Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Pascale Crozon

Réunion du 7 juillet 2009 à 15h00
Dérogations au repos dominical — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascale Crozon :

Ce texte porte un coup sévère à l'égalité entre les hommes et les femmes qui, non contentes d'occuper les emplois les moins valorisants socialement et les moins rémunérateurs, non contentes d'être davantage soumises à la précarité et à l'insécurité sociale que leurs collègues masculins, devront, en plus, renoncer à leur équilibre familial.

Comment une loi peut-elle prétendre monétiser le temps réservé à la famille ? Comment peut-on demander à des parents de choisir entre le temps consacré à leurs enfants et les moyens de les nourrir ? Combien vaut, aux yeux d'un enfant, une journée passée en famille ? Et combien coûte, à notre société, l'absence de cette famille ? On ne peut pas, d'un côté, détruire les repères qui structurent nos enfants – l'école, le tissu associatif, la famille – et, de l'autre, s'interroger sur l'abaissement de leur majorité pénale. Les pères et les mères jouent évidemment le premier rôle dans l'éducation des enfants, un rôle qui dépasse largement la simple obligation financière. Or le repos dominical est l'un des outils qui leur permet aujourd'hui de l'assumer.

Nous ne voulons pas de cette société où le plaisir individuel des uns s'imposerait au bien-être familial des autres. Nous n'en voulons pas pour les travailleurs, mais nous n'en voulons pas davantage pour les consommateurs. Les parents ont mieux à faire le dimanche que de traîner leurs enfants dans les centres commerciaux où ils pourraient succomber à la tentation de l'hyperconsommation et devront gérer la frustration de ne pas toujours pouvoir acheter ce qu'ils souhaitent. Ils ont d'autres valeurs à leur transmettre que celle de l'argent, et d'autres plaisirs à partager que celui d'acheter.

« Il ne suffit pas à l'homme de consommer pour être heureux » disait le Président de la République au début de l'année dernière, lorsqu'il présentait sa « politique de civilisation ». Voilà au moins un point sur lequel nous sommes d'accord. La crise mondiale, aux multiples composantes économiques, sociales, écologiques, est celle d'un système qui a érigé la satisfaction immédiate des plaisirs matériels en dogme, qui a creusé les inégalités, aggravé l'endettement, gaspillé nos ressources naturelles et sacrifié notre qualité de vie collective au bonheur de l'individu.

Cette crise appelle un changement de système, ce qui suppose d'en bouleverser les valeurs. Nous devons entrer dans l'ère de la consommation maîtrisée, soutenir des modes de consommation durables, en privilégiant la qualité à la quantité, l'acte d'achat raisonné à l'acte d'achat impulsif, les circuits courts de distribution à la standardisation mondialisée. Ces objectifs, qui sous-tendent la démarche entreprise par notre pays dans le Grenelle de l'environnement, ne sont pas compatibles avec le modèle du « tout grande distribution » que vous nous proposez avec le travail du dimanche.

Bien au contraire, l'ouverture généralisée des zones commerciales le dimanche suffirait à elle seule, du fait de leur consommation en électricité, à annuler les économies d'énergie réalisées par le passage à l'heure d'été, sans parler de l'essence consommée par les salariés et les clients pour se rendre dans les grands centres commerciaux situés hors des villes, de la nécessité d'élargir l'offre de transports collectifs pour les desservir, de développer de nouvelles capacités logistiques pour les livrer sept jours par semaine, sans oublier non plus la consommation des petites boutiques et des fournisseurs de services souvent présents dans ces centres commerciaux et tout aussi concernés par votre texte.

La législation actuelle satisfait l'essentiel de nos concitoyens. Grâce aux dérogations prévues, les saisonniers peuvent optimiser leur activité et les commerçants affronter les périodes de fortes demandes comme les fêtes de fin d' année. Ceux qui le souhaitent - et vous citez les étudiants – peuvent ainsi arrondir leurs fins de mois, en particulier dans le secteur de la restauration. Pour 75% des Français, les horaires d'ouverture des lieux de vente sont aujourd'hui suffisants.

Pourquoi devrions-nous rompre ce compromis ? Vos arguments, monsieur le rapporteur, ne suffisent guère à nous convaincre du bien-fondé d'un texte aux visées purement idéologiques, rédigé sans concertation avec les organisations syndicales et patronales, sans concertation avec les élus locaux. Votre proposition n'a d'autre ambition que de remettre dans la légalité ceux qui violent nos lois, sans tenir compte des conséquences économiques, sociales, sociétales, écologiques. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche s'opposera à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion