Je vous dirai les choses franchement : à Versailles, j'aurais pu applaudir une partie du discours du chef de l'État – la première, celle dont je viens de vous lire un extrait. Mais j'ai appris à me méfier des mots. L'histoire politique récente nous a enseigné que ce n'est pas parce que l'on dit que « la maison brûle » lors d'un déplacement en Afrique du Sud que l'on éteint l'incendie de retour à Paris. J'ai appris à me méfier des mots ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Plus récemment encore, Nicolas Sarkozy s'est présenté comme le « Président du pouvoir d'achat ». Nous voici pourtant rassemblés aujourd'hui autour d'un projet qui généralise le travail du dimanche sans même prévoir de compensation salariale pour les salariés auxquels il s'imposera. Admettez qu'un tel paradoxe inciterait à la méfiance l'opposition la plus bienveillante !
Quoi qu'il en soit, nous étions donc réunis à Versailles pour écouter le chef de l'État. Comme ce n'était pas arrivé depuis près d'un siècle et demi, je veux croire que ce n'était pas pour un simple discours de circonstance. Qui pourrait ici admettre que la parole de l'État puisse être galvaudée par un discours dont chaque page serait froissée sitôt les dépêches tombées et les journaux de 20 heures achevés ? Qui parmi vous, mesdames, messieurs de la majorité, accepterait que tout s'efface dans la réalité de l'action gouvernementale, alors que vous avez vous-mêmes voulu voir dans cette prise de parole devant le Congrès un acte fort de « revalorisation du Parlement » ?
Le Président nous a invités le 22 juin à défendre le « modèle social français ». Alors je dis : chiche ! Nicolas Sarkozy s'est référé au programme du Conseil national de la Résistance. Cela me va ! Comment les socialistes pourraient-ils d'ailleurs ne pas se reconnaître dans un programme dont l'idée première revient à Léon Blum en 1942 – lui qui avait pressenti la nécessité de proposer à l'ensemble des forces associées dans la Résistance une plateforme de rénovation de la vie politique de l'après-guerre ? Que proclamaient donc les mouvements, les groupements et les partis réunis autour de Jean Moulin au sein du Conseil national de la Résistance ? « L'établissement de la démocratie la plus large en rendant la parole au peuple français par le rétablissement du suffrage universel ». Cela me va, bien entendu ! La pleine « liberté de la presse », ce qui signifiait son « indépendance à l'égard de l'État, ou des puissances d'argent » : cela me va, bien entendu ! « L'inviolabilité du secret de la correspondance » : cela me va aussi ! « Le retour à la nation des grands moyens de production, fruits du travail commun », et notamment des « sources d'énergie » : cela me va !
La défense et « l'amélioration du droit au travail et du droit au repos », ça me va ! La « sécurité de l'emploi, la réglementation des conditions d'embauche et de licenciement », ça me va ! Un « plan complet de sécurité sociale », ça me va encore ! « Une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours », cela me va toujours !