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Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 10 juin 2011 à 9h45
Projet de loi de finances rectificative pour 2011 — Article 3, amendement 1238

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, rapporteur général :

Nous en venons à l'amendement le plus important qu'ait adopté la commission des finances sur ce texte. Je partirai, pour ma démonstration, de la réflexion que vient de faire M. Mallié, qui est très importante : l'on ne peut pas raisonner sur les donations sans les lier aux successions. Donations et successions sont indissolublement liées.

Or, la mesure de l'article 3 pose deux problèmes. L'un est lié à sa rétroactivité, l'autre à ce qu'elle est la seule susceptible de concerner des patrimoines modestes appartenant à des personnes qui ne sont pas assujetties à l'ISF. Nous devons donc être très attentifs. Un certain nombre de collègues ont partagé ces préoccupations, notamment Louis Giscard d'Estaing qui ne pouvait pas être là ce matin mais qui a également déposé un amendement.

S'agissant tout d'abord de la rétroactivité, prenons l'exemple d'une personne qui fait une donation en avril 2004, en pensant qu'elle pourra à nouveau faire une donation six ans après, ou qu'elle ne décèdera pas dans les six ans qui suivent – mais cela, on ne l'a jamais à l'esprit. Malheureusement pour elle, elle décède en mai 2011, soit sept ans après. Six années se sont donc écoulés et la donation consentie en 2004 n'est pas rapportée à la succession. On n'en tient pas compte dans l'appréciation du patrimoine de la succession.

Admettons à présent qu'elle décède en septembre 2011. Entre-temps, les dispositions de l'article 3 sont entrées en vigueur, puisqu'elles s'appliquent dès la promulgation de la loi, fin juillet je suppose. Dès lors, la totalité de la donation sera reprise alors même qu'elle avait été consentie à un moment où le délai n'était que de six ans. Cela est d'autant plus susceptible de poser problème que sont concernés des foyers fiscaux qui ne sont pas forcément assujettis à l'ISF.

Admettons que cette personne, en 2004, ait eu un héritier en ligne directe et fait une donation de 80 000 euros – avant la loi TEPA, l'abattement n'était que de 50 000 euros, il a été triplé ensuite, ce qui explique en partie la teneur de l'article 3 car il est alors assez légitime de reporter de six à dix ans le délai de rappel fiscal. J'en profite pour rappeler à M. Muet que c'est loi de finances pour 2006 qui a réduit de dix à six ans la durée du rapport fiscal et non la loi TEPA.

Donc, puisque nous avions pris un certain nombre de dispositions qui favorisaient les donations avant 2007 et qu'en 2007, dans le cadre de la loi TEPA, nous avons multiplié par trois l'abattement, il est légitime de revenir un peu en arrière pour que les avantages ne s'accumulent pas trop – rappelons tout de même que ces avantages poursuivent un seul objectif, celui de favoriser les donations. Tous les notaires vous le diront : plus on vieillit, moins l'on est incité à donner. C'est humain. Or, dans la société d'aujourd'hui où l'économie est très mobile et où il est souvent plus difficile qu'il y a une trentaine d'années pour les jeunes générations de s'installer, une politique active de donation est une très bonne politique. Mais comme il fallait gager la baisse globale du barème de l'ISF, il était nécessaire de prendre des mesures.

Je reviens à ce don de 80 000 euros. Compte tenu de l'abattement de 46 000 euros et du barème alors en vigueur, l'héritier aura alors payé 2 550 euros de droits.

S'il décède en septembre 2011, l'on rapporte la totalité à une succession, qui s'élève en l'espèce à 180 000 euros. Nous sommes loin du seuil d'entrée actuel de 800 000 euros à l'ISF. Son héritier paiera au total 12 605 euros contre 2 826 euros s'il meurt en avril 2011.

Il faut absolument essayer d'atténuer le caractère quelque peu rétroactif du dispositif, même si, Richard Mallié vient de le rappeler à juste titre, ce n'est pas la personne qui décède en premier qui devra payer les droits de succession.

La commission s'est efforcée de définir les moyens de rendre le dispositif le moins coûteux possible et, surtout, elle s'est employée à le gager – car la commission s'est interdit, monsieur le ministre, de prendre la moindre mesure qui ne soit pas gagée par des recettes réelles, sûres et, si possible,…

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