels que soient les impôts, les taux finissent pas augmenter au gré des variations d'assiette.
(L'amendement n° 426 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Nous en venons à l'amendement le plus important qu'ait adopté la commission des finances sur ce texte. Je partirai, pour ma démonstration, de la réflexion que vient de faire M. Mallié, qui est très importante : l'on ne peut pas raisonner sur les donations sans les lier aux successions. Donations et successions sont indissolublement liées.
Or, la mesure de l'article 3 pose deux problèmes. L'un est lié à sa rétroactivité, l'autre à ce qu'elle est la seule susceptible de concerner des patrimoines modestes appartenant à des personnes qui ne sont pas assujetties à l'ISF. Nous devons donc être très attentifs. Un certain nombre de collègues ont partagé ces préoccupations, notamment Louis Giscard d'Estaing qui ne pouvait pas être là ce matin mais qui a également déposé un amendement.
S'agissant tout d'abord de la rétroactivité, prenons l'exemple d'une personne qui fait une donation en avril 2004, en pensant qu'elle pourra à nouveau faire une donation six ans après, ou qu'elle ne décèdera pas dans les six ans qui suivent – mais cela, on ne l'a jamais à l'esprit. Malheureusement pour elle, elle décède en mai 2011, soit sept ans après. Six années se sont donc écoulés et la donation consentie en 2004 n'est pas rapportée à la succession. On n'en tient pas compte dans l'appréciation du patrimoine de la succession.
Admettons à présent qu'elle décède en septembre 2011. Entre-temps, les dispositions de l'article 3 sont entrées en vigueur, puisqu'elles s'appliquent dès la promulgation de la loi, fin juillet je suppose. Dès lors, la totalité de la donation sera reprise alors même qu'elle avait été consentie à un moment où le délai n'était que de six ans. Cela est d'autant plus susceptible de poser problème que sont concernés des foyers fiscaux qui ne sont pas forcément assujettis à l'ISF.
Admettons que cette personne, en 2004, ait eu un héritier en ligne directe et fait une donation de 80 000 euros – avant la loi TEPA, l'abattement n'était que de 50 000 euros, il a été triplé ensuite, ce qui explique en partie la teneur de l'article 3 car il est alors assez légitime de reporter de six à dix ans le délai de rappel fiscal. J'en profite pour rappeler à M. Muet que c'est loi de finances pour 2006 qui a réduit de dix à six ans la durée du rapport fiscal et non la loi TEPA.
Donc, puisque nous avions pris un certain nombre de dispositions qui favorisaient les donations avant 2007 et qu'en 2007, dans le cadre de la loi TEPA, nous avons multiplié par trois l'abattement, il est légitime de revenir un peu en arrière pour que les avantages ne s'accumulent pas trop – rappelons tout de même que ces avantages poursuivent un seul objectif, celui de favoriser les donations. Tous les notaires vous le diront : plus on vieillit, moins l'on est incité à donner. C'est humain. Or, dans la société d'aujourd'hui où l'économie est très mobile et où il est souvent plus difficile qu'il y a une trentaine d'années pour les jeunes générations de s'installer, une politique active de donation est une très bonne politique. Mais comme il fallait gager la baisse globale du barème de l'ISF, il était nécessaire de prendre des mesures.
Je reviens à ce don de 80 000 euros. Compte tenu de l'abattement de 46 000 euros et du barème alors en vigueur, l'héritier aura alors payé 2 550 euros de droits.
S'il décède en septembre 2011, l'on rapporte la totalité à une succession, qui s'élève en l'espèce à 180 000 euros. Nous sommes loin du seuil d'entrée actuel de 800 000 euros à l'ISF. Son héritier paiera au total 12 605 euros contre 2 826 euros s'il meurt en avril 2011.
Il faut absolument essayer d'atténuer le caractère quelque peu rétroactif du dispositif, même si, Richard Mallié vient de le rappeler à juste titre, ce n'est pas la personne qui décède en premier qui devra payer les droits de succession.
La commission s'est efforcée de définir les moyens de rendre le dispositif le moins coûteux possible et, surtout, elle s'est employée à le gager – car la commission s'est interdit, monsieur le ministre, de prendre la moindre mesure qui ne soit pas gagée par des recettes réelles, sûres et, si possible,…
Nous vous proposons donc un dispositif de lissage qui permettra, en cas de succession, de bénéficier, au-delà de la sixième année – car en deçà s'applique le droit en vigueur au moment de la donation –, d'un abattement progressif de 20 à 80 %.
Cette mesure présente en outre l'avantage d'inciter les contribuables à procéder à des donations. Même s'ils seront amenés à payer des droits, ce qui n'aurait pas été le cas dans l'hypothèse du statu quo, la progressivité de l'abattement les poussera à continuer de donner. Nous avons donc intérêt à prévoir un système incitatif. Je crains en effet que le passage brutal du délai de rappel des donations de six à dix ans bloque les donations, ce qui ne serait de l'intérêt de personne.
Cet amendement vise donc à atténuer la rétroactivité de la disposition prévue par le Gouvernement, à ne pas donner un signal aux petits patrimoines qui n'étaient pas soumis à l'ISF, enfin à maintenir un flux de donations.
Comment gager ce dispositif ? Il s'agirait d'utiliser le droit de partage qui s'applique en particulier au moment du partage d'une indivision, par exemple quand un ménage passe de la séparation de biens à la communauté universelle. Le partage entraîne souvent la possibilité en aval d'améliorer les conditions ultérieures de transmission et permet l'optimisation de la gestion patrimoniale. Aussi, nous proposons de relever le taux du droit de partage de 1,1 % à 2,2 %, afin de financer la dégressivité de la rétroactivité du dispositif proposé.
Il convient de comparer le droit de partage avec les dispositions relatives aux taxes sur les mutations, qui sont de 2 à 5 %, par exemple, en ce qui concerne les droits de mutation à titre onéreux des valeurs mobilières.
Le présent amendement paraît par conséquent raisonnable et équilibré. Il met en jeu une somme de l'ordre de 200 millions d'euros. La mesure de lissage correspond à une recette de quelque 400 millions d'euros qui, du fait du lissage, sera diminuée de moitié. Quant au doublement du taux du droit de partage, il permettrait d'atteindre la somme d'environ 400 millions d'euros.
La parole est à M. le président de la commission des finances, pour soutenir le sous-amendement n° 1545 .
Je comprends le raisonnement de Gilles Carrez selon lequel, en quelques années, le droit des successions aura été considérablement modifié dans un sens puis dans l'autre : en 2006, on raccourcit le délai de reprise, en 2007, on triple l'abattement et, en 2011, on rallonge ce délai avant, probablement – et le plus tôt serait le mieux –, de diminuer l'abattement instauré par la loi TEPA.
L'abattement de 150 000 euros par enfant et par parent tous les six ans permet, pour un foyer de deux enfants, une transmission sexennale libre de droits d'un patrimoine de 600 000 euros. En tenant compte de l'augmentation de la durée de vie du foyer, on constate que les patrimoines ainsi transmis libres de droits n'ont rigoureusement rien à voir avec le patrimoine de l'écrasante majorité de nos concitoyens. Il s'agit donc d'un avantage fiscal dont ne bénéficie à l'évidence qu'une très petite minorité.
On revient sur le délai de reprise qui avait été modifié en 2006. Il s'agit d'une bonne décision mais son annonce le 1er mars dernier a conduit les ménages concernés à profiter, tant que cela était possible, du système en vigueur qui leur est très favorable. De fait, on constate un réel effet d'aubaine, du moins si l'on interroge les notaires : il serait certes exagéré de prétendre que leur salle d'attente ne désemplit pas, mais tous reconnaissent un afflux très important des foyers souhaitant bénéficier du dispositif en vigueur avant que nous ne le modifiions.
Il serait par conséquent raisonnable de prévoir l'application de cette modification à la date de son annonce et non pas à celle de la promulgation de la loi, à moins d'accepter, au titre de l'année 2011, des pertes de recettes qui ne pourront qu'entamer l'équilibre financier – dont on nous dit qu'il est rigoureux – de ce projet de loi.
Il s'agit peut-être, pour certains puristes, d'une forme de rétroactivité, encore qu'il ne me paraîtrait pas déloyal qu'on applique l'augmentation du délai de rappel des donations à la date où elle a été annoncée, le 1er mars dernier – nos concitoyens étant après tout informés. Je rappellerai à ceux qui se montreraient sensibles à l'argument de la rétroactivité que lorsqu'il s'est agi de mettre en oeuvre la déductibilité des intérêts d'emprunt, le ministre du budget avait mis en garde contre la rétroactivité qu'elle impliquait et avec raison puisque le Conseil constitutionnel l'avait censurée. Ce n'est qu'ensuite, par instruction fiscale, que ladite rétroactivité a été appliquée.
Il ne serait donc pas incohérent que le Parlement décide que cette disposition s'applique bien au 1er mars, c'est-à-dire à la date de son annonce. En effet, quand il s'agit de dispositions favorables, c'est bien à la date de leur annonce qu'elles sont appliquées, comme ce fut le cas pour la déductibilité des intérêts d'emprunt, une des cinq mesures de la loi TEPA, même si elle a ensuite été abrogée par la majorité qui l'avait instaurée.
Ce sous-amendement a été rejeté par la commission. Je suis sur ce point en désaccord total avec le président de la commission. Mon expérience me conduit à soutenir que s'il est une mesure à proscrire, en matière fiscale, c'est bien la rétroactivité. La jugeant insupportable, les Français ne l'admettent pas.
Ma démarche a spontanément été contraire à celle que vous préconisez. Quand je me suis aperçu que l'augmentation du délai de rappel des donations s'appliquerait dès la promulgation de la loi, sans doute fin juillet, ma première tentation a été de vouloir donner un délai supplémentaire à ceux qui étaient sur le point de faire une donation afin qu'ils puissent y procéder dans des conditions pour eux acceptables. En effet, dans la perspective de sa donation, on peut avoir besoin de transformer un bien immobilier en parts, ce qui peut prendre du temps puisqu'il faut, notamment, créer une structure juridique.
J'y ai finalement renoncé. Jérôme Cahuzac a raison de relever que les notaires font l'objet d'un certain nombre de demandes de donations mais il s'agit d'un phénomène tout à fait normal : on doit laisser le temps aux contribuables de bénéficier du droit en vigueur. On n'a pas le droit de les prendre par surprise.
Le dispositif de lissage adopté par la commission me semble aboutir à un juste équilibre. M. le ministre pourra en outre constater que la commission s'est montrée très raisonnable puisqu'elle a maintenu la date de promulgation de la loi pour l'entrée en vigueur du texte.
Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement et sur l'amendement ?
Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement du président de la commission ainsi qu'à l'amendement du rapporteur général pour une raison simple, malgré la pertinence de la logique développée par M. Carrez.
En ce qui concerne la rétroactivité du dispositif, je rappelle que c'est en 2006 et non en 2007 que le délai de rappel des donations est passé à dix ans. La loi TEPA a ensuite multiplié par trois le plafond de la donation et prévu l'indexation des tranches des différents barèmes. Nous avions ainsi défini, à l'époque, un dispositif plutôt cohérent. Pour financer la présente réforme, qui doit rester neutre pour les finances publiques, nous avons choisi de revenir à un délai de dix ans pour le rappel des donations.
Le rapporteur général a relevé un caractère rétroactif difficilement acceptable en termes de stabilité fiscale. Le Gouvernement observe pour sa part que le « ticket d'entrée » se situe à 200 millions d'euros qui sont gagés par une mesure qui ne nous semble pas strictement s'inscrire dans le périmètre prévu. C'est la raison pour laquelle, à regret, le Gouvernement émet un avis défavorable à l'amendement de la commission.
En ce qui concerne la rétroactivité, quand la tranche marginale de l'impôt sur le revenu passe de 40 à 41 %, cette augmentation est appliquée en cours d'exercice et ceux qui avaient prévu certains gains l'année de cette réforme peuvent accuser objectivement ceux qui l'ont votée de prendre une mesure fiscale d'application rétroactive.
Il convient par conséquent de rester prudents en termes de rétroactivité, d'autant qu'on ne peut considérer comme déloyale l'application d'une disposition fiscale annoncée publiquement et évidemment parfaitement comprise par les foyers visés par cette réforme. Le 1er mars, jour de l'annonce de la modification du délai de rappel des donations, tous les foyers concernés ont compris de quoi il s'agissait ; à défaut, les notaires auraient beaucoup moins de travail.
J'observe que le dispositif gouvernemental prévoit une recette de l'ordre de 400 millions d'euros d'après une hypothèse qui me paraît bien audacieuse. Le Gouvernement prévoit que les comportements ne seront en rien modifiés par l'augmentation du délai de rappel des donations. Or il n'est pas vrai qu'une réforme fiscale ne change en rien les comportements.
De ce point de vue, de manière paradoxale, l'amendement de la commission – sur lequel l'opposition semble vouloir s'abstenir – paraît, d'une certaine manière, plus protecteur des finances publiques que ne l'est le dispositif gouvernemental car la recette proposée par l'amendement du rapporteur général est bien plus sûre que celle envisagée par le Gouvernement, ne serait-ce que parce qu'elle n'est pas fondée, elle, sur une hypothèse que je persiste à considérer comme très audacieuse, pour ne pas dire illusoire, à savoir l'absence totale de changement des comportements.
Au-delà du jugement que l'on peut porter sur le texte lui-même, de l'opposition conjoncturelle – et qui n'a rien de fondamental – entre le ministre et le rapporteur général, l'intérêt général commande qu'au-delà des clivages partisans la représentation nationale se prononce en faveur d'un dispositif plus protecteur des finances publiques que celui proposé par le Gouvernement. Il convient donc sans doute d'envisager le vote de l'amendement de la commission.
Nous sommes en train de discuter d'un point important, puisqu'il s'agit d'une mesure dont le Gouvernement estime qu'elle devrait rapporter, en année pleine, 456 millions, si je ne m'abuse – disons 450 millions –, et qui contribue à l'équilibre prétendu de l'ensemble du projet de loi.
Première remarque, monsieur le rapporteur général : dans votre exposé, qui était brillant et, en effet, assez précis, vous avez fait un aveu. Vous avez vous-même déclaré que cette disposition pouvait concerner des foyers qui ne sont pas, actuellement, assujettis à l'ISF. Cette observation – que nous avions d'ailleurs déjà faite nous-mêmes – est en parfaite contradiction avec les propos récurrents du ministre, qui nous dit que cette réforme n'est payée que par les contribuables qui sont assujettis à l'ISF. J'ai noté avec grand intérêt votre déclaration, qui figurera bien entendu au compte rendu : vous avez bien souligné que cette mesure s'étendra à d'autres personnes que celles actuellement assujetties à l'ISF.
Deuxième point – et je crois qu'il a été peu évoqué jusqu'ici, sauf à l'instant par M. le président de la commission des finances –, le coût de la mesure inverse qui avait été prise dans la loi de finances pour 2006, à savoir le passage de dix à six ans du délai de reprise, avait été évalué à 40 millions d'euros. Certes, vous avez triplé, entre-temps, le montant de l'abattement. Mais si je triple 40 millions, j'obtiens 120 millions. La mesure prise en 2006 coûterait donc à l'État 120 millions en année pleine. Or le Gouvernement, lui, évalue à 450 millions le produit de la mesure inverse qu'il propose aujourd'hui. Il y a là un problème qu'un élève de cours élémentaire devrait déceler.
Je vous interpelle très solennellement, monsieur le ministre. Comment pouvez-vous évaluer le produit de cette mesure à 456 millions d'euros alors même qu'un simple calcul nous montre que le coût de la mesure inverse était très inférieur ?
Vous nous dites qu'il y aura un « changement des comportements ». En vérité, il faudrait qu'il y ait trois fois plus de réintégrations de donations, ou alors une vague de décès – ce que personne ne souhaite – qui provoquerait des réintégrations. Restons sérieux.
Quant à l'amendement, compte tenu du fait que, comme l'a dit le président de la commission des finances, il instaure une recette qui semble plus pérenne que celle, surévaluée, de la mesure elle-même, le groupe socialiste le votera.
Je voudrais poser une question au rapporteur général. Je n'ai pas bien compris pourquoi cet amendement prévoit un abattement de « 80 % si la donation est passée depuis neuf ans et moins de dix ans ou depuis dix ans ». Il serait bon, pour la clarté des débats, que ce point soit expliqué par le rapporteur général.
D'autre part, M. Carrez nous dit que « plus on vieillit, moins on donne ». C'est tout à fait normal : plus on vieillit, plus on a l'impression que les lendemains seront difficiles. On ne peut pas jeter la pierre à nos concitoyens.
J'insiste sur l'importance de l'amendement que vient de défendre le rapporteur général. Il nous a expliqué que si le texte n'était pas amendé, il n'y aurait pas d'égalité devant la succession. En effet, suivant le moment où la succession sera ouverte, dans les mois qui viennent, le délai de rappel des donations sera de six ans ou de dix ans, et ce alors que les donations en question auront été effectuées à la même date. C'est donc un problème d'égalité pour les citoyens qui sont concernés.
Et puis, entre nous soit dit, le gage qui est proposé par le rapporteur général me paraît assez cohérent. Quand on quitte le régime de l'indivision, c'est bien, la plupart du temps, pour des raisons fiscales, disons-le très clairement : on le fait parce qu'on va payer moins. Par conséquent, le passage des droits d'enregistrement visés par l'amendement de 1,10 % à 2,20 % me paraît d'une justice évidente.
C'est pourquoi, en ce qui me concerne, je voterai cet amendement.
Je remercie Richard Mallié de son soutien. Il a parfaitement résumé les choses. Il y a bien un risque d'inégalité en fonction des dates de décès et de successions. Je crois sincèrement que cet amendement rend service au Gouvernement, car les textes que nous votons, il faut toujours en assurer le « service après-vente », si je puis dire, ce qui permet aux citoyens, peu à peu, de se les approprier et de les comprendre. Or je suis sûr qu'aujourd'hui, tout le monde n'a pas bien compris que la mesure proposée par le Gouvernement va instaurer une sorte de couperet. Il est donc très important de l'atténuer en gommant un peu la rétroactivité.
Je remercie également M. Mallié de son soutien en ce qui concerne le gage proposé. Comme il l'a très bien dit, le droit de partage est lié au souci de bien gérer – il ne s'agit même pas d'optimisation fiscale, mais de bonne gestion, tout simplement – un patrimoine. C'est donc une pratique qui est très liée à la politique fiscale. Et comme l'a très bien dit le président de la commission des finances, cette recette est sécurisée : elle nous apporte une garantie bien supérieure à celle d'une éventuelle appréciation. Je ne peux pas, sur ce point, contredire Jérôme Cahuzac. Depuis vingt ans, chaque fois que l'on a pris une mesure relative aux donations, on s'est aperçu qu'elle modifiait les comportements. On ne peut donc pas raisonner à comportement inchangé.
Pour toutes ces raisons, chers collègues, j'insiste à nouveau pour que nous votions cet amendement.
Pour ce qui est de votre question, monsieur Mallié, si nous avons proposé un abattement de « 80 % si la donation est passée depuis neuf ans et moins de dix ans ou depuis dix ans », c'est parce que nous sommes obligés de nous caler sur la date anniversaire de la donation.
Outre le fait que l'amendement introduit une sécurisation de la recette, ce qui me paraît extrêmement important dans le contexte général où nous sommes, je voudrais moi aussi souligner que je ne sais pas à quoi nous servirions si les textes que nous votons n'avaient aucun effet, aucune conséquence, sur les comportements de nos concitoyens. Pour ne pas complètement dévaloriser notre fonction, il serait peut-être bon de tenir compte de cela.
Enfin, le rapporteur général a fait état d'un point de vue notarial indiquant que « plus on vieillit, moins on donne ». Je ne sais pas si une telle affirmation repose sur des statistiques. Peut-être que les notaires voient peu ceux qui n'ont rien à donner. C'est là un constat post-balzacien dont je n'ai pas l'impression qu'il ait été confirmé par Durkheim, ni par les différentes écoles de sociologie. Je serai donc plus prudent quant à cette hypothèse selon laquelle le vieillissement entraînerait une propension à la rétention.
(Le sous-amendement n° 1545 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 1238 est adopté.)
Vous savez bien qu'il n'y a pas d'abstention sur le vote des amendements, monsieur Brard.
Je suis saisi d'un amendement n° 427 , de M. Jérôme Cahuzac.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
J'ai défendu cet amendement tout à l'heure, lorsque j'ai indiqué la nécessité, selon moi, que la mesure proposée par le Gouvernement entre en vigueur à la date de son annonce, faute de quoi une perte de recettes serait à craindre du fait d'une évaporation de l'assiette.
Mais il me semble que l'adoption de l'amendement n° 1238 rend la discussion du présent amendement désormais inutile. Non pas que je regrette de l'avoir déposé, car je maintiens qu'il va y avoir évaporation de l'assiette, mais il me semble que l'Assemblée, d'une certaine manière, s'est déjà prononcée.
Non, je ne le retire pas.
(L'amendement n° 427 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 3, amendé, est adopté.)
Nous en venons à l'examen de l'article 4.
Je suis saisi d'un amendement n° 1239 .
La parole est à M. le rapporteur général.
Il s'agit d'un amendement important. L'article 4 supprime les réductions de droits de donation liées à l'âge du donateur. Actuellement, l'article 790 du code général des impôts prévoit une réduction de 35 % lorsque le donateur est âgé de moins de soixante-dix ans et de 10 % lorsqu'il est âgé de soixante-dix ans révolus et de moins de quatre-vingts ans.
L'amendement propose de ne pas supprimer cet article 790 mais de le rédiger autrement. Il nous semble qu'il faut garder intacts les dispositifs de réduction des droits de mutation lorsque le donateur transmet une entreprise. Il nous paraît essentiel de préserver la transmission des entreprises, ce qui était d'ailleurs le fil directeur de notre réflexion dans le cadre du groupe de travail.
Il est donc proposé de maintenir la réduction des droits dans un seul cas, celui de la donation d'une PME en pleine propriété, et à la condition, de surcroît, que les bénéficiaires s'engagent à conserver l'entreprise, par le biais d'un pacte d'actionnaires manifestant leur détermination de garder l'entreprise dans la famille et de ne pas la vendre.
Favorable.
(L'amendement n° 1239 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1519 .
La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
L'objet de cet amendement est de mettre fin aux exonérations de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, en ce qui concerne les parts ou les actions d'une société transmises par décès ou entre vifs mentionnées à l'article 787 B du code général des impôts.
Les possibilités d'optimisation fiscale offertes par ce dispositif sont d'une mise en oeuvre particulièrement simple, puisqu'il suffit, pour bénéficier de l'allégement de la charge des droits de mutation dus lors de la transmission des entreprises, notamment familiales, de prendre un engagement collectif de conservation des titres de deux ans, dit pacte Dutreil, suivi d'un engagement individuel de conservation de quatre ans pris par les héritiers, légataires ou donataires.
Sous des prétextes variés, cette mesure ne vise au fond qu'à défendre la capitalisme familial. C'est une fois de plus une prime accordée à l'héritage et à la fortune, et non au travail et au mérite. C'est une logique qui alimente les inégalités en facilitant les conditions de réussite des enfants des plus aisés. C'est d'ailleurs la logique qui gouverne l'ensemble de votre fiscalité du patrimoine.
Nous vous proposons, avec cet amendement, de renoncer à ce dispositif d'un autre âge, que notre collègue Piron pourrait qualifier de balzacien.
Défavorable.
Monsieur le président, je veux bien que le rapporteur général et le Gouvernement soient tous deux défavorables à cet amendement, mais j'ai besoin de comprendre. Je ne peux pas me contenter de croire. Quelle est la raison de cet avis défavorable ?
S'il y a des dispositifs qui sont stabilisés, et qui, à mon avis, resteront en place quoi qu'il arrive, ce sont bien ceux qui permettent à nos PME de se développer et de ne pas être vendues à des grands groupes, lesquels, souvent, les dépècent ou les transfèrent.
L'engagement de conservation consiste à garder un noyau dur d'actionnaires familiaux. Souvenez-vous, monsieur Brard, vous aviez à Montreuil de très belles entreprises familiales, je pense par exemple à Grandin. Notre devoir, c'est de protéger ces entreprises, pour qu'elles puissent se développer de façon autonome. Il ne faut pas que la fiscalité nuise au développement et à la transmission de ces entreprises.
En outre, je redis à nouveau que cette idée de noyaux durs d'actionnaires, c'est vous, les membres de l'actuelle opposition, qui avez été les premiers à la mettre en application quand vous étiez dans la majorité. C'est ce que l'on avait appelé, à l'époque, le pacte Migaud-Gattaz, qui portait sur les droits de succession. Nous avons donc un dispositif des plus stables en matière de condition fiscale de transmission et de développement de nos PME.
Je suis toujours très sensible quand le rapporteur général fait référence à ma bonne ville de Montreuil.
Dans notre cas, il fait précisément référence à l'entreprise Grandin, belle entreprise de huit cents salariés. Mais pour être tout à fait complet, il aurait dû évoquer les turpitudes des héritiers, et non pas l'absence de dispositif de transmission. En effet, si cette entreprise a pris le bouillon de onze heures, si j'ose dire, c'est parce que l'héritier, fils à papa capitaliste, mal structuré, a décidé d'abandonner la production de l'entreprise pour se consacrer à la réalisation de véhicules de sport pour fils de bourgeois mal dégrossis. C'est ainsi que l'entreprise a disparu définitivement. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Monsieur Douillet, nous ne sommes pas dans la discipline sportive que vous affectionnez…
Je ne suis pas dans la caricature, je suis dans ce que je connais !
Nous nous sommes battus, avec les salariés de l'entreprise, pendant une année entière, mais par défaut de soutien du Gouvernement de l'époque, en 1976, et pour satisfaire aux fantasmes de l'héritier, ce sont huit cents emplois qui ont été détruits. Et la fiscalité n'avait rien à voir dans cette affaire.
(L'amendement n° 1519 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Cet amendement présenté par la commission des finances concerne les dons manuels. Il s'agit de dons sans acte notarié, pour lesquels seule une déclaration au service des impôts est nécessaire. Par exemple, les dons mis en place dans la loi de 2004, des dons de 20 000 à 30 000 euros maximum des parents aux enfants ou des grands-parents aux petits enfants sont des dons manuels.
Le problème est le suivant : un certain nombre de dons manuels peuvent être faits sans pour autant être déclarés, ni connus, au sein de la famille. Le jour où s'ouvre la succession, ces dons apparaissent, et la succession se passe alors dans des conditions d'autant plus difficiles que tel ou tel va dénoncer un don dont on découvre l'existence.
Par ailleurs, la valorisation de ces dons soulève également question. Considérons par exemple la situation de deux enfants. L'un d'entre eux a bénéficié, il y a trente ans, d'un don d'une somme d'un million de francs. Il achète un appartement dans Paris avec cette somme. Vingt-cinq ans plus tard, lorsque s'ouvre la succession, le don est apprécié à la valeur d'un million de francs, alors que la valeur de l'appartement est très supérieure. L'autre enfant, dans le cadre de la succession, peut s'estimer lésé.
Par conséquent, pour des raisons tenant à la clarté et à l'amélioration des conditions des successions, et pour des raisons fiscales, nous avons tout intérêt à ce que les dons soient révélés au moment où ils sont faits. L'amendement que nous proposons comporte une incitation : le don est valorisé à la date de sa publicité. S'il n'est révélé que dans le cadre de la succession, il sera valorisé à sa valeur à la date de la succession.
Le dispositif que nous proposons paraît donc tout à fait sain : il incite à la révélation des dons et la rend obligatoire dans un délai d'un mois suivant le décès qui ouvre la succession. Cet amendement a donc un intérêt au regard du droit civil comme du droit fiscal.
Avis favorable.
À titre personnel, je pense que c'est un très bon amendement. La situation que cet amendement va corriger est anormale et choquante. Elle fut d'ailleurs signalée à des très nombreux parlementaires par un certain nombre de notaires, dont maître Monassier, lors de l'audition à laquelle nous avions procédé en commission des finances. Son exposé avait convaincu l'ensemble des commissaires aux finances que cette situation était choquante, qu'il importait de la corriger rapidement, d'abord au titre de la justice fiscale, mais aussi au titre de l'équité au sein d'une même famille entre héritiers d'un même rang.
J'avoue ne pas être convaincu par les arguments qui ont été développés par les uns et les autres. Certes, il y aura moins d'hémoglobine sur les murs des cabinets de notaires, mais, si je comprends bien, la valorisation du don manuel se fait d'après la valeur d'origine non actualisée, sauf si j'ai mal compris.
Cela me fait penser à l'ISF au Luxembourg, car, contrairement à ce que vous affirmez depuis le début de notre discussion, l'ISF existe dans d'autres pays, y compris au Luxembourg, où les pratiques sont pourtant peu morales. Mais l'ISF y a son côté immoral : on ne tient compte que de la valeur nominale au moment de l'acquisition du bien. Ainsi, si vous avez acquis un hôtel particulier en 1950, au moment où vous payez l'ISF soixante ans plus tard, l'assiette prend en compte la valeur nominale de l'époque.
Si j'ai bien compris, nous procédons de même, c'est-à-dire que si, dans une même famille, deux enfants bénéficient d'un don manuel à vingt-cinq ans d'écart, on ne tient compte que de la valeur nominale au moment où le don manuel a été effectué. Et donc, celui qui est vraiment bénéficiaire est celui qui aura reçu ce don vingt-cinq ans plus tôt. Soit je commets un contresens, et alors je ne demande qu'à être convaincu par les explications éclairantes du rapporteur général, soit je n'en commets pas, et alors je ne vous suis pas.
J'ai dû mal m'expliquer : il y a une incitation forte à la révélation du don au moment où il est fait, parce que nous la rendons obligatoire au plus tard un mois après la succession. Si cela se passe après l'ouverture de la succession, le don sera valorisé à la date de la succession, et non pas à la valeur vingt ans auparavant.
Si vous imaginez un don manuel qui ait permis d'acquérir un bien immobilier, il y a une forte incitation à révéler au moment où l'on bénéficie du don.
(Le sous-amendement n° 1557 est adopté.)
(Le sous-amendement n° 1556 est adopté.)
(L'amendement n° 1240 , sous-amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 404 .
La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
Le présent amendement vise à abaisser à 52 324 euros l'abattement sur les droits de mutations à titre gratuit introduit par la loi TEPA en 2007, et actuellement fixé à plus de 150 000 euros. Si l'on considère que ce dispositif a coûté 800 millions d'euros dès 2008, on peut estimer qu'il aura induit au 31 décembre 2010 une perte de recettes pour les finances publiques de 2,4 milliards d'euros.
En provoquant un affaissement des recettes au moment même où l'endettement public s'emballe, l'abattement sur les droits de mutation a en outre creusé encore les inégalités sociales. Selon une étude de l'INSEE, parue en mars 2007, seule une donation sur cinq dépassait les 60 000 euros en 2004. Or, le recours aux donations suppose déjà un certain niveau de patrimoine à transmettre. De manière évidente, la mesure n'aura donc bénéficié qu'à une petite minorité de favorisés pour un coût budgétaire maximal, sans justification économique.
Nous proposons en conséquence de revenir à la situation antérieure à 2007 et de ne laisser subsister l'abattement supérieur à 150 000 euros que pour les héritiers, légataires ou donataires, incapables de travailler dans des conditions normales en raison d'une infirmité physique ou mentale.
(L'amendement n° 404 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Il s'agit d'une mesure encourageant la solidarité intergénérationnelle et qui participe au soutien à la consommation. Concrètement, il s'agit de renouveler l'exonération applicable aux dons de sommes d'argent tous les dix ans au profit de ses descendants, et de supprimer la limite d'âge du donateur à soixante-cinq ans lorsqu'il consent le don à un enfant ou à un neveu ou une nièce.
La commission n'a pas examiné cet amendement du Gouvernement. J'y suis favorable pour les raisons que j'ai évoquées tout à l'heure : il s'agit de pérenniser un dispositif qui permet des dons manuels dans la limite de 30 000 euros, mais uniquement tous les dix ans.
Il faut comprendre de quoi il s'agit.
Jusqu'à présent, à l'occasion des donations, dont le montant fut triplé lors de la loi TEPA, il était possible, une fois dans une vie, de majorer l'abattement de 30 000 euros. L'amendement n° 1547 du Gouvernement propose que cet abattement intervienne à chaque donation, en l'espèce tous les dix ans.
Cette mesure a nécessairement un coût. Peut-être faudrait-il, monsieur le ministre, avant de voter cet amendement que vous nous indiquiez son montant et, le cas échéant, la façon dont vous envisagez de le gager, même si vous n'y êtes pas tenu. Cependant, le respect de l'équilibre des finances publiques commanderait que vous indiquiez à la représentation nationale de quelle façon le coût sera compensé.
À partir de 2017, nous estimons que le coût de la mesure sera de l'ordre de 20 à 30 millions, ce qui ne correspond pas à ce que j'ai pu lire dans la presse.
Comme la mesure précédente proposée par M. le rapporteur général était surfinancée, nous restons bien dans l'épure de la neutralité des finances publiques
Nicolas Sarkozy, alors ministre des finances, en 2004 – c'est une de ses spécialités – avait autorisé, pendant une certaine période, une exonération de droits de mutation pour les dons manuels de 30 000 euros. Il en a été de même dans la loi TEPA. Et nous retrouvons le même cas de figure. Ce qui fait passer le dispositif d'exonération de 150 000 à 180 000 euros par enfant, tous les dix ans.
Je pense que ni la situation de nos finances fiscales, ni la justice fiscale ne justifient ces dispositifs qui permettent d'exonérer continuellement de droits de succession les plus fortunés de nos concitoyens.
Monsieur le ministre, je ne peux pas vous laisser dire que la réforme est équilibrée. Nous avons vu tout à l'heure que les produits attendus du passage de six à dix ans ont été largement surévalués. M. le rapporteur général l'a lui-même confirmé.
Ensuite, au détour d'un amendement du Gouvernement, que la commission n'a pas examiné et que nous avons reçu à la dernière minute, nous nous apercevons que 30 millions supplémentaires sont mis à la charge du budget de l'État. Nous ne nous situons pas dans l'épaisseur du trait.
Tout à l'heure, le doublement de la réduction de 150 euros par enfant correspondait à quelques dizaines de millions supplémentaires. Nous nous opposons donc fermement à l'amendement n°1547 , compte tenu de son coût et indépendamment même des raisons de fond évoquées par Piere-Alain Muet.
(L'amendement n° 1547 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 5 .
La parole est à M. Philippe Armand Martin.
L'allègement de l'ISF résultant du présent projet de loi est principalement compensé par un alourdissement des droits de mutation à titre gratuit.
Cette évolution préjudicie à la transmission familiale des exploitations agricoles. Le patrimoine composant ces entreprises se situe généralement hors du champ de l'ISF puisqu'il s'agit de biens professionnels, alors que leur transmission à titre gratuit est soumise aux droits de mutation.
Les dispositifs favorables à la transmission des entreprises instituant une exonération de 75 % sur la valeur taxable des biens professionnels s'appliquent rarement au capital foncier qui est généralement détenu en dehors du bilan de l'exploitation et loué, par bail rural à long terme, à cette exploitation.
La valeur de ce capital foncier est considérable, et, malgré leur affectation professionnelle évidente, les biens ruraux loués par bail à long terme ne bénéficient d'une exonération de 75 %, lors de leur transmission à titre gratuit que dans la limite de 101 897 euros. Au-delà de cette limite, l'exonération est ramenée à 50 %.
En raison de la hausse importante du prix du foncier rural dans certains secteurs, la limite de 100 000 euros est très vite atteinte.
Dans le but de ne pas pénaliser trop lourdement la transmission à titre gratuit des exploitations agricoles, nécessairement impactée par les mesures générales envisagées dans le présent projet de loi, il est proposé d'aligner le régime applicable aux biens ruraux loués à long terme sur ceux applicables aux transmissions d'entreprises. À l'instar de ces derniers, l'exonération de 75 % serait applicable sans plafonnement.
La commission a repoussé cet amendement, parce qu'il supprimait tout plafond.
En revanche, nous avons adopté un amendement de notre collègue Charles de Courson, qui ne pourra pas être défendu, qui rehaussait le plafond à 250 000 euros, ce qui nous paraissait raisonnable.
Avis défavorable.
(L'amendement n° 5 n'est pas adopté.)
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2011.
La séance est levée.
(La séance est levée à douze heures quarante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma