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Intervention de Pascale Crozon

Réunion du 7 juillet 2009 à 15h00
Dérogations au repos dominical — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascale Crozon :

Mes chers collègues, refusez cette idée stupide selon laquelle l'intérêt général des Français irait exactement à l'inverse de l'intérêt des habitants et des travailleurs de vos circonscriptions. Ouvrez les yeux : voter cette proposition de loi serait mettre le doigt dans l'engrenage de la généralisation du travail du dimanche.

Nous ne sommes pas les seuls à le penser, puisque les syndicats, en particulier le secrétaire général de la CFDT, dénoncent eux-mêmes ce risque de dérive.

Nous ne débattons pas là du droit pour les touristes d'acheter des lunettes sur les Champs-Élysées, mais d'un véritable choix de société dans lequel nous ne voulons pas engager notre pays.

Défendre le repos dominical, ce n'est pas défendre un simple jour de repos, un jour pour soi ; c'est préserver un jour de partage, où l'on se repose ensemble ; c'est considérer que l'homme et la femme ne s'émancipent pas uniquement par leur progression professionnelle, mais également dans les moments passés en famille ou avec des amis, autour d'une table, en pleine nature, dans une salle de sport ou dans un musée.

Vous ne pouvez ignorer, monsieur le rapporteur, que près de 55% de nos concitoyens sont hostiles au travail dominical – lisez Libération d'aujourd'hui – et que, pour 80 % d'entre eux, le dimanche doit rester un jour différent des autres, un jour où l'on ne travaille pas. Vous ne pouvez pas davantage ignorer que vos plus farouches opposants sont justement les premiers concernés, à savoir les salariés du commerce et leurs proches.

Par delà leurs convictions philosophiques et religieuses, les Français sont attachés au repos dominical qui n'est pas, contrairement à ce que vous prétendiez ce matin, monsieur le rapporteur, « issu de la tradition chrétienne ». C'est un acquis social accordé en 1906 par une République qui se proclamait déjà laïque, à une époque où le droit au repos et à la famille était supérieur au droit à travailler plus. C'est un progrès qui venait clore vingt-cinq ans de luttes syndicales dans le secteur des grands magasins où 45% des employés n'atteignaient pas quarante ans.

Non, monsieur le ministre de la relance, la laïcité n'a jamais fait reculer les droits collectifs au nom de la neutralité religieuse. Elle a permis au contraire de construire un socle de droits et de devoirs communs à l'ensemble des citoyens en transcendant les pratiques et les normes sociétales issues des traditions religieuses pour bâtir cette société que l'on nomme République.

Le droit à profiter de sa famille et de ses amis n'a pas de prix et dépasse les inégalités de revenus. Votre proposition de loi rompt l'égalité devant cette liberté au nom d'un « volontariat » qui n'en est pas un. Anna Sam, cette ancienne caissière devenue écrivain, riche de son expérience dans les grandes surfaces, vous demande d' « arrêter de prendre les salariés pour des idiots » : « Nous avons vécu le même phénomène avec les jours fériés » – expliquait-elle la semaine dernière au Nouvel observateur – « ceux qui travaillent à Pâques ou à la Toussaint sont la plupart du temps obligés de le faire, soit parce qu'ils y sont fortement incités par leur direction, soit parce qu'ils ont besoin de 50 euros de plus à la fin du mois ».

Ce ne sont pas les salariés les plus investis dans leur métier qui choisiront de travailler le dimanche, et vous le savez bien, ni ceux qui s'y épanouissent le plus ou qui ont le plus de temps à y consacrer. La liberté de choix est une illusion dès lors que le « volontariat » n'est rien d'autre que la contrainte économique. Les travailleurs du dimanche, ceux qui devront sacrifier leur vie familiale et sociale sur l'autel de la nécessité, ce seront les travailleurs pauvres, les chômeurs, les précaires. Les premières victimes de votre loi, ce sont eux, ; je devrais plutôt dire, ce sont elles.

En effet comment ignorer que 62 % des salariés de la grande distribution sont des femmes, souvent des mères célibataires ? Comment ignorer que 51 % d'entre elles y travaillent à temps partiel ? Comment, avec un salaire net mensuel moyen de 750 euros, pourraient-elles se permettre de refuser un jour de travail supplémentaire, fût-il le dimanche ?

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