Je comprends le raisonnement de Gilles Carrez selon lequel, en quelques années, le droit des successions aura été considérablement modifié dans un sens puis dans l'autre : en 2006, on raccourcit le délai de reprise, en 2007, on triple l'abattement et, en 2011, on rallonge ce délai avant, probablement – et le plus tôt serait le mieux –, de diminuer l'abattement instauré par la loi TEPA.
L'abattement de 150 000 euros par enfant et par parent tous les six ans permet, pour un foyer de deux enfants, une transmission sexennale libre de droits d'un patrimoine de 600 000 euros. En tenant compte de l'augmentation de la durée de vie du foyer, on constate que les patrimoines ainsi transmis libres de droits n'ont rigoureusement rien à voir avec le patrimoine de l'écrasante majorité de nos concitoyens. Il s'agit donc d'un avantage fiscal dont ne bénéficie à l'évidence qu'une très petite minorité.
On revient sur le délai de reprise qui avait été modifié en 2006. Il s'agit d'une bonne décision mais son annonce le 1er mars dernier a conduit les ménages concernés à profiter, tant que cela était possible, du système en vigueur qui leur est très favorable. De fait, on constate un réel effet d'aubaine, du moins si l'on interroge les notaires : il serait certes exagéré de prétendre que leur salle d'attente ne désemplit pas, mais tous reconnaissent un afflux très important des foyers souhaitant bénéficier du dispositif en vigueur avant que nous ne le modifiions.
Il serait par conséquent raisonnable de prévoir l'application de cette modification à la date de son annonce et non pas à celle de la promulgation de la loi, à moins d'accepter, au titre de l'année 2011, des pertes de recettes qui ne pourront qu'entamer l'équilibre financier – dont on nous dit qu'il est rigoureux – de ce projet de loi.
Il s'agit peut-être, pour certains puristes, d'une forme de rétroactivité, encore qu'il ne me paraîtrait pas déloyal qu'on applique l'augmentation du délai de rappel des donations à la date où elle a été annoncée, le 1er mars dernier – nos concitoyens étant après tout informés. Je rappellerai à ceux qui se montreraient sensibles à l'argument de la rétroactivité que lorsqu'il s'est agi de mettre en oeuvre la déductibilité des intérêts d'emprunt, le ministre du budget avait mis en garde contre la rétroactivité qu'elle impliquait et avec raison puisque le Conseil constitutionnel l'avait censurée. Ce n'est qu'ensuite, par instruction fiscale, que ladite rétroactivité a été appliquée.
Il ne serait donc pas incohérent que le Parlement décide que cette disposition s'applique bien au 1er mars, c'est-à-dire à la date de son annonce. En effet, quand il s'agit de dispositions favorables, c'est bien à la date de leur annonce qu'elles sont appliquées, comme ce fut le cas pour la déductibilité des intérêts d'emprunt, une des cinq mesures de la loi TEPA, même si elle a ensuite été abrogée par la majorité qui l'avait instaurée.