La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 23 à l'article 1er.
Monsieur le président, monsieur le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement, mes chers collègues, l'article 1er ne souffrirait pas d'être modifié par l'amendement n° 23 proposé par la commission des finances, qui fixe utilement à quatre ans la période minimale que devront couvrir les lois-cadres.
Cela dit, nous sommes prêts à le retirer au profit de l'amendement n° 2 de M. le président de la commission des lois, auquel nous nous rangeons bien volontiers.
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour défendre l'amendement n° 2 .
La parole est à M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires sociales, saisie pour avis, pour défendre l'amendement n° 15 .
Je considère que cet amendement a déjà été défendu, monsieur le président.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.
Je suis saisi d'un amendement n° 57 .
La parole est à M. Charles de Courson.
Le groupe Nouveau Centre a toujours défendu la thèse selon laquelle le recours à l'endettement était légitime pour financer des dépenses d'investissement, mais certainement pas pour financer des dépenses de fonctionnement. Aussi souhaiterions-nous préciser dans l'article 1er que le retour à l'équilibre s'entend pour l'équilibre de fonctionnement.
Quelle est la différence avec le texte gouvernemental ?
Pour les lois de financement de la sécurité sociale, la question ne se pose pas puisqu'il n'y a pas de dépenses d'investissement en matière de sécurité sociale.
Pour ce qui est des collectivités territoriales, nous sommes en excédent de fonctionnement puisque les investissements sont pour une bonne partie auto-financés. Les derniers comptes des collectivités territoriales faisaient état d'un besoin de financement de moins de 6 milliards – et probablement encore moins cette année : 3 voire 4 milliards d'euros, soit 0,1 % à 0,2 % de PIB, guère plus.
Reste le problème du budget de l'État. Sur 380 milliards de dépenses brutes, l'investissement ne représente que 20 milliards d'euros. Il ne serait pas illégitime de recourir à l'endettement pour en financer tout ou partie, mais en aucun cas pour couvrir les 360 milliards de dépenses de fonctionnement.
Notre amendement est donc très important par sa portée et surtout par sa cohérence. Je ne crois pas, je le répète, qu'il faille totalement écarter le recours à l'endettement pour soutenir les investissements. Comment sinon les collectivités territoriales financeraient-elles certains de leurs investissements ? C'est là une pratique que personne n'a jamais contestée.
Pourquoi, du reste, est-il si peu question des collectivités territoriales ? Tout simplement parce que depuis des décennies, une règle d'or a été instaurée : l'interdiction du déficit de fonctionnement. Plus précisément, l'excédent de fonctionnement doit couvrir l'annuité, ce qui revient à imposer un suréquilibre de la section de fonctionnement dans la mesure où l'excédent de fonctionnement doit être au moins égal au montant du capital à rembourser.
Même si je comprends la motivation de Charles de Courson, la commission n'a pas adopté son amendement. Notre cible reste le solde total de l'ensemble des administrations publiques.
Défavorable.
(L'amendement n° 57 n'est pas adopté.)
Je suis saisi de trois amendements, nos 4 , 17 et 25 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 4 et n° 17 sont identiques.
L'amendement n° 4 fait l'objet d'un sous-amendement n° 85 , l'amendement n° 17 d'un sous-amendement n° 83 et l'amendement n° 25 d'un sous-amendement n° 84 .
La parole est à M. le président de la commission des lois pour défendre l'amendement n° 4 .
Il s'agit d'un amendement très substantiel car il définit et enrichit considérablement la définition des lois-cadres en précisant, premièrement, que les lois-cadres fixent, pour chaque année, un objectif constitué d'un maximum de dépenses et d'un minimum de recettes qui s'impose aux lois de finances et aux lois de financements de la sécurité sociale, deuxièmement, que les écarts constatés lors de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement sont compensés dans les conditions prévues par une loi organique – j'ai rappelé hier, dans la discussion générale, à quel point c'était une nécessité vitale si nous voulions des lois cadres crédibles.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 17 .
Il a été excellemment défendu par M. le président de la commission des lois.
Nous nous proposons de retirer l'amendement n° 25 de la commission des finances au profit de l'amendement n° 4 de la commission des lois.
Quant à nos trois sous-amendements nos 85 , 83 et 84 , rigoureusement identiques, ils précisent dans chaque amendement que les lois-cadres d'équilibre des finances publiques peuvent être modifiées en cours d'exécution dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.
Ainsi le législateur organique pourrait prévoir, le cas échéant, que les dispositions impératives qui s'imposent aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale ne sont pas modifiables en cours d'exécution de la loi-cadre, sauf en cas de circonstances exceptionnelles définies par une loi organique. Ce petit surplus de rigidité éviterait que les lois-cadres soient modifiables à tempérament.
À l'inverse, le législateur organique pourrait prévoir que les dispositions non impératives de la loi-cadre, comme celles liées à l'évolution de la conjoncture, sont susceptibles d'être révisées afin d'introduire un peu de souplesse.
(L'amendement n° 25 est retiré.)
Avis favorable. Les choses sont claires : les trois commissions sont d'accord pour adopter les deux amendements identiques ainsi sous-amendés.
Tout est bien qui finit bien, d'une certaine manière, puisque le Gouvernement était très réservé, le président de la commission des lois le savait, et même opposé à l'idée d'inscrire dans la Constitution de la possibilité de modifier les lois-cadres en cours d'exécution : si le législateur peut toujours défaire ce qu'il a fait, certes, il ne saurait toucher aux lois-cadres que d'une main tremblante pour ne pas affaiblir l'outil qu'elles constituent. Je sais que le président de la commission partage cette position. Aussi le Gouvernement s'en remettra-t-il à la sagesse de l'Assemblée sur le vote de ces deux amendements tels que précisés par les sous-amendements déposés par M. Carrez.
Monsieur le président, pour fonder mon rappel au règlement, j'invoquerai l'article 58, faute d'avoir en tête l'article très précis sur lequel je voudrais attirer votre attention.
M. Chartier, membre de la commission des finances, vient de défendre des sous-amendements signés par M. Carrez, or celui-ci n'est pas présent en séance et il n'est pas précisé que ses sous-amendements ont été déposés au nom de la commission des finances. Or la règle veut que les amendements dont l'auteur n'est pas présent pour les défendre ne sont pas appelés.
Ne voyez dans cette observation aucune critique de ma part sur la façon dont vous conduisez nos débats, monsieur le président, mais il me semble que cette règle devrait s'imposer pour tous les amendements et sous-amendements déposés par M. Carrez à titre personnel.
Monsieur Dosière, votre propos aurait été on ne peut plus pertinent s'il s'était agi d'amendements ; mais, dans le cas présent, il s'agit précisément de sous-amendements. Tout député peut déposer un sous-amendement en cours de séance comme il l'entend – j'avoue être moi-même un peu spécialiste de cet exercice lorsque je redeviens parlementaire de base – et par le fait reprendre à son compte un sous-amendement déposé par un autre député.
De fait, les sous-amendements Carrez sont devenus dans l'instant sous-amendements Chartier, ce qui n'aurait pas été possible avec des amendements. Mais soyez assuré que votre remarque était tout à fait bienvenue et n'a en rien heurté ma susceptibilité.
Ces deux amendements sous-amendés renvoient systématiquement à des lois organiques : il eût été sage de nous en donner quelques avant-projets, à tout le moins quelques précisions…
Ainsi, il est indiqué dans l'exposé sommaire des sous-amendements que les « circonstances exceptionnelles » devraient être définies par une loi organique. Il est vrai que tout le monde n'a pas la même conception des circonstances exceptionnelles. J'aurais aimé que le ministre nous précisât quelque peu ses intentions en ce qui concerne le contenu des lois organiques auxquelles il est fait référence.
Effectivement, il semble que le Gouvernement n'ait même pas fait l'effort de réfléchir à la loi organique qu'il va écrire. Mais pourquoi se fatiguerait-il à la rédiger alors qu'il sait que ce texte n'ira pas très loin ?
Sur le fond maintenant, vous nous dites que la loi-cadre ne sera pas modifiable en cours d'exécution,…
Si !
…à moins de voter à nouveau une loi-cadre, mais uniquement, si j'ai bien compris, en cas de circonstances exceptionnelles, prévues par la loi organique.
Ne disposant pas de la loi organique, nous ne savons pas ce que vous entendez par circonstances exceptionnelles. Est-ce à dire que, en cas de circonstances exceptionnelles non prévues par la loi organique mais ayant des conséquences budgétaires significatives, nous ne pourrons pas modifier la loi-cadre, ne serait-ce que pour augmenter les recettes ?
Ce serait pour le moins abracadabrantesque : dans cette hypothèse, on ne voit pas quelle évolution serait possible.
Tel que vous nous le présentez, cet encadrement signifie que, puisqu'il y aura compensation entre les dépenses et les recettes, s'il survient une circonstance exceptionnelle non prévue par la loi organique – une affaire type Mediator, par exemple, dans laquelle on ne pourrait se retourner contre le laboratoire –, ce sera au budget, dans le cas présent celui de la sécurité sociale, d'y faire face.
Les conséquences budgétaires seraient immédiates : des politiques publiques ne pourraient plus être mises en oeuvre, et tout cela à cause d'une circonstance exceptionnelle non prévue ! Ces sous-amendements montrent bien l'invraisemblance et l'imprécision du texte tel qu'il a été conçu.
Enfin, monsieur le ministre, je vous repose ma question que tout à l'heure : je ne comprends toujours pas – peut-être est-ce une insuffisance de ma part – comment, dans le cadre du PLF et du PLFSS, nous débattrons sur la partie non financière des lois. Vous nous dites qu'aucune loi ayant des incidences financières, en termes de fiscalité ou de cotisations, ne pourra être examinée hors des lois de finances, mais que la Constitution interdira de soumettre au vote, dans le cadre des lois de finances, des dispositions à caractère non financier.
Imaginons une loi sur le logement entraînant des conséquences fiscales ou, mieux, l'exemple plus concret des retraites : est-ce à dire que nous devrons voter la partie « fiscalité » dans le cadre du budget, notamment du PLFSS, et débattre des aspects non financiers dans le cadre d'un autre texte de loi ?
Mais avez-vous prévu dans votre loi organique qu'il faudra commencer, ce qui semble au demeurant logique, par voter les aspects financiers ? Autrement dit, il ne sera pas possible d'examiner une loi, sur quelque sujet que ce soit si son volet financier n'a pas été voté à l'automne ! Dans le cas des retraites, cela signifie qu'il aurait fallu en voter toute la partie financière à l'automne 2009, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010, et attendre l'année suivante pour adopter les dispositions sur les retraites – à moins de siéger jusqu'au 24 décembre. J'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous expliquiez comment le Gouvernement envisage le fonctionnement concret de ces dispositions.
Cela a déjà été expliqué.
Notre groupe est favorable aux amendements de la commission des lois et de la commission des finances, qui vont dans le même sens, puisqu'ils se réfèrent au compte notionnel à l'allemande : les écarts, positifs ou négatifs, sont cumulés dans un compte de telle sorte que celui-ci est équilibré à moyen terme.
Je souhaite simplement formuler quelques observations.
Il me semble tout d'abord qu'il faudrait ajouter l'expression « à due concurrence » après le mot « compensés ». Tel est le sens de mon sous-amendement n° 87 . Sans cette précision, que signifie « compensés » ? À 10 %, à 50 % ? Le Gouvernement, ou le président de la commission des lois, pourrait-il donc nous préciser s'il s'agit bien d'une compensation intégrale des écarts ?
Se pose également un problème de temps. L'exposé sommaire de l'amendement n° 4 fait référence un délai de deux ans qui ne figure pas dans le texte qui nous est soumis. Le président de la commission des lois pourrait-il nous éclairer également sur ce point ?
J'ai eu l'occasion de parler des écarts au cours de la discussion générale. C'est très important.
Imaginons que l'on prévoie, pendant un exercice budgétaire, une mesure dont on estime qu'elle coûtera 1 milliard d'euros, mais qu'on s'aperçoive en exécution qu'elle en coûte finalement cinq. En l'état actuel des choses, que fait-on ? Dans la loi de finances suivante, on réévalue l'estimation à 5 milliards d'euros ; fort bien, mais que fait-on des 4 milliards supplémentaires ? Si l'on ne prévoit pas de compenser les écarts, on les fait passer dans la dette. C'est précisément ce que l'amendement n° 4 est destiné à éviter.
L'amendement renvoie par ailleurs à une loi organique le soin de fixer les modalités de compensation des écarts. Si son exposé sommaire mentionne deux ans, c'est parce que c'est le délai évoqué dans le rapport Camdessus ; mais c'est là un débat que le Parlement tranchera dans le cadre de la loi organique.
Deuxièmement, notre collègue Eckert a déclaré que tout ne devait pas figurer dans la loi organique. Tel est justement le sens de l'amendement : il tend à faire remonter à la Constitution des dispositions qui, dans le texte initial, relevaient toutes de la loi organique, à commencer par les dispositions de la loi-cadre s'imposant à chaque budget annuel de l'État et de la sécurité sociale.
Aux termes de l'amendement, si la loi organique pourra contenir des dispositions obligatoires, certaines d'entre elles relèveront de la Constitution : ainsi la détermination d'un maximum de dépenses et d'un minimum de recettes – le fameux tunnel –, car la loi-cadre ne sera pas crédible si l'on ne définit pas un minimum de recettes et un maximum de dépenses et si l'on ne maîtrise pas les éventuels dépassements.
Monsieur le rapporteur, pouvez-vous préciser votre avis sur le sous-amendement n° 87 , qui propose d'ajouter à l'amendement n° 4 les termes « à due concurrence » – ou « intégralement », ce qui revient au même ?
Voilà qui est conforme à l'esprit de votre amendement, n'est-ce pas ? Les écarts sont-ils bien compensés, non à 20 % ou à 30 %, mais à due concurrence ?
Cela va sans dire : c'est ce que signifie les termes « sont compensés », à l'indicatif.
Mais « compensés » ne signifie pas nécessairement « compensés intégralement ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
À mes yeux, le sous-amendement de notre collègue de Courson est entièrement satisfait par la rédaction de l'amendement : « sont compensés », à l'indicatif, signifie « sont compensés entièrement ».
Cela ne vous dérange donc pas de rectifier l'amendement en y ajoutant cette précision ?
Il ne me paraît pas utile de rectifier l'amendement. Je préfère en rester à la rédaction initiale.
L'interprétation du président de la commission des lois me suffit : puisqu'il m'assure que la compensation est intégrale, je retire mon sous-amendement.
(Le sous-amendement n° 87 est retiré.)
La parole est à M. Jérôme Chartier – désormais auteur des sous-amendements Chartier. (Sourires.)
Merci, monsieur le président ; j'y tiens absolument. (Sourires.)
Mme Billard s'est inquiétée des circonstances exceptionnelles prévues par la loi organique. Dans son rapport, la commission Camdessus a donné quelques exemples de situations exceptionnelles pouvant conduire à modifier la loi-cadre : un changement de majorité parlementaire, des tensions internationales impliquant d'accroître massivement l'effort de défense, une récession d'une ampleur exceptionnelle, ou encore une catastrophe naturelle.
Ces cas sont donc déjà bien circonscrits. Dès lors, il semble bienvenu de laisser le législateur organique agir, dans l'esprit des conclusions du rapport Camdessus.
Quelque chose me gêne tout de même un peu dans cette affaire de compensation intégrale.
Au cours de ce débat, on a beaucoup parlé des « stabilisateurs automatiques », dont on nous a par ailleurs répété ces derniers temps qu'ils avaient largement contribué à atténuer les effets de la crise dans notre pays. Ces stabilisateurs automatiques sont très marqués dans les lois de finances et le sont plus encore dans les lois de financement de la sécurité sociale.
Or le fonctionnement de ces mécanismes est endogène : on ne peut les maîtriser précisément, même si on peut tenter de les structurer, de les organiser.
Je ne vois donc vraiment pas comment on peut prétendre, et inscrire dans la Constitution, que les écarts seront intégralement compensés. Cela nous expose à coup sûr à l'annulation du texte par le Conseil constitutionnel. Cette loi est fabriquée par des juristes, et non par des financiers !
Je souhaite apporter une précision aux propos de M. Chartier.
M. Chartier a cité le rapport Camdessus : soit ; mais, sur bien des points, l'exposé des motifs du texte diverge des hypothèses et des explications contenues dans ce rapport. C'est donc sans doute s'avancer beaucoup que de se fonder là-dessus pour esquisser le contenu de la loi organique.
Je rappelle à l'Assemblée que, s'agissant du Défenseur des droits, la loi organique qui a été votée était très éloignée de ce qui figurait dans la réforme constitutionnelle. Ainsi, le Défenseur des droits – qui, soit dit en passant, n'est toujours pas nommé, alors qu'il aurait dû l'être au 1er mai – a notamment absorbé la HALDE et la CNDS, ce que jamais la réforme constitutionnelle n'avait prévu.
C'est là, monsieur le ministre, la grande faiblesse de ce texte : de manière surprenante, vous n'avez pas été en mesure de nous présenter un avant-projet de loi organique qui fournisse au moins quelques précisions sur les orientations du Gouvernement. C'eût été préférable à des citations du rapport Camdessus.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire..
Puisque les travaux de la commission Camdessus ont été cités, permettez-moi d'apporter mon témoignage dans la mesure où, de tous ceux qui sont présents ici ce soir, je suis le seul à y avoir contribué.
Je vois bien ce qu'un solde structurel ou un équilibre structurel peut ne pas être. On comprend bien que des événements conjoncturels ne sont pas constitutifs d'un équilibre structurel.
Si donc il est aisé de définir ce qu'un solde structurel n'est pas, il est un peu plus compliqué de définir ce qu'il serait. Mais puisque des exceptions sont prévues, qui renvoient à une trajectoire structurelle des finances publiques, il faut donc définir celle-ci, ce qui suppose de définir également l'équilibre structurel et, le cas échéant, le solde structurel. Puisque nous en sommes à prévoir précisément des dérogations à cet équilibre structurel, il me semble que, pour la clarté du débat, il faudrait définir ce par rapport à quoi on déroge, autrement dire définir le solde structurel.
Or, si ma mémoire est bonne, les travaux de la commission Camdessus – qui s'est réunie pendant plusieurs mois et comptait, outre quatre parlementaires, des représentants des principales directions de l'État, notamment de celles qui s'occupent de ces sujets – n'ont pas permis de parvenir à une définition satisfaisante de l'équilibre structurel ni du solde structurel.
On peut se satisfaire de ce que propose l'amendement : il y a un maximum de dépenses et un minimum de recettes, c'est-à-dire un tunnel ; et si l'on y déroge, cela s'appelle un écart. Auquel cas, comme l'a très bien dit Charles de Courson, il faut le résorber.
Je suis saisi d'un amendement n° 18 , portant article additionnel après l'article 1er.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Dans le domaine des finances sociales, le déficit est encore plus inacceptable que pour le budget de l'État ou celui des collectivités locales, car la quasi-totalité des dépenses des régimes de sécurité sociale sont des dépenses courantes, des dépenses du quotidien ; elles n'ont donc aucune vocation à être reportées sur les générations futures, ce que nous faisons malheureusement depuis trop longtemps.
Il est temps de remédier à cet état de choses, et de se rapprocher de l'équilibre le plus rapidement possible – tout en sachant raison garder. Nous avions tenté de le faire à partir de 2007, avec des chances très raisonnables d'atteindre cet équilibre à l'horizon 2012, mais la crise a remis en cause cette trajectoire.
Je souhaite que nous puissions nous imposer une trajectoire de retour à l'équilibre ; je vous propose donc d'inscrire dans cette loi constitutionnelle l'obligation de parvenir à un équilibre des finances sociales à l'horizon de l'exercice 2017.
Ce serait un acte de responsabilité vis-à-vis des générations futures ; pour ma part, je considère que ces déficits ont quelque chose d'immoral. Les déficits que nous avons transmis à la Caisse d'amortissement de la dette sociale doivent être financés jusqu'en 2025 par l'ensemble des revenus : nous avons ainsi déjà mis en place un impôt sur les jeunes, qui ne sont aucunement responsables de la dérive de nos finances sociales.
C'est la raison pour laquelle je souhaite sacraliser, en quelque sorte, le retour à l'équilibre.
Oh, combien je partage les intentions d'Yves Bur ! Nous avons été totalement solidaires quand il a fallu se battre pour essayer d'épargner à nos concitoyens le transfert d'une partie du coût de notre protection sociale jusqu'en 2025. (Sourires.)
Hélas, la taxe sur les boîtes de médicaments en 2009, 2010, 2011 a été votée.
Néanmoins, à son immense regret, la commission des lois n'a pas adopté l'amendement d'Yves Bur.
Le projet de loi prévoit en effet une loi-cadre – un plancher, un tunnel. C'est chaque majorité du Parlement qui votera une trajectoire, pour trois ans, afin de réduire le déficit. Jusque-là, nous ne sommes pas entrés dans la logique allemande de fixation d'un maximum de déficits ; l'équilibre de notre dispositif, c'est que la majorité parlementaire se fixe une trajectoire, et que si elle ne la respecte pas, le Conseil constitutionnel censure.
Or l'amendement n° 18 prévoit qu'à partir de 2017, et pour chaque année ensuite, projets de loi de financement de la sécurité sociale devront obligatoirement être présentés et adoptés en équilibre ou en excédent.
J'approuve entièrement la démarche ; mais, très objectivement, il me paraît difficile d'adopter cet amendement. L'argument que Daniel Garrigue a donné tout à l'heure s'applique parfaitement dans le cas présent : la sécurité sociale, j'en suis infiniment persuadé, doit être en équilibre sur des cycles économiques, mais chacun voit bien que les comptes sociaux sont extrêmement sensibles à la conjoncture. Dès que la conjoncture devient difficile, les recettes plongent et les dépenses augmentent brutalement ; mais sitôt que l'économie repart, l'effet de la relance est immédiat.
S'il fallait fixer un objectif d'équilibre, il faudrait donc le fixer sur une base pluriannuelle ; or on ne peut pas modifier la Constitution pour cela, tous les ans, à partir de 2017.
Voilà pourquoi, à mon très grand regret – Yves Bur et moi-même aurons pour une fois un sujet de divergence (Sourires.) – la commission est défavorable à l'amendement n° 18 .
Même avis. Le principe a été arrêté de ne pas appliquer la règle d'or à l'allemande, qui consiste à fixer à une date donnée un pourcentage de déficit possible – fixé à 0,35 % en 2016 en Allemagne. En effet, nous pensons que la modification de notre Constitution – avec la définition des lois-cadres et le monopole des dispositions fiscales réservé aux lois de finances, avec le pacte de stabilité, qui intègre les efforts produits sur les objectifs intangibles de réduction des déficits publics, c'est-à-dire l'engagement de la France vis-à-vis de ses partenaires européens de revenir à l'équilibre – est porteuse d'assez de dynamisme et suffisamment dissuasive pour produire un rythme de croisière assez soutenu et propre à nous permettre d'atteindre l'équilibre – probablement pas en 2016, reconnaissons-le, mais plutôt un petit peu plus tard, car nous avons plus de chemin à parcourir que nos voisins d'outre-Rhin.
Je comprends donc l'esprit de l'amendement n° 18 et je dois à la vérité de dire que nous avons caressé cette idée. Mais nous ne l'avons pas retenue pour la loi de finances et nous ne pouvons donc la retenir pour la loi de financement de la sécurité sociale.
J'ajoute que les membres du comité Camdessus, au premier rang desquels le président Cahuzac, ont bien souligné la difficulté de la définition du déficit structurel, et le désaccord des experts. Imaginons qu'à partir de 2017, si nous adoption l'amendement Bur, l'ensemble des lois de financement de la sécurité sociale doivent être à l'équilibre : le moindre événement, la moindre circonstance exceptionnelle poserait problème.
Sachez, d'ailleurs, madame Billard, que nous avons déjà travaillé sur la définition de ces circonstances exceptionnelles : l'actualité présente, ou toute récente, nous amène à les définir de façon assez simple.
Puisque vous y avez réfléchi, vous pourriez nous le communiquer, votre avant-projet !
Un événement environnemental considérable qui aurait un impact sur la planète aurait évidemment des conséquences sur l'économie mondiale – je n'ai pas besoin de citer ce qui s'est passé il y a quelques semaines au Japon ; un événement considérable outre-atlantique qui secouerait le monde économique et financier aurait évidemment des conséquences économiques fortes : voilà des éléments de circonstances exceptionnelles qu'il est facile de qualifier juridiquement.
Aussi pensons-nous qu'il est préférable de ne pas graver une date dans le marbre, mais plutôt d'accompagner ces dispositifs puissants, avec une stratégie déterminée, correspondant à des engagements pris par la France vis-à-vis de ses partenaires européens. Cela nous permettrait de ne pas être trop loin de la date que vous proposez, sans pour autant la retenir. Voilà les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Voilà un amendement fort sympathique ! La position que nous, centristes, défendons traditionnellement est qu'il faut revenir à l'équilibre. Or en matière de financement de la sécurité sociale, il n'y a pas de dépenses d'investissement, seulement des dépenses de fonctionnement.
Pour répondre aux objections, il suffirait donc de rajouter le mot « structurel » après le mot « déficit » : c'est le sens du sous-amendement que je dépose à l'instant.
On peut aussi arriver au même résultat à partir du compte notionnel, auquel fait référence l'amendement qui vient d'être adopté.
Nous n'en sommes pas si loin, si le Gouvernement montre un peu de volonté en la matière : penser que l'on puisse revenir en 2017, c'est-à-dire dans six ans, à l'équilibre de fonctionnement, ce n'est pas tout à fait déraisonnable ! Dans les régimes de base, nous avons 23 milliards de déficit, c'est-à-dire environ 5 % de l'ensemble : il faudrait donc réduire ce déficit d'un point par an. En jouant sur les recettes et les dépenses, c'est tout à fait à la portée d'un Gouvernement courageux – et d'un Parlement qui le soutienne !
Cet amendement est très caractéristique des ambiguïtés de l'exercice auquel nous nous livrons depuis un certain temps. Nous sommes censés débattre d'un projet de loi constitutionnelle, c'est-à-dire d'un projet de loi qui fixe des règles générales ; et tout d'un coup, nous plongeons dans la gestion, dans les dates précises. Nous discutons d'une disposition qui devrait, le moment venu, figurer éventuellement dans une loi-cadre !
Non seulement ce mélange des genres rend l'exercice passablement illisible, mais il est révélateur du flou et des ambiguïtés qui règnent depuis le début de l'examen de ce projet.
L'intention qui préside à la rédaction de l'amendement d'Yves Bur est tout à fait louable : tout le monde souhaite que les lois de financement de la sécurité sociale soient à l'équilibre. Mais pourquoi, lors de la discussion du PLFSS pour 2010, avoir voté un déficit de 30 milliards, sans perspective aucune de retour à l'équilibre ? Pourquoi, lors de la discussion du PLFSS pour 2011, avoir voté un déficit de 23 milliards – et pour conserver un déficit de 17 milliards encore en 2014 ?
Pourquoi ne pas répondre à la question qu'Yves Bur lui-même a posé dans la discussion générale : comment comptez-vous gérer les 40 à 45 milliards d'héritage de déficit des trois branches hors vieillesse jusqu'à 2014 ?
Vous avez des intentions, mais vous vous contredisez. Maintenant, vous voulez établir une règle conjoncturelle de gestion à l'occasion de la discussion d'un projet de loi qui devrait fixer des règles générales.
Si vous votez ce genre d'amendement qui vaudra règle générale, comment gérerez-vous les situations imprévues comme la survenue d'une épidémie qui amènerait à des dépenses d'assurance maladie exceptionnelles ? Vous vous serez vous-mêmes enfermés dans votre carcan.
Pourquoi enfin 2017, plutôt que 2016 ou 2018 ? Je n'ai entendu aucun argument qui justifie ce choix.
Voilà pourquoi nous ne pouvons pas voter cet amendement, emblématique, encore une fois, de la grande confusion mentale qui préside à l'élaboration et à la discussion de ce texte.
Monsieur le ministre, vous nous dites que le Gouvernement a commencé à travailler à la future loi organique : il aurait été intéressant, pour éclairer ce débat, que nous disposions de cet avant-projet ! Cela éviterait peut-être certaines interventions.
J'en reviens à l'amendement n° 18 et aux propos de Charles de Courson. Ne voir dans le PLFSS qu'un budget de fonctionnement est plus que réducteur. En termes administratifs, comptables, c'est certes un budget de fonctionnement ; mais, dans la réalité, les soins, ce n'est pas que du fonctionnement !
Je sais bien qu'en termes comptables, c'est du fonctionnement. Mais vous ne pouvez soutenir que vous voterez année après année un budget garanti en équilibre. Ni notre collègue Cahuzac ni le ministre n'ont parlé des aléas sanitaires, qui ne manquent pas – grippe A, chikungunya et j'en passe : il peut y en avoir d'autres. Tout cela peut peser lourdement sur le financement de la sécurité sociale. Dans ce cas-là, chers collègues de la majorité, êtes-vous prêts à voter des recettes supplémentaires pour faire face ? Voterez-vous une augmentation des cotisations, de la CSG ?
Enfin, le choix de 2017 est peut-être lié à un certain pessimisme d'Yves Bur, qui se dit que l'UMP va perdre en 2012, mais que si jamais elle revenait au pouvoir en 2017, il mieux vaut la corseter tout de suite pour qu'elle ne recommence pas à voter des déficits tels que nous les avons connus depuis 2002 !
On peut l'appeler ainsi, monsieur le président.
Cette discussion est tellement surréaliste qu'on ne voit plus les choses importantes ! Tous les articles du projet de loi visent à modifier la Constitution. Je m'interroge : l'amendement sur lequel nous venons de voter était-il même recevable ? Nous n'allons tout de même pas écrire dans la Constitution l'objectif de 2017 !
De toute façon, le problème ne se pose plus, puisque l'amendement a été rejeté.
L'article 2 ne fait l'objet d'aucun amendement.
(L'article 2 est adopté.)
Je suis saisi d'amendements portant articles additionnels après l'article 2.
La parole est à M. Jérôme Cahuzac,pour soutenir l'amendement n° 39 .
Je voudrais évoquer le sort que l'on pourrait réserver à l'article 40. Cette arme puissante du parlementarisme rationalisé a du reste prouvé son efficacité en montrant que l'institution dispendieuse n'était pas le Parlement mais bien davantage le pouvoir exécutif. A contrario, on peut faire remarquer que cet article 40 s'est révélé finalement impuissant à prévenir le déficit. Je m'interroge donc sur l'opportunité qu'il y aurait non pas à le supprimer, mais à en modifier les conditions d'application.
Adoptant une position un peu différente de celle de mon prédécesseur Didier Migaud lors de la précédente réforme constitutionnelle, je ne propose pas sa suppression. J'ai compris qu'il y avait un certain attachement, peut-être de nature un peu masochiste (Sourires), de la part des parlementaires à préserver tel quel cet article 40 contre lequel ils pestent régulièrement quand il s'applique à leurs amendements ou propositions de loi. Respectueux de cet attachement, fût-il d'inspiration curieuse, je vous propose une application comparable au dispositif que l'Assemblée a adopté tout à l'heure après un débat intéressant.
Je suggère un partage des rôles : l'application de l'article 40 resterait le fait du Parlement, c'est-à-dire du président de l'Assemblée nationale qui, par délégation, en confierait le soin au président de la commission des finances, mais l'invocation en serait réservée au Gouvernement.
L'intérêt serait que les amendements pourraient être déposés et appelés en séance, le Gouvernement se réservant la possibilité d'invoquer l'article 40 et renvoyant alors aux institutions parlementaires le soin de l'appliquer ou pas. Cela permettrait aux collègues de bénéficier d'une capacité d'initiative parlementaire plus intéressante. Après tout, puisque, à la suite du débat de tout à l'heure, la majorité de cette assemblée a émis un vote tendant à prendre toutes les garanties pour éviter au Parlement de voter quoi que ce soit qui puisse compromettre la trajectoire vertueuse de nos finances publiques, il me semble qu'il n'y a pas grand risque à tenter, par cette adaptation de l'article 40, d'entrebâiller une fenêtre, à défaut d'ouvrir une porte, afin de faire circuler un peu d'air frais et de donner aux parlementaires le sentiment, à raison, qu'ils exercent leur mandat de façon satisfaisante.
Nous avons choisi de ne pas rouvrir le débat sur l'article 40, d'autant que le Conseil constitutionnel, dans une décision du 14 décembre 2006, a remis en cause son application par le Sénat depuis quelques décennies…
Dès lors que les choses ont été recadrées, voter cet amendement reviendrait à infirmer la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Autoriser à nouveau un mode d'application tel que celui qu'avait adopté le Sénat ne correspond pas à l'intérêt général. La sagesse commande de ne pas adopter cet amendement et d'en rester à l'état actuel du droit.
Défavorable, pour les mêmes raisons.
Je comprends l'argument de M. Warsmann, à ceci près que nous n'examinons pas une loi ordinaire mais une loi de réforme constitutionnelle. Dès lors, invoquer la jurisprudence du Conseil constitutionnel pour se limiter dans cette réforme constitutionnelle me paraît paradoxal. Cet argument serait recevable dans le cadre d'une loi ordinaire ou organique ; mais dans celui d'une réforme constitutionnelle, s'interdire toute évolution au motif que le Conseil constitutionnel a arrêté une jurisprudence me paraît un argument de juriste un peu curieux.
J'ai dû mal m'exprimer, car ce n'est absolument pas ce que je voulais dire. En fait, il ne me semble pas utile d'infirmer la jurisprudence du Conseil constitutionnel – car il ne m'a pas échappé, mon cher collègue, qu'en modifiant la Constitution on peut contrer une jurisprudence du Conseil constitutionnel. À mon sens, donc, il est sage de garder l'équilibre que cette jurisprudence avait établi et je ne crois pas utile de l'infirmer. Et comme je ne veux pas l'infirmer, je ne souhaite pas que l'Assemblée change la règle constitutionnelle.
(L'amendement n° 39 n'est pas adopté.)
Pendant les travaux préparatoires, j'avais interrogé par écrit le Gouvernement sur la manière dont serait géré le dépôt d'amendements ou de dispositions qui ne respecteraient pas la règle de monopole. Celui-ci m'avait répondu, également par écrit : « Une application stricte du monopole qui correspond à l'esprit de la révision constitutionnelle conduirait à la mise en place d'un contrôle systématique et a priori des amendements parlementaires dans chaque assemblée. Le dépôt de tout amendement de nature fiscale serait alors refusé ». Selon lui, une autre hypothèse pourrait être de renvoyer au Conseil constitutionnel.
Si la première hypothèse, l'irrecevabilité au dépôt, est trop stricte, celle du renvoi au Conseil constitutionnel, me paraît trop aléatoire. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé une rédaction qui existe déjà dans d'autres domaines et qui permet à une proposition de loi de contenir des dispositions fiscales. Chacun pourrait ainsi formaliser ses positions puisque cet amendement tend à combattre l'hypothèse de l'irrecevabilité au dépôt.
J'ai entendu des choses inexactes cet après-midi : on ne saurait limiter le droit d'initiative des parlementaires au dépôt d'une proposition de loi en espérant qu'elle soit adoptée. Il s'en dépose des centaines, des milliers tous les ans et très peu prospèrent. L'essentiel de l'initiative parlementaire, c'est bien le dépôt d'amendements en vue de les faire adopter.
Cet amendement me semble apporter un peu de sécurité juridique et un peu de la marge de manoeuvre que le président Jacob appelait de ses voeux.
La position du Gouvernement est désormais connue puisque nous avons eu un débat précédemment avec le rapporteur général : je suis favorable à l'amendement n° 81 défendu par le président Warsmann pour plusieurs raisons.
La première tient au fait qu'il s'appuie sur l'article 41 de la Constitution, familier à tous ceux qui participent activement aux débats budgétaires, lequel affirme l'exigence de recevabilité des amendements attachés au droit parlementaire du dépôt d'amendement. Dans leur sagesse, les constituants ont permis au président de l'Assemblée ou au Gouvernement de saisir, en tout temps, tout lieu et toute circonstance, le Conseil constitutionnel lorsque cette recevabilité n'est pas actée.
Étendre l'article 41 pour permettre la réalité dans l'application constitutionnelle de notre monopole des dispositions fiscales – objectif poursuivi par le Gouvernement – est de bonne politique. Cela donne du sens à ce monopole des dispositions fiscales aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale sans altérer pour autant la capacité des parlementaires à déposer, dans une proposition de loi ou par voie d'amendement, une disposition de nature fiscale. Il reviendra alors au juge suprême d'examiner la recevabilité du dispositif.
Afin de pleinement soutenir la démarche du président Warsmann, le Gouvernement a déposé un amendement complémentaire, que vous aurez à examiner à l'article 9 et que je défends dès à présent, avec l'autorisation de M. le président.
Cet amendement tend à introduire dans la Constitution un nouvel article 61-2 précisant que le Conseil constitutionnel, lorsqu'il est saisi d'une loi ordinaire, vérifie systématiquement que celle-ci respecte le monopole conféré aux lois financières, même lorsque l'irrecevabilité n'a pas été soulevée en séance. Ainsi, le dispositif du monopole des dispositions fiscales ou sociales aux lois de finances ou de financement de la sécurité sociale serait complet.
Pour apporter un éclairage complémentaire, il ne s'agit en aucune façon, en dépit de la modification de la Constitution et de la création d'une norme et d'une obligation supplémentaires, d'empêcher tout parlementaire d'exercer un droit hérité de la Révolution, c'est-à-dire de s'exprimer. Le but n'est pas de lui interdire de déposer un amendement de nature fiscale ou sociale, mais simplement de le contraindre dans le temps.
L'histoire budgétaire a ses récurrences puisque, je vous le rappelle, nous avons systématiquement, et depuis de nombreuses années, des collectifs budgétaires. Supposons que, dans le cadre d'un texte sur le logement ou l'urbanisme, un parlementaire ait une idée de nature fiscale en vue de favoriser l'accès à la propriété. Cette idée surgit en janvier ou février. Le temps de travailler avec l'ensemble des commissions, de l'examiner avec son groupe, de définir le dispositif, le rendez-vous est en juin. Est-il insupportable d'attendre jusque-là, sachant que, par ailleurs, compte tenu des délais de promulgation et de publication des décrets d'application, la mesure deviendra opérationnelle au même moment ? Si le train du mois de juin est raté, il restera de toute façon tout l'automne pour en rediscuter.
Vous voyez que nous affirmons le triple objectif de muscler notre Constitution, de réaffirmer notre volonté de ne pas abîmer le droit des parlementaires tout en étendant des capacités qui existent déjà.
Je ne souhaite pas rouvrir le débat puisque l'Assemblée l'a tranché par son vote. Néanmoins, je voudrais bien comprendre la portée des dispositions qui ont été adoptées ou qui sont près de l'être en prenant deux cas de figure.
La précédente réforme constitutionnelle a renforcé – c'était en tout cas son objectif affiché – les droits de l'opposition en lui réservant la possibilité de déposer des propositions de loi dans le cadre de niches parlementaires. Supposons que l'opposition, quelle qu'elle soit, en dépose une qui comporte des dispositions de nature fiscale. Les dispositions précédemment adoptées et celles qui le seront permettront au Gouvernement de la déclarer immédiatement irrecevable : son examen n'aura même pas lieu.
Dans l'hypothèse où, par faiblesse ou par sympathie à l'égard de son opposition, le Gouvernement la jugerait néanmoins recevable, l'amendement que vous déposez, monsieur le ministre, oblige cette proposition de loi, si d'aventure certaines de ses dispositions étaient adoptées, à être examinée par le Conseil constitutionnel et enjoint à celui-ci de la censurer pour violation précisément de la règle constitutionnelle du monopole.
Si cette réforme constitutionnelle est adoptée, pensez-vous, monsieur le ministre, que l'opposition pourra encore disposer de niches pour présenter des propositions de loi comportant, le cas échéant, des dispositions fiscales ? Dans l'hypothèse – déjà fort peu probable – où une proposition de loi ne serait pas déclarée irrecevable, dans l'hypothèse même où elle serait adoptée dans certaines de ses dispositions, le Conseil constitutionnel, oui ou non, la censurera-t-il de façon systématique et sans débat, puisque l'amendement que vous nous proposez lui enjoint de procéder ainsi ?
Nous parlons d'un monopole. Le monopole, ce n'est pas l'élimination du débat ; c'est la concentration dans le temps sur des outils juridiques afin d'examiner les dispositifs en cause.
Il m'est arrivé d'être dans l'opposition. Même si ce n'est pas très agréable, on arrive à faire un travail utile. Je peux comprendre votre situation. Vous aurez toujours la possibilité de défendre une idée de nature fiscale ou sociale tendant, peut-être, à créer une niche supplémentaire – c'est une coutume partagée aussi bien par vous que par nous, ayons l'honnêteté de le reconnaître. C'est d'ailleurs une de nos difficultés collectives et aussi l'une des raisons pour lesquelles nous nous retrouvons à discuter du changement de notre loi fondamentale. Dans la proposition de loi que vous déposerez, vous discuterez de la partie non fiscale ou non sociale dans le cadre du calendrier arrêté pour l'examen de ce texte, la partie fiscale ou sociale étant examinée dans le collectif budgétaire du mois de juin, la loi de finances ou la loi de financement de la sécurité sociale.
Avant la suspension de la séance précédente, une nouveauté a été annoncée pour le mois de juin : une loi de financement de la sécurité sociale rectificative. Ce rendez-vous sera une première et l'intervalle de temps permettra de rendre cohérent l'ensemble des dispositifs. J'espère que mes arguments vous auront rassuré, monsieur le président de la commission des finances, si tant est que vous ayez été vraiment inquiet.
Si j'ai bien compris la réponse du ministre, l'opposition – ou la majorité – pourra déposer une proposition de loi et espérer en faire adopter les dispositions hors mesures de nature fiscale ou budgétaire, autrement dit vidée de tout sens : il est rare que des dispositions puissent être adoptées sans engager des dépenses budgétaires ou fiscales. C'est du reste la difficulté du métier de législateur.
Monsieur le ministre, je vous rappelle qu'une centaine de niches fiscales supplémentaires ont été créées depuis 2005 par une majorité à laquelle je n'appartenais pas. Au-delà de cet élément factuel, vous indiquez, pour rassurer l'ensemble des parlementaires, que le rendez-vous pour l'examen des dispositions de nature fiscale ou budgétaire sera fixé lors des lois de finances initiales ou rectificatives. Or je me permets de vous rappeler que celles-ci sont exclusivement d'initiative gouvernementale et qu'en aucune manière des parlementaires de la majorité ni de l'opposition ne pourraient bénéficier de ce que vous appelez un rendez-vous régulier pour faire adopter ou prendre l'initiative de faire voter des dispositions de nature fiscale ou budgétaire.
Je crains que ce que vous nous avez dit ne soit parfaitement éclairant : d'initiative parlementaire il n'y aura plus de fait, dès lors que ces propositions de loi engageraient des éléments de nature fiscale ou budgétaire.
Monsieur le président, je ne reprends pas la parole pour avoir le plaisir d'avoir le dernier mot.
J'entends bien vos arguments et nous avons toujours eu ici des débats de qualité. Toutefois, je tiens à apporter deux précisions complémentaires.
Dieu merci, toutes les propositions de loi ne visent pas exclusivement à créer des niches fiscales ou sociales. Bien d'autres textes peuvent être portés sans risquer d'altérer nos finances publiques ou de créer de nouvelles niches entraînant autant de dépenses fiscales qui ne sont plus soutenables en l'état actuel de nos finances publiques.
Ajoutons qu'on ne parle que de la situation des parlementaires. Mais ces obligations seront d'égal niveau pour le Gouvernement et pour les ministres : permettez-moi à ce propos de rappeler que la circulaire du Premier ministre du mois de juin s'applique à l'ensemble des membres du Gouvernement.
Vous avez eu la gentillesse, par un trait de malice, de rappeler que l'essentiel de l'addition des niches fiscales ou sociales avait été produit par le Gouvernement, effaçant ainsi le degré de responsabilité des parlementaires.
Comme cette mesure s'appliquera au Gouvernement, elle n'en sera que plus opérationnelle et nous atteindrons ensemble cet objectif partagé.
Mes chers collègues, je ne sais pas si vous mesurez ce qui est en train de se passer ce soir et ce que nous sommes en train de voter. Contrairement à M. Cahuzac, je pense qu'il y a bien lieu de rouvrir le débat que nous avons eu tout à l'heure.
On va créer, nous explique-t-on, un dispositif par lequel le Gouvernement ou le président de l'Assemblée pourront soulever l'irrecevabilité à tout moment de la procédure législative. Comme le disait le président Cahuzac, cela signifie que le Gouvernement pourra à tout moment « flinguer » une proposition de loi qui lui déplairait. Si c'est ce que vous appelez revaloriser les droits du Parlement, il y a de quoi être surpris !
Et comme cela ne vous suffit pas, mes chers collègues, le ministre François Baroin entend rajouter à l'article 9 un amendement prévoyant que le Conseil constitutionnel devra se saisir de toute disposition créant des dépenses – mais également, par symétrie, des recettes. Ce qui revient à réduire à néant toute initiative parlementaire, qu'elle vienne de la majorité ou de l'opposition. C'est extrêmement grave.
On peut toujours se rassurer en se disant que ce texte ne prospérera pas puisqu'il a peu de chances d'obtenir la majorité des deux tiers au Congrès. Restent que ces dispositions donnent idée de la volonté d'ouverture du Gouvernement par rapport à un travail que tous les parlementaires devraient pouvoir faire eu égard à la Constitution actuelle – dans laquelle, je vous le rappelle, figure le droit d'amendement.
Le rapporteur a qualifié tout à l'heure d'usine à gaz l'amendement de Gilles Carrez, expliquant que l'amendement n° 81 permettrait aux membres de l'Assemblée de continuer à déposer des propositions de loi. Or l'explication du processus par le ministre montre que c'est bien une super-usine à gaz, encore bien plus complexe que ce qu'avait proposé Gilles Carrez… La discussion d'une proposition de loi qui comporterait une disposition fiscale se retrouverait scindée en deux séquences intervenant à des moments différents, sans même être assuré que la discussion aura bien lieu !
J'entends bien, monsieur le président de la commission des lois, que les propositions de loi n'ont pas toutes vocation à être discutées : il arrive souvent que les parlementaires en déposent dans un simple but d'affichage. Mais il en est quelques-unes, émanant tantôt de la majorité, tantôt de l'opposition, qui se voient déposées soit parce qu'elles ont vocation à être débattues soit dans le cadre d'une niche parlementaire, soit parce que la majorité tient à ce qu'il soit examiné. La réponse que nous venons d'entendre et le contenu même de l'amendement montrent bien que c'est précisément sur ces propositions de loi, les plus significatives, que le couperet tombera. On va donc bien rogner considérablement le pouvoir d'initiative du Parlement et si je peux comprendre que le pouvoir exécutif le souhaite – après tout, c'est conforme à sa vocation –, je suis stupéfait de voir les parlementaires eux-mêmes accepter avec autant d'enthousiasme un tel dessaisissement de leurs pouvoirs.
(L'amendement n° 81 est adopté.)
Sur l'article 3, je ne suis saisi d'aucun amendement.
(L'article 3 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 19 , tendant à insérer un article additionnel après l'article 3.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
La commission des affaires sociales, constatant que les lois-cadres s'imposeront dans les mêmes conditions aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale et que les montants en cause sont plus élevés que ceux repris dans la loi de finances, a exprimé le souhait de renvoyer d'office l'examen des projets de loi-cadre à une commission spéciale. À ce stade de la discussion et faute d'autres précisions dans le projet de loi constitutionnelle, il ne fait pas de doute que les projets de loi-cadre seraient renvoyés aux commissions des finances, comme l'ont été d'ailleurs les deux projets de loi de programmation. Pourtant, ces lois-cadres s'imposeront aussi bien aux lois de finances qu'aux lois de financement de la sécurité sociale.
L'obligation de réunir une commission spéciale tous les trois ans me paraît être un minimum pour que les deux commissions puissent être associées à l'examen des lois-cadres.
La commission a donné un avis défavorable à cet amendement. Il nous paraît en effet plus sage d'en rester au droit commun des commissions qui prévoit deux possibilités : soit le projet de loi-cadre est renvoyé à une commission – souvent la commission des finances, la commission des affaires sociales étant alors saisie pour avis –, soit une commission spéciale est constituée à la demande du Gouvernement ou de l'Assemblée. Il nous a semblé plus sage de garder la liberté de choix plutôt que d'obliger à constituer systématiquement une commission spéciale.
Sagesse.
Cette disposition n'est pas de nature constitutionnelle. C'est aux responsables de l'Assemblée qu'il appartient de choisir si l'on renvoie le projet de loi-cadre à une commission, ou si l'on crée une commission spéciale. En ce qui me concerne, je voterai contre cet amendement.
La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Je partage l'avis de M. de Courson. Cette question ne relève pas de la Constitution, mais elle pourra être traitée entre nous le moment venu. Compte tenu de l'importance des lois-cadres et du vaste champ qu'elles couvrent – comptes de l'État, comptes sociaux, comptes des collectivités locales –, nous avons intérêt à y associer le plus grand nombre de commissions. Cela relève davantage du règlement et de décisions internes à l'Assemblée que de la Constitution.
La Constitution précise que les lois de programmation sont renvoyées à la commission des finances. Il me semble important que la commission des affaires sociales puisse être assurée d'être associée à ce débat dès lors qu'il touche aux lois de financement de la sécurité sociale. Cela va mieux en l'écrivant.
Sur l'article 4, je ne suis saisi d'aucun amendement.
(L'article 4 est adopté.)
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 44 et 70 rectifié , tendant à supprimer l'article 5.
L'amendement n° 44 est défendu.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 70 rectifié .
L'article 5 prévoit que les lois de finances ne peuvent être adoptées définitivement en l'absence de loi-cadre d'équilibre des finances publiques applicable à l'année considérée. Autrement dit, il ne sera plus possible d'adopter une loi de finances rectificative pour une année considérée s'il n'existe pas une loi-cadre d'équilibre ou d'adopter une loi de finances initiale pour l'année suivante sans loi-cadre encadrant l'année suivante.
On ne peut mieux souligner le caractère dogmatique et inadmissible de votre réforme qui fait de l'examen des lois de finances un exercice excessivement contraint au mépris des prérogatives du Parlement, et surtout du principe de réalité de la nécessité du devoir qui est le nôtre d'adapter la politique budgétaire aux évolutions de la conjoncture. On ne saurait trouver meilleure illustration du fait que votre projet de loi n'a pas vocation à permettre au Parlement d'exercer ses droits dans la conformité à l'intérêt général mais d'accompagner une politique unilatérale d'austérité budgétaire excessive qui représente une terrible faute politique.
La politique d'austérité budgétaire qui forme le coeur du nouveau pacte de l'euro porté par l'Allemagne et la France ne peut, dans le contexte actuel marqué par un taux de chômage élevé et la stagnation des salaires, que brider la demande intérieure et lui interdire de constituer le moteur dont la reprise européenne a besoin.
Notre croissance doit donc dépendre du dynamisme de la demande extérieure. C'est une mauvaise nouvelle pour notre industrie, pour les salariés, pour la croissance et l'activité.
Nous vous proposons donc d'adopter cet amendement.
Défavorable.
Je trouve un peu curieux que l'on ne réponde pas de façon plus circonstanciée à des amendements de suppression sur un texte tel que celui-ci. La question soulevée par notre collègue Brard sur le calendrier mérite réponse. Programme de stabilité, loi-cadre, loi pluriannuelle, loi de finances… Comment allons-nous donc pouvoir travailler ? Vous ne semblez pas mesurer la lourdeur du dispositif qui nous est proposé : vous mettez ceinture et bretelles, des verrous partout, vous prétendez qu'on ne peut plus adopter une loi de finances sans adoption préalable d'une loi-cadre !
Monsieur le ministre, non seulement vous n'êtes pas à même de nous présenter les textes dans des délais suffisamment raisonnables pour que nous puissions travailler correctement, mais vous nous imposez de nouvelles obligations, vous contentant de donner un avis défavorable à tous nos amendements. Je trouve cette attitude un tant soit peu méprisante.
(Les amendements identiques nos 44 et 70 rectifié ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 50 et 62 rectifié .
La parole est à M. Daniel Garrigue.
Les lois de finances sont des instruments soumis à des contraintes de temps particulièrement sévères, qu'il s'agisse de leur élaboration, de leur discussion, de leur adoption et de leur exécution. Le minimum est de garantir à ce type de texte une certaine sécurité juridique. Or nous sommes en train de créer les conditions d'une insécurité juridique absolue.
Outre l'empilement des dispositifs prévus par les lois d'équilibres des finances publiques, par les programmes de stabilité, qui seront d'ailleurs difficilement compatibles entre eux, et des dispositions des lois de finances elles-mêmes, il faut prendre en compte les possibilités de recours.
À ce propos, monsieur Warsmann, les lois-cadres d'équilibres des finances publiques pourront-elles faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité ? Si c'est le cas, les possibilités d'annulation risquent de se multiplier.
Nous sommes en train de créer une situation d'insécurité juridique totalement incompatible avec les exigences de célérité qui doivent caractériser la préparation, le vote et l'exécution de la loi de finances. Ce que vous nous proposez est complètement aberrant. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
L'amendement n° 62 rectifié de Mme Billard, est défendu.
(Les amendements identiques nos 50 et 62 rectifié , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
(L'amendement n° 5 , accepté par la commission, est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 26 .
Les amendements que nous avons adoptés conduisent à concentrer toutes les dispositions ayant trait aux recettes sur les seules lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale.
Le moment est donc venu d'évoquer les conditions de travail du Parlement (Rires)…
Que s'est-il passé depuis 2007 ? Nos lois de finances ont doublé de volume ! En 2007, la loi de finances initiale tenait dans quarante-huit pages du Journal officiel ; en 2011, il en a fallu quatre-vingt-quinze… Dans le même temps, les délais pour les examiner se sont réduits de quinze jours. En effet, jusqu'à cette époque, le conseil des ministres se tenait vers le 15 septembre, au plus tard vers le 20 ; désormais, il se tient le dernier mercredi de septembre.
Nous travaillons par conséquent dans les pires conditions. Comment voulez-vous que nous, parlementaires, examinions un texte correctement quand nous sommes contraints par un délai de deux semaines ?
De surcroît, comme on sait, les lois de finances sont examinées dans un premier temps par l'Assemblée ; si nos collègues sénateurs ont tout le loisir de les étudier, nous sommes pour notre part enserrés dans un véritable tunnel, et obligés de travailler à la va-vite.
Les membres de la commission des finances, plus ou moins au courant du contenu du texte en amont, font de leur mieux ; mais prenez bien conscience, chers collègues, que vous ne pourrez plus déposer d'amendements de recettes lors de l'examen de textes ordinaires ; et comme vous ne pourrez plus faire de propositions de lois, il ne vous restera plus qu'un seul vecteur : la loi de finances. Si vous ne disposez d'aucun délai pour travailler, que va-t-il se passer ?
Notre amendement consiste à imiter les autres pays, les vraies démocraties qui respectent le Parlement. En Allemagne, le projet de loi de finances est déposé immédiatement après le 1er septembre ; en Suède, un dispositif a récemment été voté aux termes duquel le projet est déposé au plus tard le 20 septembre ; quant au Royaume Uni, où il n'y a pas de règle écrite, la pratique veut que le Gouvernement dépose le projet devant le Parlement au plus tard le 15 septembre.
L'amendement n° 26 vise à protéger les droits élémentaires des parlementaires et propose que le projet de loi de finances soit déposé au plus tard le 15 septembre.
Une telle disposition peut certes poser quelques problèmes de réorganisation à l'administration…
…mais, après tout, l'administration peut très bien ne pas partir en vacances pendant le mois d'août afin de préparer les textes.
Je ne vois pas pourquoi le raccourcissement du délai d'examen de textes fondamentaux devrait remettre en cause les droits des parlementaires.
Ce qui vaut pour la loi de finances vaut pour la loi de financement de la sécurité sociale et je ne pense pas que notre collègue Yves Bur me démentira.
Monsieur le ministre, nous avons fait preuve d'une très grande compréhension à propos de l'instauration du monopole des lois de finances en matière fiscale et du monopole des lois de financement de la sécurité sociale en matière de cotisations sociales. À votre tour, dès lors que nous acceptons ce monopole, de nous permettre des conditions de travail décentes respectueuses des droits élémentaires des parlementaires.
La commission a examiné cet amendement présenté par M. le rapporteur général au nom de la commission des finances et a relevé les différentes dates de dépôt du projet de loi de finances depuis 1993.
Il fut une époque pas si lointaine où ledit projet était déposé aux alentours du 15 septembre : ce fut le cas en 1999 et 1996. Durant une assez longue période, le dépôt a eu lieu autour du 20 septembre, comme en 1995 et en 2000 ; le 22 septembre en 1993 et en 2004. Ensuite, les données de Gilles Carrez sont parfaitement exactes, il y eut une césure en 2005 où c'est plutôt vers le 30 septembre que le texte a été déposé : le 28 en 2005, le 27 en 2006, le 26 en 2007 et 2008 et le 30 en 2009.
Force est de relever, mes chers collègues, une incontestable dégradation. La règle en vigueur remonte aux débuts de la Ve République ; à cette époque, le contenu du projet de loi de finances n'avait rien à voir avec ce qu'il est devenu. L'intérêt commun serait en effet de disposer des documents dans un délai correct afin que la commission des finances puis l'ensemble des députés bénéficient d'un laps de temps suffisant pour l'examiner.
C'est la raison pour laquelle la commission des lois émet un avis favorable à cet amendement de la commission des finances.
Je pourrais vous faire observer, cher Gilles Carrez et cher Jean-Luc Warsmann, que cette dégradation calendaire est liée à la loi organique pour les lois de finances que nous avions souhaitée les uns et les autres à l'époque. La LOLF a fixé de nombreux impératifs, précis, quant à la présentation des objectifs de la politique du Gouvernement, des indicateurs de performance, de la programmation des dépenses, du développement par les opérateurs, etc.
Ainsi, le nombre de bleus annexés en 2001 était de 26 ; il est de 40 en 2011, soit une augmentation de 54 %. Le nombre de pages bleues était de 4 145 en 2001 et, dix ans plus tard, de 7 489, soit une augmentation de 80 %. Les jaunes annexés ont augmenté de 43 % et le nombre de pages de ces jaunes de plus de 170 %. Ce sont les grandes vertus de la LOLF qui ont justifié un travail approfondi de la part des services de Bercy afin que les parlementaires puissent procéder à un examen de plus grande qualité.
Ajoutons, cher Gilles Carrez, qu'au-delà des chiffres, du délai nécessaire pour vous transmettre les documents, fixer la date de dépôt du projet de loi de finances dans la Constitution me paraît exagéré.
Il serait plus sage, comme nous l'avons fait pour d'autres dispositions, qu'elle soit déterminée dans le cadre de la loi organique.
Je pourrais donc disserter sur les chiffres, les kilogrammes de papier supplémentaires, le calendrier, la procédure législative opportune, mais je ne le ferai pas. Je n'oublie pas nos échanges visant à définir un bon triptyque au sein de la Constitution.
En logique pure, le ministre du budget est naturellement défavorable à cet amendement à cause de la pression de l'administration due au temps pris par les arbitrages. En logique pure, le ministre des comptes publics est naturellement défavorable à cet amendement puisque, après le projet de loi de finances, le Parlement examine le projet de loi de financement de la sécurité sociale. En logique pratique, compte tenu de la qualité des débats, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.
C'est bien la première décision positive prise par le Gouvernement depuis le début de l'examen du texte !
Je présente d'ores et déjà l'amendement n° 20 que la commission des affaires sociales présente à l'article 6. Cet amendement vise, dans le même esprit que celui de Gilles Carrez, à avancer de quinze jours le dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale, afin qu'il ait lieu au plus tard le 1er octobre.
Depuis sa première application en 1996, année après année, le projet de loi de financement de la sécurité sociale s'est incontestablement enrichi. L'instauration du monopole en matière de cotisations sociales risque de le rendre encore plus volumineux et n'oublions pas que le Conseil constitutionnel contrôlera sa conformité à la loi d'équilibre. Ce monopole entraînera des conséquences que nous ne sommes pas encore à même de mesurer.
Il reste évident que si nous devons absorber, pendant l'examen du projet de loi de financement, l'ensemble des dispositions financières des projets et des propositions de loi qui n'auraient pas été examinés, le délai sera encore plus serré qu'aujourd'hui. La commission estime par conséquent que nous abordons l'examen du PLFSS – qui s'effectue déjà parfois au lance-pierres – dans de mauvaises conditions.
Or le droit élémentaire du Parlement est de travailler dans de bonnes conditions.
Pour rassurer M. le ministre quant à l'impact de la LOLF sur nos lois de finances, il est exact qu'elle a ajouté de nombreux document de présentation. Cependant, la loi de finances reste structurée en deux parties, la première concernant les recettes, les tableaux de dépenses – partie dont nous vous demandons que le dépôt ait lieu dès la mi-septembre.
En revanche, les annexes qui décrivent, par exemple, les programmes d'actions prioritaires, les dépenses fiscales, etc., peuvent être déposées par le Gouvernement dans un second temps. C'est la date à laquelle est déposée la dernière des annexes qui déclenchera le délai constitutionnel de quarante jours au terme duquel l'Assemblée doit avoir voté le projet de loi de finances.
Ces dernières années, les annexes en question ont été déposées entre le 12 et le 14 octobre. Un certain délai est par conséquent consenti à l'administration pour les élaborer.
Je vous remercie d'autant plus de votre compréhension, monsieur le ministre, que cet amendement propose un bon dispositif.
Pour terminer, j'ajouterai que la commission des finances, soucieuse des conditions de travail de la commission des affaires sociales, avait adopté un amendement fixant au 25 septembre au plus tard le dépôt par le Gouvernement du projet de loi de financement de la sécurité sociale ; je le retire au profit de l'amendement n° 20 que M. Bur va soutenir et qui fixe cette date au 1er octobre.
L'échange que vous venons d'entendre me conduit à faire un commentaire, ainsi qu'une prédiction, ou une prévision.
Il y a quelques années, sous la présidence du regretté Philippe Séguin, avait été instaurée la session unique. Notre assemblée siège depuis du 1er octobre au 30 juin. L'accumulation que le principe du monopole va produire, ajoutée à la complexité dont il s'accompagnera, aboutira à des projets de loi de finances volumineuses, gigantesques, qu'il faudra transporter dans des brouettes, et à des projets de loi de financement de la sécurité sociale de volume à peu près comparable.
Cela veut dire que la commission des finances et la commission des affaires sociales, ou la commission spéciale que notre collègue Yves Bur appelle de ses voeux, vont travailler nuit et jour, et au-delà, pendant trois mois et demi, du 15 septembre jusqu'à la fin du mois de décembre.
Et ensuite, puisque les autres commissions, tout comme d'ailleurs les deux que je viens de nommer, n'auront plus de texte substantiel à se mettre sous la dent, tout le monde se mettra au repos ; ou alors on organisera des débats généraux en commission, des colloques, etc., et autres choses très plaisantes ; mais il ne se passera pas grand-chose dans notre assemblée durant les neuf mois restants.
Je me préoccupe aussi des conditions de travail du Conseil constitutionnel, qui devra étudier en quelques jours, voire en quelques heures, à la fin du mois de décembre, le contenu des deux brouettes que je viens de décrire rapidement.
C'est une question dont vous ne manquerez pas de traiter dans vos programmes à l'occasion de votre primaire !
Voilà, il va falloir se poser un certain nombre de questions de ce genre. Nous sommes largement au-delà de la zone de l'absurde.
Je voudrais faire une remarque et une demande au ministre.
La remarque, c'est que l'argument de la LOLF n'en est évidemment pas un. Si vous regardez à quelle date étaient déposées les annexes avant même l'adoption de la LOLF, vous verrez que les dernières annexes l'étaient toujours entre le 10 et le 15 octobre. Par conséquent, l'argument qu'il nous a suggéré ne me paraît pas vraiment recevable.
Ma demande est plus importante que ma remarque. Personne ici ne peut préjuger de ce que sera le vote du Parlement réuni en Congrès. Dans l'hypothèse, que nul ne peut exclure, où cette réforme constitutionnelle ne serait pas adoptée – à supposer que le Congrès soit convoqué –, pouvez-vous, monsieur le ministre, aller encore plus loin que le geste que vous venez de faire, et auquel tous les parlementaires ont été sensibles, en vous engageant à ce que le projet de loi de finances initial soit déposé au plus tard le 15 septembre ?
Le Gouvernement est à la disposition du Parlement. Ainsi sollicité par le président de la commission des finances, il est normal que je réponde.
Vous me permettrez de rappeler que des débats vont se tenir dans la Haute assemblée. Par respect pour celle-ci, je préfère attendre le retour de cette question, qui sera immanquablement posée. Ensuite, nous en reparlerons.
M. le ministre a du métier ! (Sourires.)
(L'amendement n° 26 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 63 .
La parole est à Mme Martine Billard.
Défendu.
(L'amendement n° 63 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je serai brève, puisque je me suis déjà exprimée tout à l'heure sur la soumission du PLFSS à la loi-cadre, que nous dénonçons.
Ce qui m'inquiète, c'est que dans le programme de stabilité européen pour la période 2011-2014 qui a été présenté lundi soir à notre assemblée, le Gouvernement a prévu, s'agissant des dépenses d'assurance maladie, que l'évaluation de l'utilité des médicaments conditionnerait leur prise en charge. Je n'ai pas le texte sous les yeux, je ne me rappelle donc pas quelle était la formule exacte qui figurait dans ce texte ; reste que, dans ce domaine, on a déjà commencé à dériver. Si, en plus de cela, la loi-cadre est opposable au PLFSS, on risque d'aboutir à des choix qui seront tout simplement dictés par les marchés, et qui ne seront plus du tout déterminés par des besoins sociaux.
Je rappelle que ces obligations sont inscrites dans le pacte Euro plus. Nous avons tendance à l'oublier parce que nous sommes dans la technique. Dans le cadre de l'examen d'un projet de loi, c'est un peu normal, certes, mais il ne faudrait quand même pas oublier le cadre politique général constitué par ce pacte Euro plus, qui a pour objectif et de contraindre et les dépenses sur les retraites et les dépenses d'assurance maladie.
(Les amendements identiques nos 45 et 64 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
L'amendement n° 27 rectifié de la commission des finances a été retiré.
L'amendement n° 20 de la commission des affaires sociales a été défendu tout à l'heure par M. Bur. La commission des lois, saisie au fond, s'y est dite favorable. Le Gouvernement a pour sa part émis un avis de « sagesse positive ».
(L'amendement n° 20 est adopté.)
(L'article 6, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 28 portant article additionnel après l'article 6.
La parole est à M. le rapporteur général.
Cet amendement vise à étendre l'assistance qu'apporte la Cour des comptes, tant au Gouvernement qu'au Parlement, dans le cadre des lois de finances. Il est proposé de l'étendre, tout naturellement, à la mise en oeuvre des lois-cadres d'équilibre des finances publiques.
Ce faisant, nous répondons à la préoccupation exprimée tout à l'heure par le président Warsmann sur l'exécution des lois-cadres. Il est très important de savoir comment elles seront exécutées, et, si des écarts devaient apparaître, comment ceux-ci devront être corrigés. Il paraît tout à fait légitime que la Cour des comptes se voie confier un rôle, à l'instar de celui qu'elle exerce s'agissant des lois de finances et de financement de la sécurité sociale.
Sagesse.
(L'amendement n° 28 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 80 .
La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
Cet amendement s'inspire du même esprit que le précédent. Il tend à élargir les compétences de la Cour des comptes, devenue un outil, un partenaire, un interlocuteur du Parlement très consensuel.
Le présent article attribue une nouvelle mission à la Cour des comptes : réaliser tous les cinq ans un audit de la dette publique. Il apparaît nécessaire de faire toute la lumière sur la dette de notre pays, et surtout de cibler ceux qui en sont à l'origine.
Cette nouvelle compétence, garantie par notre Constitution, participerait d'une meilleure information citoyenne et permettrait d'améliorer la qualité et la finesse des analyses politiques sur l'état de la dette.
Cet audit serait également l'occasion d'obtenir des éléments d'appréciation qualitatifs sur la constitution de la dette et son essor, de même que des informations sur les principaux créanciers de la France.
En matière de dette, les diagnostics sont nombreux. C'est à l'action qu'il faut passer. Avis défavorable.
Même avis.
Monsieur le président, si j'étais trivial je dirais : « Il y en a qui ne manquent pas d'air ! »
Que proposons-nous ? D'y voir clair. Il y a des audits de ceci et de cela, certes. Mais taratata, le seul audit qui vaille, c'est celui de la Cour des comptes, me semble-t-il !
La vérité, c'est que vous vous défiez de la Cour des comptes.
En effet, à chaque rapport de la Cour des comptes, la vérité est un peu douloureuse pour vous. Vous estimez que les articles parus dans France Dimanche, Ici Paris et autres journaux intellectuels de même niveau, vous dispensent d'avoir recours à la Cour des comptes. Eh bien, non ! Nous, nous disons qu'il faut lui faire confiance. Et l'expérience de notre collaboration avec la Cour des comptes depuis l'entrée en vigueur de la LOLF montre que nous avons là un partenaire tout à fait exceptionnel. Des rapports de confiance et de coopération se sont construits avec elle. Ma collègue Aurélie Filippetti, qui manque peut-être un peu d'objectivité, me souffle : « Surtout depuis que Didier Migaud en est le premier président ». Ce qui est injuste vis-à-vis de Philippe Séguin, qui était également excellent.
Ne pas adhérer à notre proposition, c'est quand même, de la part du Gouvernement, afficher une méfiance certaine. Vous savez que vous avez tout à redouter de la mise sous les projecteurs.
(L'amendement n° 80 n'est pas adopté.)
Les articles 7 et 8 ne font l'objet d'aucun amendement.
(Les articles 7 et 8, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 40 , tendant à la suppression de l'article 9.
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances.
Deux types de lois vont être soumises, si cette réforme est adoptée, au contrôle du Conseil constitutionnel : les lois-cadres, d'une part ; les lois de finances et de financement de la sécurité sociale, d'autre part.
La loi-cadre sera donc soumise au contrôle du Conseil constitutionnel alors même qu'il ne s'agit pas d'une loi organique, et que rien n'obligeait à ce que l'on prévoie cette saisine et cet examen. J'aimerais en comprendre les raisons. S'agit-il, pour le Conseil, de vérifier que la loi-cadre répond à une série de paramètres qui pourraient être définis par la loi organique ? La loi-cadre doit-elle faire référence au prix du baril et à l'estimation de celui-ci pour l'année qui vient, voire pour les deux ans, les trois ans, les quatre ans qui viennent ? Exercice délicat ! Doit-elle comporter des prévisions d'inflation, non seulement pour l'année, mais aussi pour les suivantes ? Doit-elle prévoir une estimation de la parité entre l'euro et le dollar ? Doit-elle prévoir une évolution de la masse salariale, notamment de l'État ?
Bref, s'agit-il, pour le Conseil constitutionnel, d'un contrôle notarial, vérifiant que les éléments énoncés par la future loi organique sont bien présents ? Si tel est le cas, la saisine du Conseil est peut-être inutile : son rôle n'est pas de vérifier, ligne à ligne, que des éléments devant figurer dans cette loi y figurent bien. La saisine simple, par soixante députés ou soixante sénateurs, qui pourraient estimer que tel n'est pas le cas, y suffirait largement.
Ou bien, et c'est un peu ce que je crains, le contrôle effectué par le Conseil constitutionnel sur cette loi-cadre reviendra, pour celui-ci, à vérifier la validité des hypothèses économiques qu'elle contient, et qui vont conditionner les lois de finances et de financement de la sécurité sociale. S'agit-il de cela, monsieur le ministre ? Et si tel est le cas, estimez-vous que c'est la fonction du Conseil constitutionnel, et qu'il en a les moyens ? Est-il destiné, à supposer qu'il en soit capable, de jouer un rôle qui consiste ni plus ni moins qu'à exercer un contrôle de constitutionnalité sur des hypothèses économiques du Gouvernement, responsable devant le Parlement, et du seul Gouvernement, responsable devant le seul Parlement ?
En soumettant cette loi-cadre au contrôle de constitutionnalité, ou bien on réduit le Conseil constitutionnel à exercer un contrôle notarial – il vaut mieux que cela –, ou bien on lui demande de valider des hypothèses économiques qui relèvent en fait de la prérogative du pouvoir politique. Et je ne crois pas que ce soit le rôle de cette instance supérieure.
Je rassure le président Cahuzac : le contrôle du Conseil constitutionnel sera un contrôle habituel, par rapport au bloc de constitutionnalité. Il aura à vérifier le respect d'un certain nombre de dispositions : ainsi le principe de sincérité, prévu par l'article 47-2 de la Constitution, ou encore le respect de l'équilibre des comptes des administrations publiques, tel qu'exigé par l'article 34 tel que nous proposons de le modifier. Il vérifiera également la conformité des lois-cadres par rapport aux normes de référence. Je pense notamment, ici, à la loi organique qui définira les conditions d'application de cette réforme constitutionnelle.
Il est donc tout à fait légitime de prévoir que ces lois-cadres soient soumises au Conseil constitutionnel.
Ajoutons que ce contrôle sera une première étape : le Conseil sera également appelé à contrôler, dans une seconde étape, les dispositions relatives aux recettes et aux dépenses – aussi bien en ce qui concerne les lois de finances que les lois de financement de la sécurité sociale – et leur conformité au « tunnel » que nous avons adopté tout à l'heure.
Défavorable, pour les mêmes raisons.
Un mot pour rassurer le président de la commission des finances. Il émet la crainte, qui méritait d'être exprimée, que le contrôle du Conseil constitutionnel sur les lois-cadres ne porte en fait sur le fond. Mais le coeur de notre dispositif, c'est l'articulation entre les lois-cadres et les lois, annuelles, de finances et de financement, les premières se voyant conférer la primauté par rapport aux secondes.
Il faut donc que ces lois-cadres soient formellement irréprochables, c'est-à-dire qu'elles aient été validées par le Conseil constitutionnel, comme vient de le dire excellemment le président de la commission des lois. Mais, bien entendu, il ne saurait s'agir d'un contrôle portant sur le fond, c'est-à-dire sur les hypothèses économiques de la loi-cadre.
Je suis assez étonné que personne ne dise que le rôle du Conseil constitutionnel, dans son contrôle automatique de la constitutionnalité des lois-cadres, sera de vérifier qu'il s'agit bien de lois-cadres d'équilibre.
Eh oui : il est bien question d'équilibre. En d'autres termes, si un Gouvernement faisait voter au Parlement une loi-cadre qui s'éloigne de l'équilibre, ce serait manifestement contraire à la Constitution. Cela me paraît évident.
Si l'on affiche l'année n un déficit de 100, puis de 110 l'année n + 1, de 120 l'année n + 2 et de 140 l'année n + 3, est-ce toujours une loi-cadre d'équilibre ? Non, c'est une loi-cadre de déséquilibre.
Il me semble donc que le travail du Conseil constitutionnel est aussi de vérifier que l'on va vers l'équilibre. Une loi-cadre qui s'écarterait de l'équilibre devrait être déclarée anticonstitutionnelle : c'est la moindre des choses. Je ne sais pas ce qu'en pensent le rapporteur général et les présidents des deux commissions, mais c'est tout de même le premier point à vérifier.
Je crois que, par son intervention, M. de Courson vient de justifier les inquiétudes du président de la commission des finances.
Le contrôle qu'aura à accomplir le Conseil constitutionnel n'est pas simplement celui qu'il aurait à faire sur une loi organique par rapport au bloc de constitutionnalité. Dès lors que l'on introduit dans la Constitution le fait que ces lois-cadres visent à assurer l'équilibre des comptes des administrations publiques, il est évident que le Conseil constitutionnel pourra de lui-même décider de vérifier si ces conditions d'équilibre sont bien respectées.
Or, nous savons que le Conseil constitutionnel détermine lui-même l'étendue de son contrôle. Si l'on se reporte à ce qui s'est passé auparavant, il a toujours eu la tentation d'étendre davantage son contrôle – ce qui peut parfois devenir un véritable problème. Si, de surcroît, un certain nombre de membres du Conseil constitutionnel ont des compétences financières pointues, ils auront inévitablement cette tentation.
Je partage par conséquent les inquiétudes de M. Cahuzac.
Nous sommes de nouveau dans le plus complet surréalisme. J'en prendrai deux exemples.
Revenons deux ans en arrière : si les lois-cadres avaient existé au moment où est survenue la crise financière, puis économique. Qu'aurait-on fait alors ? Aurait-on dû voter une nouvelle loi-cadre ? Comment le Conseil constitutionnel aurait-il apprécié le fait que les déficits augmentent ? On peut discuter du bien-fondé de l'ampleur de cette augmentation, mais chacun reconnaîtra que la crise y a contribué. Que serait-il arrivé si le Conseil constitutionnel avait constaté que les déficits s'aggravaient et que nous n'étions plus dans une perspective d'équilibre des finances publiques ?
Deuxième exemple : le Conseil constitutionnel a annulé la taxe carbone. Cette annulation a évidemment eu pour effet d'aggraver le déficit. Si, à l'avenir, l'annulation d'une recette nous fait sortir du « tunnel », que se passera-t-il ? Comment sera appréciée la conformité de la loi de finances à la loi-cadre ?
Ce système de poupées russes est en fait une véritable usine à gaz. De deux choses l'une : ou cela ne fonctionnera pas, ou c'est un pouvoir nouveau qui sera transféré au Conseil constitutionnel. On peut en penser ce que l'on veut, mais je ne suis pas sûr que chacun ici ait conscience de la direction dans laquelle nous nous engageons.
L'intervention de M. de Courson éclaire utilement les choses. Il ne s'agit manifestement pas d'un simple contrôle notarial, par lequel le Conseil constitutionnel se contenterait de vérifier la présence dans la loi-cadre d'un certain nombre d'éléments. Cela ira évidemment au-delà.
Comment pourrait-il en être autrement ? Des gouvernements d'orientations politiques diverses ont, ces dernières années, présenté au Parlement des lois de finances initiales fondées sur des hypothèses de croissance économiques qui se sont ensuite révélées infondées ou irréalistes. Il est finalement assez simple, monsieur de Courson, d'afficher un équilibre budgétaire en retenant une hypothèse de croissance de nature à procurer un volume de recettes suffisant pour atteindre cet équilibre.
Je ne doute pas, par conséquent, que les lois de finances et de financement de la sécurité sociale, surtout si elles doivent être soumises automatiquement au Conseil constitutionnel, veilleront à respecter l'équilibre, quitte à adapter, le cas échéant, ce paramètre essentiel qu'est le taux de croissance estimé pour l'année à venir, de façon à satisfaire, sur le papier, cet objectif.
Dès lors, et puisque ces lois de finances et de financement seront soumises au Conseil constitutionnel, celui-ci pourra-t-il, devra-t-il estimer la vraisemblance de l'hypothèse de croissance formulée pour l'année à venir, et sur laquelle repose la loi de finances ou de financement qui lui a été soumise ? Si l'on répond par l'affirmative, cela veut dire qu'il jouera un rôle dont lui-même ne veut à aucun prix, et que le Gouvernement semble curieusement vouloir lui confier. Et, dans le cas contraire, cette réforme aura été un coup d'épée dans l'eau, le Conseil constitutionnel refusant de jouer le rôle de garde-fou que certains veulent lui conférer.
Dans les deux cas, nous serons dans une situation insatisfaisante, soit que le Conseil ne joue pas le rôle que le constituant lui aura assigné, soit qu'il le joue et que la représentation nationale le regrette finalement, car il se substituerait à la volonté du législateur.
Il est tout à fait possible d'avoir un fonctionnement correct, avec un Conseil constitutionnel qui sanctionne l'erreur manifeste d'appréciation. Ainsi, l'hypothèse d'une croissance de 5 % dans les quatre années à venir aurait une forte chance d'encourir l'annulation par le Conseil constitutionnel pour erreur manifeste d'appréciation (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), mais celui-ci n'a pas vocation à trancher entre 2 % et 2,25 % : cela relève de la liberté du Parlement.
Pourtant cela change tout, puisque l'équilibre est respecté dans un cas et pas dans l'autre !
(L'amendement n° 40 n'est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° 29 .
Il s'inscrit dans la même réflexion. Le coeur de notre dispositif est l'articulation entre les lois, annuelles, de finances et de financement, et la loi-cadre pluriannuelle, étant entendu qu'il y a prééminence de celle-ci sur celles-là. Nous proposons donc que le Conseil constitutionnel soit saisi automatiquement pour vérifier la conformité – et uniquement la conformité – de ces lois annuelles à la loi-cadre.
Sagesse.
Je suis favorable à cet amendement, mais nous devons bien nous entendre sur le terme de conformité.
Cela veut-il dire que les lois de finances et de financement sont une simple déclinaison des grands objectifs qui figurent dans les lois-cadres ? Ou bien cela signifie-t-il qu'il peut y avoir des recettes supplémentaires par rapport à la loi-cadre, mais que, dès lors qu'il n'y a pas augmentation du plafond de dépenses, le solde n'est pas dégradé, et que ces lois sont donc conformes ? Sans doute faudrait-il préciser davantage la nature et l'étendue du contrôle.
Il me semble que l'objectif est de réduire les déficits et que la notion de conformité vise par conséquent à éviter que les lois de finances ou de financement prévoient des déficits supérieurs aux prévisions de la loi-cadre – s'ils leur sont inférieurs, tant mieux. Mais il faut le dire de manière plus explicite, car le terme de conformité n'est pas très clair.
Cet amendement répond en fait à une question que j'avais posée, ainsi que plusieurs de mes collègues, dans la discussion générale, concernant le cas où une loi de finances n'est pas déférée au Conseil constitutionnel. Si l'amendement était adopté, en revanche, toutes les lois de finances et toutes les lois de financement seraient déférées automatiquement.
Mais deux questions demeurent. Tout d'abord, que se passerait-il si le Conseil constitutionnel, saisi d'une loi de finances ou de financement, l'annulait en tout ou en partie…
…et si le Parlement confirmait ensuite sa position ? Il y aurait alors un blocage. Comment en sortira-t-on ? La réponse est peut-être évidente, mais elle m'a échappé jusqu'à présent.
Ensuite, j'ai quelque difficulté à comprendre la manière dont le Conseil constitutionnel exercera son contrôle, et annulera éventuellement telle ou telle disposition d'une loi de finances ou de financement. Les deux lois sont discutées successivement, à l'automne, par le Parlement. La première des deux à être adoptée définitivement – mettons que ce soit la loi de financement – est automatiquement déférée au Conseil constitutionnel. Imaginons qu'elle soit jugée conforme à la loi-cadre, mais qu'ensuite la seconde – la loi de finances, donc – franchisse le trait, et soit de ce fait annulée par le Conseil constitutionnel. On pourrait se demander pourquoi celui-ci n'a pas plutôt annulé des dispositions de la loi de financement, votées un peu avant, et dont la responsabilité dans la sortie du cadre était peut-être plus grande.
Autre problème, plus délicat encore : prenons l'article 1er de la loi « TEPA ». Comment aurait-il été discuté dans le nouveau système ? Je rappelle que cet article consistait à défiscaliser les heures supplémentaires et à les exonérer de cotisations sociales. Le premier aspect aurait eu vocation à figurer dans une loi de finances, le second dans une loi de financement. Que se serait-il donc passé ? L'une et l'autre loi auraient été soumises au Conseil constitutionnel, lequel, s'il avait annulé l'un des deux volets, aurait rendu l'autre inapplicable, et inversement.
Tout cela n'est pas cohérent, et n'aurait en aucune façon permis de garantir que le dispositif que vous avez voulu instaurer soit applicable dans sa totalité.
Le dispositif est parfaitement cohérent. Il y a un « tunnel », avec un niveau minimum de recettes et un niveau maximum de dépenses. Le Conseil constitutionnel examinera le projet de loi de financement de la sécurité sociale et aura à constater si le plafond de dépenses est dépassé ou non. En matière de recettes, il constatera celles qui figurent dans le projet et n'ira pas au-delà : il s'assurera que l'estimation est sincère, et c'est tout. Ensuite, il examinera le projet de loi de finances et aura à vérifier, de la même façon, si le plafond de dépenses est dépassé ou non. Il disposera alors de l'estimation des recettes et pourra constater, en totalisant les recettes contenues dans les deux projets de loi, si le niveau minimum est atteint.
Que se passera-t-il ? Vous imaginez l'hypothèse la plus lourde de conséquences : une annulation du projet de loi de finances. C'est arrivé une fois dans l'histoire de la Cinquième République et, en tout état de cause, nos institutions prévoient des dispositions pour que la France ne reste pas sans budget.
Mais il peut très bien arriver aussi que le Conseil constitutionnel, après avoir examiné la loi de finances et constaté que le total des recettes ne suffit pas, la déclare néanmoins conforme à la Constitution sous réserve que le Parlement vote dans les trois mois un projet de loi de finances rectificatives apportant les recettes complémentaires. Son rôle n'est pas de nous dire s'il faut plus de TVA, de CSG ou de cotisations sociales, mais simplement de constater que, une disposition obligatoire de la loi-cadre n'ayant pas été respectée, une loi de finances rectificative s'impose.
Quelle serait la sanction si nous ne le faisions pas ?
(L'amendement n° 29 est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 30 .
Après l'article 9, je suis saisi d'un amendement n° 86 rectifié , qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 89 .
La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement.
Je l'ai présenté tout à l'heure, en même temps que l'amendement n° 81 .
Elle n'a pas examiné l'amendement, qui vient seulement d'être déposé. La rédaction en est toutefois quelque peu surprenante, du fait de certaines des expressions retenues et de quelques erreurs de référence malheureuses. J'émets à titre personnel un avis favorable, mais le Sénat aura du travail… (Sourires.)
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir le sous-amendement n° 89 .
Je suis un peu choqué par la rédaction de cet amendement. Écrire : « Le Conseil constitutionnel déclare contraires à la Constitution… », je trouve cela un peu raide, car le Conseil est libre de son appréciation. Il serait préférable d'écrire qu'il « examine la conformité à la Constitution », et c'est ce à quoi tend mon sous-amendement. Ce serait plus convenable à l'égard du Conseil.
Elle ne l'a pas examiné non plus, mais il me semble que cette rédaction est moins surprenante – pour reprendre le terme que j'ai déjà utilisé. À titre personnel, j'émets donc un avis favorable.
Défavorable. M. de Courson considère que le Gouvernement est discourtois à l'égard du Conseil constitutionnel en écrivant qu'il « déclare contraires ». Ce dont il s'agit en réalité, c'est de censurer la méconnaissance du domaine réservé à la loi de finances et à la loi de financement de la sécurité sociale. Dans la mesure où le Gouvernement propose au Parlement de jouer son rôle de constituant, je ne crois pas qu'il faille le considérer comme une mauvaise manière vis-à-vis du Conseil constitutionnel, puisque cela deviendra sa norme.
Cet amendement m'inquiète un peu. Je voudrais savoir à quelles hypothèses songe le Gouvernement lorsqu'il parle de « méconnaissance du domaine réservé à la loi de finances et à la loi de financement de la sécurité sociale ». Ce n'est pas neutre, en effet : étant donné que nous venons d'adopter un ensemble de dispositions qui ne permettront de faire voter certaines mesures que dans le cadre d'une loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, le fait de prévoir une interprétation systématiquement restrictive ne nous rassure pas.
Il faut faire attention. Écrire : « Le Conseil constitutionnel déclare contraires à la Constitution… », c'est ne pas lui laisser le soin d'apprécier, comme c'était le cas jusqu'à présent. Il s'agit d'une injonction, d'une compétence liée.
Je ne suis pas certain qu'il existe à ce jour dans notre texte fondamental une disposition liant ainsi le Conseil constitutionnel.
Je n'en suis pas certain, cher collègue, mais vous avez certainement regardé ce qu'il en était.
Quoi qu'il en soit, il faut prendre conscience du verrou que l'on demande à la représentation nationale de poser. Des initiatives parlementaires – amendements ou propositions de loi – discutées en séance et votées en dépit de leur méconnaissance du monopole des lois de finances et de financement, seront systématiquement transmises au Conseil constitutionnel, qui les déclarera contraires à la Constitution. Le débat aura eu lieu pour rien, le vote sera intervenu pour rien.
C'est d'une formidable hypocrisie. Le Gouvernement, au lieu d'invoquer le monopole constitutionnel pour déclarer ces dispositions irrecevables, aura donc accepté qu'elles soient débattues, tout en sachant pertinemment que le Conseil constitutionnel fera le travail qu'il n'a pas eu le courage de faire, par exemple à l'égard de tel ou tel groupe de sa majorité.
Cet amendement, par conséquent, est soit exagérément contraignant, soit d'une très grande hypocrisie. Dans un cas comme dans l'autre, je ne vois pas comment notre assemblée pourrait raisonnablement l'adopter.
Je crois que le Gouvernement a le choix entre deux solutions. La première serait de retirer l'amendement.
Ce serait peut-être la meilleure solution, car il n'est pas nécessaire de rappeler au Conseil constitutionnel qu'il doit vérifier la compatibilité entre les lois que nous votons et la Constitution : c'est sa fonction même et cela figure dans la Constitution. Pourquoi donc viser spécifiquement ces dispositions ?
Cette considération inciterait plutôt au retrait de l'amendement. Comme je suis plutôt bon garçon (Sourires), j'ai proposé une rédaction atténuée, qui laisse au Conseil constitutionnel sa liberté d'appréciation, mais il est vrai que nous ne voyons pas très bien ce qu'apporte l'amendement à l'état actuel du droit.
Le sous-amendement de M. de Courson me paraît plein de sagesse. Le Gouvernement sera ainsi complètement protégé. Il ne sera pas besoin d'être agrégé de droit pour se rendre compte qu'une proposition de loi qui, par connivence, indulgence ou complaisance, aurait passé le filtre du Président et celui du Gouvernement, est irrecevable, car il est simplissime de vérifier qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi de finances. Puisqu'elle sera transmise au Conseil constitutionnel, mieux vaut mieux écrire, plutôt que de lier la compétence de celui-ci, qu'il en « examine la conformité ». Ce faisant, il constatera que les dispositions en question ne figurent pas dans une loi de finances : point n'est besoin pour cela qu'il soit constitué de neuf agrégés de droit !
De la discussion jaillit la lumière. Si la représentation nationale adopte le sous-amendement, je n'en serai pas choqué. Je passe donc d'une position défavorable à une position favorable sans passer par la case « sagesse ». (Sourires.)
(Le sous-amendement n° 89 est adopté.)
(L'amendement n° 86 rectifié , sous-amendé, est adopté.)
La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l'amendement n° 46 à l'article 10.
Il est défendu.
(L'amendement n° 46 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 10 est adopté.)
Il est retiré, de même que l'amendement n° 21 de la commission des affaires sociales.
La parole est à M. le président de la commission des finances, pour soutenir l'amendement n° 41 .
J'appelle votre attention sur le problème que pose le fait de réserver aux lois de finances l'attribution aux collectivités territoriales de ressources destinées à compenser un transfert de charges. Dans une précédente réforme, le Parlement avait en effet décidé que le Sénat aurait la primeur de l'examen de telles dispositions.
Or, c'est l'Assemblée nationale qui, inversement, est saisie en premier des lois de finances.
Je suppose, monsieur le ministre, que vous défendrez ardemment cette disposition devant le Sénat et que vous retirerez donc à la Haute Assemblée le privilège d'examiner en premier les éventuels transferts de charges au profit ou au détriment de collectivités. J'aimerais que vous nous en donniez l'assurance…
Pour illustrer cet amendement, je rappellerai ce qui s'est passé lors de l'examen de la loi de finances pour 2009, lorsque fut introduit un article prévoyant, d'abord la suppression, puis le remplacement de la taxe professionnelle. Cet article de quelque soixante pages…
…comptait un peu plus de 1 400 alinéas. Le rapporteur général avait accompli un travail considérable, qui n'a d'ailleurs pas abouti au résultat qu'il aurait espéré.
Compte tenu des contraintes de la loi de finances, la discussion d'une disposition qui ôtait plus de 30 milliards d'euros aux collectivités locales – compensés, certes, mais seulement en partie – a laissé en plan toute une série de dispositions dont nous avons constaté l'année suivante qu'il fallait les corriger : je pense entre autres aux abattements en matière de taxe d'habitation.
Si nous reprenons l'ensemble des dispositions que nous n'avons pu examiner faute du temps nécessaire, force est de reconnaître que réserver à la loi de finances les dispositions financières concernant les collectivités locales ne peut aboutir qu'à des textes insatisfaisants.
J'ajoute que nous ne connaissons toujours pas, un an après, le coût de cette réforme pour l'État. Le rapporteur général, dans son rapport sur le projet de loi de finances rectificative, a essayé de le chiffrer.
Il est arrivé à un coût compris, pour l'instant, entre 7 et 9 milliards d'euros, quand le Gouvernement, lui, tablait généreusement sur 4,9 milliards ; et encore son rapport ne tient-il pas compte des dégrèvements qui viendront s'y ajouter. Cela montre que réserver à la loi de finances des dispositions concernant les collectivités locales aboutira à des conséquences absurdes.
J'ajoute que le dernier alinéa de l'article 72-2 de la Constitution précise que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation ». Or, il n'est pas proposé d'y remplacer le mot : « loi » par les mots : « loi de finances ». Les systèmes de péréquation inscrits dans une loi ordinaire n'impliquent-ils pourtant pas un certain nombre de dispositions financières ? Il me semble donc, soit que le texte est incomplet, soit que ses auteurs ont de la péréquation une conception fort particulière. Le dispositif de péréquation portant sur les droits de mutation montre à l'évidence que, dès lors que l'on fait de la péréquation, on est bien obligé de toucher à la fois au taux et au produit.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 66 rectifié .
L'article 11 tend à modifier l'article 72-2, auquel vient de faire référence notre collègue Dosière, afin de réserver aux lois de finances le soin de régir les dispositions fiscales relatives aux ressources des collectivités territoriales, y compris en cas de création ou d'extension de compétences.
Cet article n'a d'autre vocation que de corseter davantage encore les marges de manoeuvre du Parlement, de façon à faire régner sur les finances locales une politique de contrainte et d'austérité. En conférant aux lois de finances le monopole de la fixation des ressources fiscales des collectivités territoriales, il représente un grave danger car il ôte au législateur toute autonomie en la matière et le prive de la possibilité de mener des politiques permettant aux collectivités de mettre en oeuvre les missions de service public qui leur sont dévolues.
De plus, cet article porte atteinte au principe d'autonomie des collectivités territoriales, principe que vous avez déjà largement entamé en leur transférant des charges non compensées intégralement.
Il est donc indispensable, mes chers collègues, de voter cet amendement de suppression.
Défavorable. Je veux rassurer nos collègues, en particulier le président Cahuzac, en leur rappelant qu'il s'agit, d'une part, de permettre aux lois de finances d'autoriser les collectivités locales à fixer l'assiette et le taux de leurs impositions dans les limites définies par lesdites lois, et, d'autre part, de permettre aux lois de finances, lors de toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales, d'accompagner celles-ci en prévoyant des ressources déterminées.
L'article n'est en rien contradictoire avec l'article 39 de la Constitution. Certes, celui-ci prévoit la priorité de passage au Sénat, mais seulement pour les projets de loi « ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales ». Il ne s'agit pas des textes portant sur leurs ressources, sur leurs pouvoirs financiers ou sur la compensation de transferts de compétences. Il n'y a donc aucune contradiction, et cela justifie que la commission soit défavorable à ces amendements de suppression.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
(Les amendements identiques nos 41 , 47 et 66 rectifié , repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n°31 .
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 58 à l'article 12.
C'est un véritable progrès que de constitutionnaliser l'obligation de transmettre au Parlement les projets de programme de stabilité, mais il convient de concrétiser ce droit de regard parlementaire en rendant obligatoire une déclaration sur le projet, suivie d'un débat et d'un vote sur cette déclaration. Il s'agit de systématiser la procédure prévue à l'article 50-1 de la Constitution.
Je sais que le Gouvernement n'y est pas hostile puisqu'il l'a déclaré publiquement : pourquoi, dès lors, ne pas inscrire une telle procédure dans la Constitution, d'autant qu'on ne peut amender les programmes de stabilité ? Il serait aussi possible d'utiliser l'article 88-4 de la Constitution qui permet au Parlement de dire au Gouvernement, par la voie d'une résolution, qu'il faut infléchir son action dans tel sens sur tel ou tel point.
Les différentes commissions de l'Assemblée ont enrichi le texte du Gouvernement. Celui-ci propose que soient transmis au Parlement les projets de programme de stabilité. Cela nous semble insuffisant. C'est pourquoi je proposerai tout à l'heure, par l'amendement n° 11 , que ces projets soient soumis pour avis à l'une de nos commissions permanentes et que, à la demande du Gouvernement ou d'un groupe parlementaire, ils donnent lieu à un débat en séance puis à un vote n'engageant pas la responsabilité du Gouvernement. L'examen du texte en séance devrait entraîner automatiquement un vote, même s'il n'y a pas d'amendement.
Monsieur de Courson, je ne suis pas favorable à votre analogie avec l'article 50-1 de la Constitution. Je rappelle que celui-ci résulte d'un amendement que j'avais déposé, et qu'il ne porte pas du tout sur des matières financières. Il s'agissait de permettre au Gouvernement de faire des déclarations dans des matières qui ne sont pas législatives. L'exemple type en est l'éducation nationale : il y a très peu de matière législative, mais le Gouvernement peut choisir de faire une déclaration sur sa politique en ce domaine pour obtenir l'accord de l'Assemblée. Certes, le vote est facultatif, mais, dans le cas qui nous occupe, nous sommes en matière financière, au coeur, donc, des compétences de l'Assemblée nationale, et la mise au voix automatique du projet de programme, dès lors qu'il est présenté dans l'hémicycle, me semble logique.
Je suis saisi d'un amendement rédactionnel, n° 9, de la commission des lois.
(L'amendement n° 9 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 32 .
Cet amendement vise à préciser le délai de transmission au Parlement du projet de programme de stabilité avant son envoi aux institutions européennes. Le délai proposé est de deux semaines, comme nous l'avions envisagé en décembre dernier lors de la discussion de la loi de programmation pluriannuelle.
Sagesse.
Je voudrais faire une observation sur l'article 12 et sur la plupart des amendements qui s'y rapportent : je m'interroge sur l'opportunité de constitutionnaliser l'expression : « projets de programme de stabilité ». Certes, ces textes s'appellent aujourd'hui ainsi, mais il est loisible aux gouvernements européens de s'entendre à tout moment, sur un coin de table, lors d'un Conseil européen, pour les rebaptiser « programmes de régulation » ou « programmes de gestion budgétaire », ou encore « programmes de gestion des finances »… Si cela se produit, faudra-t-il modifier la Constitution ? C'est une procédure plutôt lourde. Mieux vaudrait écrire quelque chose comme : « les projets de programme établis au titre de la coordination des politiques économiques des États membres de l'Union européenne. »
J'ai deux questions à poser au Gouvernement.
Premièrement, envisage-t-il de procéder à un débat simultané à l'Assemblée nationale et au Sénat ? Comme il ne peut y avoir d'amendements au texte transmis, point n'est besoin de faire débattre les deux assemblées successivement.
Deuxièmement, envisage-t-il, en fonction de la pertinence des observations des parlementaires, la possibilité de modifier son texte avant sa transmission au Conseil de l'Union ?
Vos suggestions sont évidemment séduisantes en termes d'agenda, cher Charles-Amédée de Courson, mais il nous semble que les avancées sont déjà suffisamment significatives : premièrement, chacun des pays de l'Union s'assure que l'exécutif associe le parlement national à un processus qui engage la nation sur des objectifs chiffrés ; deuxièmement, dans un système bicaméral comme le nôtre, priorité est donnée, sur les textes budgétaires, à l'Assemblée. Examiner ces projets de programme le même jour les apparenterait à une sorte de discours de politique générale, alors qu'il s'agit d'abord et avant tout de mieux associer le Parlement aux engagements du Gouvernement.
(L'amendement n° 32 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement rédactionnel, n° 10, de la commission des lois.
(L'amendement n° 10 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Monsieur le président de la commission des lois, puis-je considérer que vous avez déjà défendu l'amendement n° 11 ?
Oui. Nous proposons, par cet amendement qu'il y ait un débat, suivi d'un vote, avant la transmission à Bruxelles du programme de stabilité. Ce serait, dans un contexte législatif normal, une manière d'associer davantage le Parlement à l'élaboration de ce programme, dans l'optique du nécessaire renforcement de la coordination européenne.
Toutefois, même si une telle procédure revêt une grande importance, tout cela reste éminemment théorique. Je me demande même, depuis le début des débats, ce que nous faisons là, et je n'ai toujours pas la réponse. À quoi va servir notre discussion ? Quel sort sera réservé aux amendements et aux articles votés aujourd'hui ? Vous avez tout à l'heure encore, monsieur le ministre, contraint, dépouillé, mis à nu le pouvoir du Parlement, notamment en matière budgétaire.
Je me demande en particulier à qui nous nous adressons aujourd'hui. Certainement pas au peuple, alors que nous devrions le faire. Il ne s'agit que de « paroles verbales », éventuellement destinées à rassurer les marchés financiers, mais qui ne sont assorties d'aucun calendrier précis, d'aucune assurance quant à la convocation d'un futur Congrès. À quoi tout cela sert-il ?
Oui, monsieur le président.
Je ne suis pas certain qu'une disposition constitutionnelle soit nécessaire pour que les programmes de stabilité fassent l'objet d'un débat et, éventuellement, d'un vote du Parlement avant leur envoi à la Commission et au Conseil.
Cette procédure est extrêmement importante, car elle traduit l'association des parlements nationaux au processus de coordination des politiques budgétaires à l'échelle de l'Union européenne, et doit entraîner une implication plus forte des parlements nationaux dans les enjeux européens. Cependant, je ne suis pas certain qu'elle nécessite une révision constitutionnelle : nous avons eu une discussion lundi, sans que ce soit inscrit dans la Constitution.
En revanche, j'émettrai deux réserves sur les amendements présentés à cet article par la commission des finances et par la commission des lois.
D'une part, cette discussion doit être systématique et annuelle : il faut donc supprimer la mention « à la demande du Gouvernement ou d'un groupe parlementaire ».
D'autre part, je m'interroge sur la nécessité d'un vote sur le programme lui-même car, à ce stade préparatoire, ce serait engager de manière excessive le Parlement et donner une trop grande valeur à un document susceptible d'être remis en question par la suite. En pareil cas, le Parlement, lorsqu'il examinera la loi de finances définitive, sera obligé de revenir sur certains des éléments du programme de stabilité initial. Personnellement, il me paraît préférable de voter sur une résolution.
Défavorable.
Je voudrais une précision concernant les débats qui ont eu lieu en commission des affaires sociales.
Notre groupe est en désaccord avec le pacte de stabilité européen. Cela étant, puisque ce pacte existe, la moindre des choses est que le programme transmis par le gouvernement français – qu'il s'agisse de celui-ci ou, demain, d'un autre – soit d'abord présenté au Parlement national. Je suis favorable, à l'instar de notre collègue Garrigue, à ce qu'il y ait automatiquement débat et vote.
En effet, pourquoi ne l'organiser qu'à la demande d'une commission ou d'un groupe, monsieur le ministre ? En commission des affaires sociales, le président Méhaignerie nous a expliqué qu'un problème se poserait lors de l'année des élections présidentielle et législatives, c'est-à-dire tous les cinq ans : le débat et le vote sur la transmission de programme à la Commission européenne ne pourraient avoir lieu, compte tenu des échéances électorales. La même explication nous a été donnée lundi lors du débat préalable à la transmission par le Gouvernement du programme de stabilité à la Commission européenne.
En avril 2012, il n'y aura donc pas de débat ni de vote sur le programme de stabilité qui sera transmis, alors même que nous serons en pleine campagne électorale, c'est-à-dire dans une période où nos concitoyens s'interrogeront sur les propositions des différentes forces se présentant aux élections.
Au nom de mon groupe, je demande qu'il y ait un débat, suivi d'un vote, quitte à convoquer le Parlement une journée pour ce faire. Cela nous a pris deux heures lundi après-midi ! Le sujet mériterait davantage mais, même en période de campagne électorale, nous devrions être en mesure de consacrer deux heures à ce débat, afin d'éclairer nos concitoyens au moment où ils s'apprêteront à voter. Qu'ils sachent, au moins sur ces questions lourdes de conséquences sur les politiques qui seront ensuite mises en oeuvre, quel est le cadre d'ensemble !
(L'amendement n° 11 est adopté.)
La France, comme les autres pays de la zone euro, est tenue de présenter chaque année à Bruxelles un programme de stabilité qui est, en quelque sorte, une loi-cadre d'équilibre des finances publiques. Ce programme de stabilité retrace sur une durée de quatre ans l'évolution prévisible des recettes, des dépenses et, surtout, du solde, c'est-à-dire du déficit.
Le Gouvernement vient d'accepter que ce programme – qui doit obligatoirement être adressé à Bruxelles au printemps – fasse ici même l'objet d'une déclaration et d'un débat, ce que nous avons fait avant-hier. Ce point est très important.
Cependant, il se pose un problème d'articulation, en droit national, entre le programme de stabilité et la loi-cadre d'équilibre des finances publiques. Cela présente l'inconvénient de nous obliger à voter une loi-cadre chaque année – ce que propose l'amendement – et de nous faire basculer dans un système glissant, alors même que ce type de loi suppose de s'en tenir au « cadre ».
Tout à l'heure a été adopté un sous-amendement à un amendement de la commission des lois, renvoyant à la loi organique la définition des modalités de révision de la loi-cadre. À ce stade de notre réflexion, je me demande si nous ne devrions pas nous en tenir à ce dernier amendement. Cela résoudrait, me semble-t-il, le problème.
Bien qu'ayant défendu le présent amendement au cours d'une longue discussion que nous avons eue en commission des finances – tout comme le président de la commission, d'ailleurs, car l'idée est logique –, j'avoue être le premier ennuyé de conférer un caractère glissant à la loi-cadre, qui n'a pas vocation à être refaite chaque année.
J'approuve entièrement les propos du rapporteur général. Nous avons prévu une loi-cadre votée à la majorité simple et qui, dès lors qu'elle aura été votée, s'imposera aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale.
Je vous avouerai que nous nous étions même demandé, en commission, s'il ne fallait pas prévoir, pour modifier une loi-cadre, une majorité renforcée, partant du principe que remettre en cause un cadre fixé pour trois ans est un acte extrêmement grave.
Finalement, nous n'avons pas suivi cette logique et nous avons conservé la possibilité de modifier la loi-cadre. Le sous-amendement de la commission des finances adopté tout à l'heure indique que la loi organique prévoira les conditions d'une telle modification. C'est le bon équilibre. En tout état de cause, je suis, comme Gilles Carrez, tout à fait hostile à l'idée de modifier la loi-cadre chaque année : il n'y aurait alors plus aucun cadre.
L'intervention de Gilles Carrez est empreinte de sagesse. Peut-être ira-t-il même jusqu'à retirer son amendement ?
Nous nous en tiendrions alors à ce que nous avons adopté. Dans le cas contraire, je serais obligé d'émettre un avis défavorable.
Même avis que la commission des lois.
Les mots ont un sens : examiner une loi-cadre chaque année ne signifie pas forcément la modifier. Autant je peux comprendre que, dans la logique qui est la vôtre, vous redoutiez une modification annuelle, autant l'assimilation entre examen et modification me paraît abusive.
Supposons que le Parlement adopte, fût-ce par un vote qui n'engage pas la responsabilité du Gouvernement, un programme de stabilité sur une certaine période. Cette année-là, il y aura à la fois un programme de stabilité et une loi-cadre.
Si seul le programme de stabilité est examiné chaque année, il couvrira, dès la deuxième année, une période dépassant d'un an celle de la loi-cadre – et de deux ans l'année suivante. Êtes-vous certain qu'il sera rigoureusement cohérent avec la loi-cadre qui aura été votée ? Bien sûr que non.
La logique de l'articulation entre le programme de stabilité et la loi-cadre implique de demander au Parlement de voter chaque année une loi-cadre qui soit cohérente avec le programme de stabilité transmis à Bruxelles. À défaut, il existe un grand risque de divergence entre ce que les autorités françaises déclarent à Bruxelles et ce que vote le Parlement français.
Actuellement, le programme de stabilité dure quatre ans. Il serait donc tout à fait incohérent de faire une loi-cadre inférieure à cette durée. Reste que, même établie pour quatre ans, la loi-cadre devra être revue chaque année, sans quoi la quatrième année du programme de stabilité se retrouverait hors cadre dès la deuxième année.
La solution serait de faire des lois-cadres d'une durée supérieure d'au moins un an, voire de deux ans, à celle du programme de stabilité, c'est-à-dire couvrant une période d'au moins cinq ans, peut-être six.
Mais cela ne relève pas de la Constitution, et cela en relève d'autant moins que la durée du programme de stabilité est susceptible d'évoluer en fonction de décisions communautaires. La sagesse serait de renvoyer ce point à la loi organique et de retirer l'amendement n° 34 , si M. le rapporteur général en est d'accord.
Cette question n'est pas neutre, et l'amendement de Gilles Carrez me paraît tout à fait justifié. Si le programme de stabilité est lui-même pluriannuel, il est glissant puisque la procédure est reprise chaque année. Si l'on veut assurer la cohérence entre la loi-cadre et le programme de stabilité, il faut adopter l'amendement de Gilles Carrez, sous peine d'aboutir très vite à des divergences.
Le mieux serait qu'il n'y ait pas de loi-cadre d'équilibre des finances publiques. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.) Mais, puisque vous tenez absolument à ce qu'il y en ait une, faites au moins en sorte qu'elle soit cohérente avec le programme de stabilité. Pour cela, il faut que l'un et l'autre soient glissants.
En principe, je ne peux pas retirer un amendement adopté par la commission des finances. Je me rallie cependant à la position exprimée il y a quelques instants par Charles de Courson : mieux vaut renvoyer cette question à la loi organique.
Cela étant, je vais en profiter pour vous poser une question peu anodine, monsieur le ministre. Pour avoir une bonne articulation avec les programmes de stabilité, et pour que nos lois de finances ne tirent pas leur légitimité et leur fondement d'un document européen transmis à Bruxelles, c'est-à-dire du programme de stabilité, il faudrait que nos lois-cadres d'équilibre des finances publiques soient discutées au printemps, de sorte que les calendriers convergent.
Pas forcément tous les ans, monsieur le président, mais il faudrait au moins qu'ils coïncident.
C'est un peu le débat de la poule et de l'oeuf.
C'est aux philosophes que je m'adresse parce qu'on n'a jamais trouvé de réponse pertinente jusqu'à présent,…
…mais je ne doute pas que vous puissiez nous éclairer utilement et nous faire enfin progresser sur le chemin de l'humanité ou, en tout cas, sur la façon de faire les choses.
Est-ce le programme de stabilité qui arrive en premier ? Est-ce la loi-cadre ? Est-ce la loi-cadre révisée, sachant que, de toute façon, nous avons des rendez-vous annuels ? Pour ma part, je reste convaincu que, pour être efficaces, nous devons considérer qu'une loi-cadre n'a pas vocation à être révisée tous les ans, sauf à perdre sa puissance.
Second élément : nous devons aussi inscrire cette révision constitutionnelle dans la stratégie que nous avons fixée, qui a déjà deux années d'exercice, et qui est relativement puissante et se projette vers l'avenir. Les lois-cadres ne sont, je le rappelle, qu'une traduction constitutionnalisée des lois de programmation des finances publiques, déjà en activité. Le Parlement a voté une loi définissant des objectifs de réduction du déficit, loi qui tend à ramener ce dernier, par exemple, à 2 % en 2014.
Comme vous le voyez, nous avons déjà fait une bonne partie du chemin. C'est pourquoi, tout en comprenant qu'il soit difficile au rapporteur général de retirer un amendement voté par la commission des finances,…
..je trouverais plus sage qu'il le soit puisque, au fond, nous disons la même chose.
L'amendement peut parfaitement être retiré, mais il peut également être repris.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
Je ne suis pas certain que l'amendement puisse être retiré, monsieur le président, car il a été voté par la commission.
Réexaminer chaque année la loi-cadre ne veut pas dire la réviser. Si les pouvoirs publics veulent donner une réelle force à la loi-cadre, sa confirmation, année après année, lui donnera une force et une légitimité probablement supérieures à celles que lui conférerait son adoption une fois et une seule pour quatre ans. Donc, l'un et l'autre arguments peuvent parfaitement se défendre.
M. Garrigue a dit ce qu'il fallait. Il faut assurément qu'il y ait cohérence entre le programme de stabilité et la loi-cadre. Dès lors que le programme de stabilité est glissant, la loi-cadre le sera. C'est d'ailleurs la conclusion à laquelle était arrivé le groupe de travail Camdessus. Les quatre parlementaires avaient conclu, de manière unanime, que la loi-cadre devait être glissante, et en avaient convaincu la commission.
Si l'amendement a été repris, le débat ne reprend pas pour autant, monsieur Mallot.
(L'amendement n° 34 n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 65 .
Cet amendement se situe tout à fait dans le débat que nous venons d'avoir sur l'articulation chronologique.
Le rapporteur général vient de nous dire qu'il ne faudrait pas que la loi de finances tire sa légitimité d'un document européen et de proposer, pour éviter cela, que la loi-cadre soit examinée au printemps. Le ministre lui a répondu qu'il était indifférent que le programme de stabilité ou la loi-cadre soit adopté en premier.
Pour nous, cela a de l'importance, beaucoup d'importance. Si par malheur, vous parvenez à faire voter cette loi constitutionnelle, un gouvernement de gauche arrivant au pouvoir en 2012 se trouverait pris dans un véritable carcan,…
…entre le pacte « euro plus » qui définit le cadre d'une politique libérale se traduisant par la casse de toutes les protections sociales, et la constitutionnalisation de la loi-cadre à laquelle serait subordonné l'ensemble des lois de finances. Nous ne pourrions mener d'autre politique que celle imposée à la nation par la majorité d'aujourd'hui sur la base de ses choix politiques.
C'est pourquoi nous sommes opposés tant à cette constitutionnalisation qu'au fait que les textes européens soient examinés avant les orientations budgétaires définies par le Parlement. C'est le sens de notre amendement, que j'avais d'ailleurs défendu voici plusieurs mois sous la forme d'une proposition de loi.
Défavorable.
Je ne puis laisser dire ce qui vient d'être dit. L'existence des lois-cadres n'enlèvera rien à la liberté de la majorité de notre assemblée de choisir la politique qu'elle souhaite mener. En cas de changement de majorité, la nouvelle majorité modifierait simplement la loi-cadre et fixerait la politique qu'elle veut appliquer.
La seule obligation, c'est qu'il y ait une loi-cadre, c'est-à-dire d'afficher, pour une durée d'au moins trois ans, un certain nombre d'objectifs que l'on s'engage à respecter, tant dans les lois de finance que dans les lois de financement de la sécurité sociale.
Défavorable.
J'aurais souhaité intervenir sur l'amendement précédent mais, puisque vous me l'avez interdit, je vais le faire à l'occasion de cet amendement.
Comme nous parlons de calendrier, de saisons, je ne résiste pas à l'envie de vous faire partager le plaisir que j'ai à lire Alexandre Vialatte, disparu voici quarante ans cette année.
« Le printemps, écrit-il, est l'une des saisons les plus célèbres de l'année. (Sourires.) Il date des temps les plus lointains. Moïse le mentionne plusieurs fois. Les pharaons en tenaient soigneusement compte. »
Il ajouterait aujourd'hui, à n'en pas douter, que c'est le mois où l'on vote les lois-cadres d'équilibre des finances publiques.
Le président de la commission des lois fait valoir qu'une nouvelle majorité pourra changer une loi-cadre. Certes. Mais, quand il y a un changement de majorité, il y a, en général, une session extraordinaire en juillet. Comme il faudra voter une nouvelle loi-cadre avant de pouvoir voter une nouvelle loi de finances et une nouvelle loi de financement de la sécurité sociale, le nouveau gouvernement sera ralenti dans ses possibilités de réformes et de changements. C'est bien ce que vous voulez, et que nous refusons.
Je vous donne acte, madame Billard, qu'il y a une divergence de fond entre nous, liée à la prise en compte de la dégradation des finances publiques qui porte la dette publique à 1 600 milliards d'euros.
La responsabilité, aujourd'hui, c'est d'afficher une loi-cadre, c'est-à-dire une orientation pour les finances publiques sur trois ans au moins.
La responsabilité, c'est de rétablir les recettes et de mettre fin aux cadeaux que vous faites à vos copains !
Si vous estimez qu'un gouvernement n'a pas à s'occuper de donner une telle orientation, nous sommes en complet désaccord et je ne peux que vous en donner acte.
Vous menez une politique pour les riches. Pas nous !
(L'amendement n° 65 n'est pas adopté.)
(L'article 12, amendé, est adopté.)
Au moment où notre débat approche de son terme, je voudrais faire deux observations.
Premièrement, au cours de notre discussion, dont je ne doute pas que chacun, moi y compris, ait saisi toute sa subtilité (Sourires), j'ai cru déceler, à certains moments, une forme de scepticisme, résultant du raisonnement selon lequel, comme il n'y a pas de majorité pour voter cette réforme constitutionnelle au congrès, celle-ci va tomber à l'eau.
Or, je rappelle qu'il suffit, pour un texte constitutionnel, d'être voté en termes identiques par les deux assemblées pour rester au frigidaire, prêt à être adopté par le Congrès. Le quinquennat qui a été voté en 2000 est le texte qui avait été voté par l'Assemblée en 1972 !
Par conséquent, si le présent texte ne peut réunir, sous cette législature, la majorité des trois cinquièmes lui permettant d'être adopté par le Congrès, il pourra, dès lors qu'il aura été voté par l'Assemblée nationale et par le Sénat en termes identiques et à la majorité simple, être repris à tout moment par un gouvernement pouvant tabler sur une majorité des trois cinquièmes.
Deuxième observation : depuis le début de notre séance de nuit, qui a commencé à vingt et une heures trente, ce qui fait maintenant deux heures cinquante, la France a emprunté 65 millions d'euros puisque, comme vous le savez, nous empruntons, toutes les heures, 23 millions d'euros.
J'écoute toujours avec beaucoup d'intérêt ce que dit M. Dosière, mais il serait plus crédible, de même que les députés de son groupe, si, lors de l'examen de la dernière loi de finances, ils n'avaient cessé de demander, budget après budget, mission après mission, une augmentation des crédits. À les entendre, il fallait plus d'argent pour l'intérieur, pour la justice, pour la police, pour l'éducation nationale, pour la recherche, pour l'enseignement supérieur. On ne peut pas venir se plaindre de la dette après avoir proposé, au moment de l'examen de la loi de finances, plus de dépenses tous azimuts ! Si vous voulez acquérir de la crédibilité, messieurs de l'opposition, il faut mettre un peu de cohérence dans vos discours !
Je rappelle au président Warsmann que nous avons systématiquement déposé des amendements de recettes. Que ce soit sur les lois de finances, sur les lois de finances rectificatives ou encore sur la question des retraites, nous n'avons eu de cesse de proposer de nouveaux financements, des dispositions d'ordre financier ou fiscal, ou encore des mesures relatives aux cotisations sociales. qui nous auraient permis de faire tout le contraire de ce que vous avez fait.
C'est bien beau de larmoyer sur les 1 600 ou 1 800 milliards de dettes de notre pays, mais n'oubliez pas nos interventions au début de la discussion de ce texte : nous vous avons démontré que, si le déficit résultait pour partie de la crise – mettons pour un tiers –, il était essentiellement dû, pour le reste, au fait que vous avez baissé les recettes.
Nous avons toujours eu le sens des responsabilités, monsieur Warsmann. Nous avons toujours assorti nos propositions de dépenses supplémentaires de propositions de recettes supplémentaires.
Permettez-moi un mot rapide pour apaiser les songes obscurs de M. Dosière et lui permettre de dormir calmement. Les fonctionnaires de l'Agence France Trésor ne travaillent pas la nuit. Il n'y a donc pas eu d'endettement supplémentaire depuis le début de notre séance de ce soir. (Sourires.)
Je suis saisi d'un amendement rédactionnel, n° 12, deuxième rectification, de la commission des lois, qui fait l'objet d'un sous-amendement de coordination, n° 82, de la commission des finances.
(Le sous-amendement n° 82 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
(L'amendement n° 12 , deuxième rectification, sous-amendé, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 59 .
Mes chers collègues, nous tenons le bon bout !
Cet amendement a pour objet de fixer une date limite pour l'entrée en vigueur des diverses dispositions organiques auxquelles renvoie le présent projet de loi constitutionnel.
En effet, il apparaît que des projets de loi organiques, tels celui relatif au Défenseur des droits ou celui relatif au référendum d'initiative populaire, ont été présentés en conseil des ministres et soumis au Parlement plus de deux après la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Cet amendement a pour but d'éviter ce genre de situation.
Défavorable.
Si M. le ministre s'engageait à ce que les délais d'entrée en vigueur des dispositions organiques soient plus courts, je serais prêt à le retirer.
(L'amendement n° 59 n'est pas adopté.)
(L'article 13, amendé, est adopté.)
Nous avons achevé l'examen des articles.
Je rappelle que la Conférence des Présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi constitutionnel, auront lieu le mardi 10 mai, après les questions au Gouvernement.
J'ai reçu, en application des articles L.O. 176 et L. 179 du code électoral, une communication de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, en date du 4 mai 2011, m'informant du remplacement de notre regrettée collègue Françoise Olivier-Coupeau, députée de la cinquième circonscription du Morbihan, par M. Gwendal Rouillard.
Prochaine séance, jeudi 5 mai, à neuf heures trente :
Projet de loi fixant le nombre des conseillers territoriaux.
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 5 mai 2011, à zéro heure trente.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma