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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 7 juillet 2009 à 15h00
Dérogations au repos dominical — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la philosophie de ce texte est clair : il faut travailler plus, plus longtemps, plus vieux, le dimanche, les jours fériés, la Pentecôte et bientôt, selon notre collègue de l'UMP M. Lefebvre, pendant son arrêt de maladie ou son congé maternité. Tel est le socle de la pensée gouvernementale.

Le Président de la République a réaffirmé la semaine dernière son souhait de voir le problème de la fermeture des grands magasins le dimanche réglé « avant l'été ». Je comprends que vous n'ayez d'autre choix que de vous exécuter.

« Est-il normal » s'indignait-il « que lorsque Mme Obama veut, avec ses filles, faire les magasins parisiens, je dois passer un coup de téléphone pour les faire ouvrir ? »

Le message que la majorité et au premier chef le Président de la République tentent ainsi de faire passer est simple : un pays moderne est un pays où la consommation doit être élevée au rang de loisir et où le bon vouloir de la clientèle s'affirme comme objectif d'intérêt général.

Dans cette perspective, tout est fait pour nous présenter le dimanche comme une relique des temps anciens, une survivance catholique, voire monarchiste, que tout homme de progrès se doit de considérer avec dédain.

Le rapport pour avis de notre collègue Bernard Reynès est à cet égard explicite. Il souligne, dès les premières pages, évoquant l'ordonnance de 1814 qui fixe les modalités des interdits dominicaux, que cette réforme rencontra « L'hostilité des républicains qui y voyaient une manifestation de l'ordre moral, des économistes libéraux et des ouvriers, pour qui cette journée chômée représentait un manque à gagner ».

Ce même rapport insiste sur le fait que la loi Sarrier de 1906 n'a jamais été ni portée ni soutenue par les ouvriers.

Autrement dit, si l'on vous croit, le repos dominical ne fut jamais instauré dans l'intérêt des salariés et nous devrions donc accueillir comme un progrès la nouvelle rédaction de l'article L.3132-3 du code du travail qui stipule que « Dans l'intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche ».

L'affirmation de ce principe dans un texte qui, par ailleurs, le piétine sans vergogne ne relève pas seulement de la pure et simple hypocrisie. Elle est encore discutable, car ce n'est pas seulement dans l'intérêt des salariés que doit perdurer le principe du repos dominical ; c'est dans l'intérêt de chacun et dans l'intérêt de tous.

Si le repos dominical est, dans notre droit, érigé en principe d'ordre public, ce n'est pas le fruit d'une anomalie qui romprait avec le principe de laïcité, c'est que le législateur a jugé indispensable d'entendre l'exigence sociale et de préserver l'existence d'un jour consacré au repos collectif, à la famille, aux amis, d'un jour qui déroge aux règles de l'échange marchand.

Le dimanche est précisément le jour où la question du manque à gagner ne se pose pas. C'est un jour qui échappe à l'emprise de l'activité marchande. Il exerce de ce point de vue une fonction symbolique essentielle, une fonction sociale éminente que chacun s'accorde du reste à reconnaître, tant l'enjeu dépasse a priori les clivages politiques habituels.

C'est sans compter avec les plus libéraux d'entre vous, ces héritiers du parti libéral des années 20 qui fustigeaient tous ensemble – socialistes, communistes et catholiques – comme autant d'ennemis du progrès, c'est-à-dire d'une société transformée en tout marché où rien n'existe hors la satisfaction de l'appétit des industriels et des commerçants.

Vous êtes les héritiers de cette vision du monde et ce n'est pas par hasard si quelques-uns parmi les esprits les plus réfléchis que comptent les rangs de la majorité…

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