La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Ma question, à laquelle j'associe mon collègue François Rochebloine, s'adresse à Mme la ministre de la santé et des sports.
Madame la ministre, beaucoup d'entre nous ont été choqués de lire dans un grand journal du soir que le refus de soins, ou plus précisément le refus de soigner, se développe dans notre pays.
Alors que plus de quatre millions de personnes bénéficient de la couverture maladie universelle, une enquête révèle qu'à Paris, 25 % des professionnels de santé, c'est-à-dire pratiquement un sur quatre, refusent de soigner les malades les plus défavorisés. Chacun sait que ces patients nécessitent pourtant un taux de prise en charge médicale plus important que les autres.
Se trouve ainsi posée la question centrale de l'égalité de l'accès aux soins pour ces patients. Ce phénomène est d'autant plus intolérable que la CMU avait été créée pour eux.
Madame la ministre, le refus de prise en charge des patients qui bénéficient de la CMU est une réalité. Ce taux de refus est d'ailleurs nettement plus élevé chez les spécialistes que chez les généralistes. Il commence même à s'étendre à d'autres professions médicales, comme les chirurgiens-dentistes.
Je tiens à souligner, au nom du groupe Nouveau Centre, le caractère inacceptable de tels refus, contraires à la déontologie, contraires à l'éthique médicale, contraires au serment d'Hippocrate.
Mais s'indigner n'est pas suffisant, il nous faut comprendre les raisons de ces refus. On évoque parfois la lourdeur administrative ou le décalage des remboursements des prestations aux médecins. Mais on ne peut en rester là.
Il faut apporter une réponse non seulement globale, mais aussi durable. Madame la ministre, quelles dispositions comptez-vous prendre pour assurer l'égalité d'accès aux soins pour tous, et surtout pour les plus défavorisés d'entre nous ? (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Monsieur le député, la discrimination liée aux moyens financiers des malades est une pratique absolument intolérable. Il faut la condamner avec la plus extrême sévérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
C'est la raison pour laquelle j'avais demandé au fonds CMU-C de mener à bien une étude approfondie, puisque la dernière datait de 2006. Le diagnostic que vous avez fait est sans appel : on arrive, en région parisienne, à un taux de refus de soins de 25 %, et même de plus de 30 % pour certaines spécialités. Ces refus de soins touchent évidemment les titulaires de la CMU, de l'AME et de l'aide complémentaire santé.
Il faut d'abord inciter les médecins à accueillir ces patients. L'étude du fonds CMU montre bien que l'équipement en télétransmission est un élément capital, même si, il faut le reconnaître, les lenteurs administratives ne sont pas une excuse suffisante pour ne pas recevoir les malades les plus défavorisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.) Nous constatons néanmoins que s'équiper en matériel de télétransmission est absolument indispensable.
Et puis, il faut sanctionner. C'est ce que j'ai fait à travers l'article 54 de la loi Hôpital, patients, santé, territoires. Je donne maintenant aux organismes d'assurance maladie la possibilité d'émettre des pénalités financières à l'encontre des praticiens qui refusent de soigner ces personnes, après, bien entendu, une phase de conciliation avec l'Ordre des médecins. Si la conciliation échoue, ils ont la possibilité de saisir les instances ordinales. Si celles-ci n'ont pas statué dans un délai de trois mois, la pénalité financière peut être prononcée directement par les organismes d'assurance maladie. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la secrétaire d'État chargée des aînés, je ne ferai pas de commentaire sur cette appellation, sinon qu'elle me paraît un peu ridicule. Pourquoi pas un jour un secrétariat d'État aux grands frères ou aux petites soeurs ou que sais-je encore. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il vaudrait mieux affronter concrètement les problèmes plutôt qu'essayer de se cacher derrière des appellations un peu « marketing ».
Je veux appeler votre attention sur l'accueil fait aux personnes âgées, notamment aux personnes âgées dépendantes. Dans ma circonscription, comme dans beaucoup d'autres, il existe des établissements, où les familles des résidents en viennent à déposer des réclamations. Ce sont pourtant des établissements modernes. Ils ont souvent été rénovés, mais ils manquent cruellement de personnel, ce qui fait que l'on parle parfois de maltraitance.
On ne peut pas incriminer les personnels. Les arrêts maladie se multiplient car ils sont épuisés, à bout. En effet, ces structures manquent de moyens humains et financiers suffisants, qu'elles soient publiques ou privées.
Dans les cours d'économie un peu simpliste dispensés, depuis quelques semaines, par M. Guaino et qui sont malheureusement relayés par le Président de la République, on tente d'opposer les dépenses de fonctionnement, qui seraient les mauvaises dépenses, aux dépenses d'investissement, qui seraient des dépenses d'avenir.
Les dépenses pour le grand âge, pour la dépendance sont des dépenses de fonctionnement, de personnels notamment. Elles sont pourtant plus que jamais d'avenir ; il faut donc les financer durablement.
Allez-vous, oui ou non, instaurer un cinquième risque dans la protection sociale comme cela avait été annoncé ? Comment allez-vous le financer ?
L'argent existe : il y a eu la journée de solidarité, vous avez instauré les franchises médicales. Où est cet argent ? Comment allez-vous le répartir ? (Applaudissements sur divers bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur de Rugy, vous m'interrogez sur la politique du Gouvernement en matière de financement de la dépendance des personnes âgées. Vos accusations sont sans fondement.
Ce gouvernement a accompli un effort considérable en cette période de crise, en accordant, cette année, une augmentation de plus de 8 % de l'assurance maladie vis-à-vis des personnes âgées dépendantes .
Sachez que 300 millions d'euros ont été déployés en 2008 et 2009 pour les établissements et les personnels. Dans ce secteur plus de 20 000 emplois ont été générés. En 2009, ce fut, je vous le rappelle, l'un des plus dynamiques en matière de création d'emplois.
Grâce au plan de relance, 12 500 places ont été créées cette année. De plus, 6 000 postes pour les soins infirmiers à domicile ont été mis en place pour les services de proximité.
La subvention de 250 millions d'euros accordée aux établissements a été multipliée par quatre par rapport aux années antérieures.
Monsieur de Rugy, vous pouvez constater que le Gouvernement est loin d'avoir oublié les personnes âgées, notamment les personnes âgées dépendantes. Ce ne sera certainement pas celui-ci qui oubliera nos aînés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Bernard Debré, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre des affaires étrangères et européennes, tout le monde sait que des élections présidentielles ont eu lieu en Iran. Ces élections, c'est le moins que l'on puisse dire, n'ont pas semblé parfaitement régulières. Elles ont entraîné des manifestations très dures du peuple iranien, qui s'est soulevé.
Dans ces cas-là, le gouvernement prend deux positions extrêmes et totalement intolérables.
D'une part, il a coupé les communications vers l'extérieur et même vers l'intérieur du pays. Les réseaux Internet ont été coupés, ainsi que Twitter. Il n'a pas été possible à de nombreuses personnes qui le désiraient de communiquer vers l'extérieur.
Ces manifestations ont entraîné des morts, des blessés, des emprisonnements.
D'autre part, le gouvernement a accusé les pays extérieurs, en premier lieu le Royaume-Uni. Immédiatement, neuf Iraniens qui travaillaient à l'ambassade d'Angleterre, ont été interpellés.
La dernière victime du gouvernement iranien est une jeune fille française. Le 1er juillet dernier, cette jeune universitaire, qui travaillait depuis quelques mois à l'université de Téhéran, a été emprisonnée, alors qu'elle quittait le pays. L'espionnage est le motif de son emprisonnement. Elle était simplement lectrice et avait voulu, en participant et en assistant à ces manifestations, envoyer un courrier par Internet et peut-être des photos.
Monsieur le ministre, comment la France va-t-elle agir pour faire en sorte que cette jeune femme, qui n'est pour rien dans ces manifestations et qui a été emprisonnée illégalement, puisse sortir de prison ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur Bernard Debré, je vous le confirme ; Clotilde Reiss, âgée de vingt-trois ans, a été arrêtée le 1er juillet. Depuis, elle a été accusée d'espionnage.
Qu'avons-nous fait ? Nous avons protesté par l'intermédiaire de notre ambassadeur et de tous nos services. Nous avons tenté de lui rendre visite. Nous l'avons simplement jointe au téléphone à trois reprises.
On l'accuse, comme vous l'avez souligné, d'avoir, alors qu'elle était lectrice de français à l'université d'Ispahan, suivi, contemplé des manifestations, qui étaient au vu de tous. Des centaines de milliers d'Iraniens défilaient dans les rues. Elle a pris quelques photos. Elle reconnaît les avoir envoyées sur Internet ainsi que quelques commentaires. En rien cette jeune fille, lectrice de français, travaillant officiellement depuis cinq mois en Iran et ayant accompli sa tâche, ne peut être accusée. Elle est entièrement innocente.
J'ai eu ce matin au téléphone M. Carl Bildt, ministre des affaires étrangères suédois. Il a assuré les Iraniens de l'entière solidarité des Vingt-sept, comme il le fit pour les agents locaux de l'ambassade britannique.
Demain, je l'espère, l'ambassadeur de France pourra visiter Clotilde Reiss. Nous allons faire tout ce qui est en notre pouvoir, avec les Européens, pour que cette jeune fille innocente retrouve au plus vite la liberté. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)
La parole est à M. François Loncle, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
En 1996, il y a treize ans, en Algérie, sept moines français de Tibéhirine étaient capturés dans leur monastère de la Mitidja, puis, assassinés et décapités. Ce massacre effroyable avait été officiellement attribué, côté algérien comme côté français, au groupe islamique armé, le GIA algérien.
Aujourd'hui, des informations émanant de plusieurs sources, et notamment le témoignage devant la justice française du général François Buchwalter, officier supérieur des services français, nous indiquent que les sept trappistes français ont ou auraient été tués par l'armée algérienne au cours d'une opération de ratissage ayant très mal tourné.
Le général Buchwalter a reconnu devant le juge qu'on lui avait demandé de se taire sur ce qu'il savait. Il avait pourtant rendu compte par écrit et dans le moindre détail des faits recueillis au ministère de la défense et à l'ambassadeur de France à Alger qui lui avait dit de ne rien communiquer.
Notre ancien collègue, le juge antiterroriste Alain Marsaud, vient d'affirmer ce matin que cette affaire a été volontairement enterrée par les autorités françaises.
Pourquoi cette loi du silence ? Quelles sont les autorités françaises qui l'ont ordonnée, puis couverte ? Au-delà des explications que l'on doit demander aux autorités algériennes – ce qu'a fait ce matin le Président de la République –, va-t-on aujourd'hui, dans notre pays, permettre que s'exprime enfin la vérité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
L'émotion qui a saisi la France et le monde entier au moment de l'assassinat des moines de Tibéhirine est toujours présente. Un dépôt de plainte avec constitution de partie civile pour enlèvement, séquestration et assassinat a eu lieu en décembre 2003. Une information judiciaire a été diligentée dans les deux mois.
Depuis, de nombreuses investigations ont été menées par les magistrats instructeurs. Ceux-ci disposent et continueront de disposer de tous les moyens pour mener à bien leur enquête, y compris en matière de coopération internationale. Des témoignages ont été recueillis ; celui dont vous faites état apporte un élément nouveau qui fera l'objet d'investigations supplémentaires.
Le Président de la République a dit de la façon la plus claire que tout serait mis en oeuvre pour connaître les auteurs et les conditions de cet assassinat, et pour que la lumière soit faite, y compris si cela doit passer par la levée du secret défense.
Comme le Président de la République et comme l'ensemble du Gouvernement, je suis particulièrement attachée à ce que la vérité soit faite.
Nous le devons d'abord à la mémoire des victimes et à leurs familles, mais également à la réputation et à la hauteur de la justice de la France qui s'appuie sur la transparence et la recherche absolue de la vérité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Jacqueline Irles, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.
Lors du congrès de Versailles du 22 juin dernier, un emprunt national a été annoncé par Nicolas Sarkozy. Le Président de la République a décidé de mettre en place une commission chargée de réfléchir aux priorités qui seront financées par cet emprunt.
Lundi 6 juillet, il a confié la présidence de cette commission à M. Juppé et à M. Rocard, qui proposeront des pistes pour affecter à des projets d'avenir les fonds qui seront levés.
D'ici au 1er novembre 2009, le groupe de travail, composé par MM. Juppé et Rocard, évoquera des propositions sur la nature des projets d'investissement : le développement durable, le volet éducatif, la pérennisation de la filière agro-alimentaire seront autant de pistes abordées.
Je tiens à assurer devant l'ensemble des parlementaires que M. Rocard et M. Juppé ont, bien entendu, notre entière confiance pour mener à bien cette réflexion. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous sommes conscients que l'épargne des Français, qui remonte actuellement, doit être mobilisée pour des enjeux d'intérêt national. Toutefois, monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur le montant et les modalités de cet emprunt ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Madame la députée, pour répondre précisément à votre question, le montant et les modalités de l'emprunt seront définis ultérieurement. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Pourquoi ? Parce qu'il est essentiel de mobiliser la nation, les Français, les partenaires sociaux, l'ensemble de la représentation nationale, et de les associer à la définition des priorités en les invitant à participer à une grande discussion afin qu'ils réfléchissent ensemble. C'est la volonté du Président de la République…
…qui déjà reçu les partenaires sociaux le 1er juillet dernier. C'est la volonté du Premier ministre qui a annoncé qu'il recevrait, le 15 juillet prochain, les présidents des commissions des deux assemblées et, au mois de septembre prochain, les présidents des partis politiques et de l'ensemble des groupes parlementaires.
Cette affaire n'est pas d'ordre technique ; elle est politique au sens noble du terme. C'est la raison pour laquelle, comme vous l'avez rappelé, le Président de la République a confié à deux anciens Premiers ministres, M. Juppé et M. Rocard, le soin de présider une commission multipartisane qui devra faire des propositions avant le 1er novembre 2009. Les secteurs à financer en priorité concernent des domaines stratégiques : la recherche et le développement, les nouvelles infrastructures en matière de télécommunications. Il faudra y investir massivement. En charge du ministère de l'industrie, je sais combien l'innovation sera un accélérateur de croissance et de sortie de crise. Vous le voyez, madame la députée, notre méthode, c'est la discussion générale pour une mobilisation générale ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Patricia Adam, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, au mois d'août 2008, je vous avais interrogé sur le projet d'externalisation des télécommunications spatiales militaires françaises. Des rumeurs faisaient en effet état d'un projet inquiétant : la vente pure et simple de nos satellites à une entreprise privée, de surcroît, étrangère. Votre réponse avait été laconique : « Nous étudions ».
Récemment, nous avons appris que le Président de la République, dans la solitude de son palais présidentiel, si j'ose m'exprimer ainsi (Protestations sur les bancs du groupe UMP), a confirmé cette hypothèse, au mépris des conclusions de la commission du Livre blanc sur la défense, que vous aimez évoquer quand cela vous arrange. Au passage, vous écartez d'un revers de main …
…le projet SICRAL 2 en coopération avec l'Italie, pourtant performant tant sur le plan technique que financièrement puisque son coût est deux fois inférieur à l'achat de services. Est-ce là l'illustration de la fonction « connaissance et anticipation » développée dans le Livre blanc ? On peut se poser la question.
Il s'agit d'une privatisation sans précédent. La raison en est simple : le financement de la loi de programmation militaire par le biais du versement d'une rente à l'État. Or cette solution est bien la pire que l'on puisse imaginer tant sur le plan militaire qu'économiquement. Par ce raisonnement à très court terme, l'État se retrouvera très vite perdant et deviendra l'otage d'intérêts privés. Ainsi, vous n'hésitez pas à mettre en péril notre indépendance en vendant les outils de notre armée. Plus grave encore, vous compromettez la confidentialité d'informations hautement stratégiques.
Monsieur le Premier ministre, quand cesserez-vous donc de dilapider le patrimoine de la France (Protestations sur les bancs du groupe UMP), de menacer les emplois et, fait sans précédent, de vous attaquer à notre indépendance stratégique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.
Madame la députée, la cession d'usufruit des satellites Syracuse 3A et 3B a été instruite par les instances ministérielles compétentes, sous l'égide du secrétaire général de la défense nationale. Cette opération est clairement mentionnée dans le rapport annexé au projet de loi de programmation militaire actuellement en discussion au Sénat et déposé sur le bureau des assemblées depuis le 29 octobre 2008, ce que vous savez fort bien puisque vous avez participé aux travaux préparatoires. Elle n'a donc rien de clandestin ni de honteux.
Il s'agit d'une démarche de financement innovante, constituée par la cession d'usufruit des deux satellites et la location de services, dans une logique économique claire : l'opérateur du système loue les capacités des fameux répéteurs, inutiles à la défense, à des utilisateurs tiers tels que l'OTAN ou des armées alliées. D'ailleurs, cette opération est d'une inspiration similaire à celle de l'armée britannique avec l'opérateur Paradigm.
Le secteur privé qui a conçu et fabriqué ces satellites peut parfaitement assumer davantage de responsabilités dans leur exploitation, à laquelle il participe actuellement, sans pour autant porter atteinte à notre souveraineté ou à la sécurité de nos télécommunications militaires. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Pour toutes ces raisons, nous envisageons de lancer très prochainement la procédure de mise en concurrence. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le ministre de l'écologie, il y a un mois je vous interrogeais sur la politique du Gouvernement à l'égard d'AREVA et ses dissonances. Vous m'avez répondu avec un laconisme et une désinvolture qui frisaient le mépris (Protestations sur les bancs du groupe UMP) alors que je soulignais la probabilité de dérives qui se confirment à présent. J'espère aujourd'hui une vraie réponse, respectueuse de la représentation nationale.
D'après Mme Lauvergeon, ce ne serait pas une « véritable privatisation ». Cependant nous sommes légitimement inquiets car la dernière fois que de tels engagements ont été pris ce fut pour GDF. Or chacun sait ce qu'il est advenu.
AREVA a besoin de 12 milliards d'euros pour financer son développement et solder son divorce avec Siemens. L'État actionnaire, qui, ces dernières années, a profité d'un taux de distribution des dividendes situé entre 32 % et 80 %, préfère privatiser plutôt que d'assumer ses responsabilités. La filiale T & D va être vendue pour 3 milliards d'euros, ce qui constitue un choix industriel absurde car elle représente 50 % des bénéfices d'AREVA. Le groupe sera privatisé partiellement en offrant 15 % du capital à des intérêts privés à courte vue mais surtout à des intérêts étrangers par l'intermédiaire de fonds souverains. Vous déposez ainsi entre les mains de gouvernements étrangers le nucléaire civil français et notre politique énergétique.
Au moment où les grandes manoeuvres autour du nucléaire commencent, ne vaudrait-il pas mieux préserver AREVA et l'intérêt national ?
De plus une autre difficulté est devant vous.
Le commissariat à l'énergie atomique espérait céder une partie de ses 79 % d'AREVA pour financer au moins partiellement le coût du démantèlement de ses installations nucléaires qui s'élève à 6 milliards, la date couperet étant fixée à juin 2011. Le Gouvernement s'est engagé à trouver d'autres financements. Mais lesquels ? Dotations budgétaires ? On en doute. Rachat d'actions AREVA détenues par le CEA ? On en doute encore. La recherche ne risque-t-elle pas de faire les frais de ce démantèlement ?
Monsieur le ministre d'État, le grand emprunt national Sarkozy ne devrait-il pas plutôt permettre d'échapper à la privatisation rampante d'AREVA et d'aider le CEA à affronter les exigences du démantèlement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Monsieur le député, le groupe AREVA est un atout économique, scientifique et environnemental majeur d'autant que de plus en plus de pays se tournent vers des solutions de production d'énergie sans CO2. AREVA a engagé un programme d'investissements ambitieux qui, comme vous le savez, a reçu le plein soutien de l'État.
Quelles seront les modalités de financement de son programme d'investissement ?
Elles combineront un recentrage d'AREVA sur son corps de métier du nucléaire et des solutions de production énergétique sans CO2. Cela entraînera la cession de la branche transmission et distribution et la cession de ses participations dans STM et Eramet.
L'État sera bien évidemment très attentif au prix proposé ainsi qu'à la qualité du projet industriel, qui garantira le caractère public de ces participations.
AREVA engagera un programme d'amélioration de la performance opérationnelle du groupe comme c'est la responsabilité de toute entreprise et procédera à une ouverture du capital à des partenaires stratégiques industriels de long terme à hauteur de 15 %.
J'ajoute que l'État est favorable au développement de l'actionnariat salarié chez AREVA. Il attend des propositions de l'entreprise dans ce domaine. L'État actionnaire entend donner à ce groupe essentiel des moyens et une stratégie de nature à lui permettre de conforter sa position de leader.
Il entend garantir le caractère intégré du groupe. L'État veillera à être majoritaire au sein du capital tout en permettant à l'entreprise de trouver les financements indispensables à son développement et à la pérennité de son statut de leader. Cela est fondamental aux yeux du Gouvernement.
La parole est à M. Renaud Muselier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.
Le jour du crash du vol Sanaa-Moroni de la Yemenia, le 1erjuillet dernier, vous avez su vous mobiliser immédiatement auprès des familles comoriennes à Moroni et vous avez pu ramener en France une enfant survivante de treize ans, Bahia, vivant à Marseille.
Notre ville, vous le savez, a perdu une soixantaine de ses habitants dans ce terrible accident.
Le Président de la République a tenu à assister à une messe oecuménique jeudi dernier à Paris et nous avons organisé, avec le maire de Marseille et l'association Marseille-Espérance, une cérémonie de recueillement, vendredi, autour de la communauté comorienne à Marseille.
Je voudrais vous lire un extrait d'un des textes qui ont été lus à cette occasion. Ce texte, écrit par Salim Hatubou, écrivain franco-comorien de Marseille, nous a tous beaucoup touchés :
« Je voulais juste aller voir mon papy. Maman, donne-moi la main pour la dernière traversée, je veux te sentir, encore et encore contre moi, maman.
« Dis-moi maman, est-ce fini ? Ne reverrai-je plus jamais le béton de ma cité, là-bas, en France ? Ne reverrai-je plus jamais les chemins de pierre du village de papy, là-bas aux Comores ? Dis-moi maman est-ce vraiment fini ? (...)
« Maman, couvre-moi de ton châle, chante-moi les berceuses de ton enfance, raconte-moi les contes et légendes des îles de la Lune, caresse ma joue pour que je m'endorme. Oui, je veux dormir, maman, mais je ne veux pas qu'on m'oublie. Non, je ne veux pas qu'on m'oublie ! »
À la suite de ce drame, les familles demandent aujourd'hui de légitimes explications sur les conditions de cet événement tragique et sur la prise en charge des proches des victimes.
Je sais qu'une ambassadrice a été nommée à cet effet mais je souhaiterais savoir avec précision ce que la France fait au service de ces familles ? Pourriez-vous nous rendre compte en toute transparence des derniers éléments de l'enquête et des recherches, en mémoire de ces disparus ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.
Monsieur le président, la semaine dernière, à votre initiative, l'Assemblée a rendu hommage aux familles.
Monsieur Muselier, ce terrible accident est d'autant plus douloureux qu'il s'est produit juste avant les grandes fêtes comoriennes, les grands mariages. La tristesse touche donc toutes les familles comoriennes.
Dès qu'elle a appris cette catastrophe, la France a été mobilisée. Immédiatement, le Président de la République et le Premier ministre ont pris des décisions pour faire en sorte que tous les moyens humains et matériels soient envoyés sur place. Notre pays a été particulièrement présent.
Depuis Mayotte et depuis la Réunion, tout le matériel dont nous disposions a été envoyé sur place très rapidement. En accord avec Bernard Kouchner, je suis allé sur place et j'ai pu constater la mobilisation des effectifs français pour faire face à ce drame.
Monsieur le député, la France reste mobilisée. Je peux vous annoncer que le Premier ministre se rendra à Moroni à la fin de la semaine alors que j'irai moi-même à l'agence qui gère le contrôle aérien sur l'ensemble du continent africain.
Un nouveau bateau est parti sur place car nous avons identifié les signaux des boîtes noires, ce qui est très important. On m'a indiqué, juste avant le début de cette séance, que des corps auraient été repérés dans le secteur où a eu lieu ce terrible accident. Ils n'ont pas encore été repêchés.
Le Président de la République a confirmé que les familles pourraient se rendre à Moroni pour commencer à faire leur deuil.
Vous le voyez, la France est totalement mobilisée. Elle est aux côtés des Comores. Les Comores et la France sont toutes deux endeuillées. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre de l'écologie et du développement durable, ce matin, à la lecture d'un quotidien du soir, j'ai appris que vous veniez de prendre de vitesse M. François Fillon, le Premier ministre.
Sachez que le groupe socialiste tient à vous féliciter pour cette tentative d'échappée, qui n'est pas la première d'ailleurs. À l'automne 2008, vous fîtes déjà des propositions non retenues qui irritèrent l'Élysée et Matignon. Elles portaient sur la création d'une taxe sur les couverts et assiettes en plastiques et sur les couches culottes. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)
En effet, sans attendre les conclusions de la conférence des experts sur la contribution climat-énergie, vous vous êtes déclaré favorable à la redistribution aux ménages et aux entreprises de l'intégralité de cette ressource nouvelle. Vous avez indiqué que tous les ménages bénéficieraient d'une redistribution sous forme d'un chèque vert et qu'une telle contribution ne devait pas affecter le pouvoir d'achat des Français.
Mais c'était sans compter, monsieur le ministre, sur l'équipe de fond constituée de Mme la ministre de l'économie et de M. le ministre du budget qui n'ont pas manqué, quelques heures après vos déclarations, de vous adresser une fin de non-recevoir, Mme Lagarde expliquant que le chèque vert n'est qu'une piste de recherche mais certainement pas un aboutissement, et M. Woerth ajoutant qu'il n'était pas favorable à la distribution de nouveaux chèques, verts ou pas.
Est-il utile de rappeler, enfin, que M. le Président de la République, lorsqu'il a annoncé la fin de la taxe professionnelle, a évoqué la possibilité de faire financer cette exonération par la taxe carbonne. Ainsi, la réduction de la fiscalité sur les entreprises s'accompagnerait d'une augmentation de la fiscalité sur les ménages. Ainsi, cette contribution climat-énergie porterait atteinte au pouvoir d'achat des Français.
Monsieur le ministre, je crains fort que vous ne soyez conduit à abandonner cette belle idée de chèque vert et que le Président de la République ne soit encore plus demain le président du pouvoir d'achat en diminution. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Monsieur le député, notre modèle économique est essentiellement fondé sur les énergies fossiles, le pétrole, le charbon et le gaz, qui ont deux caractéristiques. La première est qu'elles émettent du CO2, principale cause de réchauffement climatique, ce qui provoquera des difficultés. La seconde, c'est qu'il s'agit de ressources qui ne sont pas éternelles. Cela posera donc, à terme, un problème de prix.
C'est la raison pour laquelle il a été décidé d'étudier le bien-fondé d'une contribution climat-énergie. Ce serait une augmentation progressive. Le Président de la République, le Premier ministre, le Gouvernement dans son ensemble l'ont toujours dit, cela ne devra porter atteinte ni à la compétitivité des entreprises ni au pouvoir d'achat des ménages.
Monsieur le député, vous essayez d'opposer les uns aux autres. Je vous rappelle – mais peut-être n'étiez-vous pas en séance ce jour-là (Protestations sur les bancs du groupe SRC) !– que cette contribution – c'est l'article 2 de la loi sur le Grenelle qui a été votée à l'unanimité sur ces bancs – sera strictement compensée de façon à préserver le pouvoir d'achat des ménages et la compétitivité des entreprises. Il n'y a donc rien de nouveau sous le soleil.
Reste à savoir comment cela se fera pour les entreprises et les ménages. C'est extrêmement compliqué.
C'est précisément pour cela qu'une conférence est prévue. La partie relevant des entreprises doit rester aux entreprises et celle relevant des ménages aux ménages. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Patrick Beaudoin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Permettez-moi d'associer à ma question qui s'adresse au secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants, mes collègues Jean-François Lamour, Jean-Claude Mathis et Georges Colombier.
Dans quelques jours, nous célèbrerons le 14 juillet. Ce jour a une valeur symbolique qui s'est enrichie au cours des siècles.
Fête de la nation et de son unité, elle est devenue la fête de la nation citoyenne, celle des hommes libres qui en font la richesse. Ces hommes libres furent aussi ses défenseurs, rançon de leur liberté. Nous devons donc avoir, le 14 juillet une pensée pour tous ceux qui, en défendant leur patrie, ont sauvegardé leur liberté et par conséquent la nôtre, au prix de leur vie.
La retraite du combattant symbolise, depuis la Grande guerre, la reconnaissance et la gratitude de la nation. Or, pendant près de trente ans, depuis 1978, son indice de référence n'a pas changé. Ce n'est qu'en 2006 que, à l'initiative des différents rapporteurs du budget des anciens combattants et de la majorité présidentielle, le montant de la retraite a enfin été relevé de deux points d'indice, apportant ainsi un début de satisfaction à une revendication ancienne et légitime du monde combattant. De nouvelles revalorisations sont intervenues en 2007, 2008 et 2009, portant ainsi la retraite à 558,42 euros, soit près de 29 % de plus qu'en 2006.
Le Président de la République s'est fixé comme objectif d'atteindre les 48 points d'indice d'ici à la fin de la législature. Or ce but ne sera pas atteint sans une nouvelle revalorisation l'an prochain. Compte tenu de l'évolution démographique et du plafond prévu par la loi de programmation des finances publiques – à condition qu'il soit maintenu -, il sera possible de financer une telle mesure.
Inscrire la revalorisation dans le projet de loi de finances initial, dès son dépôt sur le bureau de notre Assemblée, serait une marque de respect et de confiance de la République à l'égard de ses combattants.
Monsieur le secrétaire d'État, quelles sont vos intentions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.
Monsieur le député, je vous sais très attaché, avec l'ensemble de votre groupe, à la question de la retraite des anciens combattants.
Vous avez raison, la liberté a un prix. L'approche du 14 juillet, mais surtout le soixante-dizième anniversaire, en septembre prochain, du début de la Seconde guerre mondiale, nous invitent plus que jamais à nous interroger sur la place que nous voulons donner à ceux qui ont défendu et servi notre pays. Ceux qui ont tout risqué, tout sacrifié, ont droit aujourd'hui à la gratitude et au respect de la République tout entière.
Oui, monsieur le député, le Président de la République s'est engagé à revaloriser la retraite des anciens combattants et le Gouvernement de François Fillon tient cette promesse.
Au 1er janvier 2010, la retraite des anciens combattants gagnera deux points supplémentaires, passant de 41 à 43 points, pour atteindre en 2012 l'objectif des 48 points. (Applaudissements sur divers bancs des groupes UMP et NC.)
Les anciens combattants recevront ainsi les preuves de la reconnaissance de la nation et de ses représentants.(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)
La parole est à Mme Françoise Olivier-Coupeau, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre de l'intérieur, alors que le texte sur le rapprochement entre la police et la gendarmerie va être soumis à notre vote aujourd'hui, je veux vous interroger sur un cas concret qui démontre que ce rattachement est voué à l'échec : l'affaire de cet officier qui vient de recevoir un ordre d'envoi devant un conseil d'enquête pour avoir co-signé , en tant que chercheur au CNRS, un texte critique à l'égard de votre projet de loi.
Sans contester le devoir de réserve des militaires, l'on peut s'interroger sur la gravité de la procédure choisie : l'envoi en conseil d'enquête est généralement lié à la commission d'un crime ou d'un délit pénal.
Comment ne pas comprendre, de surcroît, que ce chef d'escadron, major de promotion aussi bien en école de sous-officiers qu'en école d'officiers, exprime les inquiétudes partagées par la grande majorité des gendarmes et sur lesquelles seuls les officiers généraux en deuxième section ont pu communiquer ? Qu'a-t-il dit de si subversif, sinon que cette loi aux aspects techniques marque en réalité la fin du statut particulier de la gendarmerie qu'elle condamne à périr à petit feu ?
Comment ce gendarme pouvait-il ne pas être indigné alors que certains syndicats de police étaient parallèlement libres de porter des propos injurieux à l'encontre d'une institution à laquelle il est, à laquelle nous sommes attachés ?
Monsieur le ministre, cet exemple marque l'évidence : vous voulez marier la carpe et le lapin, vous voulez faire cohabiter deux forces de police dont l'une peut se syndiquer et l'autre est soumise à l'expression la plus drastique de l'obligation de réserve .
Le caractère disproportionné des sanctions applicables au chef d'escadron Matelly aggravera encore le malaise que ce texte a fait naître au sein de l'institution. Entendrez-vous, monsieur le ministre, le message de ceux qui veulent défendre la gendarmerie ou serez-vous l'initiateur d'un mouvement qui aboutira sans aucun doute, à terme, à sa fusion avec la police ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur de nombreux bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Madame la députée, vous m'interrogez sur la liberté d'expression dans la gendarmerie et la police nationale, mais en évoquant un cas particulier, sur lequel je ne peux me permettre aucun commentaire puisque cette affaire est en cours d'examen.
J'observe cependant que ce chef d'escadron n'en est pas à son premier manquement à l'obligation de réserve, et qu'il a déjà fait l'objet de plusieurs sanctions disciplinaires (« Ah » sur les bancs du groupe UMP.)
Sur le fond, l'on ne peut pas vouloir tout et son contraire. La semaine dernière, lors du débat, vous prétendiez, malgré mes explications, que le rapprochement de la police et de la gendarmerie ferait disparaître le statut militaire des 105 000 gendarmes. Or, aujourd'hui, vous semblez oublier le statut militaire des gendarmes en mettant en parallèle les règles applicables aux gendarmes et aux policiers.
Je vous rappelle tout d'abord qu'il n'est pas question de remettre en cause le statut militaire de la gendarmerie.
Par ailleurs, l'expression publique des gendarmes est encadrée par des dispositions légales particulières. Comme tout agent public, un gendarme est astreint à une obligation de réserve.
Ne vous inquiétez pas. Nous respectons les droits comme le statut militaire des gendarmes.
Pour le reste, l'objectif reste simple : garantir la sécurité partout et pour tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Claude Bouchet, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le secrétaire d'État chargé de l'emploi, dans cette période de crise, la question de l'emploi des seniors revêt une importance particulière. Alors qu'ils sont déjà moins de 40 % à être encore dans l'emploi, la tentation est forte, en cas de remontée du chômage, de renouer avec les mauvaises habitudes qui consistent à pousser vers la sortie les salariés seniors, et ce en dépit de l'expérience qui a déjà montré par le passé les résultats dramatiques de cette politique visant à exclure les seniors du marché du travail. Pour notre économie, c'est une perte de compétences et de savoir-faire précieux et, pour les comptes sociaux, un baisse importante des ressources. Enfin, pour les salariés concernés qui ne parviennent pas à retrouver un emploi, c'est souvent un drame humain.
Dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, des mesures ont été prises, non seulement pour favoriser le libre choix des salariés à travers la libéralisation du cumul emploi-retraite, mais également pour inciter fortement les entreprises et les branches à négocier des plans d'actions en faveur de l'emploi des seniors.
Encourager le maintien dans l'emploi implique également de donner aux seniors des possibilités d'évolution de carrière : à cinquante-cinq ans, on n'a plus nécessairement l'envie ou la capacité de faire ce qu'on faisait à trente. Le tutorat répond précisément à cet enjeu, puisqu'il offre à un senior une fin de carrière gratifiante, en lui permettant de transmettre son savoir-faire à un jeune qui accède à l'emploi.
À la suite de la remise du rapport de M. Masingue, en mars dernier, vous nous aviez indiqué votre volonté d'avancer rapidement sur ce dossier, notamment dans le cadre du projet de loi sur la formation professionnelle.
Monsieur le secrétaire d'État, où en sommes-nous de ce dossier ? Quelles mesures seront mises en oeuvre pour développer le tutorat ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Monsieur le député, comme vous l'avez rappelé, la France a sacrifié depuis trop longtemps l'emploi des seniors en recourant massivement, au cours des trente dernières années, à un système de préretraites publiques. Cette politique, qui a eu pour résultat un très faible taux d'emploi à la fois des jeunes et des seniors, a montré qu'opposer les générations entre elles n'est pas la voie d'avenir.
C'est pourquoi nous avons souhaité rompre, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, avec le dispositif des préretraites publiques pour miser sur une autre voie, celle du tutorat, qui permet à la fois de garder un senior dans l'emploi et d'organiser le transfert des savoir-faire par l'accueil d'un jeune dans l'entreprise. Bouygues a ainsi mené l'opération « casque orange », grâce à laquelle des seniors expérimentés, mais éprouvés par des années de travail, accueillent des jeunes, ce qui facilite l'insertion de ces derniers dans l'entreprise.
Pierre Morange, Jacques Kossowski et Gérard Cherpion, auxquels je tiens à rendre hommage, ainsi que moi-même, avons travaillé sur le sujet dans le cadre du projet de loi sur la formation professionnelle. Trois points ont été améliorés. Le premier permet l'adoption, dans chaque branche, de dispositifs visant à faciliter le tutorat. Le deuxième vise à financer sur l'argent de la formation professionnelle des postes de tuteurs et donc à soulager le poids, en termes de salaire, des seniors qui restent dans l'entreprise. Le troisième et dernier point – qui répond à un souhait de Jacques Kossowski – vise à faire bénéficier chaque senior, qui a passé l'âge de quarante-cinq ans, d'un bilan d'étape professionnelle. On a encore une carrière après quarante-cinq ans !
Dans le cadre du projet de loi comme de la discussion menée par les partenaires sociaux devant le Président de la République, les syndicats ont souhaité aller encore plus loin en matière de tutorat. Nous les rencontrerons rapidement à cette fin. Alors que le vieux système des préretraites consistait à payer pour mettre les seniors dehors, le système plus intelligent du tutorat consiste à financer leur maintien dans l'entreprise en vue de faciliter l'accueil des jeunes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Colette Langlade, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, auquel je souhaite faire part du chiffre inquiétant des défaillances d'entreprises.
Selon une étude d'Altares publiée ce matin, les quelque 14 000 cas recensés représentent une augmentation de 15 % au deuxième trimestre par rapport à la même période de l'an dernier, l'augmentation étant même de 64 % pour les entreprises dites importantes – plus de cinquante salariés.
Cette accélération du nombre des défaillances ne saurait être uniquement interprétée comme le résultat de la dégradation de la conjoncture économique. Des entreprises internationales profitent également de la crise.
C'est ainsi que la maison mère américaine de l'entreprise Albany de Ribérac, en Dordogne, qui produit des feutres pour l'industrie du papier, a annoncé, en fin de semaine dernière, à la surprise générale, son projet de fermeture du site qui, en dépit de résultats très satisfaisants, n'est plus assez rentable aux yeux des actionnaires.
Les raisons invoquées pour justifier cette décision – coût du travail, enclavement de la zone, effondrement du marché du papier – ne convainquent personne.
Prise de manière unilatérale, sans concertation préalable avec l'État et les partenaires sociaux, cette décision cynique et inexplicable laisse dans le désarroi quatre-vingt-dix salariés.
Pouvez-vous indiquer, monsieur le ministre, les mesures efficaces que le Gouvernement envisage de prendre en faveur des salariés qui souffrent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la députée, comme vous, nous avons le souci de défendre notre industrie et de préserver l'emploi.
Vous avez évoqué la situation de l'entreprise Albany, dont les quatre-vingt-onze salariés ont appris, de manière brutale – je le répète : de manière brutale –, mercredi dernier, le projet de fermeture du site. Alors que rien ne laissait présager une telle décision, nous voulons apporter les réponses les plus efficaces. Dès jeudi matin, nous avons mobilisé tous les services concernés de l'État, qui ont rencontré le dirigeant.
Je tiens à vous rappeler que l'industrie papetière connaît depuis le début de cette année une chute d'activité de près de 20 %. Face à une telle situation, toutes les voies doivent être explorées. Je suis personnellement très surpris que cette entreprise n'ait pas jusqu'à présent envisagé d'autres dispositifs, notamment le chômage partiel, qui permettrait de traverser cette période de creux de l'activité.
Au cas où des emplois seraient effectivement supprimés, la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle se mobilisera pour assurer, conformément à nos instructions, tant le reclassement des salariés que la revitalisation du territoire.
Notre priorité est de préserver l'emploi sur le site en veillant à ce que personne ne reste sur le bord du chemin. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, les inquiétudes des producteurs de lait français subsistent. Le marché laitier connaît une importante instabilité. Alors que l'année 2007 et le début de l'année 2008 ont été marqués par une forte hausse du prix du lait, la situation sur les marchés laitiers s'est fortement dégradée depuis plusieurs mois.
Un surplus sur le marché européen et mondial, la baisse de la consommation et le recul des exportations européennes ont entraîné un recul important des cours. Selon les chambres d'agriculture, les revenus de cette activité devraient être inférieurs de 26 à 40 % en 2009 par rapport à 2008.
Le mécontentement des agriculteurs est légitime. Une telle baisse des prix et des revenus n'est pas supportable pour la profession. Les producteurs laitiers que j'ai rencontrés le week-end dernier à Ornans me l'ont réaffirmé.
Vous avez récemment affirmé vouloir la transparence totale sur les prix du lait d'ici à la fin du mois de juillet. Que comptez-vous mettre en place à cette fin ?
Par ailleurs, je souhaite avoir des informations sur la question des quotas au plan européen. Vous avez rencontré dernièrement José-Manuel Barroso et la commissaire européenne à l'agriculture, Mariann Fischer Boel. Quel bilan pouvez-vous dresser de vos échanges avec eux ? Avez-vous avancé sur le thème de la régulation de la production laitière ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le député, une réelle inquiétude – on peut même parler de détresse – a gagné les producteurs de lait en France qui ont perdu 30 % de leurs revenus en trois mois par rapport à l'année dernière. Avec le Premier ministre et l'ensemble du Gouvernement, nous répondrons concrètement et rapidement à cette inquiétude.
D'abord nous mettrons en oeuvre des mesures d'urgence et en proposant la prise en charge d'une partie des charges d'intérêts des producteurs laitiers, notamment pour les jeunes agriculteurs qui ont à supporter les charges d'investissement les plus lourdes lorsqu'ils s'installent.
Ensuite, nous prendrons deux mesures nationales : Hervé Novelli et moi-même allons organiser une réunion rassemblant, dans un esprit constructif, distributeurs, producteurs et transformateurs dans le but d'établir la transparence totale des prix du lait ; la seconde disposition visera à avancer dans la voie de la contractualisation. Ainsi, sur la base des travaux que nous avons conduits, je donne rendez-vous le 1er octobre prochain à tous les acteurs de la filière du lait en France pour mettre sur pieds cette contractualisation sans exclure, en cas de besoin, l'intervention de la puissance publique.
Enfin, comme je l'ai indiqué à Mariann Fischer Boel et au président de la Commission européenne, M. Barroso, il n'y aura pas de production de lait sans une nouvelle régulation des marchés européens et mondiaux. Les instruments actuels sont en effet insuffisants. Je ne propose pas moins mais mieux que les quotas en matière de régulation européenne. Je ne propose pas moins mais plus et mieux de régulation européenne.
C'est ainsi que nous garantirons l'avenir des producteurs de lait en France ; c'est ainsi que nous garantirons l'avenir et l'indépendance de l'agriculture en Europe. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la secrétaire d'État aux sports, notre pays s'est engagé activement dans la préparation de l'Euro 2016. D'ores et déjà, de très nombreux acteurs sont mobilisés, qu'il s'agisse, bien entendu, de la Ligue et de la Fédération française de football, mais aussi des collectivités locales.
À l'image de ce qui s'est passé au Portugal pour l'Euro 2004 ou en Allemagne pour le Mondial 2006, cet Euro 2016 peut être une chance pour notre pays d'abord sur un plan sportif, mais aussi pour la mise à niveau de nos infrastructures sportives. C'est une chance mais aussi une obligation, car l'UEFA a considérablement renforcé son cahier des charges.
Pour répondre à ces exigences renforcées, des investissements de l'ordre de 3 milliards d'euros seront nécessaires pour la mise aux normes ou la construction de nouveaux stades.
De toute évidence, les collectivités locales, qui subissent déjà de plein fouet le désengagement de l'État et les effets de la crise, ne peuvent s'engager seules dans un tel programme. Elles comptent sur un partenariat avec l'État et elles ont besoin rapidement de réponses précises car le dossier de candidature de la France doit être remis à l'UEFA en février prochain, ce qui nécessitera, pour la Fédération française de football, d'avoir toutes les assurances en septembre et octobre au plus tard.
La presse s'est fait l'écho, madame la secrétaire d'État, du refus du Premier ministre de faire suite à votre demande de recourir à l'emprunt d'État qui sera lancé en 2010 auprès des Français, pour financer une partie de ces grands investissements que nécessite l'accueil d'une telle compétition.
Ma question est donc claire : qu'en est-il aujourd'hui de l'engagement de l'État dans la préparation de l'Euro 2016 ? L'État sera-t-il aux côtés des collectivités locales, en ce qui concerne tant l'organisation de l'événement lui-même que la réalisation des investissements nécessaires ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Madame le député, je suis très heureuse que vous me posiez cette question. (Sourires.) La France s'est en effet portée candidate à l'Euro 2016 et doit relever ce défi parce que l'attente est énorme.
Qu'est-ce que l'Euro de football ? C'est le troisième événement sportif planétaire.
Je vais y venir, monsieur Glavany.
C'est ensuite et surtout une extraordinaire fête populaire qui rassemble dans un même élan l'ensemble des nations européennes.
Dans cette période de crise, il s'agit d'une formidable opportunité de galvaniser l'économie…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. De glavaniser ! (Rires.)
…de créer des emplois, de galvaniser le tourisme pour les villes qui accueillent cet événement.
C'est l'un des premiers dossiers que j'ai à traiter en tant que secrétaire d'État chargée des sports et j'ai déjà eu l'occasion d'en parler au Premier ministre.
J'ai également rencontré les principaux acteurs comme la Fédération française de football ainsi que le président de la Ligue qui ont attiré l'attention du Président de la République sur le sujet.
Où en sommes-nous de notre candidature ?
Notre dossier devra être déposé à l'UEFA avant le 15 février 2010. L'organisateur sera désigné le 25 mai suivant.
Aujourd'hui, la Fédération de football a répertorié une dizaine de projets avancés de construction et de rénovation des grands stades éligibles à l'organisation de l'Euro. La France, vous l'avez dit, doit pouvoir se doter de grandes enceintes sportives si nous voulons maintenir notre rang de grande nation sportive.
Aussi, ne doutez pas de l'engagement du Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) ; ce qui est en jeu n'est pas une vitrine mais des enjeux massifs d'économie et de croissance.
Nous relèverons donc ce défi,…
…et croyez bien que l'État saura, au moment venu, apporter son concours financier pour soutenir et assurer le succès de ce beau projet. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Moyens financiers consacrés à l'Euro 2016 de football
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)
Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe GDR.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, monsieur le rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, chers collègues, à l'issue de l'examen de ce texte relatif à la gendarmerie nationale, aucune des inquiétudes des gendarmes, des policiers ou encore des élus locaux n'a été levée.
Il ne s'agit nullement de faire du corporatisme, mais d'étudier les problèmes que pose le rattachement organique et opérationnel de la gendarmerie au ministère de l'intérieur.
Pour commencer, le Gouvernement a ignoré nos demandes de ne pas appliquer la RGPP à la gendarmerie. Ainsi, 3 500 postes de gendarmes seront supprimés d'ici à 2012. La fermeture de brigades rurales va continuer.
On comprend, dès lors, qu'il faille bricoler un texte de rapprochement avec la police, afin de contrebalancer la perte du maillage territorial de ce service public. Le directeur général de la gendarmerie nationale l'avait solennellement affirmé devant la commission de la défense : « Toute forme de rationalisation consistant à dévitaliser une force au profit de l'autre serait pernicieuse, dangereuse pour l'équilibre de notre sécurité intérieure ». C'est pourtant l'objectif de ce projet de loi, les ministres ne s'en cachent pas.
Nous ne pouvons accepter que la même recette libérale nous soit resservie sur tous les sujets, surtout quand elle touche aux institutions républicaines historiques en charge du maintien de l'ordre.
Dans ces conditions, comment croire que la sécurité des Français en sortira améliorée ? La délinquance s'aggravera. C'est déjà ce qui se passe, comme l'a, à juste titre, remarqué le ministre de l'intérieur. À l'écouter, ce projet de loi serait une simplification ou une mise en cohérence. Nous y voyons davantage une complexification d'institutions qui fonctionnent plutôt correctement.
L'isolement de la gendarmerie au sein de l'armée constitue en soi une sérieuse entaille dans son statut. Il est surtout le prélude possible à une fusion pure et simple avec la police. En tout cas, prétendre que ce texte « conforte l'identité de la gendarmerie nationale » paraît abusif, car on supprime le principe de la réquisition légale, inséparable, consubstantielle du caractère militaire. Bien entendu, on nous explique que cette réquisition n'a plus lieu d'être, étant donné que le projet place les forces de gendarmerie sous le commandement unique du ministre de l'intérieur. Mais, comme nous l'avons expliqué, nous sommes contre la concentration des forces en une seule main. La stratégie qui consiste à rapprocher deux institutions pour « faire des synergies » ou « des économies d'échelle » sème la pagaille plutôt qu'autre chose. Souvenons-nous de la fusion des Assedic et de l'ANPE, censée garantir une meilleure efficacité : on connaît les résultats déplorables du Pôle emploi !
De plus, le projet est en recul par rapport à la version votée au Sénat. Celle-ci avait en effet introduit des garde-fous quant à l'utilisation de certains moyens militaires.
Or le décret en Conseil d'État a été remplacé par un décret simple, ce qui offre encore moins de garanties, s'agissant, par exemple, de l'usage des véhicules blindés dont dispose la gendarmerie. La traçabilité des ordres pour l'emploi de la force sera assurée, nous dit-on, mais par une circulaire dont nous n'avons pas connaissance. Avouons que les garanties sont bien minces, comparées à la certitude de la fin de la procédure de réquisition !
Enfin, le renforcement du rôle du préfet place l'autorité militaire sous la tutelle de l'autorité administrative, rompant la chaîne hiérarchique propre à la gendarmerie. Il aurait pourtant été possible de concilier obéissance, autorité civile et respect de la chaîne hiérarchique militaire : l'exécution des missions confiées par le préfet pouvait rester sous l'autorité hiérarchique du commandement régional de la gendarmerie.
En conclusion, « changer pour changer » pourrait être un résumé de ce projet de loi. Il participe à l'agitation sécuritaire du Gouvernement et de la majorité, qui entend faire croire qu'elle agit en multipliant les lois !
Tout est fait pour que les gendarmes n'aient plus que les inconvénients du statut militaire, sans en avoir les avantages. De cette façon, le Gouvernement espère qu'ils revendiqueront l'harmonisation statutaire.
Les députés communistes, républicains et du parti de gauche seront particulièrement vigilants sur les questions relatives à la parité de traitement entre gendarmes et policiers, afin d'éviter que ne se développent des tensions préjudiciables entre les deux forces. Pour toutes les raisons évoquées, ils voteront, comme les députés Verts, résolument contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre gendarmerie nationale est parmi les corps les plus anciens que nous connaissons puisqu'il existe depuis le Xlle siècle. Sa résistance au temps et aux aléas des hommes est d'ailleurs certainement la meilleure preuve de sa permanence, de son importance et de son utilité. Toutes les grandes démocraties se sont construites sur un système de forces duales, pour notre part civile d'un côté, avec la police, et militaire de l'autre, avec la gendarmerie. Tous ici sur ces bancs sommes attachés à notre gendarmerie, bien sûr, mais surtout, et nous l'avons dit à l'occasion de ce débat, au maintien de son statut militaire.
Ce texte vise à entériner un rapprochement, déjà mis en oeuvre, de la gendarmerie et de la police nationale. Ces deux corps remplissent, en effet, des missions similaires de sécurité intérieure qu'il est particulièrement utile de rendre cohérentes en mettant en oeuvre des synergies, synonymes, certes, d'économies pour l'État, mais surtout d'efficacité accrue pour nos concitoyens, dont les attentes en matière de sécurité sont grandes.
Certains se sont interrogés sur la nécessité d'un transfert total de la gendarmerie de la défense vers l'intérieur. Ce texte a soulevé un certain nombre d'inquiétudes. La gendarmerie est, en effet, un corps militaire qui suit les mêmes principes de hiérarchie, de devoir de réserve, d'affectation que, par exemple, l'armée de terre dont elle est issue. Être gendarme est également un état d'esprit du fait de cette « militarité » et du lien privilégié avec le monde rural, notamment. La police fonctionne, pour sa part, selon des principes différents bien que tout aussi louables. Leur rapprochement au sein d'un même ministère, qui plus est celui en charge jusqu'ici de la police, pouvait laisser craindre à certains une dissolution des particularités de la gendarmerie au profit de celles de la police.
En 2002, un premier pas positif avait été fait dans le cadre de ce rapprochement. Nous avions alors trouvé un certain équilibre en donnant une dimension interministérielle à la mission sécurité. Cela traduisait parfaitement la dualité de ses composantes. Cette interministérialité aurait peut-être pu être conservée, quitte, pourquoi pas, à inverser le ratio trouvé en confiant 90 % du budget au ministre de l'intérieur, véritable chef fonctionnel de la gendarmerie et 10 % au ministre de la défense, chef organisationnel.
Face à ces interrogations, nous nous félicitons, monsieur le ministre, que des garanties aient été apportées à la représentation nationale quant au maintien du statut militaire de nos gendarmes et au respect de leurs missions, savoir-faire et prérogatives, notamment en matière de police judiciaire, ce qui pour nous était essentiel. Monsieur le ministre, le groupe Nouveau Centre tient naturellement à vous remercier des propos rassurants que vous avez tenus sur le maintien de cette dualité et de l'équilibre entre les deux forces. En effet, en dépit de ces quelques réserves, nous soutenons le principe de la réforme. Nous vous avons d'ailleurs proposé un amendement réaffirmant dans la loi certaines des missions de la gendarmerie et nous avons heureusement été entendus. Néanmoins, nous resterons extrêmement vigilants quant au sort réservé à la gendarmerie dans le cadre de ce rapprochement. Nous respectons trop l'engagement total de nos gendarmes et le choix qu'ils font d'un métier où ils risquent tous les jours leur vie au service des autres pour ne pas veiller à ce que leurs choix soient respectés par tous.
Le groupe Nouveau Centre votera donc ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Sur le vote de l'ensemble du projet de loi, je fais d'ores et déjà annoncer le scrutin.
La parole est à M. Michel Diefenbacher, pour le groupe UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, cette explication de vote est la première qui intervienne à l'issue de la discussion d'un projet de loi présenté selon la nouvelle procédure législative. Cela justifie de s'arrêter un instant sur la manière dont nous avons travaillé et sur le texte auquel nous sommes parvenus.
Je ferai, de ce point de vue, trois observations.
Première observation : ce texte est particulièrement important à plus d'un titre. Il est important parce que la gendarmerie est, dans notre pays, une institution majeure ; il est important parce que, dès lors que nous parlons de la gendarmerie, nous touchons aux libertés publiques ; enfin, il est important parce que le statut de la gendarmerie n'a pas été réexaminé depuis plus de deux siècles. Il était donc essentiel qu'au cours de cette discussion, nous approfondissions les choses, que nous écoutions et pesions tous les arguments en faveur et en défaveur de la réforme proposée.
Ma deuxième observation concerne notre discussion. Elle a été approfondie et sereine. Elle a fait apparaître, d'un bout à l'autre de l'hémicycle, un consensus : la gendarmerie doit rester une arme ; les gendarmes doivent conserver leur statut militaire ; la sécurité publique ne saurait être assurée, aujourd'hui ou demain, dans notre pays, par une seule force. L'existence de deux forces différentes – l'une civile, l'autre militaire –, le partage des rôles entre la gendarmerie et la police nationale sont non seulement une tradition de notre République, mais répondent également aux exigences de protection des libertés publiques. Il n'est pas question de préparer une fusion, je voudrais remercier M. le ministre et le Gouvernement pour la clarté des réponses apportées sur ce point.
Il demeure, en revanche, entre la gauche et la droite, un point de désaccord portant sur le rattachement désormais au ministère de l'intérieur de la gendarmerie nationale et sur les conséquences qu'il appartient d'en tirer.
Nous pensons, de ce côté de l'hémicycle, que ce rattachement au ministère de l'intérieur était nécessaire et indispensable pour une raison d'efficacité. En effet, le ministre de l'intérieur étant chargé de la sécurité publique sur l'ensemble du territoire national, il était anormal qu'il n'ait pas d'autorité sur la gendarmerie nationale, qui couvre elle-même – faut-il le rappeler ? – 95 % du territoire national.
Personne ne peut aujourd'hui imaginer que le ministre de l'intérieur puisse s'acquitter de sa responsabilité en matière de sécurité publique sur l'ensemble du territoire national en étant privé d'autorité sur la gendarmerie nationale. Personne ne peut imaginer que les deux forces puissent exercer leurs missions avec le maximum d'efficacité sans coopérer et sans mutualiser, non pas tous, mais certains de leurs moyens.
Le fait que la direction générale de la gendarmerie nationale soit désormais rattachée au ministre de l'intérieur impliquait bien entendu la remise en cause du système des réquisitions. D'un point de vue strictement juridique, comment le ministre de l'intérieur pourrait-il requérir l'usage d'une force placée sous son autorité ?
Il y a aussi une raison de fait. Les manifestations sont beaucoup plus difficiles et imprévisibles qu'il y a quelques décennies et ne se déroulent jamais dans les conditions prévues au moment où la réquisition est signée. Si l'on s'en tient au texte de la réquisition, on prive le responsable opérationnel de la gendarmerie, dans l'organisation et le fonctionnement de son service, d'une liberté dont disposent les responsables de la police nationale. Il était nécessaire que gendarmerie et police soient de ce point de vue traitées de la même manière.
Troisième et dernière observation, le débat que nous avons eu a pu tenir sans difficulté dans le temps qui nous a été imparti. Il n'a nullement été tronqué. Tous les arguments dans un sens et dans l'autre ont été présentés, analysés, débattus, les interventions ont été rapides, ciblées, les échanges ont été vivants. Au total, c'est le débat démocratique qui sort vainqueur de la nouvelle procédure législative. Le nouveau règlement n'est donc pas une entrave au débat, c'est au contraire le moyen de le rendre plus vivant et plus accessible.
Tout cela, bien entendu, n'aurait pas été possible sans le travail préparatoire considérable qui a été fait en commission et en séance. Je voudrais, à cet égard, remercier tout particulièrement notre rapporteur, Alain Moyne-Bressand, pour la précision et la sérénité de ses analyses (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), pour le caractère à la fois judicieux et mesuré de ses avis. J'associe à ces remerciements le rapporteur pour avis de la commission des lois, François Vannson, dont la rigueur juridique doit être saluée.
Le groupe UMP votera donc ce projet de loi. Il le fera en réaffirmant son attachement à la gendarmerie nationale, sa reconnaissance à tous les gendarmes pour le travail accompli jour et nuit sur le terrain. Il réaffirme également sa volonté ferme de garder à la gendarmerie nationale son statut militaire et son attachement aux valeurs qui font à la fois la grandeur et l'honneur de notre armée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour une fois, nous nous retrouvons unanimement autour d'une idée : tous, nous aimons la gendarmerie. (« Ça, c'est vrai ! » sur divers bancs.) Tous, nous connaissons les valeurs et les compétences de cette institution légaliste, robuste et disciplinée. Aucun des orateurs du débat préalable n'a d'ailleurs émis de critiques sérieuses sur le système actuel.
Pourtant, monsieur le ministre, vous faites un bien mauvais sort à la gendarmerie. Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui porte atteinte aux fondamentaux de la gendarmerie, plus encore il fragilise la République.
Tout au long du débat, vous avez inlassablement répété que le statut militaire de la gendarmerie n'était pas en péril, mais répéter n'est pas convaincre et vous ne nous avez pas convaincus.
D'abord, vous avez vidé ce statut de son contenu, notamment en supprimant la réquisition.
Ensuite, « tout ce qui encourage la mise en commun des moyens de la police et de la gendarmerie et le rapprochement systématique des conditions d'emploi et des missions de l'une et de l'autre entraînera inéluctablement, tôt ou tard, une interrogation sur l'utilité de maintenir des statuts différents…
…« et il y a peu de chance que ce soit le statut militaire qui l'emporte ». Vous les aurez reconnus, ces propos ne sont pas de moi, mais de Mme Alliot-Marie, alors ministre de la défense.
Avec cette loi, vous allez créer des dissensions entre des forces qui, jusqu'alors, cohabitaient harmonieusement sur le terrain. Par un effet d'échelle de perroquet, vous allez exacerber la comparaison entre police et gendarmerie. Comment faire cohabiter dans un même ministère, dont vous n'avez même pas ébauché la réforme, 100 000 gendarmes et 140 000 policiers, certains soumis au devoir de réserve le plus strict et d'autres qui peuvent se syndiquer ?
Vous avez évité de voir que la perte inéluctable du statut militaire de la gendarmerie et de son corollaire, casernement et disponibilité permanente, entraînera une diminution drastique de la sécurité en milieu rural (« C'est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP) puisque non seulement vous ne pourrez plus compter sur une force toujours disponible au moindre coût mais, de plus, vous en diminuez constamment les effectifs. Les élus ruraux le pressentent et s'en inquiètent.
Vous avez savamment éludé l'évocation des risques que court la démocratie dans un pays où une seule force de police existe, placée sous l'autorité d'un même ministre ou sous un même préfet de département.
Bref, vous n'avez su nous convaincre ni que ce texte répondait aux légitimes objectifs d'optimisation affichés, ni qu'il était sans danger pour l'avenir.
Ce projet de loi sera probablement voté ce soir, en dépit des arguments partagés in pectore sur l'ensemble des bancs de cet hémicycle. Nous souhaitons réaffirmer solennellement qu'il s'apparente moins à un aboutissement qu'à une étape de plus dans un processus qui porte en lui la possibilité de la fusion.
Pour toutes ces raisons, vous l'aurez compris, le groupe SRC ne votera pas le rapprochement de la police et de la gendarmerie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 456
Nombre de suffrages exprimés 452
Majorité absolue 227
Pour l'adoption 283
Contre 169
(Le projet de loi est adopté.)
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Je voudrais remercier la représentation nationale pour la qualité des débats qui ont eu lieu, tardivement, c'est vrai, la semaine dernière.
Le projet de loi issu de vos débats est un bon texte, car il organise de manière équilibrée, et pour longtemps à mon avis, les forces de sécurité intérieure, ce qui permettra de mieux faire face aux défis de notre époque : intensifier la lutte contre toutes les formes de délinquance, combattre avec la plus grande vigueur les trafics et les bandes violentes, renforcer la prévention de la délinquance.
Cela dit, ce rattachement n'est pas et ne sera pas une fusion avec la police nationale. Je dirai même que cela conforte le statut et même l'identité militaire de la gendarmerie nationale. Il n'a jamais été question de démilitariser la gendarmerie. Les opinions qui ont été exprimées tout au long des débats, en commission puis en séance publique, ont montré l'attachement de chacun à la gendarmerie, institution ancienne, solidement et fortement ancrée dans nos territoires.
La dualité des forces de sécurité, police et gendarmerie, constitue un atout pour disposer des moyens les plus adaptés afin de répondre à ces priorités. Je développerai les coopérations opérationnelles entre les différentes forces afin d'accroître encore l'efficacité du service public de sécurité.
La dualité des forces est d'ailleurs aussi nécessaire, je le dis aux élus de zones plus rurales, pour honorer les missions particulières de la gendarmerie nationale.
Dans le domaine de la défense, nous avons évoqué la semaine dernière les missions militaires de la gendarmerie mais également son rôle pour la sécurité et le contrôle des armements nucléaires, je pense naturellement à l'amendement de Philippe Folliot qui a été adopté en commission.
La gendarmerie conservera ses missions judiciaires. L'autorité judiciaire conserve ainsi la possibilité de choisir le service et les personnels qui effectueront les missions de police judiciaire.
Dans l'esprit du Gouvernement, je vous remercie de l'avoir compris, ce rapprochement de la gendarmerie nationale et de la police nationale doit être synonyme à la fois d'efficacité, d'équilibre et de complémentarité, pour assurer partout et pour tous la sécurité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Dans les explications de vote, pour le groupe NC, la parole est à M. Francis Vercamer.
Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, si l'attachement que portent l'ensemble de nos concitoyens, agents comme usagers, au modèle français du service public ne se dément pas, celui-ci s'accompagne désormais de profondes attentes en termes de modernisation. Aussi, derrière la question de la mobilité et des parcours professionnels au sein de la fonction publique, c'est bien celle de la modernisation de notre appareil administratif qui était posée à travers ce texte.
Moderniser la fonction publique ne signifie pas importer en France un modèle concurrent. C'est bien au contraire conforter les grands principes qui la sous-tendent, et auxquels, tous ici, nous sommes attachés, à la lumière des problématiques et des enjeux actuels.
Fort de ce constat, ce projet de loi, élaboré en étroite concertation avec les fonctionnaires eux-mêmes, portait une grande ambition : moderniser enfin la gestion des ressources humaines au sein des trois fonctions publiques, d'État, territoriale et hospitalière.
Cela a été dit au cours de nos débats, 86 % des fonctionnaires souhaitent aujourd'hui pouvoir changer de métier au cours de leur carrière. Toutefois, la mobilité ne concerne actuellement qu'un très faible nombre d'agents, 5 % seulement des effectifs, le plus souvent des cadres de catégorie A.
S'engager au service de l'État, de l'intérêt général et de ses concitoyens n'est pas un choix anodin, et ce quel que soit par ailleurs le type de fonctions exercées. C'est pourquoi il importe d'ouvrir de nouvelles perspectives à l'ensemble de celles et de ceux qui font ce choix, en leur permettant de découvrir plus facilement au cours de leur carrière d'autres métiers et d'autres territoires.
Ainsi, ce projet de loi s'attache à lever les barrières les plus concrètes à la mobilité.
Il pose le principe d'un droit au départ au bénéfice de chaque agent, conforte celui de l'accessibilité par la voie du détachement à l'ensemble des corps de la fonction publique et le complète en créant la possibilité d'une intégration directe au sein du corps d'accueil à l'issue du détachement.
Si développer la mobilité au sein de la fonction publique répond à un souhait des agents eux-mêmes, c'est aussi un moyen pour l'avenir d'accroître l'attractivité des métiers de la fonction publique. Mais, alors que nos concitoyens attendent désormais de l'administration qu'elle se montre tout à la fois plus efficace et plus économe des deniers publics, la mobilité constitue aussi un outil privilégié d'accompagnement des restructurations et réorganisations induites par la réforme de l'État. Le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux lui-même implique de pouvoir redéployer plus facilement les moyens humains de l'État.
Aux agents touchés par la nécessité d'un reclassement, le projet de loi vient apporter des garanties : l'employeur public sera ainsi tenu de leur formuler trois offres tenant compte tant de leurs souhaits d'orientation professionnelle que de leur situation personnelle ; le reclassement ne pourra donner lieu à une perte de leur rémunération ; pour les agents contractuels, le transfert de leur contrat ne pourra se traduire par sa renégociation.
Ce texte, enfin, poursuit la politique d'ouverture en ce qui concerne tant les concours administratifs que le recrutement de personnels non titulaires.
Ainsi, l'une des mesures les plus discutées de ce projet a-t-elle été l'ouverture aux employeurs publics de la possibilité de recourir aux services d'agences d'intérim. Cette mesure, bien que plus coûteuse pour l'administration que le recours à des vacataires, permettra cependant de pourvoir plus rapidement à des besoins urgents de personnels et, ainsi, de répondre plus efficacement à l'exigence de continuité du service public. Elle permettra également de ne pas laisser s'installer à la périphérie immédiate de la fonction publique une zone de précarité dans la mesure où elle s'appuiera sur des travailleurs intérimaires, là encore mieux protégés par notre droit social que les vacataires.
En modernisant la gestion de ses ressources humaines par l'administration, ce texte permettra de mieux en valoriser les talents au service de nos concitoyens, et c'est à ce titre que le Nouveau Centre lui apportera son soutien. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Monsieur le président, mes chers collègues, je voudrais commencer par situer ce texte dans la lignée d'une politique pour la fonction publique particulièrement ambitieuse mise en oeuvre depuis plusieurs années : objectifs ambitieux, avec le pacte 2012, qui vise à modifier les modes d'accès ou le déroulement des carrières, méthodes nouvelles, toutes fondées sur la concertation.
Il y a eu la grande concertation nationale lancée d'octobre 2007 à mars 2008 par le Gouvernement, avec plus de 500 000 contributions en ligne, trente-cinq tables rondes sur tous les thèmes, et puis, bien entendu, la concertation avec les partenaires sociaux, qui a abouti à un accord inédit, un accord premier si j'ose dire, sur le dialogue social, signé par six organisations syndicales, et à différents accords salariaux basés sur la garantie du maintien du pouvoir d'achat pour les fonctionnaires. Une augmentation de 3 % en 2009 est quasiment garantie dès aujourd'hui pour les fonctionnaires, avec une inflation inférieure à 1 %.
On voit donc bien que ce texte s'inscrit dans une politique ambitieuse pour la fonction publique.
La mobilité, il va de soi que c'est une aspiration des fonctionnaires, plus de 85 % d'entre eux la mettent en tête de leurs aspirations. Or les dispositifs ne fonctionnent pas suffisamment puisqu'elle ne concerne que 5 % d'entre eux.
Plusieurs avancées ont pourtant été réalisées en ce sens : la fusion des corps, la formation professionnelle, avec la création de l'ADIF, l'assouplissement des règles de mise à disposition, le prêt mobilité à taux zéro, ainsi que les indemnités de mobilité. Tout cela allait dans la bonne direction mais ne suffisait pas. Le texte que nous allons voter aujourd'hui est équilibré, pour une raison très simple : il accroît les pouvoirs des fonctionnaires en matière de mobilité en même temps que la souplesse dont l'administration a besoin pour gérer ses effectifs.
L'accroissement des pouvoirs des fonctionnaires, c'est l'accès par détachement à tous les corps et à tous les cadres d'emploi, l'intégration obligatoire après cinq ans, le droit au départ d'un agent pour toutes les formes de mobilité, avec un refus extrêmement limité de l'administration, et enfin le fameux article 7, qui a fait débat entre nous, et qui dispose que la réorientation professionnelle d'un agent, lorsque son emploi est supprimé, suppose que trois postes lui soient proposés, alors que jusqu'à présent, un seul l'était ; contrairement à ce que j'ai entendu dire sur les bancs de l'opposition, il s'agit d'une avancée importante.
Offrir davantage de souplesse à l'administration, c'est l'objet de l'article 9, qui facilite le recrutement par l'État de non-titulaires – une nécessité aujourd'hui – et de l'article 10, avec le recours possible à l'intérim.
On le voit donc, ce texte s'inscrit dans une politique de long terme ; il offre aux fonctionnaires des possibilités dont ils ne disposaient pas jusqu'à présent en termes de mobilité et davantage de souplesse à l'administration.
Enfin, à l'occasion de la discussion du texte, il y a quelques jours, deux amendements ont été adoptés. On peut certes discuter, avec l'opposition, sur le point de savoir si ces propositions auraient dû être examinées plus en amont. Il n'en reste pas moins que l'amendement n° 60 est particulièrement important dans la mesure où il permet le renouvellement des contrats des auxiliaires de vie scolaire individuels, accompagnant les enfants handicapés, qui se voient aujourd'hui objecter le fait qu'un contrat en CDD ne peut être renouvelé plus d'une fois au-delà de trois ans d'ancienneté. C'est quelque chose à quoi les parents d'enfants handicapés, et tout le monde avec eux, aspiraient. Il ne s'agit donc pas d'un cavalier, mais d'une opportunité de corriger une situation insatisfaisante.
Pour toutes ces raisons, je suis convaincu que le groupe UMP dans son ensemble et bien d'autres avec lui voteront ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Je fais d'ores et déjà annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Bernard Derosier, pour le groupe SRC.
Nous allons, dans quelques instants, voter sur un texte relatif à la mobilité et au parcours professionnel des fonctionnaires, c'est-à-dire un texte sur la fonction publique.
J'ai dénoncé, il y a quelques jours, l'absence dans le Gouvernement d'un ministre de la fonction publique. La preuve est faite aujourd'hui que mes propos étaient fondés puisque M. Woerth n'est pas à son banc ; il s'occupe certainement du budget plutôt que des fonctionnaires. (Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Derrière ce projet de loi, il y a une remise en cause du statut de la fonction publique sous couvert de révision générale des politiques publiques. Ce texte illustre parfaitement la méthode gouvernementale : simulacre de progrès, simulacre de réforme. En réalité, c'est la diminution du nombre de fonctionnaires qui est recherchée, qu'il s'agisse des fonctionnaires de l'État, sur lesquels le Gouvernement exerce pleinement sa responsabilité, ou des fonctionnaires territoriaux, puisque le Gouvernement est en train d'étrangler les collectivités locales afin de recruter moins de fonctionnaires. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Sous prétexte de mobilité, les fonctionnaires sont très fortement incités à quitter la fonction publique et à intégrer le secteur privé. En cas de restructuration de leur administration, ils seront ni plus ni moins licenciés, ce qui est contraire au principe selon lequel un fonctionnaire privé d'emploi doit être réaffecté sur un autre poste.
Par ailleurs, le recrutement par contrat est totalement banalisé. C'est un nouveau mode d'entrée dans la fonction publique que la droite est en train d'imaginer. On pourra désormais embaucher des agents contractuels de façon élargie, en contradiction avec le principe d'égal accès de tous à la fonction publique.
Quant aux possibilités accrues de cumuler des temps incomplets, c'est le moyen de mettre un coup d'accélérateur au développement du temps partiel et donc de la précarité.
À voir la pagaille à laquelle donne lieu l'application de la loi de 2005 sur la transformation des contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée, on peut se demander ce qu'il adviendra de cette disposition !
Plus grave, dans ce texte, le Gouvernement nous propose de recourir à l'intérim. Qu'il soit bien clair que le groupe SRC n'a rien contre les salariés des agences d'intérim ; il souhaiterait même que ces personnes bénéficient d'une plus grande sécurité de l'emploi. Néanmoins, permettre de faire appel à une agence d'intérim pour assurer des services publics est complètement contraire à la notion même de service public.
En réalité, il s'agit d'un texte non pas pragmatique mais idéologique. Le Gouvernement oublie que, dans ce pays, les services publics, assurés par des fonctionnaires territoriaux, des fonctionnaires hospitaliers, des fonctionnaires d'État, sont particulièrement appréciés de nos concitoyens et font la preuve de leur efficacité,
Il s'agit d'un texte de régression sans précédent,…
…compte tenu des conditions d'exercice des missions de service public. Le statut est bafoué. La mobilité proposée ne facilitera ni les parcours professionnels des agents ni l'organisation du service public par les employeurs. Cette réforme va à l'encontre de l'intérêt des usagers, qui sont au coeur même du service public, lequel, avec ceux qui le composent, ne sont pas bien traités.
Contrairement à ce que M. Woerth a indiqué au cours du débat, le Gouvernement ne place pas l'usager au centre de la problématique. Le dogmatisme tient à ce que la commande politique provient du Président de la République : il ne faut pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, et le Gouvernement exécute cette instruction. Il ne s'agit donc pas d'une approche en termes de qualité de service, mais d'une approche idéologique, comme je l'ai dit.
Les fonctionnaires, les usagers des services publics méritent davantage de respect et de considération. Nous avons une obligation de faire évoluer l'administration, de repenser son fonctionnement pour mieux servir l'usager, mieux traiter l'agent et assurer un meilleur équilibre de nos services publics. D'autres solutions existent ; elles passent par des choix politiques et budgétaires différents.
Vous comprendrez, pour toutes ces raisons, et parce que nous ne partageons ni la finalité ni la philosophie de ce texte, que le groupe SRC votera contre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Ce texte constitue un mauvais coup, une attaque frontale contre le statut des fonctionnaires (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC) et les garanties qu'il représente pour tous les citoyens, contre une fonction publique au service de tous, respectant l'égalité de traitement des usagers, avec des agents exerçant leur mission de manière neutre et impartiale.
C'est la remise en cause de la conception française de la fonction publique, qui repose sur celle du service public à la française au coeur de notre pacte social et républicain, hérité de la Libération. Le thème de la mobilité n'est en fait qu'un alibi, puisqu'il n'est question ici que de mobilité contrainte et non choisie.
Ce texte comporte des dispositions que nous considérons comme absolument inacceptables, notamment celles des articles 6 à 10, dont toutes les organisations syndicales demandent le retrait : banalisation du recrutement contractuel, développement de la possibilité de cumuler les postes à temps incomplet, recours à l'intérim légalisé, licenciements déguisés sous la forme de mises en disponibilité d'office ou en retraite, avec la création de la position de réorientation professionnelle.
Toutes ces dispositions auront immanquablement pour conséquence d'accroître la précarité, de contractualiser la fonction publique, de transformer ses agents en variables d'ajustement, de réduire les effectifs et de favoriser le clientélisme.
Bref, sous couvert de mobilité, les fonctionnaires sont incités à quitter la fonction publique et à intégrer le secteur privé. L'objectif est en réalité de démanteler la fonction publique pour mieux mettre en place la révision générale des politiques publiques, qui commande des suppressions massives de postes. Il s'agit d'offrir aux administrations de nouveaux outils pour gérer les restructurations qu'imposera la RGPP, le Gouvernement se donnant ainsi les moyens d'organiser dans la fonction publique un vaste plan social ne disant pas son nom.
Pour conclure, je veux dénoncer le cavalier de l'article 27, que le Gouvernement a introduit par amendement après l'examen du texte par le Sénat, et qui l'autorise à modifier par voie d'ordonnance les règles relatives au fonctionnement de la justice administrative, sans que le ministre ait fourni la moindre explication lors de notre débat. Le Parlement se voit ainsi dessaisi de ses prérogatives sur des principes aussi essentiels que ceux de la collégialité ou de l'intervention du rapporteur public, principes remis en cause, par exemple, en matière de refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français.
C'est pour toutes ces raisons que les députés communistes, républicains et du parti de gauche voteront résolument contre ce texte de régression sociale. Les députés Verts voteront également contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 476
Nombre de suffrages exprimés 474
Majorité absolue 238
Pour l'adoption 305
Contre 169
(Le projet de loi est adopté.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinq, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi sur le repos dominical et les dérogations à ce principe (nos 1685, 1782, 1742).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de quatorze heures et quarante-six minutes pour le groupe UMP, dix-sept heures et trente et une minutes pour le groupe SRC, sept heures et cinquante-six minutes pour le groupe GDR, six heures et trente-six minutes pour le groupe Nouveau Centre et une heure et dix minutes pour les députés non-inscrits.
Avant les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Richard Mallié, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Je regrette que M. Eckert, qui a défendu la motion de renvoi en commission, ne soit pas présent.
J'aurais voulu répondre à certaines interrogations qu'il a formulées, et lui dire qu'il est non seulement malhonnête intellectuellement mais, qu'en plus, il pratique la prestidigitation. En effet, tout ce qu'il nous a raconté sur la généralisation du travail le dimanche montre qu'il n'a pas bien lu le texte. C'est pourquoi je veux apporter plusieurs précisions.
Tout d'abord, si mon rapport est peu volumineux, il a oublié de mentionner qu'il succède à trois anciens rapports sur le même sujet. Il ne les a vraisemblablement pas lus. Je lui rappellerai que, à la fin de 2008, j'avais moi-même déjà fait un rapport.
Par ailleurs, je souligne qu'il n'existe pas d'usage de consommation exceptionnel dans l'unité urbaine de Lyon. Il évoque la généralisation alors que nous, nous proposons simplement de prendre en compte les usages de consommation exceptionnels qui existent dans les unités urbaines de plus d'un million d'habitants.
Or, je le répète, il n'en existe pas dans l'unité urbaine lyonnaise. Il n'y aura donc pas de création de PUCE sur ce territoire.
D'autre part, il est clair que périmètres d'usage de consommation exceptionnel et communes touristiques sont deux choses différentes : les PUCE succèdent aux ZACE, ce qui n'est pas le cas des communes touristiques. En évoquant des magasins qui se situeraient à la fois dans un PUCE et dans une commune touristique, M. Eckert essaie de noyer le poisson,…
…de tout mélanger pour que les uns et les autres n'y comprennent plus rien.
En outre, il est proprement scandaleux de nous accuser de régulariser des délinquants au moyen d'une loi d'amnistie. Il s'agit de commerçants qui ont ouvert le dimanche – depuis des dizaines d'années pour certains – en toute bonne foi, en vertu d'un arrêté que les préfets prenaient depuis des années et qui leur permettait d'ouvrir. Puis le juge administratif a été saisi et, au bout du bout, le Conseil d'État qui, en 2002, a jugé cette situation illégale, car le code du travail ne permettait pas de tels arrêtés. En tout cas, commerçants et préfets ont été de toute bonne foi pendant toutes ces années.
Ce n'est pas parce qu'on roule en toute bonne foi à 200 kilomètres à l'heure qu'on ne doit pas être condamné !
Un mot sur le problème de la dénomination : le groupe SRC essaie d'amalgamer le code du tourisme au code du travail. Aussi, ce matin, j'ai décidé, en commission, de donner un avis favorable à un amendement de M. Vercamer qui vise à substituer, dans le code du travail, la notion de communes ou de zones d'affluence touristique à celles de zones touristiques et de communes touristiques. Il s'agit simplement d'une question de dénomination. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Mesdames, messieurs les élus de l'opposition, vous confondez – volontairement – code du travail et code du tourisme. Par souci de clarification, nous vous proposons de qualifier, dans le code du travail, « d'affluence touristique » les communes et les zones concernées, et de laisser l'expression « communes touristiques » dans le code du tourisme.
Qu'entendez-vous par « affluence touristique » ? À partir de quel seuil ?
Encore une fois, il s'agit de dénomination, rien de plus.
Et puis j'en viens à un point que le président Méhaignerie a évoqué en séance publique ce matin : le maire est à la base du processus puisque c'est lui qui demande que sa commune soit classée comme touristique, ou encore qui propose au conseil municipal de délibérer sur la création d'un périmètre d'usage de consommation exceptionnel. Le maire est maître de ce qu'il veut faire dans sa commune. Monsieur Ayrault, vous êtes maire de Nantes. Certaines des organisations d'employeurs que j'ai auditionnées m'ont fait remarquer qu'à Nantes, vous ne leur donniez même pas un dimanche, alors que l'article L. 3132-26 du code du travail permet à tous les maires d'autoriser, en l'absence de régime dérogatoire, jusqu'à cinq dimanches travaillés par an.
Le maire a tout pouvoir, il est le patron dans sa commune, et vous en êtes l'exemple même.
Arrêtez de nous faire prendre des vessies pour des lanternes : le maire, je vous l'affirme, restera le patron en ce domaine.
Non, c'est vous qui les mélangez. En ce qui me concerne, je me situe dans le cadre du code du travail et non pas dans celui du code du tourisme, alors que vous, vous voulez traiter des deux.
Monsieur Eckert, je reviens à vous puisque vous êtes arrivé : vous avez évoqué le changement de situation entre l'avant et l'après PUCE. Mais pourquoi vous étonnez-vous d'un tel changement ? S'il y a un bon accord collectif dans le cadre d'un périmètre d'usage de consommation exceptionnel, le préfet délivrera à ce titre une autorisation de déroger au repos dominical. Je ne vois pas où est le problème. L'important, c'est qu'il y ait un accord collectif. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Madame Billard, je vous ai écouté évoquer le rôle du préfet en matière de dérogations au repos dominical à Paris. Vous êtes députée parisienne.
L'actuel maire de Paris dispose de compétences qui lui ont été attribuées par le législateur avant 1977, année du retour d'un maire dans la capitale. Je vous rappelle que le législateur de l'époque a décidé de ne pas lui donner toutes les prérogatives dont disposent les quelque 36 000 autres maires de France. Mais le petit texte qui vous est proposé n'a pas pour objectif de revoir les compétences du maire de Paris, ni l'intégralité du code du travail ou du code du tourisme. Il vise à s'appliquer en fonction de ce qui existe aujourd'hui. En outre, je vous rappelle que vos amis ont été au Gouvernement entre 1981 et 1986, puis entre 1988 et 1993 : si vous et vos amis trouviez que les prérogatives du maire de Paris n'étaient pas adéquates, vous aviez tout loisir de les modifier puisque vous étiez majoritaires. Vous ne l'avez pas fait. Acceptez donc que nous continuions dans le cadre fixé il y a trente-deux ans.
Non, mon cher collègue, ce n'est pas léger. C'est tout simplement une constatation.
Par ailleurs, monsieur Eckert, vous avez dit qu'il n'y avait pas eu de négociations avec les syndicats.
Permettez-moi de vous rappeler certaines choses, mes chers collègues : le 19 décembre 2007, en mai puis en novembre 2008, enfin en juin 2009, nous avons reçu les syndicats – vous le savez, monsieur Eckert, puisque vous avez participé à certaines auditions.
Tous sont venus. Nous leur avons proposé d'utiliser à l'avenir l'alinéa 20 de l'article 2, qui constituait à un appel à la négociation sur la réversibilité. Il est vrai, je vous l'accorde, que le texte n'était pas aussi précis que maintenant, mais c'était justement parce que nous souhaitions en discuter avec les syndicats.
Nous leur avons proposé une nouvelle rédaction, par le biais d'un amendement qui a été adopté par la commission. Certains nous ont dit que c'était beaucoup mieux ; d'autres nous ont même laissé entendre qu'ils étaient d'accord avec la nouvelle rédaction. Nous avons donc discuté avec les syndicats et la porte était ouverte. Que l'on appelle cela négociations ou autrement, nous avons en tout cas discuté avec eux. Vous en étiez partisan, monsieur Eckert, puisque vous avez participé à ces auditions.
Voilà, monsieur le président, les quelques mots que je voulais dire sur le sujet parce que l'on ne peut pas laisser dire n'importe quoi, même si cela a pour but de permettre au parti socialiste d'utiliser pleinement les dix-neuf heures cinquante de temps de parole qui lui ont été allouées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, en réponse à la motion de renvoi en commission, je souhaite porter à la connaissance de notre assemblée, les éléments d'information suivants.
Dans le cadre de l'examen de la présente proposition de loi, la commission s'est réunie à quatre reprises ; nous avons eu de très longs échanges – huit heures exactement – qui auront eu le mérite de mettre en évidence la mesure précise de nos points de divergence.
À plusieurs reprises, le rapporteur a procédé à une quarantaine d'auditions de personnalités venant d'horizons très divers : partenaires sociaux, fédérations professionnelles, juristes, sociologues, salariés.
En outre, il y a un an et demi, le rapporteur a commencé à animer avec Serge Poignant un groupe de travail sur ce sujet. Pendant plus de cinq mois, ce groupe composé de députés – aussi bien favorables que défavorables a priori à une évolution de la législation – avait déjà procédé à l'audition de multiples acteurs concernés par ces questions.
En effet, le texte de la proposition de loi a beaucoup évolué au fil du temps, signe que la concertation a permis des ajustements. Dès lors, il est difficile de nier le travail préparatoire considérable réalisé sur ce texte. Au total, au cours des réunions consacrées à cette proposition, la commission a adopté onze amendements : deux du groupe socialiste ; un de Mme Billard ; les autres venant du rapporteur.
La commission des affaires économiques, saisie pour avis de la proposition de loi, a aussi adopté des amendements. Son rapporteur, que je remercie, a été présent en permanence aux travaux de la commission des affaires sociales.
Bref, tout le temps nécessaire a été laissé à la préparation de ce texte…
…dont rien ne permet de dire qu'il surgit tout à coup à l'ordre du jour de l'Assemblée, ou qu'il n'a pas fait l'objet de toute l'attention nécessaire.
En conséquence, chers collègues, à ce stade, il n'est donc pas opportun de reprendre le travail en commission. Il est préférable d'examiner au plus vite le détail du texte qui nous est soumis avec la discussion des amendements. Aussi, je vous invite à ne pas adopter la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ce matin, notre collègue Christian Eckert, au cours d'une longue explication de deux heures…
Naturellement, nous ne pourrons pas ici reprendre l'ensemble des arguments en quelques minutes. Malheureusement, le propos de M. Eckert était aussi fait d'idées reçues, d'approximations, voire de contradictions.
Sur la forme, M. Eckert a critiqué la longueur du titre de la proposition de loi de Richard Mallié et l'ensemble du groupe : « Réaffirmer le principe du repos dominical et adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires. » Cette longueur est plutôt une qualité : on ne peut pas nous reprocher la précision du titre qui définit bien le contenu de cette proposition de loi.
M. Eckert reproche aussi à cette proposition de loi de ne comporter qu'un seul article. Là aussi, je pourrais retourner la critique : le fait qu'elle ne comprend qu'un seul article montre bien que cette proposition est simple et qu'elle est comprise simplement par tout un chacun.
Le dispositif est articulé autour d'idées que nous exposons depuis longtemps : pérenniser ce qui existe dans ces périmètres urbains à consommation exceptionnelle, situés dans les agglomérations de plus d'un million d'habitants ; prolonger jusqu'à treize heures le travail dominical dans les petits commerces alimentaires, alors que le code du travail fixe la fermeture à midi ; rendre plus homogènes, dans les zones touristiques existantes, les types de commerces qui peuvent ouvrir le dimanche – à l'instar de celui des lunettes, divers exemples donnés montrent les disparités actuelles.
Manifestement, le parti socialiste a déployé un rideau de fumée…
…destiné à troubler, à perturber la compréhension du sujet par nos collègues mais aussi par les Français, qui approuvent largement l'ouverture des commerces le dimanche.
S'ils ne l'approuvent pas pour eux, ils en admettent le principe en tant que consommateurs.
Des études d'opinion comme celle publiée récemment par Le Parisien montrent que deux Français sur trois et 70 % des moins de trente ans sont favorables aux ouvertures le dimanche. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
D'ailleurs les modes de consommation ont changé, et il faut s'y adapter : beaucoup de Français achètent en ligne ; 40 % des achats passent par Internet. On ne peut donc pas s'en tenir à un schéma classique tel que vous le décrivez et que vous souhaiteriez – par esprit conservateur sûrement –laisser en l'état, bloqué, immobile.
Vous avez évoqué les contreparties et affirmé qu'il y aurait des différences de salaires selon les zones. Ce que vous décrivez, c'est le statu quo existant, la situation actuelle – qui n'est d'ailleurs pas illégale !
Dans certaines zones ou PUCE, des salariés sont payés double parce qu'un contrat de partenariat, au sein de leur entreprise, permet d'offrir des salaires plus importants. Le statut de la fonction publique permet aussi de verser des heures supplémentaires à certains fonctionnaires qui travaillent le dimanche. Dans le privé, des statuts particuliers existent pour les restaurateurs et les hôteliers par exemple : certains salariés bénéficient de régimes indemnitaires ou de compensation. Cela résulte des négociations de branches, entre partenaires, et n'est en rien illégal. Le texte pérennise ce système existant et n'apporte pas de novations.
S'agissant du volontariat, nous avons naturellement prévu ces dispositions pour que ceux qui travaillent le dimanche soient volontaires.
Ceux qui ne le seraient pas pourraient ensuite, en cas de licenciement abusif au regard des règles que nous fixons, s'appuyer sur le code du travail – comme le font déjà actuellement les salariés victimes d'une transgression de ce code – et saisir la justice.
Beaucoup de Français travaillent déjà le dimanche actuellement. Ils ne seraient que quelques milliers de plus à être confortés dans ce système, puisque les PUCE existent – il s'agit de les maintenir. Encore une fois : dans les zones touristiques, ce ne sont pas des millions de Français qui seront concernés.
Dernier argument, monsieur Eckert, vous indiquiez tout à l'heure que nous discutons de ce sujet depuis six ans. Raison de plus pour ne pas renvoyer le texte en commission ! Depuis plusieurs mois, dans cette enceinte, nous avons l'occasion d'en débattre entre nous. Le président et le rapporteur de la commission – Pierre Méhaignerie le rappelait à l'instant – ont mené une large concertation ; ils ont accepté des amendements.
Bref, le débat a eu lieu et il n'y a pas de raison de renvoyer le texte en commission. C'est pourquoi le groupe UMP rejettera cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Sur le vote de la motion de renvoi en commission, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Monique Boulestin.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, vous l'avez compris, à la lumière des débats qui nous animent depuis ce matin, en présentant le nouveau projet réglementant le repos dominical, le Gouvernement a relancé un débat forclos qui avait déjà agité la vie parlementaire à la fin du XIXe siècle.
Il ouvre en outre une brèche sans précédent dans les acquis sociaux historiques consacrés par les lois de la République de l906, enrichis par ceux de 1936, notamment au travers du week-end, le congé de fin de semaine.
Cette quatrième mouture qui doit illustrer l'adage « travailler plus pour gagner plus », devenu célèbre, est un leurre, malgré le vernis de modernité dont elle a été enrobée.
Rappeler – ainsi que vous le faites – les évolutions de nos modes de vie depuis cent ans ne doit pas nous conduire à une régression programmée de nos acquis sociaux et sociétaux.
Est-ce faire preuve de modernité que de sacrifier notamment l'équilibre et la réussite des enfants à la loi des caddies ? Quelle vie privée, quelle vie de famille lorsque l'un des parents travaille le samedi, l'autre le dimanche, alors que nos enfants, notre société souffrent justement d'une déliquescence des liens familiaux ?
Lors de la dernière assemblée générale de l'UNAF à Limoges, il y a quelques semaines, le président François Fondard rappelait fort justement à Mme la ministre de la famille, Mme Morano, l'importance de cette pause dominicale où l'on se ressource et où l'on se parle.
Vous qui avez été ministre de l'éducation, monsieur Darcos, est-ce là le progrès attendu pour favoriser la discrimination positive au sein des grandes écoles ?
Est-ce ainsi que l'on aidera les jeunes à intégrer des associations culturelles ou sportives, propres à développer leur construction personnelle et qui constituent un maillon indispensable pour le mieux vivre ensemble dans une société moderne ?
Est-ce ainsi que s'effectuera la transmission inter-générationnelle dont vous avez, par ailleurs, rappelé l'urgente nécessité ? Est-ce ainsi que l'on va gérer ce temps à soi, pour soi, indispensable à l'équilibre de tout un chacun ?
La réponse est non.
Est-ce faire preuve de modernité que de permettre de déplacer les achats de la semaine au dimanche ? Tous les acteurs économiques s'accordent désormais à reconnaître que la consommation est avant tout affaire de pouvoir d'achat. Or ce qui est dit dans cette proposition de loi sur le doublement du salaire le dimanche est bien une « grosse bourde » pour reprendre l'expression du président de la commission des affaires sociales.
À qui faire croire que l'on pourra, le dimanche précisément, avoir un salaire à deux vitesses : l'un pour celles et ceux qui entrent déjà dans un cadre réglementé, et l'autre pour celles et ceux que j'ose appeler les nouveaux volontaires du travail obligatoire, dans une période de crise comme celle que nous traversons ?
En effet, où sera la liberté de refuser puisque le texte introduit la notion d'« intérêt du salarié à travailler le dimanche » ? Où sera la notion de volontariat puisque « l'employeur peut tenir compte de l'évolution de la situation personnelle du salarié » ?
D'ailleurs, les salariés ne s'y sont pas trompés : 63 % d'entre eux considèrent qu'ils n'auront pas la possibilité de refuser de travailler le dimanche si on le leur demande, et 76 % de ceux qui travaillent déjà le dimanche considèrent que c'est une contrainte.
Est-ce, à l'inverse, en imposant aux parents qui travailleront le dimanche des modes de garde supplémentaires de plus en plus onéreux que l'on va accroître leur pouvoir d'achat ? Est-ce en faisant du dimanche « un jour comme les autres » – pour reprendre les termes d'un ministre – que les ménages les plus modestes, que les familles les plus fragiles – dont les femmes seules, et nous y reviendrons tout au long de ces débats – verront s'envoler leurs salaires ? La réponse est évidemment non !
Enfin, est-ce faire preuve de modernité et de responsabilité collective que d'occasionner, le dimanche, un surcroît de gaspillage pour les collectivités, en termes de transports ou d'équipements collectifs supplémentaires, au lendemain du vote du Grenelle ? Dans ces conditions, où sera la réduction tant attendue de la facture énergétique ? Où seront les économies d'énergies ? Qu'en sera-t-il de la protection de l'environnement ?
Peut-être est-ce le modèle anglais – qui a tué le commerce indépendant des centres-villes – que vous voulez privilégier ?
Chacun sait qu'ouvrir le dimanche coûte plus cher qu'ouvrir un jour de semaine, ne serait-ce qu'en termes de consommation d'énergie, et qu'alors les prix augmentent. Plus précisément, le coût de l'ouverture le dimanche est supérieur au chiffre d'affaires généré. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
En un mot, mes chers collègues, nous savons tous que l'ouverture le dimanche va induire, en raison des services sollicités, de nouvelles dépenses publiques, payées, naturellement, par le contribuable ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Je pense notamment, pour ne citer que quelques exemples, à la police municipale, à la propreté urbaine ou aux services à l'enfance (Mêmes mouvements.),…
…et ce au moment même où le Gouvernement demande aux collectivités de réduire leurs dépenses !
Chers collègues députés, le travail le dimanche n'est ni un atout pour le commerce, ni une réponse pour résoudre les problèmes de pouvoir d'achat de nos concitoyens, ni un moyen de relancer l'économie. Socialement, économiquement et historiquement, la généralisation, certes déguisée, de l'ouverture dominicale constitue donc bel et bien un recul auquel les parlementaires socialistes ont décidé de s'opposer fermement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C'est pourquoi je vous invite à voter massivement la motion excellemment défendue, en fin de matinée, par notre collègue Christian Eckert. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Cette motion, défendue par Christian Eckert, devrait, en plus d'inviter tous nos collègues à la réflexion, recueillir leurs suffrages. Il aura fallu quatre versions du présent texte pour que la majorité, aux ordres du Président de la République, puisse se croire à l'abri d'effets collatéraux que nombreux, en son sein, craignent désormais.
Les affirmations présidentielles, et vous le savez, chers collègues de la majorité, n'ont en aucun cas fait oeuvre de pédagogie et ne comportent aucun argument recevable. M. Méhaignerie, à sa façon, a parfaitement expliqué l'embarras de certains d'entre vous. Ses invitations à la prudence sont autant de mises en garde que vous auriez tort d'ignorer, comme vous auriez tort de mépriser l'opposition de toutes les organisations syndicales de salariés. Oui, monsieur Mallié, votre texte est néfaste pour ces derniers, et ce n'est pas un hasard si l'UMP a choisi la voie de la proposition de loi plutôt que celle d'un projet de loi gouvernemental. La raison en est évidente et simple : vous voulez échapper à la loi de 2007, que l'actuelle majorité a adoptée, et qui impose l'examen en amont des textes avec les partenaires sociaux.
Vous échappez ainsi également à l'obligation de procéder à une étude d'impact dont chacun sait qu'elle aborderait les conséquences pour les salariés, l'emploi et les petits commerces, ainsi que les effets environnementaux. Vous ne cessez, monsieur le rapporteur, de promouvoir une pseudo-augmentation du pouvoir d'achat. Or rien n'est plus faux, vous le savez pertinemment. C'est dans le commerce et la distribution que se concentrent les salaires les plus bas de notre pays et les grilles hiérarchiques les plus indigentes. Ce secteur emploie également un salariat féminin très majoritairement surexploité, les temps partiels et les horaires éclatés détruisant la vie des intéressées.
Où sont les libertés proclamées et les garanties offertes ? Nulle part ! Les fameux PUCE, les périmètres d'usage de consommation exceptionnel, sont la voie choisie pour régulariser l'illégal, que vous présentez d'ailleurs comme le bon sens issu des sondages. Comme Jean-Pierre Brard en a fait la démonstration tout à l'heure, agir de la sorte est irresponsable et dangereux ; cela conduirait à légaliser d'innombrables dérives, comme la consommation excessive d'alcool et de tabac ou les excès de vitesse. Sur tous ces sujets, c'est précisément l'intérêt général qui doit prévaloir pour garantir une société de progrès, protégée de la sauvagerie ultralibérale.
La création de zones touristiques revient à donner la possibilité de sortir du régime des autorisations au profit d'un droit ouvert à tous ceux qui voudraient l'extension du travail le dimanche. Elle suppose également l'absence de recours au volontariat, ainsi que l'absence d'obligation de doubler les salaires pour le temps effectué. Voilà les vérités du texte, celles dont se nourriront les futurs contentieux.
S'agissant enfin de Paris, contrairement à ce que vous affirmez, c'est le préfet de Paris, lequel dépend du préfet de région et non du préfet de police, qui décidait, après avis du Conseil de Paris : voilà ce qui est supprimé. Ce n'est pas rien !
Terminons sur une note plus amusante, qui montrera que vous êtes un peu fâché avec l'histoire. Vous avez attaqué Martine Billard, mais son organisation politique n'existait pas en 1981 : elle ne pouvait donc pas être aux responsabilités. (Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.) Il vous reste, mes chers collègues, quelques minutes pour réfléchir avant de rejeter la présente motion, rejet qui conduirait, je le crains, à l'adoption d'un texte néfaste pour des dizaines de milliers de salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre est opposé à la généralisation du travail le dimanche, et il le reste. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe GDR.) Cette redite permettra d'éviter toute interprétation abusive de mes propos.
Le dimanche, nous en sommes tous d'accord, est d'abord un jour pour la famille, les associations, les loisirs, le repos ou la spiritualité. (« C'est fini ! » sur plusieurs bancs du groupe GDR.) Cependant, pour que nos concitoyens profitent pleinement de cette journée en voyageant, en communiquant ou en visitant les zones touristiques ou les parcs de loisirs, il faut admettre que certains d'entre eux travaillent. Il existe aujourd'hui 180 dérogations, de sorte que 30 % des salariés travaillent, soit occasionnellement, soit régulièrement, le dimanche.
J'ai pris ce matin l'exemple de la télévision ; vous me permettrez, cet après-midi, de citer un décret relatif au repos dominical et modifiant le code du travail. « Les établissements énumérés ci-après sont admis », est-il écrit, « à donner le repos hebdomadaire par roulement au personnel employé aux travaux spécifiés dans le tableau suivant » – on retrouve donc les termes de la proposition de loi. Un tableau présente ensuite une liste de dix-huit dérogations, à commencer par celle qui vise les « commerces et services situés dans l'enceinte des » aéroports. M. Eckert s'interrogeait ce matin sur le fait de savoir quels services seraient concernés par le travail dominical ; mais à l'époque, personne ne se posait cette question ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Une autre dérogation, dans ledit décret, concernait, pour les « centres culturels, sportifs et récréatifs » et les « parcs d'attractions », « toutes activités situées dans leur enceinte et directement liées à leur objet ». Si j'étais M. Eckert, je dirais qu'une société de bricolage ou d'électroménager pourrait s'installer dans une telle zone de loisirs ! Mais il s'agirait évidemment d'une caricature.
J'oubliais : ce décret a été signé par la ministre du travail d'alors, Martine Aubry. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Or à l'époque, les Japonais ne pouvaient, pas plus qu'aujourd'hui, acheter de l'outillage ou de l'électroménager dans les aéroports.
Je veux également revenir sur la confusion au sujet des communes touristiques : ce matin, je me suis senti un peu attaqué, car c'est l'un de mes amendements qui propose de remplacer l'expression « commune touristique » par l'expression d'« affluence touristique ».
Les mesures dont nous débattons n'ont pas pour objet de nous faire passer de bons moments dans l'hémicycle : elles doivent pouvoir être appliquées ; les entreprises et les salariés savent à cet égard de quoi nous parlons. Si le code du tourisme et le code du travail retiennent la même expression, une entreprise pourra, de bonne foi mais à tort, se croire autorisée à ouvrir le dimanche dans la mesure où elle est située dans une commune définie comme touristique au sens du code du tourisme – et non du code du travail. Mon amendement vise ainsi à éviter toute confusion et à prévenir les litiges : Martine Aubry, qui a souhaité que Lille devienne une ville touristique – un casino s'y est d'ailleurs installé –, devrait donc se féliciter d'une telle mesure.
S'agissant du dialogue social, la commission a adopté un de mes amendements selon lequel tous les commerces de proximité qui n'ont pas signé d'accord et qui seront concernés par le texte devront négocier avec les partenaires sociaux.
Les contreparties qui n'étaient pas prévues pourront donc l'être par le biais du dialogue social, voie préférable à la loi. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Il est facile, à la tribune, d'adopter des postures ou de se livrer aux caricatures ; mais je ne suis pas sûr que cela fasse avancer notre droit. Nous devons définir des règles du jeu pour les entreprises et des contreparties pour les salariés, en prévenant les dérives.
Ouvrons le débat pour déterminer les limites du texte et étudier les dispositions que le Gouvernement entend adopter par voie réglementaire.
Le Nouveau Centre ne votera donc pas cette motion de renvoi en commission. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Le débat en commission a déjà eu lieu, et plus de trois cents amendements ont été déposés sur le texte que nous allons examiner. Il est donc temps que le Gouvernement s'exprime sur celui-ci.
Enfin, j'ai été un peu choqué par la défiance de nos collègues socialistes à l'égard des élus locaux : à plusieurs reprises, ils ont reproché aux maires de faire n'importe quoi ; c'est aller un peu loin. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Les maires sont démocratiquement élus, et ils sont responsables de leurs actes : évitons donc de tels propos. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur la motion de renvoi en commission.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 325
Nombre de suffrages exprimés 325
Majorité absolue 163
Pour l'adoption 114
Contre 211
(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je veux dire combien nous sommes heureux de pouvoir enfin répondre à toutes les caricatures que nous avons entendues sur les bancs de la gauche depuis le début de nos débats.
Cette semaine, le parti socialiste nous offre en effet un festival : en plus d'avoir demandé, monsieur Ayrault, cinquante heures de discussion sur un texte de deux articles,…
…vous défendrez demain une motion de censure contre le Gouvernement. En découvrant ce programme chargé, je me disais qu'il offrait des opportunités historiques d'entendre, de la part des socialistes, une esquisse de propositions concrètes pour la France.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il ne faut pas rêver !
Cela nous changerait de l'exposé critique et caricatural auquel nous avons assisté ce matin. J'ai d'ailleurs compris que le groupe SRC faisait appel à ses ténors, puisque nous avons l'immense privilège d'avoir, cet après-midi, M. Ayrault en personne, et demain, M. Fabius : quelles belles têtes d'affiche pour cette semaine ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, je voudrais inviter nos collègues socialistes à se détendre. Nous allons devoir passer cinquante heures ensemble et ils ont intérêt à conserver une certaine sérénité.
Il ne faut pas qu'ils soient seuls à parler et que nous n'ayons que le droit de les écouter. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Détendez-vous, chers collègues : M. Ayrault parlera après moi et il aura l'occasion de se lâcher sur tous ces sujets, ce qui permettra d'égayer un peu la séance. Celle de ce matin ne fut pas très facile pour nous : nous avons dû attendre, attendre, attendre, en voyant les minutes s'égrener. À présent que nous avons l'occasion d'en placer une, souffrez que nous en profitions. (Mêmes mouvements.) Mais, si vous préférez, maintenant que les scrutins sont terminés, nous pouvons sortir : comme ça, nous ne vous dérangerons pas.
Pendant que les socialistes concoctent la magnifique programmation de cette semaine, le monde traverse une crise dont je voudrais rappeler l'ampleur.
Entre avril 2008 et avril 2009, le chômage a crû de 40 % dans l'ensemble des pays de l'OCDE. En France, depuis juin 2008, la hausse est de près de 25 %.
Le fait que vous me demandiez « Quel rapport ? » en dit long sur la manière dont vous appréhendez la question du repos dominical et de l'autorisation de travailler dans les zones touristiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestation sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Quelle est, dans le contexte que je viens de rappeler, la première responsabilité d'un dirigeant politique, quelle que soit sa sensibilité ? C'est évidemment de chercher les atouts qui permettront à son pays de créer de la croissance et de l'emploi. C'est ce que nous essayons de faire par tous les moyens. Je ne dis pas que tout a toujours réussi. Je sais bien que, dans tous ces domaines, il faut s'engager, prendre des risques. Mais, au-delà des invectives de cet après-midi, celui qui, comme vous, se contente de commenter et de critiquer sans jamais rien proposer ne me semble pas le mieux placé pour donner des leçons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Or, de ce point de vue, la France dispose d'un atout exceptionnel : elle est la première destination touristique mondiale. Cela a été rappelé par Xavier Darcos et par nos rapporteurs, notamment Richard Mallié qui a réalisé un important travail sur le sujet.
Je suis désolé d'avoir l'air d'insister sur ce détail : nous avons la chance d'être la première destination touristique du monde.
Il se trouve encore, dans l'opposition, des gens pour considérer que ce point est secondaire. Nous, nous voulons donner à ce secteur économique toutes les chances d'être le plus performant en matière de création d'emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous sommes les premiers bien que nous ne travaillions pas le dimanche ?
Si nous sommes leader en nombre de visiteurs, nous ne sommes que troisième en recettes issues du tourisme. Nous avons donc des marges de manoeuvre.
Nous sommes tous attachés à un certain nombre de valeurs qui font la République française.
Je bous d'impatience depuis le début de la journée, car j'en ai assez d'entendre l'opposition dire, sans qu'aucun contradicteur lui réponde, que nous avons l'intention de remettre en cause le repos dominical. Sachez que, à partir de cette discussion générale, nous serons nombreux à vous démentir : il n'a jamais été question de cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Il y a une raison simple à cela : nous, députés de la majorité, comme vous, députés de l'opposition, nous avons toujours considéré que le dimanche n'était pas un jour comme les autres, qu'il participait à l'organisation de notre société, dont il était l'une des valeurs. Toutefois, s'il représente bien un élément d'équilibre essentiel, je ne vois pas au nom de quoi nous occulterions le fait que, aujourd'hui, des millions de Français travaillent déjà le dimanche dans des conditions totalement anormales.
On le sait, certains problèmes juridiques se posent dans les zones d'activité commerciale spécifique des grandes agglomérations : pour cela, nous avons trouvé une solution qui permettra d'éviter que des entrepreneurs ne soient conduits devant les tribunaux de prud'hommes ou que des salariés ne se retrouvent à la rue.
Je peux comprendre que, à côté de l'idéologie à laquelle vous êtes très attachés, vous trouviez tout cela insignifiant : quant à la majorité, sa responsabilité est d'éviter que, dans ces domaines, on continue de faire comme si le problème n'existait pas.
Permettez-moi de rappeler certaines évidences – et tant pis si, pour cela, je dois mettre les pieds dans le plat. Vous avez passé la matinée à présenter des exemples tous plus grotesques les uns que les autres. Ainsi, je recommande à la méditation le passage sur les touristes japonais qui seraient censés acheter de l'électroménager. (Rires sur les bancs du groupe UMP.) Quelle idée, dit-on, d'ouvrir le dimanche des magasins d'électroménager, puisque les Japonais ne viennent pas en acheter chez nous ? C'est à se demander si les membres du groupe socialiste vont un peu voir ce qui se passe sur le terrain. Je crains que les choses ne soient un peu plus compliquées que cela.
Pour continuer dans les absurdités, rappelons que, dans les zones touristiques, celui qui vend des lunettes de soleil peut ouvrir, mais pas celui qui vend des lunettes de vue. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Celui qui vend des chaussures de sport peut ouvrir, mais pas celui qui vend des chaussures de ville.
Même chose pour les vêtements et le prêt-à-porter.
Dans ce contexte, il y a deux manières de voir les choses. Soit on essaie de prendre les deux ou trois dispositions adaptées et dont je peux dire qu'elles ont été ajustées au millimètre, après des concertations tous azimuts.
Soit on fait comme si de rien n'était et on laisse perdurer cette situation absurde, qui fait rire le monde entier.
M. Ayrault a adressé une lettre à tout le monde : je dois reconnaître que c'était tactiquement très habile.
Il y fait un joli petit amalgame – on a parfois recours à cela pour semer le trouble – entre les 500 communes touristiques au sens du droit du travail, qui sont celles qui nous occupent, et les 3 500 communes touristiques au sens du code du tourisme, qui ne sont pas du tout concernées par la réforme. Bien joué : pas vu, pas pris, la ficelle était grosse, on a failli tomber dans le panneau. Mais, après le premier moment d'étonnement – car je me disais que Jean-Marc Ayrault ne pouvait ni mentir, ni entretenir la confusion, ni faire des amalgames, puisqu'il travaille, lui aussi, au service de la France –, quelle n'a pas été ma tristesse ! Voilà pourquoi je voulais, avant lui, dire que ce n'est pas la réalité des choses.
En vérité, nous nous concentrons sur les seules 500 communes touristiques concernées par le code du travail.
Comme l'ont fort bien expliqué le rapporteur Richard Mallié et le rapporteur pour avis Bernard Reynès, nous modifions simplement le code du travail pour sortir de situations absurdes qui pénalisent certaines activités touristiques…
…et qui sont contraires aux règles élémentaires que nous souhaitons mettre en oeuvre dans un pays de liberté où les gens qui veulent travailler plus doivent pouvoir le faire, surtout dans la période, extrêmement difficile du point de vue de l'emploi, que nous traversons.
Sur ces sujets, il y a eu bien des polémiques. On nous a dit qu'on ne pourrait pas augmenter les salaires de tout le monde au même moment. Sans doute. On ne pourra pas imposer, de manière autoritaire, par la loi, des augmentations brutales de salaires à de toutes petites entreprises qui risqueraient de fermer leurs portes.
En diversifiant l'ouverture des commerces dans ces zones spécifiques, nous voulons permettre aux entreprises d'embaucher, d'investir et, grâce au développement de l'activité, d'augmenter les salaires. C'est dans cet esprit qu'a été rédigée la proposition de loi.
Je tiens enfin à aborder un dernier point. La démarche qu'ont choisie les socialistes et, a fortiori, les communistes – mais c'était moins surprenant – le montre bien, il y a aujourd'hui un débat entre la majorité qui, par tous les moyens, essaie de créer de la croissance et d'encourager l'emploi…
…et une opposition qui se cantonne toujours dans le refus systématique.
Monsieur Ayrault, vous allez vous exprimer dans quelques instants, ce qui nous donnera peut-être l'occasion d'avoir un échange sur ce sujet. Peut-être le moment est-il venu où, sur un certain nombre de sujets, on pourrait se débarrasser des a priori idéologiques…
…pour construire des choses positives ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Après tout, les divergences de personnes qui existent dans votre famille politique ne sont pas dramatiques : nous aussi, il peut nous arriver d'être en désaccord entre nous. Ce qui compte, c'est que, sur des sujets donnés…
…sans même quitter leur famille politique, certaines personnes puissent se retrouver quand il s'agit de la croissance, de l'emploi, de l'intérêt du pays.
Vous avez choisi de consacrer cinquante heures à ce texte dont nous avons parlé mille fois et dont nous savons parfaitement, malgré quelques désaccords, qu'il est dans l'intérêt du pays. Il ne s'agit pas de faire la révolution, mais de permettre une meilleure organisation dans des zones touristiques où employeurs et salariés se heurtent, aujourd'hui, à des difficultés concrètes. Au lieu de nous y aider, vous essayez simplement de bloquer le débat.
Monsieur Rogemont, détendez-vous, vous aussi : tout se terminera bien, vous le savez. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Lorsque j'ai constaté que vous aviez fait le choix de parler cinquante heures sur deux articles, je me suis dit : heureusement que nous avons changé le règlement avant de représenter ce texte. Je rappelle à mes collègues et à ceux qui suivent nos débats à l'extérieur, peut-être même de l'autre côté de la Seine, que, si nous avions examiné ce texte avant d'avoir changé le règlement, nous aurions dû nous taper les 7 000 amendements qu'avaient préalablement déposés nos collègues de l'opposition : cela nous aurait valu des semaines et des semaines de débat sur une proposition de loi ne comportant que deux articles.
Je profite de l'occasion pour remercier chaleureusement tous mes collègues de la majorité. Je sais que ce sujet extrêmement difficile a donné lieu à de nombreux débats au sein de notre famille politique – et c'est très bien ainsi. Beaucoup de nos collègues sont attachés à des valeurs qui sont celles de nos concitoyens : le respect du repos dominical, la prise en compte pragmatique – comme dans tous les pays modernes – des différences de situation entre les grandes villes et les zones rurales, entre Paris et la province. Ensemble, nous avons trouvé la bonne solution, le bon équilibre.
Nous l'avons fait avec le meilleur symbole qui soit, l'association de Richard Mallié, de François Baroin et de Marc Le Fur, signifiant ainsi que nous avions travaillé en équipe pour trouver la meilleure des solutions possibles. C'est une belle démonstration de la capacité qu'a notre majorité de porter le débat politique très haut et de montrer que chacune et chacun est entendu. Cela fait une sacrée différence avec ce que l'on peut constater en face. Peut-être, d'ailleurs, sur ce point, pouvons-nous, pour une fois, servir d'exemple. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a quelques jours – Jean-François Copé vient d'y faire allusion –, je me suis adressé à chacune et à chacun d'entre vous par écrit. Je crois que, sur certains sujets, notre conception de la vie en société ne coïncide pas toujours avec les frontières habituelles qui délimitent majorité et opposition – en tout cas, je veux l'espérer.
Le débat qui nous occupe aujourd'hui n'est pas simplement technique et ne se limite pas à décider comment régler des exceptions plus ou moins larges à une règle qui demeurerait celle du repos dominical. Il est infiniment plus profond. Puisque vous voulez un débat, monsieur le président Copé, je vous dis : chiche ! Je vous donnerai donc mon point de vue, et je tenterai de resituer ce débat dans sa pleine dimension.
Comme l'a excellemment démontré M. Eckert ce matin, le texte qui nous est présenté constitue bien un changement de cap en ce qu'il généralise le travail le dimanche. Première évidence : dans sa rédaction, ce texte ouvre une brèche dans notre droit du travail. C'est Jean Leonetti, vice-président du groupe UMP, qui l'a implicitement reconnu en évoquant le flou de la loi et la nécessité de sécuriser et de délimiter les zones concernées. Cette situation n'est pas le fruit du hasard : si le Gouvernement avait pris ses responsabilités, mes chers collègues, il aurait déposé un projet de loi. Au lieu de cela, le texte nous est venu sous la forme d'une proposition de loi, ce qui a permis le contournement du dialogue social préalable – règle que vous aviez vous-même instituée.
Deuxième évidence : les engagements pris par M. Darcos sur le paiement des heures dominicales – engagements pris ici-même, monsieur le ministre – ne peuvent pas être tenus. C'est M. Méhaignerie, président de notre commission des affaires sociales, qui l'a reconnu avec honnêteté : il ne saurait être question du doublement des salaires pour tous les salariés du dimanche.
L'amendement adopté ce matin en commission sonne comme un aveu : en créant une obligation de négociation sur les contreparties possibles, il reconnaît qu'il n'en avait jamais été question. Cette obligation n'est que de moyens, et non de résultats ; dès lors, le problème demeurera entier.
Troisième évidence : la proposition de loi permet l'ouverture de plein droit le dimanche pour tous les commerces et sur toute l'année, en rupture avec la rédaction actuelle du code du travail qui limite les dérogations à certains commerces, et exclusivement pendant la saison touristique. Contrairement à ce qui a été dit ce matin, les syndicats ne seront pas consultés préalablement. Je le répète : l'ouverture, pour ces communes touristiques, sera de plein droit. Je ne l'ai pas inventé !
Quatrième évidence : les communes visées sont les communes touristiques. La définition de ces communes est précisée dans deux codes : le code du tourisme et le code du travail. Je ne les ai pas confondus ! On nous dit que la définition du code du travail prévaudra : c'est bien la pire réponse que nous pouvions attendre, monsieur le rapporteur, puisque c'est la définition la moins exigeante !
Cela signifie simplement que toutes les communes qui satisfont aux critères du code du tourisme pourront être communes touristiques au sens du code du travail, mais que les communes inéligibles au titre du code du tourisme pourront, malgré tout, être éligibles au sens du code du travail. C'est une évidence ! À cet égard, si le danger d'extension à tous les territoires n'était qu'une invention sectaire de l'opposition, comme je viens d'entendre M. Copé le dire, pourquoi donc envisagez-vous désormais d'exclure explicitement les communes d'Alsace-Moselle ? Tout simplement pour qu'elles soient épargnées par cette disposition ! Nouvel aveu !
Pourquoi vouloir aujourd'hui remettre en cause une loi adoptée, je le rappelle, à l'unanimité moins une voix en 1906, après quatre années de réflexion ?
Les questions étaient exactement les mêmes, cher collègue, et les réponses d'alors restent d'une totale actualité. Je vous invite à relire les textes et les interventions de l'époque !
Pourquoi les dérogations ont-elles été jusqu'ici strictement limitées ? C'est parce que les mécanismes de la concurrence incitent au mimétisme. C'est la cinquième évidence : une fois la brèche ouverte, la contagion sera impossible à éviter, et beaucoup y ont déjà pensé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) La pression ira croissante sur les maires dont la commune est limitrophe de villes où les commerces ouvriront de plein droit le dimanche. Vous le savez bien : les commerçants vous le demanderont eux-mêmes, pour survivre !
Sixième évidence : les petits commerçants demanderont cette ouverture pour lutter contre la concurrence des grandes enseignes. Pourtant, vous savez bien que cela ne créera pas d'emplois, comme l'a reconnu Mme Parisot elle-même, et comme le confirment toutes les études sur le sujet. Dès lors, parler de croissance est une ineptie : ce n'est pas sérieux !
En somme, vous nous présentez un texte très brouillon qui ouvre la porte à d'innombrables contentieux, car je rappelle que le droit sera différent selon que l'on est déjà salarié du dimanche – il n'y aura alors aucune compensation – ou nouveau salarié du dimanche dans les agglomérations de Paris, Lille et Plan-de-Campagne – une compensation est alors prévue.
Autre cas de figure : les nouveaux salariés du dimanche dans une commune touristique – le travail du dimanche sera alors de plein droit. Enfin, le droit commun ne s'appliquera pas aux salariés d'Alsace-Moselle.
Et alors, demanderont certaines voix. Et alors, en effet ! J'ai évoqué ces six évidences comme si nous nous accordions tous forcément sur la nécessité de maintenir un encadrement strict du travail dominical – ce que j'ai cru entendre ici ou là. Cependant, il existe un désaccord, parce que certains ne partagent pas ce point de vue, parmi vous comme parmi nos concitoyens et même parmi les salariés. Certains voient d'un bon oeil un pays où les commerces ne ferment jamais et plaident en faveur du travail dominical. D'autres souhaitent les horaires tardifs, d'autres encore vantent les ouvertures nocturnes. Ceux qui s'y sont rendus savent qu'il existe des villes dans le monde où la nuit et le jour se confondent et où les lundis ressemblent aux dimanches, car l'activité n'y faiblit jamais.
Convenons donc qu'il existe d'autres modèles que le nôtre, et discutons-en, puisque M. Copé nous y invite ! (« Il n'écoute pas ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Nous sommes bien face à un choix de société qu'il nous faut trancher. Même si M. Copé n'est pas là, quelques députés du groupe UMP le sont qui, je l'espère, accepteront de m'écouter.
M. Copé est bien là ! Lui, au moins, a la courtoisie de rester vous écouter ! (« Il n'écoute pas ! » sur les bancs du groupe SRC.)
En effet, il est là, et il écoute attentivement !
Encore une fois, il s'agit d'un choix de société, et non d'un texte technique. Débattons-en !
C'est pourquoi je suis intervenu tout à l'heure ! (« Mais vous n'écoutez pas maintenant ! » sur les bancs du groupe SRC.)
C'est un débat qu'il faudra trancher en toute clarté. Cela nous invite à élargir notre réflexion : dans quelle société voulons-nous vivre ? Voilà la question centrale !
Oui, chers collègues, nous en parlons beaucoup ces temps-ci : le marché veut tout ! Tous les équilibres auxquels nous sommes parvenus à travers les siècles sont remis en cause. Aujourd'hui, le marché vous demande les dimanches ; hier, il vous a demandé la précarisation du salariat. Demain, c'est sur la vie elle-même qu'il cherchera à étendre son emprise. Le marché n'a pas d'autre objet que la rémunération de capitaux qui exigent un rendement, indépendamment de toute réalité humaine et sociale. Voilà ce qu'est le marché ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Dès lors, faut-il des règles et des protections ? Vous savez bien que le marché veut tout ; au contraire, nous voulons combattre le tout-marché – combat qui a structuré l'histoire du mouvement ouvrier. Puisque tout le monde se réclame désormais de Jean Jaurès, entendez sa voix qui a passé le siècle et qui vous adjure de ne pas renoncer à une grande loi qui, en 1906, a instauré le repos dominical obligatoire de vingt-quatre heures pour les ouvriers et les employés du commerce ! Aux femmes et aux hommes qui n'appartiennent pas à cette tradition de la gauche mais qui se réfèrent à la démocratie chrétienne, je veux rappeler que ce repos dominical ne fut pas la victoire de la seule CGT, mais qu'elle fut aussi la leur, puisqu'en 1880, une majorité a, par aveuglement anticlérical, abrogé la loi de 1814 qui permettait déjà de chômer le dimanche. C'est donc une loi de consensus national qui fut votée à l'époque, et qui fut une manière de protéger les travailleurs face au marché. Croyez-vous donc que les questions de l'époque étaient fondamentalement différentes de celles d'aujourd'hui ?
Non : elles se posent encore aujourd'hui. Je ne parle pas des questions de fond, monsieur. En effet, la société a changé. C'est pourquoi je dis que ce débat n'est pas un débat comme les autres. Si cette proposition de loi en est à sa quatrième mouture, c'est parce que nous savons tous que le travail du dimanche est une digue dont la destruction en entraînerait beaucoup d'autres ! Voilà la question centrale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Le débat c'est celui du modèle de société que nous voulons léguer à nos enfants. Je vous demande donc d'écouter encore ce que je veux vous dire.
« Le modèle de croissance dans lequel le progrès social, le progrès humain vont de pair avec le progrès économique, c'est celui qui a toujours permis à la France de remporter ses plus beaux succès, fonder sa compétitivité non sur des politiques sacrificielles qui dégradent le niveau de vie, mais sur la recherche d'une productivité globale par la qualité de son éducation, de sa santé, de sa recherche, de ses services publics, de sa protection sociale, de ses infrastructures, par sa qualité de vie, par la mobilisation de toutes ses ressources matérielles et humaines, par une complémentarité réussie entre l'initiative privée et l'action publique. C'est au fond ce que la France a toujours voulu faire. C'est ce qui correspond le mieux à son génie ; c'est ce qui correspond le mieux à son idéal. C'est ce qu'au fond nous voulons tous, au-delà des divergences que nous avons sur les moyens à mettre en oeuvre, sur les réformes nécessaires pour y parvenir, sur l'importance de la responsabilité individuelle ou sur la définition de l'égalité. Nous aimons tous notre pays. Nous partageons les mêmes valeurs fondamentales. Nous voulons que chacun ait les mêmes droits et les mêmes devoirs, que chacun se sente respecté, que chacun ait sa place dans la société. Le modèle républicain reste notre référence commune. Et nous rêvons tous de faire coïncider la logique économique avec cette exigence républicaine. Ce rêve nous vient du Conseil national de la Résistance qui, dans les heures les plus sombres de notre histoire, a su rassembler toutes les forces politiques pour forger le pacte social qui allait permettre la renaissance française. Cet héritage est notre héritage commun. Nous devons même nous souvenir des Trente Glorieuses, non avec nostalgie, mais pour nous rappeler que ce miracle d'un idéal républicain en prise avec les réalités de son temps, et tirant de la France ce qu'elle a de meilleur, est toujours possible quand nous sommes rassemblés. Ce que nos pères ont fait avant nous, il ne tient qu'à nous de savoir le faire à notre façon et à notre époque. Qui ne voit que la crise mondiale crée de nouveau des circonstances favorables à cette aspiration française à mettre l'économie au service de l'homme, et non l'inverse ? » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mesdames, messieurs de la majorité, si vous n'applaudissez pas ces mots, c'est parce que c'est moi qui les prononce. Pourtant, vous avez applaudi ces mêmes mots à Versailles ; je ne l'ai pas fait alors, parce que c'est Nicolas Sarkozy qui les a prononcés, et je viens de vous les relire. Faut-il y voir, monsieur Copé, la marque de nos sectarismes réciproques ?
Je vous dirai les choses franchement : à Versailles, j'aurais pu applaudir une partie du discours du chef de l'État – la première, celle dont je viens de vous lire un extrait. Mais j'ai appris à me méfier des mots. L'histoire politique récente nous a enseigné que ce n'est pas parce que l'on dit que « la maison brûle » lors d'un déplacement en Afrique du Sud que l'on éteint l'incendie de retour à Paris. J'ai appris à me méfier des mots ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Plus récemment encore, Nicolas Sarkozy s'est présenté comme le « Président du pouvoir d'achat ». Nous voici pourtant rassemblés aujourd'hui autour d'un projet qui généralise le travail du dimanche sans même prévoir de compensation salariale pour les salariés auxquels il s'imposera. Admettez qu'un tel paradoxe inciterait à la méfiance l'opposition la plus bienveillante !
Quoi qu'il en soit, nous étions donc réunis à Versailles pour écouter le chef de l'État. Comme ce n'était pas arrivé depuis près d'un siècle et demi, je veux croire que ce n'était pas pour un simple discours de circonstance. Qui pourrait ici admettre que la parole de l'État puisse être galvaudée par un discours dont chaque page serait froissée sitôt les dépêches tombées et les journaux de 20 heures achevés ? Qui parmi vous, mesdames, messieurs de la majorité, accepterait que tout s'efface dans la réalité de l'action gouvernementale, alors que vous avez vous-mêmes voulu voir dans cette prise de parole devant le Congrès un acte fort de « revalorisation du Parlement » ?
Le Président nous a invités le 22 juin à défendre le « modèle social français ». Alors je dis : chiche ! Nicolas Sarkozy s'est référé au programme du Conseil national de la Résistance. Cela me va ! Comment les socialistes pourraient-ils d'ailleurs ne pas se reconnaître dans un programme dont l'idée première revient à Léon Blum en 1942 – lui qui avait pressenti la nécessité de proposer à l'ensemble des forces associées dans la Résistance une plateforme de rénovation de la vie politique de l'après-guerre ? Que proclamaient donc les mouvements, les groupements et les partis réunis autour de Jean Moulin au sein du Conseil national de la Résistance ? « L'établissement de la démocratie la plus large en rendant la parole au peuple français par le rétablissement du suffrage universel ». Cela me va, bien entendu ! La pleine « liberté de la presse », ce qui signifiait son « indépendance à l'égard de l'État, ou des puissances d'argent » : cela me va, bien entendu ! « L'inviolabilité du secret de la correspondance » : cela me va aussi ! « Le retour à la nation des grands moyens de production, fruits du travail commun », et notamment des « sources d'énergie » : cela me va !
La défense et « l'amélioration du droit au travail et du droit au repos », ça me va ! La « sécurité de l'emploi, la réglementation des conditions d'embauche et de licenciement », ça me va ! Un « plan complet de sécurité sociale », ça me va encore ! « Une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours », cela me va toujours !
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Au revoir, monsieur Copé !
Ce patrimoine devrait nous être commun, monsieur Copé ! (« Il est parti ! » sur les bancs du groupe SRC.) Si j'emploie un conditionnel au lieu du présent, c'est parce que la politique déterminée et conduite par le Chef de l'État est, ces derniers mois, souvent apparue en contradiction avec ces principes.
La démocratie supposerait un découpage impartial des circonscriptions. Il suffit de lire les commentaires les plus indépendants pour comprendre qu'aujourd'hui, cela n'est aucunement garanti par le travail de M. Marleix.
La liberté de la presse, son indépendance vis-à-vis de l'État, que rappelait le CNR, a été ébranlée par une loi qui donne au chef de l'État le pouvoir de nomination et de révocation des patrons de l'audiovisuel public.
Le choix de société, monsieur le député ! C'est ce que vous ne voulez pas comprendre ! Cela vous fatigue…
…mais j'irai jusqu'au bout de mon propos. J'ai cité le Président de la République, maintenant, je montre les contradictions. Veuillez m'excuser de vous fatiguer !
L'inviolabilité du secret de la correspondance a été malmenée par la première version du projet de loi HADOPI.
Le maintien dans le giron de l'État des sources d'énergie a été ébréché avec la privatisation de GDF. Les services publics ne sont plus une priorité et La Poste s'apprête à être privatisée.
L'accès à l'instruction et à la culture n'est qu'un voeu pieux lorsque, dans le même temps, on supprime sans cesse des postes dans l'éducation, et notamment les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté.
Les bases mêmes de la sécurité sociale vacillent, hier avec la mise en oeuvre de franchises, demain avec le recul de l'âge légal du départ à la retraite, sans qu'aient été traitées préalablement les questions des métiers les plus pénibles ou encore l'emploi des seniors.
Le droit à la sécurité dans l'emploi est remis en cause par touches successives. L'externalisation du salariat, c'est-à-dire la sortie croissante de salariés des garanties et solidarités collectives dans l'entreprise, est facilitée à travers les nouvelles règles sur les groupements d'employeurs, le prêt de main-d'oeuvre, les contrats de mission ou le statut d'auto-entrepreneur.
Enfin, s'agissant du droit au repos – et nous pourrions ajouter à une vie familiale, culturelle, citoyenne et spirituelle –, ce texte sur le travail dominical le contredit de manière éclatante. Il vient après d'autres dérégulations : suppression de certains repos compensateurs, explosion des plafonds contingentant les heures supplémentaires, tentative de porter la durée maximale hebdomadaire du travail à soixante-cinq heures, élargissement des forfaits jours et heures.
Mes chers collègues, le modèle social français et la référence au Conseil national de la Résistance sont au coeur du débat sur le repos dominical, lequel appartient à ce bloc de droits acquis au début du siècle dernier, puis lors du Front populaire et de la Libération. Au-delà des mots, je veux relever la contradiction entre le discours et la réalité. Ces règles forment un tout : le fameux modèle social auquel tous se réfèrent, mais que tous ne défendent pas avec la même intensité.
Oui, j'ose le dire, je connais des croyants qui sont loin, hélas, d'être des pratiquants. C'est malheureusement la réalité de votre politique et de votre majorité. Je suis désolé, monsieur Bardet, de vous fatiguer en rappelant cela, mais c'est le rôle de l'opposition !
Si, au lendemain de la Seconde guerre mondiale, des hommes venus d'horizons si différents se sont unis pour appliquer ce programme collectif, c'est parce qu'ils trouvaient là la justification de leur engagement commun dans la République. C'est ce socle commun auquel nous vous demandons de ne pas vous attaquer aujourd'hui avec cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Demain après-midi, les députés socialistes s'exprimeront par la voix de Laurent Fabius lors du débat de censure. Nous aurons à cette occasion le débat que nous n'avons pu avoir à Versailles. Nous verrons alors les réponses que nous apportera le Premier ministre. Entend-il changer sa politique ou, au contraire, poursuivre celle qu'il mène depuis deux ans déjà ? Comment entend-il traduire en actes les déclarations d'intention d'un Président qui n'est jamais en retard d'une manoeuvre de séduction, mais qui ne modifie jamais le cours de son action ?
Je vais vous dire le fond de ma pensée : Nicolas Sarkozy ne ment pas complètement, mais du même coup, il ne dit pas non plus complètement sa vérité. Son discours ne s'adresse en réalité qu'à une partie des Français. Sous couvert de libertés ouvertes à tous, il met en place de nouveaux privilèges pour quelques-uns. Le Président « parle universel », ce qui peut séduire certains, mais il agit pour des intérêts particuliers et parfois, trop souvent même, pour des intérêts très puissants. Telle est aussi la réalité de sa politique.
Je veux illustrer mon propos avec la proposition que nous examinons. Le travail du dimanche, que le Président cherche à généraliser, est une liberté qu'il entend offrir à certains. Ainsi, quand il justifie l'ouverture dominicale par la nécessité de permettre à Mme Obama et ses filles de faire du shopping, il nous livre, par une forme de lapsus politique, ce qui guide sa volonté.
En effet, l'ouverture dominicale est un service rendu à une partie de la population active. Elle rend la vie de certains plus commode en leur permettant de choisir leur temps de consommation. Mais ce confort nouveau pour les uns a un prix : le labeur des autres ! Et, disons-nous les choses sans fausse pudeur, il s'agit du travail de personnes peu ou pas qualifiées dont la capacité à dire non est extrêmement réduite. Christian Eckert l'a remarquablement expliqué ce matin.
Cette césure entre deux mondes qui se côtoient sans se mélanger n'est pas acceptable pour un socialiste, pour un républicain, et c'est sans doute là notre différence. La généralisation du travail dominical accentue de fait la précarisation des conditions de travail des plus vulnérables, pour offrir plus de confort – je ne dis pas bien-être – à ceux qui n'auront jamais besoin de sacrifier leur vie privée pour trouver un emploi.
Le travail du dimanche sera sans aucun effet global sur la croissance et l'emploi. Les précaires n'auront pas davantage de travail, mais leur travail sera plus émietté, plus précaire.
C'est cette société duale, qui se développe de plus en plus, que nous voulons combattre parce qu'elle porte en germes la destruction du modèle social français que le Président de la République prétendait défendre avec tant de lyrisme à Versailles. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
J'ajouterai que la déstructuration des cadres familiaux peut avoir des conséquences sur la scolarité, l'éducation,…
…le comportement des familles aux horaires éclatés. Il y a une certaine indécence à demander aux familles de mieux assumer leurs responsabilités – la droite nous propose régulièrement de supprimer les allocations familiales aux parents négligents – et, dans le même temps, de favoriser leur absence.
Alors, me direz-vous, que proposent les socialistes ? C'est ce qu'a dit M. Copé.
Je connais ce refrain, que vous ne cessez d'entonner comme s'il devait excuser toutes vos erreurs ou interdire tout débat, voire toute critique sur vos projets.
Je pourrais me limiter à vous dire que l'heure n'est pas encore à la confrontation des projets et des solutions. Il y aura des rendez-vous électoraux. Mais je ne vous le dirai pas, car je comprends votre impatience. Je comprends surtout celle des Français qui s'inquiètent de l'existence d'une alternative à une politique que, majoritairement, ils réprouvent ! Et c'est à nous d'y répondre. Je vais vous livrer quelques propositions qui permettraient de consolider le modèle social français.
Reconnaissons d'abord que ce modèle social est perfectible. Qu'il s'agisse d'emploi, de chômage, de redistribution ou de mobilité sociale, les résultats ne sont pas à la hauteur. Quant aux enjeux environnementaux, leur prise en compte est encore devant nous. Il s'agit donc moins de maintenir que d'actualiser et de faire progresser un modèle dont les fondements et les objectifs ne sauraient être remis en cause, mais dont les moyens pour y parvenir méritent d'être revisités.
Le monde est en mutation. La crise planétaire rebat les cartes. La demande de protection de nos concitoyens est forte. La nécessité de nous adapter au monde qui vient est évidente. Les transformations en cours recèlent autant de chances que de risques. À nous d'apprivoiser les menaces et de saisir les opportunités.
Nous devons d'abord adapter notre système productif. Il n'y aura d'adhésion à ce projet que si l'évolution ne signifie pour personne sa propre mise à l'écart. C'est pourquoi il est d'abord essentiel de miser sur l'éducation et la formation. Voilà un constat et un objectif que nous pouvons partager.
C'est pourquoi nous vous demandons aujourd'hui, monsieur le ministre du travail et des relations sociales, ancien ministre de l'éducation nationale, représentant du Gouvernement, de renoncer aux suppressions de postes dans l'éducation nationale : 11 200 postes pour la rentrée de septembre 2008, 16 000 pour celle de 2009. Comment ne pas relever la contradiction de la politique conduite avec le discours du chef de l'État à Versailles ? Comment voulez-vous défendre un système éducatif de qualité en procédant à de telles coupes claires ? Renoncez à cette décision néfaste ! Je vous le demande, au nom des Français qui s'inquiètent ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Si nous voulons rester fidèles à l'esprit des fondateurs du Conseil national de la Résistance nous devons plus que jamais développer l'accès aux savoirs. C'est le préalable pour maintenir notre compétitivité face aux pays émergents, c'est la condition pour sauter le pas de cette nouvelle révolution industrielle, celle des nouvelles technologies. L'accès à la formation doit être permanent pour donner corps à cette belle idée de « l'égalité des possibles », c'est-à-dire les moyens offerts à chacun de dépasser sa condition à chaque étape de son existence.
L'égalité des chances lorsqu'elle consiste à aligner sur une ligne de départ des individus aux atouts différents n'est plus qu'un alibi commode pour justifier la reproduction mécanique des inégalités. Il faut donner plus à ceux qui ont moins, et d'abord en matière d'éducation. Il faut donner tout au long de la vie. Il faut multiplier les accompagnements individualisés.
Cela passe notamment par l'ouverture d'un service public de la petite enfance, la mise en place d'un plan de recrutement pluriannuel pour faire face à la demande d'enseignants, la revalorisation du métier d'enseignant, en poursuivant les efforts de professionnalisation tout au long de leur carrière, le retour des postes de RASED supprimés, l'adoption de critères de financement des universités qui tiennent compte de la structure sociale de ces dernières, du nombre d'étudiants en première année, du nombre de boursiers ou du nombre de diplômés, enfin, la création d'un chèque éducation sur toute la vie à tous ceux qui sont sortis précocement de la formation initiale,
Qu'allez-vous dire demain si vous dites tout aujourd'hui ? Laissez-en un peu pour Fabius !
Vous dites que nous ne proposons rien : voilà, en matière éducative, le paquet que les socialistes vous proposent. Tout à l'heure, je vous ai dit, « Chiche ! », mesdames, messieurs de la majorité.
J'attends votre réponse, monsieur le ministre du travail et des relations sociales, ancien ministre de l'éducation nationale.
J'espérais, mais je vois que cela ne soulève pas beaucoup d'enthousiasme dans la majorité, que les républicains, fidèles aux principes du Conseil national de la Résistance, pourraient se retrouver. Apparemment, ce n'est pas le cas.
Lorsque vous prévoyez de généraliser progressivement le travail du dimanche, vous élargissez les temps de consommation, mais sans augmenter le pouvoir d'achat des Français. Quel intérêt en tireront-ils, y compris les commerçants ? Lorsque le porte-monnaie est vide le samedi, il ne se remplit pas par magie le dimanche !
Au contraire, l'éducation et la formation doivent être les premiers investissements en direction des entreprises pour maintenir leur compétitivité. Elles sont aussi, pour chaque individu, le meilleur rempart contre le chômage. Le chômage est la source de toutes les exclusions. Il ne fait qu'augmenter, notamment chez les jeunes. Il fige les situations et cloisonne les populations, repoussant les plus faibles dans des impasses sociales. Il frappe plus durement les moins qualifiés, les jeunes, les femmes, les immigrés. La crise a amplifié tous ces phénomènes. À la rentrée, la situation sera terrible : on parle d'un million de chômeurs supplémentaires. Alors, comment répondre ? Je vous pose encore la question, mesdames, messieurs de la majorité et du Gouvernement…
Pourquoi avez-vous rejeté, le 30 avril, sans autre forme de procès, notre proposition de loi pour l'augmentation des salaires et la protection des salariés et des chômeurs, qui aurait permis de protéger les salariés face à une crise sociale sans précédent ?
Pourquoi avoir rejeté notre volonté de garantir l'indemnisation, le reclassement, la reconversion et le suivi individualisé de tous les salariés licenciés pour motif économique ?
Comment justifiez-vous que la durée d'indemnisation ne soit pas allongée et l'indemnisation du chômage partiel augmentée, en raison des difficultés de retour à l'emploi, au regard de la baisse drastique des offres d'emplois ?
Pour les salariés licenciés pour motif économique, comment motivez-vous votre manque d'engouement pour porter provisoirement leur indemnisation à deux ans avec un maintien de 80 % du salaire ?
Pourquoi n'acceptez-vous pas qu'à titre exceptionnel et pendant vingt-quatre mois, les salariés titulaires d'un contrat à durée déterminée ou en mission d'intérim inscrits à « Pôle Emploi », suite à une fin de CDD ou de mission d'intérim, bénéficient d'une prolongation de six mois de leur indemnisation lorsque leurs droits arrivent à échéance pendant cette période ?
Dans votre empressement à refuser tout cela qui vient de l'opposition – et sans doute précisément pour cette raison même –, vous rappelez-vous que vous avez, le 30 avril dernier, usé de tous les charmes de la procédure pour nous interdire de faire voter la généralisation à tout le territoire des règles propres au contrat de transition professionnelle ? Et c'était avant que le chef de l'État, dans son discours de Versailles, évoque cette perspective, qui reste naturellement à mettre en oeuvre.
Enfin, à lire Le Nouvel Observateur de la semaine dernière, le chef de l'État semble être entré dans une phase d'introspection.
Je vous invite donc à réfléchir avec lui au système que vous avez mis en place en 2007, ce système qui encourage les heures supplémentaires au détriment de la création d'emplois. Vous pourriez au moins admettre – mais cela vous est impossible, car changer, évoluer, dépasse sans doute votre entendement – que la crise puisse modifier votre approche de 2007, qui creuse le déficit de plus de 3 milliards d'euros par an et qui crée du chômage. Ayez au moins l'honnêteté de reconnaître que si vous voulez sauver le modèle social français, il est nécessaire de revenir sur cette disposition. En tout cas, je vous le demande solennellement, et j'attends votre réponse.
Après l'éducation et l'emploi, je voudrais rapidement évoquer le logement. Je rappelle que 6 millions de personnes sont en situation de fragilité face au logement. Les classes moyennes ont de plus en plus de mal à faire face aux augmentations de loyers et de charges : depuis 2005, la part des ressources des ménages consacrée au logement a atteint un niveau historique, avec une moyenne de 24,7 %.
À cela s'ajoutent les effets négatifs de la crise financière générée par celle des subprimes et aggravée par la crise bancaire mondiale. Les chiffres de la construction deviennent alarmants.
Dans un contexte de crise aiguë, on attendrait de l'État qu'il joue le rôle d'amortisseur, qu'il se pose en régulateur, qu'il décrète que le logement n'est pas un bien comme les autres,…
…et qu'il réponde au laisser-faire libéral. Et pourtant, il n'est pas au rendez-vous, ou il ne l'est qu'a minima.
Le désengagement financier de l'État est paradoxalement d'une ampleur jamais atteinte.
Seules les classes supérieures peuvent vraiment bénéficier de la possibilité d'investir dans la pierre, avec des aides fiscales qui continuent d'augmenter sans contreparties.
Certes, il y a encore de la construction, mais savez-vous que 76 % des logements construits ne sont accessibles qu'aux 30 % des ménages les plus aisés ? C'est cela, votre politique du logement.
Et puisque nous parlons du « modèle social français », qui ne fait le lien entre sa promotion et la nécessité de lutter contre les logiques de ghettos en favorisant la mixité sociale ? Pourquoi, mesdames, messieurs de la majorité, acceptez-vous la diminution des plafonds de ressources pour l'attribution des logements sociaux, le renforcement des surloyers, ou la vente des logements HLM pour pallier le désengagement de l'État et les forcer à s'autofinancer ? C'est cela, votre politique !
La réponse ne peut se résumer dans la formule démagogique du « tous propriétaires ». Nous ne sommes bien sûr pas hostiles à l'accession sociale à la propriété, et ce sont souvent des municipalités de gauche qui l'ont encouragée. Mais l'urgence est à la construction de logements locatifs sociaux adaptés, pour tous les âges. Elle n'est pas au surendettement des ménages.
Acceptez-vous de faire de la production de logements adaptés et socialement accessibles une priorité ? Je vous pose la question.
C'est cela, le modèle social français : une formation, un métier, un toit.
Nous y sommes, monsieur Mallié. Cela vous dérange.
Une formation, un métier, un toit, voilà ce que nous devons d'abord garantir à chacun. Voilà ce que réclament nos concitoyens. Il ne faudrait pas, par une curieuse inversion, mélanger les causes et les conséquences. Je connais peu de salariés qui aient une préférence pour le travail dominical. Même les étudiants qui acceptent de tenir une caisse le dimanche, le font au détriment de leurs études et préféreraient des bourses à la hauteur.
Vous vous trompez. Quand j'étais étudiant, j'étais bien content de travailler le samedi et le dimanche !
Si vous voulez vraiment aider les étudiants de Marseille, monsieur Mallié, vous le ferez non pas en ouvrant Plan-de-Campagne tous les dimanches, mais en instaurant un système de bourses favorable en particulier aux jeunes issus des classes populaires ou moyennes, qui ont du mal à financer leurs études. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Puisque nous parlons du modèle social, je voudrais ajouter la nécessité d'un égal accès aux soins pour chacun, quels que soient ses moyens.
La situation, chacun la connaît. Les inégalités devant la santé se creusent. Le système se fragilise. Les franchises médicales mises en place par le Gouvernement au début de 2008 ont eu un effet dramatique, puisque, selon une étude du Secours populaire, 39 % de nos compatriotes renoncent à des soins de santé pour des raisons économiques.
La motion de censure, c'est demain ! Et c'est M. Fabius qui la défend !
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a plus que doublé la taxe sur le chiffre d'affaires des complémentaires santé. Presque aussitôt, beaucoup d'assurés sociaux ont dit qu'ils ne pouvaient plus payer une mutuelle : un tiers d'entre eux hésitent à conserver une couverture complémentaire. C'est le résultat de votre politique.
Quant à la loi « Hôpital, patients, santé, territoires », elle n'a retenu aucune piste en ce qui concerne la démographie médicale, ni pour lutter contre les médecins qui refusent de soigner les bénéficiaires de la CMU. La question des dépassements d'honoraires n'a pas été abordée. Je pourrais poursuivre ainsi. Où est le système de santé juste et solidaire, fidèle aux principes du Conseil national de la Résistance ?
Je ne veux pas trop allonger mon propos, mais vous voyez bien là que vous avez tous les éléments qui constituent ce pacte social rappelé par le Président de la République. Vous êtes, petit à petit, en train de le détricoter, de l'affaiblir, de le détruire. Vous découragez ceux qui aspirent à la cohésion sociale, à la solidarité, à la promotion sociale, et qui voudraient que ce « modèle français » ne soit pas que des mots.
Cela vaut pour la santé, et cela vaut d'abord par les actes. L'hôpital public est en danger. La priorité, c'est d'apurer sa dette, c'est d'arrêter de le mettre en concurrence avec les cliniques privées, c'est de reconnaître la spécificité de ses missions et le rôle des services d'urgence. Là encore, je pourrais poursuivre.
Le modèle français, c'est aussi la possibilité d'être soigné sur tout le territoire. Et vous savez bien qu'il y a des territoires où l'on est mal soigné, où c'est plus difficile qu'ailleurs. Sur ce point, rien ne change. Au contraire, tout s'aggrave.
Après l'éducation, l'emploi, le logement, la santé, je voudrais revenir sur ce que j'ai évoqué tout à l'heure, et qui participe du modèle social français, je veux parler du devenir écologique de la planète.
Dans ce domaine, les déclarations se sont multipliées, mais la pesanteur des habitudes, notre culture industrielle, notre difficulté à réinventer notre modèle productif nous ont fait prendre un retard considérable.
Il ne sera plus possible, la crise passée, de continuer à envisager une croissance qui ne tienne pas compte des capacités de la planète. La croissance durable est une nécessité écologique, mais elle est aussi gisement d'emplois.
La diversification énergétique doit devenir une priorité. Notre attachement à la filière nucléaire, qui nous a donné une autonomie et un savoir-faire technologiques incomparables, ne doit pas pour autant nous aveugler sur ses faiblesses.
Et dans l'esprit du Conseil national de la Résistance,…
…le service public de l'énergie doit désormais miser plus qu'il ne l'a jamais fait sur les énergies renouvelables, non polluantes et alternatives. Je préconise la constitution d'un grand service public de l'énergie qui puisse, indépendamment de toute rentabilité immédiate, investir au nom de l'intérêt général dans la recherche et le développement de solutions nouvelles.
Cette approche environnementale est non seulement une approche économique et écologique, mais aussi une approche sociale, qui ne doit pas exclure, y compris à travers la nécessaire fiscalité sur la pollution, les milieux populaires et les catégories les plus modestes, de nos pays développés et des pays sous-développés. C'est ce que l'ONG Oxfam vient de nous rappeler, aujourd'hui, en soulignant le coût humain du réchauffement climatique.
Mes chers collègues, j'arrive à la fin de mon propos.
J'entends les appels répétés du Premier ministre à l'unité nationale. Je sais bien qu'ils ont essentiellement pour fonction de limiter l'espace de l'opposition. Mais ce ne serait finalement que très secondaire si cela pouvait conduire aux solutions dont le pays a besoin. Pourtant, je n'y crois pas, parce que je perçois la confrontation comme un oxygène nécessaire. Dans toute démocratie, il faut une majorité et il faut une opposition, ce qui n'interdit aucunement que, dans l'intérêt du pays, nous puissions parfois nous retrouver.
Sur le RSA, par exemple, alors que nous en mesurions les limites, nous étions malgré tout prêts à l'adopter. Nous n'avions qu'une modeste exigence – et là, nous voyons bien nos différences : que les plus riches ne soient pas exonérés de son financement. Seulement voilà, le Président de la République en a décidé autrement. Mesdames, messieurs les députés de la majorité, il suffit que vous soyez convoqués à l'Élysée pour que vous obtempériez. Certains d'entre vous pouvaient trouver juste que les bénéficiaires du bouclier fiscal contribuent au financement du RSA. Eh bien non ! Vous avez empêché, par votre vote, que la solidarité nationale joue pleinement, y compris pour les plus pauvres de nos concitoyens.
Vous voulez nous présenter comme une opposition qui s'oppose systématiquement et qui ne propose rien. Je viens d'esquisser là bien des thèmes de nos propositions. Nous ne sommes pas une opposition pavlovienne.
Chaque fois que vous défendrez honnêtement le « modèle social français », vous nous trouverez à vos côtés.
Chaque fois que vous inscrirez vos pas dans ceux des membres du Conseil national de la Résistance,…
…nous pourrons cheminer à vos côtés. Chaque fois que vous voudrez sérieusement encadrer, réguler, maîtriser le marché, nous vous suivrons, et d'autant plus facilement que sur cette route, nous avons eu bien souvent l'occasion de vous précéder.
Et si, demain, lors du débat de censure, le Premier ministre annonce que la défense des services publics est une priorité qui lui fait renoncer à la privatisation de La Poste, si les suppressions de postes d'enseignants dans l'éducation sont suspendues pour assurer l'accès de tous les enfants à l'éducation, si les franchises médicales sont abandonnées pour favoriser un meilleur accès aux soins, si le bouclier fiscal est abrogé par souci d'exemplarité et de justice sociale, si les stocks-options, les parachutes dorés, les retraites chapeaux, les bonus sont interdits pour éviter que l'indécence ne s'ajoute à la crise, si la loi SRU est renforcée pour favoriser la mixité sociale dans le logement, si le débat sur les retraites n'est pas le faux-nez de décisions déjà prises, si les proclamations laïques succèdent définitivement au discours de Latran, si la démocratie passe par un redécoupage électoral impartial, si la coproduction législative ne se limite pas à un slogan et implique jusqu'aux groupes de l'opposition. Si…Si…Ah, si…Alors, je reconnaîtrai sans fard qu'il souffle un esprit nouveau. Je reconnaîtrai sans détour que quelque chose est en train de changer, que la crise a définitivement modifié les certitudes et que les lignes sont en train de bouger.
Mais si, au contraire, le Premier ministre confirme, comme M. Copé l'a d'ailleurs laissé entendre, que ce gouvernement se place tout simplement dans la continuité du précédent, qui était aussi le sien, pour conduire la même politique, alors je penserai comme tous les Français que Versailles ne fut l'occasion de rien.
Je partagerai l'indignation de ceux qui n'acceptent pas que les représentants du peuple soient confondus avec le décor d'un mauvais théâtre.
Je voterai alors la censure, non pas seulement d'une politique, mais aussi celle d'un mensonge.
Voilà, mes chers collègues, ce que je voulais vous dire cet après-midi, car notre débat sur le travail du dimanche en préfigure beaucoup d'autres.
Il en illustre beaucoup qui ont déjà eu lieu ici, parce que la question reste toujours la même : dans quelle société voulons-nous vivre ?
Notre pays, c'est vrai, doit évoluer, s'adapter, se transformer. Le monde bouge, nous devons bouger. Mais tous les trains qui passent ne sont pas bons à prendre. Celui de la dérégulation nous a conduits à la crise, une crise mondiale, une crise profonde.
Il y a des modes de vie qui sont le fruit de la longue histoire d'une vieille nation. C'est peut-être un lieu commun que de le rappeler, mais l'arbre ne pousse jamais très haut sans racines. Et ces racines, ce sont effectivement celles du modèle social français. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Il y a un an, j'ai entendu le chef de l'État évoquer une « politique de civilisation ».
Il y a six mois, j'ai cru comprendre que cela passait, dans son esprit, par la nécessité de « refonder le capitalisme ».
Il y a quinze jours, j'ai découvert qu'il voulait commencer par défendre notre « modèle social » français.
Si, pour vous comme pour moi, ces mots ont un sens, si la politique n'est pas une succession de promesses sans lendemain, alors il n'y aura pas, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur Richard Mallié, de majorité dans cet hémicycle pour voter ce texte dont la seule vocation est bien d'ouvrir une brèche qui conduira à la disparition du repos dominical.
Si, pour vous comme pour moi, les mots ont un sens – et on peut l'espérer, si j'en crois l'admonestation de M. Copé il y a quelques instants –, nous pouvons nous retrouver pour rejeter un texte qui contredit le modèle de société auquel nous avons tendance à nous référer ces temps-ci.
Alors, ce serait une victoire, une fois n'est pas coutume, que nous pourrions remporter ensemble. Cette victoire serait – et ces temps l'exigent, vous devriez le méditer – une victoire contre le « tout marché ». (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la philosophie de ce texte est clair : il faut travailler plus, plus longtemps, plus vieux, le dimanche, les jours fériés, la Pentecôte et bientôt, selon notre collègue de l'UMP M. Lefebvre, pendant son arrêt de maladie ou son congé maternité. Tel est le socle de la pensée gouvernementale.
Le Président de la République a réaffirmé la semaine dernière son souhait de voir le problème de la fermeture des grands magasins le dimanche réglé « avant l'été ». Je comprends que vous n'ayez d'autre choix que de vous exécuter.
« Est-il normal » s'indignait-il « que lorsque Mme Obama veut, avec ses filles, faire les magasins parisiens, je dois passer un coup de téléphone pour les faire ouvrir ? »
Le message que la majorité et au premier chef le Président de la République tentent ainsi de faire passer est simple : un pays moderne est un pays où la consommation doit être élevée au rang de loisir et où le bon vouloir de la clientèle s'affirme comme objectif d'intérêt général.
Dans cette perspective, tout est fait pour nous présenter le dimanche comme une relique des temps anciens, une survivance catholique, voire monarchiste, que tout homme de progrès se doit de considérer avec dédain.
Le rapport pour avis de notre collègue Bernard Reynès est à cet égard explicite. Il souligne, dès les premières pages, évoquant l'ordonnance de 1814 qui fixe les modalités des interdits dominicaux, que cette réforme rencontra « L'hostilité des républicains qui y voyaient une manifestation de l'ordre moral, des économistes libéraux et des ouvriers, pour qui cette journée chômée représentait un manque à gagner ».
Ce même rapport insiste sur le fait que la loi Sarrier de 1906 n'a jamais été ni portée ni soutenue par les ouvriers.
Autrement dit, si l'on vous croit, le repos dominical ne fut jamais instauré dans l'intérêt des salariés et nous devrions donc accueillir comme un progrès la nouvelle rédaction de l'article L.3132-3 du code du travail qui stipule que « Dans l'intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche ».
L'affirmation de ce principe dans un texte qui, par ailleurs, le piétine sans vergogne ne relève pas seulement de la pure et simple hypocrisie. Elle est encore discutable, car ce n'est pas seulement dans l'intérêt des salariés que doit perdurer le principe du repos dominical ; c'est dans l'intérêt de chacun et dans l'intérêt de tous.
Si le repos dominical est, dans notre droit, érigé en principe d'ordre public, ce n'est pas le fruit d'une anomalie qui romprait avec le principe de laïcité, c'est que le législateur a jugé indispensable d'entendre l'exigence sociale et de préserver l'existence d'un jour consacré au repos collectif, à la famille, aux amis, d'un jour qui déroge aux règles de l'échange marchand.
Le dimanche est précisément le jour où la question du manque à gagner ne se pose pas. C'est un jour qui échappe à l'emprise de l'activité marchande. Il exerce de ce point de vue une fonction symbolique essentielle, une fonction sociale éminente que chacun s'accorde du reste à reconnaître, tant l'enjeu dépasse a priori les clivages politiques habituels.
C'est sans compter avec les plus libéraux d'entre vous, ces héritiers du parti libéral des années 20 qui fustigeaient tous ensemble – socialistes, communistes et catholiques – comme autant d'ennemis du progrès, c'est-à-dire d'une société transformée en tout marché où rien n'existe hors la satisfaction de l'appétit des industriels et des commerçants.
Vous êtes les héritiers de cette vision du monde et ce n'est pas par hasard si quelques-uns parmi les esprits les plus réfléchis que comptent les rangs de la majorité…
…se sont embourbés dans leurs contradictions, s'opposant un temps à ce texte, acceptant enfin de le cosigner afin de ne pas encourir les foudres du chef de l'État.
Nous ne sommes, bien sûr, pas dupes des discours entendus depuis plusieurs semaines qui tentent de nous convaincre que le texte de cette proposition de loi est le fruit d'un compromis, qu'il marque un recul par rapport au texte précédent qui justifie qu'il reçoive désormais l'imprimatur des opposants d'hier.
Il n'est pas difficile d'apporter la démonstration que ce texte est, à quelques artifices près, le même que celui dont nous avions entamé l'examen en décembre dernier.
Tout d'abord – et nous ne cessons de le dénoncer – nous sommes une fois de plus confrontés à la méthode de la proposition de loi. Celle-ci présente pour vous un double avantage.
En premier lieu, elle vous permet d'éviter de vous soumettre à l'obligation de négociation préalable avec et entre les partenaires sociaux. Elle vous autorise, ensuite, à vous affranchir de la règle qui veut que désormais chaque projet de loi soit soumis à une procédure préalable d'évaluation.
De fait, nous ne disposons s'agissant de ce texte d'aucune étude préalable relative à son impact économique, notamment sur ses conséquences en termes d'emplois. Nous devons nous satisfaire de vagues déclarations ou affirmations.
Oubliant les dizaines de milliers de suppressions d'emplois publics que le Gouvernement met en oeuvre, M. Devedjian se complaît dans des propos démagogiques et affirme que « dans un pays où il y a autant de chômage que nous en avons aujourd'hui malheureusement avec la crise, c'est quand même un comble d'interdire aux gens de travailler. »
Le rapport est, quant à lui, plus prudent et pour cause. S'il fallait en effet proposer, aujourd'hui, un chiffrage des créations d'emplois, à supposer qu'il y en ait, au regard du nombre d'emplois que cette réforme détruira dans l'artisanat et le petit commerce, tout indique que le solde risque d'être négatif. Quand on sait, ainsi que le rappelle la CFTC, qu'il existait 11 000 magasins de chaussures au Royaume-Uni avant que n'intervienne la réforme autorisant l'ouverture des magasins le dimanche et qu'il n'en reste plus aujourd'hui que 350, nous ne sommes pas précisément enclins à l'optimisme.
J'observe que nous ne disposons pas non plus d'études sur l'impact social et environnemental de ces mesures. Quelles conséquences aura votre réforme sur la vie familiale, la vie associative, les pratiques culturelles ? Quel sera son impact par exemple sur la fréquentation des musées, des cinémas ou des clubs sportifs ? Quelles conséquences auront éventuellement, en termes de santé publique, des mesures qui détériorent le tissu social et familial ?
J'admets qu'il est difficile de disposer à cet égard d'éléments d'évaluation précis, mais j'observe que vous n'avez sollicité aucune forme d'expertise, que vous n'avez sollicité l'avis de personne sur cette question – ni des salariés concernés, ni de sociologues, ni d' économistes, ni de politiques locaux et nationaux, ni d'associations de consommateurs…
Le fait est que vous êtes convaincus de la nécessité de mettre en adéquation la loi avec les pratiques, fussent-elles comme c'est le cas aujourd'hui, illégales. Et vous brandissez des sondages pour tenter de nous convaincre de la légitimité de votre démarche.
Vous vous faites fort ainsi de nous indiquer que 63 % des habitants des grandes agglomérations sont favorables à l'ouverture des commerces le dimanche.
Outre que les études d'opinion citées ne nous disent rien sur l'ouverture dominicale des commerces dans les zones touristiques, qui constitue pourtant un important volet de votre réforme, vous ne faites non plus nulle part mention des sondages qui contredisent votre analyse, notamment ceux réalisés auprès des salariés.
Or lorsque l'on demande aux Français s'ils seraient d'accord pour travailler régulièrement le dimanche, 64 % répondent par la négative et seulement 13 % favorablement. Toujours selon ce sondage Ipsos, réalisé en novembre dernier, les ouvriers y sont défavorables à plus de 65 %, les salariés des professions intermédiaires et les cadres à plus de 67 %.
Les salariés qui demandent à pouvoir travailler le dimanche et viennent manifester devant l'Assemblée nationale à grands renforts logistiques fournis par tous les employeurs de la grande distribution…
Je suis allé les rencontrer dehors ! Ils étaient transportés en car par les patrons. Cela coûte moins cher que le métro !
On le voit, ces salariés dits volontaires sont loin de représenter l'opinion majoritaire.
Pourquoi, dites-vous, vouloir interdire dans ce cas, à ceux qui le souhaitent de travailler le dimanche ? Tel est l'argument massue et prétendument de bon sens que vous nous assenez depuis des semaines. Je ne m'y attarderai pas, mais il y aurait beaucoup à dire sur les limites de l'argument libéral consistant à mettre en permanence en avant la liberté de choix des individus, comme si les choix individuels demeuraient sans incidence sur la vie collective et sur autrui. C'est particulièrement vrai dans le milieu du travail, où les choix posés par un salarié sont rarement en pratique sans incidence sur les conditions de travail des autres.
L'argument de la liberté de choix apparaît donc bien faible, mais il faut surtout et avant tout souligner que le volontariat est un leurre.
Il vous appartient sans doute de considérer et de tenter de faire croire que le contrat de travail est un contrat comme les autres, passé entre deux personnes placées sur un pied d'égalité. La réalité est tout autre.
S'il existe encore dans notre pays un droit du travail distinct du droit des contrats, c'est précisément sur le fondement de la reconnaissance du lien de subordination entre employeur et salarié.
Vous vous échinez depuis des années à détricoter notre droit du travail, entretenant l'illusion d'une égalité entre les personnes au contrat, d'une parfaite liberté de l'une et de l'autre partie. Vous passez volontairement sous silence ce constat d'évidence que les salariés ne sont jamais volontaires car ils sont contraints économiquement.
À qui allez-vous cependant faire croire, pour ne prendre que cet exemple, qu'un demandeur d'emploi pourra, lors d'un entretien d'embauche, affirmer tranquillement ne pas vouloir travailler le dimanche si l'employeur le lui demande et conserver réellement toutes ses chances d'être embauché ?
Les plus honnêtes d'entre nos collègues de la majorité le reconnaissent sans peine. Ainsi notre collègue Jean-Frédéric Poisson indique-t-il sur son blog : « Nous sommes conscients du fait que pour certains salariés le volontariat pourra être contraint. Nous n'avons à ce stade pas de réponse à cette question. » C'est un euphémisme, mais quel aveu !
Allez voir sur son blog !
La vérité est que votre prétendu volontariat est un coup de canif de plus dans notre droit du travail et un coup de couteau de plus dans le dos des salariés. Plus encore, cette démarche volontaire n'est pas partout requise.
Votre texte va en effet permettre – c'est l'autre danger et peut-être le principal – l'ouverture de droit, cette fois, des commerces le dimanche dans toutes les communes touristiques.
De fait, ainsi que cela a souvent été rappelé, l'enjeu est aujourd'hui la banalisation du travail dominical. Cette situation est clairement inacceptable.
Notre rapporteur a beau affirmer, en se retranchant derrière l'article R.133-33 du code du travail, que seules 497 communes et trois zones seront concernées par le dispositif, la réalité est qu'il sera demain impossible à un préfet d'accorder d'un côté le statut de commune touristique aux communes qui en font la demande au titre des nouvelles dispositions du code du tourisme et, de l'autre, de refuser l'ouverture des commerces le dimanche dans cette nouvelle commune touristique, au nom du code du travail.
Les définitions des communes touristiques dans le code du travail et dans le code du tourisme ont vocation à être rapprochées et nul doute qu'un contentieux abondant naîtra rapidement. Il n'est pas besoin d'être grand clerc pour se figurer l'aubaine que représentera l'ouverture de ce type de contentieux pour nombre d'enseignes, sans compter la contagion aux enseignes des périmètres d'usage de consommation exceptionnelle qui estimeront être victimes d'une distorsion de concurrence.
Ce n'est pas l'opposition qui entretient ici la confusion, comme vous le prétendez peut-être, monsieur le ministre, en tout cas M. le rapporteur, mais bel et bien le texte de la proposition de loi !
De fait, je livre à votre perspicacité les remarques de Mme Hélène Tanguy, rapporteur en décembre 2005 d'une loi portant diverses dispositions relatives au tourisme, loi qui ratifiait la partie législative du code du tourisme. Mme Tanguy affirmait alors : « Le premier degré du classement, celui des communes touristiques, n'est pas anodin, car il permet de bénéficier de diverses dispositions faisant référence aux communes touristiques dans le droit actuel, telles que la réduction d'impôt sur le revenu pour les logements réhabilités et la dérogation au repos dominical. »
Ne venez pas aujourd'hui nous dire que les stipulations du code du travail et celles du code du tourisme n'ont rien à voir !
Si le juge doit demain apprécier qu'elle était la volonté du législateur, il le fera sur le fondement de telles déclarations. Il en déduira nécessairement que le classement d'une commune en commune touristique aura pour effet de rendre applicables les dispositions relatives au travail dominical.
Si l'on admet par ailleurs que Bercy s'est fixé pour objectif, en assouplissant les conditions à remplir pour bénéficier de l'appellation de commune touristique, de permettre à 5 000 ou 6 000 communes d'y prétendre, on mesure du même coup aisément à quel point il sera difficile de contenir la généralisation du travail dominical dans 15 à 20 % de nos communes.
Contrairement à ce qu'affirme notre rapporteur, il n'est pas exact de dire que « En dix ans il n'y a eu que trente communes touristiques de plus. » La vérité est que depuis l'entrée en vigueur de la loi du 14 avril 2006, soit depuis mars dernier, 150 communes ont déjà demandé à bénéficier du classement au titre de commune touristique. Rien ne permet non plus d'affirmer que les demandes de dérogations permanentes ne se feront qu'à « la marge ». Nous jugeons plus probable un effet de contagion, une extension des dérogations par capillarité, particulièrement dans le contexte regrettable entretenu depuis des années d'une concurrence des territoires.
La situation apparaît d'autant plus inacceptable que le texte stipule, rappelons-le, que l'ouverture sera « de droit » pour tous les commerces et ne sera plus cantonnée à la saison touristique, ce qui aura pour conséquence de mettre en péril les accords existants et conduira une part sans cesse croissante de nos concitoyens à travailler le dimanche, sans compensation d'aucune sorte et sans requérir au préalable l'accord du salarié. Autrement dit, il ne sera pas ici question de volontariat.
Autrement dit, il ne sera pas question ici de volontariat.
En d'autres termes, nonobstant vos protestations, de bonne ou de mauvaise foi, le dimanche deviendra bel et bien, selon les termes de votre texte et si nous nous en tenons à sa rédaction actuelle, un jour comme les autres. Cette issue est d'autant plus probable que cela a toujours été votre objectif. Vous prétendez vouloir le statu quo, mais cela signifie modifier la loi pour rendre légales des pratiques illégales.
Depuis le départ, vous voulez en effet, au nom de la sécurité juridique, protéger et couvrir les pratiques de patrons qui se sont délibérément mis en marge de la loi. Inutile de vous dire que nous ne vous suivrons pas dans cette voie, par laquelle, pour le bénéfice d'une poignée d'enseignes, vous nous proposez de piétiner, une nouvelle fois, le droit du travail et de remettre en cause l'un des piliers, selon moi, de l'ordre républicain, à savoir le repos dominical, point de repère collectif structurant du pacte social. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous entamons aujourd'hui un débat qui nourrit la chronique depuis plusieurs mois.
Pour des raisons à la fois culturelles, spirituelles, familiales ou sociales, le dimanche est un jour différent des autres. Les réactions aux dérogations au repos dominical sont donc vives, contrastées, passionnées, voire caricaturales, comme nous avons pu le constater depuis le début de nos débats.
Le Conseil économique et social a relevé la spécificité du dimanche dans son avis rendu en 2007 sur les mutations de la société et les activités dominicales. Le dimanche joue un rôle de marqueur, autant sociétal que social. Dans son avis, le CES a insisté sur le fait que cette journée « symbole du temps pour soi », constituait un repère pour nos concitoyens pris dans une société en perpétuel mouvement. C'est parce qu'il partage ce point de vue, que le groupe Nouveau Centre est très clairement opposé à toute démarche de généralisation du travail le dimanche ; j'ai eu l'occasion de le répéter à plusieurs reprises.
Notre conception de la vie en société nous amène, en effet, à considérer que l'économie doit être au service de l'homme et non l'inverse. Le dimanche doit donc conserver sa spécificité.
Selon nous, il est indispensable qu'un jour de la semaine soit consacré, de façon collective, à des activités situées en dehors du champ purement économique. Nous croyons à la nécessité de disposer d'un jour, le même pour tous, en tout cas pour le plus grand nombre, pour se « poser », échanger avec ses proches, parents ou enfants, au coeur de la famille, ou s'éveiller à la culture et au sport.
Nous croyons à l'utilité d'une journée consacrée à l'engagement pour les autres, au sein du monde associatif toujours en recherche de bénévoles, afin de faire vivre des projets ou animer des communes.
Nous croyons qu'il est essentiel qu'un jour de la semaine fasse sens. C'est la raison pour laquelle, pour le groupe Nouveau Centre, le repos dominical doit rester la règle et le travail, l'exception.
Le principe du repos le dimanche est gravé dans le marbre législatif depuis 1906 et doit le rester.
Nous ne retracerons pas ici l'histoire du dimanche chômé, quelque peu tumultueuse, notamment en raison de ses liens historiques avec les pratiques religieuses. La remise en cause de la place de la religion dans la société a pu ainsi, parfois, s'accompagner de celle du caractère chômé du dimanche.
Le dimanche entendu comme jour de repos a, de ce fait, longtemps fluctué entre des législations successives et contradictoires, entre usages tolérés et exceptions propres aux spécificités de certaines activités.
Néanmoins c'est bien, ici, le moment et le lieu de rappeler que le principe du repos hebdomadaire, puis du repos dominical fait partie des conquêtes sociales qui figurent dans notre législation. Pour autant, on compte pas moins de 180 dérogations qui ont été introduites par des gouvernements de tous horizons politiques – j'en ai fait la démonstration tout à l'heure –,…
…ce qui devrait avoir pour effet de tempérer les critiques que nous entendons, particulièrement, à la gauche de cet hémicycle, n'est-ce pas monsieur Brard ?
Pour ma part, j'ai toujours le même point de vue ! Je ne suis pas une girouette, même par sur le clocher de Hem !
La vigueur du débat autour du principe du repos dominical et l'intensité de la polémique entretenue ces derniers jours auraient presque pour effet de laisser croire que les dérogations contenues dans cette proposition de loi seraient les premières...
…et qu'elles ouvriraient une brèche dans un principe intangible qui n'aurait jusqu'ici pas connu d'autre exception.
Or la réalité est tout autre : le repos dominical est, depuis maintenant un peu plus d'un siècle, un principe d'organisation sociale reconnu par la loi. Pour autant, le législateur a toujours fait preuve de pragmatisme, en reconnaissant qu'il pouvait exister des dérogations à ce principe.
D'où la liste des 180 dérogations actuellement en vigueur.
Ces dérogations peuvent être permanentes dans certains établissements industriels et fondées sur des considérations techniques qui nécessitent un processus continu de fabrication.
C'est le cas lorsque sont utilisées des matières susceptibles d'altération ou lorsque la moindre interruption de travail entraînerait la perte ou la dépréciation du produit en cours de fabrication.
Notons que ces dispositions, qui figurent dans notre code du travail, prévoient également, pour les entreprises industrielles, la possibilité d'organiser, pour des raisons économiques, le travail de façon continue, par accord collectif étendu ou accord d'entreprise.
De même, des dérogations de droit s'appliquent dans les établissements commerciaux et de services. Elles visent des activités nécessaires à la satisfaction de besoins essentiels ou d'activités propres au dimanche ; des activités qui permettent d'entretenir une vie sociale. Sont ainsi concernés les boulangeries-pâtisseries, les charcutiers-traiteurs, mais aussi les magasins de fleurs et les jardineries, les établissements de santé et de soins, les entreprises de presse et les activités liées à la publication, l'impression et la distribution.
Sont aussi concernées les entreprises de spectacle, les parcs d'attraction, les centres culturels, les services de transport, de péage, les services de sécurité, de dépannage d'urgence ou de maintenance, des services liées aux activités touristiques.
On le voit bien, et sans être exhaustif,…
…il s'agit de professions très diverses, qui contribuent à faire du dimanche un jour d'activité et de production de biens et de services en direction de la population.
Mon énumération serait incomplète si je ne citais pas les activités de service public, dont la continuité, 7 jours sur 7, est essentielle pour la population comme les activités de soins ou de sécurité publique.
C'est ainsi qu'un peu plus de sept millions de personnes travaillent, occasionnellement ou régulièrement, le dimanche,…
…sans pour autant que le principe du repos dominical soit remis en cause.
C'est dans cette perspective que doit s'inscrire la proposition de loi qui nous est soumise. Nous souhaitons que, à travers ce texte, s'exprime la volonté de prendre en compte les nouvelles attitudes de nos concitoyens à l'égard du dimanche.
Introduire davantage de cohérence dans une réglementation pour le moins confuse et tenir compte des évolutions des modes et habitudes de vie de nos concitoyens relèvent, après tout, du rôle du législateur. C'est tout l'intérêt de cette proposition de loi, dont il faut avoir l'honnêteté de reconnaître qu'elle ne procède pas à une généralisation du travail dominical.
Nous avons cependant un regret, monsieur le ministre. Le sujet du repos dominical est abordé par le biais d'une proposition de loi qui, à notre sens, n'aborde que partiellement la question, et dont l'impact sur la nécessaire clarification des régimes dérogatoires au repos dominical risque de ce fait, d'être limité. En effet, en laissant exister des contreparties différentes, accordées aux salariés selon que l'établissement relève d'une dérogation de plein droit ou d'une dérogation individuelle, cette proposition de loi laisse subsister deux catégories de salariés du dimanche.
Dans l'intérêt des établissements concernés, nous comprenons qu'il ne peut être question d'appliquer brutalement un lissage des conditions de rémunérations des salariés travaillant actuellement le dimanche, mais cette harmonisation aurait dû et aurait pu s'envisager en donnant, aux partenaires sociaux concernés, le temps de trouver les voies et moyens d'y parvenir, sans menacer les équilibres économiques des entreprises concernées.
Nous souhaitons, d'ailleurs, que, là où des dérogations légales ne prévoient pas de contreparties, mais où s'appliquent des accords collectifs en ce sens, il puisse y avoir des négociations pour rapprocher les contreparties encadrées par ces accords, de celles apportées par la présente proposition de loi.
De même, nous voulons que là où n'existent pas d'accords définissant les contreparties au travail dominical, des négociations puissent s'entamer entre partenaires sociaux, pour que des contreparties puissent être fixées au mieux des réalités de la branche professionnelle concernée. Nous avons déposé un amendement en ce sens.
En tout état de cause, cet exemple montre bien que la réglementation sur le repos dominical doit être abordée avec précaution, pour clarifier, réellement, dans l'intérêt du salarié comme de l'entreprise, une réglementation complexe.
Ce texte a au moins un mérite, monsieur Brard : il nous amène, non à remettre en cause notre réglementation sur le repos dominical, mais à l'adapter en tenant compte des attentes nouvelles générées par les évolutions de notre société.
En effet, la satisfaction des besoins relève, désormais, plus largement de l'économie marchande,…
…et la différence des modes de vie est plus prégnante entre grands centres urbains, villes moyennes et secteurs ruraux.
Ces évolutions, le Conseil économique et social les a relevées dans son avis et il en a conclu « qu'il n'y a plus de dimanche unique pour tout le monde, mais une diversité, nouvelle et de plus en plus grande, des besoins et des comportements. » Tout l'enjeu de notre débat est donc de concilier ces attentes nouvelles avec le principe du repos dominical.
Dans ce cadre préalablement défini, la loi peut ainsi s'adapter aux situations territoriales spécifiques. La question de l'ouverture dominicale des commerces peut, notamment, s'avérer essentielle dans les zones frontalières. Il est, en effet, difficile d'accepter que des personnes aillent s'approvisionner à quelques centaines de mètres au-delà de nos frontières nationales, alors que, sur notre territoire, les rideaux doivent rester baissés.
Sur ce point, le texte de la proposition de loi introduit une possibilité de dérogation qui va dans le sens de nos propositions.
De même, l'ouverture des commerces le dimanche peut trouver une cohérence dans les zones à forte attractivité touristique.
Faisons comme à Baden-Baden où tout est fermé à partir du samedi midi !
Sur ce sujet, subsiste néanmoins une source d'incompréhension sur l'étendue de la dérogation créée par le texte, qui propose que le travail dominical soit pratiqué, de droit, dans les établissements situés en communes touristiques ou zones touristiques d'affluence exceptionnelle.
Nous avons, en particulier, entendu les interrogations sur la notion même de communes touristiques : les dérogations créées par la proposition de loi ont-elles vocation à s'appliquer à l'ensemble des communes touristiques ? Au regard de la rédaction actuelle du texte, cette interrogation est légitime et nous sommes en droit de nous y attarder un peu.
Il y a, en effet, bien lieu d'opérer une distinction entre les communes touristiques, telles qu'elles sont visées par le code du tourisme et celles concernées par le code du travail. Les articles L. 133-11 et 12 et R. 133-32 et suivants du code du tourisme nous apportent un début de réponse.
Sont ainsi déclarées communes touristiques, celles qui mettent en oeuvre une politique du tourisme et qui offrent des capacités d'hébergement pour l'accueil d'une population non-résidente, ainsi que celles qui bénéficient, au titre du tourisme, de la dotation supplémentaire ou de la dotation particulière identifiées au sein de la part forfaitaire de la DGF.
Les dispositions réglementaires précisent qu'elles doivent disposer d'un office de tourisme classé, organiser en périodes touristiques des animations compatibles avec le statut des sites ou des espaces naturels protégés, notamment dans les domaines culturel, artistique, gastronomique ou sportif. Enfin, elles doivent disposer d'une capacité d'hébergement d'une population non permanente, selon des critères strictement encadrés sur le plan réglementaire.
De son côté, le code du travail, dans ses articles L. 3132-25 et R. 3132-18 et suivants, envisage, en définissant les communes touristiques, celles qui accueillent, pendant certaines périodes de l'année, une population supplémentaire importante en raison, soit de leurs caractéristiques naturelles, artistiques ou historiques, soit de l'existence d'installations de loisirs ou thermales à forte fréquentation.
Là encore, c'est en fonction de critères réglementaires, différents des critères établis par le code du tourisme, que peut s'opérer le classement en commune touristique.
Nous sommes bien là face à des différences de définition, qui ont pour conséquence directe qu'une même commune peut être considérée comme étant touristique au sens du code du tourisme sans l'être nécessairement au sens du code du travail.
Par ailleurs, les dispositions de la proposition de loi précisent que c'est au maire qu'il revient de proposer au préfet le classement de la commune en commune touristique, ce qui constitue, pour nous, une garantie de nature à éviter un recours trop extensif à ce type de classement.
Il est vrai que la rédaction de la proposition de loi, suivant celle du code du tourisme et du code du travail, comporte un risque de confusion dénoncé à plusieurs reprises. Sont en effet désignées sous un même vocable deux réalités différentes.
Dans un but de clarification, nous avons donc proposé un amendement, adopté en commission, afin de mieux établir la distinction entre les différents codes.
En tout état de cause, nous souhaitons vivement que le débat permette de lever les interrogations sur ce point. Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour nous apporter les éclairages nécessaires.
De la même manière, nous tenons à ce que les salariés actuellement concernés par le travail dominical ne voient pas les contreparties dont ils bénéficient par accord collectif remises en cause par les dispositions de la proposition de loi. Nous défendrons un amendement sur ce point afin que des garanties nous soient apportées.
Le texte introduit également une possibilité de déroger au repos dominical dans les grandes agglomérations urbaines où existe un périmètre d'usage de consommation de fin de semaine.
Il s'agit d'adapter notre législation aux réalités de la vie quotidienne de nos concitoyens alors que le dimanche constitue souvent l'occasion de prendre du temps pour effectuer des achats spécifiques en famille.
Il ne peut s'agir là que d'adaptations limitées, monsieur Brard. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que ce débat permette de réaffirmer que seuls les usages actuels sont concernés, de manière à éviter toute extension abusive des dérogations au repos dominical.
Pour le groupe Nouveau Centre, le travail dominical reste en effet une exception, qui doit être encadrée par des garanties et faire l'objet de contreparties. Ce sera notre exigence dans le cadre de ce débat parlementaire.
Si l'on admet que le dimanche n'est pas un jour comme les autres, il faut alors accepter que l'on ne puisse pas travailler le dimanche comme s'il s'agissait d'un jour comme un autre. Les dérogations au repos dominical doivent d'abord être encadrées par des garanties économiques fortes.
Les risques de distorsion de concurrence, notamment aux dépens du petit commerce et de l'artisanat confrontés au rouleau compresseur de la grande distribution, doivent être impérativement circonscrits. À cet égard, la décision d'exclure les grandes surfaces alimentaires du dispositif de dérogation nous semble constituer un premier gage de sécurité de nature à assurer la protection et la pérennité du commerce de proximité.
Nous attendons du rapporteur comme du Gouvernement des assurances complémentaires sur ce point.
Par ailleurs, laisser l'initiative de l'ouverture des magasins le dimanche aux conseils municipaux, en particulier dans les périmètres d'usage de consommation exceptionnel, c'est confier une responsabilité aux élus locaux, …
…lesquels ont le plus de légitimité pour évaluer les besoins de la population, après consultation des différents acteurs concernés. C'est aussi leur permettre d'évaluer les conséquences économiques et sociales d'un tel choix sur leurs territoires.
Parce que le dimanche n'est pas un jour comme les autres, les dérogations au repos dominical doivent surtout être accompagnées de contreparties sociales significatives.
Le groupe Nouveau Centre tient à ce que les droits des salariés concernés par le travail le dimanche soient confortés afin que la liberté individuelle coïncide d'abord avec des garanties salariales renforcées par la négociation collective.
Pour nous, le salarié qui accepte de travailler le dimanche doit bénéficier d'une rémunération à la hauteur de l'effort consenti. Le principe d'équité nous enjoint de lutter contre toute discrimination entre salariés du dimanche. Nous proposerons des amendements visant à éviter cet écueil.
Par ailleurs, le libre choix du salarié constitue, à nos yeux, la condition préalable fondamentale à l'instauration de nouvelles dérogations au repos dominical. C'est la raison pour laquelle nous avons tenu à ce que le caractère volontaire de la démarche soit expressément mentionné dans le texte, de même que l'accord écrit du salarié. Nous estimons qu'un droit de réversibilité permettant à chacun de revenir sur sa décision doit également être assuré par le texte.
La question se pose cependant des conditions dans lesquelles cette réversibilité peut être effective lorsqu'un salarié est embauché dans un établissement dont l'activité se déroule exclusivement ou principalement le dimanche. Ce point précis nécessite, monsieur le ministre, une clarification.
Tel est, mes chers collègues, l'état d'esprit dans lequel le groupe Nouveau Centre aborde l'examen de ce texte : nous faisons des propositions concrètes destinées à garantir les droits des salariés, loin des visions caricaturales exposées ce matin ou cet après-midi.
Nous approuvons le Conseil économique et social quand il note que « si l'on peut reconnaître qu'un choix peut être contraint, il faut aussi reconnaître que le choix du travail le dimanche peut être totalement libre, délibéré et souhaité. » Nous estimons en effet que, dès lors que de strictes limites sont posées, le législateur ne peut se substituer à la volonté d'un salarié de travailler le dimanche pour augmenter son pouvoir d'achat.
De la même façon, le législateur n'a pas vocation à empêcher un salarié de se rendre sur son lieu de travail lorsqu'un consensus s'est formé au niveau local entre les partenaires sociaux, les élus, les entreprises et les consommateurs. Le législateur doit également garantir à celui qui veut garder un jour pour lui la liberté de consacrer son dimanche à des activités non marchandes.
Il n'y a pas de dimanche unique ; il n'y a donc ni vision unique, ni position unique sur ce sujet.
En ce qui concerne notre groupe, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, sachez que si les amendements que nous avons présentés, adoptés pour certains en commission, sont adoptés en séance, une large majorité des membres du Nouveau Centre votera en faveur de ce texte.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis ce matin, nous n'avons pas été convaincus par les arguments développés par l'opposition, qu'ils aient été exposés par M. Eckert ou par M. Ayrault, lequel non seulement n'a pas répondu à la proposition de loi mais s'est comporté de bien mauvaise manière à l'égard de M. Fabius en déflorant le discours qu'il doit prononcer demain ; mais il s'agit là d'un débat interne au groupe socialiste.
Pour notre part, c'est guidés par un fil rouge et quelques principes que nous abordons ce débat.
Le fil rouge, c'est la réaffirmation que le repos hebdomadaire reste fixé au dimanche et qu'il n'est pas question de généraliser le travail ce jour-là. Nous l'avons dit à plusieurs reprises ; c'est le socle même de cette proposition. Il est utile de le rappeler à un moment où pourrait s'introduire de la confusion dans les esprits.
Contrairement à ce que l'opposition laisse entendre, suggère, avance ou aimerait laisser croire, il ne s'agit pas de laisser la porte grande ouverte à la déréglementation du repos dominical. Ce sont là des arguments martelés selon de bonnes vieilles techniques pour troubler l'opinion, mais des idées fausses cent fois répétées ne font pas, nous le savons bien, une vérité. C'est peut-être d'ailleurs la raison pour laquelle le PS, figé dans sa langue de bois, a perdu une partie de son électorat populaire.
Dans cette proposition de loi, les dispositions du code du travail sont maintenues et font l'objet de quelques dérogations que personne ne conteste s'agissant des zones touristiques, de la possibilité d'ouvrir les magasins le dimanche jusqu'à midi et des ouvertures exceptionnelles cinq dimanches par an. On ne saurait nier l'évidence : plus de sept millions de Français travaillent d'ores et déjà le dimanche, dans les hôpitaux, les commissariats, les services de secours, les restaurants ou les transports.
Qui ici a refusé, par principe, de prendre un train ou un avion le dimanche ? Parmi vous ou parmi les élus départementaux et les maires, qui a refusé d'assister le dimanche à des cérémonies ou à des représentations ayant pour conséquence de faire travailler les employés municipaux ? Vous le voyez, chers collègues, vous aussi, vous contribuez à alimenter le travail le dimanche. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
À l'instar des statuts particuliers de certaines professions, il existe, dans le code du travail, une autorisation légale à travailler le dimanche. Nous sommes déjà dans un système encadré.
Quelques principes nous guident dans notre soutien à la proposition de notre collègue Richard Mallié.
Sous l'effet de l'évolution des modes de vie, les habitudes ont changé, les comportements d'achat aussi. Les nouvelles technologies permettent de faire des achats en ligne, qui représentent désormais 40 % des achats. Le monde change, mes chers collègues, vous ne pouvez le nier.
D'ailleurs, quand ils sont interrogés sur ce point, nos concitoyens ne disent pas autre chose. Deux Français sur trois sont favorables à l'ouverture des magasins le dimanche selon un sondage réalisé récemment. En outre, 66 % des personnes interrogées approuvent l'extension du travail dans les commerces ce jour-là et 52 % des électeurs de la candidate au deuxième tour des élections présidentielles sont favorables à ce que l'on autorise tous les commerces à ouvrir « s'ils le souhaitent ». Les chiffres sont importants.
Distribuez donc votre discours dans votre circonscription, vous verrez si vous atteignez la même adhésion !
Vous le voyez, mes chers collègues, sur ce sujet, il faut éviter les postures, les idées reçues, les préjugés.
Quant aux moins de trente ans, selon un sondage du Parisien, 72 % d'entre eux sont favorables à l'ouverture le dimanche. Si la jeunesse parle ainsi, ne lui tournons pas le dos.
Il serait dommage que la représentation nationale soit à ce point décalée par rapport à la vie quotidienne des Français et à leurs attentes. C'est d'ailleurs un engagement de campagne du Président de la République, qui avait bien pris la mesure des mouvements de notre société avec lesquels vous vous montrez en porte-à-faux aujourd'hui.
La situation actuelle est contestable voire confuse : dans les zones touristiques, l'ouverture des magasins repose sur des critères devenus incompréhensibles. On cite souvent l'exemple caricatural des vendeurs de lunettes ou encore celui des vendeurs de chaussures, autorisés ou non à ouvrir leur magasin selon qu'ils vendent des chaussures de sport ou des chaussures de ville. Et sur les Champs-Elysées, la plus belle avenue du monde, fréquentée par des millions de touristes chaque année, la moitié des commerces est fermée le dimanche en raison de cette règle absurde du code du tourisme.
Pour les magasins de détail comme pour les marchés forains, chacun sait, pour en avoir fait l'expérience dans nos communes le dimanche matin, que la fermeture obligatoire intervient à midi. Il faudrait, là encore, apporter des correctifs.
Enfin, dans certaines agglomérations, des enseignes commerciales sont ouvertes le dimanche, certaines depuis fort longtemps selon un usage observé et admis, d'autres avec l'autorisation préfectorale.
Reconnaissons qu'il convient d'aménager cela, je dis bien « aménager » car c'est le sens de cette proposition que de proposer quelques aménagements aux règles existantes. Harmoniser le statut des zones touristiques ou ajuster les règles afin de mieux les adapter à Paris ne paraît pas si absurde lorsque l'on sait que notre pays reçoit 60 millions de touristes chaque année. Il s'agit également de prendre en compte le cas des zones ouvertes le dimanche selon un usage constaté, avec le soutien fort, constant et réaffirmé des salariés, je veux parler de Plan-de-Campagne, Thiais-Village, Eragny ; nous en avons eu la démonstration il y a quelques semaines.
Les périmètres d'usage de consommation exceptionnels seront considérés comme des périmètres d'usage de consommation de fin de semaine et, à la demande des assemblées délibérantes, les magasins seront ouverts le dimanche, après accord du préfet qui aura fixé le périmètre.
Il est un élément que l'on n'évoque pas assez et sur lequel nous devrions être tous d'accord sur ces bancs, c'est la liberté. Or le sens de ce projet repose précisément sur le volontariat, la liberté, les garanties, la juste rémunération du travail accompli et le droit de refus.
Il faut aborder ce texte sans idéologie partisane et sans effets de manches politiques. Vouloir chercher des clivages sur ce terrain est une erreur. Il suffit de se demander combien de salariés, de jeunes étudiants sont attachés à cette liberté sans laquelle seraient remis en cause leurs parcours universitaires, pour les plus modestes d'entre eux.
Sans doute, parmi nous, y a-t-il des personnes qui, comme moi, ont travaillé pendant leurs études pour finaliser un projet et soulager des parents qui n'avaient pas de moyens financiers suffisants.
Pourquoi aujourd'hui, dans le contexte économique difficile que nous connaissons, empêcher les demandeurs d'emploi de travailler ? Tout vaut mieux que le chômage.
Selon une formule célèbre, je dis : « N'ayez pas peur ! ». Ce n'est pas le grand soir que nous proposons.
Juste des mesures de bon sens que le groupe UMP soutient fort légitimement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le rapporteur, relire les débats et les interviews qui ont accompagné chacune de vos quatre initiatives sur le travail dominical est un exercice surprenant. Voilà quelques mois, c'est le coeur hardi que vous lanciez une croisade pour moderniser une France enserrée par des lois « d'un autre siècle », une campagne pour une liberté de consommer qui était « plébiscitée par les Français », mais aussi le droit de travailler plus pour – croyait-on encore à ce moment-là – gagner plus.
Aujourd'hui, votre fougue a disparu. Si l'on en croit votre timide exposé des motifs et le plan de communication prudent du Gouvernement, ce n'est plus qu'un petit texte d'adaptation, presque technique, qui ne viendrait régler que « quelques situations urgentes ».
Presque rien : un seul article, dont on discute au coeur de l'été, quand nos concitoyens, ceux qui le peuvent encore, sont sur les plages. Il s'agit d'ailleurs non plus de « rénover » ou de « redéfinir » les dérogations au travail dominical, mais, bien au contraire, de « réaffirmer le principe du repos dominical ».
Peut-être ces changements de pied sémantiques auront-ils été suffisants pour faire « bouger les lignes » au sein de l'UMP. Pour notre part, nous ne sommes pas dupes et nous ne vous reprocherons pas de manquer de persévérance. Quels que soient le titre et le contenu que vous voudrez donner à votre proposition de loi, votre intention de libéraliser le travail du dimanche nous apparaît constante, et notre détermination à la combattre l'est tout autant.
Nous contestons en premier lieu les conditions dans lesquelles cette proposition nous est aujourd'hui soumise ; elles violent les principes que votre majorité a elle-même édictés. Je rappelle les termes de la loi de modernisation du dialogue social, présentée par M. Jean-Louis Borloo et votée ici même le 12 décembre 2006 : « Tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle [...] fait l'objet d'une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs ».
Certes, monsieur le rapporteur, vous me répondrez que ce texte d'origine parlementaire n'est pas, par définition, un projet du Gouvernement. En fait nous n'avions pas compris que la « coproduction législative » revendiquée par votre groupe visait en réalité à exonérer le Gouvernement de ses obligations et de ses engagements !
L'ouverture d'une concertation préalable avec les organisations syndicales et patronales aurait démontré – ce que vous avez d'ailleurs certainement constaté comme nous lors de nos auditions parlementaires – que tous les syndicats de salariés sont hostiles à cette extension du régime de dérogation. Ils sont rejoints dans cette opposition à votre proposition par un grand nombre d'organisations patronales et d'unions professionnelles.
Ainsi, la CGPME qui parlait en décembre « d'un texte dangereux pour notre tissu commercial et, au-delà, pour notre modèle sociétal tout entier », vous rappelle aujourd'hui qu'un « hypothétique gain de pouvoir d'achat » serait « totalement illusoire ». L'Union professionnelle artisanale, premier employeur de France, considère de son côté que la dérégulation du travail dominical « détruirait des dizaines de milliers d'emplois », tandis que la Confédération des commerçants de France dit ne pas comprendre votre « acharnement à vouloir faire mourir les commerces de proximité et de centre-ville ».
Les conséquences de votre proposition sur l'emploi sont bien évidemment un sujet majeur et, nous le regrettons, un sujet qui divise. Nous le regrettons car si le Gouvernement avait attendu le 1erseptembre pour légiférer sur le sujet au lieu de passer en douce durant l'été, il aurait dû, conformément à l'article 39 de la Constitution, qu'il a lui-même fait voter – prétendument pour renforcer le Parlement – produire une étude d'impact sur la question.
La représentation nationale ne peut, sans cette étude, considérer avec vous, monsieur le rapporteur, que « la majorité des achats effectués le dimanche sont exclusifs à cette journée » et que cela constituerait « un levier important pour l'économie », comme vous le prétendiez en décembre. Nous le pouvons d'autant moins que les études réalisées à ce sujet tendent à démontrer exactement le contraire.
Ainsi, contrairement à ce que vous affirmiez, sur les quatre hypothèses étudiées par le CREDOC à la demande de Bercy, trois concluent à une destruction globale d'emploi, pouvant atteindre jusqu'à plus de 20 000 emplois supprimés.
La seule hypothèse créatrice d'emplois – 8 000 – supposerait un transfert massif de l'épargne des ménages vers la consommation. Or rien, monsieur le rapporteur, ne permet aujourd'hui de prédire un tel transfert. On voit mal, dans la situation de crise économique et sociale qui nous frappe, comment les Français pourraient dépenser le dimanche l'argent qui leur manque les six autres jours de la semaine.
On le voit d'autant moins que la France, face à cette crise, a fait le choix d'un plan de relance qui ignore la consommation des ménages.
Pour le CREDOC, « l'effet sur la. demande globale adressée au commerce devrait être limité ». En effet, 43 % des Français utiliseraient ces nouvelles ouvertures pour transférer leurs achats de la semaine vers le dimanche, confirmant l'étude du Conseil économique et social, qui démontre que les commerces ouverts le dimanche perdent 30 % de leur chiffre d'affaire du samedi. Par ailleurs 81 % de nos concitoyens déclarent que cela n'augmenterait en rien leur budget destiné à la consommation.
Les études menées dans les pays qui, comme les Pays-bas, l'Allemagne ou le Canada, ont libéralisé l'ouverture dominicale des commerces, parviennent au même résultat : l'effet sur la demande est un jeu à somme nulle, mais pas sans conséquences sur la structure de l'emploi et des réseaux de distribution.
En effet dans tous les scénarios, y compris le plus favorable, nous devrons faire face à une vague de suppressions d'emplois dans le petit commerce, qui perdrait, selon les hypothèses, entre 16 000 et 40 000 salariés. Ce sont des dizaines de milliers d'emploi qui seront demain menacés et ce sont des milliers de petites entreprises commerciales qui se retrouveront fragilisées. Le pire est que vous en avez conscience…
… puisque vous avez consenti à en exclure les grandes surfaces alimentaires au nom de la défense du petit commerce. Mais alors pourquoi sacrifier le petit commerce non alimentaire ?
Vous prétendez par ailleurs défendre la liberté des consommateurs, mais la seule garantie de leur liberté de choix, c'est la coexistence de diverses formes de commerces. Pourquoi devrions-nous leur imposer le modèle unique de la grande distribution et des franchises, qui dicteront plus encore leur loi à leurs fournisseurs, c'est-à-dire à nos PME ?
Votre réponse est somme toute simple et claire : pour régler la situation d'enseignes qui, pour avoir ouvert illégalement en région parisienne ou dans les Bouches-du-Rhône, ont été régulièrement condamnées pour infraction au droit du travail, c'est-à-dire au droit de la République, vous demandez à l'Assemblée nationale de discuter d'un texte qui vole aux secours de leurs intérêts particuliers et de leur offrir une loi d'amnistie. Que sont en réalité les « usages de consommation de fin de semaine » si ce n'est une délinquance sociale multi-récidiviste depuis, vous le dites vous-mêmes, vingt ou quarante ans ?
Oui, monsieur le rapporteur, votre proposition de loi résoudra les difficultés judiciaires de ceux qui violent aujourd'hui nos lois et le droit de leurs salariés.
Mais combien de nouvelles enseignes va-t-elle pousser à braver à leur tour le principe du repos dominical que vous prétendez réaffirmer ? Il est d'ailleurs surprenant de constater que, pour vous, il n'y a de concurrence entre deux zones commerciales que lorsque celles-ci sont séparées par une frontière.
Comment les magasins situés à proximité des PUCE et des communes touristiques vont-ils réagir face à cette concurrence qu'ils jugeront déloyale ? Sur quels critères, à partir de combien de condamnations, de quel niveau de chantage à l'emploi, devrons-nous considérer qu'il y a, là aussi, un « usage de consommation » qu'il conviendrait de dépénaliser ?
Nombreux sont, sur les bancs de la majorité, les députés qui refusent toute extension du travail dominical dans leur circonscription mais que, au fond, vous avez convaincus de ne pas en dégoûter les autres ! Pourtant, nous ne voyons pas dans vos PUCE d'évolution significative par rapport aux ZACE de décembre. Et ce sera encore bien pire pour les communes touristiques où l'ouverture dominicale sera de plein droit, sans condition de saisonnalité, sans limitation du nombre d'ouvertures et, surtout, sans volontariat ni aucune contrepartie pour le salarié.
Je suis désolée, monsieur Le Fur, mais lorsque vous expliquez votre ralliement par le fait que cette loi ne changera rien pour les communes touristiques de Bretagne, vous vous trompez : à Lannion, à Paimpol, à Dinan ou à Saint-Malo, les commerces ne peuvent aujourd'hui ouvrir le dimanche qu'en période d'activité touristique, et uniquement pour commercialiser des biens et services « destinés à faciliter l'accueil » des touristes. Deux précautions que vous avez pris la peine de gommer du code du travail de telle sorte que, si ces communes veulent conserver leurs dérogations, celles-ci seront dorénavant valables tous les dimanches et pour tous les commerces. Le touriste est sauvé : il pourra enfin, grâce à vous, acheter un aspirateur à Quiberon le dimanche 18 octobre !
M. Meunier, qui n'est pas là, justifie son ralliement par le fait qu'il a sauvé les Lyonnais des bienfaits du travail dominical que vous vantez pour les Parisiens, les Marseillais et les Lillois. Or il se trompe tout autant. Ce n'est pas le vieux Lyon – comme cela a été déclaré dans la presse régionale – qui est aujourd'hui classé en zone touristique, mais bien, et depuis 1921, l'ensemble de la commune.
Alors vous me répéterez que ce n'est pas la même liste,..
Je tiens cette liste à votre disposition.
Même si, depuis 2006, la procédure est unifiée et dépend d'un même décisionnaire, le préfet, celui-ci peut décider qu'une commune est à la fois touristique et non touristique, selon les listes. Néanmoins je vous annonce d'ores et déjà que les enseignes lyonnaises qui voudront ouvrir le dimanche le feront, en s'appuyant sur votre texte et en défendant l'idée, confirmée par ce document gouvernemental, que Lyon est une commune touristique.
Peut-être la jurisprudence leur donnera-t-elle raison et vous aurez alors accepté bien pire que ce que vous refusiez en décembre. Même si elle leur donne tort, votre texte permettra demain le classement de l'agglomération lyonnaise en PUCE pour peu qu'un préfet fatigué de ces contentieux considère que ces ouvertures illégales créent un usage de consommation.
Mes chers collègues, refusez cette idée stupide selon laquelle l'intérêt général des Français irait exactement à l'inverse de l'intérêt des habitants et des travailleurs de vos circonscriptions. Ouvrez les yeux : voter cette proposition de loi serait mettre le doigt dans l'engrenage de la généralisation du travail du dimanche.
Nous ne sommes pas les seuls à le penser, puisque les syndicats, en particulier le secrétaire général de la CFDT, dénoncent eux-mêmes ce risque de dérive.
Nous ne débattons pas là du droit pour les touristes d'acheter des lunettes sur les Champs-Élysées, mais d'un véritable choix de société dans lequel nous ne voulons pas engager notre pays.
Défendre le repos dominical, ce n'est pas défendre un simple jour de repos, un jour pour soi ; c'est préserver un jour de partage, où l'on se repose ensemble ; c'est considérer que l'homme et la femme ne s'émancipent pas uniquement par leur progression professionnelle, mais également dans les moments passés en famille ou avec des amis, autour d'une table, en pleine nature, dans une salle de sport ou dans un musée.
Vous ne pouvez ignorer, monsieur le rapporteur, que près de 55% de nos concitoyens sont hostiles au travail dominical – lisez Libération d'aujourd'hui – et que, pour 80 % d'entre eux, le dimanche doit rester un jour différent des autres, un jour où l'on ne travaille pas. Vous ne pouvez pas davantage ignorer que vos plus farouches opposants sont justement les premiers concernés, à savoir les salariés du commerce et leurs proches.
Par delà leurs convictions philosophiques et religieuses, les Français sont attachés au repos dominical qui n'est pas, contrairement à ce que vous prétendiez ce matin, monsieur le rapporteur, « issu de la tradition chrétienne ». C'est un acquis social accordé en 1906 par une République qui se proclamait déjà laïque, à une époque où le droit au repos et à la famille était supérieur au droit à travailler plus. C'est un progrès qui venait clore vingt-cinq ans de luttes syndicales dans le secteur des grands magasins où 45% des employés n'atteignaient pas quarante ans.
Non, monsieur le ministre de la relance, la laïcité n'a jamais fait reculer les droits collectifs au nom de la neutralité religieuse. Elle a permis au contraire de construire un socle de droits et de devoirs communs à l'ensemble des citoyens en transcendant les pratiques et les normes sociétales issues des traditions religieuses pour bâtir cette société que l'on nomme République.
Le droit à profiter de sa famille et de ses amis n'a pas de prix et dépasse les inégalités de revenus. Votre proposition de loi rompt l'égalité devant cette liberté au nom d'un « volontariat » qui n'en est pas un. Anna Sam, cette ancienne caissière devenue écrivain, riche de son expérience dans les grandes surfaces, vous demande d' « arrêter de prendre les salariés pour des idiots » : « Nous avons vécu le même phénomène avec les jours fériés » – expliquait-elle la semaine dernière au Nouvel observateur – « ceux qui travaillent à Pâques ou à la Toussaint sont la plupart du temps obligés de le faire, soit parce qu'ils y sont fortement incités par leur direction, soit parce qu'ils ont besoin de 50 euros de plus à la fin du mois ».
Ce ne sont pas les salariés les plus investis dans leur métier qui choisiront de travailler le dimanche, et vous le savez bien, ni ceux qui s'y épanouissent le plus ou qui ont le plus de temps à y consacrer. La liberté de choix est une illusion dès lors que le « volontariat » n'est rien d'autre que la contrainte économique. Les travailleurs du dimanche, ceux qui devront sacrifier leur vie familiale et sociale sur l'autel de la nécessité, ce seront les travailleurs pauvres, les chômeurs, les précaires. Les premières victimes de votre loi, ce sont eux, ; je devrais plutôt dire, ce sont elles.
En effet comment ignorer que 62 % des salariés de la grande distribution sont des femmes, souvent des mères célibataires ? Comment ignorer que 51 % d'entre elles y travaillent à temps partiel ? Comment, avec un salaire net mensuel moyen de 750 euros, pourraient-elles se permettre de refuser un jour de travail supplémentaire, fût-il le dimanche ?
Ce texte porte un coup sévère à l'égalité entre les hommes et les femmes qui, non contentes d'occuper les emplois les moins valorisants socialement et les moins rémunérateurs, non contentes d'être davantage soumises à la précarité et à l'insécurité sociale que leurs collègues masculins, devront, en plus, renoncer à leur équilibre familial.
Comment une loi peut-elle prétendre monétiser le temps réservé à la famille ? Comment peut-on demander à des parents de choisir entre le temps consacré à leurs enfants et les moyens de les nourrir ? Combien vaut, aux yeux d'un enfant, une journée passée en famille ? Et combien coûte, à notre société, l'absence de cette famille ? On ne peut pas, d'un côté, détruire les repères qui structurent nos enfants – l'école, le tissu associatif, la famille – et, de l'autre, s'interroger sur l'abaissement de leur majorité pénale. Les pères et les mères jouent évidemment le premier rôle dans l'éducation des enfants, un rôle qui dépasse largement la simple obligation financière. Or le repos dominical est l'un des outils qui leur permet aujourd'hui de l'assumer.
Nous ne voulons pas de cette société où le plaisir individuel des uns s'imposerait au bien-être familial des autres. Nous n'en voulons pas pour les travailleurs, mais nous n'en voulons pas davantage pour les consommateurs. Les parents ont mieux à faire le dimanche que de traîner leurs enfants dans les centres commerciaux où ils pourraient succomber à la tentation de l'hyperconsommation et devront gérer la frustration de ne pas toujours pouvoir acheter ce qu'ils souhaitent. Ils ont d'autres valeurs à leur transmettre que celle de l'argent, et d'autres plaisirs à partager que celui d'acheter.
« Il ne suffit pas à l'homme de consommer pour être heureux » disait le Président de la République au début de l'année dernière, lorsqu'il présentait sa « politique de civilisation ». Voilà au moins un point sur lequel nous sommes d'accord. La crise mondiale, aux multiples composantes économiques, sociales, écologiques, est celle d'un système qui a érigé la satisfaction immédiate des plaisirs matériels en dogme, qui a creusé les inégalités, aggravé l'endettement, gaspillé nos ressources naturelles et sacrifié notre qualité de vie collective au bonheur de l'individu.
Cette crise appelle un changement de système, ce qui suppose d'en bouleverser les valeurs. Nous devons entrer dans l'ère de la consommation maîtrisée, soutenir des modes de consommation durables, en privilégiant la qualité à la quantité, l'acte d'achat raisonné à l'acte d'achat impulsif, les circuits courts de distribution à la standardisation mondialisée. Ces objectifs, qui sous-tendent la démarche entreprise par notre pays dans le Grenelle de l'environnement, ne sont pas compatibles avec le modèle du « tout grande distribution » que vous nous proposez avec le travail du dimanche.
Bien au contraire, l'ouverture généralisée des zones commerciales le dimanche suffirait à elle seule, du fait de leur consommation en électricité, à annuler les économies d'énergie réalisées par le passage à l'heure d'été, sans parler de l'essence consommée par les salariés et les clients pour se rendre dans les grands centres commerciaux situés hors des villes, de la nécessité d'élargir l'offre de transports collectifs pour les desservir, de développer de nouvelles capacités logistiques pour les livrer sept jours par semaine, sans oublier non plus la consommation des petites boutiques et des fournisseurs de services souvent présents dans ces centres commerciaux et tout aussi concernés par votre texte.
La législation actuelle satisfait l'essentiel de nos concitoyens. Grâce aux dérogations prévues, les saisonniers peuvent optimiser leur activité et les commerçants affronter les périodes de fortes demandes comme les fêtes de fin d' année. Ceux qui le souhaitent - et vous citez les étudiants – peuvent ainsi arrondir leurs fins de mois, en particulier dans le secteur de la restauration. Pour 75% des Français, les horaires d'ouverture des lieux de vente sont aujourd'hui suffisants.
Pourquoi devrions-nous rompre ce compromis ? Vos arguments, monsieur le rapporteur, ne suffisent guère à nous convaincre du bien-fondé d'un texte aux visées purement idéologiques, rédigé sans concertation avec les organisations syndicales et patronales, sans concertation avec les élus locaux. Votre proposition n'a d'autre ambition que de remettre dans la légalité ceux qui violent nos lois, sans tenir compte des conséquences économiques, sociales, sociétales, écologiques. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche s'opposera à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Bien que représentant, comme l'ensemble de mes collègues, la nation toute entière, je me concentrerai aujourd'hui sur l'avenir de Paris, où se trouve ma circonscription. En effet, cet avenir parisien, tel que le dessine la proposition de loi de M. Mallié ne laisse pas d'inquiéter l'élue de la capitale que je suis.
Pourquoi avoir réservé à Paris un traitement de défaveur dont nous chercherions vainement à déterminer les fondements ?
Votre proposition de loi vise au premier chef l'agglomération parisienne, à travers les fameux périmètres d'usage de consommation exceptionnelle, les PUCE. Je ne reprendrai pas les nombreuses critiques constructives déjà avancées afin de conserver toute l'attention de M. le rapporteur.
Le classement de Paris en zone touristique a attiré l'attention de nombreux médias et serait l'une des priorités du Président de la République, afin de complaire à ses hôtes de marque. Le travail dominical, s'il est lié à des activités culturelles ou de loisir, est d'ores et déjà autorisé dans sept zones de Paris. Les modalités d'application de ces dérogations sont plutôt claires, même si certains, se fourvoyant, ont évoqué d'obscures histoires de trottoirs.
Ces zones existent et les Parisiens s'en félicitent. Elles permettent aux touristes d'évacuer leur fièvre consumériste sans pour autant banaliser le travail le dimanche. Strictement délimitées, elles ne nuisent pas à la répartition parisienne des commerces, qui fait en grande partie la richesse de notre capitale. La comparaison avec Londres, où le travail le dimanche est répandu, est éclairante : de nombreux expatriés Français, de retour à Paris, louent la diversité commerciale française, facilitée par la moindre déréglementation qui régnait jusque là dans notre pays.
Les sociologues observent d'ailleurs qu'en France les formes de consommation sont de plus en plus propres aux centres villes en partie grâce à cette diversité. En la remettant en cause et en favorisant les grandes enseignes qui seront plus à même de concurrencer les petits commerces, vous contrez les tendances en cours. Aujourd'hui, les commerces de bouche survivent au développement continu des grandes enseignes grâce au dimanche.
Or, si celles-ci peuvent les imiter en ouvrant désormais le dimanche, je crains fort qu'ils ne soient menacés à court terme, puisqu'elles vendent, elles aussi, de l'alimentaire entre autres produits.
L'adjointe au maire de Paris chargée du commerce aurait d'ailleurs pu vous le confirmer, mais vos consultations n'ont pas été, semble-t-il, aussi développées qu'elles auraient dû l'être. C'est la raison pour laquelle je vous renvoie au communiqué de presse d'aujourd'hui de M. Bertrand Delanoë, maire de Paris, dans lequel il vous propose, de nouveau, d'entamer une négociation qui n'a toujours pas eu lieu.
Du reste, si votre capacité d'écoute avait dépassé votre volonté de légaliser des situations illégales, vous auriez pu comprendre que ces craintes de distorsion de concurrence ne sont pas le fait des seuls élus socialistes parisiens mais qu'elles sont également partagées par un grand nombre de petits commerçants – j'insiste bien : de petits commerçants –, qui craignent de disparaître. Il y avait mille poissonniers à Paris il y a une vingtaine d'années ; il en reste cent, que nous avons envie de garder.
Les petits commerçants constituent en effet un maillon central du tissu social de notre ville. Une fois ces petites échoppes disparues, qui les remplacera dans leur rôle de vigie de quartier, de contact quotidien, notamment avec les personnes âgées – vous savez combien ce sujet me tient à coeur –, ou encore de vivier d'emplois ?
Vous avez beau jeu de nous renvoyer inlassablement à la prétendue volonté des employés qui, c'est bien connu, rêvent tous de travailler le dimanche, et à la décision des conseils municipaux. Le groupe socialiste a démontré à maintes reprises que ce volontariat, que vous évoquez, n'existait pas : les sondages, ainsi que l'hostilité des syndicats, que vous n'avez pas consultés, en fournissent la preuve.
Quant au prétendu pouvoir des conseils municipaux, le maire de Paris a rappelé ce matin que vous reveniez sur une décision datant de la présidence de M. Giscard d'Estaing, à savoir l'autonomie parisienne. Je laisse à chacun le soin de relever la contradiction flagrante de ce retour en arrière avec les déclarations présidentielles appelant à plus de dialogue autour de l'avenir de la région capitale. C'est pourquoi je souhaite que demain matin soit voté un voeu du conseil municipal de la ville de Paris vous demandant de revoir la copie ; et j'espère qu'il le sera !
Ces quelques considérations d'ordre local n'enlèvent évidemment rien à la pertinence d'autres déclarations sur le sujet, au cours desquelles certains de mes collègues ont déjà pu développer ou développeront des arguments relatifs au respect du code du travail ou à des motivations d'ordre culturel.
Je souhaitais simplement vous éclairer, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, sur la véritable opinion d'élus parisiens, qui souhaitent conserver ce qui fait également le charme de notre capitale, à savoir son petit commerce.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi sur le repos dominical et les dérogations à ce principe.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma