Deux types de lois vont être soumises, si cette réforme est adoptée, au contrôle du Conseil constitutionnel : les lois-cadres, d'une part ; les lois de finances et de financement de la sécurité sociale, d'autre part.
La loi-cadre sera donc soumise au contrôle du Conseil constitutionnel alors même qu'il ne s'agit pas d'une loi organique, et que rien n'obligeait à ce que l'on prévoie cette saisine et cet examen. J'aimerais en comprendre les raisons. S'agit-il, pour le Conseil, de vérifier que la loi-cadre répond à une série de paramètres qui pourraient être définis par la loi organique ? La loi-cadre doit-elle faire référence au prix du baril et à l'estimation de celui-ci pour l'année qui vient, voire pour les deux ans, les trois ans, les quatre ans qui viennent ? Exercice délicat ! Doit-elle comporter des prévisions d'inflation, non seulement pour l'année, mais aussi pour les suivantes ? Doit-elle prévoir une estimation de la parité entre l'euro et le dollar ? Doit-elle prévoir une évolution de la masse salariale, notamment de l'État ?
Bref, s'agit-il, pour le Conseil constitutionnel, d'un contrôle notarial, vérifiant que les éléments énoncés par la future loi organique sont bien présents ? Si tel est le cas, la saisine du Conseil est peut-être inutile : son rôle n'est pas de vérifier, ligne à ligne, que des éléments devant figurer dans cette loi y figurent bien. La saisine simple, par soixante députés ou soixante sénateurs, qui pourraient estimer que tel n'est pas le cas, y suffirait largement.
Ou bien, et c'est un peu ce que je crains, le contrôle effectué par le Conseil constitutionnel sur cette loi-cadre reviendra, pour celui-ci, à vérifier la validité des hypothèses économiques qu'elle contient, et qui vont conditionner les lois de finances et de financement de la sécurité sociale. S'agit-il de cela, monsieur le ministre ? Et si tel est le cas, estimez-vous que c'est la fonction du Conseil constitutionnel, et qu'il en a les moyens ? Est-il destiné, à supposer qu'il en soit capable, de jouer un rôle qui consiste ni plus ni moins qu'à exercer un contrôle de constitutionnalité sur des hypothèses économiques du Gouvernement, responsable devant le Parlement, et du seul Gouvernement, responsable devant le seul Parlement ?
En soumettant cette loi-cadre au contrôle de constitutionnalité, ou bien on réduit le Conseil constitutionnel à exercer un contrôle notarial – il vaut mieux que cela –, ou bien on lui demande de valider des hypothèses économiques qui relèvent en fait de la prérogative du pouvoir politique. Et je ne crois pas que ce soit le rôle de cette instance supérieure.